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12 TECHNIQUES CULTURALES SIMPLIFIÉES. N°36. JANVIER/FÉVRIER 2006 La pression économique est aujourd’hui sans précédent sur les producteurs qu’ils soient céréaliers,éleveurs ou autres.L’agriculture n’est plus prise en tenaille mais apparaît vrai- ment engloutie entre des prix et des primes qui ne cessent de se réduire,des intrants qui continuent d’augmenter,une facture éner- gie qui explose, des taxes et autres fiscali- sation écrasante et une pression environ- nementale, vecteurs de surcoûts de production.Une forme de spirale négative qui déstabilise une grande partie des pro- ducteurs qui ont du mal à voir dans tout cet acharnement contre eux, une maigre lueur d’espoir. Une simple rétrospective permet de constater que le chiffre d’affaires moyen par hectare sur les dix dernières années a perdu environ 15 euros/ha/an.De nombreux agri- culteurs ont réussi à compenser ce manque à gagner de 150 euros/ha par l’agran- dissement (économie d’échelle),en optimisant l’utilisation des intrants,en limitant d’autres dépenses comme la fertilisation de fond ou le chaulage et en réduisant le travail du sol. Aujourd’hui,la nouvelle organisation de la Pac, et ses perspectives à l’aube de 2013, ainsi que les impacts directs de la hausse du prix du pétrole (carburant,irrigation,trans- port et séchage) et indirects (azote, méca- nisation...) vont renforcer la pression et accé- lérer l’urgence de trouver des sources d’économie importantes pour continuer de dégager un revenu ou tout simplement rester agriculteur dans l’attente de jours meilleurs. Il ne faut pas pour autant se laisser empor- ter par la sinistrose, la France et l’Europe possèdent encore des atouts (des poten- DOSSIER TCS et semis direct : quelles sont les marges d’économies ? A ujourd’hui, l’ensemble des exploitations agricoles est sous une pression économique sans précédent avec des perspectives en matière de prix comme de soutient peu rassurantes. Afin de rester dans la course, les agriculteurs vont devoir trouver d’importantes marges d’économie et la simplification du travail du sol permettant de faire pression sur les charges de mécanisation est de plus en plus mise en avant. En fonction du niveau et surtout de la maîtrise technique, cette orienta- tion peut apporter des gains substantiels en matière de coût d’implantation, de carburant et de main- d’œuvre. Avec des approches plus élaborées, l’agriculture de conservation ouvre également la voie à d’autres sources d’économies d’intrants tout en sécurisant les résultats techniques. En complément, ces orientations plus autonomes sont indiscutablement plus performantes en matière d’environnement pouvant induire aussi une réduction des coûts connexe de l’agriculture. Enfin, poser la question économique des exploitations agricoles englobe non seulement la notion de revenu des agriculteurs mais également la compétitivité de l’agriculture en général.

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12 ● TECHNIQUES CULTURALES SIMPLIFIÉES. N°36. JANVIER/FÉVRIER 2006

La pression économique est aujourd’hui sansprécédent sur les producteurs qu’ils soientcéréaliers,éleveurs ou autres.L’agriculturen’est plus prise en tenaille mais apparaît vrai-ment engloutie entre des prix et des primesqui ne cessent de se réduire,des intrants quicontinuent d’augmenter,une facture éner-gie qui explose,des taxes et autres fiscali-sation écrasante et une pression environ-nementale, vecteurs de surcoûts deproduction.Une forme de spirale négativequi déstabilise une grande partie des pro-ducteurs qui ont du mal à voir dans tout cetacharnement contre eux, une maigrelueur d’espoir.Une simple rétrospective permet deconstater que le chiffre d’affaires moyen parhectare sur les dix dernières années a perduenviron 15 euros/ha/an.De nombreux agri-culteurs ont réussi à compenser cemanque à gagner de 150 euros/ha par l’agran-dissement (économie d’échelle),en optimisantl’utilisation des intrants,en limitant d’autresdépenses comme la fertilisation de fond oule chaulage et en réduisant le travail du sol.Aujourd’hui,la nouvelle organisation de laPac, et ses perspectives à l’aube de 2013,ainsi que les impacts directs de la haussedu prix du pétrole (carburant,irrigation,trans-port et séchage) et indirects (azote,méca-nisation...) vont renforcer la pression et accé-lérer l’urgence de trouver des sourcesd’économie importantes pour continuer dedégager un revenu ou tout simplement resteragriculteur dans l’attente de jours meilleurs.Il ne faut pas pour autant se laisser empor-ter par la sinistrose, la France et l’Europepossèdent encore des atouts (des poten-

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TCS et semisdirect : quellessont les margesd’économies ?A ujourd’hui, l’ensemble des exploitations agricoles est sous une pression économique

sans précédent avec des perspectives en matière de prix comme de soutient peu rassurantes. Afin de rester dans la course, les agriculteurs vont devoir trouver d’importantes marges d’économie

et la simplification du travail du sol permettant de faire pression sur les charges de mécanisation est de plus en plus mise en avant. En fonction du niveau et surtout de la maîtrise technique, cette orienta-tion peut apporter des gains substantiels en matière de coût d’implantation, de carburant et de main-d’œuvre. Avec des approches plus élaborées, l’agriculture de conservation ouvre également la voie à d’autres sources d’économies d’intrants tout en sécurisant les résultats techniques. En complément, ces orientations plus autonomes sont indiscutablement plus performantes en matière d’environnementpouvant induire aussi une réduction des coûts connexe de l’agriculture. Enfin, poser la question économique des exploitations agricoles englobe non seulement la notion de revenu des agriculteurs mais également la compétitivité de l’agriculture en général.

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tiels de rendements élevés et réguliersgrâce à son climat doux et humide, laproximité d’un important marché solvable,une orientation timide mais une attenteforte pour les énergies renouvelables) qu’ilva falloir apprendre à valoriser.Aujourd’hui,la parité euro-dollar est également lar-gement en défaveur de la zone Europeet favorable à l’ensemble de nos concur-rents qu’ils soient Nord ou Sud-Américains, voire Australiens et les prixdes céréales risquent d’être, à l’avenir,beaucoup plus volatiles avec despériodes basses mais aussi des périodesde cours soutenus pendant lesquelles ilfaudra capitaliser.Enfin,l’agriculture « intensive » française eteuropéenne possède encore d’impor-tantes marges de manœuvre en matière decharges de mécanisation (à titre d’exempleles charges de mécanisation représententpour une culture de blé environ 400 euros/ha,source Arvalis) et plus globalement d’intrantsen développant des approches « sys-tème » comme permet de le faire l’agriculturede conservation.

D’abord une économiede tempsLes charges de carburant,de main-d’œuvreet d’équipement sont étroitement associéeset extrêmement liées à la structure,la poli-tique d’investissement et d’optimisation dutravail de l’exploitation.Le travail du sol etd’implantation des cultures,au sein de celle-ci représente en moyenne 40 à 50 % descoûts.De plus,ces opérations dictent sou-vent les besoins maximums en main-d’œuvre,en tracteur et en puissance.Tout le monde s’accorde à dire que les TCSet le semis direct permettent dans un pre-mier temps d’économiser du temps.Ce gain,qui peut représenter une à deux heurespar hectare et par an,est très dépendantdu niveau de simplification en comparaisonà la situation de départ et sera toujours plus

important en terres lourdes qu’en terreslégères.De plus,cette réduction du besoinen main-d’œuvre,hormis la récolte,est sur-tout positionnée sur les périodes de pointelimitant ainsi les situations de surchargeet de crise.Cependant,cette diminution du travail setraduit en économie que si une partie dutemps dégagé est valorisée par ailleurs.Celui-ci peut être utilisé pour couvrir plus de sur-face,faire de la prestation de service ou déve-lopper une autre activité (productiond’énergie par exemple).Plus de temps dis-ponible permet aussi de mieux observer etsuivre ses cultures et son sol, d’échanger,de s’informer et de se former,de rencontreret visiter des collègues afin de réfléchir àdes stratégies encore plus performantes etéconomes.Une partie de ce temps doit êtreégalement réinvestie dans des essais et desmesures sur l’exploitation car en agriculturede conservation, il est primordial de calerles pratiques à ses propres conditions avantde les étendre sans risque à l’ensemble del’exploitation.Les TCS et le SD facilitent également l’or-ganisation du travail surtout lorsque l’on estseul.C’est aussi un moyen efficace de réduirele temps non productif comme les dépla-cements (économie importante avec uneferme morcelée),le temps d’attelage et deréglage mais également le temps consacréà l’entretien.Il convient cependant de rester prudent quantau résultat économique issu de l’économiede temps car les gains d’efficacité du travailen agriculture ont souvent été engendréspar un accroissement de la puissance parhectare comme de la dépense en énergieet par conséquent des coûts de mécanisa-tion.Cette situation quelque peu paradoxaleest assez courante en TCS.Malgré tout,ellereste concevable lorsque la main-d’œuvreest limitante mais devient totalement anti-économique dans le cas inverse.La straté-gie est ici à adapter à chaque situation d’ex-ploitation.

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Niveau d’intrants et de mécanisation dans différentes régions du mondeSAU N P K Herbicides Fongicides Insecticides Nb de

(en milliers (en kg/ha (en kg/ha (en kg/ha (en kg/ha (en kg/ha (en kg/ha tracteurs pourd’ha) et en 2002) et en 2002) et en 2002) et en 1997) et en 1997) et en 1997) 1 000 ha

UE (à 15) 74 124 120,0 38,1 41,9 1,3 2,5 0,5 93,8dont la France 18 449 1,8 3,5 0,3Australie 48 300 20,1 22,3 4,8 6,5Brésil 58 980 30,8 47,6 51,9 0,5 0,1 0,3 13,7Fédération russe 123 465 7,7 2,7 1,5 0,1 0,1 0,0 5,2États-Unis 176 018 61,8 22,0 25,8 1,2 0,1 0,6 27,3

Bien que très disparates et toujours sommaires, ces chiffres expriment bien les grandes différences et tendances des zones agricoles du monde. Il serait d’ailleurs plusjudicieux, au lieu de ramener ces données à l’hectare, de les exprimer en quintal produit.L’Europe et la France apparaissent comme de gros consommateurs d’intrants et surtout de mécanisation avec trois à sept fois plus de tracteurs que ses principauxconcurrents (Brésil, États-Unis, Australie). Leur surface par exploitation permet certainement des économies d’échelle mais ce sont cependant les leaders en matièrede TCS et semis direct.L’Europe affiche également une bien plus forte consommation d’engrais, conséquence de l’intensification des cultures et du poids de l’azote qui reflète l’abandon deslégumineuses, contrairement aux autres pays où le soja ou le lupin sont très présents. Dans cette rubrique, on notera également le niveau de consommation de P etK au Brésil qui traduit aussi un niveau d’intensification important sur des sols qui en sont cruellement dépourvus.La tendance reste identique pour les produits phytosanitaires. Elle traduit, là aussi, un degré d’intensification mais également et surtout une forte dominance descéréales d’hiver (protection fongique) et beaucoup de situations de monoculture ou quasi monoculture.Enfin, les chiffres de la Fédération russe font transparaître une agriculture plus qu’extensive qui, avec un peu de gestion et un minimum d’intrants, pourrait nettementaméliorer son niveau de production.

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2005

Cette étude, qui présente le coût global de productionen intégrant des charges comme le fermage ou la main-d’œuvre, rarement prises en compte alors qu’elles ledevraient par transparence et approche entrepreneuriale,montre que le coût de production moyen est largementau-dessus du prix de marché même chez les produc-teurs les plus performants avec toutes les conséquencesque cela sous-tend. Au milieu de ces charges, la méca-nisation représente tout de même un petit tiers sur lequelles agriculteurs les plus performants parviennent à éco-nomiser environ 15 euros/t, soit tout de même135 euros/ha. Ces mêmes agriculteurs sont égalementceux qui optimisent l’utilisation de leurs intrants tout endiluant l’ensemble des charges grâce un résultat tech-nique légèrement supérieur. Bien que le prix du quin-tal soit bas, le rendement reste un dénominateur communqu’il ne faudrait pas sous-estimer.

Coûts de production moyenscomparés aux 20 % « plus performants »

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France 20 %meilleurs

8,1 t/ha 9 t/ha

FermageAutres chargesCharges main-d’œuvreCharges mécanisationCharges opérationnellesCharges engrais174

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La consommation en carburant : un bon indicateurLa dépense en gasoil qui tend à croître avecla hausse de l’énergie représente environ10 % des charges de mécanisation.Ce poste,loin d’être négligeable, correspond éga-lement à une charge régulière,plus palpableet facile à mesurer que les coûts globauxde mécanisation,un poste auquel sont trèssensibles de nombreux agriculteurs.Cette consommation est bien entenduconditionnée par le type d’équipement,le mode d’utilisation et l’entretien,le typede culture et de production (supérieur enbetterave et en élevage par exemple).Leniveau global est également fortementinfluencé par le type de sol et l’intensitédu travail du sol.Ainsi, la consommation moyenne par hec-tare et par an,pour tous les travaux confon-dus (de l’implantation à la récolte),est unbon indicateur d’efficacité techniquecomme du coût de mécanisation. Si l’onconsidère qu’un céréalier classiqueconsomme environ 100 l/ha/an (plus oumoins 20 l selon le type de sol,les cultures,la surface et la mécanisation),un TCSisteéconomise déjà entre 15 et 30 l/ha/an grâceà la suppression du labour et la superfi-cialisation des interventions.Enfin,les agri-culteurs pratiquant le semis direct éco-nomisent encore 20 à 30 l/ha/an tout entenant compte de l’implantation d’un cou-vert et d’une préparation superficielle oudéchaumage occasionnel pour atteindre50, voire 40 l/ha/an.Ce calcul, en plus de permettre d’évaluerl’économie du poste carburant,déjà com-pris entre 15 et 35 euros/ha/an avec le prixdu gasoil aujourd’hui,est de plus un très bonindicateur avancé d’économie de charge demécanisation.En effet,moins de carburantsignifie moins d’heure de traction,moins depuissance consommée, moins d’usure etmoins de casse ;la réduction d’un ensemblede postes qui va,avec le temps,débouchersur une limitation du coût de mécanisationglobale.Ainsi et sans faire d’erreur importante d’ap-proche,on peut considérer que la consom-mation d’un litre de fuel dans la mécani-

sation agricole correspond,en intégrant l’en-semble des charges (amortissement,entretien,réparation du tracteur et des outils)à une dépense globale de 3 à 4 euros.Vusous cet angle,même une petite économie,réalisée simplement en modifiant la pro-fondeur de travail ou en supprimant un pas-sage,ne devient plus si négligeable que cela.Le litrage de fuel par hectare est enfin unmoyen simple mais performant de compareret suivre l’évolution de son efficacité d’uti-lisation de la mécanisation dans le tempsafin de continuer à l’optimiser.

Limitation de l’investissement à l’hectare

Il n’est plus à démontrer que les charges demécanisation représentent une part majo-ritaire des charges de structure et de nom-breuses études attestent que cette chargeest le second poste de dépenses après lesintrants.Globalement et en fonction des sys-tèmes,des productions et des exploitations,le coût de la mécanisation oscilleraitentre 150 et 400 euros/ha/an.Malgré les gainsd’efficacité,ce poste de charges s’est d’ailleursmaintenu et a même progressé dans certainscas avec,au travers des agrandissements,lebesoin de couvrir une plus grande surfaceen moins de temps.Ces charges sont cepen-dant d’autant plus difficiles à évaluer réel-lement qu’elles englobent différents postescomme les amortissements,les frais finan-ciers, le carburant, l’entretien et la répara-tion,mais également des frais d’assuranceet de remisage.De plus,une majorité de cescoûts est répartie arbitrairement et de manièrehomogène.On préfère les inclure par sim-plicité dans les charges de structure plutôtque de les imputer à la culture.Enfin,cetteapproche comptable et fiscale ne fait pasvraiment de différence de coût entre un outilqui travaille et celui qui reste sous le hangar.Au regard de ces chiffres, supprimer toutou partie des interventions de travail du solest le meilleur moyen d’engranger des éco-nomies substantielles.Dans un premier temps, la marge la plusimportante et la plus facile à capitaliser n’estpas dans les outils de travail du sol ou dans

DOSSIER

Augmenter la vitesse d’exécution comme cela a souvent été le cas avec la simplification du travail du sol commedu semis direct permet de fortementgagner en efficacité de chantier mais risque de rester consommatrice de puissance comme de carburantsurtout lorsque le terrain est lourd et un peu accidenté.

L’économie d’énergie est encore plusfacilement mesurable en traction attelée outoute réduction d’intervention réduit demanière cruciale le travail des hommescomme des animaux sans aucunepossibilité d’en faire plus en injectant del’énergie fossile via la mécanisation. AuBrésil, l’installation d’un hectare en semisdirect ne demande qu’un déplacement de12 km contre 36 à 72 en conventionnel. EnTanzanie, le passage au semis direct souscouvert de petits agriculteurs a permis deréduire la saison d’implantation de 67 joursà 37 jours de travail.

Labour TCS Semis direct sous couvert

Moyenne 52 37 26Consommation maximum 66 45 40Consommation minimum 28 27 16

Ces mesures réalisées sur quinze sites différents en 2005 dans un cadre plus général de comparaison desystème montrent le potentiel de réduction de la consommation en carburant dans des itinérairestechniques déjà bien maîtrisés en labour comme en TCS. Si la simplification du travail du sol apporte uneéconomie de 15 l/ha/an en moyenne, le passage au semis direct sous couvert permet de réduire la factureen carburant, par la réduction des passages comme de la puissance requise lors du semis, d’encore11 l/ha/an. Enfin quelles que soient les techniques, des optimisations sont possibles. La marge estcependant beaucoup plus grande en labour mais celui-ci atteindra toujours un plancher et des limites sil’on intègre le temps de travail.

Consommation de fuel hors récolte (en l/ha)

La production d’huile végétale brute ou tout autre source d’énergie surl’exploitation est un moyen de faire des économies, de gagner en autonomieet de limiter encore plus la pressionenvironnementale tout en contribuant à tendre les marchés des céréales.Cependant le potentiel d’économie, mêmes’il existe, est beaucoup moins importantque la réduction de la consommation.De plus, celui-ci restera très dépendantdu différentiel de prix entre l’énergie et les céréales, une marge de manœuvrequi pourrait bien se réduire avec le développement des bioénergies. Il est

donc plus judicieux et plus durable à un niveau économique comme environnementald’investir, avant tout, dans des « négalitres de fuel » dont les gisements sont énormes.

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le semoir mais dans la réduction de la forcede traction.À ce titre,il faut veiller à ce quetout changement de stratégie de travail dusol ne se solde pas par l’investissement dansun tracteur plus puissant à surface égale.Aucontraire, la suppression d’un tracteur oula diminution de la puissance de traction estun gage d’économie certain et de retour surinvestissement rapide.Enfin,dans les calculs économiques entreles techniques,on utilise souvent des com-paraisons en prenant des « valeurs à neuf »

ou en intégrant des amortissements qui sontune dépréciation fictive des outils.Bien queces études fournissent des repères inté-ressants,elles apprécient mal l’impact éco-nomique dans le temps.En effet en TCS,lesoutils de travail du sol,de semis et surtoutde traction peuvent durer.De plus,les notionsd’usure et d’obsolescence sont perturbéespour les tracteurs,avec des agriculteurs quine valorisent plus des sophistications (rele-vage électronique,suspension et relevageavant,boîte de vitesses totalement « power-

shift »,voire un certain confort de conduite)rendues inutiles par la simplification du tra-vail du sol et qui,d’une manière générale,sollicitent beaucoup moins la mécanique.Il en est de même pour les semoirs où unbon entretien,voire des modifications,et l’ajoutd’éléments (roulettes étoiles, roue plom-beuses…) permettent de faire durer et derajeunir des équipements qui continuent àtravailler.Ceci est d’autant plus vrai pour lessemoirs de semis direct : afin de s’enconvaincre, il suffit de regarder le prix demarché d’un SD 300 malgré plus de trente ansde terrain.

La rentabilité se déve-loppe dans le tempsLa grande majorité des calculs de chargesde mécanisation plutôt adaptés à des outilset des approches conventionnelles ne tien-nent pas compte de l’évolution des coûtsdans le temps.En effet,si le changement depratique culturale ne produit pas de réelsbénéfices les premières années et peut mêmese solder dans certains cas par une légèreaugmentation du poste mécanisation,cette nouvelle charge va progressivements’estomper avec la diminution des amor-tissements et la réduction du poste entre-tien d’un parc restreint et moins sollicité.

TECHNIQUES CULTURALES SIMPLIFIÉES. N°36. JANVIER/FÉVRIER 2006 ● 15

Coûts d’implantation avec huit parcs de matériels différentsNb de Traction Matériel valeur Mécanisation Herbicides Main-d’œuvre Coût total Temps de travail tracteurs (en ch/ha) à neuf pour semis non sélectif (en €/ha) d’implantation (en h/ha)

(en €/ha) (en €/ha) (en €/ha) (en €/ha)

Labour systématique 3 2,25 1 589 187 0 30 217 1,98Labour deux années 3 2,25 1 589 182 2 26 210 1,76sur troisNon-labour avec matériel 3 2,25 1 523 178 5 30 213 2,02classique + décompacteurNon-labour avec matériel 2 1,35 1 128 144 5 30 179 2,02spécialisé + décompacteurNon-labour avec 2 1,35 1 098 138 5 27 170 1,79matériel classiqueNon-labour avec 2 1,35 1 085 122 5 17 144 1,13matétriel spécialiséNon-labour avec 2 1,35 985 103 5 13 121 0,86déchaumeur/semoirSemis direct (semoir rapide) 2 1,35 1 020 107 14 8 129 0,52

Cette simulation réalisée pour une surface de 200 ha avec une rotation colza/blé/orge de printemps, bien qu’étant surévaluée par rapport à la réalité des exploitationsau travers de l’approche « valeur à neuf », révèle l’impact des choix techniques sur le niveau d’investissement à l’hectare et le coût d’implantation. Si la pratique dunon-labour occasionnel a peu d’incidence économique comme le non-labour à partir du moment où le poids de la traction reste identique, des approches TCS plusavancées et le semis direct avec une diminution du poste traction permettent de réduire l’investissement en matériel de 400 à 600 euros/ha. Une économie importanteavec en prime une diminution du risque surtout lors d’une installation ou une reprise d’exploitation. Au final, les coûts d’implantation affichent un différentiel qui atteint100 euros/ha entre les situations extrêmes et un gain de temps de travail d’une heure, voire une heure et demie par hectare dans le cas du semis direct.Enfin, ce chiffrage fait ressortir l’efficacité des combinés « déchaumeurs/semis » qui peuvent rendre accessibles les TCS à des exploitations qui n’ont pas suffisammentde surface et défavorisent le semis direct sous couverts (semis direct rapide sur sol nu dans cette comparaison) pour lequel il est sûrement possible de réduire encoreplus le poste traction.

Le coût réel par hectared’un tracteur ou de tout autreéquipementn’est calculableréellementque le jour où celui-ciquittel’exploitation.

Avec ce logiciel qui permet de ven-tiler les différentes charges consti-tuant globalement les coûts de méca-nisation, la traction représentantenviron 100 euros apparaît commele poste dominant. La simplificationdu travail du sol aura un impact impor-tant sur celui-ci mais également surles dépenses en carburant et de tra-vail du sol. Pour ce qui est du postesemis, l’investissement dans du maté-

riel plus spécifique ne se traduira pas toujours, dans un premier temps, par une économie.Note : 60 analyses réalisées dans un département à dominance céréale et production laitière. SAU moyenne :71 ha. Coût de mécanisation moyen : 292 euros/ha (compris entre 151 et 446 euros/ha).

Coût des différents éléments composant le poste mécanisation(en euros/ha)

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En effet,un tracteur qui réalise 200 à 300 h/ande moins avec une demande de puissanceet des contraintes mécaniques réduites,comme c’est le cas en TCS et encore plusen semis direct sous couvert, est souventloin d’être usé au bout de son amortissementcomptable. De plus, les gros frais d’entre-tien, comme les pneumatiques, voire lespannes comme l’embrayage ou la boîte devitesses sont eux aussi reportés d’autant.Ainsi en matière de coût de mécanisation,il est plus adapté en TCS de considérer deuxphases.La période initiale où le poids del’investissement,souvent neuf par rapportà un parc existant et en partie amorti,

apporte surtout un gain de temps. Cettepériode est sensiblement égale à la duréed’un amortissement (entre cinq etsept ans). Ensuite, si l’investissementétait cohérent et si la technique est bienmaîtrisée, l’agriculteur accède progressi-vement à une période beaucoup plus pro-

fitable à partir du moment où le matérielperdure sur l’exploitation.En économie comme en agronomie,l’agri-culture de conservation est une forme d’in-vestissement à moyen terme qui demandeune certaine patience avant de voir arriverles bénéfices.

DOSSIER

Pour une exploitation donnée et uneapproche de travail du sol spécifique, lataille et la puissance des outils induirontde nombreuses répercussions économiques.Avec l’accroissement de la largeur des équi-pements, la productivité (ha/h) va bien évi-demment progresser mais le coût d’achatva entraîner des coûts fixes et variables plusélevés. Inversement le coût de la main-d’œuvre comme celui des pertes engen-drées par la réalisation des travaux en dehorsdes périodes favorables va progressive-ment diminuer avec l’augmentation de lataille des outils. L’équilibre le plus éco-nomique se situant d’une certaine manièreà la croisée de ces trois paramètres. Ce gra-

phique fait également apparaître qu’un sous-équipement peut être aussi coûteux au final qu’un suréquipementet ceci est vrai pour les outils liés au travail du sol et d’implantation mais également pour les outils derécolte.Bien qu’il s’agisse plus d’une évolution par marches dans la réalité, ce graphique, un peu théorique, tra-duit bien la complexité de l’optimisation économique autour du choix des équipements. Au-delà de lalimitation des interventions, l’adéquation des outils aux conditions de l’exploitation est dans un premiertemps un volant d’économie et de sécurité de résultat à ne surtout pas négliger.Enfin, ce graphique peut être lu différemment : la simplification du travail du sol est dans beaucoup decas, et sans élargir les outils, le moyen d’augmenter facilement la productivité du travail et d’optimiserles périodes d’intervention.

Évolution des coûts associés à la mécanisation en fonction de la taille des équipements

Petite Taille des outils LargeO

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Le travail intensif développe, à traversl’érosion aratoire et la consommation dela matière organique, l’hétérogénéitéintraparcellaire à droite qu’il faudra gérergrâce à l’agriculture de conservation : uncoût supplémentaire. En opposition, àgauche, l’agriculture de conservationmaintient et développe l’homogénéité dela parcelle. Le GPS sera peut-être utileégalement mais seulement pour se guiderdans les couverts.

Coût

Pertesliéesà la réalisationdes travaux en dehors des périodes favorables

Coût des équipementsCoût de la main-d’œuvre

Optimumdes coûts de mécanisation et coûts associés

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Réduire les coûts de mécanisation : les autres moyensAu-delà de la simplification du travail du sol,l’augmentation de la surface travaillée paréquipement est un moyen efficace,sans modi-fication d’itinéraire,d’optimiser les coûts demécanisation.Cette approche fonctionnecependant par paliers et il convient d’êtreprudent afin d’éviter qu’une petite surfacesupplémentaire entraîne des changementsimportants dans le parc existant.L’augmentation de surface risque égalementd’entraîner,à partir d’un certain niveau,unegestion plus « industrielle » de l’exploitationavec moins d’ajustement au coup par coupen fonction des besoins des parcelles ou zonesde terre pouvant engendrer en retour uneaugmentation des charges opérationnelles.Si l’agrandissement est une option,la miseen commun des équipements en est uneautre.Elle permet,malgré de petites surfaces,d’accéder à des machines performantes plutôtque d’être bloqué dans son évolution tech-nique par manque de capacité d’amortis-sement en situation individuelle.Dans desstructures plus importantes,regroupant beau-coup plus de surfaces,la mise en communde la mécanisation peut également autoriserdes équipements spécifiques différents afinde répondre au mieux à des conditions desols et de semis différentes.Enfin et si cetteapproche complique un peu les prises dedécisions,elle permet cependant d’élargirle champ de réflexion et les approches,unaspect très sécurisant pour évoluer avec séré-nité dans la simplification du travail du sol.

La rotation ou plutôt l’assolement est éga-lement un moyen complémentaire souventoublié mais très efficace pour optimiser etrépartir tout au long de l’année à la fois l’uti-lisation de la mécanisation et de la main-d’œuvre.Contrairement à des situations demonoculture de maïs (toute la surface està semer en avril et à récolter enoctobre/novembre) ou de quasi-monocultured’automne (où toute la surface est à semeren septembre/octobre et à récolter entrele 15 juillet et le 15 août),la répartition desbesoins en matériel de semis,de récolte mais

également de pulvérisation peut et doit êtreintégrée dans la conception d’une rotationafin d’abaisser fortement la puissance maxi-mum requise comme dans beaucoup de casla largeur de travail.

Pas forcément plus de charges opérationnellesBien que les charges opérationnelles,par défi-nition,semblent liées à la culture,elles n’ensont pas pour autant indépendantes du sys-

Bien qu’aucune statistique officielle ne soitdisponible, les professionnels évaluent lemarché de la pièce détachée à plus d’unmilliard d’euros (chiffre 1999), soit unedépense moyenne comprise entre 30 et60 euros/ha. La réduction du travail du solest également un moyen de limiter lesoutils, les besoins d’entretien, les risquesde casse et donc aussi le besoin en piècesdétachées.

Le semis direct ne permet passeulement de réduire le nombrede passages, mais la limitationdes vitesses d’interventionassure une réduction de laconsommation d’énergie àl’hectare (meilleure efficacitéénergétique) et une limitation de l’usure, des casses de matériel de semis comme du tracteur soumis à beaucoupmoins de contraintes. Autantd’économies importantes maisdifficilement quantifiables et qui n’apparaissent qu’avecquelques années de recul.

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tème d’exploitation,des pratiques culturales,des choix généraux et de la rotation.Il estd’ailleurs admis,à juste titre,que la simpli-fication du travail du sol peut entraîner unelégère augmentation du poste semences(doses de semis supérieures),du poste phyto(systématisation d’herbicides non sélectifset augmentation du coût de désherbage),

du poste gestion des ravageurs (contrôlesdes limaces essentiellement), voire éven-tuellement du poste fertilisation (manqued’azote), sans oublier le surcoût lié auxsemences de couverts végétaux dans le cadredu semis direct sous couverts.Cependant, dans la majorité des cas, cesdépenses supplémentaires ne rognentpas l’ensemble des économies dégagées surla mécanisation et restent largement infé-rieures lorsque le facteur main-d’œuvre estinclus dans le calcul.En complément et comme pour la méca-nisation,cette dépense supplémentaire doitêtre considérée comme un coût d’accès,uninvestissement pour la mise en route d’une

nouvelle approche.Même,il peut être dan-gereux techniquement de vouloir limiter lescharges opérationnelles simultanémentavec le travail du sol au risque de se retrou-ver devant des situations où les causes d’undysfonctionnement ou d’un mauvais résul-tat seront plus difficiles à cerner.Cependant,avec du recul et la maîtrise des outils,la ges-tion des résidus et des faux semis,de nom-breux surcoûts disparaissent assez rapide-ment.Avec le temps et le développementdes couverts,des auxiliaires prennent en partiele relais dans la gestion des ravageurs et l’azotedevient moins limitant.Enfin,avec la miseen œuvre de rotations et d’approches « sys-tème » plus complexes,il est possible avecl’agriculture de conservation de réduire aussiles charges opérationnelles.

Économie d’engrais et de fertilisationLes agriculteurs ont déjà réalisé beaucoupd’efforts concernant les charges opéra-tionnelles et il semble apparemment diffi-cile de faire encore plus pression sur cettepartie des coûts de production sans affec-ter le rendement ou la qualité des produits.Cependant le développement de sols plus

Olivier Penn : des charges de mécanisation maîtrisées dans le temps

Lors de son installation en 1997, Olivier Penn décide departir d’emblée en TCS par attrait technique mais aussipour limiter le coût d’investissement. Plutôt que de reprendreun parc classique d’occasion, il préfère acheter un ensembleneuf : un tracteur JD de 130 ch et un SE Horsch de 3 m.Malgré une situation de « fin d’installation », les coûtsde mécanisation sont aujourd’hui bien maîtrisés(275 euros/ha en céréales pour une moyenne de331 euros/ha) pour les 150 ha du Finistère Sud où alter-nent le blé, le maïs et le colza avec en plus des cultureslégumières comme des haricots, des pois du persil et desépinards en dérobé.L’année dernière avec l’installation de son frère sur 90 ha,un Rapid 3 m de chez Väderstad est venu prendre le relaisdu SE pour sa rapidité, la réduction des besoins en puis-sance mais également le plus faible coût d’entretien dansses sols granitiques (0,5 euro/ha pour l’usure des disquescontre 5 euros/ha pour le changement des lames du Horsch).Les deux frères sont tellement satisfaits du Rapid qu’ilsn’hésitent pas à l’utiliser comme déchaumeur ou pour incor-porer des fientes de volailles. Ce nouvel outil leur permetégalement de semer les haricots qui doivent être posi-tionnés en lignes pour la récolte et même le maïs grain.Le Horsch amorti est cependant resté entre les deux struc-tures pour semer les épinards et persil (semis entre 1 et1,5 cm) où il reste plus performant.Côté tracteur, le 6910 acheté en 1997 n’a que4 000 heures aujourd’hui malgré le transport des produits

organiques et devrait facilement, étant donné son étatgénéral, encore faire autant d’heures avant d’être renou-velé. Ainsi Olivier Penn, qui estime avoir passé le cap dela mise en œuvre, avec la fin des amortissements comp-tables comme des frais financiers, arrive aujourd’hui à unepériode de consolidation des résultats techniques commeéconomiques. Avec la conservation des outils en placeet un renouvellement réfléchi de l’ensemble du parc, lescharges de mécanisation devraient rapidement descendrepour atteindre 95 euros/ha pour les céréales en 2012.Prudent et méthodique, Olivier Penn a choisi d’attendrede bien maîtriser la simplification du travail du sol avantde s’attaquer aux charges opérationnelles. Depuiscinq ans, il a cependant réussi à comprimer égalementce poste d’environ 50 euros/ha sur le blé et le maïs endiminuant essentiellement le poste désherbage (poste phytopour le blé : 195 euros/ha en 2001 pour un rendement

de 70 q/ha et 148 euros/ha en 2005 pour un rendementde 77 q/ha. Concernant le maïs grain, ce même poste étaitde 95 euros/ha en 2001 pour 74 q/ha pour atteindre48 euros/ha en 2005 avec un rendement de 93 q/ha). Encomplément, il examine aujourd’hui les comportementsvariétaux afin de peser maintenant sur la partie fongi-cide.Enfin et contrairement aux idées reçues, les rendementsn’ont pas diminué bien au contraire. La qualité du sol etles économies d’eau semblent d’ailleurs apporter un netavantage en maïs et surtout en cultures légumières. Avecces résultats, Olivier Penn avoue se sentir aujourd’hui àl’aise. « Le sol comme les aspects économiques ont apportéce que nous attendions, nous sommes bien dans nos botteset dans nos têtes. Alors que la morosité semble être de rigueur,nous affichons plutôt une certaine sérénité face à l’ave-nir », conclut-il.

Répartition des culturesSurface (en ha)

Maïs grain 60Blé tendre 60Colza d’hiver 55Épinards branches 40Haricots verts XF 30Pois conserve XF 10Persil frisé 5Cipan avoine 40Jachère fixe 20Total surface développée 320Total surface semée 300Total SAU 240

Blétendre

Colzagraine

Épinardsbranches

Haricotsverts

Persilfrisé

Cipanavoine

Jachèrefixe

800

700

600

500

400

300

200

100

0Maïsgrain

299,2

206

71,4

322,8

646,2

528,6

658,2

589,6558,2

489,6

729,8

591,6

28,8

98,8

20,65,8

116,299,2

Charges de mécanisation/ha/culture/an en 2005 et leur probable évolution en 2012

en 2005en 2012

Charges de mécanisation/ha/culture/an en 2005. Céréales : 275 euros/ha. Moyenne : 331 euros/ha.Charges de mécanisation/ha/culture/an en 2012. Céréales : 95 euros/ha. Moyenne : 200 euros/ha.Note : sur la période (2006-2012), seul le changement du tracteur arrivant à quatorze ans et l’achat d’unpulvé neuf ont été programmés.

Poisconserve

Dans un premier temps, il est souventpossible de goûter à un certain niveau desimplification du travail du sol avec sespropres outils qui seront limités, enfonction des conditions et surtout de leurcapacité à gérer les résidus. Il est aussienvisageable de faire appel au voisinageou louer un outil plus spécialisé pour dessituations plus spécifiques. Cette approchepermet de se faire la main tout enregardant et testant éventuellementdifférents équipements avant de vraimentfaire le pas de l’investissement.

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Cette comparaison réalisée à partir de donnéescollectées au cours d’enquêtes réalisées chezdes utilisateurs avec cinq à dix ans de recul (1999-2000) a permis d’extrapoler des coûts d’im-plantation en fonction des semoirs (outil + trac-tion + main-d’œuvre) en faisant varier les surfacesentre 50 et 400 ha/an.Quels que soient l’outil et le mode de semis choisi,c’est avant tout la surface qui est prédominantecomme dénominateur avec une premièremarche importante autour de 150 ha et l’ap-parition d’une forme de plateau à partir de 250-300 ha. Si ces données sont favorables à l’agran-dissement, elles plaident avant tout en faveurde la mise en commun, de l’entraide, voire del’entreprise de travaux agricoles. Sur lespetites structures, le coût des implantations,même en TCS, peut sembler élevé mais il convientde les comparer avec des implantations en labour,elles-mêmes encore plus élevées.On peut aussi remarquer que la différence entreles outils, contrairement à ce que l’on pourraitpenser, s’amplifie avec l’augmentation de la sur-face pour aussi se stabiliser vers 300 ha. Plusla surface à implanter croît, plus l’impact éco-nomique global du choix du matériel et/ou dumode d’implantation sera important par l’effetmultiplicateur de la surface sur le revenu final.Les outils animés qui demandent plus de puis-sance et sont moins rapides apparaissent à justetitre les plus coûteux (37,5 euros/ha pour400 ha/an). Les semoirs à disques sont quantà eux plus économiques du fait de leur moindredemande en puissance et leur plus grand débit

de chantier. Le mode de semis le plus écono-mique regroupant une faible puissance, débitde chantier et coût d’entretien réduit est bienentendu le semoir à dents (22,5 euros/ha pour400 ha) ce qui permet de comprendre pourquoices outils restent les plus populaires dans lesgrandes exploitations du Canada ou del’Australie.

Enfin et pour tous les chantiers de semis, si leprix de revient est évidemment un facteur à consi-dérer avec beaucoup d’attention, il faudra avanttout bien définir les besoins en fonction de lastratégie de l’exploitation, la rotation, la surfaceà semer et le débit de chantier, le type de sol,la présence ou non de pierre, le volume de rési-dus et/ou la présence de couverts.

Coût d’implantation en semis simplifié en fonction des semoirs et des surfaces

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50 100 150 200 250 300 350 400

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Coût

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ha)

Horsch SEHerse rotative plus semoir à disquesJD 750,3 mHorsch Deltasem

Note : Pour des raisons de clarté, nous n’avons pas repris les courbes de toutes les machines inventoriées danscette étude mais simplement conservé les plus représentatives des grandes catégorie de semoirs : combiné : herse rotative/semoir à disques à outils conventionnels utilisés en TCSHorsch SE à semoirs animés comme Samavator et Rotalabour également présents dans l’étudeJD 750 à semoirs rapides ou directs à disques comme Huard SD, Unidrill, Väderstad aussi présents dans l’étudeHorsch Deltasem à catégorie des semoirs à dents.

Nombre d’hectares semés par an

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organiques et biologiques,la fermeture dusystème sol/plante/climat avec les couvertsvégétaux et le développement d’un volantd’autofertilité autorise,grâce à un meilleurrecyclage et une dynamique de minéralisationplus adaptée aux besoins,une réduction desbesoins en éléments fertilisants.La gestionde l’azote est cependant un peu plus com-plexe et suit dans le temps la même courbede retour que la mécanisation.S’il est logiqued’intégrer des pénalités liées à un manquede disponibilités dans un premier temps ouun surcoût pour une fertilisation supérieure,

ce déficit tend à se combler avec le tempspour aboutir,avec la pratique des couverts,à une meilleure valorisation permettant deréduire les apports.Mieux encore, cette contrainte et la flam-bée des cours du pétrole comme les récentssoubresauts sur l’approvisionnement en gazqui est la principale matière première pourl’azote minéral laisse penser que cetintrant,dont le prix a déjà fortement grimpé,restera cher.À l’avenir,le conserver dans lesystème sera déjà un atout majeur et unevraie source d’économie comme le font déjàles TCSistes en général.Il faudra cependantapprendre à l’économiser en réorganisantles rotations avec des plantes moins exi-geantes,voire en produire en incluant deslégumineuses comme cultures et/ou cou-verts. Produire de l’azote, c’est enfinacquérir plus d’autonomie au niveau desexploitations comme du pays,optimiser for-tement le bilan énergétique de l’activité agri-

Synthèse des résultats des deux premières années de semis direct (2003/2004 et 2004/2005)

Cette étude assez large et mise en œuvre sur l’ensembledu département de la Moselle apporte la comparai-son sur quatorze à quinze sites entre une modalité detravail dit « classique » (huit en labour et le reste enTCS) et le semis direct sous couvert réalisé avec diversoutils (JD 750, Unidrill, Semeato, SD400 etVäderstad). Les types de sols couvrent également l’en-semble de la variabilité de la région entre les sablesde la Moselle (14 % d’argile) jusqu’au plateau lorrain(65 % d’argile). Le blé et le colza sont les principalescultures, avec quelques parcelles d’escourgeon, d’orgeet de pois de printemps.Le rendement est de7 % inférieur aux itinéraires clas-siques en première année et de seulement 5 % enseconde. Il existe cependant une grande disparité entreles sites et ce sont globalement les orges et les colzasqui sont les cultures les plus pénalisées (en 2005 : -2 q/ha en blé, - 5 q/ha en orge d’hiver et - 4 q/ha encolza). Les mesures réalisées sur les témoins 0 azotemontrent, avec une chute du rendement de 15 %en première année par rapport au système classique,les soucis de restriction liés à la gestion de l’azotelors des années de transition.Les parcelles en semis direct sous couvert ont étéégalement pénalisées par un manque de pieds auxprintemps (- 16 % en céréales et 33 % en colza pour2005) à cause d’attaque de limaces et surtout de sourisqui peuvent se révéler d’importants perturbateurs.Cependant, la capacité de rattrapage des culturesarrive à combler une grande partie de la différence(en 2005 pour les céréales : - 16 % de pieds et seu-lement - 5 % d’épis à la récolte).Les charges opérationnelles sont quant à elles supé-rieures de 11 % la première campagne et revien-nent à + 8 % en seconde année. Elles sont en partieimputables à l’augmentation du poste désherbage.En complément, peu de différence de salissementn’est apparue entre TCS et semis direct alors quel’ensemble des parcelles labourées étaient géné-ralement plus propres. Il faut également tenir comptedans cette partie du surcoût lié à l’implantation decertains couverts, comme leur destruction d’ailleurs.Côté maladies fongiques, aucune parcelle mêmedans les témoins non traités n’a dépassé les100 HPLC (norme mycotoxines), cependant la pro-tection fongicide dans les itinéraires classiquessemble mieux valorisée qu’en semis direct souscouvert (+ 6,8 q/ha contre + 4,1 q/ha). Ces mesuresrassurantes montrent que c’est avant tout le climatqui est le facteur prédominant en matière de mala-dies en général.

La marge brute, issue de ces premiers chiffres est plusfaible en semis direct sous couvert de 13 % et 11 %,mais en cumulant la réduction des charges de méca-nisation (- 26 % en 2004 à - 30 % en 2005), alorsque les itinéraires classiques comportent déjà des TCS,la marge nette hors main-d’œuvre par hectare seredresse à 93 % en 2004 et 98 % en 2005. La forteaugmentation du prix du fuel au cours de la dernièrecampagne a par ailleurs largement contribué à accen-tuer le différentiel entre les charges de mécanisation(- 41 % en 2005) et comblé le handicap d’une margebrute plus faible.Enfin, le temps de travail pour les implantations et suivides parcelles, réduit de 33 % en 2004 à 38 % en 2005permet de déboucher au final sur une marge nette parheure très largement supérieure (+ 45 %, calcul 2004)et une marge nette par hectare (main-d’œuvre com-prise) supérieure de 5 % aux itinéraires classiques.Ces deux premières années de mesures et d’obser-vations sans vraiment de recul SD et couverts au niveaudu sol montrent que le potentiel de réduction de ren-dement comme les surcoûts en matière d’intrants sontréels. Cependant les importantes économies de méca-nisation compensent en grande partie et l’introduc-tion du facteur main-d’œuvre permet d’arriver à unrésultat légèrement positif limitant ainsi largement la

prise de risque même lors des années de transition.Enfin, la légère amélioration de l’ensemble des para-mètres techniques comme économiques sur la périodepermet d’entrevoir, avec une meilleure maîtrise à termedu semis direct sous couvert et l’évolution positivedes sols, une sécurisation des rendements sans chargessupplémentaires afin d’aboutir sur un avantage éco-nomique indiscutable.

20042005

100

0

93 95 111 108

87 89

74 70

93 98

67 5970 62

Rende-ments

Charged’approvi-

sionne-ment

Margesbrutes

Chargesde mécani-

sation

Margesnettes

Fuel Temps de travail

Temps de travail en min/ha (hors récolte)

Labour TCS SDSC

Moyenne 191 133 103Maximum 233 147 104Minimum 108 104 69

Le temps de travail est en moyenne réduit d’uneheure par hectare avec la mise en œuvre desTCS et d’une demi-heure supplémentaire avecle passage au semis direct sous couvert. Sides écarts importants apparaissent entre leslaboureurs où la puissance utilisée permet d’op-timiser l’utilisation de la main-d’œuvre, la four-chette se réduit progressivement avec le pas-sage aux TCS et au semis direct.

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La production d’une dérobée après unecéréale ou un pois, envisageable dans lamoitié sud du pays qui peut, sans trop decharge, et à la place d’un couvert, apporterun complément de revenu, n’est possiblequ’en semis direct pour des raisons decoûts d’implantation mais également degestion de l’eau afin de faire lever lescultures en plein été.

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cole mais également limiter les émissionsde gaz à effet de serre (CO2 comme NO) étantdonné que l’azote produit est directementinjecté dans la maîtrise du sol)

Développer une rotation cohérentepour limiter le recoursaux herbicides

Le non-retournement, et a fortiori le non-travail du sol,rend la maîtrise du salissementplus délicat et contraint bon nombre deTCSistes à utiliser quasi systématiquementune application d’herbicide non sélectif avantle semis.Il est vrai également que les coûtsde désherbage ont tendance à légèrementaugmenter en non-labour lorsque celui-cise résume à une approche ou seule l’éco-nomie de temps et de mécanisation est miseen avant.Cependant, l’agriculture de conservationet l’ingéniosité des agriculteurs apportentaujourd’hui des solutions intéressantestant économes qu’environnementales.L’utilisation de plantes de couverture àrapide développement végétatif à l’au-tomne et gélives est une premièreétape qui résout bien des soucis.La des-truction des mêmes couverts par roulagesur sol gelé est également une autre optiontout aussi efficace et complémentaire.De plus si le labour permet de conserver,

malgré un taux annuel de décroissancevariable selon les adventices,un nombre suf-fisant de semences viables,les TCS et encoreplus le semis direct en conservant ces grainesproches ou carrément en surface favoriseleur disparition rapide (environ 70 % de

dépréciation en un an en moyenne).Ainsila monoculture ou quasi-monoculturesera plus pénalisée en TCS et devra avoirrecours à un bon arsenal chimique pourconserver le pouvoir.À l’inverse,une rota-tion cohérente et adaptée au semis direct(cf.TCS n° 34,dossier « Maîtrise du salissementen TCS et semis direct »),par le biais de ladisparition rapide des graines à la surfacedu sol,associée aux pouvoirs couvrants etallélopathiques des couverts permettra defortement réduire le salissement comme lerecours au désherbage.Encore une fois enTCS et semis direct,il faut modifier les modesde mesure.À ce titre,le désherbage ne doitplus être une charge à la culture mais unecharge à la rotation.Enfin,en matière de rotation, il est impor-tant d’avoir une gestion proactive et nonune gestion « rétroactive ». En d’autrestermes, les résultats techniques de l’an-née, les prix et les marges de chaque cul-ture, doivent être pris en compte maisne doivent pas dicter l’assolementpuisque personne ne peut prédire ni lesprix de la prochaine campagne ni le climatd’ailleurs. Il convient donc de raisonnerl’enchaînement des cultures en intégrantdes éléments de faisabilité technique (pos-sibilité de semer plus ou moins en directselon le précédent comme pour le colzaderrière pois ou derrière paille),de limi-tation de risque ravageur mais égalementde désherbage,de production et de valo-

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Mélange de couverts « Biomax » avecquatorze espèces dont troislégumineuses (vesce, pois fourrager,trèfle incarnat). Début décembre et aprèstrois mois de végétation (semis directaprès récolte du blé), ce couvert avaitatteint environ 6 à 7 t de MS malgré lasécheresse de l’été dernier et contenaitdans la partie aérienne 160 kg de N. Si lamoitié de cet azote correspond à laminéralisation automnale, ce couvert atout de même produit au moins 80 kg deN/ha qui pourront en partie être valoriséspar le maïs qui va suivre mais aussi lesautres cultures de la rotation et cela sansrisque pour l’environnement.

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risation de l’azote entre les plantes (inté-rêt des légumineuses),de répartition desbesoins en main-d’œuvre et en méca-nisation tout comme une minimisationdes risques.C’est avant tout la robustesseet la cohérence de la rotation qui doitgarantir le revenu par une très grande maî-trise des charges plus que la course à unhypothétique marché porteur.

Mieux valoriser l’eauAlors que les restrictions en matière d’ir-rigation de l’année passée et les prévisionsde forte sécheresse pour cette année inquiè-tent les agriculteurs mais également lespouvoirs publics, tout le monde sembleavoir oublié que les sols sont avant toutdes éponges capables de capter, stockeret restituer d’importantes quantitésd’eau. Ces propriétés ne sont pas seule-ment définies par la texture et la profondeurdu profil, le mode de gestion du sol peutavoir un impact non négligeable.La cou-verture de surface,en limitant l’évaporationmais également le ruissellement, favorisel’accueil et l’infiltration de l’eau.

Ensuite, l’élévation du taux de matièreorganique va permettre d’augmenter pro-gressivement la taille du réservoir et l’or-ganisation verticale du profil d’autoriserune colonisation racinaire plus homogèneet profonde afin de mieux valoriser l’eaudisponible. Ici encore, la simplificationet le semis direct peuvent avoir un impact

Un sol performant est la meilleureassurance climat.

Cette comparaison d’itinéraire a été impulsée par B. Paumier,alors président de la Cuma, pour établir des référenceslocales précises afin de sécuriser le groupe dans ses orien-tations techniques comme ses investissements. Le champqu’il a mis disposition a été divisé en trois bandes de24 mètres comprenant l’itinéraire « classique » de la Cuma(labour + combiné de semis), un itinéraire « TCS » (mul-chage des couverts, décompaction avant maïs et semisdirect du blé dans les chaumes du maïs ensilé) et un iti-néraire « direct » avec comme seule intervention le mul-chage des couverts et l’incorporation du fumier avantle maïs. Pour 2006, l’équipement de la Cuma ayant évolué,une partie du maïs sur cette dernière bande va être implan-tée en direct sans mulchage.Au niveau économique, l’intérêt de cette plate-forme résidedans le fait que les coûts de mécanisation (déchaumage,labour, ameublissement, mulchage du couvert, traitement)sont ceux de la Cuma et sont bien réels. Ainsi, en fonc-tion de leurs choix techniques et des conditions de sol,les adhérents peuvent rapidement mesurer la diminution

des coûts tout en gardant la possibilité de mixer les iti-néraires, ce qui n’est pas forcément vrai dans le cas d’uninvestissement individuel.Sur les premières campagnes, les économies d’implan-tation ne sont pas négligeables et s’élèvent tout de mêmeà 45 euros/ha (labour ➠TCS) et 70 euros/ha (Labour ➠SD).En plus de ces économies, les résultats techniques n’ontpas été pénalisés, bien au contraire. Ils affichent d’ailleurs1 t MS/ha de plus en maïs ensilage (certainement grâceà une meilleure valorisation de l’eau) et 15 q/ha de mieuxpour les TCS et le semis direct en blé où la bande labou-rée a souffert d’une forte attaque de pucerons à l’automne2004 ayant transmis la virose à cette bande alors queles autres itinéraires, bien que jouxtant, n’ont pas ététouchés. Ces améliorations de rendement ne font que ren-forcer l’intérêt économique (coût au quintal ou à la tonnede MS produite). Le niveau de prise de risque étant faibleet les outils disponibles, déjà plus de 70 % des agriculteursdu canton sont engagés dans des formes plus ou moinsavancées de TCS et de semis direct.

Enfin, cette parcelle, qui a permis de rassembler l’expertisede nombreux partenaires et susciter des échanges trèsconstructifs, se révèle aujourd’hui un formidable outilpour les adhérents comme pour l’ensemble des agricul-teurs voisins et de la région. Les travaux de comparai-son devraient se poursuivre au moins sur les deux pro-chaines années avec encore des aménagements de pratiquesafin de faire encore pression sur les coûts tout en sécu-risant les résultats techniques.

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Labour TCS SDCoût d’implantation sur quatre ans 644 euros/ha 471 euros/ha 370 euros/haCoût moyen par an 161 euros/ha 117,75 euros/an 92,5 euros/haTemps de travail sur quatre ans 7,22 h/ha 5,13 h/ha 3,53 h/haTemps de travail par an 1,8 h/ha 1,28 h/ha 0,88 h/haFuel consommé sur la période 160 l/ha 116 l/ha 62 l/haFuel consommé en moyenne par an 40 l/ha 29 l/ha 15,5 l/haRendement maïs en 2002 12,5 t MS/ha 16,2 t MS/ha 16,1 t MS/haRendement blé en 2004 74 q/ha 74 q/ha 70 q/haRendement maïs en 2004 16,75 t MS/ha 15,55 t MS/ha 15,4 t MS/haRendement blé en 2005 55 q/ha 84 q/ha 91 q/haRendement moyen blé 64,75 q/ha 79 q/ha 80,5 q/haRendement moyen maïs 14,62 t MS/ha 15,9 t MS/ha 15,75 t MS/ha L’élevage peut également profiter

de l’agriculture de conservation avec la possibilité de créer des systèmesencore plus performants que de simplesproducteurs de céréales. En effet, il estplus facile de mixer les espèces comme ce mélange fourrager (avoine, pois, vesceet féverole) qui produit largement autant de matière sèche qu’un maïs sansengrais azoté ni herbicides ou fongicides.En élevage, il est aussi possible de valoriser tous les couverts etl’ensemble de la biomasse produite surl’exploitation, une source complémentaired’alimentation très bon marché.

Le potentiel de l’agriculture de conservation est également importanten matière de réduction d’utilisation de produits phyto et comme le montrecette photo prise en 2004 chez J.-P. Robert(Tarn) (cf. TCS n° 1), il est possible, souscertaines conditions de se passerd’herbicide sur la culture en semis directsous couvert, de réaliser de très bonnesperformances techniques (138 q/ha sec) et de finir la saison avec une parcelletoujours aussi propre (note de 9,5 attribuéepar J. Mamarot de l’Acta en octobre)permettant de se passer de glyphosateavant l’implantation de la culture suivante.

Résultat du champ de comparaison de la Cuma des Ajoncs à Maure-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine)

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économique notable en sécurisant,dans des secteurs non irrigués, les ren-dements à des niveaux élevés même enannée sèche. Elle peut également per-mettre de retarder et de limiter le recoursà l’irrigation dans d’autres exploitationsoù il est communément admis d’éco-nomiser entre un et deux tours d’eau avecun minimum de recul en TCS.Pour plusd’information sur la gestion de l’eau,voirTCS n° 24 (« Améliorer la gestion del’eau »).

Sécurisation des rendements et produits de qualité

Au-delà de l’économie et de la meilleure ges-tion de l’eau,il est clair qu’un sol,qui fonc-tionne mieux et dans lequel la fertilité orga-nique et biologique assure un bon recyclagede l’ensemble des éléments minéraux asso-cié à un relargage progressif et souvent plusadapté aux besoins quotidiens des cultures,

TECHNIQUES CULTURALES SIMPLIFIÉES. N°36. JANVIER/FÉVRIER 2006 ● 23

Maïs semé sous couvert : pendant la première partie de la végétation,en attendant que la plante couvretotalement le sol, le couvert permet de limiter fortement l’évaporation,une perte d’eau précieuse qui peut s’avérerconséquente pendant les deux premiersmois de la culture.

Taux de protéine du blé en fonction du recul SD du sol

et de la fertilisation azotée

15

14

13

12

11

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Taux

de

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%

Saison 2002

0 30 60 90 120Azote (kg/ha)

■ Long terme■ Court terme

Comme le montre cette comparaison entre un soldepuis plus de trente ans en SD et un sol voisin nou-vellement converti, le différentiel au niveau de tauxde protéine est saisissant (entre 1,5 et 2,5 points)alors que le différentiel de rendement également enfaveur du SD à long terme suit à peu près les mêmescourbes. Ces mesures, bien qu’étant issues d’uncontexte pédoclimatique différent, confirment unebien meilleure efficacité de l’azote avec le dévelop-pement de la qualité du sol et le potentiel de réduc-tion des doses apportées.

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Quatre modalités de conduiteDensité Doses Nb d’apports Nb de Nb de de semis d’azote d’azote1 régulateurs fongicides

Conduite 1 : assurance normale Bilan + 30 N 3 1 ou 2 2 ou 3Conduite 2 : normales Bilan 3 0 ou 1 2recommandations localesConduite 3 : - 40 % Bilan - 30 N 2 0 1conduite « intégrée »Conduite 4 : forte - 40 % Bilan - 60 N 2 0 0réduction des intrants(1) Suppression du premier apport pour les ITK 3 et 4 (azote souvent mal valorisé).

Résultats Île-de-France

Adapter conduite et variétés

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300Conduite 4 Conduite 3 Conduite 2 Conduite 1

Marge brute* (en euro/ha) Orgerus 2000-2002

Sur trois ans (2000, 2001 et 2003), les variétés multirésistantes creusent l’écartavec 100 à 150 euros de plus de marge brute, incluant le coût des passages enplus ou en moins, en conduites « intégrées » par rapport aux variétés classiques.Ces niveaux de marges restent par ailleurs au moins égaux, voire supérieurs auxvariétés traditionnelles conduites intensivement. Cette typologie variétale et cemode de conduite sont en parallèle plus sécurisant et encore mieux valorisés enTCS et semis direct où la pression maladies peut être plus importante et où lesfournitures et l’instantanéité des engrais sont beaucoup plus difficiles à maîtriser.

IsengrainOrnicarVirtuoseOratorioTrémie

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24 ● TECHNIQUES CULTURALES SIMPLIFIÉES. N°36. JANVIER/FÉVRIER 2006

permet de sécuriser des rendements lar-gement aussi élevés qu’en labour,voire supé-rieurs. C’est entre autres le cas de l’expé-rimentation suisse d’Oberacker, où lesrendements moyens,toutes cultures confon-dues arrivent à environ 110 % du témoinlabour après seulement sept ans de semisdirect et ce sans azote ni couverture phy-tosanitaire supplémentaire (cf.TCS n° 33).Non seulement la quantité,mais égalementla qualité des produits,peut se trouver amé-

liorée à partir moment où le sol atteint unecertaine forme d’équilibre.À ce titre,bonnombre de témoignages attestent d’un bienmeilleur taux de protéine en céréales ou deteneurs en huile supérieures en oléagineux.De plus,Jill Clapperton,spécialiste de l’ac-tivité biologique au centre de recherche deLethbridge au Canada, nous a démontré,mesures à l’appui,que l’on était aussi capablede déceler des différences minérales signi-ficatives dans les grains en fonction de la qua-

lité des sols sur lesquels ils avaient été pro-duits.Autant de critères qui ne sont pas encorebien rémunérés mais qui apportent encoreun léger retour économique supplémentairelorsque les céréales sont transformées ouconsommées sur place.

Développer desconduites économesLe contexte de baisse du prix descéréales renforce aussi l’intérêt desconduites économes avec l’utilisation devariétés plus résistantes et des mélangesde variétés afin de diluer les risques enrecréant,au sein d’une même parcelle,plusde diversité biologique.Si cette approchecommence à se développer pour lescéréales à paille,elle est envisageable avecd’autres cultures comme le maïs où il estpossible de mettre simplement unevariété par élément semeur.Si pour les blés,il faut essayer d’assembler des plantes quiont une occupation de l’espace différente(même approche que pour les mélangesde couverts) et qui s’associent sans se domi-ner,ce paramètre est moins primordial pourle maïs. Par contre, pour ce qui est de lasélection des variétés, il ne faut pas for-cément associer les meilleures, maisplutôt, au cours des années, éliminer lesmoins performantes (celles qui sontsensibles à la sécheresse, la fusariose ouaux limaces, par exemple). Ce conceptpermet d’acquérir une plus grande régu-larité et sécurité de rendement quelles quesoient les conditions de l’année.De plus, la conduite intégrée ne permetpas seulement de réduire le volume d’in-trants mais également le nombre de pas-sages et donc du temps et encore de lamécanisation.Qu’il s’agisse de l’épandeurd’engrais ou du pulvérisateur,ces coûts,en y regardant de plus près, ne sont pasnégligeables.Enfin,cette diminution potentielle d’intrants,outre la conservation de la marge,est éga-lement très bénéfique pour l’environnement

DOSSIER

Comme dans un avenir plus ou moins proche il faudraapprendre à vivre avec des énergies chères, il convient doré-navant de réfléchir à des méthodes culturales économes maiségalement des stratégies de rotation apportant une beau-coup plus grande efficacité énergétique. C’est ici que le maïs,avec 40 000 MJ qui se répartissent entre la mécanisation,l’irrigation, l’azote et le séchage, apparaît comme la plantela plus « énergivore ». En opposition, le pois avec seulement8 000 MJ, grâce à l’économie d’engrais azoté ainsi que d’autresfacteurs de production, ressort comme la plante la plus éco-nome. Ces chiffres sont évidemment à mettre en parallèleavec l’énergie totale capturée par la culture au travers de laphotosynthèse afin d’arriver à la notion de bilan. Plus questigmatiser l’une ou l’autre des cultures, il convient mieuxde les intégrer dans une rotation cohérente où elles serontbeaucoup plus performantes.

Coûts énergétiques par poste pour différentes cultures

Mécanisation Irrigation Produits Engrais Autres Production Stockage Totalphyto azotés engrais semences et séchage

Blé MarneOrge CharentePois CharenteMaïs Charente

Sorgho CharenteColza CharenteTournesol CharenteBetterave Marne

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Évolution des rendements et résultats économiques entre un itinéraire labour et TCS en comparaison du semis direct

(Base 100) Sur cetessai mis en placedans une parcelled’agriculteurs, l’enre-gistrement des ren-dements sur dix-neuf ans et des coûtsd’implantation permetde comparer les tech-niques dans le temps,en fonction des varia-tions climatiquescomme des prix devente des céréales.Pour ce qui est des ren-dements et après unepériode de calage tech-nique plutôt favorable

au labour, ils apparaissent plutôt homogènes sur les six années qui suivent. L’écart commence cependant àse creuser entre 1989 et 1991 lors d’un cycle d’années sèches et la même chose se répète entre 1994 et 1997.Sur la totalité de la période, le labour n’apporte pas de gain de productivité en comparaison du semis directqui tend à capitaliser sur l’amélioration du sol. Pour ce qui est de l’itinéraire TCS, les rendements sont légère-ment supérieurs au SD avec cependant de beaucoup plus grandes variations.Concernant les résultats économiques (produit brut - coût d’implantation), hormis 1982, le labour est 10 %moins rentable que le SD sur les premières années et l’écart se creuse avec le temps, bien qu’il se trouve atté-nué par la réduction du prix de vente. Grâce à l’effet du rendement, ce différentiel atteint tout de même en moyenne20 % sur la deuxième partie de la période. L’itinéraire TCS dont les oscillations suivent le labour se rapprocheen moyenne du SD pour les aspects économiques.Au-delà de ces chiffres très favorables aux TCS et SD sur une durée relativement longue, cette expérimenta-tion démontre la robustesse du système dans le temps. Cette marge de manœuvre limite également les risqueséconomiques notamment lors des premières années de mise en place de la simplification du travail du sol.

160

140

120

100

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60Années 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99Cultures BH BH OP BH OH OP BH BH BH OP BH BH BH BT BH BH BH OP BH

Rendement SD (en q/ha)

Rendement (en %) Résultat économique (en %)

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Rendement labourRendement TCSSD = base 100 %Résultat économique labourRésultat économique TCS

BH : blé d’hiverOP : orge de printempsOH : orge d’hiverBT : betterave

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NT = 100

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41 56,6 70,5 67,5 61,7 87,7 52 61,8 58 87,4 99,9 67,2 71,3 83,5 88 75,5 46,7 65,6 85,0

Prix du marché

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et le sol pouvant induire d’autres avantagesagronomiques en retour (meilleure dégra-dation des pailles,meilleur contrôle des rava-geurs par des auxiliaires...) qui sont plusdiffus, plus lents à apparaître, moins faci-lement quantifiables mais tout de mêmebien réels.

Diminution du risqueéconomique et ouver-ture sur de nouveauxsystèmes

Si,au travers de la mise en œuvre des TCSet du semis direct,il existe un risque tech-nique lié en partie au manque de savoir-fairecomme de l’état d’autofertilité du sol les pre-mières années,le risque économique,grâceà des coûts de mise en culture beaucoupplus faibles est limité voire quasi inexistant,notamment avec les prix des céréales pra-tiqués aujourd’hui.D’autre part,comme il n’est pas possible deprédire la météo,l’utilisation de techniquede gestion des sols comme les TCS et le semisdirect minimise également les risques cli-matiques (sécheresse) qui peuvent,commel’a montré l’année 2003 ou 2005,fortementimpacter sur le résultat final.Un niveau de charges de mécanisationà l’hectare, et plus généralement decharges de structure réduit,ouvre sur unpanel de cultures beaucoup plus largequi ne dégage pas forcément un gros pro-duit brut par hectare,mais qui,conduitesdifféremment et dans un contexte d’ex-ploitation plus performant économi-quement, peuvent trouver une rentabi-lité tout comme apporter des avantagesagronomiques certains.C’est le cas bienentendu des légumineuses mais aussid’autres cultures plus « marginales »comme le tournesol, le millet, le lin…Cette stratégie de faibles charges de méca-nisation favorise, lorsque le foncier estlui aussi réduit (plus facile en zone mar-ginale), la révision de la rotation. Plutôtque d’enchaîner des cultures, pourquoine pas « geler » une surface plus impor-tante et l’utiliser pour produire de la bio-masse,de l’azote,de la structure,des coûtsde désherbage en moins sur les culturessuivantes comme des rendements en plus.Cette approche novatrice et quelque peudéstabilisante peut, sous certaines condi-tions, déboucher sur d’autres équi-

libres économiques tout aussi performantsavec en solde encore moins de travail.Enfin, l’économie de capital réalisée dansla mécanisation peut éventuellement seretrouver en revenu supplémentaire ou êtreréinjectée dans d’autres besoins de l’ex-ploitation plus stratégiques afin d’amélio-rer la performance technique,d’optimiserl’utilisation de la main-d’œuvre ou de débou-cher sur des retours économiques com-plémentaires (achat de foncier,stockage,trans-formation,production de bioénergie...).

Des économies aussipour les collectivités et la société en généralCombien coûte la pollution de l’eau parles nitrates ? Si c’est en amont une perted’azote pour l’agriculteur, un gaspillaged’énergie avec production de gaz à effetde serre, c’est en aval une dépense maiscette fois supportée par la société afin derendre cette eau potable ou encoreramasser les algues des marées vertes. À

ces coûts directs, déjà très importants, ilconviendrait également d’ajouter descoûts écologiques difficilement quantifiablesmais bien réels.Combien coûte également l’érosion, lescoulées de boues ? C’est bien entendula perte de la meilleure partie du sol(argile, limon,MO et produits fertilisants)pour l’agriculteur, la création d’une hété-

TECHNIQUES CULTURALES SIMPLIFIÉES. N°36. JANVIER/FÉVRIER 2006 ● 25

TC

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Comparaison des coûts de production de troisapproches d’agriculture en situation de croisière

Comme le montre cette com-paraison réalisée avec deschiffres d’agriculteurs, et entreautres ceux de l’exploitation deS. Groff très engagé depuis denombreuses années dans l’agri-culture de conservation, lesemis direct intégré dans un sys-tème cohérent permet non seu-lement de réduire les coûts demain-d’œuvre et de mécanisa-tion mais également les dépensesd’engrais comme de produitsphytosanitaires. L’approche agri-culture biologique est égalementtrès efficace en matière deréduction de coûts de produc-tion mais la suppression des pro-

duits de synthèse est en grande partie compensée par plus de main-d’œuvre et de mécanisation pourun niveau de production largement inférieur. Au final et mise à part l’alimentation de marchés de nichesspécifiques et plus rémunérateurs « produits biologiques » l’agriculture de conservation ressort laplus intéressante économiquement tout en étant favorable en matière d’environnement. Mieux encore,au regard du bilan énergétique, de par ses coûts de mise en culture faibles et son niveau de produc-tion qui dépasse en moyenne de 8 % celui de l’agriculture conventionnelle, elle est sans conteste deloin la plus performante. Note : moyenne des coûts établie sur cinq ans en dollar par acre (1 acre = 0,4 ha).

405

268 280

Conventionnel Semis direct Biologique

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TravailMécanisationPhytosanitairesFertilisationSemis

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Coûts consécutifs aux oragesde septembre 1997

Commune du Tarn en coteaux molassiquesReprise de talus éboulés (6 euros HT/ml)+ Curage de fossés (2 euros HT/ml)+ réglage d’accotements (1 euro HT/ml)+ reprise d’empierrement (6 euros HT/ml).Facture totale pour réfection de quinze chemins ruraux : 34 280 euros HT.

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26 ● TECHNIQUES CULTURALES SIMPLIFIÉES. N°36. JANVIER/FÉVRIER 2006

rogénéité intraparcellaire et un manqueà gagner futur qui devra être compensépar plus d’intrants,de travail du sol et d’ir-rigation éventuellement. Ce coût, peutêtre approché au travers du prix du fon-cier (entre 1,5 et 2,5 euros/t) et équivautà une réduction de la surface cultivablede l’exploitation chaque année.Par contre,il est beaucoup plus difficile d’évaluerles surcoûts de production que cette pertede sol va engendrer durablement.À l’extérieur du champ, cette terre seraégalement une nuisance.En plus de pol-luer, elle va augmenter le coût du trai-tement de l’eau,elle va aussi contribuerau colmatage des fossés, des lacs et desréservoirs, voire entraîner des dégâts devoirie ainsi que la perturbation de nom-breux milieux naturels. Des étudesaméricaines et européennes estiment cecoût entre 2,5 et 3 euros/t de terre arra-chée.Sans aborder le dossier du réchauffementclimatique, combien coûtent les inon-dations ? Cette eau,qui au moindre orage,dévale les pentes,est encore une pure pertepour l’agriculteur et au-delà des aspectsdramatiques pour des personnes,c’est un

gouffre pour les collectivités, l’état et lesassurances.En complément et pour tenter d’endi-guer l’ensemble de ces problèmes, ondépense encore des fonds publicspour mesurer, encadrer et aménager eton fait supporter à l’agriculteur descontraintes environnementales etcharges supplémentairement qui vien-nent peser sur sa compétitivité, sans vrai-ment résoudre les soucis qui ten-draient même à s’accroître.

La gestion et la couverture du sol ontbeaucoup d’impact sur sa capacité àinfiltrer rapidement, stocker et ralentir lerelargage de l’eau vers les cours d’eau.Son pouvoir tampon peut être amélioré et celui-ci sera beaucoup plus efficace quen’importe quel aménagement. En effet,1 mm de pluie qui ne s’infiltre pasreprésente toute même 10 m3/ha de risquede ruissellement et environ 10 millionsde mètres cubes au sein d’un bassinversant moyen de 100 000 ha. Face à ceteffet multiplicateur et ce volume d’eau, oncomprend comment le mode de gestiondes sols peut soit aggraver soit fortementlimiter les risques d’inondation pour lesvilles et les habitations situées en aval.

Comparaison de rentabilité entre une culture de colza et la production d’intrants avec un couvert de légumineuse

Calcul de la marge colza (en €/ha)

Préparation avec Carrier de Väderstad 13,14Sous-solage de 25 % de la surface (≈ 23,66 euros/ha) 5,84Rouleau Cambridge 9,12Semis avec une partie en SD (Kuhn SD4000) 27,37Pulvérisation x 3 (≈ 9,12 euros/ha/passage) 27,36Épandage d’engrais x 2 (≈ 9,12 euros/ha/passage) 18,24Épandage d’antilimace sur 50 % de la surface 3,65Récolte 54,75Transport du grain à la ferme 5,11Séchage, stockage et manutention 9,85Total mécanisation (1) 174,43Semences (4 kg/ha de semence de ferme) 29,84168 kg de N et 50 kg de S 134,32Herbicides (fusillade, kerb, galera) 102,20Fongicides (sanction/folicur) 36,50Insecticides 7,30Antilimaces sur 50 % de la surface 5,50Total intrants (2) 315,66Charges financières (sur 50 % des charges à 6,5 %) 15,92Main-d’œuvre (2,5 h/ha x 17,52 euros) 43,80Total des autres charges (3) 59,72Coût de production global d’un hectare (1+2+3) 549,81Produit : 2,62 t/ha à 211 euros/t + bonus pour plus de 40 % d’huile (11,68€/t) 583,42Marge nette (avant assurance, foncier, taxes et autres charges de structure) 33,61Note : données réelles de l’exploitation de Jim Bullock pour la dernière campagne (conversion : 1 livre = 1,46 euro).

Calcul de la marge couvert de mélilot (en euro/ha)

Semis 20Semence 85Broyage et entretien 45Destruction 22Coût total du couvert 172Production de 200 kg de N 150Effet sous-solage 32Réduction désherbage sur culture suivante 20Gain de rendement sur culture suivante 45Impact positif global sur la rotation 30Production du couvert 277Marge nette (avant assurance, foncier, taxes et autres charges de structure) 105

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Couvert de mélilot la seconde année dusemis : biomasse, azote, structure etgestion du salissement sont uneproduction chiffrable à mettre au créditdu couvert.

Ces chiffres, issus d’une situation réelle et déjà trèsoptimisée en matière de travail du sol comme d’intrants,montrent la très faible rentabilité de beaucoup de cul-tures à partir du moment où l’ensemble des charges,et entre autres les charges de mécanisation, sont ven-tilées. Ce calcul fait aussi apparaître le poids des pas-sages de pulvérisation comme d’épandeur d’engraisqui peuvent être encore plus importants pour une cul-ture très exigeante comme le colza.En comparaison, la marge nette d’une jachère de légu-mineuse implantée en lieu et place du colza, en cré-ditant les produits potentiels, peut s’avérer plus ren-table si elle est correctement intégrée dans une rotation(hors couplage Pac). Aussi surprenant que cela puisseparaître, et dans un contexte de prix des céréales baspour des coûts d’intrants élevés, il peut être rentabled’économiser voire de produire une partie des intrantsplutôt que de chercher à couvrir tous les hectares avecdes cultures de vente.

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Ici, encore plus qu’ailleurs, le potentield’économie est important en reposi-tionnant le sol et sa qualité au centre denos systèmes. Un sol organisé et dyna-mique comme peut le développerl’agriculture de conservation maintientefficacement l’azote dans le profil sousforme minérale mais également sousforme biologique et organique. Cemême type de profil, grâce à la conser-vation d’un mulch et d’une couvertureà la surface, limite fortement voire peutstopper toute érosion même dans deszones assez accidentées.Enfin, ces sols performants sont égale-ment capables d’accueillir et d’infiltrerde grandes quantités d’eau qui pourraêtre utilisée pour les cultures et dont

l’excès s’écoulera beaucoup plus len-tement vers les rivières.Vu sous cet angle,l’environnement, l’agriculture et l’éco-nomie sont loin d’être en opposition.Et en revenant à une agronomie opé-rationnelle, il est possible de dévelop-per des solutions simples, efficaces,durables et surtout beaucoup plus éco-nomes pour tous.

Au regard de l’ensemble de ce dos-sier, la simplification du travail dusol est capable d’apporter d’im-portantes économies tout en sécu-risant les résultats techniques. Au-delà, l’agriculture de conservationavec son approche système débouchesur de nouvelles sources d’économie

de mécanisation mais également d’in-trants et ouvre la voie vers desconcepts novateurs productifs, auto-nomes et en prime très respectueuxde l’environnement.En opposition, toutes ces économiesau sein des exploitations peuvent setraduire directement par une pertede marché, un manque à gagner pourbeaucoup de filières périphériqueset c’est bien cet antagonisme d’intérêtsqui freine, aujourd’hui en France eten Europe, une grande majorité dela profession à favoriser et soutenirl’émergence d’une telle agriculture.Il est cependant urgent de s’engagervers ce type d’agriculture tant que lesagriculteurs ont encore les moyenset une garantie financière puisqueles résultats ne sont et ne serontjamais instantanés. Au-delà desintérêts individuels qui doiventêtre pris en compte, il faudra biencomprendre qu’il est de notredevoir, collectivement, de dévelop-per une agriculture performante,compétitive, mais également solvable,une agriculture novatrice et conqué-rante mais également stratégique qui,même si elle est plus économe, conti-nuera de consommer de manière plusraisonnée et cohérente d’autresformes d’équipements et d’intrants,tout en soutenant une économielocale et nationale dynamique.

Frédéric THOMAS

TECHNIQUES CULTURALES SIMPLIFIÉES. N°36. JANVIER/FÉVRIER 2006 ● 27

Sur les 82 millions d’hectares del’Union européenne (à 15), 13 millionssont classés très sensibles à l’érosionavec une perte moyenne d’environ16 t/ha/an. Cumulés, ils représententtout de même 208 millions de tonnesde terre qui partent, ce qui équivaut àune perte de 52 000 ha cultivableschaque année. De plus, sachant que lecoût de l’érosion, dans les parcellesagricoles comme en aval, est chiffré à5,2 euros/t de terre ou 85 euros/ha,l’ensemble de cette érosion entraîne uncoût par perte globale pour l’agricultureet la société de 1,1 milliard d’euros, soitpresque un tiers du budget de l’Europepour la recherche agronomique (calculsréalisés par F.Tebrügge, université deGiessen, Allemagne).