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VOLUME 7 – ÉDITION 2009 25 $ TAMARA ERICKSON, Harvard Business School LYNE BOUCHARD, DMR SIMON RIVARD, Quebecor – Canoë ANNE-MARIE CROTEAU, Université Concordia ROBERT PROULX, Bombardier inc. POSTE - PUBLICATIONS - CONVENTION N O 40028072. RETOURNER LES ARTICLES NON DISTRIBUABLES À : CEFRIO, 888, RUE SAINT-JEAN, BUREAU 575, QUÉBEC (QUÉBEC) G1R 5H6 AMÉLIOREZ LA PERFORMANCE DE VOTRE ENTREPRISE MICHEL GIRARD et MARC TRUDEAU, Aéroplan TOM DAVENPORT, Babson College L’analytique : pour prendre de meilleures décisions Réduire ses coûts de TI sans tout sacrifier Êtes-vous prêt à gérer en mode 2.0 ? DIRIGEANTS ET CHERCHEURS SE PRONONCENT DOSSIER : TECHNOLOGIES WEB 2.0 UNE INITIATIVE DU

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VOLUME 7 – ÉDITION 2009

25 $

TAMARA ERICKSON, Harvard Business School LYNE BOUCHARD, DMR SIMON RIVARD, Quebecor – Canoë

ANNE-MARIE CROTEAU, Université Concordia ROBERT PROULX, Bombardier inc.

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AMÉLIOREZ LA PERFORMANCE DE VOTRE ENTREPRISE

MICHEL GIRARD et MARC TRUDEAU, Aéroplan TOM DAVENPORT, Babson College

L’analytique :pour prendrede meilleuresdécisions

Réduireses coûtsde TI sanstout sacrifier

Êtes-vous prêt à géreren mode 2.0 ? DIRIGEANTS ET CHERCHEURS

SE PRONONCENT

DOSSIER : TECHNOLOGIES WEB 2.0

U N E I N I T I A T I V E D U

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CCCCCCC…Les «C» arrivent!Êtes-vous prêt?

Colloque international du CEFRIO«La génération C, moteur de transformation des organisations québécoises»

Centre des congrès de Québec • Les 20 et 21 octobre 2009

Le CEFRIO vous invite à participer au plus grand événement jamaisorganisé au Québec sur la génération C, qui se tiendra au Centre descongrès de Québec, les 20 et 21 octobre 2009.

La «génération C», c’est celle du million et demi de Québécois nés entre1982 et 1996, ces jeunes qui ont grandi avec les micro-ordinateurs etInternet et qui s’en servent pour communiquer, collaborer et créercomme jamais auparavant.

Les «C» ne sont pas des Québécois tout à fait comme les autres : ils ontgrandi avec les technologies de l’information (TI) et ont souvent desattentes et des comportements différents de ceux auxquels les

organisations ont été habituées.

• Quels sont les perceptions et les comportements des membresde cette nouvelle génération?

• Comment les «C» utilisent-ils les technologies del’information (TI) ?

• Quelles pratiques permettront aux écoles, aux entreprises et auxorganismes québécois de s’adapter efficacement à la montéeen force des «C» en tant qu’étudiants, consommateurs,travailleurs et citoyens?

Pour répondre à ces questions, le CEFRIO et une douzaine departenaires ont entrepris la plus grande étude jamais réaliséeau Québec sur les perceptions, les comportements et lesusages des TI des membres de la génération C.

Découvrez en primeur les résultats de cette étude enparticipant au prochain colloque international du CEFRIO.À cette occasion, des experts réputés se réuniront pourla première fois au Québec afin de réfléchir avec vousà l’impact de l’ascension de cette génération sur lasociété québécoise.

Surveillez le site Internet du CEFRIO(www.cefrio.qc.ca/colloquegenerationc)pour plus de détails !

POUR TOUT RENSEIGNEMENT:Annie Lavoie418 523-3746, poste [email protected]

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É D I T O R I A L

Après le Web 2.0, la gestion 2.0

Selon plusieurs chercheurs, dont Tamara Erickson, dela Harvard Business School, les dirigeants serontbientôt contraints de revoir leurs méthodes de gestionet d’en concevoir de nouvelles afin de tirer le meilleurde leur personnel et des TI.

V I S I O N D ’ U N E D I R I G E A N T E

Lyne Bouchard, chef de la stratégie chez DMR, p. 12

Gérer l’image de son entrepriseà l’ère du Web 2.0

Comment une organisation peut-elle contrôler sonmessage lorsque ses clients peuvent critiquer celui-cisur YouTube ou Facebook ?

R E S S O U R C E S H UM A I N E S E T T I

Recruter un expert en TI,un exploit ?

Michel Patry, de HEC Montréal, et Yves Beauchamp, del’École de technologie supérieure, font le point sur lapénurie de main-d’œuvre dans l’univers des TI.

G E S T I O N D E S C O N N A I S S A N C E S E T T I

La puissance de l’analytiqueSelon Tom Davenport et Éric Bonabeau, deux spécia-listes de l’analytique, toute organisation qui souhaiteaujourd’hui se démarquer gagne à recourir aux puis-sants outils de forage et d’interprétation de données.

V I S I O N D E D I R I G E A N T S

Marc Trudeau, vice-président, stratégie etdéveloppement, et Michel Girard, spécialiste en forage

de données, Aéroplan, p. 26

B U D G E T E T T I

Réduire les coûts…oui, mais comment ?

Lorsque l’économie ralentit, comment sabrer le budgetTI sans tout sacrifier ?

F I N A N C E S E T T I

Baisse des coûts et impartitionOn présente souvent l’impartition en TI comme unestratégie dont la mise en œuvre permet notamment auxorganisations de réduire leurs coûts. « Cela dépend... »,notent trois chercheurs de HEC Montréal.

V I S I O N D ’ U N D I R I G E A N T

Robert Proulx, chef de la directionde l’information, Bombardier inc, p. 33

MA R K E T I N G E T T I

Transformez votre clienten publicitaire !

Conscients de la force potentielle du bouche-à-oreille, unnombre croissant de fabricants l’utilisent pour mousserleurs produits. Quelles sont les conditions à respecterpour que cette approche donne les meilleurs résultats?

V I S I O N D E D I R I G E A N T S

Louis Gagnon, vice-président principal,Monster Worldwide, et

Martin Ouellette, président de Provokat, p. 40

T E C H N O L O G I E S É M E R G E N T E S

Le commerce mobile :bientôt une réalité

ShintaroOkazaki, de la UniversidadAutónoma deMadrid,nous prépare au déploiement prochain du commercemobile en Amérique du Nord.

V I S I O N D ’ U N D I R I G E A N T

Yves Gingras, chargé de projet régional,Unité de coordination clinique des servicespréhospitaliers d’urgence, Centre hospitalier

Hôtel-Dieu de Lévis, p. 46

C OM P R E N D R E L E S E N J E U X T I

Un incontournablepour les dirigeants

Monique Charbonneau, PDG sortante du CEFRIO, nouslivre ici un témoignage riche de plusieurs années d’expé-rience et d’observations sur l’appropriation des TI parles entreprises québécoises.

P R O D U C T I O N E T T I

Mais d’où vient doncce produit ?

Touché par de nombreux scandales, le secteur de lafabrication a tout avantage à exploiter les logiciels detraçabilité.

V I S I O N D ’ U N D I R I G E A N T

Jean Leclerc, PDG, Biscuits Leclerc, p. 54

S T R A T É G I E E T T I

L’entreprise-réseau :une nécessité stratégique

Mettre sur pied un réseau d’entreprises présented’importants défis. Tous les participants y gagneront, àcondition de respecter les conditions de réussite d’unetelle aventure.

V I S I O N D ’ U N D I R I G E A N T

Martin Chouinard, vice-président, développementdes affaires, Teknion Roy & Breton, p. 58

S OMM A I R E

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C OM I T É É D I T O R I A L

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Photo:YvesLacombe

Le CEFRIOEn tant que spécialiste de la transformation des organisations, leCEFRIO se penche au quotidien sur ce qui favorise ou freinel’appropriation des technologies de l’information (TI), auQuébec et ailleurs. Sa mission : aider les organisations à devenirplus productives et à contribuer au bien-être des citoyens enutilisant les technologies de l’information comme levier detransformation et d’innovation.

Pour atteindre cet objectif, le CEFRIO privilégie la rechercheterrain et la diffusion rapide des résultats obtenus. Ces projets,qui regroupent des organisations tant publiques que privées,sont réalisés par des chercheurs universitaires issus demultiples disciplines (gestion, technologies, marketing, socio-logie, ressources humaines, etc.). À titre d’exemple, le CEFRIOexplore actuellement en quoi les technologies de l’informationinfluencent la façon dont la génération des 12 à 24 ans tra-vaillent, étudient, consomment et se comportent commecitoyens, et de quelle manière elles pourraient soutenirl’amélioration continue dans des PME manufacturières ouencore, contribuer au développement rural et régional auQuébec. Le Centre se penche aussi sur ce qui favorise le partagede savoirs entre les travailleurs chevronnés et les jeunesrecrues, et évalue comment les TI pourraient accroître etaméliorer les interventions des conseillers du ministère duDéveloppement économique, de l’Innovation et de l’Exporta-tion auprès des entreprises établies en région.

En parallèle, le CEFRIO mène des activités de veille stratégiqueet de vastes enquêtes sur l’utilisation des technologies auQuébec : NETendances, Indice du commerce électronique auQuébec, NetPME, NetGouv, Gouvernance et TI au Québec : lerôle des administrateurs de CA, etc. Le Centre regroupe plus de160 membres universitaires, industriels et gouvernementaux,ainsi que 60 chercheurs associés et invités. Le gouvernement duQuébec est son principal partenaire financier.

Éditrice et rédactriceen chefLiette D’AmoursDirectrice des communications,CEFRIO

Rédacteur en chef adjointRéjean RoyConseiller principal, CEFRIO

CollaborateurGil Tocco

RéviseuresThérèse Le Chevalieret Louise Letendre

Conceptrice graphiqueet infographeBrigitte [email protected]

PhotographeYves Lacombe

PerspecTIves estune initiativedu CEFRIO(Centre francophoned’informatisationdes organisations)

888, rue Saint-JeanBureau 575Québec (Québec)G1R 5H6Téléphone : 418 523-3746Télécopieur : 418 523-2329

550, rue Sherbrooke OuestBureau 471Montréal (Québec)H3A 1B9Téléphone : 514 840-1245Télécopieur : 514 840-1275

Courriel : [email protected]

Volume 7 – Édition 2009

LES MEMBRES DU COMITÉ ÉDITORIAL DE PERSPECTIVES 2009 : Marie-Agnès Thellier, présidente-directrice générale, Le Cercle des présidentsdu Québec ; Carol Roy, vice-président, Développement des solutions – Entreprises, Fédération des caisses Desjardins du Québec ; José Garceau,vice-présidente, Commercialisation, CAA-Québec ; Philippe Le Roux, président, VDL2 ; Marcelle Girard, présidente du comité et présidente deMarcelle Girard Conseils stratégiques ; Yves Beauchamp, directeur général, École de technologie supérieure (ÉTS) ; Caroline Saint-Jacques,vice-présidente, Affaires publiques et communications, Fédération des chambres de commerce du Québec ; Daniel Charron, vice-président etéconomiste principal, Octane ; Monique Charbonneau, présidente-directrice générale sortante, CEFRIO ; Jean-Marc Léger, président-directeurgénéral, Léger Marketing, et Stéphane Le Bouyonnec, président, Synergis Capital.

Étaient absents : Robert Proulx, chef de la direction de l’information, Bombardier inc., et Jacqueline Dubé, présidente-directrice générale, CEFRIO.

Dépôt légal : quatrième trimestre 2008Bibliothèque et Archives nationales du QuébecBibliothèque et Archives CanadaISSN : 1703-7956

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É D I T O R I A L

Diriger autrement

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… même s’il fréquente peu son cubicule, votre nouvelemployé abat plus de travail en moins de temps que sespairs. Votre expert en TI met régulièrement les contactsde son réseau à contribution pour qu’ils l’aident à trou-ver les solutions informatiques les plus avantageusespour votre entreprise. Et votre direc-trice des ressources humaines misesur les réseaux sociaux pour recru-ter la perle rare.

En explorant davantage les avenuesdu Web 2.0, vous découvrez toute-fois qu’un fournisseur mécontent alancé un groupe de discussion pourdénoncer les points faibles de votreservice d’approvisionnement etnuit ainsi à la réputation de votresociété ; que deux de vos employésdiscutent, en toute candeur, d’élé-ments de votre stratégie d’entreprise sur des forumspublics ; et que sur un blogue de consommateurs, desclients insatisfaits proposent des modifications fortpertinentes pour améliorer un de vos produits.

Du coup, vous réalisez que diriger une entreprise à l’èredu Web 2.0 comporte son lot de questions. En quoi cesnouvelles technologies changeront-elles vos façons defaire ? Quel impact auront-elles sur votre entreprise, samarque, son image ? Quels avantages pourrez-vous entirer et surtout, quels risques courez-vous? Les consé-quences sont si importantes que PerspecTIves a décidéd’en faire cette année son dossier central.

Ce dossier étudie notamment comment les technologiesde l’information permettent aux organisations de revoiren profondeur leurs pratiques de gestion. Selon TamaraErickson, professeure-chercheuse à la Harvard BusinessSchool et l’une des spécialistes américaines les plusinfluentes en gestion des ressources humaines, les diri-geants n’auront bientôt d’autre choix que de revoir leursméthodes de gestion et d’en concevoir de nouvelles afinde tirer le meilleur de leur personnel et des TI.

PerspecTIves 2009 vous invite aussi à découvrir les plusrécents travaux de nombreux chercheurs univer-sitaires. Thomas Davenport, du Babson College, et ÉricBonabeau, de la firme Icosystem, deux spécialistes

bostonnais de l’analytique, soutiennent pour leur partque l’organisation qui cherche à se démarquer doitrecourir aux outils de forage et d’interprétation de don-nées. En cette période d’incertitude financière, Anne-Marie Croteau, de l’Université Concordia, nous indique

comment réduire ses coûts de TIsans tout sacrifier.

Côté marketing, David Godes, de laHarvard Business School, nous livreses dernières réflexions sur le bouche-à-oreille, et Shintaro Okazaki, de laUniversidad Autónoma de Madrid,nous prépare au déploiement pro-chain du commerce mobile en Amé-rique du Nord. Enfin, Jean-MichelLoubry, du Pôle de traçabilité, enFrance, nous présente les nombreuxavantages de l’exploitation des logi-

ciels de traçabilité, dans un contexte où le secteur de lafabrication est touché par de nombreux scandales.

Histoire de donner une dimension plus «terrain» à cesnouvelles pratiques, les dirigeants de plusieurs entrepri-ses – Bombardier, Aéroplan, DMR Conseil, Quebecor,Biscuits Leclerc, Monster Worldwide – ont aussi étéappelés à se prononcer sur ces différents sujets. Souhai-tons que leurs propos sachent vous inspirer.

Enfin, en guise d’au revoir, Monique Charbonneau, quia récemment quitté la présidence du CEFRIO, nouslivre un témoignage riche de plusieurs années d’ex-pertise et d’observations sur l’appropriation des TI parles entreprises québécoises.

Bonne lecture !

Liette D’AmoursDirectrice des communications, CEFRIO

Votre dernière recrue passe des heures branchée au café du coin. Votre technicien informatiqueclavarde avec ses amis pendant ses heures de travail. Votre directrice des ressources humainesconsacre une bonne partie de ses journées sur Facebook. De prime abord, ces façons de faire peuventvous paraître suspectes, voire choquantes, mais en y regardant de plus près, vous constatez que…

Photo:YvesLacombe

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Les technologies de l’information (TI) permettent aux organisations d’adopter de toutes

nouvelles approches marketing, mais aussi de revoir en profondeur leurs pratiques de

gestion. Une transformation rendue nécessaire, entre autres, par l’arrivée prochaine sur le

marché du travail d’une génération formée au Web dès l’enfance. Si bien que le neuf à cinq

et le cubicule semblent en voie de déclin. Êtes-vous prêt à en faire votre deuil ?

G E S T I O N E T T I

Après le Web 2.0,la gestion 2.0

PA R R É J E A N R O Y

Pour bon nombre de gestionnaires, innover, c’estcréer de nouveaux produits, de nouvelles

technologies ou encore de nouvelles approchespour séduire le client. Mais pour de plus en plusde chercheurs, la gestion elle-même s’avère unterreau propice à l’innovation. Selon ces derniers,les dirigeants n’auront bientôt d’autre choix que derevoir leurs méthodes de gestion et d’en concevoirde nouvelles afin de tirer le meilleur de leurpersonnel et des TI.

Certaines entreprises florissantes ont d’ailleursdéjà entendu le message. Dans The Future ofManagement, Gary Hamel, professeur de gestionà la London Business School, rapporte que chezWhole Foods, une chaîne d’épiceries américaine,les employés responsables d’un rayon – et nonla direction – sont chargés de l’embauche denouveaux coéquipiers. Chez Gore, le créateur duGoretex, il n’y a tout simplement pas d’organi-gramme : personne ne donne d’ordres à per-sonne. Chez Semco, un holding brésilien quicompte 3000 employés, une proportion impor-tante de travailleurs déterminent eux-mêmesleur salaire. Et enfin chez Google, tout employépeut consacrer 20% de son temps aux activitésde son choix1.

Comment doit-on percevoir l’adoption de ces nou-velles mesures? L’arrivée sur le marché du travaild’une nouvelle génération de travailleurs forcera-t-elle les entreprises à remettre en question leurpratiques? Pour le savoir, le CEFRIO s’est entre-tenu avec Tamara Erickson, une experte en gestiondes ressources humaines dont les travaux sont deplus en plus reconnus aux États-Unis.

CEFRIO: Dans un article publié en 2008 dans laHarvard Business Review et portant sur lesgrandes tendances à surveiller en matière de ges-tion, vous avancez que l’ère de la rémunération enfonction du temps passé au travail est sur le pointde prendre fin. Par exemple, vous notez que 60%des employés du siège social de Best Buy n’ontplus à travailler un nombre d’heures précis. Cesderniers sont évalués uniquement par rapport àleurs résultats.

Tamara Erickson : Tout à fait. Cette idée peutparaître nouvelle, radicale, mais dans le fond, elleest plutôt ancienne. Il y a seulement trois quarts desiècle, en fait, que l’on rémunère la majorité destravailleurs en fonction de leur présence sur placeà une période fixe. Auparavant, la plupart étaientrémunérés à la pièce, selon leur capacité àatteindre certains objectifs, comme de nombreuxvendeurs aujourd’hui.

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Combien d’heures, au fait ?Plus de la moitié des employés du siègesocial de Best Buy – 2400 sur 4000 –n’ont plus à pointer ; ils travaillent seule-ment autant d’heures que nécessaire pourfaire le travail qui leur est attribué. Résul-tat : ces personnes ont de meilleurs rap-ports avec leurs amis et leurs parents,elles sont plus loyales envers leuremployeur, leur productivité s’est accruede 35% et le roulement de personnel adiminué. Ces travailleurs passent-ilsmoins de temps au travail ? « Ils ne lesavent pas, note Tammy Erickson. Ilsdisent qu’ils ne comptent plus 2. »

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Bien sûr, certains travailleurs devront toujours seprésenter au travail à un endroit et à un momentdonnés. Par exemple, il faudra toujours que desinfirmières pointent la nuit pour prendre soin desmalades. Et l’horaire de certains employés du siègesocial de Best Buy sera toujours moins flexible quecelui d’autres travailleurs, en raison de la naturede leurs tâches.

Cela dit, même lorsqu’un poste semble exiger quele travailleur se présente à son emploi à une heureprécise, il se peut que certaines tâches, elles, puis-sent être réalisées par l’employé au moment de sonchoix. Par exemple, une bonne partie du travaildes infirmières consiste à réaliser des tâchesadministratives plutôt qu’à donner des soins. Lagestion de ce volet de leur travail pourrait doncêtre fondée sur la tâche.

CEFRIO: Le neuf à cinq serait donc sur le pointde disparaître...

T. Erickson : Oui, tout comme l’idée que la pré-sence au bureau est absolument requise. À unecertaine époque, il fallait tous se présenter aumême endroit, en même temps, pour travailler.Après tout, il est difficile de faire fonctionner une

chaîne de montage si la personne responsable deserrer les boulons décide de travailler de chez elle.Par contre, de nos jours, alors que le nombre detravailleurs qui réalisent un travail intellectuel etqui jonglent avec de l’information constitue unepart croissante de la main-d’œuvre, il est rarementnécessaire que Pierre, Jean et Jacques se retrouventensemble au bureau. Il est certain que je peux avoir

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L’une des spécialistes américaines les

plus influentes en gestion des ressources

humaines, Tamara Erickson, a publié

plusieurs ouvrages importants aux

presses de la Harvard Business School,

dont tout récemment Plugged In: The

Generation Y Guide to Thriving at Work

(2008) et Retire Retirement: Career

Strategies for the Boomer Generation

(2008). En 2004, la consultante a reçu le

McKinsey Award, remis à l’auteur du

meilleur article paru dans la Harvard

Business Review, pour « It’s Time to

Retire Retirement ».

Photo:YvesLacombe

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G E S T I O N E T T I

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besoin de consulter un collègue pour résoudre unproblème, mais il arrive rarement que, pour cefaire, ce collègue et moi devions absolument êtredans nos cubicules à la même heure. Noussommes revenus à l’ère du travail individuel, dansla mesure où votre décision de ne pas rentrer autravail a peu d’effet direct sur ma productivité.

Certaines entreprises, comme IBM, en sont cons-cientes. Ainsi, 40% des employés de cette multi-nationale n’ont plus de bureau attitré. Ces per-sonnes travaillent à distance à l’aide des TI etviennent au bureau seulement quand il le faut.

Je viens d’évoquer deux tendances majeures.Laissez-moi en aborder une troisième: la montéedu travail cyclique. On se rend de plus en pluscompte, aux États-Unis du moins, que les travail-leurs, particulièrement les jeunes, n’ont pas enviede travailler tout le temps. Ils préfèrent, parexemple, travailler très fort pendant trois mois,puis en prendre deux de congé.

On le voit beaucoup, encore une fois, dans lesecteur hospitalier. Je parlais récemment à uneinfirmière qui travaille comme intérimaire pourune agence de placement. «Vous aimez changerd’établissement?» lui ai-je demandé. «Oh non!m’a-t-elle répondu, je travaille toujours pour lemême hôpital, mon ancien employeur.» «Maisquel avantage retirez-vous de cette situation?»«Eh bien, de cette façon, je démissionne et jereprends quand je veux!»

Évidemment, le recours à ce scénario coûte cher àl’hôpital, qui paie une prime pour faire affaire avecune agence. Mais les dirigeants de cet hôpitaln’avaient jamais eu l’idée d’offrir des conditionsde travail plus souples à cette infirmière. Comme

la plupart des patrons d’entreprise, ces derniersont grandi en se conformant aux horaires établis !Dites-leur qu’un employé ne veut pas rentrer autravail à 9 heures le matin et ils ne sauront pas dutout comment réagir.

CEFRIO: Vous parlez de «tendances». Est-il urgentpour les dirigeants d’en tenir compte ?

T. Erickson : Les organisations doivent agir trèsrapidement pour différentes raisons. La princi-pale, c’est que les recrues, qui seront de plus enplus difficiles à attirer et à fidéliser, trouvent lespratiques de gestion fondées sur le temps parti-culièrement archaïques et inefficaces.

Expliquez à un jeune diplômé qui connaît bienles outils Web et le cellulaire qu’il doit se rendreau bureau le matin à 8 h 30 pour rencontrer sescollègues, se mettre au courant des activités dechacun, partager des idées et prendre des déci-sions ! La recrue qui a l’habitude d’utiliser unréseau social comme Facebook sait très bien qu’ilest possible de faire tout cela plus efficacement,à distance, et de manière asynchrone.

De plus, il est vrai qu’en raison de ce qu’ils ontvécu, les jeunes ont des attentes différentes decelles des générations précédentes. Vous savez, lesattentats du 11 septembre 2001, le drame del’école secondaire Columbine et d’autres événe-ments semblables ont profondément marqué lesétudiants américains. Ces derniers en ont retenuque la vie peut s’arrêter à tout moment, de maniè-re imprévisible. Faut-il alors se surprendre que lesjeunes soient impatients, qu’ils aient le goût des’arrêter de travailler fréquemment et de ne paspasser leur vie dans un cubicule?

CEFRIO : Quelles mesures prioritaires devraitadopter un dirigeant pour prendre efficacement levirage d’une gestion fondée sur la tâche?

T. Erickson : D’abord, offrir des horaires flexibles.Ensuite, s’interroger sérieusement sur la naturevéritable de chaque poste. Encore une fois, il sepeut que le travail réalisé par un employécomporte en fait une composante qui peut êtregérée en fonction de la tâche plutôt que du tempspassé sur les lieux de travail. Cette personnedevrait alors avoir la possibilité de réaliser certai-nes tâches à distance, de manière virtuelle.

Le risque associé à cette manœuvre n’est sans dou-te pas très grand pour les organisations. En effet,

«Autre grande tendance observée

aux États-Unis : les jeunes diplômées

se retirent définitivement du marché

du travail après quelques années, voire

n’y font jamais leur entrée. Les femmes

représentent maintenant plus de la

moitié de l’ensemble des diplômés

universitaires, note Tamara Erickson.

Si vous voulez assurer une relève

compétente dans votre organisation,

assurez-vous d’y créer un milieu

pro-famille. Et vite ! »

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G E S T I O N E T T I

les travailleurs à distance sont souvent si inquietsdu confort psychologique de leurs supérieursqu’ils font plus d’heures qu’ils ne le devraient pourmontrer qu’ils sont présents au poste et travaillenttout autant !

Toutefois, c’est une fois ces étapes franchies queles questions vraiment épineuses surgissent. Parexemple, dans une entreprise où la directiondonne une grande latitude à ses employés, est-cequ’une hiérarchie fondée sur des titres convientencore? Pourquoi chaque employé ne porterait-ilpas un titre correspondant aux tâches qu’il doitaccomplir à un moment donné?

Poussons l’exercice plus loin : pourquoi ne pasenvisager que le salaire d’un employé change enfonction du degré de complexité des tâchesauxquelles il déciderait de s’attaquer pendant unepériode donnée, pour des raisons personnelles?

Par exemple, pourquoi ne me serait-il pas possible,pendant six mois, de faire un travail relativementfacile qui rapporte moins, plutôt qu’un autre,exigeant, qui rapporte davantage?

CEFRIO: Est-il difficile d’implanter ce type dechangement?

T. Erickson : Oui. Il est très difficile d’abandonnerles pratiques de gestion fondées sur le temps. Il estnettement plus facile pour un gestionnaire dedemander à tous ses employés de se présenter aumême endroit en même temps, de se promener, deles surveiller et de les contrôler.

Quand on passe à un mode de gestion fondé sur latâche, il faut répondre à des questions arduescomme «Comment m’assurer que cet employé estvraiment en train de travailler ?». Cela contraint

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Depuis la montée des TI et d’Internet, les tra-vailleurs, particulièrement les jeunes, com-prennent de moins en moins qu’on lescontraigne à faire du neuf à cinq dans un lieuprécis. Heureusement, les technologies sont àla fois la source du problème et sa solution,puisque les organisations peuvent y faire appelpour donner à leurs employés la flexibilité et laliberté que ceux-ci recherchent de plus en plus.En théorie, du moins.

En effet, note Charles-Henri Besseyre des Horts,professeur en management et en gestion desressources humaines à HEC Paris, dansL’entreprise mobile – Comprendre l’impact desnouvelles technologies (Village mondial, 2008),certaines entreprises utilisent moins les TIcomme un outil de soutien à l’adoption depratiques de gestion fondée sur la tâche qu’entant que nouvel instrument de gestion axée surle contrôle du temps.

«Certaines organisations font une utilisationperverse des TI : elles s’en servent pour accroî-tre – plutôt que réduire – le contrôle qu’ellesexercent sur leur personnel, souligne Charles-Henri Besseyre des Horts. Mes recherches ontmontré, par exemple, que depuis l’avènementd’Internet et du cellulaire, certains représen-tants ont perdu de la latitude. “Avant, merapportait un vendeur, je faisais ma tournée

comme je le souhaitais, j’organisais mon tempscomme je le voulais. Maintenant, j’ai toujoursmon patron dans les pattes, qui me dit parcourriel ou par texto d’aller voir tel client enpriorité, de faire ceci au lieu de cela”.

«Dans une veine semblable, relève le cher-cheur français, certaines organisations exi-gent que leurs employés maintiennent leurstechnologies mobiles toujours ouvertes, puisse servent des systèmes de localisation GPSmis au point par les fournisseurs télépho-niques pour les suivre à la trace et savoir oùchacun se trouve. » Loin d’adopter le modèleorganisationnel nouveau préconisé parTamara Erickson, ces entreprises retournenten fait «à une forme d’organisation qui res-semble à du néo-taylorisme», souligne l’ensei-gnant français.

«L’introduction des TI mobiles dans des orga-nisations traditionnelles, écrit Charles-HenriBesseyre des Horts dans L’entreprise mobile,est susceptible de faire évoluer, voire de boule-verser certains aspects structurels et certainesmodalités de fonctionnement qui les caracté-risent et, en particulier, les principes de lahiérarchie et de l’unité de commandement.»De toute évidence, certains gestionnaires conti-nuent – et continueront sans doute pendant uncertain temps – de résister à cette idée !

L’entreprise mobile et le côté sombre de la force

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G E S T I O N E T T I

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les gestionnaires à établir une nouvelle relationavec leur personnel, à trouver des façons de lesmotiver plutôt qu’à les talonner.

CEFRIO: Les dirigeants actuels pourront-ils assurercette transition ou aurons-nous besoin d’unenouvelle génération de gestionnaires?

T. Erickson : Je crois que les gestionnaires actuelspourront transformer leurs habitudes et leursperceptions. Le baby-boomer qui occupe un postede commande voit bien que ses propres enfantsont des attentes identiques à celles des jeunesdiplômés – des attentes différentes de celles qu’ilavait à leur âge.

Cela dit, les dirigeants plus âgés mettent souventun certain temps à se rendre compte que lesystème dans lequel ils ont grandi – ou qu’ils ontfaçonné – fonctionne moins bien que par le passé.Je me rappelle d’une présentation que j’ai faiteil y a peu de temps dans une grande entrepriseaméricaine. À la fin, toutes les personnes pré-sentes étaient debout, emballées, prêtes à passer àl’action, sauf les quatre principaux ténors del’organisation. Ces hommes se tenaient raides surleur siège, leur regard était hostile. Il a fallu deuxbons mois avant qu’ils me rappellent et me disent :«Il faudrait qu’on effectue certains changements».Ces nouvelles idées mettent souvent un certaintemps à mûrir.

CEFRIO: Quel devrait être le rôle des spécialistesen ressources humaines (RH) dans la réalisation etla poursuite de ces transformations?

T. Erickson : Il devrait être bien différent de celuiqu’ils jouent actuellement. Vous savez, il y a unedizaine d’années, dans un texte où il réagissait àl’un de mes premiers articles, le célèbre PeterDrucker soulignait que l’on assisterait bientôt àune révision en profondeur du rôle des RH. Selonlui, les supérieurs hiérarchiques (line managers),ceux qui sont sur le terrain, en ont de plus enplus assez de gérer du personnel – de traiter avecdes employés aux préférences et aux besoinssouvent difficiles à satisfaire et à concilier.Ce qu’ils veulent surtout, c’est mener leursprojets à terme.

Peter Drucker prédisait qu’à court terme, ce désiramènerait ces cadres à déléguer la responsabilitéde gérer le talent. Ce qui mènerait selon lui audéveloppement d’une nouvelle entité fonction-nelle (staff) capable de servir de point d’attacheaux travailleurs de l’organisation, de les attirer, de

les évaluer, de les affecter au bon projet, d’assurerleur développement et ainsi de suite.

Comme les responsables d’agences de placementou de distribution artistique (casting), ces nou-veaux cadres feraient le lien entre les employés del’organisation, leurs besoins et les postes à remplir.Ils seraient responsables du nombre d’employés del’entreprise et de leur qualité, et ils auraient sur lepersonnel une autorité quasi hiérarchique (line-like). Comme les réalisateurs de films, les ges-tionnaires en marketing ou en R-D, eux, se conten-teraient de faire le maximum avec le personnel quileur est confié.

Malheureusement, les directions RH des entre-prises ne sont pas encore prêtes à assumer cenouveau rôle. Certaines organisations, commeAmex ou Hewlett Packard, cherchent toutefoisà les y préparer en formant leurs effectifs RH afinde les aider à mieux comprendre le fonction-nement de leurs activités.

CEFRIO: Les entreprises désireuses de transfor-mer leurs pratiques de gestion ont-elles d’autresexemples à suivre que ceux de Best Buy ou d’IBM?

T. Erickson : Il est certain que les entreprises quisont forcées de recruter de jeunes travailleursintellectuels pour prospérer – les producteurs dejeux vidéo ou les banques d’investissement,par exemple – montrent la voie. Parce qu’ellesont besoin de sang neuf en grandes quantités,ces sociétés ont été parmi les premières à compren-dre que le neuf à cinq est une idée qui n’a plusaucun sens pour les travailleurs et qui ne parlequ’aux gestionnaires.�

1 Hamel, Gary (2007). The Future of Management, Boston,Havard Business School Press, 288 p.

2 Erickson, Tamara (2008). «Breakthrough Ideas for 2008– Task, Not Time: Profile of a Gen Y Job», Harvard BusinessReview, février.

« Les dirigeants plus âgés mettent

souvent un certain temps à se

rendre compte que le système dans

lequel ils ont grandi – ou qu’ils ont

façonné – fonctionne moins bien

que par le passé. »

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Lyne Bouchard, chef de la stratégie chez DMR, un intégrateur-conseil en affaires et en TI,

consacre la majeure partie de son temps à étudier les pratiques de gestion de cette société

internationale. Sa mission : faire en sorte que le personnel de cette entreprise s’épanouisse,

particulièrement ses jeunes employés. « Il est temps que les dirigeants québécois cessent de

considérer les membres de la relève comme un problème, déclare-t-elle. C’est aux gestionnai-

res de leur offrir un environnement dans lequel ils pourront réinventer le monde des affaires.»

DM R

Attirer et fidéliserla relève : une questionde stratégie

PA R R É J E A N R O Y

CEFRIO: Selon Tammy Erickson, spécialiste enressources humaines, le moment est venu pour lesentreprises d’abandonner les pratiques de gestionfondée sur le temps et de passer à celles d’unegestion fondée sur la tâche. Qu’en pensez-vous?

Lyne Bouchard : Cette chercheuse a parfaitementraison. Pensons, par exemple, à la recrue qui serend sur Facebook en plein milieu d’après-midipour clavarder avec un de ses amis. Dans l’orga-nisation traditionnelle, ce comportement seraitjugé inacceptable, mais dans l’organisation nou-velle, il faut l’accepter, parce qu’après avoir échan-gé pendant cinq minutes sur sa fin de semaine ou

sur ses exploits de planchiste, ce jeune obtiendraparfois le tuyau qui lui permettra de déboguer leprogramme qu’il était incapable de réparer sansaide. Si je veux que mes employés soient produc-tifs, qu’ils progressent et qu’ils innovent, je doisaccepter qu’ils réseautent avec les meilleurs – àl’interne comme à l’externe – et qu’ils ne parlent pastoujours du travail pendant les heures de bureau.

En fait, aujourd’hui, le défi des dirigeants consistemoins à dire aux jeunes comment faire leur travailqu’à leur donner l’occasion et les moyens de sedémarquer, de faire une différence, d’œuvrer ausein d’un groupe qu’ils aiment, d’avoir une viesociale au travail – pas seulement le soir ou la finde semaine.

DOSSIE

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VISION D’UNE DIRIGEANTE

Détentrice d’un doctorat de la University

of California à Los Angeles (UCLA),

Lyne Bouchard est actuellement chef de

la stratégie chez DMR. Avant d’occuper

ce poste, elle s’est notamment fait

remarquer comme PDG de Techno-

Montréal (la division de Montréal

International qui travaille à la promotion

de l’industrie des TI), directrice de

programme pour le Gartner Group et

vice-présidente en conseil stratégique

au sein du Groupe Informission.

Photo:YvesLacombe

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G E S T I O N E T T I

Par le passé, on se demandait quel type de mandatdonner aux recrues pour les motiver, les fidéliser.Maintenant, il faut leur offrir un menu à partirduquel elles pourront faire du pick and choose : leslaisser choisir leurs collègues, leurs méthodes detravail, leurs horaires, le type de vie professionnellequ’elles souhaitent avoir. C’est à cette conditionque ces ressources seront heureuses et performan-tes, et qu’elles resteront dans l’entreprise!

Bien sûr, ce dont je parle, c’est d’une relation detravail complètement différente de celle à laquelleles employeurs sont habitués. Ces derniers ont eneffet l’habitude de placer leurs recrues dans unenvironnement assez fermé.

CEFRIO: Selon vous, les dirigeants actuels sauront-ils s’adapter à ces nouvelles règles de jeu?

L. Bouchard : Certains en seront incapables à courtou à moyen terme. Il est probable qu’on verra alorsémerger dans leurs organisations une cultured’entreprise souterraine souvent plus dynamiqueque la culture officielle. À preuve, une récenteétude a révélé que 15% des travailleurs américainsont recours aux technologies du Web 2.0 – wikis,blogues, Facebook –, même si leur employeur enproscrit l’utilisation.

CEFRIO: Cette nouvelle donne s’applique-t-elleseulement aux travailleurs en TI ?

L. Bouchard : Pas du tout. En raison de la pénuriede main-d’œuvre que connaît le secteur des TI, ons’interroge davantage sur les façons d’y attirer dejeunes recrues. Toutefois, les entreprises de tousles domaines devront aussi le faire. Les jeunesn’ont plus le goût de travailler seuls dans leur coin,

dans un cubicule ; ils veulent être en contact lesuns avec les autres, avoir un cercle d’amis et deconnaissances ouvert qui s’étend constamment.C’est vrai en informatique, mais aussi en médecine,dans l’assurance et dans bien d’autres domaines.

CEFRIO : Comment un dirigeant devrait-il s’yprendre pour bâtir une organisation comme celleque vous décrivez?

L. Bouchard : Ce dirigeant devrait d’abord s’asseoiravec des jeunes, les regarder aller, discuter aveceux de la manière dont ils communiquent, font dela recherche et s’amusent au travail. Les jeunes ontl’habitude de donner leur opinion. Ils seront heu-reux de répondre aux questions qu’on leur pose.

Ce dirigeant devrait ensuite s’interroger sur lasignification du mot «leader». Quand on me ditque les jeunes trouvent moins leur place dans lemonde du travail qu’on le souhaiterait, celam’interpelle sur notre capacité, en tant que ges-tionnaires, à nous placer véritablement à l’écoutedes besoins de nos ressources humaines. Lesjeunes ne font pas les choses de la même façon queleurs aînés. Au lieu de proscrire leurs façons defaire ou de chercher à les changer, il faudrait plutôtse demander comment en tirer le meilleur parti.

Finalement, ce dirigeant devrait tenir compte dufait que le renouveau des pratiques de gestion neconcerne pas seulement les plus jeunes. En 2008,même s’ils ne le disent pas aussi fort et aussiclairement, les travailleurs plus expérimentés ontsouvent le goût de faire les choses différemment.Pour ma part, je ne pourrais pas travailler seuledans ma bulle. J’ai besoin d’accéder à des wikis etde clavarder avec mes collègues, que ce soit sur leplan professionnel ou pas.

Enfin, le dirigeant qui veut être un véritable leaderdevrait se rappeler que ses employés, jeunes etmoins jeunes, ne travaillent pas pour lui, maisqu’en fait, c’est lui qui travaille pour eux!�

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«Qu’on le veuille ou non, les outils du Web2.0 font partie de la vie des jeunes travail-leurs.Voilà pourquoi ils veulent s’en servirpour communiquer entre eux, expliqueLyne Bouchard. Si on décourage le recoursaux wikis, aux blogues ou à Facebook, ilss’en serviront quand même ! Si on lesencourage à les utiliser, ils en feront unusage plus intelligent et plus stratégique.»

« En 2008, une entreprise qui recrute

un nouvel employé embauche aussi

l’ensemble de son réseau, note Lyne

Bouchard. C’est grâce à ce réseau que

vos recrues attireront parfois des clients

auxquels vous n’auriez jamais pensé.

Mais c’est aussi à cause de ce réseau que

vous perdrez parfois les travailleurs aux-

quels vous n’aurez pas offert un environ-

nement de travail assez stimulant. »

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La transformation des attentes des travailleurs et des consommateurs, tout comme l’aug-

mentation de leurs capacités de communication, pose de nouveaux défis aux entreprises

sur le plan de la gestion de l’image. Comment une organisation peut-elle contrôler son

message quand ses clients peuvent critiquer celui-ci sur YouTube ou Facebook? Que doit-elle

faire quand certains de ses employés se permettent de commenter publiquement les

décisions de leurs patrons ?

G E S T I O N E T T I

Gérer l’imagede son entrepriseà l’ère du Web 2.0

PA R R É J E A N R O Y

Pour Simon Rivard, vice-président marketingchez Canoë, l’apparition des outils du Web 2.0

a eu pour principal effet un engagement accru duconsommateur dans le processus de mise enmarché d’un produit. «Le Web 2.0 a fait de lui unvéritable publicitaire dont le comportement a uneinfluence parfois positive, parfois négative, austade de la préconsommation, de la consomma-tion et de la postconsommation.

«Par exemple, Lily Écolo, l’entreprise de ma con-jointe, conçoit et promeut ses sacs pratiquesen s’appuyant sur un groupe formé d’un millierde clientes très engagées, note le dirigeant.Celles-ci participent au choix des tissus utilisés dansla fabrication, suggèrent certaines innovations à l’en-treprise, défendent la marque dans les blogues, etc.Rien de cela n’aurait été possible il y a dix ans.»

De même, grâce à des outils de réseautage commeFacebook, les travailleurs d’une organisation

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Libre expression dirigéeLa multinationale Wal-Mart a annoncé audébut de 2008 que ses acheteurs peuventmaintenant dire sur le blogue Checkoutblog.com tout le bien ou le mal qu’ilspensent des produits vendus dans sesmagasins (par exemple, «Non, je ne recom-mande pas de changer pour Vista» ou «Ledernier Star Wars est vraiment nul»). PourSimon Rivard, certaines entreprises ontconnu du succès en laissant leur personnelfaire preuve de transparence sur le Web,mais d’autres ont vécu des expériencesnégatives. Selon lui, on peut laisser unecertaine latitude aux employés, mais il fautprendre soin de bien définir à l’avance lecadre qui est acceptable pour leursinterventions publiques. «L’employé quidéborde de ce cadre s’expose évidemmentà des sanctions.»

Diplômé de HEC Montréal, Simon Rivard

est vice-président marketing chez Canoë

inc., l’entreprise québécoise qui exploite

notamment les sites Canoë, La Toile du

Québec, Jobboom, Micasa, Autonet,

RéseauContact, Espace Canoë et

vitevitevite, lesquels reçoivent au total

quelque huit millions de visiteurs

uniques chaque mois.

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peuvent maintenant annoncer plus facilement àleurs proches, à leurs connaissances, ou encoreaux membres des associations dont ils font partiequ’ils apprécient leur emploi, leur employeur etleur milieu professionnel.

Gérer le mécontentementS’il est évidemment possible et souhaitable d’ai-der le client ou l’employé satisfait à propager labonne nouvelle (voir l’article sur le bouche-à-oreille, à la page 35), comment gère-t-on unclient ou un employé mécontent ?

Simon Rivard pense d’abord que pour une orga-nisation, il est important de donner aux inter-nautes la possibilité de s’exprimer ouvertementdans des lieux qu’elle contrôle, plutôt que dansdes lieux dont elle n’a pas la gouverne. «ChezCanoë, nous veillons à ce que nos clients puissentdire chez nous ce qu’ils pensent de nos servicesou de ceux de Quebecor, souligne le dirigeant.Lorsqu’une personne a quelque chose de négatif àdire, nous la laissons faire, nous lui laissons ledroit de s’exprimer. La seule chose à laquellenous tenons, c’est au respect de l’étiquette àobserver sur Internet 1. »

En accueillant la critique, une organisation seplace dans une meilleure position pour y réagirrapidement et apporter les correctifs requis.

«Lorsqu’un commentaire est judicieux, qu’il soitémis par un employé ou par un client, il faut entenir compte, ajoute Simon Rivard. D’ailleurs,une réaction efficace aura peut-être pour effet deconsolider l’appréciation que l’internaute a del’organisation ou de ses marques. »

Évidemment, certaines personnes choisiront mal-gré tout de s’exprimer dans d’autres sites queceux de l’organisation dont elles critiquent lesagissements, les produits ou les services. C’estpourquoi il est important pour toute entreprisede surveiller, à l’aide d’outils comme les alertesde Google, ce qu’on dit d’elle et de ses produitsou services sur le Web. «Canoë le fait systéma-tiquement ; Lily Écolo aussi veille au grain. Dèsque quelqu’un, quelque part sur le Web, mentionnele nom de ces entreprises – ou mon propre nom,puisque tout professionnel doit soigner sa répu-tation –, je le sais. »

Lorsque des remarques négatives, qu’elles soientvraies ou fausses, se mettent à circuler sur Inter-net à propos d’une organisation et de sesproduits, celle-ci doit commencer par jauger lagravité de la situation. «Si seulement un petitnombre de personnes paraissent échanger despropos négatifs sur l’entreprise, cette dernièregagnera parfois à garder une attitude attentiste »,croit Simon Rivard.

Dans d’autres cas, l’organi-sation attaquée fera bien deriposter immédiatement parle truchement du Web et,possiblement, par d’autrescanaux, selon le plan de ges-tion de crise qu’elle devraitavoir adopté au préalable.

«Les représentants de l’entre-prise devront cependantéviter de déguiser leur inter-vention en se faisant passerpour de simples internautes,fait remarquer Simon Rivard.Sur Internet, la règle à respec-ter, c’est que quand on parle,il faut parler vrai. »�

1 Canoë décrit le code à adopter surses sites à l’adresse http://espace.canoe.ca/conditions/netiquette.

2 Proofpoint (2008). Outbound Emailand Data Loss Prevention inToday’s Enterprise, 2008, s.l., p. 10.0 % 20 % 40 % 60 %

44 %

44 %

44 %

47 %

56 %

Interventions dans des blogues

Interventions dans des sites de partagede contenus comme YouTube

Interventions dans des réseauxcomme Facebook

Messages instantanés

Courriels envoyés à partird’appareils mobiles

S C H É M A 1

Proportion d’entreprises américaines de 1000 employéset plus qui sont préoccupées ou très préoccupées par ladiffusion, par leur personnel, d’informations confidentiellespar le truchement de différents canaux2

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Dire que la demande dépasse l’offre quand il s’agit d’embaucher un expert en TI est un

euphémisme. Dès le début de leur formation, ces futurs spécialistes sont courtisés par les

entreprises. Offres de stage, bourses, emplois d’été : tout est mis en œuvre pour créer rapi-

dement des liens avec l’étudiant et le convaincre qu’il ne pourra trouver meilleur employeur

lorsqu’il obtiendra son diplôme. Et vous, jusqu’où êtes-vous prêt à aller ?

R E S S O U R C E S H UM A I N E S E T T I

Recruter un experten TI, un exploit?

PA R L I E T T E D ’ AMO U R S

De nos jours, même la moins technologiquedes entreprises doit recourir aux techno-

logies de l’information (TI). Par conséquent, lapénurie de main-d’œuvre dans ce domaine netouche pas que les CGI, Bell, Ubisoft et Bombar-dier de ce monde. Toutes les sociétés doiventdésormais rivaliser d’ingéniosité pour attirer cetype de spécialistes et surtout, pour leur donnerenvie de rester. Et le problème ne semble pas envoie de se régler…

«Bien que le nombre d’employeurs qui noussollicitent pour recruter nos diplômés en TI necesse de croître, le taux d’inscriptions dans cesdisciplines ne suit malheureusement pas lamême courbe, loin de là, affirme Michel Patry,directeur de HEC Montréal. Et ce phénomènes’observe partout à l’échelle internationale.Depuis l’éclatement de la bulle technologique, lesfacultés d’informatique, de gestion et de géniepeinent à attirer de nouveaux candidats. »

Même son de cloche du côté de l’École de techno-logie supérieure (ÉTS). «Nos finissants en géniedes technologies de l’information et en génie logi-ciel reçoivent en moyenne neuf offres d’emploidès leur sortie. Malgré ces perspectives d’embauchealléchantes, ce sont les programmes de génie quisuscitent le moins d’engouement, reconnaît YvesBeauchamp, directeur de l’établissement. Pourstopper cette désaffection et maintenir un effectifrelativement stable, nous devons faire des effortsde recrutement constants. »

Il semble, en effet, qu’un important travail desensibilisation reste encore à faire non seulementpour démontrer que l’avenir est prometteur dans

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Titulaire d’un doctorat en science

économique de l’Université de la

Colombie-Britannique et d’une maîtrise

en sciences de la gestion de HEC

Montréal, Michel Patry est présente-

ment professeur titulaire à l’Institut

d’économie appliquée de HEC Montréal

et directeur de HEC Montréal, l’une des

meilleures écoles de gestion au monde.

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le domaine, mais aussi pour changer l’idée queles gens se font de ce qu’est une carrière dans lesecteur. Bon nombre croient, à tort, que le travaild’un spécialiste en TI se limite à faire de la pro-grammation. On l’imagine donc isolé dans uncubicule, consacrant 40 heures par semaine à ali-gner du code binaire. Ce n’est donc pas étonnantque les femmes, qui sont davantage portées versles relations humaines, boudent ces disciplines.

Des solutions à l’horizon?«Il faut redoubler d’efforts pour inciter les jeunes àchoisir ces disciplines et ce, dès la troisièmesecondaire, au moment où ils doivent déterminerles cours de concentration qu’ils prendront pen-dant les deux années suivantes. Toutefois, même siles institutions scolaires et les associations secto-rielles clament qu’il y a de l’avenir en TI, lemessage, pour être véritablement entendu, doitvenir de l’industrie, croit Yves Beauchamp. Lesdirigeants d’entreprise doivent dire publiquementà quel point le besoin est criant. Toute personneinfluente qui gravite autour des jeunes – parents,orienteurs, professeurs, etc. – doit savoir qu’il yaura 7000 emplois à combler en technologies del’information au cours des prochaines années, etque nous faisons déjà face à une pénurie.»

Dans un tel contexte, comment les entreprisesdoivent-elles s’y prendre pour recruter la perlerare ? Quelle stratégie peuvent-elles mettre del’avant? Pour s’assurer une relève, les employeursdoivent d’abord se rapprocher des universités etdes centres de formation, afin d’identifier rapide-ment de futures ressources et de tenter de lesattirer par la suite.

Les plus proactifs se positionnent désormais dèsle début de la formation universitaire. «Dès lors,

les recruteurs trouvent les meilleurs candidatset leur offrent de les accueillir pour les troisstages qu’ils auront à effectuer au cours de leursétudes et pour des emplois d’été. Certains vontmême jusqu’à donner des bourses en échange dedeux à trois années de service une fois leurformation complétée. Et la stratégie semblefonctionner : plus de 50% de nos étudiants setrouvent un emploi là où ils ont fait leur stage»,déclare Yves Beauchamp.

Toutefois, déjà à ce niveau, la concurrence estféroce. Des 3200 offres de stage que l’École detechnologie supérieure a reçues l’an dernier, seule-ment 2200 ont pu être comblées. «Par manque destagiaires, nous n’avons pu répondre à la demandede 700 entreprises qui étaient pourtant prêtes àverser une rémunération de 12000 dollars pourquatre mois. C’est dire à quel point le problème estaigu!» insiste Yves Beauchamp.

Évidemment, plus le stage et le milieu de travailsont stimulants, plus l’entreprise aura de chancesd’attirer des candidats.

Dès son arrivée à la direction de

l’École de technologie supérieure,

en 2003, Yves Beauchamp a procédé

à d’importantes restructurations.

Spécialisée en génie appliqué et en

technologie, l’ÉTS a pour objectifs

particuliers de développer de nouvelles

technologies et d’assurer leur transfert

en entreprise.

Photo:YvesLacombe

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Recruter ailleursParmi les autres solutions envisagées : l’immi-gration. «Les problèmes démographiques queconnaît le Québec sont tels que nous n’aurons pasd’autre choix que de miser sur les nouveaux arri-vants pour conserver nos avantages concurren-tiels, pense Michel Patry. Il faut dès maintenantdéployer des efforts considérables pour les inciterà se former ici et espérer qu’ils restent. À HECMontréal, 30% de nos étudiants n’ont pas depasseport canadien au début de l’année scolaire,car ils viennent d’arriver au Canada. »

Selon les statistiques de cette école de gestion,environ la moitié de ces étrangers résident encoreau Québec trois ans après avoir obtenu leurdiplôme. «Selon moi, l’immigration s’avère l’unedes solutions pour changer la donne et contrer lapénurie de main-d’œuvre qui, en passant, n’estpas propre au secteur des TI. Si nous ne réagis-sons pas maintenant, nous risquons d’avoir desérieux problèmes dans quelques années, lors dudépart massif des baby-boomers à la retraite »,craint le directeur de HEC Montréal.

«Nous devons aussi trouver des façons et desmoyens pour que les immigrants déjà diplôméspuissent exercer leur profession, soit en leur offrantla possibilité de se recycler ou encore en leur don-nant une formation d’appoint qui répond à nos exi-gences, renchérit Yves Beauchamp. Nous devonsmettre en place des mécanismes pour que cespersonnes puissent intégrer rapidement le marchédu travail, car elles sont souvent très compétentes.

«Le gouvernement doit nous soutenir dans cettedémarche, poursuit le directeur de l’ÉTS, en nousaccordant le financement nécessaire pour formerces personnes ou, du moins, en leur offrant unemise à niveau par la formation continue. Car, àdéfaut de ressources locales, les entreprises ironts’implanter à l’étranger ou impartiront certains deleurs processus, croit Yves Beauchamp. D’ailleurs,cela a déjà commencé. »

Cette pénurie de main-d’œuvre n’encourage pasnon plus les sociétés étrangères à venir s’installerici. Aucune entreprise n’a envie d’entrer en guerreavec ses rivales pour lui soutirer ses forces vives.Il est d’ailleurs assez difficile d’être compétitivedans un contexte où il y a surenchère sur le plandes salaires.

Miser sur le personnel en placeUne autre solution semble également se dessinerpour contourner ce problème de recrutement :offrir une formation complémentaire aux

employés déjà en place. «L’implantation de TIentraîne une reconfiguration des modèles d’affai-res au sein des entreprises, souligne Michel Patry.Or, elles devront faire participer plus que desspécialistes en TI à cet exercice. Quand vient lemoment d’effectuer un changement organisation-nel, la compétence en matière de TI ne représentequ’un morceau du casse-tête. C’est pourquoi, àHEC Montréal, nous encourageons le dévelop-pement de compétences mixtes. » Par exemple,une base en marketing avec une spécialisation enTI ou, à l’inverse, une assise en TI avec un perfec-tionnement en ressources humaines, en finance,en gestion, etc.

Ces personnes, qui connaissent déjà l’entreprise,seront alors mieux habilitées à participer audéveloppement d’un plan d’affaires qui s’appuiesur des innovations technologiques, à mettre enplace des modèles de Web évolués, à miser sur leforage de données pour prendre de meilleuresdécisions, etc. Cependant, pour ce faire, les insti-tutions doivent avoir des structures d’accueil quipermettent aux travailleurs qui ont déjà unbaccalauréat d’obtenir une formation complé-mentaire ou un diplôme de deuxième cycle entechnologies de l’information.

« Cette approche me semble l’une des plusprometteuses, car elle permet à la fois de comblerles besoins d’expertise en TI et de s’assurer queles technologies seront alignées sur les stratégiesde l’entreprise», ajoute Michel Patry. Pour releverles défis auxquels elles sont confrontées, lesentreprises doivent plus que jamais faire partici-per leurs experts en technologie sur le plandécisionnel. Une réalité à laquelle on préparedéjà les futurs diplômés.

Compte tenu de l’importance croissante que lesentreprises accordent aux TI, il est de plus enplus fréquent qu’elles créent une vice-présidenceen technologies de l’information. «Pour occuperde tels postes, nos futurs diplômés doivent doncavoir non seulement une connaissance approfon-die de l’ensemble des technologies (informatique,

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réseautique et télécommunication), mais aussides notions de gestion qui les aideront à mieuxcomprendre les enjeux opérationnels et qui lesamèneront à parler le même langage que ladirection», précise Yves Beauchamp.

Une génération sélectiveDans ce marché d’employés et non d’employeurs,quelles sont les nouvelles pratiques de ressourceshumaines susceptibles de plaire aux recrues ? « Ilest certain que la pénurie qui sévit actuellementdans le secteur des TI crée une situation où lesjeunes peuvent négocier des conditions de travailparticulièrement avantageuses. Toutefois, il seraitfaux de croire que ces diplômés sont les seuls à semontrer plus sélectifs en matière d’emploi : cephénomène est générationnel, déclare Michel Patry.Aujourd’hui, les jeunes accordent une place bienplus importante à la conciliation travail-famille. Ilssont davantage préoccupés par la souplesse de leuremployeur face aux horaires de travail ou encore àl’endroit où ils pourront l’exercer.»

«De nos jours, ce sont les employeurs qui remer-cient leurs recrues de les avoir choisis, alorsque nous étions plutôt habitués au contraire,

remarque à la blague Yves Beauchamp. Commeils sont en situation de pouvoir, les finissantsprennent davantage de temps pour choisirLE travail qui leur offrira les meilleures condi-tions. Ils recherchent un lieu où ils pourront seréaliser et relever des défis intéressants, unenvironnement stimulant qui les rendra heureux.Bon nombre d’entre eux aspirent également àoccuper rapidement des postes de gestion, àdiriger des équipes, des projets, etc. »

Pour illustrer ses propos, le directeur de l’ÉTSrapporte le cas d’un finissant de 23 ans qui sedemandait si l’offre qu’il venait de recevoir étaitavantageuse. L’entreprise lui offrait dès le départun salaire annuel de 85000 dollars… et luidonnait le choix de travailler dans l’un de ses sixétablissements situés en Amérique et en Europe.C’est dire à quel point la surenchère est forte !

Selon Michel Patry, les meilleures stratégiesallieront de bonnes conditions salariales et unenvironnement de travail de qualité. «C’est cetype de combinaison qui permettra aux entre-prises d’attirer de nouveaux employés et surtout,de les retenir », conclut-il.�

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Dans le livre Blink1, le journaliste Malcolm Gladwell fait l’éloge de l’intuition et traite de son

importance dans la prise de décision. Aux yeux de Tom Davenport et d’Éric Bonabeau, deux

spécialistes de l’analytique, il peut certes être utile que les dirigeants se fient à leur flair

dans certaines circonstances, mais l’organisation qui souhaite aujourd’hui se démarquer

gagne généralement à recourir aux puissants outils de forage et d’interprétation de

données offerts sur le marché.

G E S T I O N D E S C O N N A I S S A N C E S E T T I

La puissancede l’analytique

PA R R É J E A N R O Y

I l est risqué pour les dirigeants de trop miser surleur intuition, notamment parce que nos

environnements sont de plus en plus complexeset changeants, et parce que des recherches ontmontré que le désir inconscient de l’être humainde trouver des patterns est si fort qu’il perçoitsouvent la présence de trames là où il n’y en apas. «Notre cerveau, écrit Éric Bonabeau, essaiede catégoriser les nouveaux phénomènes enfonction d’expériences passées, mais pour réali-ser cette adéquation, il laisse parfois de côtél’information qui faisait précisément d’un phéno-mène quelque chose de nouveau 2. »

Ainsi, contrairement à ce qu’avance MalcolmGladwell dans son ouvrage, l’avenir appartien-drait moins aux décideurs qui ont du flair qu’auxdirigeants capables de piloter la transformationdes données organisationnelles en connaissances

utiles à la prise de décision. Une transformationde plus en plus impossible à réaliser sans recourirde manière intelligente aux outils analytiques.

Les outils analytiques et leurs usagesOn peut définir les outils analytiques comme lestechnologies que les décideurs utilisent pour pren-dre de meilleures décisions. Les entreprises s’enservent pour faire une analyse quantitative pous-sée des données à leur portée et pour construiredes modèles capables d’expliquer une situationou de prédire l’avenir.

Les outils analytiques vont du plus simple au pluspuissant (voir Schéma 1). Ainsi, on retrouve danscette catégorie des tableurs comme Excel ou Open-Office Calc, des logiciels d’analyse statistiquecomme SPSS, des foreurs de données comme SASAnalytics, des logiciels de prévision comme ceuxde Fair Isaac, et des outils de modélisation puis-sants comme ceux qui sont conçus par Icosystem.

20 C E F R I O – P E R S P E C T I V E S 2 0 0 9

Expert reconnu de la gestion des

connaissances et de la gestion des

technologies de l’information,

Tom Davenport enseigne au Babson

College, l’école de commerce la mieux

cotée des États-Unis en ce qui a trait à

la formation d’entrepreneurs. En plus

d’avoir publié des dizaines d’articles

scientifiques, cet expert est l’auteur

de nombreux ouvrages, dont le récent

Competing on Analytics (Harvard

Business School Press, 2007).

Photo:YvesLacombe

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G E S T I O N D E S C O N N A I S S A N C E S E T T I

21C E F R I O – P E R S P E C T I V E S 2 0 0 9

«L’importance de recourir efficacement à cesoutils a crû fortement en même temps que la mon-tée d’Internet et que l’adoption de progiciels degestion intégrée (ERP), affirme Tom Davenport. Lesentreprises ont investi des sommes importantesdans l’implantation de puissants systèmestransactionnels, mais elles réalisent aujourd’huiqu’elles ne savent pas utiliser l’information queceux-ci génèrent d’une manière qui leur permettede mieux gérer leurs affaires. Par exemple,plusieurs d’entre elles se sont dotées de program-mes de fidélisation et constatent finalement queleurs clients ne sont pas plus loyaux qu’aupara-vant, ajoute le chercheur. Si bien qu’il faut aujour-d’hui reconnaître que seuls les outils analytiquesles aideront à résoudre ce type de problème.»

Selon une étude réalisée par Tom Davenport, laproportion d’organisations dépourvues d’habiletésanalytiques de base est passée de 45% en 2002 àseulement 8% en 2006. Le pourcentage d’organi-sations qui sont dotées de capacités analytiquessignificatives ou poussées a pour sa part doublé

pendant la même période, et atteint 57%3.Cependant, le chercheur estime que sur la scènemondiale, une cinquantaine de sociétés tout auplus possèdent actuellement des capacitésanalytiques de très haut niveau.

Niveau d’intelligence

Qu’est-ce qui pourrait se passerde mieux?

Quelles seront les retombées ?

Que se passera-t-il si latendance se maintient ?

Pourquoi cela se passe-t-il ?

Quelles sont lesactions requises ?

Où se trouve précisémentle problème?

Combien ?À quelle fréquence ? Où?

Qu’est-ce qui est arrivé ?

Optimisation

Modélisation

Prévisions /extrapolation

Analyse statistique

Alertes

Requêtesexploratoires

Rapports spéciaux

Rapports types

S C H É M A 1 4

« J’ai toujours eu l’impression que les entre-prises canadiennes utilisent l’informationplus efficacement que les américaines, noteTom Davenport. Je crois que cela tient aufait que dans le sigle “TI”, les Américainss’intéressent davantage au “T” et lesCanadiens, selon moi avec raison, au “I”. »

Éric Bonabeau est PDG d’Icosystem, une

entreprise de Boston spécialisée dans l’offre

de services analytiques de pointe à des sociétés

comme La Poste de France et Pepsico. Diplômé

de l’École Polytechnique et de l’École Nationale

Supérieure des Télécommunications de Paris,

en France, il est l’un des premiers spécialistes

mondiaux des systèmes complexes et de la

résolution décentralisée de problèmes. Cet

expert a écrit une dizaine d’articles dans des

revues de gestion comme Harvard Business

Review ou MIT Sloan Management Review.

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22 C E F R I O – P E R S P E C T I V E S 2 0 0 9

G E S T I O N D E S C O N N A I S S A N C E S E T T I

Produire des rapports types L’information issue des systèmesd’exploitation, opérationnels oucomptables de l’organisation peutsouvent être traitée manuellementou automatiquement avec un simpletableur comme Excel. D’autres outilsabordables de création de rapports,comme Crystal Reports ou CognosBI, peuvent aussi être utilisés.

Quelle est l’évolution desventes d’assurance voyagesde CAA-Québec ?

Produire des rapports spéciaux5 Voir la cellule précédente. Combien de clients distincts ontutilisé la succursale de Brossardau cours du premier et du secondsemestre pour acheter un voyagede plus de 5000$ ?

Faire des requêtes exploratoires Mêmes outils encore, mais desoutils de géomarketing peuventaussi être utilisés.

Quelles sont les caractéristiques debase des membres qui ont bienrépondu à une offre postale donnée?Ceci permet de cibler d’autresmembres qui leur ressemblent.

Produire des alertes En plus des TI déjà mentionnéesdans les cellules ci-dessus, on peututiliser des outils de gestion debases de données comme Access.

Quel est le niveau d’utilisation desservices conseils de CAA-Québecdans le domaine de l’habitation ?S’il baisse, on pourra avertirla direction.

Faire des analyses statistiques En plus des TI déjà mentionnéesdans les cellules ci-dessus, on peutrecourir à SPSS ou à StatXP pourfaire des analyses poussées avec unbudget réduit (moins de 5000$).

Quelles sont les caractéristiques(croisement de variables) des mem-bres qui ont bien répondu à l’offrepostale A? À la lumière des résul-tats obtenus, CAA-Québec peutchanger l’offre faite à ces membres,son timing ou le soutien promotion-nel utilisé. L’organisme peut aussicarrément changer de cible.

Faire des prévisions oudes extrapolations

Voir la cellule précédente. Qu’est-ce qui arriverait à nos ventessi nous appliquions les résultatsde notre dernier test de marketingà l’ensemble de notre clientèle ?

Faire de la modélisation L’entreprise qui a un petit budgetpeut recourir à SPSS ou à StatXP.SAS offrira des performancesaccrues aux utilisateurs qui en ontles moyens.

Quels clients devraient réagir àune offre d’assurance donnée ?Quel devrait être le rendement del’investissement associé à cettenouvelle offre ?

Optimiser les résultats Voir la cellule précédente. Comment utiliser nos listes demembres et nos modèles d’inter-vention marketing pour améliorerle rendement de nos campagnes,tout en limitant le nombre d’envoisfaits à chaque client ?

Outils utilisésExemple de

connaissances acquises

TA B L E A U 1

L’analytique chez CAA-Québec

Type d’utilisation

Des outils à la portée des PMECAA-Québec offre des services dans les domaines de l’automobile, du voyage, de l’habitation et de la finance à près d’un million demembres. Cet organisme à but non lucratif est un grand utilisateur d’outils analytiques. Dans le tableau 1, Olivier Nauleau, directeurprincipal, gestion des marchés et relations membres, nous donne une idée des technologies que CAA-Québec utilise ou pourraitutiliser, et des raisons pour lesquelles elle y a recours.

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23C E F R I O – P E R S P E C T I V E S 2 0 0 9

G E S T I O N D E S C O N N A I S S A N C E S E T T I

La Banque Royale et la Banque TD se classent dansle peloton de tête. «La Banque Royale a été l’unedes premières à se servir de l’analytique pourcalculer la valeur économique de chaque client,déterminer quels produits offrir à un consomma-teur donné et transformer les clients non rentablesen clients rentables, souligne Tom Davenport. Cetteinstitution bancaire utilise actuellement les TIpour mieux connaître les réseaux auxquels appar-tient un client et faire en sorte que grâce à laréputation de sa famille, par exemple, il puisseobtenir un prêt à bas taux, sans cosignataire.»

Pour sa part, la Banque TD serait l’une des entre-prises les plus mieux placées du monde en ce quia trait à l’utilisation des outils analytiques à desfins d’amélioration des pratiques de gestion de laperformance, avance Tom Davenport. «De nom-breuses banques peuvent faire le lien entre lafidélité d’un client et la profitabilité d’une suc-cursale donnée, par exemple, mais à ce chapitre,la TD est sans doute la meilleure. »

Évidemment, les outils analytiques ne sont pasutilisés uniquement dans le secteur financier.«Grâce à des outils de simulation sophistiqués, lesentreprises du secteur de la santé peuvent, entreautres, créer des assurances mieux adaptées auxbesoins des travailleurs et des sociétés, distinguerrapidement des occasions de recherche promet-teuses ou comprendre comment, parmi les méde-cins, se fait réellement le bouche-à-oreille relatif àun nouveau médicament», note Éric Bonabeau.

Dans le domaine sportif, des équipes comme lesA’s d’Oakland ou les Patriots de la Nouvelle-Angleterre ont su s’élever au-dessus de la mêléetout en réduisant leur masse salariale6 en se servantde l’analytique pour revoir en profondeur lescaractéristiques véritables d’un grand frappeur oud’un quart-arrière.

Dans le secteur du cinéma, Netflix, un club vidéoInternet, emploie l’analytique pour mieux prédirequels films auront du succès, tandis que dansl’univers des matériaux de construction, le géantmexicain du ciment CEMEX recourt aux TI pouroptimiser le fonctionnement de sa chaîne d’appro-visionnement et diminuer ses délais de livraison.

Quel que soit le secteur où elles sont actives, lesentreprises qui recourent aux outils analytiquespour améliorer leurs processus semblent gagnan-tes. Ainsi, les travaux de la société-conseil IDCmontrent que le rendement moyen des projetsanalytiques menés pour améliorer les capacitésde production et de gestion de la relation-client

d’une entreprise s’élève à 277% dans le premiercas et à 55% dans le second7. Les recherches deTom Davenport révèlent pour leur part que lesentreprises très performantes sur le plan desprofits et des ventes ont des capacités analytiquesà la fois considérables et supérieures à celles deleurs rivales (voir Tableau 2).

Les éléments clés d’unestratégie analytique efficacePour se doter de fortes capacités analytiques, lesentreprises doivent adopter diverses pratiquesexemplaires, avance Tom Davenport.

Elles doivent d’abord bâtirune culture organisation-nelle propice à l’utilisationde l’analytique, qui favorisela collecte de données etleur analyse, la réalisationde tests et l’application desrésultats obtenus.

«La mise en place de cetteculture commence souventau sommet, avec la nomi-nation de dirigeants à l’es-prit fortement analytique,avance l’expert américain.Si la Banque TD met l’ac-cent sur l’analytique et yrecourt avec succès, c’estqu’elle est menée par un PDG, Ed Clark, qui a unPh.D. en économie et qui croit fortement à l’im-portance de réunir des données solides avant deprendre une décision. Par exemple, la TD arécemment fait une acquisition majeure, et je saisqu’Ed Clark a fait faire toutes les analyses et lessimulations possibles et inimaginables avant depasser à l’action. »

En outre, Tom Davenport note que les entreprisesqui tirent le maximum de l’analytique sont cellesqui alignent leur utilisation des outils offerts sur lemarché avec leur stratégie d’entreprise. «Aucuneorganisation ne peut exploiter toutes ses donnéeset, d’un seul coup, être analytique dans tous leschamps, souligne-t-il. Veillez d’abord à utiliser lesoutils analytiques pour améliorer un aspectimportant de vos opérations. Ainsi, la BanqueRoyale a d’abord cherché à améliorer la gestion desa relation avec les clients, Marriott, à établir leprix de ses chambres d’hôtel à un niveau optimal,et Toshiba, à accroître la qualité de ses nouveauxproduits. Allez-y progressivement, en commen-çant par des actions qui vous donneront unvéritable avantage sur vos concurrents.»

« Les grandes

entreprises sont

actuellement les

principales utilisatrices

des outils analytiques,

affirme Tom Davenport,

mais rien ne s’oppose

à ce que les PME

recourent efficacement

à ces derniers. »

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G E S T I O N D E S C O N N A I S S A N C E S E T T I

Dans une autre veine, les gagnants, dans le champde l’analytique, cherchent constamment à obtenirou à générer l’information qui leur permettra deprendre une longueur d’avance et de mieux com-prendre leur domaine d’affaires ou leurs clients.

Par exemple, la compagnie d’assurance améri-caine Progressive a été l’une des premières à serendre compte, dans les années 1990, que lesconsommateurs qui ont une bonne cote de créditsont moins susceptibles que les autres d’avoir unaccident d’auto, rapporte le chercheur. Cetteconstatation lui a donné un avantage pendant unmoment, mais une fois le secret éventé, ses spécia-listes en analytique ont dû trouver de nouvellesmanières de lui procurer un avantage concurren-tiel. Entre autres choses, Progressive offre mainte-nant un rabais aux conducteurs qui acceptentd’installer dans leur auto un logiciel capable demesurer leur vitesse et les distances parcourues.»

Pour Éric Bonabeau, il est aussi important de sepréoccuper de la manière dont les données sont

recueillies, parce que l’analytique ne peut rap-porter les fruits escomptés que si l’entreprisedispose d’une masse importante de donnéestransactionnelles de haute qualité. « Il faut résis-ter à la tentation d’amasser toutes les donnéesdisponibles, insiste Tom Davenport. Certainesinformations sont faciles à recueillir sans êtrenécessairement importantes. »

Enfin, pour toute entreprise désireuse de recourirefficacement aux outils analytiques, la mise enplace d’une équipe d’experts dans le domaineconstitue une autre priorité, pense TomDavenport. «Les organisations devraient réagirrapidement sur le plan du recrutement, parce queces spécialistes sont rares et que nos universitéssont loin de produire chaque année un nombresuffisant d’économistes, de statisticiens et d’ex-perts en recherche opérationnelle. »

Où devraient se trouver ces spécialistes dansl’organisation ? Selon le professeur du BabsonCollege, dans un lieu central pour favoriser lepartage des connaissances et la réalisation detravaux poussés, et à proximité des spécialistesdes TI pour assurer l’exploitation maximale descapacités de ces dernières.

La mort de l’expert ?Évidemment, le recours à l’analytique n’est pasla seule stratégie qui se trouve à la portée desentreprises désireuses de croître, même s’il s’agitd’une approche prometteuse. « Il y a d’autresfaçons de se démarquer, avance Tom Davenport.Par exemple, les casinos Harrah’s connaissent dusuccès en raison de leur capacité supérieure à

TA B L E A U 2

L’analytique, critère de démarcation des entreprises 8

Ont des capacités significativesen matière d’analytique.

23% 65%

Accordent beaucoup d’importanceaux résultats obtenus grâce àl’analytique.

8% 36%

Ont des capacités analytiquessupérieures à celles des autresentreprises de leur industrie.

33% 77%

Utilisent l’analytique partout ausein de l’organisation. 23% 40%

Attitudes et comportementsen matière d’analytique Entreprises peu performantes Entreprises très performantes

Aux États-Unis, 65% des entreprises très performantes ont de grandes capacités analytiques, par rapport à seulement 23% des entre-prises peu performantes.

« Le véritable défi auquel nous

faisons face, ce n’est pas de trouver

la bonne réponse, mais de veiller à ce

que les dirigeants aient confiance en

nous et en nos résultats », souligne un

spécialiste de l’analytique.

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G E S T I O N D E S C O N N A I S S A N C E S E T T I

fidéliser leurs clients (des algorithmes puissantspermettent de transformer une expérience désa-gréable en une expérience heureuse, par exempleen invitant un joueur de machines à sous

malchanceux à déguster un steak gratuit avantqu’un découragement trop profond le gagne10),mais Wynn Resorts, la société propriétaire duBellagio, le fait en mettant l’accent sur le luxeet le style. »

Comme le montrent ces exemples, il n’est pasnécessaire de tout miser sur l’analytique pour

réussir en affaires, mais une chose est certaine :les dirigeants qui ignorent le potentiel desnouveaux outils à leur disposition et qui choi-sissent de se fier essentiellement à leur intuitionle feront de plus en plus à leurs risques et périls.�

1 En français, La force de l’intuition – Prendre la bonne décisionen deux secondes, Paris, Robert Laffont, 2006, 300 p.

2 Ibid., p. 118.3 Davenport, Tom et Jeanne G. Harris (2007). Competing onAnalytics, Boston, Harvard Business School Press, p. 46.

4 Ibid., p. 8.5 Pour produire des rapports spéciaux, on croise certainesdonnées de manière ponctuelle pour mieux comprendrecertains aspects des activités d’une organisation.

6 En 2006, les Patriots se classaient dans le dernier quart deséquipes de la National Football League en ce qui a trait à lamasse salariale.

7 Davenport et Harris (2007), op. cit., p. 45.8 Ibid., p. 47.9 Cité dans Davenport et Harris, op. cit., p. 30.10 Comme cet exemple le montre bien, le recours aux outils

analytiques peut soulever des questions majeures sur le plande l’éthique.

« In God We Trust. Tous les

autres, préparez-vous à montrer

vos données9 ! »— Barry Beracha, ancien PDG

de Sara Lee Bakery et grand partisande l’approche analytique

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C E F R I O – P E R S P E C T I V E S 2 0 0 9

Le Groupe Aéroplan est le propriétaire des plus importants programmes de fidélisation au

Canada (Aéroplan) et au Royaume-Uni (Nectar). Les outils analytiques jouent un rôle

majeur dans le succès de ces deux programmes.

G E S T I O N D E S C O N N A I S S A N C E S E T T I

L’utilisation desoutils analytiqueschez Aéroplan

PA R R É J E A N R O Y

C e sont, notamment, les techniques analytiquesqui permettent aux dirigeants de cette société

internationale d’évaluer avec précision l’impor-tance d’un phénomène appelé «désistement»(breakage). «Nous remettons des points – desmilles – aux consommateurs pour les récompenserde certains comportements, avance Marc Trudeau,vice-président, stratégie et développement, maisces milles ne seront pas tous utilisés. Combien leseront vraiment? Pour nous, il est crucial de leprévoir avec exactitude, puisque nous devonsnous assurer d’avoir les provisions nécessairespour acheter les récompenses requises.»

Comme environ 60% des milles Aéroplan sontéchangés par le truchement du Web, le Groupe sesert aussi des outils analytiques à des fins demarketing. «Le Web permet aux marchands d’ob-tenir des données de magasinage qui n’existaientpas avant, note Marc Trudeau. Les stratégiesd’analyse de ces données en sont encore à leurspremiers balbutiements, mais nous sommes déjàen mesure de faire à chaque adhérent des offresélectroniques personnalisées selon ses besoins. »

Le développement des capacités analytiquesnécessaires à la conduite efficace de ce typed’opérations coûte cher, mais Marc Trudeau estconvaincu que « le rendement obtenu sur l’inves-tissement en vaut la peine».

À condition, précise le vice-président, d’intégreradéquatement le recours aux outils analytiquesaux processus d’affaires de l’organisation. «C’estplus facile à dire qu’à faire, avoue Michel Girard,spécialiste du forage de données chez Aéroplan.Il faut une grande discipline sur le plan organisa-

Statisticien de formation, Michel Girard

est l’un des principaux experts de l’analy-

tique chez Aéroplan. Il y dirige l’équipe

qui s’occupe, entre autres, de la produc-

tion de modèles marketing prédictifs.

Marc Trudeau dirige les équipes dédiées

à l’expansion stratégique et au dévelop-

pement d’Aéroplan. Le vice-président,

stratégie et développement de cette

entreprise détient un diplôme en

finance de HEC Montréal et une

maîtrise en administration des affaires

de l’Université McGill.

Photo:YvesLacombe

26

VISION DE DIRIGEANTS

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tionnel pour tirer le maximum de l’analytique»,convient cet expert.

En particulier, souligne Michel Girard, «l’organi-sation doit se comprendre elle-même, savoir quelssont les facteurs clés de son succès. Seule cetteconnaissance lui permettra de collecter la bonneinformation et de faire les bonnes analyses. Dansles entreprises immatures, on se lance souventdans l’analytique n’importe comment, et on se rendcompte par la suite qu’on a colligé les mauvaisesdonnées, mesuré les mauvais indicateurs, etc.

«Puis, l’organisation doit prendre des mesurespour assurer la qualité de l’information dont ellea besoin, sa mise à jour, son stockage et sonutilisation efficace», poursuit Michel Girard. Elledoit déterminer qui sera responsable de la qualitéde cette information et de sa gestion quotidienne.Enfin, elle doit réfléchir à la manière dont lesrésultats seront communiqués aux dirigeants, auxgestionnaires et aux autres utilisateurs.

Sans ces étapes, conclut Marc Trudeau, uneorganisation aura beau avoir les meilleurs outilsanalytiques du monde, ses efforts seront inévita-

blement voués à l’échec. «Ses dirigeants aurontl’impression que l’analytique a échoué, alors quele problème était d’ordre organisationnel. »

Lorsque Michel Girard recrute des experts spé-cialisés en forage de données, ce qui l’intéresse,c’est moins leurs compétences techniques queleur capacité à poser les bonnes questions concer-nant les affaires et à exploiter les données dispo-nibles pour y répondre.

Et l’intuition ?Si Marc Trudeau et Michel Girard sont convain-cus de l’importance des outils analytiques, ils nedénigrent pas pour autant le recours à l’intuition.Pour le premier, « l’intuition aura toujours saplace», notamment parce que c’est elle qui per-met aux dirigeants de cerner ce qu’ils devraientsavoir et d’orienter les efforts analytiques de leurorganisation dans la bonne direction.

Michel Girard est d’accord : «On a tendance àconsidérer l’intuition et l’analytique comme deuxéléments qui s’opposent. Mais c’est en les combi-nant habilement qu’une entreprise sera vraimentcapable de s’assurer un avantage concurrentiel.»�

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Dans PerspecTIves 2008, Nicholas Carr, l’auteur du récent Big Switch1, avançait que « tout

PDG devrait s’assurer d’aborder les enjeux technologiques avec un sain scepticisme et se

préoccuper fortement d’en abaisser les coûts ». « Évidemment, note Anne-Marie Croteau,

professeure à l’Université Concordia, quand l’économie ralentit, les questions relatives au

prix des TI et à leurs retombées deviennent encore plus brûlantes. » Faut-il sabrer le budget

TI ? Et si oui, comment ?

B U D G E T E T T I

Réduire les coûts…oui, mais comment?

PA R R É J E A N R O Y

En février 2008, le groupe-conseil Gartner an-nonçait qu’en raison de l’incertitude écono-

mique croissante, les entreprises nord-américainesdevraient se préparer très activement à trouverdes façons de réduire leurs coûts en TI.

Pour Anne-Marie Croteau, tout effort en ce sensdoit en fait débuter par l’établissement de prin-cipes directeurs clairs. Présentés dans un planannuel, bisannuel ou même quinquennal, ceux-cigouverneront les futurs investissements en TIde l’organisation, qu’elle soit de petite ou degrande taille. Ils encadreront également l’évalua-tion que l’entreprise fera de ses projets et de sespratiques d’affaires.

Grâce à ce plan directeur, l’organisation pourra d’a-bord s’assurer que ses dépenses en TI servent véri-tablement des objectifs opérationnels importants.

«C’est le rôle des responsables TI de se promenerdans les différents bureaux de l’organisation, derencontrer les directeurs des divisions opéra-tionnelles et de leur demander quels sont lesproblèmes relatifs à la conduite des affaires lesplus urgents, note la chercheuse. Une fois queces besoins ont été bien définis, le dirigeantprincipal de l’information (DPI ou, en anglais,CIO) peut alors dire au PDG et au conseild’administration : “Compte tenu du budget mis ànotre disposition, voici les technologies quenous devrions acquérir et les projets que nousdevrions entreprendre en priorité”.

«C’est cet examen périodique, poursuit Anne-Marie Croteau, qui permettra à une organisationnotamment de résister aux pressions des four-

nisseurs, d’éviter les achats de TI inutiles etd’échapper au déterminisme technologique. » Parexemple, est-il vraiment nécessaire de fairemigrer l’entreprise vers la toute dernière versionde Windows ou de tout autre logiciel ? De fournirun BlackBerry à tous les professionnels d’unedivision donnée ? D’acheter des ordinateursportables plus puissants que ceux dont disposeactuellement le personnel ?

«Le plan directeur de l’organisation permettrade répondre à ce genre de questions», ajoute laprofesseure. De manière plus globale, il pourraétablir qu’en matière de TI, l’entreprise sera unesuiveuse plutôt qu’une pionnière. «On ne peutpas être novateur en tout, poursuit-elle. Enmatière de technologies, il est parfois très adéquatde n’être qu’un simple imitateur. »

Les bienfaits de la normalisationDans une veine similaire, en favorisant l’adoptionde normes que le personnel des TI et l’ensembledes divisions de l’organisation devront respecter,le plan directeur permettra à cette dernière deréaliser des économies substantielles au momentd’acquérir de nouveaux produits matériels etlogiciels ou d’assurer le bon fonctionnement deson infrastructure.

«Certaines entreprises paient des coûts d’entre-tien plus élevés qu’elles ne le devraient, parceque leurs techniciens doivent apprendre à com-poser avec trois systèmes de courrier électroniquedifférents ou 28 sortes d’imprimantes, alorsqu’une solution unique pourrait parfois fairel’affaire, avance Anne-Marie Croteau. De même,certaines sociétés doivent renoncer à des écono-mies appréciables, parce que chaque divisionachète elle-même ses équipements, au lieu de

C E F R I O – P E R S P E C T I V E S 2 0 0 928

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29C E F R I O – P E R S P E C T I V E S 2 0 0 9

confier cette tâche à une autorité centrale quipourrait négocier des rabais de volume.

«La normalisation présente de nombreux avan-tages, continue la professeure. On remplace plusfacilement et plus économiquement une piècedéfectueuse, et on forme les utilisateurs pourmoins cher. Cependant, normaliser est souventdifficile, en raison de facteurs socio-organi-sationnels, par exemple, le désir d’autonomie desdivisions et de leurs employés. »

Impartir : toujours bon?L’impartition est souvent présentée comme unefaçon de réduire les coûts. Est-ce nécessairementle cas ? « Pas toujours, répond Anne-MarieCroteau, parce que gérer un contrat d’impartitionexige de l’énergie, du temps et des ressources.Impartir, c’est une autre façon de gérer les TI, etcette opération ne se déroule pas toujours aussibien qu’on l’avait prévu. »

Pour augmenter les chances de réussite d’unestratégie d’impartition, les dirigeants peuventrecourir à certaines pratiques exemplaires commecelles suggérées par des collègues d’Anne-MarieCroteau (voir l’article page 31).

Les dirigeants gagnent entre autres à impartir desactivités TI peu stratégiques qui ne sont pas uni-ques à leur organisation. « Il faut évidemmentéviter de sous-traiter à d’autres acteurs les savoirset savoir-faire de l’organisation qui confèrent àcelle-ci un avantage concurrentiel sur le marché,prévient Anne-Marie Croteau. Et pour que leclient profite d’économies d’échelle substan-tielles, il faut que le sous-traitant puisse appli-quer une recette générique plutôt que dessolutions sur mesure. »

Entretenir un bon dialogueavec la directionDe plus, les organisations devraient éviter desabrer trop vite ou brutalement leurs investis-sements en TI, souligne Anne-Marie Croteau.«Les technologies de l’information sont la bêtenoire de nombreux dirigeants, et les plus scep-tiques peuvent être tentés d’y aller de coupessombres quand les temps sont durs. » Pour éviterles décisions précipitées, il est crucial quel’organisation puisse compter sur un DPI qui al’oreille de ses collègues et qui peut leur parler deTI dans des termes qu’ils comprennent.

Professeure agrégée au Département

de gestion des systèmes d’information

de l’École de gestion John-Molson de

l’Université Concordia, Anne-Marie Croteau

dirige le programme de maîtrise en admi-

nistration pour gens d’affaires. En 2006,

cette experte et quatre autres chercheurs,

Benoît Aubert et Suzanne Rivard, de HEC

Montréal, Bouchaib Bahli, de l’Université

Concordia, et François Bergeron, de Téluq,

ont reçu une importante subvention du

Fonds québécois de la recherche sur la

société et la culture (FQRSC) pour pour-

suivre des travaux sur le thème «Gestion

stratégique des technologies de l’infor-

mation : alignement, gouvernance

et innovation».

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B U D G E T E T T I

Tactique Explication Avantages Délai Risques Risquesd’application organisa-de la tactique tionnels

Dix façons de réduire les coûts des TI selon Gartner2

Passer à la téléphonie IP Surtout si vous planifiezdéjà de changer vos équi-pements téléphoniques.

Élevés Moins de6 mois

Faibles Faibles

Consolider les achatsde TI

Permet notammentd’obtenir des économiesd’échelle.

Élevés Moins de6 mois

Modérés Élevés

Annuler les projets nonviables

Les projets devraient êtreévalués en fonction du tauxde rendement du capitalinvesti.

Élevés De 6 à 18 mois Modérés Élevés

Signer des ententes departage des risques et desbénéfices avec lesfournisseurs

Si le projet tourne mal,le fardeau reposera enpartie sur les épaulesdu fournisseur.

Élevés De 6 à 18 mois Modérés Modérés

Recruter une tierce partiepour assurer l’entretien desTI au sein de l’organisation

Sera souvent moins cherque d’acheter ce mêmeservice du fournisseuroriginal.

Moyens Moins de6 mois

Faibles Faibles

Adopter les logiciels libres Remplacer, par exemple,Powerpoint par OpenOfficeImpress se fait relativementfacilement.

Moyens Moins de6 mois

Faibles Modérés

Utiliser un nombre réduitde consultantsou de fournisseurs

Peut notamment entraînerune baisse des coûtsd’entretien du parc d’ap-pareils et de logiciels.

Moyens Moins de6 mois

Modérés Élevés

Mettre en œuvre desmesures pour diminuer laconsommation électriquedes TI (p. ex. : mise enveille ou fermetureautomatique des appareils)

De 10 à 30% de la factured’électricité totale d’uneorganisation tiennent àl’usage qu’elle fait des TI3.

Moyens De 6 à18 mois

Modérés Modérés

Imprimer moinsde documents

Les gens remarqueront-ilsvraiment qu’un documentdonné n’est plus imprimé?

Faibles Moins de6 mois

Faibles Faibles

Reporter l’achat d’ordi-nateurs de bureau, deportables et de logiciels

Le recours à des garantiesprolongées pourraitaccroître la durée de vie deces produits.

Faibles Moins de 6mois

Faibles Faibles

«Quand les dirigeants et les membres du conseild’administration sont informés et qu’ils compren-nent bien les retombées éventuelles de chaqueoption, il est plus facile de réduire les coûts oud’investir là où ça compte vraiment», conclut laprofesseure de l’Université Concordia.�

1 Éditions W.W. Norton, 2008.2 Voir http://reviews.zdnet.co.uk/hardware/servers/0,1000001735,39287354,00.htm.

3 Adapté de Kost, John et autres (2008). « Cost Cutting in ITto Cope With Economic Slowdown », Gartner RAS CoreResearch, note G00155211. Téléchargé gratuitement le1er octobre 2008, de l’adresse http://itresources.whatis.com/document;98039/tech-research.htm.

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PA R R É J E A N R O Y

On présente souvent l’impartition en TI commeune stratégie dont la mise en œuvre permetnotamment aux organisations de réduire leurscoûts, de réaliser des économies d’échelle oud’accroître leur flexibilité. Cependant, nombred’organismes publics et d’entreprises ont appris àleurs dépens qu’il peut être risqué de confier àune tierce partie des fonctions ou des opérationsTI autrefois exécutées à l’interne. Pour BenoîtAubert, Michel Patry et Suzanne Rivard, troisprofesseurs de HEC Montréal1 impartir ses TIn’est pas bon ou mauvais en soi. « Il y a toutefoisde bonnes et de mauvaises décisions en lamatière», disent-ils, tout comme certains arran-gements sont supérieurs à d’autres.

Selon une importante théorie en gestion, lathéorie de la délégation, trois grands dangersguettent l’organisme ou l’entreprise qui décide,par contrat, d’impartir une partie de ses opéra-tions de TI à un fournisseur externe.

D’abord, comme l’organisation cliente ne peutsurveiller continuellement les actions de sonnouveau partenaire, il est difficile pour elle de seprotéger de certains aléas moraux et de discerner,notamment, si un problème est dû à un manqued’effort ou à la négligence de son fournisseur ous’il est imputable, comme le prétend ce dernier, àun événement totalement imprévisible.

Ensuite, le client choisit parfois le mauvais four-nisseur (il fait une « sélection adverse») parce

F I N A N C E S E T T I

Baisse des coûtset impartition

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32 C E F R I O – P E R S P E C T I V E S 2 0 0 9

F I N A N C E S E T T I

qu’il a du mal à évaluer les points forts et lespoints faibles des entreprises candidates et àvérifier la véracité de leurs dires.

Enfin, il arrive que le fournisseur s’engage mal dansla relation; il pourrait, par exemple, revenir sur sapromesse de livrer un service donné, sous prétexteque «le contrat manque de clarté à ce sujet».

Heureusement, une organisation cliente peut sesoustraire à ces risques en recourant à diversestactiques.

Pour mieux se protéger contre les aléas moraux,elle peut, entre autres, définir clairement lesnormes de performance que les impartiteursdevront respecter, prendre des mesures pour

contrôler le niveau derespect de ces normes,chercher à augmenter laquantité d’informationsrecueillies au sujet d’unfournisseur et lier paiementset réalisations.

Par exemple, Publix2, unegrande ent repr i se quirecourt fortement aux TIpour accroître sa profitabi-lité, a cherché à se protégerdu risque de tricherie enfaisant appel à trois impar-titeurs (elle n’était donc à lamerci d’aucun fournisseuren particulier) et en forçantceux-ci, par contrat, à colla-borer les uns avec lesautres. Ainsi, chaque four-nisseur avait la responsa-bilité d’évaluer la qualité dutravail effectué par les deuxautres et de dénoncer tout

manquement. En exigeant de ses impartiteursqu’ils assurent – à prix fixe, contrairement auxpratiques courantes – la maintenance dessystèmes créés sous leur gouverne, la direction dePublix les a aussi fortement incités à fournir lesefforts promis au départ.

Pour éviter de devoir composer avec les aléasassociés à la sélection d’un fournisseur inadé-quat, une organisation doit bien sûr se renseignersur la réputation de chaque candidat et étudier saliste de clients, mais elle peut aussi recourir àd’autres mécanismes. Ainsi, la rédaction d’uncontrat prévoyant de lourdes pénalités dans lecas de pannes majeures peut servir à éloigner les

candidats moins qualifiés. De même, lancer desappels d’offres hautement concurrentiels forceles fournisseurs potentiels à présenter despropositions réalistes sur le plan des coûts, s’ilsveulent accroître leurs chances d’être choisissans courir le risque de perdre de l’argent.

Pour sa part, la direction de Publix a su attirer desimpartiteurs compétents et audacieux en annon-çant officiellement d’entrée de jeu son intentionde transférer à ses fournisseurs une partie deses risques en TI. De plus, elle a su rédiger sescontrats d’impartition de manière à ce queseulement les meilleurs fournisseurs puissentréaliser des profits. Enfin, l’entreprise a su faireen sorte que ses impartiteurs agissent davantageen tant que collaborateurs que comme fournis-seurs en alignant ses objectifs sur les leurs eten s’assurant, par exemple, que tous profitent dela revente ailleurs dans le monde des TI déve-loppées pour Publix.

Finalement, pour augmenter la probabilité qu’unfournisseur s’engage à fond dans la relationd’impartition, le client peut notamment lui offrirun contrat à long terme ou encore, lui demanderde déposer un cautionnement pour garantirl’exécution de ses obligations (ce dépôt seraperdu si le système livré fonctionne moins bienque prévu, par exemple).

Publix a eu recours à la première de ces deuxapproches pour encourager ses fournisseurs àinvestir des ressources considérables dans laconnaissance des activités de l’entreprise, et pouramener ses impartiteurs à aborder avec enthou-siasme certains projets moins rentables (en luiparlant, par exemple, d’un projet futur qui pour-rait s’avérer plus lucratif).

En conclusion, dans le cadre de tout contrat d’im-partition, on peut faire en sorte que les four-nisseurs recherchent leur propre intérêt sansnégliger celui de leur client. Il est évidemmentplus exigeant – et plus coûteux – de mettre enplace les pratiques qui permettent d’arriver à cerésultat, mais le jeu en vaut la chandelle.�

1 Voir Aubert, Benoît, Michel Patry et Suzanne Rivard (2003).«A tale of Two Outsourcing Contracts – An Agency-Theoretical Perspective», Wirtschaftsinformatik, volume 45,numéro 2, p. 181-190, téléchargé le 5 septembre 2008 del’adresse www.is-frankfurt.de/uploads/down324.pdf.

2 Nom fictif.

«Dans le cadre

de tout contrat

d’impartition, on peut

faire en sorte que les

fournisseurs recher-

chent leur propre

intérêt sans négliger

celui de leur client.

Il est évidemment

plus exigeant – et plus

coûteux – de mettre en

place les pratiques qui

permettent d’arriver à

ce résultat, mais le jeu

en vaut la chandelle. »

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33C E F R I O – P E R S P E C T I V E S 2 0 0 9

F I N A N C E S E T T I

Pour Robert Proulx, il est indéniable que l’un des principaux défis auxquels font face de nos jours

les directeurs des systèmes d’information (CIO ou Chief Information Officer) consiste à s’atta-

quer au coût des TI de leur organisation. «Comme ce coût représente entre 2 et 5% des revenus

de l’entreprise moyenne, il faut absolument surveiller son évolution», affirme le gestionnaire.

B OM B A R D I E R

Optimiser plutôtque réduire

PA R R É J E A N R O Y

«Toute entreprise devrait mettre l’accent surl’optimisation de ses coûts en TI plutôt que

sur leur réduction, considère Robert Proulx. Iln’y a rien de pire que de faire des compressionsbrutales. Ainsi, l’entreprise qui possède uneflotte de camions pour livrer ses produitspourrait, à brève échéance, réduire ses coûts detransport en ne faisant plus de vidange d’huile,mais à plus ou moins long terme, ses coûtsd’entretien mécanique exploseraient et sesopérations s’en ressentiraient sans doute. C’est lamême chose en TI. »

Par conséquent, les CIO doivent plutôt rechercherla diminution constante du coût unitaire des TIou de leur coût par utilisateur. Ce travail, avanceRobert Proulx, doit être fait de manière person-nalisée, à l’échelle de chaque division, en colla-boration avec ses dirigeants. «Le rôle du CIOn’est pas d’imposer des choix, mais de présenterles possibilités qui s’offrent aux responsablesopérationnels ainsi que l’information dont ils ont

besoin pour prendre des décisions. Par exemple,“chaque BlackBerry vous coûte 500 dollars eninterurbains, soit 300dollars de plus que dans lesautres unités de l’organisation”. »

Lorsque l’économie se dégrade, il arrive souventque les entreprises cherchent également à réduireleurs investissements en TI, une manœuvre quiaura généralement des retombées sur leurs coûts

VISION D’UN DIRIGEANT

La dernière fois que PerspecTIves

a rencontré Robert Proulx, en 2006,

ce dernier était vice-président,

Processus commerciaux et chef

du service de l’information, chez

Bombardier Aéronautique. À titre

de chef de la direction de l’information

de Bombardier inc., Robert Proulx dirige

maintenant l’ensemble des activités TI

de l’un des principaux constructeurs

aéronautiques et ferroviaires au monde.

Photo:YvesLacombe

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F I N A N C E S E T T I

d’exploitation. Tout comme la société qui se débar-rasse de 10 camions abaissera ses coûts d’essence,celle qui renonce à acheter 100 nouveaux porta-bles limitera ses dépenses d’utilisation de réseau,d’achat d’espace mémoire, etc.1.

«On peut assez rapidement comprimer les inves-tissements en TI d’une organisation, pense RobertProulx, mais les choix faits en la matière devraienttoujours être débattus par les membres de la direc-tion.» Évidemment, l’apport du CIO sera essentielà la réalisation d’arbitrages gagnants. «Cela soulè-ve une question majeure : Est-ce que le CIO, envertu de ses paroles, de ses gestes et de son bilan,a la confiance des autres hauts dirigeants?»

Qu’en est-il, finalement, de l’impartition commestratégie d’optimisation des coûts? «Selon monexpérience, conclut Robert Proulx, l’organisationqui recourt à l’impartition dans le seul but deréduire ses dépenses sera généralement déçue. Onimpartit d’abord certaines activités TI pour gagnerde la souplesse ou accéder à de l’expertise qu’onne possède pas, et non pour économiser.» �

1 La baisse des investissements en TI d’une entreprise pourraentraîner une diminution des dépenses d’utilisation des TI,mais aussi une hausse du coût unitaire de ces technologies(par exemple, en achetant moins d’équipement informatique,une organisation cessera de profiter des rabais offerts auxacheteurs importants).

«Le CIO joue un rôle difficile, souligne

Robert Proulx, dans la mesure où

ce rôle est partiel : alors qu’il génère

essentiellement des coûts, d’autres

acteurs, les gens d’affaires de l’orga-

nisation, ont la réelle responsabilité de

créer de la valeur avec les technologies

de l’information. »

«Bombardier utilise une grille

produite par Gartner qui présente

21 façons d’optimiser le coût des TI.

Dans le plan annuel de l’organisation,

note Robert Proulx, il me faut démon-

trer systématiquement comment j’ai eu

recours à ces 21 tactiques et quel a été

leur impact. »

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35C E F R I O – P E R S P E C T I V E S 2 0 0 9

Les livres de la série suédoise Millenium, le film My Big Fat Greek Wedding, les Têtes à

claques, les Pokémon… Ces produits ont connu un énorme succès sans que leurs créateurs,

du moins au départ, ne dépensent une fortune pour les commercialiser. Conscients de la

force potentielle du bouche-à-oreille, un nombre croissant de fabricants cherchent aujour-

d’hui à se servir de YouTube, des blogues ou de Facebook pour déclencher un tel mode de

communication qui s’avérera favorable à leurs produits. Mais le recours au marketing viral

donne-t-il les résultats escomptés ? Si oui, à quelles conditions ?

MA R K E T I N G E T T I

Transformez votreclient en publicitaire !

PA R R É J E A N R O Y

Les annonceurs grand public consacrent toujoursla majeure partie de leur budget marketing à la

réalisation de campagnes médiatiques tradition-nelles. Toutefois, à New York comme ailleurs, ilsdoutent de plus en plus de la capacité des diffu-seurs ou des éditeurs de journaux et de magazinesà obtenir les résultats escomptés. Par exemple,62% des annonceurs croient qu’au cours des deuxdernières années, la télévision a perdu une partiede son efficacité sur le plan de la promotion1.

Sous l’influence de différents chercheurs etauteurs, en particulier Malcolm Gladwell, auteurdu bestseller mondial The Tipping Point, et SethGodin, le père du concept de marketing de per-mission, le marketing viral, aussi appelé «marke-ting du bouche-à-oreille », est de plus en plussouvent présenté comme une solution possible àce problème.

Aux yeux de Malcolm Gladwell, la renaissancefulgurante, vers 1995, d’une marque moribonde,les souliers Hush Puppies, illustre qu’un produitou service peut connaître un succès gigantesquemalgré l’absence d’efforts publicitaires classi-ques. «Personne n’a acheté de publicité pour direaux gens : “Hé ! ces chaussures sont vraimentbranchées !” Des jeunes se sont simplement mis àles porter dans les bars, les cafés et les rues deManhattan. Ce faisant, ils ont “infecté” d’autrespersonnes2» et provoqué un bond de 5000% desventes chez Hush Puppies.

Pour Seth Godin, les entreprises doivent main-tenant mettre l’accent sur le bouche-à-oreille,parce que de moins en moins de gens tolèrentque des publicités interrompent leurs émissionsou leur exploration du Web. L’avenir, écrit-il,appartient aux entreprises qui sauront aider leconsommateur à faire leur travail. «Allumezl’étincelle qui enflammera les réseaux de

Professeur en marketing à la Harvard

Business School, David Godes s’intéresse

principalement à la gestion de la force

de vente, au bouche-à-oreille et au

marketing de réseau. Il a publié de

nombreux articles sur ces sujets dans

des revues scientifiques réputées

comme Marketing Science et

Management Science.

Photo:YvesLacombe

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36 C E F R I O – P E R S P E C T I V E S 2 0 0 9

M A R K E T I N G E T T I

consommateurs, ôtez-vous du chemin et laissez-les discuter entre eux3. »

Mais comment provoquer cette étincelle ? Com-ment faire d’une idée commerciale un véritablevirus que les consommateurs se transmettront lesuns aux autres ?

Oubliez les influenceurs !Depuis Malcolm Gladwell, l’idée dominante enmarketing est que pour créer un bouche-à-oreillehautement contagieux, les entreprises doiventcibler les personnes les plus influentes dans unmarché donné (par exemple, celui de la musiqueclassique, celui de la décoration intérieure oucelui, plus spécialisé, des instruments dentaires),les leaders d’opinion que les gens écoutent etveulent imiter4. Pour démontrer la puissance decette idée, Malcolm Gladwell cite les résultatsd’une expérience célèbre.

Dans les années 1960, le psychosociologueStanley Milgram a demandé à 160 habitants duNebraska de faire parvenir une lettre à uncourtier de Boston. Chaque participant pouvaitacheminer directement sa missive au destinataires’il le connaissait personnellement ; sinon, ildevait l’expédier à une personne placée plus prèsde la cible visée (un ami du secteur financier ouun cousin du Massachusetts, par exemple).

Cette expérience a servi à populariser la théorieselon laquelle n’importe quelle personne estreliée à n’importe quelle autre par le truchement

d’une chaîne relationnelle d’au plus cinq mail-lons. Cependant, Malcolm Gladwell a surtoutretenu des résultats de ce test que 50% des160 lettres ont été remises au courtier visé par lestrois mêmes intermédiaires. Selon l’expert, celaprouve que dans nos sociétés, un très petit nom-bre de gens, les « connecteurs», jouent un rôleprimordial dans la transmission de l’information.

La conclusion de Malcolm Gladwell est séduisante,mais elle est fausse, pense Duncan Watts, un socio-logue de l’Université Columbia qui travaille actuel-lement chez Yahoo! Pour réfuter cette thèse, ce phy-sicien de formation a eu recours à deux méthodes.

Premièrement, il a répété l’expérience de StanleyMilgram à une plus grande échelle : 61000 inter-nautes devaient faire parvenir un message à unedes personnes formant un groupe cible de18 individus. Les résultats obtenus par lechercheur Watts confirment la théorie des cinqmaillons, mais ils invalident l’idée que certainespersonnes sont indispensables à la propagationd’un message. En effet, « seulement 5% des cour-riels sont passés entre les mains de connecteurs ;et la presque totalité s’est déplacée de manièredémocratique, en passant d’une personne faible-ment connectée à une autre7 ».

Deuxièmement, Duncan Watts a mené des simu-lations à l’aide d’une population de 10000 agentsnumériques plus ou moins convaincants (plus oumoins capables, donc, de propager leurs idéesefficacement) et plus ou moins influençables.

Le grand dictionnaire terminologique del’Office québécois de la langue française défi-nit le bouche-à-oreille comme la « techniquede marketing selon laquelle une caracté-ristique d’un produit ou d’un service inciteles utilisateurs à communiquer à d’autrespersonnes de l’information sur le produit oule service, et à devenir ainsi des mercaticiensbénévoles». Le bouche-à-oreille peut bien sûrse faire de manière classique, mais il peut aussise propager sur Internet.

Aux États-Unis, les dépenses réalisées par lesentreprises pour stimuler le bouche-à-oreilleont augmenté de 36% entre 2005 et 2006, etont atteint 981 millions de dollars. Selon lasociété-conseil PQMedia, ce montant devrait

continuer de croître rapidement et atteindre3,7 milliards de dollars en 20115.

Selon une étude mondiale de Nielsen, 78% desinternautes considèrent actuellement le bouche-à-oreille comme la forme de publicité la pluscrédible. Selon Jupiter Research, lesmembres deréseaux sociaux sont trois fois plus susceptiblesde faire confiance à leurs pairs qu’à la publicitélorsqu’ils se préparent à faire un achat6.

«On estime que la pub que je fais à un restau-rateur lorsque j’incite un ami ou une connais-sance à découvrir sa cuisine vaut près de200 dollars. Les stratégies publicitaires tradi-tionnelles ont des retombées nettement plusfaibles», soutient David Godes.

Le bouche-à-oreille : quelques faits

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37C E F R I O – P E R S P E C T I V E S 2 0 0 9

M A R K E T I N G E T T I

Dans le cadre de cette expérience, l’expert anotamment tenu compte du fait qu’une idéelargement adoptée par l’entourage d’une personnea généralement plus de probabilités d’être admisepar cette dernière qu’une idée peu populaire. Lechercheur a aussi testé la force des connecteursen veillant à ce que 10% de ses agents soient enmesure de contaminer 40 fois plus de personnesque les 90% restants.

Résultat : sur les milliers d’expériences réaliséespar Duncan Watts, certaines ont mené à la propa-gation foudroyante d’une idée, mais, dans lagrande majorité des cas, un agent normal, plutôtqu’un connecteur, s’est avéré responsable dudémarrage de cette réaction en chaîne.

Pour Duncan Watts, les conclusions à tirer de cesdeux expériences sont claires. D’abord, la plupartdes campagnes de marketing viral donnent desrésultats mitigés, parce qu’il est rare, en moyenne,qu’une personne rejointe par une idée en parle àson tour à plus d’une personne, ce qui est lacondition nécessaire à la création d’une véritable«épidémie». Ensuite, pour créer un véritableengouement pour un produit ou un service, ilfaut moins compter sur les efforts d’un petitnombre de leaders d’opinion capables d’influen-cer leurs congénères que chercher à s’appuyersur «une masse critique de personnes faciles àinfluencer, lesquelles influenceront d’autres per-sonnes faciles à influencer8 ».

Toujours selon Duncan Watts, il faut rejeter l’idéeque les responsables du démarrage d’un bouche-à-oreille efficace doivent avoir des habiletésexceptionnelles ou une influence supérieure.«Bien que ce que j’avance aille à l’encontre desidées reçues, on en perçoit la validité dans lanature, écrit le chercheur. Certains incendiesde forêts, par exemple, sont plusieurs fois plusimportants que la moyenne ; pourtant, personnene prétendrait une seconde que leur force puissedépendre des propriétés exceptionnelles del’étincelle à l’origine de leur démarrage ou de lataille du premier arbre qui a brûlé. Pour qu’unincendie majeur survienne en forêt, il faut que levent, la température et le taux d’humidité dans lesol agissent de concert sur une vaste étendue.Comme en marketing viral, n’importe quelle étin-celle fera l’affaire quand les conditions sontréunies. Et si elles ne le sont pas, aucune étin-celle ne fera le travail à elle seule9. »

Résultat : les probabilités de déclencher une épi-démie commerciale galopante sont minces et ilne sert à rien de miser sur les connecteurs. Est-ce

à dire qu’il est inutile, pour une entreprise,de miser sur le marketing du bouche-à-oreille?Pas du tout.

Utilisez la puissance d’Internet !Si les coups de circuit sont rares dans l’universdu marketing viral, il est cependant possible demultiplier les simples et les doubles en recourantà une approche mixte qui repose à la fois surl’utilisation de stratégies publicitaires de masseet sur celle de stratégies virales.

Le problème des campagnes publicitaires pure-ment traditionnelles, souligne Duncan Watts,c’est qu’elles permettent de transmettre un mes-sage à un grand nombre de personnes, mais queces dernières ont relativement peu tendance àcontaminer leurs proches par la suite.

Par contre, le problèmedes campagnes de mar-keting purement virales,c’est que trop peu depersonnes sont chargéesdès le départ de porterl’idée à véhiculer. Parconséquent, le bouche-à-oreille a tendance às’essouffler rapidement àmoins que, encore unefois – et cela se produitrarement –, chacun desquelques consomma-teurs visés initialementcontamine en moyenneplus d’un de ses proches,que ceux-ci fassent demême, et ainsi de suite.

«Maintenant, imaginezqu’une agence achèteune bannière publicitaire sur le Web, et que dansune pub télé, elle dirige des téléspectateurs versun site Web ou qu’elle utilise une liste decourriels pour contacter directement desconsommateurs potentiels, poursuit DuncanWatts. Peu importe la méthode utilisée, lacampagne produira un grand nombre – n – deconversions chez des personnes suffisammentintéressées pour cliquer sur la bannière publi-citaire ou sur l’hyperlien. Traditionnellement,c’est tout ce qu’on aurait attendu d’une tellecampagne. Cependant, imaginez maintenant queces n spectateurs puissent aussi partager facile-ment le message diffusé avec d’autres. Autrementdit, ceux qui auraient par le passé formél’ensemble du public du message de l’entreprise

Si les coups de circuit

sont rares dans l’univers

du marketing viral, il est

cependant possible de

multiplier les simples

et les doubles en recou-

rant à une approche

mixte qui repose à la

fois sur l’utilisation de

stratégies publicitaires

de masse et sur celle

de stratégies virales.

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M A R K E T I N G E T T I

deviennent la « grande semence » (big seed)d’une campagne virale dans laquelle toutepersonne jointe peut transférer le message à sesamis, qui peuvent à leur tour le transmettre auxleurs, et ainsi de suite. »

Grâce à ce combo qui allie la puissance duWeb à la publicité traditionnelle, il est possible,d’après Duncan Watts, de doubler, voire dequadrupler, le nombre de personnes que l’onrejoint avec un message donné. «Si le “marketinggrande semence” n’a pas le caractère mythiqueque l’on attribue au marketing purement viral, ilest cependant simple à appliquer et peut grande-ment améliorer un rendement publicitaire, et àfaibles coûts. Autre facteur important : puisquecette méthode exploite le pouvoir du nombre,son succès ne dépend pas de gens influents ou detoute autre personne en particulier. Pour cetteraison, les gestionnaires n’ont pas à se livrer àl’exercice, sans doute futile, qui consiste àprédire comment ou par l’entremise de qui lesidées contagieuses se propageront. »

Miroir, dis-moi qui est le plus cool !Cela dit, une question demeure : comment aug-menter la probabilité que chaque personneordinaire transmette le message de l’entreprise àun nombre d’amis, de connaissances ou de collè-gues aussi grand que possible ?

Pour David Godes, toute stratégie de stimulationdu bouche-à-oreille devrait tenir compte du faitque les consommateurs cherchent souventdavantage à améliorer l’image qu’ils ont d’eux-mêmes en parlant à leur entourage qu’à êtreutiles à leur prochain.

«La société Lee Jeans en a tenu compte dans unecampagne très efficace, raconte le chercheur deHarvard. L’entreprise voulait augmenter la circu-lation dans ses magasins. Pour ce faire, elle a crééun jeu vidéo auquel les jeunes de 15 à 18 anspouvaient jouer en se rendant dans une boutiqueet en y demandant un code spécial. Pour démar-rer la vague, les responsables ont visité desforums Internet pour y cibler un certain nombrede joueurs auxquels ils ont dit : “Nous vousavons choisis parce que vous êtes des piliers”.Or, ces personnes ont refilé l’information à desmilliers d’autres joueurs. Pourquoi ? Parcequ’elles étaient fières de dire qu’on les avaitsélectionnées en raison de leur réputation. Enmatière de marketing viral, il est donc payant defournir aux consommateurs l’occasion d’amélio-rer leur image auprès des autres. »

«Les messages divertissants ont aussi beaucoupplus de chances d’être transmis de manièrevirale, affirme Jacques Duval, président-directeurgénéral de l’agence de publicité Marketel. Par

Une jolie touriste vous aborde, vous tend soncellulaire et vous demande de la prendre enphoto. «Vous verrez, c’est très facile. Cet appa-reil est vraiment chouette. » Votre beau-frèrese présente à votre barbecue de la Saint-Jeanavec des saucisses «maigres que tout le mondeva adorer ». Un internaute déclare dans sonblogue que «ce livre est le meilleur qu’il aitjamais lu». Ces commentaires favorables sont-ils aussi innocents qu’ils le paraissent à pre-mière vue ? Peut-être pas, quand on sait qu’en2002, Sony Ericsson a embauché 60 acteurspour faire parler de son nouveau téléphone, leT68i, dans les rues de dix villes, que l’agenceBzzAgents 10 récompense ses complices – desconsommateurs ordinaires recrutés sur leWeb –lorsqu’ils vantent subtilement les saucisses AlFresco à leurs amis11, et que certains bloguesne sont neutres qu’en apparence, puisque desannonceurs ou des promoteurs aux idées bienarrêtées les soutiennent discrètement.

Comme le montrent ces exemples, certainesorganisations ne résistent pas à la tentation derecourir à des stratégies de marketing viraldont le succès dépend, jusqu’à un certainpoint, de la capacité d’un complice à duperles consommateurs.

Pour Luc Dupont, professeur à l’Universitéd’Ottawa, il s’agit là de l’une des limites lesplus sérieuses de la puissance du marketingviral. «Tôt ou tard, les gens s’apercevront quece rédacteur de blogue populaire ou cetteconnaissance qui faisait des commentaires surFacebook cachait les véritables motifs de sesinterventions. Et lorsque cela se produira, lemarketing viral perdra une partie de son effi-cacité, comme la publicité télé a progres-sivement perdu une partie de la sienne. »

Transparence nécessaire !

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M A R K E T I N G E T T I

exemple, en 2006, l’entreprise Dove a fait untabac avec un clip de 75 secondes destiné à faireconnaître les produits de la gamme Evolution et àmontrer comment ils peuvent transformer unefemme “ordinaire” en reine de beauté. Téléchargécinq millions de fois sur YouTube, ce vidéo aattiré sur le site de Dove deux fois plus d’inter-nautes que la publicité achetée par cette entre-prise pendant le Super Bowl. Et pour 2,5 millionsde dollars de moins ! »

Parlez de moi en bien,parlez de moi en mal...Toutefois, faire connaître son produit auprès d’unnombre toujours plus grand de consommateurs etles inciter à en discuter à grande échelle est unechose, mais en améliorer les ventes en est uneautre, poursuit David Godes.

Par exemple, « il n’existe pas nécessairement decorrélation entre le nombre de personnes quidiscutent en ligne d’une émission de télévision etses cotes d’écoute», souligne le professeur. Celatiendrait au fait que, souvent, les gens qui parlentbeaucoup d’un produit sont convaincus de saqualité et l’ont déjà acheté.

Conclusion : une organisation ne devrait pas seule-ment chercher à concentrer ses efforts initiaux debouche-à-oreille sur des consommateurs loyauxet convaincus. Elle devrait également chercher àcibler les internautes qui semblent l’être moins,puisque ces derniers sont plus susceptibles defaire partie de réseaux au sein desquels l’orga-nisation pourra faire des gains importants.

Pour en savoir plusConsultez le site de la Word of Mouth MarketingAssociation (WOMMA), qui compte quelque400 membres : www.womma.org. �

1 Voir http://www.broadcastingcable.com/article/CA6533738.html?rssid=193.

2 Traduction libre. Voir Gladwell, Malcolm (2000). TheTipping Point, New York, Little, Brown, p. 7. Traduit enfrançais sous le titre Le point de bascule, Montréal,Transcontinental, 2006.

3 Traduction libre. Voir Godin, Seth (2001). Unleashing theIdeavirus, New York, Hyperion, p. 15. Traduit en françaissous le titre Les secrets du marketing viral – Le bouche-à-oreille à la puissance 10, Paris, Maxima, 2007.

4 Cette théorie existe depuis une cinquantaine d’années. Deuxsociologues, Elihu Katz et Paul Lazarsfeld, l’ont développéeen 1955 dans l’ouvrage Personal Influence. Une versionfrançaise de ce livre vient de paraître en France, chezArmand Colin, sous le titre Influence personnelle – Ce queles gens font des médias.

5 Voir http://www.pqmedia.com/about-press-20071115-wommf.html.

6 Voir Beattie, Jenni (2008). «The Power of Word of Mouth»,10 juillet, consulté le 22 juillet à l’adresse http://freshchat.com.au/the-power-of-word-of-mouth.

7 Voir Thompson, Clive (2008). « Is the Tipping Point Toast ? »,Fast Company, janvier, consulté le 22 juillet à l’adressewww.fastcompany.com/magazine/122/is-the-tipping-point-toast.html.

8 Voir Watts, Duncan et Peter Sheridan Dodds (2007).« Influentials, Networks, and Public Opinion Formation»,Journal of Consumer Research, volume 34, décembre.

9 Ibid.10 Spécialisée dans la stimulation du bouche-à-oreille, l’agence

BzzAgent, de Boston, emploie plus de 80 personnes. Ellecompte aussi sur les services de 400 000 bénévoles – ouagents – dont le rôle consiste à parler et à faire parler desproduits des clients de l’agence (de Cadbury-Schweppes àVolkswagen, en passant par Pfizer et Sony), en échange depoints utilisables pour acheter de petits cadeaux. Voiciquelques exemples de gestes que BzzAgent suggérait à sesagents new-yorkais de poser pour intéresser les fanas delecture et les libraires au livre Frog King, publié par Penguinen 2002 :

«Lisez Frog King dans le métro et assurez-vous que lesautres en voient bien le titre. Montrez de l’émotion, riez, etc.Faites-vous remarquer, mais n’exagérez rien. Si vous prenezle transport en commun avec un ami, parlez-lui du livre.Vous savez combien il sera difficile pour les autres de ne pasécouter votre conversation ;

«Affichez un commentaire ou évaluez le livre sur le sited’Amazon.com ou sur celui d’Epinions.com ;

«Choisissez une librairie dans le bottin, passez-lui un coupde fil et essayez de savoir si le libraire connaît le livre FrogKing sans nommer le titre. Ainsi, amenez-le à repérer le livreen vous servant de l’histoire («Ça se passe à New York, dansle monde de l’édition»). Une fois que le libraire aura trouvél’ouvrage dont il est question, demandez-lui ce qu’il en pense.Faites-le parler pour créer un Bzz ! »

Cette campagne, la première menée par BzzAgent, a lancél’entreprise et a permis à son client, Penguin, d’atteindre entrois mois seulement l’objectif visé pour la fin de la premièreannée. Cette approche est-elle loyale et sûre ? Pas selon LucDupont, pour qui les acteurs du marketing viral devraienttoujours annoncer clairement leurs intentions.

11 Voir Walker, Rob (2007). «The Hidden (in Plain Sight)Persuaders», New York Times, 5 décembre, consulté le22 juillet à l’adresse www.nytimes.com/2004/12/05/magazine/05BUZZ.html?_r=1&oref=slogin&pagewanted=print&position=.

Pour David Godes, toute stratégie

de stimulation du bouche-à-oreille

devrait tenir compte du fait que les

consommateurs cherchent souvent

davantage à améliorer l’image

qu’ils ont d’eux-mêmes en parlant

à leur entourage qu’à être utiles

à leur prochain.

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M A R K E T I N G E T T I

Lancée en 2005 par Monster Canada avec l’aide de Provokat, RateYourBoss.ca est une

campagne de marketing viral hautement sophistiquée dont les résultats ont été tout

simplement «extraordinaires1 », selon l’Association de marketing de Montréal.

MON S T E R

L’art dubouche-à-oreille

PA R R É J E A N R O Y

« L’idée initiale de cette campagne était simple,souligne Louis Gagnon. Martin et moi, nous

nous demandions : “À part un bon travail, queveulent les chercheurs d’emploi ?” La réponse estvenue rapidement : “Un bon boss”. Nous avonsdonc entrepris de créer un site Web grâce auquelles travailleurs canadiens pourraient évaluer leurpatron selon différents critères. Les données obte-nues2 nous ont ensuite permis de réaliser desanalyses intéressantes et de reconnaître publique-ment le travail des patrons qui se classaient au-dessus de la moyenne.

«Cette campagne a donné des résultats fantasti-ques, poursuit Louis Gagnon. Bon nombre de tra-vailleurs canadiens ont bondi sur l’occasion quenous leur offrions d’évaluer leur patron et d’inviterleurs collègues et amis à se prêter à ce jeu. Grâce àcette activité, les patrons ont développé avecMonster une relation nettement plus riche quecelle qui consiste simplement à afficher un poste

sur un site Web. Et nous avons pu profitergratuitement d’une très grande visibilité dans lesmédias, qui pouvaient reprendre des manchettescomme “Les ingénieurs de Toronto aiment moinsleur patron que ceux de Montréal”.»

Concrètement, à la suite de la campagne Rate-YourBoss 2005, «11000 patrons ont envoyé uncourriel à Monster, 5000 ont demandé à recevoirleur certificat «Monster Boss» et 1300 ont deman-dé qu’on les appelle pour discuter de recrutement,rapporte l’Association marketing de Montréal.Les ventes ont augmenté de 61%, et la notoriété dela marque de 10% 3».

«La campagne RateYourBoss était intéressante etdivertissante en elle-même, note Martin Ouellette,ce qui explique que les travailleurs canadiens ontd’emblée été tentés d’inviter leurs proches à yparticiper. Toutefois, pour leur donner un inci-tatif de plus, nous avons aussi fait tirer un an desalaire parmi les personnes qui, par le truchementd’Internet, en avaient invité d’autres à jouer.»

VISION DE DIRIGEANTS

Martin Ouellette est président de

Provokat, une agence de publicité qui a

remporté à plusieurs reprises le

concours Boomerang, qui récompense

les meilleures publicités interactives et

les meilleurs sites Web conçus au

Québec. Lors des Digital Marketing

Awards 2005, cette agence a aussi été

couronnée pour le travail qu’elle a

réalisé pour Monster.ca dans le cadre

de la campagne de bouche-à-oreille

RateYourBoss.ca.

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MA R K E T I N G E T T I

Que retenir de cette expérience ?Selon Louis Gagnon, le cas RateYourBoss montreclairement que pour qu’une campagne debouche-à-oreille fonctionne, il faut donner auclient « l’envie et les moyens» de répandre le«message de marque» de l’organisation. «Latechnologie joue évidemment un rôle crucialdans toute démarche de ce genre», avance ledirigeant de Monster.

Pour Martin Ouellette, les entreprises doiventaussi être conscientes que faire du marketingviral est difficile et généralement aussi coûteuxqu’entreprendre une campagne traditionnelle !

«Des clients viennent parfois me voir avec l’idéede mettre une vidéo sur YouTube pour faireparler de leur entreprise et de ses produits. Je leurdemande alors : “Est-ce parce que vous n’avez pasd’argent pour acheter une pub télé ?” Chaque jour,huit heures de nouveaux contenus sont téléverséssur YouTube. Pour que son message se démarquedans cet univers, une entreprise doit y mettre leprix et les efforts. Le viral, ça ne fonctionne pastout seul. Avec Monster, nous avons mis six moisà bâtir RateYourBoss ! »

Monster Canada et Provokat ont lancé récemmentEvalu8me4, un site qui permet aux travailleurscanadiens de s’évaluer – et de se faire évaluer parleurs pairs – en fonction de huit critères. À cejour, 175000 personnes se sont livrées à cet exer-cice, qui contribue à renforcer l’image de marquede Monster. �

1 Voir www.amm-pcm.ca/ignitionweb/data/media_centre_files/238/LOUIS_GAGNON2.pdf.

2 Le site www.rateyourboss.ca présente les données relativesaux patrons canadiens recueillies lors de cette campagne demarketing viral.

3 Voir www.amm-pcm.ca/ignitionweb/data/media_centre_files/238/LOUIS_GAGNON2.pdf.

4 Voir http://evalu8me.ca/launch.php.

41C E F R I O – P E R S P E C T I V E S 2 0 0 9

Louis Gagnon est vice-président

directeur chez Monster Worldwide,

l’un des principaux opérateurs de sites

de carrières au monde, dont le chiffre

d’affaires atteint quelque 1,5 milliard

de dollars américains. Détenteur d’une

maîtrise de HEC Montréal et d’un

baccalauréat de l’Université Laval,

il a notamment été nommé Personnalité

Marketing 2006 par l’Association

marketing de Montréal.

Photo:YvesLacombe

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Les entreprises cherchent encore peu à entrer en relation avec les consommateurs nord-

américains par le truchement de leurs cellulaires, BlackBerry ou autres appareils mobiles.

Mais si l’on observe ce qui se passe à l’étranger, et plus particulièrement au Japon, on

constate que la situation est bien différente. Si bien que selon Shintaro Okazaki, chercheur

spécialisé en m-commerce (commerce mobile) à la Universidad Autónoma de Madrid, on

n’aura plus à attendre bien longtemps avant savoir ce que nous réserve l’avenir à ce sujet.

T E C H N O L O G I E S É M E R G E N T E S

Le commerce mobile :bientôt une réalité

PA R R É J E A N R O Y

S elon Shintaro Okazaki, deux principaux fac-teurs expliquent pourquoi les entreprises

nord-américaines et plusieurs sociétés euro-péennes ne se sont pas encore lancées à fond dansle m-commerce.

Premièrement, les appareils mobiles générale-ment utilisés par les consommateurs de payscomme la Grande-Bretagne, les États-Unis ou leCanada sont peu puissants par rapport à ceux quel’on trouve au Japon. Ainsi, en juillet 2008, plusde 90% des 103 millions d’abonnés cellulairesjaponais possédaient un téléphone 3G1, qui

permet des transferts massifs de données à hautevitesse et offre des services mobiles hautementévolués : recherches Internet, jeux en ligne,téléchargement et téléversement (upload) immé-diats de photos, envoi de messages multimédias,etc. Par comparaison, cette proportion se situelégèrement sous la barre des 50% en Amériquedu Nord2.

Deuxièmement, les prix exigés par les fournis-seurs de services mobiles nord-américains oueuropéens sont encore nettement plus élevés queceux qui sont demandés par leurs homologuesjaponais. «Contrairement aux entreprises d’Europeou d’Amérique, les compagnies de téléphone

C E F R I O – P E R S P E C T I V E S 2 0 0 942

Depuis 2003, Shintaro Okazaki enseigne

à la Facultad de Ciencias Económicas de

l’Universidad Autónoma de Madrid,

où il se spécialise notamment dans

l’utilisation des outils mobiles à des fins

de mise en marché. Cet expert a reçu

différents prix pour ses travaux, dont le

Yoshida Hideo Research Award (Japon)

et le Southwest Symposium for Mass

Communication Outstanding Paper

Award (États-Unis). Il siège notamment

au comité éditorial du Journal of

Interactive Advertising, au comité de

direction de la European Advertising

Academy et au Council of the Japan

Academy of Advertising.

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T E C H N O L O G I E S É M E R G E N T E S

japonaises n’ont pas eu à dépenser des milliardspour obtenir des licences de spectre. En repassantla facture aux consommateurs, les sociétés occi-dentales ont freiné l’expansion du commercemobile, tandis que les acteurs nippons accélé-raient sa progression en offrant des tarifs trèsavantageux», déclare le chercheur.

Cette situation changera cependant à court ou àmoyen terme, croit Shintaro Okazaki. Selon lui,la grande popularité d’outils puissants, commel’iPhone d’Apple, devrait en effet mener à unemodification relativement rapide du paysagecommercial européen et nord-américain. Parconséquent, les entreprises présentes dans cesmarchés devraient dès maintenant s’intéressersérieusement à ce que font les fournisseurs japo-nais en matière de commerce mobile pourséduire leurs clientèles.

Des annonces efficacesSelon Shintaro Okazaki, les entreprises devraientparticulièrement chercher à exploiter le potentieldes technologies mobiles dans le cadre de campa-gnes de marketing.

Si l’on se fie à l’expérience japonaise, trois appli-cations paraissent particulièrementprometteuses dans ce domaine.

Premièrement, le recours auxtechnologies mobiles pour ladiffusion de publicités. Selon lechercheur, cette approche devraitd’ailleurs rapporter beaucoupaux entreprises.

Au Japon, ce sous-marché atteint620 millions de dollars par année,soit moins de 1% de l’ensemble desdépenses publicitaires des annon-ceurs dans ce pays. Sa croissanceannuelle de 60% dépasse cepen-dant – et de très loin – celle de tousles autres segments publicitaires3.

Comme le note Shintaro Okazaki, lapopularité croissante de la publicitémobile s’explique par le fait que lesJaponais réagissent fortement àl’information qui leur parvient parcellulaire. Ainsi, 68% d’entre euxlisent les messages SMS qu’on leurenvoie dès leur réception. Cetteproportion est encore plus élevée(92%), chez les jeunes adultes etles adolescents4.

L’utilisation d’une stratégie publicitaire mobilepermet évidemment l’envoi d’annonces plus oumoins conçues sur mesure en fonction desbesoins et des attentes des abonnés.

Au Japon, comme le montre le Schéma 1, lespublicités mobiles sont encore et surtout person-nalisées en fonction de l’âge ou du sexe del’abonné. Cependant, certaines entreprises ontcommencé à déployer des services publicitairesfondés sur l’exploitation de données personnellesplus stratégiques.

Par exemple, Cirius Technologies se sert des don-nées géomatiques générées par les cellulaires desJaponais pour produire des annonces qui tiennentcompte de l’endroit précis où se trouve leconsommateur. L’annonceur peut ainsi décider queson annonce sera diffusée lorsque le client ciblé

Au Japon, plus du tiers des consomma-teurs (36%) se servent de leurs appareilsmobiles pour acheter dans des boutiquesen ligne, et plus du cinquième (22%)participent à des encans électroniques5.

S C H É M A 1

Les types de publicités sans fil les plus utilisées au Japon

Les publicités mobiles faites en fonction du comportement de l’utilisateur ont une fortevaleur ajoutée, mais cette approche est rarement mise en œuvre.

Valeur

Courante

Élevée

Basse Fournisseur d’accès

RareFréquence

Type d’appareil

AdresseÂge

Sexe

Journée

Heure

Emplacement

Comportement

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T E C H N O L O G I E S É M E R G E N T E S

arrive à telle distance de son commerce et seule-ment si les conditions météorologiques répondentà certains critères («Ne diffusez ma publicité ques’il pleut»).

Deuxièmement, Shintaro Okazaki croit au poten-tiel des campagnes mobiles de distribution decoupons électroniques.

«Au Japon, les fabricants utilisent déjà les tech-nologies mobiles pour offrir un rabais sur leursproduits », souligne le chercheur, mais contraire-ment au modèle souvent proposé en Occident, ilsle font à l’aide de l’approche “tirer” (pull) plutôtque “pousser” (push) 7 .

«Selon cette approche utilisée depuis trois ouquatre ans, un fabricant publie une annonce dansun média traditionnel, comme un journal, unmagazine ou un dépliant, mais cette annonce estd’un type nouveau : sous une accroche publi-citaire forte se trouve généralement un code QR(Quick Response Code).

«Les codes QR sont des codes-barres en deuxdimensions capables de stocker quelque4000 caractères alphanumériques, soit 40 foisplus d’information qu’un code à barres tradi-tionnel. Un code QR peut, par exemple, contenirune adresse Web (voir Illustration 1).

«En numérisant le code QR à l’aide de son cellu-laire, le consommateur est immédiatement amenésur la page Web où se trouve le rabais électro-nique – rabais qu’il pourra utiliser immédia-tement s’il passe une commande en ligne, ouultérieurement s’il fait un achat en magasin.

«Le recours à l’approche publicitaire “tirer”, uneméthode qui combine l’utilisation du cellulaire etcelle des médias traditionnels, est très efficace»,

poursuit Shintaro Okazaki. Ainsi, au Japon, letaux d’utilisation (redemption rate) des codes QRatteint les 30%.

Finalement, Shintaro Okazaki pense que lesentreprises occidentales devraient se préparer àl’utilisation croissante du cellulaire à des fins deréseautage social.

Au Japon, les jeunes accèdent à des sites équi-valents à ceux de Facebook ou MySpace à l’aidede leurs cellulaires. Ils se servent aussi largementde ces derniers pour se communiquer le nom deleurs marques favorites.

Certains producteurs exploitent à fond la popularitédes technologies mobiles pour générer un bouche-à-oreille positif en ce qui a trait à leurs produits.

Par exemple, au Japon, un grand fabricant adécidé récemment de lancer une cire coiffantepour adolescents en créant un site mobile et unbulletin d’information sous forme de messageSMS. «L’entreprise encourageait les jeunes àessayer son produit, à prendre des photos d’eux-mêmes avec leur cellulaire, puis à envoyer cesclichés sur un site où les visiteurs pouvaientvoter pour le garçon le plus cool», rapporteShintaro Okazaki. Pour inciter les participants àfaire connaître sa campagne promotionnelle et sacire coiffante, l’entreprise leur remettait des prix,en l’occurrence, des coupons valables sur dessites de téléchargement de musique.

Inutile de préciser que ce projet de marketing aconnu un vif succès. Pourquoi ? «Parce que lesutilisateurs de services mobiles veulent êtredivertis et tirer profit de leur relation avec lefournisseur, deux avantages dont ils ont bénéficiédans le cadre de cette campagne», expliqueShintaro Okazaki.

En prenant une photo du code QR inscrit sur cette affiche avec son cellulaire intelligent (et, en fait, en le numérisant),cet internaute japonais aboutit directement sur le site du commanditaire6.

I L L U S T R A T I O N 1

Un exemple de code QR (Quick Response Code)

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T E C H N O L O G I E S É M E R G E N T E S

Pour passer à l’actionDans quelques années, Internet mobile deviendraen Amérique du Nord une réalité à laquelle lesentreprises québécoises devront s’adapter. Com-ment ces dernières devraient-elles se préparer àcette transformation prochaine du marché ?

Selon Shintaro Okazaki, les dirigeants devraientdès maintenant commencer à se poser certainesquestions telles que : Nos stratégies marketing enligne et hors ligne sont-elles bien intégrées ?Sommes-nous satisfaits des résultats obtenus ?Profiterions-nous de la combinaison d’approchesdifférentes ? Rejoignons-nous les jeunes consom-mateurs autant que nous le souhaitons ?

«Si la réponse à l’une de ces questions est non,avance le chercheur japonais, vous devriez com-mencer à examiner sérieusement les avantages

que vous pourriez retirer de l’utilisation des tech-nologies mobiles. » �

1 Voir http://wirelesswatch.jp.2 Voir www.cellular-news.com/story/26145.php.3 Voir www.wirelesswatch.jp/docs/21MM_sample.pdf.4 Voir Okazaki, Shintaro (2008). «Determinant Factors ofMobile-Based Word-of-Mouth Campaign Referral AmongJapanese Adolescents, Psychology and Marketing, volume25, numéro 8, p. 719.

5 Voir www.wirelesswatch.jp/docs/21MM_sample.pdf.6 Tiré du site www.microboutique.ca/qrcode.7 En Espagne, raconte Shintaro Okazaki, les entreprises ontcommencé à envoyer aux consommateurs des messages textesauxquels ceux-ci peuvent répondre s’ils veulent obtenirun bon de réduction. L’approche «pousser » risque de malfonctionner en Occident, car les Européens et les Nord-Américains trouvent souvent ce type de publicité intrusif.Voir Okazaki, Shintaro (2005). «Mobile advertising adoptionby multinationals », Internet Research, volume 15, numéro 2,p. 165.

Bientôt à l’affiche ?

• Pour mener sa campagne électorale, Barack Obama a fait uneutilisation massive du cellulaire et des messages SMS. Parexemple, il a envoyé le message texte annonçant à Joe Biden qu’ilétait nommé vice-président aux trois millions de supporteursinscrits sur son site : www.barackobama.com/mobile.

• Un diffuseur hollandais, VPRO, a récemment mis en place unsystème de votation par cellulaire pour aider les visiteurs duFestival musical Lowland à déterminer à quels spectacles encours ils devraient assister. Le groupe Echo donne un mauvaisspectacle selon les festivaliers déjà sur place (voir l’illustration ci-contre) ? Informés sur un plan en couleur, les nouveaux arri-vants pourront décider d’aller voir le groupe Juliet à la place.

• Dans le but de contrer l’inflation, le ministère italien del’Agriculture, de l’Alimentation et des Forêts a déployé unsystème qui permet aux abonnés cellulaires de connaître leprix de gros et de détail moyen, dans une région donnée, dedizaines de sortes de fruits, légumes, viandes ou produitslaitiers. Pour utiliser ce service, les Italiens envoientsimplement un message SMS au 47947 et tapent le nom duproduit convoité.

• Pumbby, une entreprise belge, paie les consommateurs quiacceptent de regarder des annonces textuelles sur leurcellulaire. Après avoir adhéré au service, les abonnés décident du nombre de pubs (maximumde 10) qu’ils sont prêts à visionner dans une journée. Pour chaque annonce visionnée, leconsommateur reçoit 44 centimes d’euro, qui peuvent servir notamment au paiement de leurcompte téléphonique ou à l’achat de DVD.

• En octobre 2007, plus d’un demi-million de jeunes Japonais étaient abonnés au site mobile deMcDonald, afin de recevoir des bons de réduction qu’ils pourraient utiliser lors de leur passa-ge aux caisses d’un restaurant de cette chaîne. Au Japon, 20% des garçons et des filles de 12 à18 ans profitent de ce service.

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C E F R I O – P E R S P E C T I V E S 2 0 0 9

VISION D’UN DIRIGEANT

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Jusqu’à récemment, les victimes d’infarctus, d’AVC ou d’intoxication au monoxyde de carbone

de la région de Chaudière-Appalaches devaient se contenter de soins médicaux partiels lors

de leur transport en ambulance vers l’hôpital. Cette situation a changé en 2005, grâce au

lancement de l’Unité de coordination clinique des services préhospitaliers d’urgence.

T E C H N O L O G I E S É M E R G E N T E S

La communicationmobile : pas juste pourfaire du marketing !

PA R R É J E A N R O Y

«À cause de la taille et du caractère rural de notreterritoire, note Yves Gingras, il faut en moyenne

près de 20 minutes – et parfois plus d’une heure –aux techniciens ambulanciers et paramédicauxpour transporter à l’hôpital un patient gravementmalade. Au début des années 2000, cette situation

a amené des médecins del’Hôtel-Dieu de Lévis à se poserla question suivante : “Com-ment utiliser ce temps précieuxpour offrir certains traitementscruciaux et amorcer la collected’informations cliniques néces-saire pour la prise en chargedes patients?”.»

L’Unité de coordination a vule jour grâce au soutien finan-cier du ministère de la Santéet des Services sociaux, del’Agence de la santé et des ser-vices sociaux de Chaudière-Appalaches et du Centrehospitalier affilié universitaireHôtel-Dieu de Lévis, mais aussi

grâce à la générosité de donateurs privés (plus de2,3 millions de dollars ont été recueillis auprès deces derniers), à la collaboration des centres desanté et de services sociaux et des 12 entreprisesambulancières de la région, et à l’expertise deBell Mobilité.

Aujourd’hui, le système de communication mobilemis en place dans le cadre de ce projet pilote per-met notamment aux 265 techniciens ambulancierset paramédicaux de demeurer en contact étroit avec

le personnel hospitalier de l’urgence de l’Hôtel-Dieu, et d’y transférer des électrocardiogrammes detrès haute qualité grâce auxquels médecins etinfirmières peuvent recommander le traitement pré-hospitalier et la destination (par exemple: l’HôpitalLaval) les plus appropriés pour le patient.

Des résultats concluants«L’utilisation des technologies mobiles fait ensorte que lorsque le patient arrive à l’hôpital,il n’est plus un sac à surprises, souligne YvesGingras. Le personnel de la salle d’urgence peuttout de suite passer à l’action, parce qu’il est aucourant du travail des ambulanciers, qu’il n’a pas

Yves Gingras est

chargé de projet

régional au sein

de l’Unité de coor-

dination clinique

des services

préhospitaliers

d’urgence. L’Unité

relève du Centre

hospitalier affilié

universitaire Hôtel-

Dieu de Lévis.

Photos:Agencede

lasantéetdesservices

sociauxde

Chaudière-App

alaches

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T E C H N O L O G I E S É M E R G E N T E S

47C E F R I O – P E R S P E C T I V E S 2 0 0 9

à refaire passer un électrocardiogramme, qu’il saitquels médicaments ont été administrés ou qu’ilconnaît les allergies du patient. »

À ce jour, les responsables du projet et ses parti-cipants en dressent un bilan extrêmement positif.Entre autres, 77 % des techniciens ambulancierset paramédicaux croient que l’Unité de coordi-nation a entraîné une amélioration de la qualitédes soins offerts aux patients.

De fait, chacun des 24 patients détournés vers lasalle d’hémodynamie de l’Hôpital Laval dont ledossier a été analysé a pu subir une dilatationdans les délais prescrits par l’American HeartAssociation et l’American College of Cardiology.Avant le démarrage du projet, ce taux s’élevait àseulement... 21 %!

«L’infrastructure mise en place par l’Unité decoordination clinique des services préhospita-liers d’urgence ouvre la porte à de multiplesapplications tant dans la région de Chaudière-Appalaches que dans les régions avoisinantes :soutien médical à distance, surveillance télémé-trique, envoi en temps réel des signes vitaux, basede données (SQL) pour l’archivage et l’analysede ces données, transmission bidirectionnellede messages textes, géopositionnement des véhi-cules ambulanciers (à venir), couverture parréseau satellite, etc.1 » �

1 Tiré du document de présentation du projet.

Photo:Agencede

lasantéetdesservices

sociauxde

Chaudière-App

alaches

Chaudière-Appalaches: un vaste territoire.

«L’utilisation des technologies mobiles

fait en sorte que lorsque le patient

arrive à l’hôpital, il n’est plus un sac

à surprises », souligne Yves Gingras.

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Après avoir consacré la majeure partie de sa carrière aux technologies de l’information (TI)

dont seize ans à la tête du CEFRIO, Monique Charbonneau a récemment opté pour la

retraite active. Entre autres occupations, elle préside le nouveau Groupe de travail sur les

collectivités rurales branchées que lui a confié la ministre des Affaires municipales et des

Régions, Nathalie Normandeau. Elle nous livre ici un témoignage riche de plusieurs années

d’expertise et d’observations sur l’appropriation des TI par les entreprises québécoises.

C OM P R E N D R E L E S E N J E U X T I

Un incontournablepour les dirigeants

PA R L I E T T E D ’ AMO U R S

Liette D’Amours : En règle générale, comment lesdirigeants réagissent-ils face aux TI?

Monique Charbonneau : Bien que les choses ten-dent à changer, nombre de dirigeants cherchentencore à éviter le sujet, à déléguer ce dossier,peut-être parce qu’ils ne se sentent pas suffisam-ment compétents en la matière. Plusieurs perçoi-vent aussi les TI comme un problème de pluspour leur organisation, alors qu’ils devraient s’enservir pour transformer leurs façons de faire. Carc’est de cela que dépend la véritable innovation.

Autre constat : plusieurs chefs d’entreprisecroient que l’adoption de technologies appauvritles relations interpersonnelles. Combien de foisai-je entendu un patron dire fièrement : « Je n’aipas d’ordinateur ou de BlackBerry parce que jeveux continuer à parler à mon monde»? Or, cen’est pas parce qu’on utilise les technologiesqu’on cesse toutes relations humaines. Il fautsavoir doser, assurer un équilibre entre la présencephysique et les échanges virtuels. Les techno-logies doivent être un complément, et non unefin en soi.

L. D’Amours : En matière de TI, quel doit être leniveau de connaissances d’un dirigeant, en 2009?

Tout comme il n’est pas nécessaire d’être piloted’avion pour diriger Air Canada, on n’a pas à êtreun expert en TI pour prendre des décisions encette matière. Un chef d’entreprise doit toutefoissavoir s’entourer de professionnels compétents

qui ont la capacité de susciter ce type de réflexionssur le plan stratégique et qui peuvent l’aider àatteindre ses objectifs d’affaires. En ce sens, il estessentiel que le dirigeant comprenne le rôle, lepotentiel et les grands enjeux des TI : les amélio-rations qu’elles permettent d’apporter dans lesdifférents secteurs de l’entreprise (finance, mar-keting, approvisionnement, distribution, exporta-tion, etc.), la place qu’elles occupent dans chaquesecteur, les attentes des fournisseurs et des clientsdans ce domaine, le modèle d’affaires à adopterou à adapter à l’entreprise, etc.

L’expérience m’a aussi appris qu’en matière detechnologies, les dirigeants auraient avantage às’entourer de jeunes et à les écouter. Ces derniersmaîtrisent naturellement les TI et ont donc cettecapacité de concevoir les choses différemment, cequi mène souvent à l’innovation. Les dirigeantsne devraient donc pas hésiter à échanger aveceux, à leur demander leur avis, à apprendred’eux. En somme, ils auraient intérêt à établir ungenre de mentorat inversé.

L. D’Amours : Quel rôle les dirigeants devraient-ils jouer sur le plan des TI au sein de leurentreprise ?

M. Charbonneau : Un rôle de leader, de rassem-bleur, parce que les entreprises fonctionnent encorebeaucoup en silos. Avant d’investir, il est essentielde susciter des débats constructifs entre lesdifférents services, d’écouter les points de vuedivergents et surtout, de profiter de l’occasion pourrepenser les processus. Un dirigeant doit aussis’assurer que les spécialistes en technologies se

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C OM P R E N D R E L E S E N J E U X T I

mettent au service des divers secteurs de l’entre-prise et qu’ils n’imposent pas des technologies quine répondront pas aux besoins de l’entreprise.

Un chef d’entreprise doit donc être capable d’arbi-trer ces choix tout en adoptant une approchede confiance et non de confrontation entre lesdifférents groupes, afin justement de tirer le maxi-mum de ses investissements en TI. Trop d’entre-prises négligent ces étapes et dépassent largementleur budget lors de la réalisation de projets techno-logiques qui ne donnent pas les résultats escomptés.Un chef d’entreprise doit aussi être en mesure deprévoir, de voir plus loin, de se donner unecertaine perspective. C’est pourquoi le CEFRIO amis sur pied PerspecTIves, il y a sept ans. Nousavons voulu offrir aux dirigeants québécois unmagazine qui aborde les technologies de l’infor-mation à un niveau stratégique. Cette revuepropose un contenu prospectif axé sur les derniè-res tendances en matière de gestion et d’innova-tion. À la manière de la Harvard Business Review,

Photo:YvesLacombe

Détentrice d’une maîtrise en biblio-

théconomie de l’Université de Montréal,

Monique Charbonneau a tenu la barre

du CEFRIO de septembre 1992 à août

2008. Sous sa gouverne, le CEFRIO a

connu une croissance importante du

nombre de ses membres et réalisé des

projets de recherche et d’expérimen-

tation structurants dans des secteurs

qui vont du gouvernement électronique

à la gestion du savoir. L’été dernier,

la ministre des Affaires municipales et

des Régions du Québec a nommé

Monique Charbonneau à la tête du

Groupe de travail sur les collectivités

rurales branchées.

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C OM P R E N D R E L E S E N J E U X T I

ce magazine, publié en français, présente les plusrécentes réflexions d’experts qui inspirent actuel-lement le milieu des affaires tant américainqu’européen, et vers qui les décideurs se tournentpour qu’ils les aident à relever les défis auxquelsils sont confrontés. Je souhaite que ce magazinedevienne une source d’inspiration incontourna-ble pour le milieu des affaires québécois1.

L. D’Amours : De nos jours, peut-on diriger uneentreprise sans recourir aux TI?

M. Charbonneau : Selon moi, la question ne sepose même plus. C’est comme si on remettait enquestion la pertinence d’utiliser le téléphone.Aujourd’hui, même les salons de coiffure ontintérêt à figurer dans des répertoires Web. Lavéritable question à se poser, c’est plutôt : comptetenu du type de travail que l’on fait, du typed’organisation que l’on dirige et du type derelations que l’on souhaite établir avec saclientèle, ses fournisseurs ou encore son person-nel, quelle est la meilleure utilisation des TI quenotre entreprise peut faire ?

Tout réside dans l’art de choisir le bon outil pourles bonnes raisons. On n’utilise pas un marteaupour visser un boulon. De la même manière, unesolution technologique qui fait des miracles chezun concurrent peut s’avérer désastreuse pourune autre entreprise. Il n’y a donc pas de recettemiracle ; chaque organisation doit trouver sapropre solution, celle qui offre le plus depotentiel. Ainsi, une technologie peut ruiner uneentreprise, mais elle peut aussi l’aider à prendredes longueurs d’avance et la rendre extrêmementproductive et innovatrice. Toutes les entreprisesont accès aux mêmes technologies, mais certainessavent en tirer un meilleur parti que d’autres,comme en témoignent chaque année les dirigeantsque nous interviewons.

L. D’Amours : Au cours de votre carrière, quellessont les grandes leçons que vous avez retenues enmatière d’appropriation des TI?

M. Charbonneau : La première, c’est que lesentreprises négligent trop souvent de sensibiliserou de former adéquatement leurs employés auxnouvelles technologies qu’elles adoptent. Du jourau lendemain, elles leur imposent des systèmescomplexes sans prendre le temps de les accom-pagner, de s’assurer qu’ils peuvent les utiliserconvenablement. Après, on se demande pourquoices employés résistent au changement.

Deuxième leçon : en matière d’appropriation desTI, il faut savoir apprendre de ses erreurs. Dansles entreprises, il y a peu de place pour l’échec, etpourtant, c’est en expérimentant que l’on peuts’améliorer et innover. À mon avis, on doit sedonner le droit à l’erreur. Thomas Edison l’avaitd’ailleurs compris, lui qui disait : «Toute tenta-tive infructueuse qu’on laisse derrière soi cons-titue un autre pas en avant».

Troisième leçon : innover, c’est savoir regarderailleurs et différemment. En ce sens, les dirigeantsont tout intérêt à s’inspirer de ce qui se fait dansd’autres organisations, dans d’autres industries,dans d’autres pays. Beaucoup d’entreprises ontinnové en adoptant ou en adaptant des solutionstechnologiques destinées à un tout autre usage ouà un milieu complètement différent.

Dernier point : on gagne toujours à partager sesfaçons de faire. Trop souvent, les entreprisesessaient de réinventer la roue, au lieu de profiterde l’expérience d’autrui. Il ne faut pas non plusnégliger la force que constituent les équipesmultidisciplinaires, où chacun pose son propreregard sur un aspect réel du monde des affaires.Cette pratique est d’ailleurs la clé de la réussitedes travaux du CEFRIO. Pour chacun de sesprojets de recherche ou d’expérimentation, cetorganisme s’assure tant l’expertise de chercheursissus de plusieurs disciplines que celle de prati-ciens qui sont concrètement sur le terrain.

L. D’Amours : Quel conseil donneriez-vous à undirigeant ?

M. Charbonneau : Je lui dirais de ne pas hésiter àparler de ses bons coups et à les faire connaître. Ilest important de les valoriser, car de cesinnovations naîtront d’autres idées. On ne perdjamais en partageant les secrets de sa réussite ouencore ses trucs de métier. Au contraire, on finittoujours par en sortir gagnant. Le magazinePerspecTIves est là pour mieux présenterl’innovation au Québec et ailleurs. Tout commele Cirque du Soleil, Cascades, Louis GarneauSports, Bombardier Aéronautique et bien d’autresl’ont fait par le passé, faites-nous découvrir vosbons coups, parlez-nous de vos meilleures prati-ques, non seulement pour alimenter les autreslecteurs, mais aussi pour que naisse au Québecune culture de l’innovation. �

1 Plusieurs réseaux d’affaires tels que la Fédération deschambres de commerce du Québec font bénéficier leursmembres du contenu de PerspecTIves en le faisant circulersous forme électronique ou en format papier.

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Lait et dentifrices chinois contaminés. Fromages et viandes infectés. Sacs à main contrefaits.

Logiciels piratés. Légumes biologiques non organiques. Jouets plombés. Vêtements fabriqués

par des enfants. Médicaments frelatés… Face à tous ces scandales, les autorités gouver-

nementales, les détaillants et les consommateurs des pays industrialisés se préoccupent de plus

en plus de la sécurité et de la qualité réelle des produits et des services offerts sur le marché.

Pour les entreprises nationales, le recours aux outils de traçabilité permettra notamment de

préserver – voire de favoriser – l’accès du marché nord-américain aux produits québécois.

P R O D U C T I O N E T T I

Mais d’où vientdonc ce produit?

PA R R É J E A N R O Y

T rois grands facteurs expliquent que lesentreprises cherchent de plus en plus à

adopter des pratiques de traçabilité exemplaires.

Plusieurs organisations se tournent vers les outilsde traçabilité dans l’espoir d’améliorer leur niveaude performance, explique Jean-Michel Loubry.«Tout le monde a entendu parler de Wal-Mart et dece que ce géant mondial de la vente au détail a réus-si à faire, sur le plan de la logistique et de latraçabilité, pour optimiser le fonctionnement de sachaîne d’approvisionnement et être à la fois plusproductif et plus rentable. De nombreuses entre-prises françaises s’adressent au Pôle pour suivre lestraces de Wal-Mart, afin d’améliorer la gestion deleurs stocks, par exemple», souligne l’expert.

Un outil pour innoverD’autres organisations se servent de la traçabilitépour innover, poursuit Jean-Michel Loubry. «Àpartir du moment où une organisation, grâce aux

outils de traçabilité, peut recueillir une foule dedonnées nouvelles sur les produits ou les servicesqu’elle achète ou qu’elle commercialise, elle peutaussi créer des produits ou des services qui per-mettront d’améliorer la relation avec son client,de le fidéliser. »

Ainsi, des supermarchés japonais ont installé dessystèmes qui permettent aux consommateurs deconnaître la date exacte à laquelle un légumedonné a été cueilli et de regarder la photo dufermier responsable de sa production. «Nosaliments parcourent des milliers de kilomètresavant d’arriver dans nos assiettes, souligne lemagazine Foreign Policy. Cette pratique permetaux acheteurs d’obtenir une réponse à la ques-tion : “Mais qui donc produit ce que je mange1?”»

Autre exemple d’innovation rendue possiblepar les outils de traçabilité : à l’entrée du zood’Apenheul, en Hollande, un sac pourvu d’uneétiquette d’identification par radiofréquence(RFID) est remis aux visiteurs. «Cette étiquette

Fondé en 2002, le Pôle de traçabilité est un organisme

français à but non lucratif qui poursuit deux grands

objectifs : sensibiliser les décideurs européens à

l’importance de la traçabilité et faire connaître les

pratiques exemplaires que les organisations devraient

adopter en la matière. Ingénieur et diplômé en gestion,

Jean-Michel Loubry est responsable du service Mission

d’intérêt général du pôle.

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permet à la direction de suivre les mouvementsdes visiteurs au gré de leur cheminement parmiles attractions, souligne Jean-Michel Loubry.On a ainsi pu constater quelles étaient les attrac-tions les plus populaires et reconfigurer le parcpour optimiser l’expérience offerte aux visiteurs.Le sac s’est aussi révélé utile pour repérer desenfants égarés2.

«Toutefois, une forte proportion des producteurss’intéressent surtout aux techniques de traçabilitépour respecter les obligations gouvernementalesqui leur sont – et leur seront – de plus en plussouvent imposées, ajoute le gestionnaire. Parexemple, en 2007, l’Interagency Working Groupon Import Safety a déposé aux États-Unis unrapport intitulé Action Plan for Import Safety: ARoadmap for Continual Improvement quiproposait notamment au président Bush de tra-vailler de concert avec les acteurs américains etétrangers pour «encourager le développement depratiques exemplaires d’utilisation des techno-logies de traçabilité 3. » Les organisations québé-coises qui ne se prépareront pas à adopter ces nou-velles façons de faire risquent d’en payer le prix.

En France, le Pôle de traçabilité accompagne lesentreprises agroalimentaires européennes pour

les aider à mettre en place un système detraçabilité qui va «de la fourche à la fourchette »,note Jean-Michel Loubry, un mécanisme, donc,qui permet de remonter facilement et rapidementjusqu’au producteur en cas de problème. Cepen-dant, l’organisme intervient aussi en matière desécurité dans d’autres secteurs, comme l’indus-trie médicale, où la contrefaçon des médicamentsest un fléaumajeur (10% des médicaments vendusaux États-Unis sont contrefaits ; ce taux grimpe à20% en Russie et à 50% en Afrique), ou encore,l’industrie du transport, où l’usage de pièces falsi-fiées cause parfois des accidents très graves.

Exploiter le plein potentiel de la traçabilitéMalheureusement, de manière générale, les outilsde traçabilité demeurent moins utilisés qu’ils nedevraient l’être. Le problème tient notamment aufait que certains producteurs ont une mauvaiseperception de leur utilité. «En France, il est obli-gatoire de recourir aux outils de traçabilité danscertains secteurs, comme celui de l’élevage dubétail, mais quand ce n’est pas le cas, il est difficilede convaincre les acteurs de les utiliser, déploreJean-Michel Loubry. Par exemple, les viticulteurs,particulièrement les plus âgés, ne comprennent pasbien ce que la traçabilité rapporte. Ils se plaignentde ce qu’on les force à passer plus de temps àbrasser de la paperasse qu’à faire du vin. Cesartisans seront bien sûr obligés d’y arriver un jour,mais en attendant, ils ratent de belles occasionsd’exploiter le potentiel de la traçabilité et de s’enservir, entre autres, pour faire une démonstrationrigoureuse du fait qu’ils ont cultivé leurs champstrès proprement, avec des engrais biologiques.»

Agri-TraçabilitéAgri-Traçabilité, un organisme soutenupar le gouvernement du Québec, «veille àdévelopper, à mettre en œuvre et à opérerun système d’identification permanenteet de traçabilité des produits agricoles,tant du règne animal que végétal ». Agri-Traçabilité se situe à l’avant-garde dans ledomaine de l’utilisation des outils de traça-bilité à des fins de sécurité des aliments.

Qu’est-ce que la traçabilité ?Selon Le grand dictionnaire de l’Officequébécois de la langue française, « c’est lacapacité de trouver, pour un objet donné,la trace de chacune des étapes de saconception, de sa fabrication et de sadistribution ainsi que la provenance de sescomposants. La traçabilité permet d’abordde veiller au contrôle de la qualité de toutle circuit de production d’un bien, quelqu’il soit. C’est ensuite une procédure quitouche à la sécurité. Très souvent, parexemple, la traçabilité concerne les pro-duits alimentaires ; elle permet de connaî-tre les matières premières, matériaux etingrédients d’un produit (traçabilité amont),les équipements utilisés dans sa fabrica-tion, sa transformation et sa manutentiondans l’entreprise (traçabilité interne) et lesuivi de sa distribution (traçabilité aval).Selon la norme NF ISO 8402, il peut s’agiren somme de connaître l’historique, l’utili-sation ou la localisation d’une activité,d’un processus, d’un produit, d’un orga-nisme ou d’une personne ».

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P R O D U C T I O N E T T I

Mais comment exploiter les outils de traçabilité àleur juste valeur ? « Il faut d’abord commencer pardéfinir le besoin que la traçabilité permettra decombler, répond Jean-Michel Loubry. Quelsrèglements sont imposés à votre organisation ?Comment s’appliquent-ils à ce que vous faites ? Etsurtout, quels sont vos objectifs ? Comment allez-vous gérer les nouveaux processus mis en place ?Comment amènerez-vous votre personnel àadhérer au projet et éviterez-vous que les outilsde traçabilité soient rejetés ?

«Vous savez, conclut l’expert, trop de gensviennent nous voir en disant : “Je viens de lire unarticle sur la traçabilité” ou “Je viens de voir une

émission sur la RFID ; je veux me lancer”. Je leurréponds alors qu’il faut éviter de penser d’abord“technologie”, qu’il faut attaquer le problème parle haut, en démontrant l’utilité stratégique duprojet de traçabilité pour l’organisation. » �

1 Voir à ce sujet Anonyme (2007). «Meet Your Meat »,Foreign Policy, juillet-août, http://www.foreignpolicy.com/users/login.php?story_id=3856&URL=http://www.foreignpolicy.com/story/cms.php?story_id=3856.

2 Voir http://www.innovationonline.fr/articles-magazine/fiche-articles.php?id=575.

3 Voir www.importsafety.gov/report/actionplan.pdf.

Depuis le printemps 2007, le CEFRIO faitpartie d’un groupe de travail nord-américainqui a pour mission d’étudier de quelle maniè-re les technologies de l’information (TI)peuvent aider les gouvernements à mieuxrépondre aux attentes et aux besoins descitoyens et des entreprises. Dirigé par leCenter for Technology in Government (CTG),ce groupe rassemble des partenaires duQuébec, du Canada anglais, des États-Uniset du Mexique.

Avec l'aide des membres du groupe de travailet le soutien du ministère des Affaires interna-tionales du Québec, le CEFRIO tente de démar-rer un projet d’expérimentation à deux volets :1. Concevoir et mettre en place les mécanis-

mes qui permettraient d’assurer la traçabi-lité des produits agroalimentaires québé-cois au-delà de la frontière américaine ;

2. Favoriser la définition et l’implantation surle terrain des pratiques d’affaires électro-niques grâce auxquelles les producteursquébécois pourront convaincre leurs clientsaméricains de la qualité supérieure deleurs produits et augmenter la valeur deleurs exportations.

Ces questions sont cruciales. D’une part, lesconsommateurs nord-américains cherchentde plus en plus à savoir d’où viennent lesproduits qu’ils achètent, comment ils ont étéfabriqués, par qui ils l’ont été, etc. Danscertains cas, ils sont même prêts à payerdavantage pour un produit conçu d’unecertaine façon, par un type de producteur

donné. D’autre part, les entreprises d’un paysdoivent être capables de créer et de trans-mettre aux organismes gouvernementaux ouparagouvernementaux d’un autre pays uneinformation de plus en plus riche, pourobtenir le droit d’exporter leurs biens oud’afficher une certification reconnue.

Les retombées qu’entraînera ce projet serontconsidérables :

1. Consolidation et amélioration du position-nement concurrentiel des acteurs de l’agro-alimentaire québécois dans le marché amé-ricain, alors que celui-ci se resserre (pen-sons, par exemple, au nouveau plan d’ac-tion pour accroître la sécurité alimentaireaux États-Unis et aux préoccupations gran-dissantes des consommateurs en matière dedéveloppement durable) ;

2. Nouveaux débouchés pour les technologieset les savoirs québécois ; ainsi, ce projetpourrait, par exemple, aider le Québecet Agri-Traçabilité à exporter le système detraçabilité québécois aux États-Unis etau Mexique ;

2. Intensification de la collaboration intra etintergouvernementale en matière d’expor-tation agroalimentaire et acquisition denouveaux savoirs utiles à la prise de déci-sion gouvernementale (p. ex. : meilleureinformation sur l’impact de la traçabilitésur le plan des ventes à l’étranger).

La traçabilité : une préoccupation pour le CEFRIO

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P R O D U C T I O N E T T I

Biscuits Leclerc possède six usines, lesquelles fabriquent des produits qui vont des biscuits

aux céréales, en passant par les barres collation et les craquelins. Cette entreprise

québécoise est active dans le marché de l’agroalimentaire, où la qualité et la sécurité des

produits sont extrêmement importantes, et elle exporte près de 30% de sa production

dans une vingtaine de pays. Les questions de traçabilité revêtent donc pour elle une

importance primordiale.

VISION D’UN DIRIGEANT

B I S C U I T S L E C L E R C

Pas de traçabilité,pas de contrat !

PA R R É J E A N R O Y

« Biscuits Leclerc a été l’une des premières entre-prises québécoises d’une taille relativement

petite à se doter d’un système ERP, relate JeanLeclerc. Nous l’avons fait il y a une dizaine d’an-nées, parce que nous considérions qu’un progicielde gestion intégré coûterait moins cher à installeravant l’accélération de notre croissance qu’après.

«Au début, poursuit le PDG, nous avons eu recoursaux fonctionnalités de notre système ERP pourproduire nos états financiers, faire de l’entretienpréventif et gérer nos comptes créditeurs, nos

comptes clients, notre paye, etc. Par la suite, nousavons commencé à exploiter les possibilités denotre système en matière de traçabilité.

«Ainsi, nous sommes maintenant capables d’ana-lyser un produit pour savoir à quel lot il appar-tient exactement, de déterminer l’origine précisedes ingrédients utilisés lors de sa fabricationet ainsi de suite. Nous pouvons parvenir à unniveau de détails extrêmement précis.

« Il s’agit là d’une condition essentielle pour trai-ter avec la plupart de nos grands clients, qu’ils’agisse de détaillants qui vendent les produits demarque Leclerc ou d’entreprises pour lesquellesnous fabriquons des marques maison ou réalisonsdu travail à forfait.

«Lorsque ces clients ou des organismes de certifi-cation viennent faire des audits chez nous, ilss’intéressent évidemment à la puissance de nosoutils de traçabilité et à notre capacité à réagirpromptement et efficacement en cas de difficultés.

«Dans le monde de l’agroalimentaire, ces problè-mes sont parfois propres au producteur, mais ilspeuvent aussi, évidemment, avoir leur origineà l’extérieur et toucher plusieurs fabricants à lafois », note Jean Leclerc. Dans un cas commedans l’autre, l’entreprise de Saint-Augustin-de-Desmaures serait fin prête à réagir.

«Sans prétention aucune, je pense que nous avonsréussi à mettre en place un système de traçabilitéqui garantit la sécurité des consommateurs,conclut Jean Leclerc. Notre industrie n’est pas àl’abri des problèmes, mais je crois fermementque notre entreprise pourrait faire face auxennuis s’ils se présentaient. �

Jean Leclerc est PDG de Biscuits Leclerc, une entre-

prise fondée en 1905 qui compte quelque 500 em-

ployés dans la région de Québec, en Ontario

et aux États-Unis. Sous sa gouverne, cette société

a remporté le titre d’Entreprise de l’année dans la

catégorie «Production industrielle et transfor-

mation», lors du concours Mercuriades 2006 de la

Fédération des chambres de commerce du Québec.

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C E F R I O – P E R S P E C T I V E S 2 0 0 9

L’entreprise-réseau, un concept exploré depuis longtemps, a évolué jusqu’à devenir une

réalité pratiquement incontournable pour les sociétés qui évoluent sur la scène interna-

tionale. La mise sur pied d’une telle structure pose des défis importants qui ont peu à voir

avec la technologie et beaucoup avec les relations, l’organisation et la culture. Tous les parti-

cipants y gagneront, pourvu qu’ils respectent les conditions de réussite d’une telle aventure.

S T R A T É G I E E T T I

L’entreprise-réseau :une nécessité stratégique

PA R G I L T O C C O

«L’entreprise-réseau est devenue LE modèled’affaires de référence pour être compétitif sur

le marché international», affirme Louis Raymond,titulaire de la Chaire de recherche du Canada surla performance des entreprises au Départementdes sciences de la gestion de l’UQTR. On ne peutplus livrer concurrence sur la scène mondiale sion n’est pas constitué en un réseau permettantune synergie des compétences et des ressourcesuniques de chacun, afin que le produit global soitd’envergure mondiale. «L’entreprise-réseau estdevenue une nécessité stratégique. »

L’entreprise-réseau peut être définie comme unensemble équipé et organisé d’entreprises indé-pendantes concourant à la production d’un mêmeproduit ou service. Il s’agit d’un ensemble cohé-rent qui repose sur des liens stables permettantl’émergence de règles collectives et un apprentis-sage tant sur le plan technique qu’organisationnel.

L’avènement de l’entreprise-réseau repose sur laconstatation du fait que chaque entreprise a toutintérêt à se concentrer sur ses compétences propres,c’est-à-dire les domaines où elle peut produire leplus de valeur, et à laisser à d’autres sociétés plusspécialisées et mieux équipées dans d’autresdomaines les tâches que ces dernières sont plus àmême d’accomplir. Ce faisant, on réduit la bureau-cratie et on augmente la souplesse de fonctionne-ment, un élément clé dans le contexte actuel.

Le réseau s’élargitCependant, la notion de ce qu’est une entreprise-réseau a évolué avec le temps. «Au début, c’étaientsurtout les aspects opérationnels qui étaient prisen compte, notamment grâce à l’utilisation del’EDI (échange de données informatisées), souli-gne Louis Raymond. Depuis, bon nombre de nou-veaux aspects, plus informels, ont été intégrés. »Par exemple, il est devenu plus courant de faireparticiper directement les sous-traitants audéveloppement de produits, plutôt que d’établir

55

Titulaire d’un doctorat en administration

de HEC Montréal et d’une maîtrise en

informatique de l’Université de Montréal,

Louis Raymond dirige la Chaire de recherche

du Canada sur la performance des entreprises

au Département des sciences de la gestion de

l’UQTR. De 1999 à 2004, il a été titulaire-

adjoint de la Chaire de recherche Bombardier

Produits Récréatifs en gestion du changement

technologique dans les PME.

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S T R A T É G I E E T T I

des spécifications et de se contenter de les leurtransmettre. En fait, dans une entreprise-réseau,on doit passer de la sous-traitance de la capacitéde production à la sous-traitance de l’intelligence.

Cette évolution s’appuie sur les résultats de nom-breuses recherches qui révèlent que l’avantageconcurrentiel d’une entreprise ne repose pas surses ressources et sur ses compétences, qui sontrares et peuvent être copiées, mais sur une combi-naison dynamique de ces ressources qui est uniqueet difficile à plagier.

De plus, la nature des participants s’élargit elleaussi. «Des PME de services industriels viennentse greffer aux réseaux ; elles peuvent apporter une

valeur ajoutée sur plusieurs plans : marketing,R-D, logistique et finances, ressources humaines»,ajoute le chercheur de l’UQTR.

Naturellement, les TI ont un rôle à jouer. «Denombreux outils ont facilité le fonctionnementd’entreprises-réseaux. Les progiciels de gestiond’entreprise de seconde génération (ExtendedERP) – qui permettent une intégration de lachaîne de valeurs – et les systèmes de gestionde la relation clients (Customer RelationshipManagement ou CRM) se sont greffés à l’EDI surle plan opérationnel, explique Louis Raymond.Les outils de e-collaboration tels que la vidéo-conférence ou les groupes de travail virtuelspermettent toutefois des échanges plus informelsdans des domaines comme le codéveloppementde produits et la veille stratégique. Il est toutefoisclair que le défi n’est pas d’ordre technologique,mais bien de nature organisationnelle. »

Les entreprises québécoises peuvent tirer parti deces TI, mais aussi et surtout des expériencesd’entreprises-réseaux en cours. « Les chosesbougent, au Québec, indique le chercheur. Denombreux réseaux se mettent en place dans lessecteurs de l’aéronautique, de l’aluminium et dumeuble, par exemple. » L’UQTR a pris part à deuxexpériences importantes : celle de la ChaireBombardier, un partenariat entre la multinationale,

Depuis mars 2005, Denis Lagacé est

titulaire de la Chaire industrielle de

recherche sur le meuble de l’Institut de

recherche sur les PME, l’un des plus

importants regroupements de recherche

dans le domaine au monde. Ses champs

d’intérêt portent sur la gestion de projets

d’implantation technologique, le juste-à-

temps et la production à valeur ajoutée.

Avec l’entreprise-réseau, on en arrive «à un autre paradigme de production», écrivent Louis Raymond et ses collègues dansl’introduction de L’entreprise-réseau – Dix ans d’expérience de la Chaire Bombardier Produits Récréatifs (Sainte-Foy, Presses del’Université du Québec, 2003, p. 10). «Ce nouveau paradigme précise que la stratégie orientée auparavant vers une dominationquantitative, basée sur les économies de volume et le contrôle de parts de marché, doit se tourner vers une stratégie à domina-tion qualitative, basée sur les nouvelles technologies, notamment immatérielles, les pôles de compétence et des niches deproduction à forte valeur ajoutée. »

Dominationquantitative.Volume,

part de marchés

Dominationqualitative (niche,technologie, pôlede compétence)

Stratégie

Innovation, amélioration ettransformation continue àl’aide du réseautage

Organisation commeproducteur de biens

Organisation interne etexterne comme processeurde connaissances

CHÂTEAU

RÉSEAU

Paradigme

S C H É M A 1

Un changement de paradigme : de l’entreprise-château à l’entreprise-réseau

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S T R A T É G I E E T T I

une trentaine de PME et une équipe universitaire,qui a duré dix ans et à laquelle a participéactivement Louis Raymond, ainsi que celle duréseau de Meubles Canadel, qui a débuté il y a18 mois avec la collaboration de la Chaireindustrielle de recherche sur le meuble, dont lechercheur Denis Lagacé est titulaire.

Dans le cas de la Chaire Bombardier, pratique-ment tous les aspects de l’entreprise-réseau ontété explorés et mis en application. «Au sein duréseau Canadel, nous considérons surtout quatreaspects, explique Denis Lagacé : le flux informa-tionnel, la logistique, la production et surtout, lerelationnel, qui coiffe le tout. L’objectif premierdu projet est de réduire le temps nécessaire aupassage des commandes. »

Les facteurs de réussiteÀ la lumière de l’expérience de la ChaireBombardier, Louis Raymond et ses collègues ontdégagé les principaux facteurs de réussite d’uneentreprise-réseau. Au premier plan, il y a ledéveloppement de la confiance mutuelle, unaspect qui ne peut se concrétiser qu’à long terme.Cette confiance permettra de développer unsavoir partagé, une même culture et des actifscommuns (matériels et immatériels), et de limiterles processus de contrôle. Bref, de se rapprocherde plus en plus de la sous-traitance de l’intel-ligence, plutôt que de la capacité de production.C’est sans doute là le plus grand défi, car bonnombre d’entreprises hésiteront à transférer dessavoirs qui peuvent être stratégiques à d’autres,même si ceux-ci sont des partenaires.

Devenir partenaire dans une entreprise-réseau exigeun changement de culture, surtout chez le donneurd’ordres qui a l’habitude de tout faire et de toutcontrôler lui-même. L’asymétrie entre les membresdu réseau devra être de plus en plus réduite.

La qualité des partenaires représente un autrefacteur à considérer. La force d’une chaîne deproduction dépend en effet de celle du maillonle plus faible. Dans la plupart des cas, une miseà niveau aussi bien technologique qu’organisa-tionnelle chez les sous-traitants constitue unepremière étape incontournable. «Dans le réseaude Meubles Canadel, par exemple, nos premièresinterventions portaient souvent sur le réamé-nagement d’usines et sur l’implantation de systè-mes MRP II là où ils n’existaient pas », expliqueDenis Lagacé. Et Louis Raymond d’ajouter : « Ilfaut amener les sous-traitants à atteindre uneenvergure mondiale : travail en juste-à-temps,normes de qualité telles que Six Sigma, etc. »

Les membres du réseau doivent aussi être com-plémentaires non seulement pour s’assurer quetous les besoins sont comblés, mais aussi pourfaire en sorte que chacun puisse ainsi s’enrichirde l’expertise et de l’expérience des autres.

Autre aspect primordial : la gouvernance, et enparticulier le partage des gains. «Une innovationvenant de l’un des membres qui permet deréduire les coûts deproduction, par exem-ple, doit profiter à tousles partenaires, et passeulement au donneurd’ordres, souligne LouisRaymond. Un réseaudoit être fondé sur laréciprocité, c’est-à-diresur des échanges quivont dans les deux sens ;il ne doit pas y avoird’asymétrie en termed’information et degains. Cette obligations’oppose à un comporte-ment opportuniste qui peut toujours se mani-fester, et qui consiste à soutirer le maximum duréseau en donnant le minimum.»

Denis Lagacé nous expose un autre aspect de cetype de problème : « Idéalement, le sous-traitantvoudrait recevoir une commande par an portantsur un seul lot de produits identiques, alors quele donneur d’ordres voudrait passer des comman-des quotidiennes portant sur des lots de produitsdifférents pour répondre précisément à la deman-de. Il faut donc rechercher l’équilibre idéal entreces deux visions, tout en déterminant où les lotsseront stockés. C’est l’un des aspects sur lesquelsnous avons travaillé dans l’industrie du meuble.»

Dernier facteur à prendre en compte : la concur-rence doit continuer d’exister malgré la collabo-ration, car c’est l’un des moteurs de l’innovation.De plus, sur le plan pratique, Denis Lagacé faitremarquer que « le donneur d’ordres ne peut passe permettre d’avoir un seul sous-traitant pourrépondre à un besoin donné, car si ce dernier faitfaillite ou connaît un problème majeur, toutl’édifice s’écroule. Dans le réseau Canadel, il y adeux ou trois sous-traitants par besoin, et pourchaque nouveau besoin, un processus d’appeld’offres est mis en branle. » Naturellement, iciencore, la recherche de l’équilibre est primor-diale, et à long terme, chaque sous-traitant doit ytrouver son compte. �

Devenir partenaire dans

une entreprise-réseau

exige un changement de

culture, surtout chez le

donneur d’ordres qui a

l’habitude de tout faire

et de tout contrôler

lui-même.

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S T R A T É G I E E T T I

Avec l’aide des Manufacturiers et exportateurs du Québec, Teknion Roy & Breton, un important

fabricant de mobilier de bureau qui compte plus de 850 employés répartis dans quatre usines, a mis

sur pied un modèle d’entreprise-réseau adapté à ses besoins spécifiques et à son marché.

T E K N I O N R O Y & B R E T O N

Le sous-traitant : véritablepartenaire de l’entreprise

PA R G I L T O C C O

«L’industrie de la fabrication de mobilier de bureausubit un déclin considérable depuis quelques années.

Chez Teknion Roy & Breton, nous avons néanmoinsréussi à croître de 20% par an, surtout grâce à notreorganisation en réseau», nous confie Martin Chouinard.

La mise sur pied de ce réseau a été en bonne partiesoutenue par un programme du MEQ nommé «RéseauPuissance 5», qui s’adresse à cinq réseaux d’entre-prises manufacturières formés d’un donneur d’ordres

et d’au moins cinq sous-traitants. Teknion Roy & Bretona été la première entreprise à y adhérer.

Dans le cas présent, le réseau se compose de cinq entitésautonomes qui appartiennent à l’entreprise et de cinqsous-traitants. Chaque établissement fabrique des pro-duits finis. «Toute notre production s’effectue en modejuste-à-temps ; il n’y a donc aucun inventaire chez lesmembres du réseau», précise le dirigeant. Chacun desmembres fournit une capacité de production, des ressour-ces humaines et un savoir-faire spécifique. «Nos pro-pres usines se concentrent sur les commandes sur mesure,qui sont plus complexes à traiter ; nos sous-traitants,eux, sont spécialisés dans des domaines précis, lesmeubles de bois ou de MDF et les armoires, et traitentsurtout de gros volumes. »

Du point de vue des TI, chacune des usines qui appar-tiennent à l’entreprise est gérée comme une seule enti-té, grâce à un système de gestion intégré (ERP). Cepen-dant, «nous n’avons pas voulu changer les systèmesdes sous-traitants pour des questions de coûts, et aussiparce qu’ils ont d’autres clients et des habitudes bienétablies. Nous avons donc développé des interfacespour que l’information circule correctement», poursuitMartin Chouinard.

Le programme Réseau Puissance 5 vient enrichir l’en-semble de plusieurs façons. Il finance une bonne partiede l’opération grâce à des subventions que le MEQ estallé chercher, et il offre les services d’un groupe deconsultants spécialisés. «Auprès du donneur d’ordres,explique Bastien Larouche, directeur de l’usine Teknionde Saint-Vallier, les consultants se concentrent sur unchangement des pratiques de l’entreprise, afin que larelation avec le sous-traitant devienne un véritable parte-nariat gagnant-gagnant. Et auprès des sous-traitants, ilsinsistent sur les aspects techniques et sur la gestion dela production, la valeur ajoutée et la qualité. »

«Ce qui importe le plus, conclut Martin Chouinard,c’est que le sous-traitant soit heureux de travailler avecnous, qu’il fasse des profits et qu’il devienne un véri-table partenaire. » �

VISION D’UN DIRIGEANT

Titulaire d’une maîtrise en sciences

comptables de l’Université de Sherbrooke,

Martin Chouinard est vice-président au

développement des affaires de Teknion

Roy & Breton.

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CCCCCCC…Les «C» arrivent!Êtes-vous prêt?

Colloque international du CEFRIO«La génération C, moteur de transformation des organisations québécoises»

Centre des congrès de Québec • Les 20 et 21 octobre 2009

Le CEFRIO vous invite à participer au plus grand événement jamaisorganisé au Québec sur la génération C, qui se tiendra au Centre descongrès de Québec, les 20 et 21 octobre 2009.

La «génération C», c’est celle du million et demi de Québécois nés entre1982 et 1996, ces jeunes qui ont grandi avec les micro-ordinateurs etInternet et qui s’en servent pour communiquer, collaborer et créercomme jamais auparavant.

Les «C» ne sont pas des Québécois tout à fait comme les autres : ils ontgrandi avec les technologies de l’information (TI) et ont souvent desattentes et des comportements différents de ceux auxquels les

organisations ont été habituées.

• Quels sont les perceptions et les comportements des membresde cette nouvelle génération?

• Comment les «C» utilisent-ils les technologies del’information (TI) ?

• Quelles pratiques permettront aux écoles, aux entreprises et auxorganismes québécois de s’adapter efficacement à la montéeen force des «C» en tant qu’étudiants, consommateurs,travailleurs et citoyens?

Pour répondre à ces questions, le CEFRIO et une douzaine departenaires ont entrepris la plus grande étude jamais réaliséeau Québec sur les perceptions, les comportements et lesusages des TI des membres de la génération C.

Découvrez en primeur les résultats de cette étude enparticipant au prochain colloque international du CEFRIO.À cette occasion, des experts réputés se réuniront pourla première fois au Québec afin de réfléchir avec vousà l’impact de l’ascension de cette génération sur lasociété québécoise.

Surveillez le site Internet du CEFRIO(www.cefrio.qc.ca/colloquegenerationc)pour plus de détails !

POUR TOUT RENSEIGNEMENT:Annie Lavoie418 523-3746, poste [email protected]

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VOLUME 7 – ÉDITION 2009

25 $

TAMARA ERICKSON, Harvard Business School LYNE BOUCHARD, DMR SIMON RIVARD, Quebecor – Canoë

ANNE-MARIE CROTEAU, Université Concordia ROBERT PROULX, Bombardier inc.

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L’analytique :pour prendrede meilleuresdécisions

Réduireses coûtsde TI sanstout sacrifier

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DOSSIER : TECHNOLOGIES WEB 2.0

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