Département des recherches des Huileries du Congo belge. (HCB-PLC) A.-B ERGO

Les Huileries du Congo belge, créées en 1911, faisaient partie du Groupe Unilever et, plus particulièrement d'une importante division, le Plantations’ Group, chapeautant toutes les plantations du groupe dans différents pays du monde (Ghana, Nigeria, Cameroun, Congo belge, Malaisie, îles

Salomon...), plantations relatives à différentes plantes industrielles comme le palmier à huile, l'hévéa, le caféier et le cacaoyer, le bananier, le cocotier et plus tard le théier.

La convention que les HCB signent avec l'état belge les forcent à réaliser un travail de pionnier dans quatre domaines qui servira de modèle aux autres compagnies concessionnaires : - une étude essentiellement agronomique sur la rationalisation de l'exploitation des palmeraies subspontanées et sur la mise en plantation de palmiers sélectionnés ; - deux études techniques, la première concernant les méthodes d'extraction de l'huile de palme et le traitement des palmistes, et la seconde les méthodes appropriées de transport et de stockage dans les conditions particulières du Haut-Congo ; - une étude économique des marchés et des débouchés des produits du palmier Elaeis.

Cette note concerne exclusivement l'aspect agronomique de la mise en valeur des palmeraies subspontanées et la réalisation des plantations de palmiers sélectionnés. Il faut savoir que les palmeraies subspontanées sont un mélange anarchique de palmiers de tous âges croissant généralement dans une végétation luxuriante composée de recru forestier et parfois d'arbres d'autres espèces. Le travail des premiers planteurs consiste à éliminer le recru, les palmiers trop âgés et les petits palmiers non productifs et d'essayer de garder, entre les palmiers restants qu’il faut toiletter, une distance suffisante pour avoir entre eux une compétition minimale. Travail très

onéreux pour un pauvre résultat aléatoire.1 Quant aux premières plantations réalisées, elles le

seront au moyen de petits palmiers poussant aux pieds des grands en empruntant les connaissances phytotechniques des planteurs de Sumatra, quant à la protection des sols (plantes de couverture) et l'espacement entre les palmiers. Pour le choix des petits palmiers à planter, on se fiera aux noms vernaculaires des variétés reconnues par les autochtones (Mohei, Lisambo, Futshi, Mpei, Dze; etc.), selon la région des prélèvements.

Les chimistes de Leverville, sous la conduite de Montague Dyke, feront les premières recherches durant 5 années (1919-1924) sur les palmiers individuels d'un bloc d'un hectare d’une palmeraie subspontanée aménagée. Ils mettront en évidence: - la croissance du poids des régimes avec l'âge ; - la croissance du rendement global avec l'éclaircie pratiquée (de 220 à 180 palmiers/hectare) ; - l'effet des saisons sur les teneurs en huile (diminution pendant la saison sèche) ; - la variation individuelle des composants du régime par palmier (péricarpe de 25,8 à 56,4% pour des dura, jusque 83,4% pour les palmiers à coque mince) ; - les fruits récoltés sur les régimes sont indépendants pour leur nature du type de pollen qui a fécondé l’inflorescence - la variation de la teneur en eau du péricarpe (dessiccation des fruits détachés) ; - la constante approximative (huile + eau) ; - et la relative constance du pourcentage moyen en huile du péricarpe.

Entretemps, les services agricoles de la colonie créent la Régie des plantations et deux stations expérimentales (Gazi et Ganda Sundi). Les ingénieurs Ringoet et Miny sont envoyés en voyage d’études aux Indes néerlandaises pour y apprendre la phytotechnie de l’élaéiculture pratiquée là-bas. Les notes qu’ils ramènent et partagent constituent un vrai mémento du planteur, elles concernent :

- le défrichement des terrains ; - les techniques de pépinières et le repiquage : - la plantation définitive ; - l’entretien des plantations ; - la taille des feuilles ; - les maladies et insectes attaquant le palmier Elaeis ; - la récolte des régimes.

Ces différents points vont être étudiés pour les conditions écologiques du Haut-Congo relativement différentes de celles des Indes néerlandaises et toute la profession va chercher dans la masse des palmeraies subspontanées (Equateur, Sankuru, Yangambi, Kasai, Kwango) quelques palmiers d’élite (entre autres les Mohei de Gazi et les Djongo d’Eala,…) dont les graines feront l’objet d’un planting en 1924 à Yangambi (plantation de la Rive).

Un protocole type d’analyse (celui que le Département des Recherches des HCB utilisera partiellement plus tard, (en italique) dans la poursuite des travaux des chimistes de Leverville, sera établi et appliqué durant trois ans pour tous les régimes des palmiers de La Rive :

- nombre de régimes par année ; (nombre de régimes) - poids des régimes ; (poids des régimes) - poids des rafles ; - poids et nombre de fruits avortés : - poids et nombre de fruits internes et périphériques ; (poids des fruits) - poids de la pulpe en % du poids des fruits ; (% de pulpe/poids des fruits) - poids des coques en % du poids des fruits ; (calcul épaisseur de la coque) - poids des amandes en % du poids des fruits ; (% des amandes/poids des fruits) - poids de l’huile en % du poids des fruits (% d’huile/poids de la pulpe)

Les meilleurs palmiers de la Rive, après ces analyses, seront multipliés à Yangambi dans les plantings de 1927, 1929 et 1930. Les plantations des HCB après ces dates utiliseront des graines provenant de ces plantings.

En 1933 l’INEAC est créée et une division du palmier à huile est mise en place avec Beirnaert comme chef de division et Vanderweyen et Henry comme assistants. La plus grande découverte des chercheurs de cette division avant la seconde guerre mondiale est l’hybridisme de la variété Tenera de l’Elaeis qui va révolutionner l’élaéïculture africaine.

En 1945, on découvre dans les palmeraies des HCB au Kwango de nouveaux types d’infections mycologiques sur certains palmiers, notamment une fusariose de la flèche, le Patch Yellow des Anglo-Saxons. Mais le professeur Wardlaw de l’Université de Manchester, conseiller scientifique des HCB, détermine une autre fusariose, létale pour le palmier, que les chercheurs de l’INEAC appelleront Trachéomycose et les scientifiques anglais Wilt, faisant référence à la fanaison des feuilles. Cette découverte qui peut avoir des conséquences économiques graves incite le conseiller scientifique du Plantations’ Group, S. de Blank, à créer un département des recherches aux HCB dans la zone où la maladie fut découverte, la plantation de Brabanta et de placer à sa tête un ancien chercheur de l’INEAC, le Dr. de Poerck. Mais la décision a déjà été prise de créer une entité de recherches à édifier à côté de la plus jeune plantation industrielle des HCB, à Yaligimba, sur la route Congo-Nil près de l’Itimbiri. Le transfert s’effectuera après la construction à Yaligimba de maisons pour les chercheurs et d’une maison de passage, des bureaux, d’un laboratoire, de différents magasins, d’une power house et d’un camp pour les travailleurs. Des contacts seront pris avec l’INEAC pour installer une station de climatologie de second ordre, de larges espaces seront dégagés pour l’établissement de pépinières, un bloc de 100 hectares (bloc 90) sera réservé, en plantation, pour l’établissement d’un champ

généalogique.

Maison d’agent au Département des recherches HCB Yaligimba

L’aménagement dans le nouveau quartier à Yaligimba aura lieu vers 1952 avec un nouveau directeur (Ferwerda) et une équipe de chercheurs plus étoffée, occupée dans 4 sections aux travaux bien définis : une section agronomie, une section de phytopathologie, une section de sélection et un laboratoire d’analyses. 1952-1960 est incontestablement la période la plus fructueuse en travaux de recherches à Yaligimba. Pendant cette période, les chercheurs ont des contacts fréquents avec la division du palmier à huile de l’INEAC, des réunions communes qui ont fait l’objet de rapports.

L’équipe des recherches HCB vers 1958 entourant le research advisor S. de Blank.

Le laboratoire est au cœur de toutes les recherches : analyses mécaniques et chimiques des sols

et analyses foliaires pour les sections agronomie et sélection, avec utilisation de radioïsotopes ; préparation des milieux de culture et microphotographies pour la section phythopathologie ; extractions d’huile sur pulpe au moyen de soxhlets pour la section sélection. Il gère le stock des produits chimiques nécessaires aux analyses. Mais il travaille également pour toutes les plantations HCB notamment pour les analyses foliaires sur les 4 cultures (Elaeis, Cacaoyers, Hévéa et Théiers) et les analyses des sols dont il réalise et conserve la cartographie.

La section agronomie réalise la récolte, l’entretien, l’application des traitements (comme la castration ou l’application d’engrais), l’analyse statistique et l’échantillonnage foliaire dans toutes ses expériences. Elle étudie les rapports entre la climatologie et la production chez le palmier. Elle réalise des mensurations phénologiques et étudie la croissance des palmiers. Elle gère la station d’agroclimatologie et la bibliothèque scientifique. Après 1960, elle aura des chercheurs détachés en permanence dans les plantations de Gwaka et Mokaria (Hévéas et Cacaoyers). C’est dans cette section qu’on trouve le plus grand nombre de travailleurs. La section agronomie organise toute une série d’expériences relatives aux pépinières à Yaligimba (Yal 10, 13, 14, 15) et à Brabanta (Brab 7) et des expériences relatives au replanting, à Brabanta, (Brab 1, 49) Yaligimba (Yal 12) et Elisabetha. (Elis 3, 4). Dans chaque plantation on trouvera des expériences engrais de longue durée sur jeunes et sur vieux palmiers (N, P, K, Mg), dont les résultats décideront annuellement des applications d’engrais futures. Les designs statistiques sont décidés en accord avec Londres. Des expériences engrais sont également programmées sur les autres cultures.

Étude du système radiculaire (Elaeis)

La section Phytopathologie gère un laboratoire particulier en collaboration avec la section sélection. Elle étudie les différentes maladies des 4 cultures et les remèdes à y rapporter. Elle réalise des tests de résistance en prépépinières et en pépinières (notamment pour le wilt) et conserve les différentes souches d’inoculum dont elle renouvelle les cultures régulièrement. Pour la section sélection, elle conserve la collection de pollens et pratique des contrôles de germination de pollen (eau sucrée) et aussi des contrôles sur la viabilité des germes des graines pour la vente. (Tetrazolium tests). Sur Hévéa, elle s’intéresse particulièrement au Bruin Binnen Bast et aux arrêts accidentels d’écoulement du latex dus à la stimulation.

Palmier malade (wilt)

Progression du champignon dans les racines. Wilt.

Helminthosporiose sur feuille d’hévéa.

Wilt test Carpophores Ganoderma lucidum

La section sélection comporte deux types de travaux différents : la production de graines pour les extensions des HCB ou les replantings et pour la vente à des tiers et le travail d’amélioration des qualités du palmier, croissance, caractères de production, précocité des récoltes, tolérance aux maladies. Pour la production de graines, la section possède 120 semenciers Dura d’élite dans la plantation et quelques Pisifera pour la collecte du pollen. Les travaux d’amélioration sont réalisés au départ des collections de palmiers de toutes origines, introduites dans le champ généalogique (Malaisie, Pindi, Dabou, Melanoccoca, …). Les palmiers intéressants sont observés durant trois années consécutives pour leur récolte (analyse de chaque régime) et leurs qualités physiques (notamment le LAI, indice de surface foliaire) et, s’ils ont fait l’objet de

croisements d’amélioration, les performances de leurs descendances sont également observées. La section possède un laboratoire d’analyse des régimes, elle collecte également le pollen des fleurs mâles et pratique de très nombreuses fécondations artificielles. Les germinations ont été réalisées dans un premier temps suivant la méthode INEAC et ensuite dans un germoir électrique de type Waifor. La section sélection contrôle également les pépinières relatives aux croisements améliorants et aux introductions ; elle réalise l’entretien et la récolte des palmiers du champ généalogique. Le travail administratif relatif aux semenciers d’élite est assez important comme celui de la gestion du magasin de graines.

Elaeis melanoccoca

Germoir électrique type WAIFOR.(hauteur 2,1m)2

Le département des recherches gère également un camp de travailleurs (140) et une petite cantine. Pour tous les autres problèmes (salaires, hôpital, charroi, scolarité des enfants, etc.) il dépend des services de la plantation de Yaligimba.

En 1960, la plupart des chercheurs démissionnent (sauf 2 chercheurs belges) et une nouvelle

équipe est engagée. On crée pour le nouveau directeur une section physiologie. Le staff des recherches se compose alors de : Bolle-Jones, directeur et Sokolsky (Physiologie), Westerhout et Bruier-Desmedt (Agronomie), Wybenga et Dugardin (Laboratoire), Duff (Phytopathologie), Ergo avec un assistant Bungubetshi (Sélection et production de graines). Dans la plantation de Mokaria, Chaves (Agronomie) et dans celle de Gwaka, Coursier (Agronomie). Cette équipe sera en place jusqu’en août 1964, date de l’abandon de Yaligimba suite à la rébellion muléliste, elle ne pourra jamais exprimer la totalité de ses compétences. À la réoccupation de Yaligimba en 1965, le laboratoire saccagé sera définitivement abandonné, et la recherche réduite sera organisée différemment dans d’autres lieux.

Réception au Département des recherches, mai 1964. 1. Bolle-Jones directeur (Physiologie) 2. Westerhout (Agronomie), 3 Duff, (Phytopathologie), 4. Wybenga,(Laboratoire) 5. Dugardin,(Laboratoire) 6. Ergo, (Sélection) 7. Chaves (Mokaria), 8. Bruier-Desmedt (Agronomie).Les autres personnes sont les agents de la plantation de Yaligimba.

Publications des chercheurs des HCB.-PLC

Ferwerda, J.D. Questions relevant to replanting in oil palm cultivation. 1955, Proefschrift Wageningen,

101 p. Hemptinne, J., Ferwerda, J.D. Influence des précipitations sur les productions du palmier à huile.

1961, Oléagineux, n°6, pp 431-437. Broeshart, H., Ferwerda, J.D., Kovachich, W.G. Mineral deficiency symptoms of the oil palm. 1957,

PL.Soil n°8, pp289-300. Ferwerda, J.D. Boron deficiency in the oil palms in the Kasai region of the Belgian Kongo. 1954 Nature

CLXXIII 4414, p1907. Ferwerda, J.D. Germination of the oil palm seeds. 1956, TROP. AGRIC, n°1 Ferwerda, J.D. Replanting of oil palms. 1955, TROP.AGRIC, n°1. Duff, A.D.S. The bud rot little leaf disease of the oil palm. 1963, J. WAIFOR, n°14, pp176-190. Duff, A.D.S. Cercospora elaeidis STEY. and the oil palm. 1970, Oléagineux, n°6, pp 329-332. Duff, A.D.S. Bud rot disease of the oil palm. 1962, Nature 195, p 919. Ergo, A.-B. L’emploi du diagnostic foliaire dans la détermination de la fumure de l’Elaeis. 1963, Le Cactus

n°1, pp 10-11. Ergo, A.-B. Prospection et sélection du palmier à huile. 1964, Le Cactus n°2, pp 10-11. Dugardin, J. Instructions pour l’échantillonnage des feuilles de palmiers destinées à l’analyse foliaire.

Département des recherches Huilever Yaligimba. Stencil , 8p. Kovachich, W.G. Some diseases of the oil palm in the Belgian Congo. 1957, J. WAIFOR n°7, pp221-229. Kovachich, W.G. Cercospora elaeidis leaf spot of the oil palm. 1954, Trans. of Br. Myc. Soc. Vol 37 n° 3,

pp 209-212. Kovachich, W.G. Three leaf diseases of young oil palms associated with helminthosporium. 1957, Trans.

of Br. Myc. Soc. Vol 40, pp 90-94. Kovachich, W.G. Leaf disease of oil palm (Elaeis guineensis) caused by Helminthosporium var. elaeicola

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Trinidad XXIX n° 4-6, pp 107-114. Kovachich, W.G. Little leaf disease of the oil palm in the Belgian Congo (part II). 1953. Trop. Agric.

Trinidad XXX n° 1-3, pp 61-69. Kovachich, W.G. Abnormal roots in the oil palms in the Belgian Congo. 1952, Trop. Agric. Trinidad XXIX

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27 n°4-6, pp 95-97. Wardlaw, C.W. Vascular wilt disease of the oil palm caused by Fusarium oxysporum. 1950, Trop. Agr.

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1. À titre indicatif : une palmeraie subspontanée aménagée de 2.000 hectares au Kwango a donné les rendements suivants en Kg de fruits par hectare : 500 Kg après 2 ans, 800 kg après 3 ans, 1250 Kg après 4 ans, 1400 Kg après 5 ans, 1600 Kg après 6 ans et 1750 Kg après 7 ans.

2. Ce germoir de type WAIFOR est une avancée capitale en ce qui regarde la germination des graines d’Elaeis qui peuvent être vendues prégermées avec l’avantage qu’elles peuvent germer toutes en une seule semaine.