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DOSSIER : DOULEUR – ENTOURAGE FAMILIAL 24 a douleur est devenue priorité de santé publique au 20 ème siècle, nous allons faire un tour histo- rique rapide. Préhistoire Les vestiges d’ossement d’Homo Sapiens, datant de l’ère quaternaire, soit 13 000 ans avant Jésus Christ (AV JC), ont permis de découvrir qu’il y avait de nomb- reux états pathologiques. On a, par exemple, retrouvé sur ces os, des tumeurs osseuses, des excroissances etc. Les peintures rupestres racontent les gestes instinctifs pratiqués pour soulager la douleur, comme frotter un endroit douloureux (geste instinctif que l’on pratique encore de nos jours), lécher une blessure (ce qu’on ne fait plus, mais que l’on peut encore observer chez les animaux), ou avoir recours au froid. L L’histoire de la douleur s’inscrit dans les grands courants de pensées mystiques et rationalistes qui ont divisé notre civilisation au cours des siècles. Historique > Anne-Marie CADART DOULEUR : DONNÉES HISTORIQUES ET ANTHROPOLOGIQUES

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DOSSIER : DOULEUR – ENTOURAGE FAMILIAL

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a douleur est devenue priorité de santé publiqueau 20ème siècle, nous allons faire un tour histo-rique rapide.

Préhistoire

Le s v e s t i g e s d ’ o s s e m e n td’Homo Sapiens, datant de l’èrequaternaire, soit 13 000 ans avantJésus Christ (AV JC), ont permis dedécouvrir qu’il y avait de nomb-reux états pathologiques. On a,par exemple, retrouvé sur ces os,d e s t u m e u r s o s s e u s e s , d e sexcroissances etc.

Les peintures rupestres racontent les gestes instinctifs pratiqués pour soulager la douleur,comme frotter un endroit douloureux (geste instinctif que l’on pratique encore de nos jours),lécher une blessure (ce qu’on ne fait plus, mais que l’on peut encore observer chez les animaux),ou avoir recours au froid.

L

L’histoire de la douleur s’inscrit dans les grandscourants de pensées mystiques et rationalistes qui ontdivisé notre civilisation au cours des siècles.

Historique>

Anne-Marie CADART

DOULEUR : DONNÉES HISTORIQUES ET ANTHROPOLOGIQUES

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En Chine

Confucius (551 – 479 AVJC) enseigne une philoso-phie pragmatique. Le trai-t e m e n t d e l a d o u l e u rrepose sur des méthodesd’acupunctures alliées àune pharmacopée impres-sionnante. En 2 800 AV JC,3 6 5 d r o g u e s é t a i e n tdécrites, toutes testées parl’empereur Chen Nong.

En Inde

B o u d d h a ( 5 6 3 – 486 AV JC) énonce ses « 4 vérités » et proposea u x h o m m e s u n egestion singulière de ladouleur. Supprimer ledésir, c’est supprimer lasouffrance. Trois sièclesAV JC, il existait déjà desh ô p i t a u x a v e c d e smaternités, des sallesd’examen, des lieux depréparation des médica-m e n t s e t d e s s a l l e sd’opération.

En Egypte ancienne

On retrouve une vaste phar-macopée sous divers modesd’administration : pilules, bains,lavements, fumigations … Lesdérivés du pavot sont connusdepuis le 2ème millénaire AV JC.

Dans la Grèce antique

B e r c e a u d e n o svaleurs, de notre culture etde la médecine moderne,500 ans AV JC, on voit surgirune véritable révolutions p i r i t u e l l e . L a p e n s é ehumaine se dégage de lamythologie et de la toutep u i s s a n c e d e s d i e u x , l emédecin sépare la médecinede la « magie ».

Jusqu’au 7ème siècle AV JC, la douleur était une punition des Dieux.

Dans la tradition homérique (750 ans AV JC) la douleur décrite est aigüe,c’est la blessure de la flèche, du pieu, de l’épée ou du javelot.

Au 5ème siècle AV JC, la « tragédie » fait suite à la « mythologie ». La douleur chronique est reconnue et on décrit la souffrance morale.

L’homme abandonné des Dieux seretrouve face à ses désirs, ses passions,ses souffrances et ses douleurs.

A l’origine, la médecine grecque estliée au culte d’Apollon. On consultel’Oracle de Delphes, la médecine estpurement magique.

Son fils Asclépios (Esculape pour lesromains) est un demi-dieu et est à l’ori-gine de la médecine moderne.

Hippocrate (460 – 377 AV JC),1 7 è m e d e s c e n d a n t d ’ E s c u l a p e ,élabore le corpus hippocratum, unecinquantaine d’ouvrages avec deuxsoucis essentiels :• N e p a s n u i r e a u x m a l a d e s « primum non nocire » et, • Renforcer les processus théra-peutiques naturels.Hippocrate est le fondateur de lamédecine moderne.

La douleur a une spécificitéclinique. C’est un symptôme au seind’un processus d’ensemble qu’est lamaladie.

Quand deux douleurs coexistent, la plus forte s’exprime préférentiel-lement. Ainsi, par exemple, quand on arrachait une dent, on maintenaitle doigt du patient au dessus de la flamme d’une bougie !

La douleur est considérée comme le « chien degarde » de la santé, qui aboie pour alerter. Quand lechien aboie sans arrêt, la douleur est chronique !

Les philosophes grecs

Les philosophes greces, d’Aristote à Sénèque,considèrent la douleur comme inutile.

Pour les judéo-chrétiens, elle est considérée commela sanction d’une faute. Elle est rédemptrice.

Socrate (469 – 399 AV JC) écrit « Quelle étrangechose que le plaisir et quel singulier rapport il y a avecson contraire, la douleur » « qu’on poursuive l’un etqu’on l’attrape, on est contraint d’attraper l’autre aussi ».

Platon (427 – 347 AV JC) développe lapsychologie (science de l’âme). C’est dansl’âme que les maux et les biens ont leur pointde départ. Le plaisir n’a de raison d’être qu’ena b s e n c e d e d o u l e u r.M a i s , o n n e p e u tconnaître le plaisirsans connaî t re ladouleur. On retrouvele courant de penséebouddhiste.

Aristote (384 – 322 AV JC) élève de Platon, définitla douleur comme une émotion.

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Les hellénistes

Les épicuriens

Epicure (341 – 270 AV JC) considère quela vie de l’homme est en quête du plaisir etle privilégie.

Il élimine la crainte des Dieux, de lamort, du chagrin et de la douleur.

La douleur intense peut êtrenégligée car elle est brève. Ladouleur continue est plusdéplaisante.

Epicure poursuit un unique but : le bonheur. Mais,l’homme ne l’atteint qu’en l’absence de trouble et de douleur.

Les stoïciens

Pour les stoïciens,Z é n o n , E p i c t è t e e tSénèque, la douleur n’estpas un mal, le pire, c’estla honte. Le bonheur estdans la vertu.

Epictète qui, commeesclave fut soumis parson maitre à la torturele prévient : « tu vas mecasser la jambe ! » ceq u i f u t f a i t e t s a n splainte, il lui dit alors « Ne te l’avais-je pas dit ? ». Lahonte du maitre était plus douloureuse que la douleurde la jambe cassée.

L’homme doit rester stoïque face à la douleur. Il y apresque un déni de la douleur.

Les cyniques

Eux, tel que Diogène qui, en plein jour éclairait le visage des hommes,avec une lanterne à « la recherche de l’homme ». Alexandre le Grand, qui unjour lui demande ce qu’il peut faire pour lui, se voit répondre « ôte-toi demon soleil ». Diogène pense que l’homme ne doit se préoccuper ni de sasanté, ni de la souffrance, ni de la douleur, ni de la mort. Il ne devait pas nonplus prêter attention à la douleur des autres !

Les grecs décrivent la douleur par des mots différents :• Douleur du deuil : PENTHOS• Chagrin du aux soucis : KEDOS• Douleur du corps : ALGOS• Douleur de l’enfantement : ONDUNE• Douleur des fléaux (grandes épidémies) : PEMAAujourd’hui, il nous reste peu de mots, en tous cas dans le langage courant,pour parler de la douleur : douleur, mal, souffrance ; auxquels on peutajouter des qualificatifs pour la décrire : aigüe, chronique.

Gallien (1 000 ans AV JC) avait déjà fait des catégories de douleur : • Pulsatile : sentiment de pesanteur• Pongitive : pointue, aigüe• Tensive : « qui tire »

Au Moyen Age (500 - 1300)

On utilisait les analgésiques. On se servait des contraires, par exemple :• Le froid sur les brûlures• Le sec sur l’humide

Les idées changent, pour la religion, ladouleur était « un mal nécessaire » pourgagner sa place au paradis. L’idée arriveque la douleur appartient au corps.

A la Renaissance

Léonard de Vinci (1452 – 1519), dans sestraités d’anatomie fait l’étude de l’ana-tomie de la douleur, et émet l’idée de latransmission de la douleur.

Ambroise Paré (1510 – 1590) va déve-lopper des techniques chirurgicalesinnovantes et il décrit les « anodins », ces o n t d e s m é d i c a m e n t s d e s t i n é s àsupprimer la douleur, tels que les stupé-factifs et les narcotiques.

Descartes (1596 – 1650)dans les « méditations » de son« discours de la méthode »,décrit la douleur comme uneperception de l’âme. L’animalqui n’a pas d’âme, ne pouvaitdonc pas souffrir !

Un médecin anglais étudie l’action del’opium et met au point le laudanum en1655 ;

On commence à mesurer, évaluer etdécrire la douleur.

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DOSSIER

C’est entre 1750 et 1850 que les savoirs et les pratiques concernant ladouleur évoluent de façon très significative.

A cette époque, la douleur parait encore indispensable, un coup defouet à un organisme éprouvé. Une sorte d’aiguillon qui réveille l’énergievitale.

Dans le peupleAztèque

Au début du XVIème

siècle, on retrouvedes vestiges de bainsde vapeur destinés àtraiter les douleursrhumatismales et lesnévralgies. On trouveégalement des tracesde cocaïne dans les cheveux des momies Incas et de nombreuses cicatrisa-tions preuves de trépanations. On utilise aussi des champignons halluci-nogènes pour pratiquer certaines interventions chirurgicales.

Le XIXème siècle

En 1847, Magendie s’exprimaità l ’académie des sciences endéclarant que lors d’une anes-thésie générale « la per te deconscience est quelque chose dedégradant et d’avilissant, quetout homme un peu courageuxne saurait souffrir ».

Mais l’académie est défiée et, leprotoxyde d’azote, l’éther et lechloroforme entrent en jeu.

L’essor de la chimie permet de synthétiser certaines molécules antal-giques comme la salliciline et la cocaïne.

L’ a c i d e a c é t y lsalicylique (aspirine)e s t d é c o u v e r t e n1853 et le paracé-tamol en 1893.

Dans les années1850, la cocaïne abeaucoup de succès.Les prescripteurs envérifient eux-mêmesl’efficacité.

Petit aparté, dans une étude faite en 1924, on découvre un grandnombre de toxicomanes (près de la moitié de ceux recensés) dans le milieumédical (médecins, étudiants, infirmières).

Son effet local est aussi décrit, particulièrement en contact direct avecles terminaisons nerveuses de la langue.

La morphine est arrivée beaucoup plus tard, elle est considérée commeun médicament dangereux ;

Elle est massivement utilisée pendant les guerres de sécession, en 1870et entraîne des dépendances.

XXème siècle

Au début du 20ème

siècle, il y a un boule-versement impor-tant dans la prise encharge de la douleur.

Durant la guerre14-18, René Leriche,n e u ro c h i r u rg i e n ,déclare : « la douleurest un phénomène individuel monstrueux et non une loi de l’espèce, un faitde maladie, un désordre que ses conséquences ne nous permettent pas decontempler avec détachement, avec lequel nous ne devons pas composer,qu’il faut chercher à mieux connaître pour le mieux combattre ». Il disaitaussi « Méfions-nous des philosophies, lorsque la douleur devient intense,lancinante et persistante, aucune philosophie, aucune foi, n’apaise. Il n’y aqu’une douleur que l’on supporte, celle des autres ».

L’étude anatomique des nerfs, du thalamus et de la propagation de ladouleur dans le corps à la Salpêtrière, a permis une meilleure compréhen-sion de l’action des médicaments et donc une meilleure prise en charge dela douleur.

En 1945, la douleur rebelle,chronique est décrite commeune maladie.

Pour lutter contre la douleur,on agit sur les systèmes decontrôle. La chirurgie mutilante(on coupait les nerfs ou onfaisait une ablation d’une partied u c e r ve a u p o u r c a l m e r l adouleur) est remplacée par laneurochirurgie fonctionnelle etla pharmacologie.

On distingue différents types de douleurs : nociceptive, neuropathique,idiopathique, psychogène. A chaque douleur son traitement. On distingueaussi la douleur aigüe et chronique.

La douleur est évoquée pour lapremière fois dans un manuel infirmieren 1933.

La not ion de soulagement de ladouleur apparaît dans les textes en 1978.

L’article 7 du décret 2002-194 définit « l’infirmier est habilité à entreprendre etadapter des traitements antalgiquesdans le cadre d’un protocole ».

Le décret 2004-802 consacre plusieurs articles à l’évaluation de ladouleur dans le cadre du rôle propre infirmier (art. 4311-5). Il précise quel’infirmière est habilitée à entreprendre et adapter les traitements antal-giques selon les protocoles pré-établis, écrits, datés, signés par unmédecin (art. 4311-8).

En 1986, l’IASP (Association Internationale pour l’Etude de la Douleur)définit la douleur :« C’est une expérience sensorielle et émotionnelledésagréable, associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle, oudécrite dans des termes évoquant une telle lésion ».

La douleur a son histoire, ses traits de personnalité, ses stades desensibilité et je n’ai pas pu résister à vous faire un peu d’anthropologie.

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n ethnologue raconte quedans la société qu’il étudie,en Tanzanie, une femme

sachant qu’il a une trousse desecours lui amène son enfant quiselon elle, a un petit bobo au pied.

Lorsque l’ethnologue enlèvel e s f e u i l l e s d e b a n a n i e r q u iservent de bandage, il découvreque l’on aperçoit l’os de l’enfantet que son pied ressemble à unemasse gélatineuse !

Une autre fois, il est appelé au chevetd’une petite fille qui souffre de constipation.C’est considéré comme très grave par lafamille, car la constipation est sûrement l’ac-tion malveillante d’un sorcier.

L’origine ethnique, la religion, ou la philo-sophie sont donc considérables.

Globalement, les personnes qui prati-quent une rel igion considèrent que ladouleur est une volonté de Dieu.

A contrario, on constate que les méditer-ranéens extériorisent en général bruyam-ment leur douleur.

On constate aussi que, par exemple, lesfemmes asiatiques ont une grande retenuelors de l’accouchement pour ne pas jeter lahonte sur la famille (stoïciens), alors quepour les latino-américaines, plus elles crient,plus l’enfant sera beau !

La question de la variationculturelle, de la façon dont lespeuples appréhendent la douleur,a fait l'objet de nombreuses inves-t igat ions anthropologiques,notamment de la part de MarkZborowski, particulièrement chezles nord-américains.

Il a étudié 4 groupes : Italiens,Juifs, Irlandais et Old Yankees(américains protestants).

Les italiens et les juifs, face à la douleur seplaignent et exigent la présence de leursproches. Cependant, chez les italiens, la dispari-tion de la douleur soulage, alors que les juifscherchent à en connaître la cause et les consé-quences éventuelles.

Les Irlandais et les Old Yankees ne se plai-gnent pas et s’isolent de leurs proches.

Cependant, les Old Yankees restent opti-mistes alors que les Irlandais sombrentdans l’inquiétude.

Pour les musulmans, la douleur estu n e é p r e u ve d e s t i n é e à é va l u e rl’étendue de sa foi. Elle est inscrite dansl’homme bien avant sa naissance. Setuer pour échapper à la douleur n’existepas dans la culture musulmane.

En Orient, les hommes s’affranchis-sent de la douleur par la sagesse et lapratique des techniques du corpscomme le yoga.

U

La douleur n’est pas considérée ni priseen compte de la même manière selon lescultures et les religions. Chaque peuplea sa propre conception de la douleur etplus généralement de la souffrance.

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Anthropologie

DOSSIER : DOULEUR – ENTOURAGE FAMILIAL

La conception des soins est deconsidérer l’être humain dans sonunité bio-psycho-sociale et culturelle.

La douleur entre dans toutes cescomposantes.

David Le Breton dans son ouvrage « anthropologie de la douleur » constateque la douleur est le 1er mobile deconsultation médicale, mais elle n’estentrevue, la plupart du temps que sousl’angle biomédical. Les variations socio-culturelles, personnelles et contex-tuelles sont rarement prises en compte.

Les Baribas, peuple dun o r d d u B é n i n e t d uN i g é r i a , d o i v e n t l e u rrenommée à l’absence detout stimulus douloureux,quelqu’en soit l’intensité(accouchement, blessuresgraves etc.).

Cette particularité abeaucoup suscité la curio-sité des ethnologues qui

ont découvert que la souffrance est un signe de lâchetéet suscite la honte (stoïciens) chez les Baribas.

Un proverbe Bariba dit « Entre la mort et la honte, lamort est bien plus belle » et « plutôt que vivre honteux,on attend d’un « vrai » Bariba qu’il se tue ».

Quand l’ethnologue demande aux Baribas où ilstrouvent la force de supporter la douleur intense, ilsrépondent tout simplement « c’est parce qu’ils sontBaribas ».

Ces quelques exemples suggè-rent l ’ impor tance de la cul turedans l ’appréciation des phéno-mènes douloureux.

ConclusionL a d o u l e u r n e d o i t p l u s ê t re

ignorée, elle doit être reconnue ettraitée.

Hier la douleur était une fatalité,une épreuve, acceptée ou sublimée.Aujourd’hui, sa prise en charge estun droit pour le patient et un devoirpour le soignant.

« L’homme est un apprenti, ladouleur est son maître, et nul ne seconnaît tant qu’il n’a pas souffert » -Alfred de Musset

Anne-Marie CADART

Bibliographie de l’historique dela douleur1.Chatelet F., La philosophie tome 1,Hachette, Paris 19722. Halioua B., Histoire de la médecine,Masson, Paris 20023. Lorin F., Le douleur des origines ànos jours, La dimension de la souf-france chez le malade douloureuxchronique, 29-31, Masson, Paris 19954. Bourdalle-Badie C., Comment ladouleur a structuré l’histoire de lamédecine, douleurs, sociétés,personnes et expressions, Eshel 19925. Rey R., Histoire de la douleur, ladécouverte, Paris 20006. Comte-Sponville A.Saint Pierre F.L’homme face à la douleur, hier etaujourd’hui7. Pionchon P., Président de la Sedt8. Livre blanc de la douleur, ouvragecollectif, comité d’organisation desétats généraux de la douleur, 20059. Lebreton D. anthropologie de ladouleur, Seuil, 19951 0 . h t t p : / / w w w. i n s t i t u t - u p s a -douleur.org/professionnels/infos_pratiques/plan_douleur/inf_plan_douleur_1.htm

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tance trop importante pour lesgestes de la vie quotidiennecontribue à lui faire perdre sona u t o n o m i e , s e s a c t i v i t é sphysiques et sociales. Cetted é p e n d a n c e , e t l a c h a r g equ’elle représente, peut êtresource de frustration et defatigue pour l’entourage. Dansla durée, l ’entourage s’ha-bitue, éprouve de la lassitude,peut même nier la douleur,puis rejeter le patient ou fairepreuve de maltraitance. Dansl a p r i s e e n c h a r g e d e l adouleur, la souffrance familialeest rarement prise en compte,seules les conséquences de ladouleur sur la vie relationnelledu patient sont abordées. Dansles échelles évaluant la douleur, il n’est querarement fait mention de l ’entourage.Pourtant l’expérience prouve combien lemilieu familial peut avoir une influencebénéfique sur le vécu du patient, quand lesproches ont réussi à trouver le juste équi-libre, en faisant preuve d’une aide et d’unecompassion positive.

Une prise en charge globale

La réponse que le patient et ses prochesdéploient face à la douleur

e s t p r o f o n d é m e n t

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ivre avec un patient douloureuxchronique, est une épreuve pour lafamille. Elle peut être l’occasion de

resserrer des liens familiaux, de montrers o n a m o u r e t s o n a f f e c t i o n p o u r l apersonne souffrante. Elle peut être aussi unlong passage difficile : peur de ne passavoir partager la douleur, irritation quandle patient est la proie de sautes d’humeur,et lassitude d’une douleur sans fin prévi-sible. La douleur chronique est unique-ment définie par sa durée : une douleur quidure plus de 6 mois. Céphalées, migraines,lombalgies, polyar thrite rhumatoïde,neuropathies, sont quelques exemples dedouleurs chroniques. Mais il en existe biend’autres, liées à diverses maladies, cancer,diabète, etc.

Des répercussions sur la vie familiale

La douleur, point de rencontre entre lepat ient , sa fami l le , e t les so ignants ,présente toujours un aspect émotionnel. Enperturbant le fonctionnement biologique,la douleur perturbe le patient dans ses rela-tions avec son entourage, et la maladie estsensible à ce qui se passe entre le patient etson entourage. Par la douleur, le patientinvite son entourage, inconsciemment, à setransformer en milieu soignant et protec-teur. Un entourage trop protecteur etcompatissant risque d’entretenirla douleur, voire de l’ag-g r a v e r. L a p e i n e d e sproches peut culpabiliserle patient qui se repliesur lui-même, et ressentd e p l u s e n p l u s s e sdouleurs physiques. Laf a m i l l e s o u f f r e . L e sp r o c h e s p e u v e n t a l o r sprésenter des symptômesdépressifs, qui à leur tourv o n t r e j a i l l i r s u r l ec o m p o r t e m e n t d upatient qui aura desdifficultés à gérersa souffrance. Demême une assis-

Les douleurs chroniques sont une épreuvepour le patient, mais aussi pour son entourage.

Les proches peuvent avoir un rôle positif enaidant le patient à gérer sa souffrance.

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V

influencée par la nature des relations quicaractérise la famille et les expériencesforgées antérieurement .La dimensionfamiliale de la douleur chronique doit êtrereconnue, e t pr ise en compte par lessoignants. Ils doivent être à l’écoute nonseulement du patient, mais également duproche. Dans sa pratique, le soignantpense d’abord au patient, et ne sollicite passuffisamment l’entourage. La famille estune alliée ; elle nous permettra, de mieuxcomprendre le patient, de mesurer l’impactde la douleur sur les proches, et de suivreson évolution au fil du temps, car les atti-tudes peuvent changer. Une famille qui faitface à l’évolution de la douleur, n’est pas

neutre par rapport à l’évolutionc l i n i q u e d u p a t i e n t l u i -

même, mais agit directe-ment sur ses vulnérabilitéset ses ressources.

Une prise en chargeglobale et optimisée,

pas toujoursévidente.

Expl iquer, décr ire sadouleur, expér ience

vécue n’est pas aisé,c o m p r e n d r e l adouleur des autres

La douleur chronique point de rencontre entre le patient,

sa famille, et les soignants. DOSSIER

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n’est pas facile. Ces difficultés peuvent êtreà l’origine d’incompréhensions, de zone denon partage. La famille peut se replier surelle-même, autour du patient, et les tenta-tives de contact des soignants avec lafamille, peuvent être vécus comme uneintrusion. Le patient, de peur d’être aban-donné par sa famille, peut omettre volontai-rement de transmettre à ces proches deséléments de diagnostic, des informations.Le patient a souvent la conviction que sadouleur n’a pas de répercussion sur sesp r o c h e s . R e f u s a n t l e s a p r i o r i s , l e ssoignants seront conscients que la contri-bution des proches peut permettre d’opti-miser la prise en charge de la douleurchronique.

Quel est le rôle de la famille ?

Un dialogue est à instaurer avec lafamille. Un dialogue dans lequel chaquesoignant, médecin, infirmièr(e)s hospita-lièr(e)s et libérales, personnel non médical,aides-soignant(e)s, travailleursociaux, a sa place, et son rôle.Une famille qui ne doit pas sesubstituer au personnel médical,mais dont on doit évaluer sa capa-cité à accompagner positivementson parent. L’équipe soignantes’assure que la fami l le a uneb o n n e c o m p r é h e n s i o n d udiagnostic, du traitement, dupronostic. Pour chaque affectionchronique, des supports d’infor-mation pour les proches seront àcréer. (Les supports destinés aux patientssont censés exister). La communication etl’information doivent être directs et simples.

Une bonne connaissance de l’affectione s t i n d i s p e n s a b l e . C e t t e é t a p e d o i tpermettre de dissiper certaines croyances

erronées. Il n’est pas rare que la famillepense que la douleur est la conséquenced’une cause non diagnostiquée. La connais-sance du traitement médicamenteux estégalement utile et permettra au proche dedépister les effets secondaires, de faireremonter les informations à l’équipe. Lesproches favorisent l’observance des consi-gnes thérapeutiques et médicamenteuses etnon médicamenteuses.

Les proches participent à l’équilibre entrele repos, l’activité, l’exercice, de leur patient.Ils s’assurent qu’il mange correctement. Lesproches encouragent, parfois décident, de laréal isation des activités physiques et

sociales, de projets, d’idées, conformes à sespossibilités. Les aidants exprimeront leursatisfaction. Lorsque des progrès dans lestâches effectuées, et en particulier dansl’aide à autrui, sont réalisés. Accepter lessentiments de colère, les comprendre et lescanaliser vers des émotions positives.

Gérer la souffrance familiale

Les soignants doivent répondre auxbesoins des proches et non inversement. Ilsdoivent dire à la famille que son rôle est impor-tant pour le patient (et pour eux…). Il faut

expliquer, informer, répondreaux questions. L’écoute dupatient et du proche permet dese rendre compte s’il y a unproblème familial, puis deréagir. Les soignants s’investis-sent dans une approche socio-logique, et professionnelle. Ilsont besoin d’être formé pourpenser à détecter les signes defatigue, d’épuisement de l’en-tourage, car si celui-ci craque le

patient sera d’autant plus désem-paré. La prise en charge du patient peut alorsêtre modifiée en fonction de l’état de santé duproche, ou on peut décider de faire appel à untravailleur social, une aide-ménagère. Lepatient doit être informé de toutes les déci-sions prises.

Jean-Claude CLERC

Il faut instaurer un dialogue dans lequel chaque soignant,

médecin, infirmièr(e)s hospitalièreset libérales, personnel non médical,

aides-soignant(e)s, travailleursociaux, a sa place, et son rôle.

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accomplir, d’une lourde charge affective. Elle n’a pas vraiment lechoix, ne peut pas réfléchir aux événements présents. Ce serontaussi les premières rencontres avec les soignants. Lorsque l’avenirs’assombrit, les proches ont besoin d’images positives : l’accueil,la confiance, l’écoute des soignants sont autant de raisonsd’espérer. Ou bien hélas, lors des premières rencontres, lessoignants se réfugieront vers la technique, ne témoignerons pasd’intérêt pour les proches, la communication sera déficiente et l’in-compréhension s’installera. Avec parfois des attitudes agressivesou revendicatives de la part de l’entourage à l’égard des soignants.

Le traitement par dialyse mis en place, la personne procheéprouve le besoin de se situer par rapport au malade : de quellefaçon l’aider, comment communiquer avec lui, comment maîtrisertoutes ces incer titudes ? Lui même, souhaitant que la viecontinue comme avant, essayera de gérer sa vie familiale souventdésorganisée pour faire face à la situation. Commence alors pourl’aidant la difficile relation d’aide. Difficile non pas parce quel’amour, la volonté de bien faire est présente, mais difficile parl’équilibre à trouver, ni trop près, ni trop loin de la personnemalade. Difficile par ses objectifs : prendre soin de l’autre sansexcès, lui restituer ses responsabilités, son autonomie, respecter

ses choix…Tout en ne surestimant pas ses capa-cités d’aidant, en sachant accepter de

l’aide si nécessaire ? En étant suffi-samment robuste pour ne pas se

laisser envahir par la dépen-d a n c e e t l ’ a n g o i s s e d e l a

personne malade.

Une relation d’aide malvécue peut influer sur lasanté physique et moralede l’aidant, qui peut sed é g r a d e r a u t a n t q u ecelle du patient.

Il est important de prendre en compte

les dynamiques qui existent entre la maladie

et l’environnement de la person-ne en insuffisance rénale chronique.

ette épreuve nouvelle va s’écrire pendant de longuesannées. L’aidant se sentira souvent démuni et solitaire faceaux exigences de la maladie. Seules les personnes qui ont

vécu au jour le jour ces situations peuvent comprendre ce quereprésente comme souffrance, dévouement et angoisse, l’accom-pagnement de patients en constante demande.

Le partage, pendant des années, de l’expérience des famillesde patients a été à l’origine d’une réflexion et d’un travail derecherches (1). Tout d’abord, il était indispensable d’avoir unemeilleure compréhension de la situation de l’entourage familialdes patients, de ses besoins et de ses contraintes. Ensuite, nousavons évalué la prise en charge des soignants et constaté qu’elleprenait en compte principalement le traitement de la maladie.Cette stratégie favorise la dépendance du patient et ne répondpas aux attentes des familles. Et c’est tout l’environnement dutraitement que l’on abordera dans un travail d’accompagnementmédico-psycho-social.

Vivre la maladie d’un proche

Le diagnostic de l’insuffisance rénale est souventannoncé depuis longtemps. On a tout tenté pourreculer l’échéance des traitements du stadeterminal de la maladie. Et un beau jour,tout bascule : les reins ne suffisent plusà assurer leur fonction. Cette journée,tous les proches s’en souviennentavec précision. Les lieux, le bureaudu médecin, les paroles annon-çant la gravité de la situation… Oubien le retour de la personnemalade avec les résultats desanalyses confirmant ce que l’onredoutait. Ou encore, c’est unehospitalisation en urgence quitraduit la gravité de la maladie.

Après ce jour, plus r ien ne seracomme avant. Il faut se mobiliser autourdu patient. Il faudra réorganiser la vie detous les jours, abandonner des projets, en faired’autres pour espérer. La personne proche estinvestie d’une nouvelle responsabilité, d’une mission à

C

Rien ni personne ne nousprépare à affronter la maladie grave

d’une personne proche et aimée.

>

Insuffisancerénale chronique

et entouragefamilial

La maladie,le patient

HOPITAL, CLINIQUEMédecins, infirmiers

GénéralistePharmacien

Milieu culturel,confessionnel

Structureassociative

Milieu professionnel

Aidessociales

Autrespatients

Amis, voisins

Famille

Conjoint

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Impact de la dialyse et de latransplantation sur les conjoints

L’étude CODIT (2)

Les laboratoires Novartis ont effectuéune étude pour mieux connaître le vécu etla qualité de vie de l’entourage des greffésrénaux et des dialysés. Elle permet decomparer trois populations de conjoints,conjoints de t ransplantés rénaux, dedialysés inscrits en liste d’attente de greffe,et conjoints de dialysés non inscrits, et demesurer pour chacune d’entre-elles :

> le rôle du conjoint dans la prise encharge thérapeutique,

> les conséquences pratiques, psycholo-giques, économiques de la dialyse et de latransplantation sur la vie du conjoint,

> les besoins et attentes du conjoint.

Les résultats laissent apparaître descontraintes lourdes pour l’entourage despersonnes souffrant d’insuffisance rénaleterminale. Ce constat est particulièrementvrai pour les conjoints de dialysés, la priseen charge thérapeutique de la maladiesemblant renforcer l’implication au quoti-dien, notamment pour le suivi des séancesde dialyse.

Les résultats de l’étude concernant laqualité de vie ne sont pas une surprise pourles soignants. Par contre, l’importance del’implication et des attentes des proches,donc de l’importance de l’environnementde la maladie est une des pistes essen-tielles pour les soignants. Elles doiventnous permettre d’améliorer la prise encharge de l’insuffisance rénale chronique.

Cette étude s’inscrit dans le nouveauterritoire de recherche Novartis Pharma, laPROXIMOLOGIE, centré sur l’entourage despersonnes atteintes de pathologie chro-nique.

Les besoins et attentesdes proches

L’aide et le soutien psychologique :

30% de conjoints de dialysés et 20% degreffés souhaitent une aide et un soutienpsychologique. En écoutant les récits desconjoints ou enfants de patients, nous nepouvons que leur conseiller de se faire aiderle plus précocement possible par l’entou-rage familial ou amical. Au début de lamaladie, on ne souhaite pas, ou ne juge pasnécessaire, de se faire aider, ou bien on estgêné d’être obligé de le faire. A force devouloir tout gérer seul, on risque d’arriver à

DOSSIER : DOULEUR – ENTOURAGE FAMILIAL

32

un point où cette demande d’aide devientindispensable, pour préserver sa santéphysique et psychique. Lorsque la maladiese sera installée dans la chronicité, l’aidesera plus difficile à demander. En effet, ledébut de la maladie entraîne souvent un élande sympathie et de bonne volonté, qui nedure pas. La demande d’aide doit être la plusconcrète possible, il faut demander deschoses précises aux personnes qui ont lac a p a c i t é d e l e f a i r e . C e t t e a i d e p e u tconcerner des actes de la vie courante :achats, déplacements, démarches diverses…

L’accompagnement psychologique par unprofessionnel, s’il peut être très utile, n’estpas toujours indispensable. Se faire aiderpsychologiquement, c’est partager avec unea u t re p e r s o n n e c e q u’ o n v i t , c e q u’ o nressent. Souvent dans son entourage, onpeut trouver une personne disponible etcapable d’aider.

L’information :

28% de conjoints souhaitent une informa-tion sur les traitements, 23% sur la maladie.Trois catégories d’information intéressentles patients ; les informations sur la maladie,sur le traitement et sur la greffe. L’étudeCodit nous enseigne que la qualité de l’infor-mation sur les traitements est jugée globale-ment médiocre. Cependant, les conjoints de

greffés se sentent significativement mieuxinformés sur la greffe que les conjoints dedialysés, inscrits ou non sur liste d’attente degreffon. 28% des conjoints souhaitent unemeilleure information sur les traitements.

L’information adressée au patient ests o u ve n t re s s e n t i e é m o t i o n n e l l e m e n tcomme une contrainte supplémentaire,alors que le conjoint la perçoit objective-ment. Le patient n’a pas toujours l’énergie,le temps, la capacité de se documenter surla maladie, les possibilités de traitement. Lec o n j o i n t j o u e ra l e r ô l e d e re l a i s . S i l ameilleure source d’informations est l’équipemédicale, elle peut être complétée par lesassociations de patients, les livres de vulga-risation médicale.

Les conjoints veillent aussi au suivi dutraitement, donc ont tendance à se rappro-cher de l’équipe soignante, et leurs ques-tions porteront sur : > l’état du patient,> le choix du traitement,> l’évolution de la maladie.

L’entourage souhaite comprendre etconnaître les conséquences de la maladie,car le vocabulaire médical et technique n’estpas toujours compris. 25% des conjoints dedialysés souhaitent des conseils pour faireface.

La maladie a un impactdirect sur la qualité

de vie des proches dupatient et aussi une

incidence économique

PATIENT

MALADIE

ENTOURAGE

Quand on aide les proches, on améliore

la qualité de viedu patient.

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La relation de soins des soignants

Dans une maladie chronique, la tenta-tion pour les soignants est de vouloirgérer seuls la prise en charge, sans sefaire aider, de se présenter comme unexpert en ce domaine. Puis souvent,lorsque la situation devient plus grave,abandonner le patient à son sort…

L’équipe médicale reconnaît l’excep-tion de la situation de la personne eninsuffisance rénale. Sans traitement, laseule échéance est la perte de la vie. Cemalade, on va le rassurer en permanence,obtenir sa confiance, le persuader qu’ilest pris en charge par des gens trèscompétents, avec lesquels il peut nouerdes relations privilégiées, amicales, au-delà de la relation thérapeutique. Et plusla tache est difficile, plus l’image qu’aurale patient de l’équipe sera grande. Onpropose d’aider à aménager la vie privéedu patient au mieux des exigences de sontraitement, avec le risque de médicalisersa vie privée. Le soignant, en faisantpasser l’intégralité du traitement, desprescriptions, des conseils, de la rela-tion, dans le temps libre du patient, lerend de plus en plus dépendant del ’équipe soignante. A l ’extrême, lesoignant peut avoir comme ambition devouloir modifier le comportement desanté du patient par l’éducation qui peutêtre assimilée à du harcèlement rela-tionnel ! Or, on est malade comme on est,et non pas comme on devrait, ou commeles soignants le souhaitent…

Ces attitudes ont comme conséquencede priver la personne malade de sa capa-c i t é à s ’ a d a p t e r, à f a i r e f a c e , à s edébrouiller, ce qui la rend plus vulnérable.Laisser croire au patient qu’il peut s’ensortir grâce à la relation nouée avec

l’équipe soignante sous-entend qu’il n’apas besoin des autres, qu’il n’a pas besoinde gérer son environnement. Cette rela-tion de dépendance aux soignants nepourra pas être maintenue dans le tempsparce que la situation du patient peutchanger : transplantation, aggravation deson état. Ou, à cause de problèmes liésa u x s o i g n a n t s , c h a n g e m e n t s d a n sl’équipe, turn-over (instabilités des rela-tions), saturation, ce patient abandonnéva chercher refuge chez ses proches. Ces derniers vont se retrouver, sans prépa-ration, confrontés à une situation difficileà gérer.

L’autodialyse, la dialyse à domicile, ladialyse péritonéale, sont des traitementsrendant le patient autonome. Même sices techniques présentent beaucoupd’avantage pour les personnes en insuffi-sance rénale, et il n’est pas question dene pas les encourager, elles procurentavant tout une autonomie thérapeutique.Et non une autonomie sociale. Elles ontété proposées pour des raisons écono-miques plutôt que pour le bien être dupatient. Et je me pose la question : sielles coûtaient plus cher que la dialyseen centre, seraient-elles encore d’actua-lité ?

Ce vécu de la prise en charge despatients en I.R.C. peut paraître pessimisteà beaucoup d’entre nous. Ayant travailléde nombreuses années en dialyse, je n’aivoulu relater, sans complaisance, que lesaspects négatifs de notre relation desoins, qui privilégie tantôt le côté affectif,tantôt l ’aspect technique. Avec uneabsence de stratégie de prise en chargede la personne malade. Une réflexionsera indispensable pour évaluer lesbesoins de la personne malade afin dedéterminer ce qui ressort du profes-sionnel et de l’aidant.

10 conseils pour permettre à l’entourage

de vivre plus sereinement

Adoptez une bonne hygiène de vieEt si vous vous sentez déprimé(e)

ou fatigué(e), n’attendez pas le dernier moment pour en parler

à votre médecin et/ou à vos proches.

Apprenez à dire non parfois et à demander de l’aide

Les autres membres de votre famille, vos amis ou vos voisins peuvent

vous rendre service.

Soyez attentifs à la personne quevous accompagnez, à ses souhaits,

à ses possibilitésVeillez à protéger son espace de liberté

et à ne pas la surprotéger ;Encouragez-la, si c’est possible,

essayez de maintenir voire d’accroître, son autonomie.

Renseignez-vous sur les aides auxquelles vous avez droit

Allocations, congés spéciaux, aides àdomicile, soutien psychologique, etc.

Cherchez de l’aide ou des conseilsRegardez du côté des associations depatients. Peut-être vous sentirez-vous

moins seuls et trouverez-vous des idéesintéressantes à mettre en place.

Essayez de bien comprendre lapathologie qui affecte votre procheDocumentez-vous auprès des associations

de patients. Parlez avec le médecin etfaites-vous expliquer le traitement.

Echangez avec d’autres familles confron-tées à des situations analogues.

Essayez de communiquer autantque vous pouvez avec votre proche

Si vous gardez trop de choses en vous,vous risquez de créer une situation detension difficile. Si quelque chose ne

va pas, mieux vaut le dire ouvertement et en discuter calmement.

Restez lucide sur vos possibilités Prenez les choses les unes

après les autres.

Accordez-vous des périodes de répitEquilibrez vos journées entre le temps

passé auprès du malade et vos activités.

Préservez-vous le plus longtemps possible

Continuez à faire des choses qui vous fontplaisir. Et surtout, gardez confiance.

DOSSIER

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DOSSIER : DOULEUR – ENTOURAGE FAMILIAL

34

Une stratégie : prendre soin des proches

L’attitude de l ’entourage du patientdialysé ou transplanté est, nous pensonsl ’avo i r démontré , déterminante . S i lamaladie, source de désocialisation de lapersonne, est acceptée par l’entourage, uneconception positive de la maladie peut s’éla-borer. Lorsque l’attitude de l’entouragecesse d’être favorable, lorsque la maladien’est plus tolérée mais ressentie comme unelourde charge, le caractère bénéfique de larelation d’aide s’estompe.

Un des objectifs des soignants quitraditionnellement privilégient latechnique au relationnel, et le patientaux proches, sera donc de prendresoin des proches. L’équipe soignantedoit se mobiliser dans un projet deservice et penser comment optimiserl’accueil, l’information, la participa-tion et le soutien des proches.

Etre à l’écoute

S’il est important d’être à l’écoutedu patient, l’écoute de l’entouragel’est également.

Etre à l’écoute de l’entourage permettra : > de rassembler des informationssur le patient, sur sa place dans lafamille, sur les liens tissés avant lamaladie, sur ses capacités d’adapta-tion aux événements traumatiques desa vie avant le traitement. > de définir la notion d’aidant, éven-tuellement de l’élargir aux amis, auxvoisins…> de mesurer la qualité de support quereprésente l ’entourage, la stabil ité ducouple, et de mesurer le degré d’implicationdu conjoint dans le traitement. > d’évaluer le réseau social, la fréquence,le nombre, l’ importance des relations.Le réseau social est important car il protège lepatient de la solitude. La maladie est penséeou vécue par le patient en référence à sesrapports avec la société : le patient s’insèreou s’exclut (par son inactivité) de la société.L’inactivité signifie, en plus de la destructiondes l iens avec les autres, la solitude etconduit presque toujours à la dépendance.Facteur de soutien moral, les activités artis-tiques, culturelles ou sportives, si minimessoient-elles, doivent être maintenues. > d’identifier les problèmes financiers.> d’évaluer la capacité de l’aidant à seménager, à s’organiser du temps de répit.

Etre à l’écoute du patient.

L’observation du patient permettra dedétecter les changements de comporte-ments, les signes de dépression, signe

d’alerte de problèmes avec son entourage. Aufi l du temps, la famil le peut s’habituer,éprouver du désintérêt, et le patient se sentirincompris.

Etre à l’écoute des deux permettra : > d’anticiper les difficultés.> de mesurer l’évolution de la relation,d’identifier les facteurs qui ont un impactnégatif.> d’identifier les facteurs sur lesquels onpeut influer.

Prendre soin des proches

L’épuisement physique et psychique d’unepersonne impliquée au-delà de ses limitesdans une relation d’aide, le burn-out, est l’undes risques les plus graves encouru par lapersonne qui accompagne le malade. Nousconnaissons plusieurs conjoints ayant vécul’insuffisance rénale de leur parent, pendantplus de trente ans, qui se sont retrouvés endépression grave et ont nécessité un suivimédical. Une telle situation peut être évitée.On ne doit pas s’oublier soi même. Il faut êtreattentif à la qualité de son alimentation, deson repos, se donner du temps pour soi, sefaire aider. La personne qui accompagne nedoit pas surestimer ses capacités. Elle aurabesoin de ressources, de périodes de répit.

Le médecin généraliste

Au cours de nos entretiens, nous avonsmesuré l’importance du généraliste. C’estgénéralement lui qui prend en premier lepatient en charge, le prépare psychologique-ment au traitement de suppléance. Médecinde famille, il apporte aide et conseil à l’entou-rage, et est à même de détecter les signauxd’alerte d’épuisement des proches. Les géné-ralistes que nous avons rencontrés nous ontparlé de la difficulté de suivre le patient à

d e u x ( a v e c l e n é p h r o l o g u e ) . L acommunication, les transmissionsavec les structures de soins sont quasiinexistantes, elles sont faites par lepatient, et sont donc peu fiables.

Le soutien psychologique

Obtenir de l’aide psychologique oumatériel le implique qu’on décided’aller la chercher. Trop souvent, lespersonnes s’imaginent qu’elle seraproposée spontanément. C’est unedémarche personnel le et act ive .L’équipe soignante doit encouragercette recherche si elle est nécessaire,et a ider les proches à trouver lesprofessionnels compétents.

L’infirmière

L’infirmière est une professionnellede terrain, au contact de la réalité, dela souffrance, donc capable de conce-voir un concept de prise en charge. Iln’existe pas de recettes toutes faites,de modèle à suivre. Elle devra créerpour chaque patient, pour chaqueaidant , un accompagnement qu i

prenne en compte l’histoire de la personne,qui soit en accord avec sa pratique. Lespatients ne sont pas des personnes statiquesqui survivent dans leur maladie, ils ont le droitde revendiquer un avenir.

L’accompagnement de la maladie est untravail d’équipe, qui demande des compé-tences variées, des objectifs à déterminer, àpar tager. Reconnaî t re l ’entourage despatients comme un acteur indispensabledans la prise en charge des personnes eninsuffisance rénale chronique peut entraînerbeaucoup de résistances, au niveau de l’enca-drement et de l’administration des structuresde soins.

Jean-Claude CLERC

Bibliographie : 1. « La relation de soins et les patients en insuffisance rénale » (N.Sailley, JC Clerc), revue Echanges,

AFIDTN, n°66, mars 2003 2. Etude CODIT/Novartis, www.proximologie.com/downloads/Etudes/DP_CODIT.pdf3. Coll., « La lettre de la proximologie », www.proximologie.com/downloads/lettres-de-la-

proximologie/LP30.pdf4. M. Ruszniewski, Face à la maladie grave, Dunod, 20045. Dr C. Fauré, Vivre ensemble la maladie d’un proche, Albin Michel, 2002

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Empêcher la désocialisation du patient

La médecine ne peut, le plus souvent,apporter de réelle guérison aux pathologieschroniques. Une relation de longue durée,patient, famille, soignant, va par conséquents’installer. Ce serait une erreur d’imaginerque cette durée permet de différer la prise encharge. Notre expérience a démontré qu’unedésocialisation du patient ne se rattrape plus.L’influence positive, le soutien précoce del’entourage est indispensable. La connais-sance des relations du patient avec sonentourage non seulement familial, maiségalement social, ses amis, ses réseauxsociaux, confessionnels, et culturels, estnécessaire. Tous les patients souhaitentconserver leur place dans leur famille, lasociété. Ils désirent conserver leurs activités,leur énergie, être reconnus. Le traitement del’insuffisance rénale avec ses nombreusescontraintes, horaires, examens, régimes, nefavorise guère ce souhait. Cette démarche nedoit pas se faire dans la solitude, le soutiende l’entourage s’impose.

Une stratégie d’adaptationcontinuelle

L’évolution de la maladie chronique esttout à fait imprévisible, et demandera à la relation triangulaire patient-soignant-aidantsune stratégie d’adaptation continuelle.

ne relation avec des familles qui aban-donnent leur patient, entre des mainsétrangères, qu’elles n’ont pas forcé-

ment choisies. Incertitudes, méfiance, interro-gations, angoisses, incompréhension, maisheureusement aussi espérances, la relationdes soignants avec les proches peut êtrecapable du pire comme du meilleur.

Maladie chronique et entourage familial et social

La maladie perturbe le fonctionnementbiologique de la personne malade, mais égale-ment ses relations avec les partenaires de sonentourage social. A l’inverse l’évolution de lamaladie est sensible à ce qui se passe entre lepatient et ses proches : le patient ne souffrepas que de sa maladie.

Cette souffrance a un impact important surl a f a m i l l e q u i a c c o m p a g n e l e p a t i e n t .Sentiments d’impuissance et de culpabilitévis-à-vis du proche aimé, isolement social etmoral, anxiété liée à une activité profession-nelle ralentie par les contraintes d’aidants,soucis financiers, conflits familiaux, tous cesaspects alimentent un stress permanent dontles effets peuvent être dévastateurs. Plus lapathologie est lourde plus cet accompagne-ment est important, et plus cette présencedoit être rassurante. Abandonnés à eux-mêmes les proches peuvent commettre deserreurs dans la prise en charge de leur patientet avoir une influence négative sur la façondont ce dernier va vivre sa maladie.

L’aidant familial partenaire et acteur de la prise en charge

de la maladie chronique

Indissociables de la vie du patient, lafamille et les proches sont un capital desoutien, d’accompagnement pour affronter lamaladie. Le vieillissement de la population etla prévalence croissante des pathologies

chroniques s’accompagneront inévitablementd’une présence indispensable des proches aucœur de la politique de santé. La contributiondes proches à la prise en charge de la personnemalade est une des solutions qui permettra decontenir les dépenses du système de santé denotre pays. Dans notre pratique, nous avonségalement constaté qu’intégrer les prochesdans la prise en charge thérapeutique permetde diminuer considérablement les arrivées enurgence. Et pourtant, si les progrès de la méde-cine, le dépistage précoce, ont amélioré lediagnostic et le traitement des pathologieschroniques, la prise en compte du rôle desaidants est encore à la traîne.

Optimiser le rôle de l’entourage

Evaluer la capacité de la famille à jouer lerôle que l’on attend d’elle.

La rencontre des proches permet derassembler des informations sur le patient, sursa place dans la famille, ses capacités d’adap-tation sur la qualité du support que représentel’entourage, la stabilité du couple, et demesurer le degré d’implication du conjointdans le traitement. La structure familiale, lescaractéristiques des membres de la famille, lesrelations entre les membres, permettent derévéler le contexte familial et de déterminerquelle peut être la contribution de chaquemembre. Connaître leurs préoccupationspermet de dédramatiser la situation.

U

DOSSIER

35

ENTOURAGE ET ACCOMPAGNEMENT

DE LA MALADIE CHRONIQUE

> Dans notre formation de soignant, peu de choses nous préparent à la

relation avec les proches des patients.

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Le patient doit identifier les personnes sur lesquelles ilpeut compter pour l’aider. L’entourage doit lui faire partde la confiance qu’il a en lui : jusqu’à présent ce patients’assumait, exerçait ses responsabilités, surmontait lesproblèmes de la vie quotidienne. Il peut compter sur lui,il peut se faire aider. Trois partenaires le patient, lesoignant, le proche… Au contraire, aménager la vie dupatient en fonction des exigences du traitement, médica-liseront sa vie, et le privera de sa capacité à s’adapter, àse débrouiller.

Les proches, ni soignants, ni soignés…

Transformer le proche en soignant modifie les rela-tions avec la personne malade. L’équilibre entre le tropbien faire et le pas assez n’est pas facile, et le risque dedépendance réel. L’autonomie c’est de laisser le patient,prendre les décisions le concernant. Même si son états’aggrave, il y aura toujours des décisions mineures qu’ilpourra prendre. Chaque membre de la famille incarne unlien fort entre le patient et son passé. L’implication diffé-rente de chacun contribuera à perpétuer l’histoire de lafamille. Ils assument au quotidien la vie familiale, sansêtre les soignants, et ne sont pas là pour plaindre leproche malade, mais pour l’écouter, l’épauler, assurerl’avenir.

Que faire pour mon patient, que ne pas faire ?

Un plan de bataille comportant 5 niveaux.

> Un niveau pratique : évaluer les besoins du patient,redistribuer les taches et les rôles, en ce qui concerne lavie domestique, économique, les enfants si besoin.Solliciter les voisins, amis, pour certaines tâches. Tenir àjour les coordonnées, médecins, pharmacie, VSL, No.d’urgence, etc.

> Un niveau affectif : éviter les tensions familiale, entre-tenir un climat de sécurité, comprendre les mouvementsd’humeur, l’irritabilité, liés à la maladie. Rappeler lesconsignes médicaments, hygiène, sans générer anxiété,ou culpabilité.

> Un niveau communication : éviter de parler desaspects négatifs de la maladie, des menaces : positiver.

> Un niveau reconnaissance : le patient sera encouragépar les soignants, à marquer sa reconnaissance enversses proches. Cette reconnaissance ciblera des attentionsprécises à son égard.

> Un niveau histoire familiale : la maladie chronique d’unmembre de la famille risque de développer, de faire renaîtredes conflits, des sentiments d’injustice chez les proches quiont sacrifié leur vie personnelle dans la relation d’aide. Cesconflits figent l’histoire de la famille, ou peuvent la détruire,et entraîner l’abandon ou le rejet du patient.

DOSSIER : DOULEUR – ENTOURAGE FAMILIAL

La souffrance des aidants une réalité à prendre en compte

Les aidants ne doivent pas surestimer leurs capacités. L’équipe soignante informera les proches sur la nécessité de se faire aider moralement. Le médecingénéraliste qui connaît l’environnement familial peut conseiller, soutenir psychologi-quement, être présent.

Laisser systématiquement la charge des personnes trop lourdement dépendantesn’est probablement pas économique. 1/3 des aidants dépriment et peuvent souffrird’autres pathologies et mal se soigner. Deux conjoints, de nos patients insuffisantsrénaux, se sont retrouvés en situation de burn-out, c'est-à-dire en état d’épuisementphysique et psychique. Le burn-out désigne habituellement l’épuisement profes-sionnel des soignants, mais peut s’observer chez des proches impliqués dans unerelation d’aide au-delà de leurs limites. L’équipe soignante sera très attentive àdétecter les manifestations d’épuisement des proches, les signes sont voisins deceux de la dépression. Des moments privilégiés seront parfois nécessaires, l’aidantressentira le besoin de s’évader de se ressourcer, de périodes de répit. S’échapperpour mieux revenir… L’entourage élargi sera sollicité, famille, amis.

Susciter la participation des proches, les soutenir, est un travail d’équipe, d’uneéquipe stable. C’est un travail qui demande des compétences variées, des objectifs àdéterminer, et à partager. L’infirmière est une personne de terrain, au contact de lamaladie, de la souffrance, donc capable de créer, de s’approprier un concept de priseen charge qui associe les proches.

Jean-Claude CLERC

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DOSSIER

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3,7 millions Entre 3,3 et 3,7 millions de Français aident régulièrement un parent,

malade âgé ou handicapé. 71% souhaiteraient être davantage considérées.C’est ce que révèle un sondage BVA/Fondation Novartis, publié le 5 octobre.Cette étude faite auprès de 1023 personnes est publiée à l’occasion de lapremière journée des « aidants » familiaux (6 octobre) Parmi ces aidants 46%ont une activité professionnelle, et 60% sont des femmes. 18% n’ont pas delien familial. Les aidants disent apporter d’abord un soutien moral (96%), dela surveillance (88%), de l’aide aux tâches domestiques (68%). Puis de l’aidepour la gestion financière et administrative (41%), les activités élémentairesde la vie quotidienne (41%) et enfin pour les soins ou les médicaments (39%).80% de l’aide aux personnes âgées est fourni par des aidants. Et si tout cetravail d’aidant était pris en compte pour le calcul de la retraite… ?

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