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Dire l’amour, de l’Antiquité à nos jours Anthologie Livret pédagogique correspondant au livre de l’élève n° 91 établi par Frédérique Lambert, agrégée de Lettres modernes, professeur en collège

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Dire l’amour, de l’Antiquité à nos jours

Anthologie

L i v r e t p é d a g o g i q u e

correspondant au livre de l’élève n° 91

établi par Frédérique Lambert,

agrégée de Lettres modernes, professeur en collège

Sommaire – 2

S O M M A I R E

R É P O N S E S A U X Q U E S T I O N S . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3  Poème d’Ovide (pp. 17-18) ................................................................................................................................................................... 3  Poème de Dante (pp. 27-28) ................................................................................................................................................................. 5  Poème de Charles d’Orléans (p. 32) ....................................................................................................................................................... 7  Poème de Joachim Du Bellay (pp. 35-36) .............................................................................................................................................. 9  Poème de Jean de La Fontaine (p. 47) ................................................................................................................................................. 10  Poème de Victor Hugo (p. 56) ............................................................................................................................................................. 13  Poème de Pétrus Borel (pp. 61 à 64) ................................................................................................................................................... 14  Poème de Paul Verlaine (p. 71) ........................................................................................................................................................... 16  Poème de Guillaume Apollinaire (pp. 79-80) ...................................................................................................................................... 17  Poème de Louis Aragon (p. 85) ........................................................................................................................................................... 18  Retour sur l’œuvre (pp. 93-94) ............................................................................................................................................................ 20  Réponses aux questions du groupement de textes (pp. 109 à 117) ..................................................................................................... 21  Réponses aux questions de lecture d’images (pp. 118 à 123) .............................................................................................................. 23  

P R O P O S I T I O N D E S É Q U E N C E S D I D A C T I Q U E S . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 8  

E X P L O I T A T I O N D U G R O U P E M E N T D E T E X T E S . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 9  

P I S T E S D E R E C H E R C H E S D O C U M E N T A I R E S . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 0  

B I B L I O G R A P H I E , W E B O G R A P H I E C O M P L É M E N T A I R E S . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 1  

Tous droits de traduction, de représentation et d’adaptation réservés pour tous pays. © Hachette Livre, 2016. 58, rue Jean Bleuzen, CS 70007, 92178 Vanves Cedex. www.hachette-education.com

Dire l’amour, de l’Antiquité à nos jours – 3

R É P O N S E S A U X Q U E S T I O N S

P o è m e d ’ O v i d e ( p p . 1 7 - 1 8 )

◆ Avez-vous bien lu ? u Le poète s’adresse à une femme aimée. Ce qui le prouve, ce sont le mot « prière » en introduction du poème, le vocatif « Ô », forme traditionnelle d’adresse dans une prière, et les pronoms de 2e personne « toi » et « t’ » qui répondent aux pronoms de 1re personne utilisés pour désigner le poète. On relève aussi les possessifs « ton » et « ta », les impératifs comme « accueille » et « Laisse-moi », le possessif « nos » qui désigne l’union du poète et de sa bien-aimée en fin de poème. v Le poète se heurte à sa pauvreté et à la modestie de sa lignée, selon les vers « Si d’illustres aïeux ton amant n’est point né, / Un chevalier étant son père ; / Si d’un riche domaine il n’a pas les douceurs / Et doit avec peu se suffire ». Il promet à sa bien-aimée le recours divin, le soutien des dieux dans cet amour : « Qu’il ait pour répondants Phébus et les neuf Sœurs, / Bacchus et l’Amour qui l’inspire ». En outre, il promet un comportement vertueux à sa bien-aimée, comme le montre le lexique des vertus morales : « Et ses mœurs sans reproche et sa fidélité, / Sa pudeur et son innocence. / Loin de lui mille amours ! toi seule, en vérité, / Seras l’objet de sa constance. » Enfin, le poète promet une renommée éternelle à sa bien-aimée grâce à la poésie, ce qu’illustrent les champs lexicaux de la poésie, de la gloire et de l’éternité dans les vers suivants : « Laisse-moi te chanter, et mes œuvres toujours / Porteront ta divine empreinte » ; « Belle, ainsi nos deux noms, tendrement confondus, / Vivront à jamais dans le monde ! ». w Le poète exprime l’idée d’un amour absolu, d’un idéal de l’amour dévoué, voire sacrificiel pour la bien-aimée. Il affirme une dévotion pareille pour la poésie. Amour d’une femme et amour de la poésie se confondent, la femme aimée étant érigée en muse, en inspiratrice, mais aussi en destinataire et bénéficiaire. La poésie permet d’obtenir une gloire éternelle, comme le signifient les derniers vers : « Grâce aux vers on admire Io, que veille Argus, / Et Léda, qu’un cygne féconde ; / Par eux célèbre encore est la sœur de Cadmus, / Qu’un Dieu taureau ravit sur l’onde : / Belle, ainsi nos deux noms, tendrement confondus, / Vivront à jamais dans le monde ! » C’est donc le plus beau présent qu’un homme puisse faire à une femme que celui de lui donner une immortalité glorieuse par la poésie.

◆ Étudier la mythologie x Fiches d’identité des personnages mythologiques cités.

Vénus Déesse latine de la Beauté et de l’Amour. Phébus et les neuf Sœurs

Nom latin du dieu Apollon, « le Brillant », qui désigne aussi le Soleil. L’expression « Phébus et les neuf Sœurs » est une périphrase poétique appliquée au système solaire (composé du Soleil et de 9 planètes).

Bacchus Nom latin de Dionysos, dieu de la Vigne et du Vin, des Extases et des Mystères. Amour Allégorie, représentation latine du dieu de l’Amour, Cupidon. Parque Divinité romaine de la naissance et de la mort. Io Dans la mythologie grecque, Io est une jeune femme séduite par Zeus. Sa femme, la déesse Héra, jalouse de cette infidélité,

transforma Io en génisse. Argus Dans la mythologie grecque, Héra a chargé Argus, qui a cent yeux, de garder la génisse Io. Léda Dans la mythologie grecque, Léda est séduite par Zeus et en a deux enfants : Hélène et Pollux. Cadmus Dans la mythologie grecque, Cadmus fonde la cité de Thèbes, après une longue quête pour retrouver sa sœur Europe enlevée

par Zeus. Dieu taureau Zeus se métamorphosa en taureau pour enlever Europe, la sœur de Cadmus.

Ces références mythologiques nous apprennent donc que les histoires d’amour abondent dans l’Olympe et le Parnasse et qu’il est de nature divine d’aimer, car l’amour régit le monde et les inventions humaines nées de l’inspiration, qui provenait, selon les Grecs, de l’amour. Ces références mythologiques déifient également l’amour et en font lui-même une puissance mythologique, surnaturelle. Elles font du poème une déclaration fabuleuse au sens propre comme au figuré. Autrement dit : l’amour est l’origine de toute fable, de tout discours poétique, mais son pouvoir a quelque chose de surnaturel, qui permet aux hommes de se sentir des dieux. Ces références montrent aussi le pouvoir de la poésie, capable de transcender le temps, comme les dieux. U Ce poème, qui est une déclaration ou une demande en mariage, s’inscrit dans le registre de la plainte, c’est-à-dire élégiaque, pour mieux séduire la bien-aimée à laquelle il s’adresse. Ce registre est

Réponses aux questions – 4

dérivé du nom de l’élégie, poème lyrique exprimant un deuil ou un amour malheureux. C’est un ton plaintif déplorant la disparition de l’amour par la mort ou la séparation. Le ton élégiaque est souvent très touchant pour les sentiments profonds qu’il dévoile, suscitant la pitié ou la compassion du lecteur (cf. pp. 100-101 du dossier). Ici, il ne s’agit pas d’un amour perdu, mais d’un amour qui pourrait bien ne pas être et qui est évalué à l’aune de l’éternité poétique. La mort est, en quelque sorte, inscrite au cœur de cet amour. Le poète déplore, ici, son mauvais sort mortel (pauvreté, naissance) et emploie le mot « plainte ». Il recourt également au lexique religieux, avec le mot « prière », l’invocation et les nombreux dieux cités que, d’une certaine façon, il appelle à son secours. Enfin, l’expression personnelle de sentiments douloureux qui caractérise le lyrisme de la tristesse est bien présente, le poète affirmant humblement ses souffrances intimes, ses espoirs, ses craintes, son amour potentiellement incompris. Mais on trouve aussi le registre du lyrisme heureux, puisque le poète manifeste son espoir et la plénitude de son amour : « Ô toi qui sus hier me charmer, / Aime-moi bien lorsque je t’aime. »

◆ Le style élégiaque V Ce poème est composé en distiques, par groupes de 2 vers. Le distique élégiaque est, dans l’Antiquité, le mètre essentiel de l’élégie. Le 1er vers du distique compte 6 syllabes rythmées de façon précise (hexamètre dactylique) et le 2nd 5 syllabes rythmées de même (pentamètre dactylique). Le rythme dactylique est composé de syllabes longues ou lourdes (–) et de syllabes brèves ou légères (U). Son schéma est le suivant : – U U | – U U | – U U | – U U | – U U | – U. On le traduit aisément en alexandrin dans la langue française. Chaque distique est une unité de sens et s’apparente presque à un couplet. Ainsi, la traduction en français rend les distiques d’Ovide en vers dont le premier mesure 12 syllabes (alexandrin ou dodécasyllabe) et le second 8 syllabes (octosyllabe) : « Prière juste : ô toi qui sus hier me charmer, (12 syllabes) / Aime-moi bien lorsque je t’aime. (8 syllabes) / Est-ce trop ? Permets-moi seulement de t’aimer, (12 syllabes) / Et je louerai Vénus de même. (8 syllabes) » W Les rimes sont ici croisées, selon un schéma proposant une variété intéressante de rimes. Les rimes dominantes sont en [é] à la suite du verbe « charmer ». Le schéma rimique est ABAB/ACAC/DEDE/AFAF/GHGH/IJIJ/IJ avec alternance de rimes féminines et de rimes masculines. Les mots mis à la rime fonctionnent deux par deux pour créer un sens, parfois légèrement différent de celui qu’exprime le poème, ce qui laisse penser à une ironie possible de la part d’Ovide. Doit-on lire les rimes masculines comme désignant le poète et les rimes féminines comme dédiées à la bien-aimée ? En effet, les rimes masculines en [é] des premiers quatrains (« Charmer » / « t’aimer » / « enchaîné » / « point né ») indiquent les champs lexicaux de l’amour, du lien et de la naissance. Mais elles semblent dire que l’amour dont parle Ovide n’existe pas (« point né »). Doit-on comprendre que l’amour poétique dépasse la vie humaine ? que c’est le propre d’une déclaration que de proposer un amour idéal fabuleux mais irréel ? que la destination de l’amour est la poésie ou un enfant ? Ce sens varie si l’on prolonge ces 4 rimes en [é] par celles du 4e quatrain (« Fidélité » / « vérité ») évoquant in fine les vertus amoureuses. Les autres rimes masculines, comme « douceur » / « neuf Sœurs », expriment les vertus amoureuses, et « mes jours » / « toujours » l’éternité de l’amour. Les rimes féminines en [e] peuvent se lire ensemble ou séparément : « je t’aime » / « même » posent les termes de cette union ou fusion amoureuse, « Sincère » / « père » ceux des vertus amoureuses et protectrices, « Se suffire » / « inspire » ceux de l’autonomie du poète par rapport aux biens terrestres. « Innocence » / « constance » décrivent encore les vertus amoureuses, « Plainte » / « empreinte » expriment le tourment amoureux. Les rimes masculines finales « Argus » / « Cadmus » / « confondus » affirment le rôle protecteur du poète, les rimes féminines finales « Féconde » / « onde » / « monde » leur répondent par un éloge de la mère. X L’élégie, à l’origine « chant de mort », est un poème qui se caractérise par son ton plaintif adapté à l’évocation d’un défunt ou à l’expression de la souffrance amoureuse due à un abandon ou une absence, comme le montrent, par exemple, ces vers plaintifs : « Permets-moi seulement de t’aimer, / Et je louerai Vénus de même. / Accueille qui veut vivre à tes pieds enchaîné, / Accueille une flamme sincère. / Si d’illustres aïeux ton amant n’est point né… » L’élégie est aussi un chant qui accompagnait le sacrifice d’un bouc. Or la dimension sacrificielle est présente dans le poème d’Ovide avec les promesses que fait le poète à sa bien-aimée de renoncer aux autres femmes : « Et ses mœurs sans reproche et sa fidélité, / Sa pudeur et son innocence. / Loin de lui mille amours ! toi seule, en vérité, / Seras l’objet de sa constance. » En

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échange, il demande à sa bien-aimée de renoncer aux biens humains. La déploration des morts et du passé se fait sous la forme du rappel des divinités grecques et latines : « Grâce aux vers, on admire Io, que veille Argus, / Et Léda, qu’un cygne féconde ; / Par eux célèbre encore est la sœur de Cadmus, / Qu’un dieu taureau ravit sur l’onde : / Belle, ainsi nos deux noms, tendrement confondus, / Vivront à jamais dans le monde ! » Néanmoins, il s’agit d’une déclaration d’amour, et même d’une demande en mariage. Ainsi, si Ovide utilise des thèmes ou topoï de l’élégie, il s’en éloigne par son sujet, qui est la naissance d’un amour et la création poétique.

◆ À vos plumes ! at On peut aussi bien chercher des synonymes ou des termes dérivant du mot éloge (panégyrique, hymne, compliment, élogieux, etc.) que des adjectifs faisant l’éloge de qualités (beauté, beau, merveilleux, généreux, bienveillant, etc.). ak On pourra citer, par exemple, « Philémon et Baucis », « Narcisse et Écho », « Pygmalion et Galatée », « Deucalion et Pyrrha », qui racontent les histoires de couples fabuleuses. al On attend des élèves qu’ils emploient le lexique de l’éloge et qu’ils s’appuient sur leur lecture d’Ovide, qui dépeint des amours idéales, pour faire une déclaration la plus « idéale » possible. Cette déclaration n’implique nullement une rédaction en vers.

P o è m e d e D a n t e ( p p . 2 7 - 2 8 )

◆ Avez-vous bien lu ? u Ici, le poète s’adresse au lecteur, comme le montrent les 2 premiers vers du passage narratif : « Ô vous qui passez par le chemin de l’Amour, / Faites attention et regardez… » Cette apostrophe liminaire, qui combine l’exclamatif « Ô » et le pronom personnel « vous », témoigne d’une parole adressée au lecteur ou à l’auditeur. v Dans le passage narratif, qui raconte le départ d’une femme prétendument aimée, le poète avoue avoir un secret. Il confesse que sa déclaration d’amour à la dame partie doit servir à masquer son secret. Cette situation est bien complexe et traduit une duplicité, le double jeu du poète. Sa déclaration en vers n’est donc qu’un prétexte, car il dit : « fort troublé d’avoir perdu la protection de mon secret, je me trouvai plus déconcerté que je n’aurais cru devoir l’être. Et, pensant que, si je ne témoignais pas quelque chagrin de son départ, on s’apercevrait plus tôt de ma fraude, je me proposai de l’exprimer dans un sonnet… » w Dans ce poème en vers, le poète déplore les tourments de l’amour liés à l’éloignement : « S’il est une douleur égale à la mienne. / Je vous prie seulement de vouloir bien m’écouter » ; « Maintenant, j’ai perdu toute la vaillance / Qui me venait de mon trésor amoureux, / Et je suis resté si pauvre / Que je n’ose plus parler ». Mais le poète célèbre aussi le bonheur que procure l’amour : « L’Amour, non pour mon peu de mérite / Mais grâce à sa noblesse, / Me fit la vie si douce et si suave… » Il remarque aussi l’obligation de faire bonne figure au milieu de ces tourments : « Si bien que, voulant faire comme ceux / Qui par vergogne cachent ce qui leur manque, / Je montre de la gaieté au-dehors / Tandis qu’en dedans mon cœur se resserre et pleure. »

◆ Étudier le lyrisme de la plainte dans le sonnet x

CHAMP LEXICAL DE LA PLAINTE CHAMP LEXICAL DE L’AMOUR • « douleur » • « De quels tourments je suis la demeure et la clef » • « Je vous prie seulement de vouloir bien m’écouter » • « j’ai perdu toute la vaillance » • « Et je suis resté si pauvre » • « Tandis qu’en dedans mon cœur se resserre et pleure »

• « Qui me venait de mon trésor amoureux » • « L’Amour, non pour mon peu de mérite / Mais grâce à sa noblesse, / Me fit la vie si douce et si suave »

y Dans les lignes 20-21 du sonnet, le type de discours est du discours direct, comme l’indiquent le verbe de parole « j’entendais dire », les deux-points introduisant la parole et les guillemets. Cela donne

Réponses aux questions – 6

un effet de naturel et de réel, voire de pittoresque (c’est-à-dire une couleur locale qui rend vivante la scène), qui correspond au projet de Dante d’écrire dans une langue vulgaire. U L’adverbe qui domine la fin du poème est l’adverbe d’intensité « Si », utilisé à 5 reprises. Il renforce le contraste entre les tonalités du lyrisme heureux et celles du lyrisme malheureux : « Me fit la vie si douce et si suave » ; « Celui-ci doit-il donc d’avoir le cœur si joyeux ? » ; « Et je suis resté si pauvre » ; « Si bien que, voulant faire comme ceux ». Comme le poète est finalement malheureux, c’est la tonalité du lyrisme malheureux qui est renforcée.

◆ Le prosimètre V La première partie du prosimètre n’est pas de la poésie. Il s’agit d’un passage narratif, explicatif et argumentatif en prose. On constate, cependant, que le rythme ternaire et la structure des phrases donnent un ton emphatique à ce passage, notamment en modifiant l’ordre canonique de la phrase pour mettre en relief des éléments et créer ainsi un style proche de la poésie. Dans la phrase ternaire en cadence mineure « Cette dame qui m’avait pendant si longtemps servi à cacher ma volonté, il fallut qu’elle quittât la ville où nous étions, pour une résidence éloignée », on trouve le procédé d’extraction (« Cette dame qui […], il fallut que […] ») typique des procédés d’emphase. Dans la phrase ternaire en cadence majeure « De sorte que moi, fort troublé d’avoir perdu la protection de mon secret, je me trouvai plus déconcerté que je n’aurais cru devoir l’être », on trouve une proposition incise. La dernière phrase est « une période », longue phrase employée en rhétorique pour montrer les subtilités de la pensée et convaincre l’auditoire : « Et pensant que, si je ne témoignais pas quelque chagrin de son départ, on s’apercevrait plus tôt de ma fraude, je me proposai de l’exprimer dans un sonnet que je reproduirai ici parce que certains passages s’y adresseront à ma Dame, comme s’en apercevra celui qui saura le comprendre. » Ce passage narratif utilise donc des procédés de l’argumentation, Dante faisant partie des Grands Rhétoriqueurs, et un lyrisme évident, mais il n’est pourtant pas de la poésie. W Dans sa traduction française, le sonnet n’est pas régulier : hétérométrique (comportant plusieurs longueurs de vers), il est composé de vers libres puisqu’il n’est pas rimé. Or, dans sa version originale, les vers riment. Il s’agit, en fait, d’un double sonnet composé de 20 vers au lieu des 14 du sonnet à la française. 6 courts vers, indiqués chacun en minuscule dans le schéma rimique, y sont insérés : AaBAaB/AaBAaB/CDdC/CDdC. Sans doute sera-t-il intéressant de proposer aux élèves, en corrigé, les vers italiens originaux et de leur faire observer l’organisation des rimes ?

Vita nuova O voi che per la via d’Amor passate, Attendete e guardate, S’egli è dolore alcun, quanto il mio, grave; E prego sol ch’audir mi soffriate; E poi imaginate S’io son d’ogni tormento ostello e chiave. Amor, non già per mia poca bontate, Ma per sua nobilitate, Mi pose in vita sì dolce e soave, Ch’io mi sentia dir dietro spesse fiate : « Deo, per qual dignitate Così leggiadro questi lo cor have ? » Or ho perduto tutta mia baldanza, Che si movea d’amoroso tesoro, Ond’ io pover dimoro, In guisa che di dir mi vien dottanza. Sicchè volendo far come coloro, Che per vergogna celan lor mancanza, Di fuor mostro allegranza, E dentro dallo core mi struggo e ploro.

Dire l’amour, de l’Antiquité à nos jours – 7

X L’effet recherché est comparable au placere et docere latin : il s’agit de « plaire pour instruire ». Un des exemples les plus fameux aujourd’hui est celui des fables de Jean de La Fontaine qui combinent brefs contes moraux et monde animalier, tout en utilisant la technique du vers mêlé. La variété des mètres et des formes, le naturel de la conversation et de la vie, le caractère plaisant de la fable contribuent à mieux faire passer le message moral.

◆ À vos plumes ! at On attend des élèves qu’ils distinguent véritablement deux types d’expressions et de discours : un passage en prose qui serait un monologue intérieur véridique exposant une situation et l’état d’esprit du narrateur par rapport à cette situation ; et un passage en vers (rimés ou libres) dans lequel l’élève raconterait ce qu’il a dû dire pour se défendre ou pour interpréter un rôle social déterminé dans le passage en prose. Du point de vue du style, la 1re personne est requise, les temps du passé pour la prose et le présent pour les vers peuvent être demandés.

P o è m e d e C h a r l e s d ’ O r l é a n s ( p . 3 2 )

◆ Avez-vous bien lu ? u Le poète relate l’expérience de l’exil et de l’emprisonnement, mais surtout la souffrance due à l’éloignement de sa bien-aimée. v Le poète s’adresse à une femme aimée. Mais le paratexte nous informe qu’il s’agit de Bonne d’Armagnac, son épouse, qui vit en France alors qu’il est détenu dans une prison anglaise à la suite de sa capture à la bataille d’Azincourt. Charles d’Orléans l’a très peu connue avant sa capture et il ne la reverra jamais puisqu’elle mourra avant sa libération. w Charles d’Orléans trouve du réconfort grâce au souvenir de sa femme à qui il adresse des poèmes d’amour. Sa poésie est donc un hommage à la force du souvenir.

◆ Étudier l’expression de la tristesse liée à l’exil x Champs lexicaux :

EXIL SOUFFRANCE RÉCONFORT TEMPS AMOUR • « il me faut loin de vous demeurer »

• « détresse » • « tristesse » • « las »

• « réconforter » • « allégeant » • « Espoir » • « joie » • « liesse »

• « souvenir » • « le temps ainsi passer »

• « amour » • « maîtresse » • « Cœur » • « belle jeunesse »

C’est le champ lexical du réconfort qui est le plus développé, juste devant celui de l’amour. Cela indique bien que le thème essentiel n’est pas tant l’amour que le réconfort apporté par l’amour. Cela s’explique par la situation singulière du poète, retenu enfermé dans une prison. Cela explique aussi la finalité du poème, qui est d’apporter du réconfort non seulement au prince, mais aussi à ses lecteurs. L’expression de la souffrance est, ici, transformée en expression du réconfort que procure le souvenir. y Le ton du poème est à la fois mélancolique, courtois et badin. En effet, la tonalité mélancolique s’exprime à travers l’allégorie de l’Espoir, comme dans la pudeur de l’expression de la souffrance. Par ailleurs, la dame est très valorisée, comme objet idéal d’amour, inspirant de douces pensées au prince-chevalier, conformément aux codes de l’amour courtois. Enfin, lié, à l’origine, à la chanson et à la musique, le rondeau est léger et souvent badin. C’est une forme souple et virtuose, mais qui doit rester musicale, même si elle traduit une réalité triste. C’est la variété de ces tonalités qui fait le charme de ce rondeau. U Le 1er quatrain est au présent dans le refrain (« il me faut », « je n’ai plus »). Le 2e quatrain est au futur (« me conviendra ») et au présent dans le refrain (« il me faut »). Le 3e quatrain est au passé composé (« est voulu »), au présent (« puis ») et au futur (« verrai »). Cette variété des temps peut exprimer la temporalité de l’emprisonnement (passé pour le départ de la jeune femme, présent de la souffrance, futur de l’attente de la libération) et les réflexions du poète entre ressassement du passé et espoir d’une libération. L’emploi de nombreux infinitifs donne, en outre, un caractère non actualisé, intemporel au poème.

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◆ Le rondeau V Le nom rondeau s’explique par les types de strophes et leur disposition. En effet, ce rondeau semble effectuer une « ronde » avec les vers et avoir un rythme dansant. Il comprend 2 quatrains et 1 quintil qui sont encadrés, au 1er et au dernier vers, des 2 mêmes vers : « Ma seule amour, ma joie et ma maîtresse ». En outre, le vers « Puisqu’il faut loin de vous demeurer » apparaît au 2e vers du 1er quatrain et au 4e vers du 2nd quatrain. Ce poème, avec ses multiples refrains et ses effets de clôture d’une strophe à l’autre, donne l’impression d’effectuer une « ronde » destinée à être dansée, chantée et accompagnée de musique. W Le schéma rimique ABBA/ABAB/ABBAA est très régulier et contribue à l’effet de clôture et de répétition du rondeau. Le choix des mots mis à la rime est édifiant. Les rimes A féminines évoluent d’une strophe à l’autre autour du thème de la maîtresse exprimant les sentiments du poète à son égard : « maîtresse » / « liesse » ; « détresse » / « maîtresse » ; « tristesse » / « maîtresse ». En outre, les rimes en « maîtresse » ouvrent et ferment le poème, soulignant avec courtoisie l’importance de la dame. Les rimes masculines en B traduisent l’activité du poète et ses espoirs : « demeurer » / « réconforter » ; « passer » / « demeurer » ; « aller » / « recouvrer ». Ainsi, les rimes soulignent le sens du poème et son rythme. On notera que les rimes féminines sont suffisantes et les rimes masculines pauvres (cf. p. 99 du dossier). Le mètre utilisé est le décasyllabe. Employé d’abord dans la poésie épique, il est devenu l’un des principaux vers lyriques à partir du XIIIe siècle, et cela jusqu’au XVIe où l’alexandrin a pris sa place. Un tel rythme fait facilement populaire, enfantin, plaisant. Il a pu être utilisé dans des pièces très lyriques comme le rondeau. Ainsi, ce sont le schéma rimique régulier, l’effet de clôture et les répétitions sonores qui rendent ce poème mélodieux.

◆ À vos plumes ! X Les rimes sont des rimes embrassées au 1er quatrain, puis croisées au 2nd, enfin embrassées et suivies au quintil final, selon le schéma rimique ABBA/ABAB/ABBAA. Il y a alternance de rimes masculines et de rimes féminines. On remarquera que les rimes féminines sont suffisantes et les rimes masculines pauvres. Suivant ces remarques, il conviendra donc de lister des mots dans un tableau, pouvant constituer des rimes de ce type, où les rimes féminines riches désignent l’objet du réconfort et les rimes masculines pauvres les sentiments du poète.

RIMES MOTS : LISTE 1 MOTS : LISTE 2 MOTS : LISTE 3 A [esse] riche B [é] suffisante B [é] pauvre A [esse] suffisante

A [esse] riche B [é] suffisante A [esse] riche B [é] suffisante

A [esse] riche B [é] suffisante B [é] suffisante A [esse] riche A [esse] riche

at On attend, ici, des élèves l’utilisation de champs lexicaux de la souffrance et du réconfort, ayant donné lieu, si possible, à une recherche lexicale de synonymes. On attend également une description d’une activité apportant du réconfort et une expression, la plus subtile possible, des sentiments du narrateur.

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P o è m e d e J o a c h i m D u B e l l a y ( p p . 3 5 - 3 6 )

◆ Avez-vous bien lu ? u Le poète Joachim Du Bellay fait apparemment l’éloge de la beauté du corps féminin. v Le poète paraît amoureux de la femme qu’il décrit. Mais la lecture du poème suscite de la surprise car des mots inattendus comme « large repli », « dents d’ébène », « gorge damasquine » indiquent qu’il s’agit, en réalité, du portrait moqueur d’une vieille femme. w Certains mots paraissent d’emblée étranges ou ambivalents, comme « large repli », « dents d’ébène », « gorge damasquine ». D’autres mots, qui passaient inaperçus, prennent un tout autre sens à la relecture : ce sont ceux qui décrivent la femme convoitée, tels que « cheveux d’argent » qui évoque des cheveux blancs, « front crêpe » qui ne signifie pas « bouclé » mais « voilé de noir en signe de deuil », « face dorée » qui ne signifie pas « lumineuse » ou « colorée » mais « jaunie » ; de même, « précieux trésor qui faites d’un seul ris toute âme enamourée » apparaît comme une antiphrase ironique.

◆ Étudier le blason amoureux x Champs lexicaux :

BEAUTÉ/JEUNESSE LAIDEUR/VIEILLESSE • « Ô beaux cheveux d’argent » (brillants) • « mignonnement retors » (bouclés) • « front crêpe et serein » (frisé et serein) • « face dorée » (lumineuse, précieuse) • « Ô beaux yeux de cristal ! » (bleus) • « Ô grand bouche honorée » (belle, aimée) • « un large repli retrousses tes deux bords » (sourire) • « Ô belles dents d’ébène ! » (précieuses) • « ô précieux trésors, / Qui faites d’un seul ris toute âme enamourée » (femme aimable) • « Ô gorge damasquine en cent plis figurée ! » (gorge recouverte d’un riche vêtement) • « beaux grands tétins, dignes d’un si beau corps » (seins aussi beaux que le corps) • « Ô beaux ongles dorés ! » (brillants) • « Ô main courte et grassette ! » (potelée et jolie) • « Ô cuisse délicate ! et vous, jambe grossette » (jolies jambes) • « Et ce que je ne puis honnêtement nommer » (sexe de la femme que l’on tait pudiquement par courtoisie) • « Ô beau corps transparent ! ô beaux membres de glace ! » (fragilité et beauté de la dame) • « Ô divines beautés ! pardonnez-moi, de grâce, / Si, pour être mortel, je ne vous ose aimer » (femme trop respectée pour sa beauté pour être aimée)

• « cheveux d’argent » (blancs) • « retors » (maniant la ruse tortueuse, crochus) • « crêpe et serein » (en deuil et abêti) • « face dorée » (jaunie) • « yeux de cristal » (vitreux) • « grand bouche honorée » (étirée, usée) • « un large repli retrousses tes deux bords » (chairs ramollies et ridées) • « Ô belles dents d’ébène ! » (noires) • « ô précieux trésors, / Qui faites d’un seul ris toute âme enamourée! » (antiphrase = femme qui fait fuir) • « Ô gorge damasquine en cent plis figurée ! » (très ridée) • « beaux grands tétins, dignes d’un si beau corps » (seins aussi laids que le corps) • « Ô beaux ongles dorés ! » (jaunes) • « Ô main courte et grassette ! » (disgracieuse et gonflée) • « Ô cuisse délicate ! et vous, jambe grossette » (jambes amaigries et déformées par l’âge) • « Et ce que je ne puis honnêtement nommer » (sexe de la femme que l’on cache car il est laid à voir) • « Ô beau corps transparent ! ô beaux membres de glace ! » (fragilité liée à la vieillesse) • « Ô divines beautés ! pardonnez-moi, de grâce, / Si, pour être mortel, je ne vous ose aimer » (femme qui fait trop peur pour pouvoir être aimée)

On constate que les mots sont utilisés à double sens pour désigner la beauté et la vieillesse. Ce blason est donc, en réalité, un contre-blason, qui raille la disgrâce et la laideur de la vieillesse plutôt que de faire l’éloge de la beauté. y Le poème commence par la description du visage (front, face, yeux, bouche, dents, rire), puis descend le long du corps (cou, seins, mains, jambes), et s’achève sur la description du corps entier. C’est donc un portrait. Le blason est un portrait qui fait l’éloge de la beauté corporelle. Mais il peut également être un blâme ou une satire, comme c’est le cas dans ce contre-blason ironique (l’ironie est une figure de style utilisant souvent l’antiphrase ou la litote, qui consiste à dire le contraire de ce que l’on pense, tout en le faisant sentir au destinataire). Ici, on comprend qu’il s’agit d’un contre-blason aux mots à double sens et aux procédés d’ironie qui émaillent le texte mais aussi au fait que le portrait est à l’envers. En effet, le portrait décrit traditionnellement l’allure générale, puis, par étape, le corps du haut vers le bas pour détailler cette impression. Or, ici, le sonnet marche, en quelque sorte, « la tête à l’envers », c’est-à-dire qu’il est subverti : ce n’est plus un blason, mais un contre-blason. U Les marques de l’éloge sont principalement les invocations introduites par « Ô » et les points d’exclamation. Leur répétition est si systématique et donc si disgracieuse qu’elle produit un effet

Réponses aux questions – 10

comique et indique le contraire de ce qu’elles veulent dire. Cette répétition sert, ici, à insister sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un éloge mais d’une moquerie.

◆ Le sonnet V Un sonnet régulier est composé de 4 strophes (2 quatrains et 2 tercets). Il s’achève par un dernier vers (la chute ou pointe du sonnet), qui traditionnellement livre une réflexion philosophique ou personnelle sur l’objet même du sonnet. La progression thématique à l’intérieur du sonnet indique que celui-ci est structuré thématiquement d’une strophe à l’autre (visage, buste, jambes, apparence générale). Les rimes sont embrassées dans les 2 premiers quatrains, puis suivies et embrassées dans le dernier sizain, suivant le schéma ABBA/ABBA/CCA’/DDA’. L’alternance des rimes masculines et féminines est respectée, si ce n’est qu’elle est un peu dévoyée : en effet, la rime A masculine en [or] est alternée par une rime en [é] féminine, mais, dans les 2 tercets, une inversion se produit, puisque la rime en [é] devient masculine (rime A’ en [er]) et que les rimes féminines sont désormais en [ette] (rime C) et [ace] (rime D). Il y a donc une apparente continuité sonore de la rime féminine, mais celle-ci est, en fait, faussée par le jeu des genres masculin et féminin. W Les rimes 1 à 8 sont des rimes embrassées. Traditionnellement, comme leur nom l’indique, elles traduisent un sentiment amoureux. Le schéma complet du sonnet est d’ailleurs ABBA/ABBA/CCA’/DDA’ : il correspond au schéma du sonnet marotique, qui marque une forme d’embrassement. Il est censé figurer l’amour. Ici, il peut prendre une signification inverse : soit une figure d’enfermement dans le face-à-face avec une vieille femme quelque peu effrayante, appuyant ainsi le double sens des mots ; soit une figure du rejet de la vieille femme comme objet d’amour. En effet, la rime féminine A, qui devient masculine A’ dans les tercets, pourrait exprimer ce rejet de la vieille femme, déchue de sa féminité – idée que le poète exprime quand il avoue ironiquement, dans son dernier vers : « je ne vous ose aimer ». X Le dernier vers d’un sonnet régulier doit proposer une pointe ou une chute qui rassemble la visée du poème ou souligne un contraste, un paradoxe, créant un effet inattendu. Ici, le poète dévoile au lecteur ou à l’auditeur son incapacité à aimer l’objet de son amour. Le lecteur inattentif croira qu’il s’agit d’une timidité extrême du poète, tandis qu’un lecteur attentif y entendra que le poète, rebuté par la laideur de la vieille femme, ne pourra l’aimer. Néanmoins, ce dernier vers a pour fonction de faire comprendre, pour qui ne l’aurait pas compris, que le poème doit être relu dans un sens contraire et ironique.

◆ À vos plumes ! at On pourra proposer à chaque élève de choisir un défaut et de trouver, sous la forme d’un tableau, une dizaine d’adjectifs (ou, plus largement, de mots) qui en font l’éloge, le blâme dans tous les registres de langue et en utilisant également des métaphores et, éventuellement, des antonymes.

TERMES ÉLOGIEUX TERMES CRITIQUES ANTONYMES Avarice économe, coffre-fort… pingre, radin, doigts crochus… dispendieux, généreux… Méchanceté

épicé, éclat, foudre de Jupiter… venimeux, néfaste, flammes de dragon… gentil, bénéfique, ange…

ak Il s’agit de vérifier que l’élève a compris la technique et l’ordre du portrait. Il s’agit aussi de voir s’il est capable d’utiliser un langage à double sens à l’aide des mots qu’il aura recueillis dans l’exercice précédent, et donc de manier l’implicite et l’explicite. Il s’agit, enfin, de s’assurer que l’élève comprend le sens du mot ironie et sait manier celle-ci à l’aide de l’antiphrase, notamment, qu’il pourra mettre en application en utilisant des mots de l’exercice précédent.

P o è m e d e J e a n d e L a F o n t a i n e ( p . 4 7 )

◆ Avez-vous bien lu ? u Ce poème défend l’amour et en montre la toute-puissance, ce qu’indique le 1er vers : « Tout l’univers obéit à l’amour… »

Dire l’amour, de l’Antiquité à nos jours – 11

v La Fontaine compare l’amour : – au pouvoir divin : « Tout l’univers obéit à l’amour ; / Belle Psyché, soumettez-lui votre âme. / Les autres dieux à ce dieu font la cour » ; – au pouvoir de la richesse : « Sans cet Amour, tant d’objets ravissants, / Lambris dorés, bois, jardins, et fontaines, / N’ont point d’appâts qui ne soient languissants ». La Fontaine prétend que l’amour surpasse ces deux pouvoirs : « Des jeunes cœurs c’est le suprême bien. » w Le refrain, exprimé à 2 reprises, est : « Des jeunes cœurs c’est le suprême bien. / Aimez, aimez ; tout le reste n’est rien. » Il sert à donner conseil aux amoureux : il a donc une valeur didactique.

◆ Étudier l’allégorie x Ici, l’allégorie est celle de l’Amour, ce qui est une manière de parler d’un sentiment universel comme d’un être animé. Le dieu Amour est généralement représenté sous la forme du dieu grec Éros ou du dieu latin Cupidon, ange ailé ayant pour attributs un arc, un carquois, des flèches et une fleur. L’amour est donc traité de manière distanciée, presque philosophique. En utilisant cette allégorie, La Fontaine ne cherche pas à décrire les sentiments que l’amour inspire, mais ses pouvoirs et ses vertus. y D’autres poèmes du recueil citent cette allégorie de l’Amour et en font un traitement différent de celui de La Fontaine qui le montre comme un dieu des plus puissants.

AUTEUR, ŒUVRE, TRAITEMENT DE L’ALLÉGORIE TEXTE Bernard de Ventadour, Chansons courtoises, XIIe siècle Amour est, ici, un interlocuteur qui trompe le narrateur et le vainc par sa puissance douce mais irrésistible. Ni lui ni sa puissance ne sont véritablement décrits. Il apparaît plutôt comme un dieu capricieux, l’objet même de l’amour. Ce poème est quasiment un hymne à l’amour, tant l’allégorie est répétée.

« Amour, qu’est-ce qu’il vous paraît : Trouvez-vous jamais plus fou que moi ? Je suis trahi par ma bonne foi, Amour, je puis bien te le reprocher. […] Avec l’Amour il me faudra contester, Je ne puis m’en retenir, Mais je n’ai guère le pouvoir Qui puisse d’Amour me défendre. […] Mais Amour sait s’abaisser Là où cela lui fait plaisir, […] Car nul homme ne peut ni n’ose Envers Amour contester ! Car Amour vainc de toute chose Et me force à l’aimer ! »

Dante Alighieri, La Vie nouvelle, 1292 Amour est personnifié : on passe par son chemin. C’est un dieu bénéfique puisqu’il donne une vie douce au narrateur.

« Ô vous qui passez par le chemin de l’Amour, Faites attention et regardez S’il est une douleur égale à la mienne. L’Amour, non pour mon peu de mérite Mais grâce à sa noblesse, Me fit la vie si douce et si suave […] Maintenant, j’ai perdu toute la vaillance Qui me venait de mon trésor amoureux… »

Honoré d’Urfé, L’Astrée, 1607 Amour est, ici, plutôt un sentiment, malgré la majuscule. Il n’est pas personnifié.

« Quand je vois un amant transi Qui languit d’une amour extrême, L’œil triste, et le visage blême, Portant cent plis sur le sourcil ; Quand je le vois plein de soucis, Qui meurt d’Amour sans que l’on aime, Je dis aussitôt en moi-même : “C’est un grand sot d’aimer ainsi.” Il faut aimer, mais que la belle Brûle pour qui brûle pour elle, Ou bien c’est pure lâcheté. L’Amour de l’Amour est extraite ; La charge n’est jamais bien faite, Qui penche toute d’un côté. »

Réponses aux questions – 12

Vous pourrez également faire observer la personnification de l’amour dans trois autres poèmes : – Guillaume de Loris, Le Roman de la Rose : l’amour est personnifié, bien qu’il n’y ait pas de majuscule pour désigner qu’il s’agit d’une allégorie, puisqu’il « prend le péage » ; mais il est à la fois une étape de la vie (l’entrée dans l’âge adulte) et une source d’inspiration, un dieu soucieux de sa réputation, un artiste virtuose. – Jean Genet, « Le Condamné à mort » : l’amour vole et semble même être représenté sous la figure d’un ange immatériel ; le poète renoue donc avec les iconographies antique et chrétienne. – Enfin, chez La Fontaine, l’allégorie de l’Amour s’apparente, ici, à un dieu d’une extrême puissance. Mais il n’est pas décrit et n’agit pas véritablement. C’est à Psyché de soumettre son âme. Dans la seconde partie du poème, il tend à devenir un sentiment.

◆ L’éloge U L’éloge est un discours écrit ou prononcé à la louange de quelqu’un ou de quelque chose. Ici, La Fontaine fait l’éloge de l’amour, c’est-à-dire qu’il en vante les qualités, la puissance. L’amour est comparé au pouvoir divin, mais l’écrivain considère que la « flamme » de l’Amour est bien supérieure, plus douce que le pouvoir divin, et que les peines d’amour sont plus douces que les plaisirs de l’argent. V Le poème est traversé par le champ lexical de l’éloge : « Tout l’Univers obéit à l’Amour » ; « Belle Psyché » ; « soumettez-lui » ; « Les autres dieux à ce dieu font la cour » ; « Et leur pouvoir est moins doux que sa flamme » ; « c’est le suprême bien » ; « Sans cet Amour, tant d’objets ravissants, […] / N’ont point d’appâts qui ne soient languissants » ; « Et leurs plaisirs sont moins doux que ses peines ». Notons que les vers décasyllabes, à la cadence majeure [4 syllabes + 6 syllabes], traduisent, eux aussi, le mouvement d’élargissement emphatique propice à l’éloge. W Le poème d’Ovide compare l’amour à la puissance divine et à la puissance matérielle, comme celui de La Fontaine. On peut en déduire qu’il s’agit d’un thème traditionnel de la poésie lyrique.

PUISSANCE DIVINE PUISSANCE DE L’ARGENT

Ovid

e

« Permets-moi seulement de t’aimer, Et je louerai Vénus de même. Qu’il ait pour répondants Phébus et les neuf Sœurs, Bacchus et l’Amour qui l’inspire ; Oui, que la Parque file à tes côtés mes jours, Mais les brise, à ta moindre plainte. Laisse-moi te chanter, et mes œuvres toujours Porteront ta divine empreinte. Grâce aux vers, on admire Io, que veille Argus, Et Léda, qu’un cygne féconde ; Par eux célèbre encore est la sœur de Cadmus, Qu’un dieu taureau ravit sur l’onde : Belle, ainsi nos deux noms, tendrement confondus, Vivront à jamais dans le monde ! »

« Si d’illustres aïeux ton amant n’est point né, Un chevalier étant son père ; Si d’un riche domaine il n’a pas les douceurs Et doit avec peu se suffire… »

La Fo

ntai

ne

« Tout l’Univers obéit à l’Amour ; Belle Psyché, soumettez-lui votre âme. Les autres dieux à ce dieu font la cour, Et leur pouvoir est moins doux que sa flamme. Des jeunes cœurs c’est le suprême bien : Aimez, aimez ; tout le reste n’est rien. »

« Sans cet Amour, tant d’objets ravissants, Lambris dorés, bois, jardins, et fontaines, N’ont point d’appâts qui ne soient languissants… »

Chez Ovide, les dieux sont un soutien et le gage d’une immortalité. L’argent se matérialise plutôt par la naissance et par les faits d’armes. Chez La Fontaine, les dieux sont eux-mêmes soumis à Amour et lui font la cour. Les richesses du monde n’ont aucune saveur sans l’amour.

◆ À vos plumes ! X On veillera à ce que l’allégorie (Courage, Générosité, Bonté, Joie, Tristesse…) soit représentée de façon animée, vivante, agissant en fonction de la qualité qu’elle personnifie. L’éloge se manifestera par des adjectifs et des termes laudatifs, par des comparaisons valorisantes.

Dire l’amour, de l’Antiquité à nos jours – 13

P o è m e d e V i c t o r H u g o ( p . 5 6 )

◆ Avez-vous bien lu ? u Ce poème donne l’impression d’émotions contrastées, entre désir pour la bien-aimée et peur de la bien-aimée. La 1re strophe mêle d’emblée les champs lexicaux de l’amour et de la peur : « L’amour, panique / De la raison, / Se communique / Par le frisson. » La brièveté du mètre donne une impression de légèreté, mais celle-ci est contredite par la menace que contient le poème si la femme aimée abuse de son emprise amoureuse sur son amant. v Le poète semble être dans une relation contrariée avec sa bien-aimée : est-ce de l’amour ? « Si je demeure, / Triste, à vos pieds, / Et si je pleure, / C’est bien, riez. » Ces vers traduisent plutôt une vive passion. Le titre « À la belle impérieuse » met sur la voie d’une relation de domination et d’un jeu de pouvoir entre le poète et la femme qu’il aime et qui semble abuser de son emprise sur lui. w Cette ultime strophe opère un retournement. Le poète, jusqu’à présent menacé, sous emprise, menace, à son tour, la belle : « Un homme semble / Souvent trompeur. /Mais si je tremble, / Belle, ayez peur. » Cette dernière strophe contient donc une mise en garde adressée à la femme aimée. La relation de domination paraît dès lors réciproque, et les amants ont l’air d’entretenir un jeu amoureux de domination, lié à la passion qu’ils s’inspirent.

◆ Étudier l’expression de la passion amoureuse x Champs lexicaux :

PEUR AMOUR JOIE TRISTESSE • « panique » (v. 1) • « frisson » (v. 4) • « tremble » (v. 15) • « peur » (v. 16)

• « amour » (v. 1) • « frisson » (v. 4) • « tremble » (v. 15) • « Belle » (v. 16)

• « Chantez » (v. 8) • « riez » (v. 12)

• « soupirer » (v. 7) • « Triste » (v. 10) • « pleure » (v. 11)

Le champ lexical de l’amour est numériquement équivalent à celui de la peur que le poète éprouve (certains mots sont polysémiques et renvoient aux champs lexicaux de la peur et de l’amour, comme « frisson » et « tremble »), et celui-ci passe de l’un à l’autre dans ce poème. Le sentiment amoureux semble reposer sur cet équilibre fragile entre la crainte et le désir, la joie et la tristesse, aimer et la crainte d’aimer. y Le poète passe d’abord par la peur panique dans la 1re strophe avec les mots à la rime : « panique » / « communique » ; « passion » / « frisson ». Puis, dans la 2e strophe, le sentiment d’attente prend le dessus avec les rimes « dire » / « soupire » et « rien » / « bien ». Cette attente devient de plus en plus intolérable, jusqu’à incarner la torture de l’amour transi : « demeure » / « pleure » ; « pieds » / « riez ». Enfin, la colère paraît s’imposer à la dernière strophe avec les rimes « semble » / « tremble » et « trompeur » / « peur ». Le poète menace de prendre une revanche sur la belle dédaigneuse. U Le présent de l’impératif, qui exprime une injonction, domine les 3 dernières strophes. Seule la 1re strophe, qui est au présent de vérité générale et qui énonce une vérité sur l’amour, ne contient pas d’impératif. Dans la 2e strophe, on trouve 3 impératifs : « Laissez-moi dire, / N’accordez rien. / Si je soupire, / Chantez, c’est bien. » Dans la 3e strophe, 1 seule forme impérative : « C’est bien, riez », tout comme dans la 4e : « Belle, ayez peur ». Le nombre décroissant d’impératifs montre le passage de la passion dominatrice à un sentiment de rage plus silencieuse et plus dangereuse, comme l’indique le nom « peur » qui clôt le poème. L’usage de l’impératif justifie le titre « À la belle impérieuse ». À l’inverse, la conjonction « si » répétée 3 fois marque la condition et indique qu’une menace ou qu’un projet de vengeance est en court dans ce poème. C’est un avertissement qui souligne le caractère soumis à l’amour du poète, qui menace (mais de quoi ?) sans passer à l’acte. Le jeu entre injonction et condition traduit ses tourments amoureux.

◆ La chanson V Le mètre employé est le tétrasyllabe. Ce mètre très court est propice à la chanson. Les rimes alternées, utilisant volontiers des diphtongues, donnent des sonorités musicales dysphoriques : [ique]/[ion] ; [ire]/[ien] ; [eure]/[iez] ; [emble]/[eur]. Les assonances nombreuses et les sons ouverts ou chantants ([a], [on], [è], [an], [ou], [i], [o]) créent une forme de musicalité. Celle-ci est-elle

Réponses aux questions – 14

mélodieuse ou cacophonique ? On peut interpréter cette chanson comme un pamphlet contre la femme cruelle et insister sur une prononciation désagréable à l’oral. On peut, au contraire, insister sur le plaisir du jeu et prononcer cette chanson sur un rythme léger et mélodieux. W À la différence de Charles d’Orléans qui utilise 2 refrains et le vers décasyllabe ample pour donner un rythme assez lent, doux et mélodieux à sa chanson qui traite du souvenir, Victor Hugo adopte le tétrasyllabe et les rimes alternées, favorisant une scansion rapide, rythmée, qui permettent de peindre une passion amoureuse tumultueuse. Dans le poème de Victor Hugo, c’est l’injonction « Chantez, c’est bien » plutôt que la forme (refrain, répétitions) qui indique que c’est une chanson. X Si c’est uniquement la voix du poète que l’on entend dans cette chanson, on distingue cependant deux niveaux d’expression. Dans les strophes 1 et 4, le poète a l’air d’exprimer des vérités générales, distanciées sur l’amour : « L’amour, panique / De la raison, /Se communique /Par le frisson » ; « Un homme semble / Souvent trompeur ». Dans les strophes 2 et 3, il paraît, au contraire, s’adresser directement à sa bien-aimée, sa voix personnelle faisant irruption dans la chanson, sur un ton marquant la souffrance ou la colère : « Laissez-moi dire, / N’accordez rien. / Si je soupire, / Chantez, c’est bien. // Si je demeure, / Triste, à vos pieds, / Et si je pleure, / C’est bien, riez. »

◆ À vos plumes ! at On veillera à ce qu’il y ait une cohérence entre le défaut dépeint et les situations décrites dans le poème. L’élève peut largement s’inspirer du poème de Victor Hugo pour exprimer des sentiments variés. On peut procéder à une recherche lexicale préalable pour trouver des mots appartenant aux champs lexicaux du trait de caractère, des sentiments, des attitudes qui seront décrits dans le poème.

EXEMPLES CHAMP LEXICAL

Trait de caractère colérique joyeuse

Sentiment

colère joie souffrance peine plaisir

Attitude prière menace

P o è m e d e P é t r u s B o r e l ( p p . 6 1 à 6 4 )

◆ Avez-vous bien lu ? u Ce poème est une mise en garde contre l’amour, parce que ce dernier pousse tout un chacun à se tromper et à se mettre en péril. C’est un sentiment que nul ne peut maîtriser. v La 1re strophe (v. 1 à 36) est dédiée à l’impossibilité de connaître l’amour et à en faire la théorie. Sentiment qui ne peut que s’éprouver, il recèle un mystère insondable : « J’ai lu mille mémoires / Qui traitent de l’amour ; j’ai lu mille grimoires / Très doctes et très secs : je ne sais rien de plus / Qu’avant d’avoir veillé sur ces bouquins feuillus. / Au diable ces traités ! Que le Diable les lise ! » Dans la 2e strophe (v. 37 à 51), le poète relate une promenade solitaire pour oublier les tourments de l’amour. À la 3e strophe (v. 52 à 63), il met en garde le lecteur contre ce sentiment nécessairement décevant et destructeur. w C’est le champ lexical de la science qui domine la 1re strophe et qui paraît opposé à celui de l’amour. On relève, par exemple : « vous jetez votre sonde » ; « vous argumentez, puis vous édifiez / Système sur système » ; « la science » ; « psychologie » ; « un aérostat » ; « cuber » ; « condenser l’amour » ; « vos alambics, vos loupes, vos compas ».

◆ Étudier la déploration amoureuse x C’est tout d’abord le lexique du savoir qui prouve que le poète se croyait capable de dominer le sentiment amoureux mais reconnaît s’être trompé : « Et ne sais rien de plus ! – J’ai lu mille mémoires / Qui traitent de l’amour ; j’ai lu mille grimoires / Très doctes et très secs : je ne sais rien de plus… » C’est aussi

Dire l’amour, de l’Antiquité à nos jours – 15

le lexique de la perte de la maîtrise de soi : « Abîme souterrain où notre empire cesse, / Où la raison s’égare et l’esprit se confond, / Dont l’écho ne répond que d’une voix railleuse / À toute question de notre âme orgueilleuse. » C’est la reconnaissance de l’incapacité et de l’inutilité de la science qui montre que l’amour est le plus fort : « La science, messieurs, ne fait que des faux pas ; / Et qui sait ne sait rien ! – Votre psychologie / N’est, croyez-moi, messieurs, qu’une blanche magie / Qui vous enlève au loin comme un aérostat, / Pour du plus haut des airs vous rejeter à plat… » Enfin, la répétition du vers « Messieurs, faites l’amour, mais ne l’expliquez pas ! » montre que l’amour est plus fort que la science. y Les marques du lyrisme personnel résident dans les champs lexicaux de la nature et des sentiments, les interrogations, le rythme binaire, les hyperboles : « Je côtoyais le fleuve et parcourais la grève ; / Au soleil printanier je réchauffais la fleur / De ma vie, effeuillée au vent de la douleur ; / Je secouais mon âme accroupie et froissée / Par ces hivers du cœur, – le doute, la pensée ; – / Je m’en allais rêveur, – qui marche sans cela ? » Le sentiment d’une vive souffrance personnelle est donné, ici, par l’usage du lexique de la souffrance, du cœur, de la pensée : « effeuillée au vent de la douleur » ; « Par ces hivers du cœur » ; « le doute, la pensée ». U Les mots et procédés qui traduisent la déception du poète à la strophe 3 sont les mises en garde formulées à l’impératif avec une explication proposée sous forme d’accumulation de méfaits : « Gardez-vous de l’amour : car sa rude exigence / Brise le cœur hautain, la fière intelligence / De l’homme le plus fort ; corrompt sa volonté / Et le jette pour proie à la débilité / D’une femme… » Le lexique employé, largement péjoratif, montre cette déception, tout comme le rejet d’« une femme » pour laquelle il éprouve du dégoût. La femme est largement dénigrée et accusée de séduction dangereuse : « Jouet des mots dorés d’une bouche menteuse !… / […] c’est un poignard / Orné de pierreries et parfumé de nard ; / Une main implacable, invisible, inconnue, / Dans l’ombre en est armée… » On le voit : le poète use de nombreuses hyperboles pour désigner la tromperie féminine. Il place, enfin, l’homme en victime innocente livrée à la sauvagerie féminine : « – et quand une âme est nue / Ouverte, confiante, et sans fiel, sans poison, / Passe, – elle suit sa trace et frappe en trahison. »

◆ L’ode V La longueur des strophes, même si celle-ci tend à décroître au fil du poème, donne un sentiment d’ampleur. La longueur des phrases, le rythme de l’alexandrin, les exclamations, la précision des descriptions donnent également à cette ode son ton majestueux. À cette longueur et cette pesanteur de l’ode s’opposent le rythme sautillant et la brièveté des vers tétrasyllabes du poème de Victor Hugo. W

TONALITÉ ÉLÉGIAQUE TONALITÉ ÉPIQUE • « Hélas ! » (expression du désespoir) • « Pour moi, faible héron » (faiblesse du poète) • « Je me sens emporté dans le gouffre ou la nue, / Dans l’antre ténébreux ou sur la plage nue » (expression du tourment amoureux) • « Je me sens expirer sous son bec assassin, / Qui m’a crevé les yeux ou labouré mon sein, / Et ne sais rien de plus ! – J’ai lu mille mémoires / Qui traitent de l’amour ; j’ai lu mille grimoires / Très doctes et très secs : je ne sais rien de plus / Qu’avant d’avoir veillé sur ces bouquins feuillus. / Au diable ces traités ! Que le diable les lise ! / Au diable leur peinture et leur sotte analyse ! / Analyser l’amour ?… Oh ! c’est par trop bouffon ! / Messieurs les esprits fins, vous vous croyez au fond, / – Vous êtes à côté, vous jetez votre sonde : / Comme un brin de sarment elle flotte sur l’onde, / Puis vous argumentez, puis vous édifiez / Système sur système – et vous bêtifiez !… / L’amour est un secret du ciel insaisissable. / Un arcane fermé pour l’homme, infranchissable ; / Un mont dont on connaît le pied, non le sommet ; / Une implacable loi, tout être s’y soumet ; / Abîme souterrain où notre empire cesse, / Où la raison s’égare et l’esprit se confond » (développement de la plainte) • « Chancelant et voûté sous le mal qui me grève, / Je côtoyais le fleuve et parcourais la grève ; / Au soleil printanier je réchauffais la fleur / De ma vie, effeuillée au vent de la douleur ; / Je secouais

• « qui nous dira ce que c’est que l’amour ? » (portée universelle) • « aux serres de vautour » (image majestueuse) • « Je me sens emporté dans le gouffre ou la nue, / Dans l’antre ténébreux ou sur la plage nue » (hyperbole épique) • « Je me sens expirer sous son bec assassin, / Qui m’a crevé les yeux ou labouré mon sein » (mythe d’Œdipe ou de Prométhée se faisant dévorer le foie par un aigle pour avoir transmis le feu aux hommes) • « Au diable ces traités ! Que le diable les lise ! / Au diable leur peinture et leur sotte analyse ! » (image d’une catabase, d’une descente aux Enfers, reprenant le mythe d’Orphée) • « Messieurs les esprits fins, vous vous croyez au fond, / – Vous êtes à côté » (mise en cause des doctes et d’un savoir collectif inadéquat) • « L’amour est un secret du ciel insaisissable. / Un arcane fermé pour l’homme, infranchissable ; / Un mont dont on connaît le pied, non le sommet ; / Une implacable loi, tout être s’y soumet ; / Abîme souterrain où notre empire cesse, / Où la raison s’égare et l’esprit se confond » (Expression du tragique) • « Pour du plus haut des airs vous rejeter à plat ; / Vous ne pouvez cuber l’âme ni sa puissance, / Ni condenser l’amour, pure et divine essence ; / Laissez vos alambics, vos loupes, vos compas : / Messieurs, faites l’amour, mais ne l’expliquez pas ! » (expression d’une colère contre l’inanité du savoir) • « Gardez-vous de l’amour : car sa rude exigence / Brise le cœur hautain, la fière intelligence / De l’homme le plus fort ; corrompt sa

Réponses aux questions – 16

mon âme accroupie et froissée / Par ces hivers du cœur, – le doute, la pensée ; – / Je m’en allais rêveur, – qui marche sans cela ? – / Et mon esprit faisait les phrases que voilà. / Je m’en allais poussé par une ardeur native, / Une force indicible, une pente instinctive, / Saluer d’un baiser celle qui m’appartient, / Celle qui jusqu’à l’aube en ses bras me retient ; / Celle pour qui mon pas est plus doux qu’un théorbe, / Celle pour qui mon nom est un chant inouï, / À qui je dis : Je veux, et qui me répond : – Oui ! » (expression d’une souffrance personnelle, avec lexique de la douleur, du cœur, des pensées et sentiments)

volonté / Et le jette pour proie à la débilité / D’une femme, – écrasant sa tête vaniteuse, / Jouet des mots dorés d’une bouche menteuse !… / Gardez-vous de l’amour, messieurs, c’est un poignard / Orné de pierreries et parfumé de nard ; / Une main implacable, invisible, inconnue, / Dans l’ombre en est armée, – et quand une âme est nue, / Ouverte, confiante, et sans fiel, sans poison, / Passe, – elle suit sa trace et frappe en trahison » (mise en garde grandiloquente contre la femme, adressée à un « vous » universel, mettant l’homme en position de héros).

X Malgré la référence à la science, à une prétendue raison, le poète se livre à une invective désordonnée contre l’impossibilité de connaître l’amour par la raison et le savoir. Il s’en prend d’ailleurs à l’ordre même du monde, à la nature de l’amour. La 2e strophe (v. 37 à 51), qui se resserre sur la figure du poète, exprime son désespoir et ses pensées sombres mais se résout par une déclaration passionnée à sa bien-aimée, avant de terminer, dans la 3e strophe (v. 52 à 63), par une impossible mise en garde contre l’amour et une critique de la femme, aussi excessive que souffrante et passionnée. L’incohérence narrative elle-même est voulue pour montrer la passion amoureuse à l’œuvre. C’est le dépit du poète qui semble lui faire perdre la raison et convoquer toutes les instances protectrices (figures mythologiques, sciences) et destructrices (Diable, enfer) dans un élan passionné. L’ode est l’expression de cette passion. Elle a donc un aspect très théâtral.

◆ À vos plumes ! at On attend, ici, l’usage d’un lexique de la passion le plus riche possible, de l’exagération et d’une ponctuation expressive. Une comparaison avec un domaine de l’activité humaine permettrait d’enrichir le devoir et de créer une analogie entre les tentatives de maîtrise du destin et l’impossibilité de gouverner le cours des événements.

P o è m e d e P a u l V e r l a i n e ( p . 7 1 )

◆ Avez-vous bien lu ? u Le poète rêve à une femme idéale, qui serait toujours telle qu’il la désire et, dans le même temps, toujours autre. v Verlaine rêve d’une femme amoureuse, compréhensive, rassurante et bienveillante, douce et chère. Qu’importent la couleur de ses cheveux ou de ses yeux, son nom et son apparence : « elle seule » compte. Mais il attend aussi de cette femme des qualités paradoxales et irréconciliables : connue, puisqu’ils s’aiment, et « inconnue », toujours différente (« ni tout à fait la même ») et toujours semblable (« ni tout à fait une autre »), rassurante (« m’aime et me comprend ») et « grave ». w Le poète apparaît comme un être souffrant, au « front blême », et incompris, un « cœur transparent » qui « cesse d’être un problème / Pour elle seule ».

◆ Étudier l’expression du rêve x Le 1er vers « Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant » indique clairement que l’on est dans un rêve. Il y a ensuite la mention d’une femme « inconnue » mais aimée, comme les personnages qui peuplent habituellement les rêves. Les questions que se pose le poète (« Est-elle brune, blonde ou rousse ? » ; « Son nom ? ») montrent qu’il est dans le flou qui entoure le souvenir du rêve. Il se remémore des détails qui lui rappellent des choses connues ou disparues : « Son regard est pareil au regard des statues, / Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a / L’inflexion des voix chères qui se sont tues. » y On peut voir, dans l’expression « le regard de statue », une référence au poème « Hymne à la beauté » de Charles Baudelaire et notamment au vers 2 : « Ô beauté ! ton regard, infernal et divin… » L’expression de Verlaine décrit un regard qui voit sans voir, sans juger, mais omniscient et qui semble délivrer un message impénétrable et intemporel. Les sonorités du nom et de la voix venant des morts aimés rappellent aussi le vers 13 du poème de Baudelaire : « Tu marches sur des morts, Beauté, dont tu te moques », mais également la poésie de Rimbaud à laquelle Verlaine rend hommage et qui guide son

Dire l’amour, de l’Antiquité à nos jours – 17

écriture, et aux poètes qui l’ont précédé. Il célèbre, par là, le pouvoir de la mémoire, de la tradition poétique, la puissance du souvenir qui résiste au temps. U Ce poème effectue un voyage du rêve à la mort, de la joie à la mélancolie. Il est un hymne à l’amour et un « tombeau » en même temps. Assez harmonieux, onirique, voire enjoué au début (strophe 1), le poème passe par une sorte de crise d’angoisse à la strophe 2. Cette angoisse se transforme en sentiment mélancolique et nostalgique à la strophe 3.

◆ Le sonnet revisité V Ce sonnet est de facture classique. Conformément au sonnet français, il est composé de 2 quatrains à rimes embrassées (ABBA et ABBA) et de 2 tercets dont les rimes sont en CCD/EDE. Ce qui est assez logique puisque sa chute est un hommage aux voix poétiques du passé. Néanmoins, le jeu sur les rythmes et les sonorités (voir réponse à la question suivante) font de ce poème un pont entre le classicisme et la modernité. W Les coupes dans le poème et le rôle de la voyelle e, qui rallonge parfois certains mots pour obtenir les 12 syllabes nécessaires, donnent l’impression d’un alexandrin déstabilisé. Le poète franchit un pas vers la modernité par le jeu des sons en créant des sortes d’hésitations sonores au sein même du vers. X Les allitérations en [an] et les assonances en [aime] procurent une sensation de mélodie harmonieuse et chaleureuse dans les 2 premières strophes, qui rappelle la douceur d’un rêve agréable. L’assonance en [o] de la 3e strophe et celles en [a] et [u], enfin, structurent la progression du poème de la vie, du rêve, vers la mort, le sommeil éternel.

◆ À vos plumes ! at On insistera sur l’emploi du lexique du rêve et l’enchaînement de visions illogiques qui s’emmêlent et révèlent en même temps des pensées du narrateur.

P o è m e d e G u i l l a u m e A p o l l i n a i r e ( p p . 7 9 - 8 0 )

◆ Avez-vous bien lu ? u Le poète compare l’écoulement de l’eau du fleuve au passage de l’amour et à l’écoulement du temps, comme l’indiquent les premiers vers : « Sous le pont Mirabeau coule la Seine / Et nos amours / Faut-il qu’il m’en souvienne… » v Apollinaire déplore la fuite du temps, mais d’un temps vidé d’amour. Car c’est également la fin cyclique des amours qui s’éloignent et ne reviennent jamais qui préoccupe le poète. Il s’adresse ici, en particulier, au peintre Marie Laurencin avec qui il a eu une liaison orageuse. Cette déploration s’exprime particulièrement dans le refrain : « Vienne la nuit sonne l’heure / Les jours s’en vont je demeure… » w Le « pont Mirabeau » est à la fois le lieu d’observation du poète, qui regarde le passage de l’eau et se souvient d’un amour perdu, et un point de suspension dans le temps. Il représente aussi les corps humains enlacés (« le pont de nos bras »). Cette image est rendue visuellement par la forme même des strophes : il semble que le refrain soit le pont entre chaque strophe qui s’écoule.

◆ Étudier l’expression de la nostalgie x L’eau est un thème récurrent de la poésie lyrique, qui permet d’exprimer la fuite du temps. Ici, elle est précisément nommée : c’est « la Seine ». L’écoulement est traduit par des verbes de mouvement (« passe », « coule », « s’en va », « passent », « reviennent ») présents à toutes les strophes. On relève également des répétitions, avec l’anaphore « ni », répétitions qui expriment un écoulement mélancolique ou une privation à laquelle le passage de l’eau et du temps est assimilé. Enfin, le fleuve est personnifié : « l’onde » est « lasse », à l’image du poète. y La tonalité nostalgique domine dans ce poème, avec l’emploi d’un lexique : – de l’amour achevé et du souvenir : « Et nos amours / Faut-il qu’il m’en souvienne » ; – des sentiments : « La joie venait toujours après la peine ».

Réponses aux questions – 18

L’idée obsédante du « départ », de la « mort », revient à chaque refrain: « Vienne la nuit sonne l’heure / Les jours s’en vont je demeure ». Cette nostalgie s’exprime également par l’imploration du poète à préserver l’amour (« Les mains dans les mains restons face à face ») et par l’aveu de la lassitude (« Des éternels regards l’onde si lasse »). Le paradoxe et la force de ce poème tiennent au fait d’exprimer la nostalgie au présent et non pas avec des temps du passé (1 seul imparfait dans tout le poème). Mais le présent se décline en une multiplicité de présents : – présent de vérité générale : « Comme la vie est lente », « Ni temps passé / Ni les amours reviennent » ; – présent de narration, qui se confond, ici, avec une description de l’eau ou du temps qui s’écoule : « Les jours s’en vont je demeure », « L’amour s’en va comme cette eau courante ». Certains présents ont des valeurs difficiles à débrouiller : le vers « Sous le pont Mirabeau coule la Seine » exprime-t-il un présent de narration, de description ou de vérité générale ? On trouve aussi le présent du subjonctif exprimant une nécessité (« Vienne la nuit sonne l’heure ») et un présent de l’impératif exprimant un souhait (« Les mains dans les mains restons face à face »). U Le poète est représenté comme un être immobile et contemplatif. Il est sur le pont, statique. Il semble figé dans la douleur et la contemplation, voire une éternité poétique : « je demeure ».

◆ Une forme libre V La mise en forme des vers évoque le passage de l’eau, alors que le refrain (« Vienne la nuit sonne l’heure / Les jours s’en vont je demeure ») évoque, par son sens et son détachement typographique des autres strophes, un pont. Chaque refrain forme un moment d’immobilité au-dessus du flux que représentent les strophes ondoyantes de part et d’autre. W On recense 4 quatrains et 1 refrain sous forme de distique (2 petits vers qui reviennent toujours). Chaque quatrain se compose de 4 vers respectivement de 10, 4, 6 et 10 syllabes. Le refrain comporte des vers impairs : ce sont des heptasyllabes – élément essentiel de la musicalité depuis Verlaine. Le 1er vers clôt déjà le poème en un mouvement circulaire. Les nombreuses répétitions, dont celle du refrain, donnent une impression de monotonie, de plainte, et rapprochent ce texte d’une complainte. X L’ambiguïté du texte vient de l’absence de ponctuation. L’usage du décasyllabe, dont le découpage est fluctuant en 5-5, 4-6 ou 6-4, ne permet pas d’imposer un sens au texte. Cela permet plusieurs lectures par un jeu complexe d’enjambements qui évoquent également le thème du pont et du passage de l’eau. Ainsi, dans la 1re strophe, on ne sait pas comment on doit lire les 4 vers : – « Sous le pont Mirabeau coule la Seine et nos amours[.] Faut-il qu’il m’en souvienne [?] La joie venait toujours après la peine[.] » ? – « Sous le pont Mirabeau coule la Seine[.] Et nos amours[,] faut-il qu’il m’en souvienne [?] La joie venait toujours après la peine » ? – « Sous le pont Mirabeau coule la Seine et nos amours[.] Faut-il qu’il m’en souvienne [:] la joie venait toujours après la peine[.] » ?… Les interprétations sont multiples et toutes acceptables. Les enjambements d’un vers à l’autre permettent la fluidité de la lecture et la liberté du sens, tout en mettant le lecteur en situation de contempler et de jouer avec ce flux de mots.

◆ À vos plumes ! at Il importe que les élèves réussissent à trouver, à l’image du calligramme d’Apollinaire « La Colombe poignardée et le Jet d’eau » (p. 81), un dessin qui soit en lien direct avec le thème de leur poème. Sans oublier, toutefois, que ce poème doit aborder parallèlement un thème traditionnel de la poésie lyrique. Du fait de l’absence de ponctuation, le dessin doit offrir une variété d’interprétations en découpant les phrases de telle sorte qu’elles puissent se combiner de différentes façons.

P o è m e d e L o u i s A r a g o n ( p . 8 5 )

◆ Avez-vous bien lu ? u Le poète demande à sa bien-aimée de continuer à l’aimer aussi longtemps qu’il l’aimera. Il célèbre donc un amour inscrit dans l’éternité.

Dire l’amour, de l’Antiquité à nos jours – 19

v Le poème s’adresse à Elsa, la muse d’Aragon : ce que prouvent les nombreux déictiques et marques d’énonciation du dialogue (« C’était hier que je t’ai dit »), les pronoms (« Nous dormirons ensemble » ; « Je n’ai plus que toi de chemin / J’ai mis mon cœur entre tes mains / Avec le tien comme il va l’amble » ; « Le ciel est sur nous comme un drap / J’ai refermé sur toi mes bras / Et tant je t’aime que j’en tremble / Aussi longtemps que tu voudras ») et les adresses directes (« Mon amour ce qui fut sera »). w Le temps semble s’arrêter dans ce poème. Le temps du sommeil est présenté comme un moment de suspens. Le temps est conçu dans la durée.

◆ Étudier l’expression du bonheur amoureux x Champs lexicaux :

TEMPS AMOUR CIEL SOMMEIL • « dimanche ou lundi » • « Soir ou matin minuit midi » • « C’était hier » • « C’était hier et c’est demain » • « comme il va l’amble » • « Tout ce qu’il a de temps humain » • « ce qui fut sera » • « Aussi longtemps que tu voudras »

• « Les amours aux amours ressemblent » • « mon cœur » • « Nous dormirons ensemble » • « Mon amour » • « Et tant je t’aime que j’en tremble »

• « Dans l’enfer ou le paradis » • « Le ciel » (religion)

• « draps » • « dormirons » • « Le ciel » (ciel du lit = le sommeil)

Les champs lexicaux les plus développés sont ceux du temps et de l’amour, qui inscrivent donc l’amour dans la durée et dans la communion « ciel = religion »). y Ce poème donne une impression de calme, de bonheur partagé, d’harmonie dans un amour durable, jusqu’à la mort : « Avec le tien comme il va l’amble / Tout ce qu’il a de temps humain ». Cet amour semble solide, indéfectible, comme le montrent les vers suivants : « Les amours aux amours ressemblent » ; « Je n’ai plus que toi de chemin / J’ai mis mon cœur entre tes mains / Avec le tien comme il va l’amble ». On peut y déceler une pointe de nostalgie liée à la contemplation du temps qui passe, comme dans le vers « C’était hier que je t’ai dit / Nous dormirons ensemble ». U Relevé des temps verbaux : – 1er sizain : présent de vérité générale (« ressemblent »), imparfait (« C’était »), passé composé (« je t’ai dit ») et futur de l’indicatif (« nous dormirons ») ; subjonctif présent (« que ce soit »). – 2e sizain : présent (« C’est », « je n’ai », « il va »), imparfait (« C’était »), passé composé (« J’ai mis », « il a ») et futur de l’indicatif (« Nous dormirons »). – 3e sizain : présent de description (« est », « je t’aime », « j’en tremble »), passé simple (« ce qui fut »), passé composé (« J’ai refermé ») et futur de l’indicatif (« sera », « tu voudras », « nous dormirons »). Cette grande variété des temps, qui effectue tout le prisme du passé au présent, participe à l’impression de durée. Le nombre des futurs augmente au 3e sizain pour donner une note optimiste au poème, résolument tourné vers l’avenir.

◆ Une forme libre V Dans le poème d’Aragon, l’amour est véritablement chanté. Le poème s’apparente donc à une courte chanson, avec la reprise d’un refrain en fin de strophe : « Nous dormirons ensemble ». Le vers 10 « Avec le tien comme il va l’amble » évoque même un pas de danse. W Le schéma rimique est le suivant : AAABAB/CCCBCB/DDDBDB. La rime en B, qui revient constamment, crée, elle aussi, un refrain et un écho rimique qui renforcent la musicalité. Par ailleurs, le mètre de ces 3 sizains est régulier, même s’il est hétérométrique : 5 octosyllabes précèdent l’hexasyllabe du refrain. On fera observer la diérèse nécessaire sur les 2 « Hier » aux vers 5 et 7 qui encadrent le 1er refrain. Cette composition est originale par sa fluidité, le jeu de ses enjambements poétiques que symbolise l’image du pont, par la position spatiale du poète représentée par la disposition des strophes. C’est la coïncidence entre le fond et la recherche sur la forme qui rend ce poème si original. X Certaines images poétiques sont originales parce qu’elles font s’entrechoquer les temps passés et futurs : « C’était hier que je t’ai dit / Nous dormirons ensemble » ; « C’était hier et c’est demain / Je n’ai plus que toi de chemin » ; « Tout ce qu’il a de temps humain / Nous dormirons ensemble » ; « Mon amour ce qui fut sera / Le ciel est sur nous comme un drap ». D’autres images sont originales par leur aspect charnel : « J’ai

Réponses aux questions – 20

mis mon cœur entre tes mains / Avec le tien comme il va l’amble » ; « Le ciel est sur nous comme un drap / J’ai refermé sur toi mes bras / Et tant je t’aime que j’en tremble ». C’est, enfin, le caractère concret et inattendu du refrain célébrant le sommeil commun qui crée une image du couple heureux inédite : « Nous dormirons ensemble ».

◆ À vos plumes ! at On mettra l’accent sur l’usage d’un refrain répétant l’importance de l’action partagée ou le lien décrit, sur l’usage des temps (passé, présent et futur) et sur la formation de sizains rimés ou du moins rythmés.

R e t o u r s u r l ’ œ u v r e ( p p . 9 3 - 9 4 )

u Tibulle, « Le Joug de l’amour » • • rondeau

Le Cantique des cantiques • • éloge Marie de France, « Lai du Chèvrefeuille » • • forme libre Guillaume de Loris, Le Roman de la Rose • • stances Dante Alighieri, La Vie nouvelle • • chanson Charles d’Orléans, « Ma seule amour, ma joie et ma maîtresse » • • élégie Gérard de Nerval, « El Desdichado » • • ode Jean de La Fontaine, Les Amours de Psyché et de Cupidon • • lai Bernard de Ventadour, « Amour, qu’est-ce qu’il vous paraît » • • prosimètre Pétrus Borel, « Sur l’amour » • • sonnet Théophile de Viau, « À Cloris » • • poème narratif Guillaume Apollinaire, « Le Pont Mirabeau » • • verset v a) Faux : c’est Catulle. b) Faux : c’est un poète italien du XIVe siècle, mais il a effectivement influencé les poètes de la Pléiade. c) Vrai. d) Vrai. e) Faux : c’est Verlaine qui était surnommé ainsi. f) Faux : ce poème est dédié à son épouse et muse Gala. w

7

5 F 9

C 1 S A P P H O 11

A M 8 V H

N I G I E

T 2 E L U A R D L

I I U E E

Q 6 E T 10 N

3 S U P E R V I E L L E

E L E A

S 4 R I M B A U D

A E

Dire l’amour, de l’Antiquité à nos jours – 21

R é p o n s e s a u x q u e s t i o n s d u g r o u p e m e n t d e t e x t e s ( p p . 1 0 9 à 1 1 7 )

◆ Document 1 : Tristan et Iseult A. Les étapes de cette passion sont l’accalmie durant le voyage en mer et dans la relation entre Tristan et Iseult : « Tristan vint vers la reine et tâchait de calmer son cœur » indique qu’il y a déjà eu des rapports amoureux entre eux (en effet, Iseult a déjà déclaré sa flamme à Tristan qui l’a repoussée par fidélité au roi Marc, son protecteur et oncle). La chaleur aidant, ils boivent par erreur le filtre d’amour. Ils sont ébahis par leur amour : « Brangien entra et les vit qui se regardaient en silence, comme égarés et comme ravis… » Mais les doutes les assaillent très vite, ainsi que la douleur de la trahison. Pour Tristan, c’est la trahison envers son oncle qui est insupportable : « Il songeait : “Andret, Denoalen, Guenelon et Gondoïne, félons qui m’accusiez de convoiter la terre du roi Marc, ah ! je suis plus vil encore, et ce n’est pas sa terre que je convoite ! […]” » Quant à Iseult, elle est vexée du rejet de Tristan : « Elle voulait le haïr, pourtant : ne l’avait-il pas vilement dédaignée ? » Mais elle ne peut s’empêcher de l’aimer. B. Les obstacles qui se dressent devant la passion de Tristan et Iseult viennent du fait qu’Iseult est promise à Marc, le roi de Tintagel. Ce dernier est, en outre, l’oncle de Tristan, son suzerain et son père adoptif, puisqu’il l’a recueilli enfant. Tristan ne peut donc trahir son bienfaiteur. Il est déchiré entre son amour et son devoir. Les seigneurs de Tintagel, qui jalousent Tristan pour sa position privilégiée à la cour du roi Marc, ne lui seront donc d’aucun secours s’il témoigne de son amour pour Iseult. Cette dernière, quant à elle, est retenue par le fait que Tristan l’a dédaignée plus tôt. C. Les expressions qui laissent deviner une issue tragique à cet amour sont : « c’était la passion, c’était l’âpre joie et l’angoisse sans fin, et la mort » ; « Brangien […] gémit : “Malheureuse ! maudit soit le jour où je suis née et maudit le jour où je suis montée sur cette nef ! Iseult, amie, et vous, Tristan, c’est votre mort que vous avez bue !” ». L’amour de Tristan est comparé à « une ronce vivace, aux épines aiguës ». Il s’exclame : « ah ! je suis plus vil encore » ; « que n’avez-vous, dès le premier jour, chassé l’enfant errant venu pour vous trahir ? ». Iseult est « irritée en son cœur de cette tendresse plus douloureuse que la haine ». Les champs lexicaux de la mort, de la haine, de la trahison dessinent une issue funeste à cette passion.

◆ Document 2 : William Shakespeare, Roméo et Juliette A. Les images poétiques que Roméo invente dans sa tirade pour dire son amour pour Juliette sont des métaphores de la blessure amoureuse : « Il se rit des plaies, celui qui n’a jamais reçu de blessures ! » Puis il use des métaphores de la lumière et des étoiles, Juliette étant comparée à une « lumière », un « soleil », une « belle aurore ». Il fait de Juliette une « prêtresse » du ciel, puisque la lune, dont la « livrée de vestale est maladive et blême », est jalouse d’elle. Les yeux de Juliette sont « deux des plus belles étoiles du ciel », et « le seul éclat de ses joues ferait pâlir la clarté des astres ». Puis ses yeux sont comparés à des sources de lumière : « ses yeux, du haut du ciel, darderaient une telle lumière à travers les régions aériennes, que les oiseaux chanteraient, croyant que la nuit n’est plus ». B. Juliette demande à ce que Roméo ne soit plus Roméo, c’est-à-dire un Montague (ou Montaigu), de façon à annuler l’interdiction qui pèse sur les Capulet de s’approcher des Montague. Elle voudrait également qu’il lui jure un amour éternel. En somme, elle demande l’impossible. Elle s’interroge ainsi sur le poids du nom sur la destinée, dont elle relativise l’importance. C. Ce qui permet de comprendre que Juliette est sur un balcon et Roméo au pied de celui-ci, c’est d’abord la didascalie « Apercevant Juliette qui apparaît à une fenêtre ». Très vite, le lecteur comprend que Roméo se parle à lui-même et non pas à Juliette : « Mais doucement ! Quelle lumière jaillit par cette fenêtre ? Voilà l’Orient, et Juliette est le soleil ! » ; « Ce n’est pas à moi qu’elle s’adresse ». Roméo décrit aussi sa position dans une didascalie interne : « Car tu rayonnes dans cette nuit, au-dessus de ma tête… » Il se demande encore, « à part », s’il doit lui répondre : « Dois-je l’écouter encore ou lui répondre ? » De même, Juliette se parle à elle-même, bien qu’elle adresse ses implorations à Roméo, ce qui indique qu’elle ne l’a pas aperçu : « Ô Roméo ! Roméo ! pourquoi es-tu Roméo ? Renie ton père et abdique ton nom ; ou, si tu ne le veux pas, jure de m’aimer, et je ne serai plus une Capulet. »

◆ Document 3 : Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac A. Cyrano suggère l’excès de son amour par divers procédés : – des répétitions : « Tous ceux, tous ceux, tous ceux » ;

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– une verve spontanée : « je vais vous les jeter, en touffe, / Sans les mettre en bouquet : je vous aime » ; – un lexique de l’étouffement : « j’étouffe », « Je t’aime, je suis fou, je n’en peux plus, c’est trop », et des allitérations en [t] et [f] ; – le passage de la 2e personne du pluriel à la 2e personne du singulier ; – le lexique de l’amour : « je vous aime », « je t’aime », « mon cœur » ; – la répétition de « tous », « tout », qui évoque un amour total ; – le fait qu’il voie partout Roxane ; – le procédé de l’hypotypose, qui consiste à mettre sous les yeux du lecteur ou de l’auditeur une scène en la décrivant par plusieurs sensations : ici, principalement le toucher, la vue et le son avec la comparaison du grelot qui fait sonner le nom de Roxane et frissonner constamment Cyrano. Cyrano évoque des souvenirs futiles précis comme la coiffure, qui lui a laissé un souvenir si fort qu’il la voit partout : « On voit sur toute chose ensuite un rond vermeil, / Sur tout, quand j’ai quitté les feux dont tu m’inondes, / Mon regard ébloui pose des taches blondes ! » B. Cyrano révèle, en fait, sa véritable identité et ses sentiments que Roxane ne peut comprendre, étant persuadée que c’est Christian qui lui parle : – d’abord sa jalousie et sa tristesse de ne pouvoir plaire à Roxane : « Certes, ce sentiment / Qui m’envahit, terrible et jaloux, c’est vraiment / De l’amour, il en a toute la fureur triste ! » ; – puis le sacrifice qu’il fait pour le bonheur de Roxane et Christian : « De l’amour, – et pourtant il n’est pas égoïste ! / Ah ! que pour ton bonheur je donnerais le mien » ; – enfin, le fait que Roxane ignorera toujours cet amour : « Quand même tu devrais n’en savoir jamais rien ». Cyrano espère un instant que Roxane comprenne : « Commences-tu / À comprendre, à présent ? Voyons, te rends-tu compte ? / Sens-tu mon âme, un peu, dans cette ombre, qui monte ? » C. On trouve, tout d’abord, la tonalité lyrique de l’amour retenu, qui permet à Cyrano d’exprimer ses sentiments : « je vous aime, j’étouffe, / Je t’aime, je suis fou, je n’en peux plus, c’est trop » ; « De toi, je me souviens de tout, j’ai tout aimé ». On trouve également la tonalité comique, que l’on ressent à la description des mots jetés « en touffe », de l’étouffement de Cyrano et du grelot qui sonne le nom de Roxane. Le fait que Cyrano voie des « taches blondes » partout après avoir contemplé la chevelure de sa cousine crée aussi un effet comique : « comme lorsqu’on a trop fixé le soleil, / On voit sur toute chose ensuite un rond vermeil, / Sur tout, quand j’ai quitté les feux dont tu m’inondes, / Mon regard ébloui pose des taches blondes ! » Dans la seconde tirade, la tonalité se fait plus tragique : « ce sentiment / Qui m’envahit, terrible et jaloux, c’est vraiment / De l’amour, il en a toute la fureur triste ! » On trouve une tonalité élégiaque à l’évocation du sacrifice et de la mort : « Rire un peu le bonheur né de mon sacrifice ! / […] Il ne me reste / Qu’à mourir maintenant ! » Mais on trouve aussi le registre du lyrisme du bonheur : « Oh ! mais vraiment, ce soir, c’est trop beau, c’est trop doux ! / […] C’est trop ! Dans mon espoir même le moins modeste, / Je n’ai jamais espéré tant ! » Enfin, le registre mélancolique conclut la tirade avec l’évocation du jasmin qui symbolise le lien et l’incapacité à se rencontrer des deux personnages : « Car tu trembles ! car j’ai senti, que tu le veuilles / Ou non, le tremblement adoré de ta main / Descendre tout le long des branches du jasmin ! » Ce mélange des tonalités reposant sur de forts contrastes suscite l’émotion du spectateur.

◆ Document 4 : Albert Cohen, Belle du Seigneur A. Le lyrisme amoureux s’exprime par : – la situation finale de ce roman : un suicide commun pour échapper à la banalité du quotidien et maintenir vivace la passion ; – le lexique de la tendresse : « il la prit dans ses bras, et il la serra, et il baisa les longs cils recourbés » ; – le lexique de la première rencontre : « c’était le premier soir », « sur la robe des attentes » ; – le lexique de la passion et de la mort : « et il la serrait de tout son amour mortel. Encore, disait-elle, serre-moi encore, serre-moi plus fort. Oh, elle avait besoin de son amour » ; « À voix basse et fiévreuse, elle lui demandait s’ils se retrouveraient après, là-bas » ; « et rien que l’amour vrai, l’amour vrai là-bas ». La longueur des phrases et le rythme incantatoire donnent un charme envoûtant à cet extrait, comme si une magie s’opérait. B. On pense, à travers cet extrait, à la mort par poison des deux amants dans Roméo et Juliette (1597) de William Shakespeare, qui réconcilie deux familles ennemies, les Montague et les Capulet. On pense également à Tristan et Iseult (XIIe s.), mythe littéraire que les poètes normands, qui en ont

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fait les premières rédactions conservées, ont localisé en Bretagne et qui représente un sommet de l’amour courtois. Dans les textes antiques, on pense à l’histoire d’amour de Pâris et Hélène, telle qu’elle est racontée dans l’Iliade, ou celle de l’amour d’Ulysse et Pénélope, relatée dans l’Odyssée (VIIIe s. av. J.-C.). C. Cet extrait surprend par le mélange des registres qui rendent très vivante cette fin tragique : – Le lyrisme amoureux de la tendresse évoque la relation amoureuse : « Alors, il lui ferma les yeux, […] il la prit dans ses bras […] la portant, contre lui la serrant et de tout son amour la berçant, berçant et contemplant, muette et calme, l’amoureuse qui avait tant donné ses lèvres, tant laissé de fervents billets au petit matin, berçant et contemplant, souveraine et blanche… » – Le registre réaliste crée un saisissant contraste : « À voix basse et fiévreuse, elle lui demandait s’ils se retrouveraient après, là-bas, et elle souriait que oui, ils se retrouveraient là-bas […] et la salive maintenant coulait sur son cou, sur la robe des attentes » ; « Alors, il lui ferma les yeux, et il se leva, et il la prit dans ses bras, lourde et abandonnée… » – Le registre du lyrisme heureux est également représenté dans les souvenirs : « c’était le premier soir » ; « le visage virginal, à peine souriant, beau comme au premier soir » ; « la valse du premier soir, valse à la longue traîne, et elle avait le vertige, dansant avec le seigneur qui la tenait et la guidait, dansant et ignorant le monde et s’admirant, tournoyante, dans les hautes glaces s’admirant, élégante, émouvante, femme aimée, belle de son seigneur ». – Le registre fantastique est également présent dans l’expression « la naïve des rendez-vous à l’étoile polaire » et par le fait que les temps et les espaces se confondent dans la mort : temporalité et espace de la chambre, temporalité et espace de la première rencontre.

R é p o n s e s a u x q u e s t i o n s d e l e c t u r e d ’ i m a g e s ( p p . 1 1 8 à 1 2 3 )

◆ Document 1 : Tristan et Iseult buvant le philtre d’amour A. Les différents personnages de la miniature sont Tristan, Iseult, Brangien (la servante d’Iseult) et un compagnon de Tristan. Alors que Tristan vient demander la main d’Iseult en Irlande pour son oncle le roi Marc, qui règne sur la Cornouailles, la reine d’Irlande remet à Brangien un philtre d’amour pour qu’Iseult et son futur époux tombent instantanément amoureux. Mais, alors qu’ils naviguent, le soir de la Saint-Jean, vers la Cornouailles et qu’ils jouent aux échecs, jeu qui symbolise l’approche ou la tactique amoureuse, Tristan boit par erreur le philtre et en fait boire à Iseult. Ils tombent éperdument amoureux. B. Le peintre choisit de représenter le moment où, par erreur, Tristan et Iseult boivent le philtre qui va les faire s’éprendre l’un de l’autre. Ce moment qui précède la passion amoureuse est crucial, puisqu’il est l’élément perturbateur qui va entraîner une passion violente, détourner les deux amants du chemin qui leur était tracé et sceller leur destin tragique. C. La représentation de cette miniature ne paraît pas très réaliste : en effet, le bateau a l’air minuscule et ressemble à une barque ; les personnages semblent disproportionnés (leur tête paraît parfois trop grosse pour leur corps), leurs positions peu naturelles, leurs corps mal dessinés ; la perspective peut sembler absente, puisque le fond apparaît plutôt plat : l’eau est sur le même plan que les personnages, bien que la ligne d’horizon soit marquée par les traits gris. On peut expliquer cela par un état de l’art et de la représentation au Moyen Âge, au cours duquel certaines lois comme celle de la perspective n’ont pas encore été découvertes et où la représentation ne passe pas forcément par le réalisme mais par la symbolique, l’essentiel étant de faire comprendre la scène. Malgré sa simplicité, cette image est néanmoins très marquante. D. Les costumes indiquent la différence de statut social. La robe verte d’Iseult est ouvragée, décorée d’arabesques noires, et très décolletée. Elle arbore un collier et un chapeau orné de dorures. Ses longs cheveux blonds sont une marque de beauté. Sa position au premier plan, par rapport à l’autre figure féminine, indique qu’elle est le personnage principal. La seconde femme, Brangien, porte une robe plus simple au décolleté moins avantageux, pour montrer sa position subalterne. Sa proximité avec la noblesse est soulignée néanmoins par le port d’un collier et d’un chapeau. Elle est au second plan et dessinée de façon à apparaître plus petite qu’Iseult. Le vêtement de Tristan, à droite, est également

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orné d’or ; ses manches sont découpées de façon à créer des festons, sa coiffe est brodée d’or. Il semble également légèrement plus grand que le second personnage masculin, qui porte un vêtement plus simple. Il se tient derrière Iseult, une jarre à la main, d’où provient probablement le philtre. Tout le désigne comme un serviteur, même s’il est de bonne condition lui aussi. Ainsi les costumes et les places des personnages déterminent-ils leur statut social et leur importance dans l’histoire. E. Au Moyen Âge, les artistes font un usage symbolique des couleurs. Le violet, par exemple, est celle de la foi, du divin, de la prière. Le vert celle de la fertilité de la terre, de la régénération, de la grâce. Le blanc exprime la pureté et l’entrée dans la foi lors du baptême. Le rouge désigne l’action, l’énergie, la fougue, mais également le martyre et la passion du Christ. Le bleu s’apparente à l’éternité ; c’est une couleur alors très employée. Avec ces couleurs, il est aisé d’interpréter la symbolique des vêtements : Iseult étant en vert, sa féminité est représentée comme fertile ; les hommes en rouge illustrent l’action guerrière, mais, pour Tristan, aussi le martyre ; la robe de Brangien, bleu foncé, rappelle sa fidélité à sa maîtresse. La dominante bleue du tableau peut être comprise comme la couleur de l’éternité et du divin.

◆ Document 2 : Nicolas Poussin, Paysage avec Orphée et Eurydice A. On reconnaît Orphée assis à droite au premier plan, jouant de la lyre pour des jeunes filles qui ont assisté à la noce. À gauche, cachée derrière une auditrice, Eurydice est agenouillée, le regard tourné vers son pied où un serpent l’a piquée (on devine le serpent à la droite du vase renversé). Dans les arrière-plans, on voit des personnages illustrant des activités d’une époque sans doute plus proche de celle de Nicolas Poussin que de l’Antiquité : pêcheurs et bateliers, baigneurs évoquent un univers rural ou l’amour pastoral (entre bergers et bergères), tel que le courant de la préciosité (début XVIIe s.) l’avait défini. B. La forêt et la rive du premier plan évoquent un amour pastoral, qui correspond au mythe d’Orphée, notamment tel qu’il est décrit par Ovide qui place volontiers ses personnages dans la nature ; mais la pastorale représente aussi, au XVIIe siècle, le lieu d’un amour pur. Le fleuve Tibre évoque la présence divine par le fait qu’il reflète les cieux (Orphée est aimé des dieux), mais il préfigure aussi le Styx, fleuve que devra passer Orphée pour rejoindre Eurydice dans les Enfers ; il correspond aussi au fleuve qui traverse Rome. Il a donc une valeur narrative. Le troisième plan du tableau représente, à gauche, le château Saint-Ange, construit sur les rives du Tibre par l’empereur Hadrien pour devenir son mausolée. La fumée d’un bûcher, allégorique, monte de ce château pour rejoindre les nuages gris dans le ciel. De même que la nuit monte de la terre, elle descend du ciel, préfigurant les allers-retours d’Orphée entre la Terre et les Enfers. C. La place que le ciel occupe dans le tableau traduit plus qu’une volonté réaliste. Il désigne un monde au-delà des apparences, un monde divin. Il est d’ailleurs reflété dans le fleuve et préfigure les abîmes infernaux. La lumière joue un rôle important, puisque la vive clarté qui tombe du haut, à gauche du tableau, sur Orphée et Eurydice pour les éclairer, comme s’ils étaient sur une scène, est contrastée par l’obscurité des ombres qui les entourent et les menacent. La nuit semble, en effet, tomber et recouvrir le jour et le bonheur des deux amants de sa présence inquiétante. D. La composition de ce tableau est harmonieuse conformément à l’idéal classique : les lignes horizontales des trois plans encadrent la forme ovale du fleuve et sont délimitées par les verticales des arbres, rochers, constructions, montagnes qu’assouplissent les diagonales des nuages dans le grand fond de ciel. Les lignes de composition structurent fortement l’espace et créent du mouvement. Ce classicisme se retrouve dans le chromatisme équilibré de la toile : la dominante bleue et verte, symbolisant la nature et le divin, est contrebalancée par les marrons qui symbolisent, peut-être, les puissances souterraines. Les deux vives taches rouges qui encadrent Orphée évoquent évidemment le sang et donc la mort d’Eurydice. Les taches blanches, notamment celle du linge posé à droite sur le rocher, contrebalancent les noirs et permettent de conserver une harmonie lumineuse et d’attirer le regard vers la droite du tableau – sens de la lecture –, comme pour indiquer une narration en cours.

◆ Document 3 : Jean-Honoré Fragonard, Le Baiser à la dérobée A. On suppose d’abord que la jeune fille a dû se soustraire à la partie de cartes représentée dans l’encadrement de la porte ouverte. De même, le jeune homme a dû trouver un subterfuge pour être là au moment opportun. L’intrigue et la connivence qui ont poussé les deux amants à élaborer un tel

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plan témoignent de l’ingéniosité que provoque la passion amoureuse. De même, les vêtements, et notamment les étoffes, sont représentés avec de nombreux plissés, qui évoquent un désordre élégant mais trahissant le désir. Le décolleté de la jeune fille très ouvert prouve aussi son émoi, lequel la pousse même à se déséquilibrer pour se laisser embrasser par son amant. B. C’est la noblesse, la bonne société des salons du XVIIIe siècle, qui est représentée. En 1788, à la veille de la Révolution française, on peut imaginer une aristocratie à cheval sur la convention du mariage souvent lié à un intérêt politique ou économique. Sous l’apparence galante et légère de la scène, peut-être peut-on voir une satire de cette société dont les conventions sont empesées ? En somme, le désir et la passion semblent reprendre leurs droits dans un univers de conventions ennuyeuses et factices. C. Le Baiser à la dérobée suggère une coulisse de théâtre parce que les lieux de la représentation mondaine, le salon et la Cour, sont assimilés à un théâtre et à un jeu de rôles. Mais, derrière les rôles, les bonnes manières, les bienséances très pesantes, la vie reprend ses droits. Le plaisir que procure ce tableau provient de la situation : la dissimulation du baiser oblige les jeunes gens à jouer avec les apparences, à trouver de faux prétextes (la jeune fille semble venir chercher son châle mais il n’en est rien). Comme au théâtre, le spectateur en sait plus sur l’intrigue amoureuse que certains personnages (les joueurs de cartes). Le décor met en scène un jeu entre la vérité et le mensonge, l’illusion, l’artifice : les portraits accrochés au mur représentent l’illusion ; les rideaux levés, les portes entrebâillées qui permettent d’entrer et de sortir, comme des coulisses, laissent voir ou dissimulent et évoquent aussi le monde du théâtre. D. Il existe une grand nombre de représentations de baisers : Fragonard, Le Baiser (1770) ; François Boucher, Hercule et Omphale (1735) ; Antonio Canova, Psyché ranimée par le baiser de l’Amour (1793) ; Auguste Rodin, Le Baiser (1889) ; Edvard Munch, Le Baiser (1895) ; Gustav Klimt, Le Baiser (1907) ; Brancusi, Le Baiser (1912) ; Pablo Picasso, Le Baiser (1925) ; Marc Chagall, L’Anniversaire (1931) ; Robert Doisneau, Le Baiser de l’Hôtel de Ville (1950)… Chaque œuvre (tableau, sculpture, photographie) montre une facette différente du moment du baiser. Les élèves pourront comparer librement en fonction des œuvres qu’ils auront trouvées.

◆ Document 4 : Gustav Klimt, La Musique A. Ce tableau en plan moyen, puisque la musicienne n’entre pas tout à fait en pied dans le cadre, est structuré par de fortes lignes verticales et horizontales, qui encadrent la jeune fille et la lyre dorée. La lyre scintillante, qui se détache du fond sombre, occupe presque le centre de la toile. C’est cependant l’espace bleu qui occupe le centre exact du cadre, entre la jeune fille à la lyre et le vase antiquisant, montrant par là la dimension spirituelle et esthétique de la musique et des arts. L’emploi des motifs géométriques, du bleu qui représente l’infini en héraldique et de l’or contribue à mettre en valeur la lyre. B. La poésie est suggérée par la force visuelle du tableau, métaphore de l’art extrêmement frappante par ses couleurs. Le caractère ouvragé des motifs relève de l’orfèvrerie. Le choc des époques suggère une continuité des arts (une jeune femme des années 1900 joue, dans un décor à l’antique, d’un instrument antique). La Musique fait, en outre, référence à l’art poétique, puisque la musicienne joue de la lyre, instrument légendaire d’Orphée et donc du poète. Mais on comprend que la lyre, ici, est aussi le symbole d’un art plus vaste. La force de suggestion de ce tableau repose sur le fait qu’il évoque d’autres formes d’arts : la posture de la jeune femme, qui semble irréelle, figée, évoque les statues grecques et égyptiennes que Klimt a abondamment représentées dans ses œuvres (Allégories de la Sculpture en 1888-1889, L’Art égyptien en 1890-1891, La Tragédie en 1897, Pallas Athéna en 1898) ; la présence des masques grecs à gauche et sur le vase évoque la tragédie ; la posture gracieuse de la musicienne pourrait en faire également une danseuse. C. Comme sur la miniature, le bleu et l’or ont une grande importance. On retrouve le bleu dans le fond et sur la robe de la jeune femme. Ce bleu reflète, ici, la nuit et son mystère, mais aussi l’infini. Il est contrebalancé par les ocres des vases, des masques, des éléments antiques. On peut y voir une réminiscence de l’art byzantin, qui a succédé à l’art gréco-romain et que Gustav Klimt a découvert à Ravenne en étudiant des mosaïques. On peut y voir aussi une réminiscence du métier d’orfèvre-ciseleur de son père, ce qui explique son goût pour l’ornementation et l’utilisation des matières

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dorées. Le bleu et l’or rappellent des couleurs du blason médiéval, mais aussi des couleurs que l’on associe au monde antique et que Klimt parvient à moderniser dans cette imagerie Art nouveau. D. Ce tableau date de la fin du XIXe siècle, il appartient au début du courant de l’Art nouveau (fin XIXe-début XXe) s’appuyant sur l’esthétique des lignes courbes. L’Art nouveau se caractérise par l’inventivité, la présence de rythmes, de couleurs, d’ornementations imités des arbres, des fleurs, des animaux (les insectes, notamment). Il cherche à introduire une sensibilité dans le décor quotidien et peut s’inspirer de l’Antiquité. Il se veut un art total, c’est-à-dire représentant tous les arts, tout ce qui peut participer à l’épanouissement de l’homme moderne. Gustave Klimt reste la figure emblématique de la « Sécession » viennoise de l’Art nouveau qu’il a fondée. Les sécessionnistes viennois ont peint ce qu’on ne devait pas peindre : frôlements, enlacements, baisers, douceurs, violences, rêves érotiques. Ce tableau s’inscrit bien dans ce mouvement car son décor (la lyre, la jarre) fait référence au rêve, à l’Antiquité grecque et à la musique, en utilisant des éléments stylisés comme les fleurs, la puissance érotique de la femme, ainsi que des formes géométriques ornementales.

◆ Document 5 : Camille Claudel, Vertumne et Pomone A. Selon les versions réalisées par Camille Claudel, le personnage féminin représente la nymphe Pomone et le personnage masculin le roi étrusque Vertumne, ou bien Sakountala et le roi hindou Dushyanta, qu’elle retrouve après une longue séparation due à un enchantement. Le roi s’abandonne et pose son visage sur celui du personnage féminin qui l’enlace dans un geste de protection et de dévotion. Sa posture (notamment son bras gauche) montre que la femme hésite entre vigueur et abandon : elle est redressée, et pourtant une partie de son corps semble se laisser tomber sur celui de son amant. Ce dernier, quant à lui, est tendu vers elle, contorsionné. Camille Claudel brouille volontairement les pistes entre les deux légendes, pour proposer plusieurs interprétations possibles. Ici, les deux personnages sont dans une attitude de recueillement, soit pour des retrouvailles, soit avant un abandon. Mais, quoi qu’il en soit, ils illustrent un amour passionnel, charnel, fusionnel. Le sujet de ce groupe est bien l’amour-passion puisque les deux personnages sont enlacés dans des postures qui traduisent le désir, le tourment et l’abandon. B. Les postures sont travaillées de manière à traduire des sentiments ; la gestuelle s’apparente à celle de la danse contemporaine ou du théâtre. C. Le lyrisme est traduit par la couleur blanche du marbre, par les positions gracieuses, mais intenses et passionnées des corps et des membres (les bras notamment). D. Les sentiments qu’évoque ce groupe sont ceux de l’amour-passion : les deux personnages sont enlacés dans des postures que l’on assimile volontiers à la tragédie ou au lyrisme romantique. Ce groupe traduit un état sentimental poignant car il paraît tiraillé entre retrouvailles et adieux, abandon et imploration, dévotion et soumission, protection de l’homme et abandon de la femme. En effet, l’abandon semble représenté dans sa polysémie : dans son versant positif, il exprime la confiance placée en l’être aimé, le laisser-aller aux forces, sentiments et émotions de l’amour, le renoncement à une part d’égo ; mais, dans son versant négatif, il exprime aussi l’ombre de séparation qui plane sur le couple, la folie, un certain laisser-aller. E. Roi étrusque, Vertumne devient une divinité après sa mort, parce qu’il a eu grand soin des fruits et des jardins durant sa vie. Il a le pouvoir de changer d’apparence, ce qu’il fait pour séduire la nymphe Pomone qu’il parvient ainsi à épouser. Leur couple, d’une fidélité légendaire, vit éternellement, vieillissant et rajeunissant de manière cyclique. Le roi hindou Dushyanta est l’époux de Sakountala. Un sort les fait se séparer puis se retrouver au Nirvana. Ce qui n’est pas sans rappeler la relation particulière que Camille Claudel entretint avec Auguste Rodin. Dans les deux cas, il s’agit de couples mariés, d’une fidélité exemplaire. Sur Internet (www.couleur-indienne.net/Shakuntala-dans-l-oeuvre-de-Camille-Claudel_a283.html), vous trouverez un commentaire très intéressant de Fabienne-Shanti Desjardins sur cette sculpture qu’elle juge « narrative et symboliste ».

◆ Document 6 : Elliott Erwitt, Eiffel Tower 100th Anniversary A. Le sujet de cette photographie semble être le bonheur amoureux : les personnages enlacés ou dansant sous la pluie évoquent la comédie musicale Singing in the rain. La mise à l’honneur de la tour

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Eiffel, qui est un symbole glorieux de la France et de Paris en particulier, suggère la photographie commémorative, ce que confirme le titre Eiffel Tower 100th Anniversary. Le saut du danseur incarne la légèreté de l’amour, la légèreté ou la grâce de l’art de la danse. Cette prise de vue s’apparente aussi à une affiche publicitaire ou de cinéma. En effet, on retrouve, dans la publicité, cette vision idéalisée d’un Paris romantique, capitale de l’amour, des arts et de la mode. B. La photo d’Elliott Erwitt paraît mise en scène : le parvis, choisi pour ses qualités réfléchissantes par temps de pluie, a fort peu de probabilité d’être peuplé uniquement par un couple amoureux s’embrassant sous des parapluies et un danseur bondissant opportunément un parapluie à la main. Les horizontales réfléchissant le ciel et les verticales très présentes tirent la photo vers le haut et contribuent à l’impression de légèreté et de joie qu’elle dégage, même si la pesanteur du sol, soulignée par le noir et les gris, est bien présente. Les diagonales figurées par les amants et le danseur apportent souplesse et légèreté à cette composition qui paraît difficilement avoir pu être prise sur le vif. C. Les points communs entre cette photographie et Le Baiser de l’Hôtel de Ville de Robert Doisneau sont l’usage du noir et blanc, la représentation de couples enlacés et s’embrassant, et Paris comme décor. Ces deux images évoquent une vision romantique, voire idéalisée, de Paris et ont contribué à forger son image de capitale de l’amour. En revanche, les amants sont photographiés de face et en pleine lumière par Robert Doisneau, alors qu’Elliott Erwitt les montre en ombres chinoises.

Proposition de séquences didactiques – 28

P R O P O S I T I O N D E S É Q U E N C E S D I D A C T I Q U E S

QUESTIONNAIRES

ÉTUDE DE

LA LANGUE TECHNIQUES LITTÉRAIRES

EXPRESSION ÉCRITE

Séance n° 1 : « Une déclaration d’amour fabuleuse » Ovide, « Déclaration »

• Les types de vers • Les types de rimes

• Spécificité du texte poétique • La déclaration d’amour • L’élégie • Les personnages mythologiques

• Rédiger un éloge en faisant une recherche sur le lexique de l’éloge et les Métamorphoses d’Ovide

Séance n° 2 : « Un amour secret » Dante, La Vie nouvelle

• Les types de phrases • Les adverbes • Les paroles rapportées

• Le lyrisme de la plainte • Les diverses formes poétiques • Le sonnet

• Rédiger en prose et en vers, puis en vers libres ou rimés, une situation ayant contraint au secret.

Séance n° 3 : « Blasons et contre-blasons amoureux » Joachim du Bellay, « Ô beaux cheveux d’argent… »

• Les adjectifs • Les valeurs du présent • Valeurs des modes indicatif, subjonctif, impératif.

• L’implicite et l’explicite • L’ironie • Blason et contre-blason • Le sonnet régulier

• Rédiger le portrait satirique d’un défaut humain, en feignant l’éloge.

Séance n° 4 : « Sous l’emprise amoureuse » Victor Hugo, « À la belle impérieuse »

• Champ lexical de l’amour et de la peur. • Les temps verbaux • Les progressions thématiques

• L’expression de l’amour • Le renversement amoureux • Les registres ou les tons • La chanson • Comparaison de deux chansons : refrain, mètre, rimes

• Écrire une chanson autour d’un trait de caractère précis en narrant la variété des sentiments qu’il suscite.

Séance n° 5 : « La fuite du temps » Guillaume Apollinaire, « Le Pont Mirabeau »

• La ponctuation • Les champs lexicaux du temps, de la nostalgie, de l’eau • Les figures de style

• Le vers libre • Enjambements, rejets et contre-rejets • Les images poétiques • L’expression de la nostalgie

• Composer un calligramme à la manière d’Apollinaire, en combinant un poème et une image liée au thème de ce poème.

Dire l’amour, de l’Antiquité à nos jours – 29

E X P L O I T A T I O N D U G R O U P E M E N T D E T E X T E S

Les quatre textes du groupement inscrivent le lyrisme dans des genres littéraires différents de la seule poésie ; et l’on montrera que le fait de « dire l’amour » relève d’une tradition aussi ancienne que variée. On pourra étudier : – Les couples mythiques de la littérature : quelle image de ces couples donne-t-on ? quelles sont les scènes essentielles de la passion amoureuse ? comment la parole amoureuse, au théâtre comme dans le roman, se distingue-t-elle des autres paroles ? quelle est la force dramatique du lyrisme amoureux ? pourquoi ces scènes fonctionnent-elles comme des moments dramatiques ? pourquoi la passion amoureuse semble-t-elle toujours vouée à une triste fin ? – Les scènes-clés de la passion amoureuse : la rencontre ou la « tombée en amour », la déclaration à travers deux séquences de balcon, la séparation. On peut étudier ces scènes deux à deux (la rencontre et la séparation à travers les couples de Tristan et Iseult et de Solal et Ariane) pour montrer que l’amour relève d’une magie qui semble indéfectible. On analysera les séquences de balcon et se demandera pourquoi cette mise en scène est si propice à la première déclaration d’amour (position spatiale de l’amant et de la maîtresse, le face-à-face évité, la nuit, les paroles dites à soi-même autant qu’à l’autre…).

Pistes de recherches documentaires – 30

P I S T E S D E R E C H E R C H E S D O C U M E N T A I R E S

◆ Le mythe d’Orphée • Orphée • La poésie, les Muses et les dieux • La « catabase » ou descente aux Enfers, essentielle à la parole poétique

◆ Les thèmes lyriques • Les couples mythiques • Les formes artistiques propices à l’expression du lyrisme • Les thèmes lyriques essentiels • L’histoire littéraire : les réécritures des thèmes lyriques • Les représentations picturales d’Orphée ou des thèmes lyriques

◆ La poésie lyrique au XXIe siècle • Les poètes contemporains • Les formes nouvelles d’écriture poétique • Les thèmes lyriques contemporains

◆ La chanson • L’adaptation d’un poème en musique • Les instruments au service de la poésie chantée • Histoire de la chanson

◆ Des romantiques aux surréalistes • Faire une sélection de poèmes lyriques de la période romantique à la période surréaliste et observer l’évolution de la manière de dire l’amour. • Étudier la déconstruction des règles classiques, le changement de la place du poète, la libération progressive des thèmes.

◆ Les instruments de la poésie • La poésie de la Pléiade • Baudelaire • L’élégie • Le lyrisme aujourd’hui (chanson, cinéma, vidéo, littérature…)

Dire l’amour, de l’Antiquité à nos jours – 31

B I B L I O G R A P H I E , W E B O G R A P H I E C O M P L É M E N T A I R E S

◆ Bibliographie  – F. Brunetière, L’Évolution des genres dans l’histoire de la littérature, Hachette, 1910. – G. Chatenet, Étude sur les poètes italiens, Librairie Fischbacher, 1892. – D. Combe, Poésie et Récit, une rhétorique des genres, Corti, 1989. – G. W. F. Hegel, Esthétique (t. 8 : « La Poésie »), Aubier, 1965. – L. Jenny, La Parole singulière, Belin, 1990. – B. Johnson, Défigurations du langage poétique, Flammarion, 1979. – J.-M. Maulpoix, Du Lyrisme, Corti, 1999.

◆ Webographie Anthologies poétiques – http:/www.poesie-francaise.fr – http:/www.eternels-eclairs.fr – http:/www.poesies123.com – http:/www.paradis-des-albatros.fr/ – Poésie grecque, hodoï elektonikaï : http:/mercure.fltr.ucl.ac.be/Hodoi/concordances/intro.htm – Poésie latine, itinera electronica : http:/agoraclass.fltr.ucl.ac.be/concordances/intro.htm

Pour réviser la versification et la prosodie – http:/www.espacefrancais.com/la-poesie-reperes-historiques/

Pour une critique de la notion de « lyrisme » – http:/www.maulpoix.net/lelyrisme.htm

◆ Récitations ou mises en musique de poèmes – Frantz Liszt, Sonnet de Pétrarque : https:/www.youtube.com/watch?v=Iqkf7DMeVI0 – Charles d’Orléans, Ma Seule Amour, poème chanté par Laurent Voulzy : https:/www.youtube.com/watch?v=5Y0eHoukoO8 – François Villon, Ballade des Dames du temps jadis, poème chanté par Georges Brassens : https:/www.youtube.com/watch?v=eeG1CpuhVsQ – Jean Genet, Le Condamné à mort, poème chanté par Marc Ogeret : https:/www.youtube.com/watch?v=0oHcDFjx90s – Louis Aragon, Il n’y a pas d’amour heureux, poème chanté par Georges Brassens : https:/www.youtube.com/watch?v=SccKLmENjpk – Jacques Prévert, Barbara, poème chanté par Yves Montand : https:/www.youtube.com/watch?v=AW8kS7zjpyU – Aimé Césaire, Chevelure, poème récité : https:/www.youtube.com/watch?v=thqsMqI03uM – André Breton, Union libre, poème récité : https://www.youtube.com/watch?v=0HTX4_KkhWk – Blaise Cendrars, Tu es plus belle que le ciel et la mer, poème récité par Bernard Lavilliers : http:/www.poetica.fr/poeme-13/blaise-cendrars-plus-belle-que-le-ciel-et-la-mer/