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Dossier : Qu’est-ce qu’un camp de concentration ? L’exemple du KL – Natzweiler Source : www.struthof.fr Dossier réalisé par l’équipe d’Histoire-Géographie du collège de Bastberg 1

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Dossier : Qu’est-ce qu’un camp de concentration ?

L’exemple du KL – Natzweiler

Source : www.struthof.fr

Dossier réalisé par l’équipe d’Histoire-Géographie du collège de Bastberg

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PLAN DU SITE DU STRUTHOF

PLAN-GUIDE DU SITE

Source : www.struthof.fr

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Introduction

Le KL-Natzweiler (appelé aussi « le Struthof ») est un camp de concentration qui appartient à

la nébuleuse concentrationnaire nazie. Ses spécificités et son histoire en font un camp à part.

Contexte historique :

Le KL-Natzweiler est un des instruments du système totalitaire nazi. Primo Levi, dans son livre

les Naufragés et les Rescapés, donne une définition claire de l’idéologie totalitaire :

« La pression qu’un État totalitaire peut exercer sur un individu est effrayante. Ses armes

principales sont au nombre de trois : la propagande, directe ou camouflée par l’éducation, par

l’enseignement, par la culture populaire ; le barrage opposé au pluralisme des informations ;

la terreur. »

L’histoire de l’Allemagne, de 1933 jusqu’à 1945 montre comment le pouvoir nazi met en

œuvre ces trois armes. Chez les nazis, la terreur est théorisée et exécutée d’une manière

implacable. Elle possède ses lieux – les camps de concentration – et ses victimes.

L’histoire du système concentrationnaire nazi distingue deux périodes. Dans un premier temps,

les camps constituent des instruments de répression – instruments aux mains du seul RSHA

(Reichssicherheitshauptamt : Office central de la sécurité du Reich qui regroupe toutes les

polices du Reich et qui est contrôlé par la Schutzstaffel, « échelons de protection » : la SS).

Dès les années 1937-1938, et surtout en 1942, à la fonction répressive des camps s’ajoute une

fonction économique, au service non seulement de la SS, mais de l’ensemble de l’économie

allemande. Le SS-WVHA (Wirtschaftsverwaltungshauptamt : Office central de l’administration

économique de la SS) l’emporte sur le RSHA. Le SS-WVH est créé début 1942 pour

regrouper la branche administrativo-économique de la SS : les branches chargées des

questions de construction et d’approvisionnement, les entreprises économiques de la SS, et

l’inspection des camps de concentration, l’IKL. Cet organisme est dirigé par, Oswald Pohl,

l’éminence grise économique d’Himmler (chef des SS, nommé Reichsführer-SS, « chef

suprême », le 6 janvier 1929 par A. Hitler)

Ainsi, le camp du Struthof, comme les autres camps de concentration du IIIè Reich, sont, en

1942, placés au cœur d’un projet plus vaste, d’ordre économique, qui met en jeu l’ensemble des

acteurs de l’économie allemande (État et grandes entreprises) tout en conservant leur raison

d’exister : la répression. Les camps de concentration sont replacés dans le cadre d’un pays et de

son économie, entièrement tournées vers la guerre totale et dont les coordinateurs ne sont plus

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seulement Heinrich Himmler et Oswald Pohl, mais aussi Albert Speer (architecte en titre du IIIè

Reich, nommé en 1942 ministre des armements et de la production de guerre). Enfin, précisons

que l’économie du IIIè Reich n’a pas pu fonctionner sans l’apport des travailleurs forcés,

composés de prisonniers de guerre, de travailleurs d’Europe de l’Est, des ouvriers du STO

(Service du travail obligatoire) et des détenus des camps de concentration.

Spécificités du camp :

Dans la nébuleuse concentrationnaire nazie, le KL (Konzentrationlager : « camp de

concentration ») de Natzweiler présente plusieurs spécificités. Situé en Alsace, annexée de fait

entre 1940 et 1945, il présente la particularité d’être le seul camp de concentration nazi

implanté sur le territoire français actuel. Il est ouvert en 1941, plus tardivement que les

autres grands KL, créés pour la plupart entre 1933 et 1939.

Le KL-Natzweiler développe dès 1943, après les années de création et d’installation (1941-

1942), deux fonctions qui ne sont pas communes à l’ensemble des camps : la déportation NN

(Nacht und Nebel : Nuit et Brouillard) et les expérimentations médicales, faites en liaison avec

la Reichsuniversität de Strasbourg.

Si la déportation NN, en particulier, lui permet de conserver sa fonction politico-répressive

jusqu’en 1944, le passage à la fonction économique s’impose ici définitivement plus

rapidement qu’ailleurs. Enfin, au mois de septembre 1944, le KL-Natzweiler est le premier

camp de concentration nazi évacué de son site principal, sans toutefois cesser d’exister, ce

qui lui confère une autre originalité.

La chronologie impose donc que l’on distingue la période « classique » d’un camp qui développe

des fonctions économiques à partir de différents kommandos extérieurs, et celle, inédite, d’un

KL qui n’a plus de camp souche, mais continue néanmoins de recevoir des détenus et de

grandir en créant des kommandos, jusqu’au mois d’avril 1945.

Qualifié de « petit camp » par l’un de ses commandants, Josef Kramer, il compte tout de même

70 kommandos extérieurs et ses conditions de vie sont très difficiles. En effet, le KL-

Natzweiler est un des plus meurtriers des camps du système concentrationnaire nazi.

Le complexe du Struthof voit défiler près de 52 000 détenus, issus des quatre coins de

l’Europe . Ces détenus sont des « préventifs », des politiques (NN), des Tziganes et des Juifs

transformés en cobayes humains, et des « Juifs-au-travail » arrachés aux ghettos de Pologne,

évacués des grands camps de l’Est.

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Le site du Struthof

Source : Google Earth

I. Le KL-Natzweiler : un camp de concentration nazi

1. Le système concentrationnaire nazi en Europe (voir le forum, à droite du hall

d’entrée dans le Centre européen du déporté résistant)

Source : h ttp://www.crdp-strasbourg.fr/cddp68/resistance/suj_carte.jpg

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2. Du Struthof au KL- Natzweiler

L’Alsace est annexée de fait par les nazis en juin 1940. L’Allemagne de 1940 n’est plus celle

de 1870-1918. L’Alsace est désormais englobée dans le Gau (province du IIIè Reich) de

Bade – dont le Rhin constitue l’artère centrale. La partie alsacienne du Gau doit voir

disparaître à marche forcée toute trace d’influence française. Pour appuyer cette politique

de germanisation à outrance et permettre la nazification de l’Alsace, le camp de

rééducation (Erziehungslager) et de sécurité (Sicherungslager) de Schirmeck-Vorbruck, est

ouvert dès juillet 1940 dans la vallée de la Bruche. Dirigé jusqu’à la fin de la guerre par Karl

Buck, ce camp destiné à recevoir les Alsaciens et les Mosellans récalcitrants – ou estimés tels

– a profondément et durablement marqué la mémoire collective d’une région ballottée entre

France et Allemagne depuis 1871. Sa population, immatriculée et strictement classée, est

principalement constituée d’Alsaciens-Mosellans mais aussi, à partir de 1942, de

prisonniers de guerre venus d’autres pays européens. Ce camp se compose de baraques avec

une enceinte barbelée (mais non électrifiée) et des miradors. Les gardiens sont pour la plupart

des SS.

Photographies

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Source : www.struthof.fr

En 1940, l’architecte officiel du IIIè Reich, A. Speer, montre un vif intérêt pour le granit rose

(très rare) à proximité du village de Natzweiler. L’ingénieur géologue le colonel SS Karl

Blumberg est alors chargé de choisir l’endroit où le camp de concentration pourra être construit.

Le travail forcé des prisonniers permettra d’extraire le granit des carrières environnantes. Le

granit rose servira à l’édification de monuments et de palais à la gloire du IIIè Reich.

Un premier détachement SS arrive en avril 1941, des baraquements sont installés autour de

l’hôtel Le Struthof pour abriter les bureaux, les véhicules SS, les hommes et les matériaux. Les

premiers déportés (150 déportés allemands et autrichiens de Droits communs) arrivent

dans deux convois en provenance de Sachsenhausen, les 21 et 23 mai 1941. Ils construisent

les premières baraques du KL-Natzweiler. Devenu zone interdite, le camp est achevé en octobre

1943. Une route de 8 km partant de la gare de Rothau est également construite pour accéder

au camp. Elle sera empruntée par de nombreux prisonniers. La construction du camp en

terrasses, avec des outils rudimentaires, à 800 mètres d’altitude, se poursuit après la date

officielle d’ouverture du camp le 1er mai 1941. Les prisonniers transportent à dos d’homme tous

les matériaux sur un dénivelé de 100 mètres et une montée de 12%.

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3. Le KL-Natzweiler

Carte du camp du KL-Natzweiler

Source : Steegmann Robert, Struthof. Le KL-Natzweiler et ses kommandos : une nébuleuse concentrationnaire des deux côtés du Rhin1941-1945, Strasbourg, Éditions La Nuée Blue/DNA, 2005.

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4. Les camps annexes du KL-Natzweiler

Cartes des kommandos du KL-Natzweiler

Source : R. Steegmann, op. cit.

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Conclusion

Construit après l’annexion de l’Alsace et de la Moselle au IIIè Reich, le KL-Natzweiler est

ouvert en mai 1941. Deux types de détenus arrivent au camp : ceux qui viennent d’un lieu de

détention situé hors du système concentrationnaire nazi (camp de transit, d’internement ou

prison) et ceux qui sont transférés d’un autre camp. En majorité, ils arrivent par convois,

composés d’un nombre variable d’hommes ou de femmes, entassés dans des wagons de

chemin de fer prévus pour 40 hommes ou huit chevaux. Seuls les convois de NN semblent

limités en nombre, ne dépassant que très rarement les 70 détenus.

II. La vie quotidienne au KL-Natzweiler

1. L’administration du camp

La structure hiérarchique est la même d'un camp à l'autre. Le fonctionnement du KL-

Natzweiler est assuré par environ 80 officiers, sous-officiers et hommes de troupes autour

du commandant du camp et de son adjoint. Environ 250 SS en tout y sont affectés pendant

le conflit. À partir de la mi-1942, chaque camp de concentration est rattaché au « Reichsführer

SS » Heinrich Himmler par l'intermédiaire du « Service D » de l'Office central SS de gestion

économique.

Le service de garde des KL incombe à la garnison SS constituée (au début) exclusivement des

membres des unités SS-Totenkopf (« tête de mort »). Après le déclenchement du conflit, la

plupart des SS « têtes de mort » sont intégrés dans la Waffen SS. La garde des camps dépend

désormais des Waffen-SS. Néanmoins, l’augmentation des effectifs concentrationnaires et

les impératifs de guerre obligent à recruter le personnel des gardiens dans d’autres unités

de la SS. À partir de 1944, les gardiens du KL-Natzweiler représentent un ensemble très

hétéroclite, dans lequel les SS-Totenkopf ne sont pratiquement plus représentés : soldats de la

Wehrmacht ou Waffen-SS blessés au front et envoyés en « convalescence » pour surveiller

les camps, soldats de la Luftwaffe et de plus en plus de réservistes.

Les gardiens sont souvent extrêmement brutaux envers les détenus, reproduisant ainsi la

violence qu’ils ont subie sur le front ou dans leur compagnie.

Pour plus d’efficacité, la SS s’appuie sur la délégation d’une partie de son pouvoir à des

détenus. Les raisons de cette pratique tiennent d’abord à la faiblesse des effectifs du personnel

SS. Allant et venant entre le camp et leurs lieux de travail, les détenus des KL doivent être

encadrés et surveillés en permanence en de multiples endroits. La totalité des effectifs n’est

présente dans le camp que lors des appels du matin, du soir et pendant la nuit. Aussi faut-il

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déléguer une partie des tâches aux détenus eux-mêmes, pour l’administration, le maintien de

l’ordre et la répression : on appelle ces détenus les Kapos : néologisme qui viendrait de

l’abréviation des mots allemands « Ka(merad) » et « Po(lizei) », « camarade policier ». Un

deuxième pouvoir s’instaure donc chez les détenus. Cela peut paraître paradoxal de déléguer

temporairement un pouvoir de répression à certains membres d’une collectivité, dont le système

concentrationnaire cherche par ailleurs à annihiler tout capacité à réagir et à s’individualiser.

Cette pratique, toutefois, s’appuie sur des mécanismes psychologiques assez simples. En

distinguant quelques individus d’une masse que l’on veut amorphe, docile et en leur donnant des

avantages très temporaires, le règne de l’arbitraire s’établit contre toute rationalité.

L’instauration de ces « prisonniers-fonctionnaires », selon l’expression de Primo Levi, amène à

créer cet « ennemi nouveau et étrange » formant dans le camp une catégorie hybride et en même

temps un élément des plus inquiétants. Tous les totalitarismes ont mis en pratique ce système

implacable (cf. le Goulag soviétique), qui veut que « plus l’oppression est dure, et plus la

disponibilité à collaborer avec les oppresseurs est répandue parmi les opprimés » (Primo Levi

dans Les Naufragés et les Rescapés).

Au KL-Natzweiler, les SS recrutent les Kapos parmi les Droits communs et les asociaux, de

préférence aux prisonniers politiques, dont ils se méfient. Majoritaires jusqu’au milieu de 1942,

les Droits communs voient leur proportion diminuer, et devenir marginale à partir de 1944 mais

ils restent prioritaires pour les postes de la hiérarchie internée. Droits communs et asociaux

monopolisent des fonctions répressives et de maintien de l’ordre. L’utilisation des Droits

communs présente un certain nombre d’avantages. Par exemple, sortis de prison, ils peuvent

trouver dans cet univers nouveau reconnaissance et promotion, assortie d’avantages

matériels simples. Ils en tirent alors une certaine fierté et, pour garder ces avantages, se

transforment en serviteurs zélés et efficaces du régime hitlérien. Ainsi les SS tirent profit du

parcours antérieur de ces hommes condamnés pour crimes de sang, dont l’aptitude au meurtre

et l’habitude de la violence, dès avant leur entrée au camp, les distingue des « hommes

ordinaires ».

Enfin, à la tête de l’auto administration des détenus sont placés les doyens et secrétaires du

camp : cinq détenus choisis parmi les premiers arrivés au camp.

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2. La déshumanisation des déportés

Dans tous les camps, les déportés sont placés dans des catégories, en fonction de leur

nationalité, de leur origine, du motif de leur déportation.

Les insignes des différentes catégories de détenus à Natzweiler

Source : R. Steegmann, op. cit.

Les déportés sont entraînés dans un processus de destruction et de déshumanisation qui les

conduit à la mort. La première épreuve à laquelle ils se trouvent confrontés, après leur

admission au camp, est l'appel. Au moins deux fois par jour, les SS comptent et recomptent

les déportés vivants ou morts. Les vivants doivent attendre dehors par tous les temps, pluie,

neige, vent, forte chaleur, le droit de regagner leur baraque ou le départ en kommando de travail.

Sous-alimentés, la faim devient une obsession. Les déportés finissent par envier le contenu

des gamelles des chiens des SS.

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3. Le travail

Forçats au service du IIIe Reich, les prisonniers travaillent le jour de 6 heures à 18 heures

ou la nuit de 18 heures à 6 heures. L'immense majorité d'entre eux travaille à la carrière, à

l'extraction de pierres ou de gravier. À partir de la fin de l'année 1942, ils sont affectés à la

réparation de moteurs d'avion pour l'armée de l'air allemande (Luftwaffe). Mi-1943, les

déportés NN commencent à construire la Kartoffelkeller (cave à pommes de terre), nom de

code d'un bâtiment en béton semi-enterré. À ce jour, aucun document ne permet d'attester de

l'utilisation prévue pour ce bâtiment.

Le matin, avant l'appel, ils effectuent une toilette sommaire autour de lavabos en nombre

insuffisant. Le soir, au retour du travail, ils regagnent leur block où ils reçoivent leur maigre

ration, dormant entassés dans des châlits en bois. Leurs seuls liens avec le monde extérieur

sont parfois des lettres et des colis, pour ceux qui y ont droit.

4. Les sévices, la maladie et la mort

Un décompte précis des décès est impossible. Seule une estimation est envisageable et

acceptable. La mortalité concentrationnaire est très difficile à comptabiliser car les décès ont

souvent été volontairement sous-enregistrés. Dans tous les KL, la pratique est courante de ne

pas révéler l’ampleur exacte du nombre de morts, en particulier lorsqu’ils deviennent plus

nombreux. L’élimination des morts de la statistique passe par la capacité autonome d’effacer les

traces physiques de la mort – et de la présence au camp – en se dotant d’un four crématoire.

Dans le KL-Natzweiler, les sévices, les maladies, l'épuisement et la mort représentent le

quotidien des déportés. Ils souffrent de blessures dues aux coups que leur administrent les

Kapos et les SS, ainsi que des morsures des chiens dressés pour les attaquer. Ils peuvent

également être punis et condamnés à des coups de fouet sur le chevalet de bastonnade ou à

une peine d'enfermement dans le bunker situé dans le bas du camp. Squelettiques, épuisés,

blessés, malades, sans soins, qu'ils soient ou non admis à l'infirmerie, beaucoup meurent.

À Natzweiler, le taux de mortalité était de 40% ; dans les camps annexes, il pouvait atteindre

80%.

Les déportés ayant tenté une évasion ou simplement soupçonnés de tentative d'évasion

encouraient la peine de mort : la pendaison ou le peloton d'exécution.

La Gestapo de Strasbourg utilise aussi le camp comme lieu d'exécution. Ainsi, en 1943,

treize jeunes gens originaires de Ballersdorf dans le Haut-Rhin sont fusillés à la carrière

pour avoir refusé leur incorporation dans la Wehrmacht et tenté de quitter la zone annexée. En

septembre 1944, peu avant l'évacuation du camp, des membres du réseau de résistance

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« Alliance » et des maquisards des Vosges sont amenés au camp pour y être exécutés. Tous

finissent dans le four du bloc crématoire.

Le KL-Natzweiler a aussi été un lieu d’expérimentations pseudo « médicales » ou

« scientifiques ». Les principaux auteurs et coupables de ces expérimentations sont : August

Hirt , professeur d'anatomie de renommée internationale, Otto Bickenbach, professeur de

médecine, spécialiste des gaz de combat et Eugen Haagen, virologiste, découvreur d'un vaccin

contre le typhus qui lui valut d'être inscrit sur la liste des candidats au prix Nobel de médecine en

1936.

Hirt procède à des expériences sur l'ypérite - gaz moutarde - et projette de constituer une

collection de squelettes à partir des corps des 86 Juifs déportés d'Auschwitz ; Bickenbach

mène des expérimentations sur le gaz phosgène et Haagen poursuit ses travaux sur les effets du

typhus.

Mais au KL-Natzweiler, les déportés ne sont pas gazés de manière systématique, ni à la

suite de sélections de masse.

La chambre à gaz est construite en 1943, par le commandant du camp, Josef Kramer, à la

demande des professeurs de médecine nazis de l'Université du Reich à Strasbourg afin de

procéder à des expériences médicales. La chambre à gaz est aménagée dans une petite pièce de

9 m2 à l'intérieur de l'ancienne salle des fêtes de l'auberge du Struthof, déjà réquisitionnée

pour les troupes SS.

Du 14 au 21 août 1943, 86 déportés juifs provenant du camp d'Auschwitz y sont gazés ;

leurs corps devaient servir à établir une collection de squelettes pour le professeur August

Hirt , directeur de l'Institut d'anatomie de l'Université du Reich de Strasbourg.

La chambre à gaz sera également utilisée pour l'étude de nouveaux gaz. Des déportés,

principalement tziganes, y servent de cobayes.

À partir du printemps 1943, le KL-Natzweiler devient ainsi l’un des lieux

« d’expérimentations médicales » de l’Allemagne nazie et de la SS. Des médecins universitaires

sont utilisés pour ces expérimentations.

Le KL-Natzweiler n’est pourtant pas une exception. Tous les autres KL pratiquent des

expériences pseudo-médicales.

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Conclusion

La vie dans le camp est très difficile. Les humiliations, les coups et les conditions de vie sont

insupportables. L’estimation du nombre des décès est proche de 19 000 à 20 000 détenus au

KL-Natzweiler, soit 40% des effectifs. Cette mortalité qui, dans son chiffrage affiné, reste

largement sous-estimée, connaît des variations chronologiques liées à l’histoire du camp. Elle

augmente régulièrement, avec des pics en 1942 et à partir de 1944, avant de se transformer

en hécatombe durant les sept derniers mois de fonctionnement du camp. Par ailleurs, il faut

distinguer les décès survenus au camp principal (environ 3 000) et ceux des kommandos

largement plus nombreux. Le camp-souche de Natzweiler reste un lieu très meurtrier , avec

des décès à la fois « naturels » et « non naturels » (gazages, expérimentations médicales et

exécutions). Enfin, l’influence des marches forcées (appelées aussi les « marches de la mort »)

sur la mortalité est effroyable .

KL Taux de mortalitéStutthof 66,5%

Auschwitz 57%Mauthausen 52,5%

Neuengamme 50%Sachsenhausen 42%

Struthof 40%Bergen-Belsen 40%Buchenwald 25%

Dachau 33%Source : R. Steegmann, op. cit.

Ces chiffres (à prendre avec prudence) permettraient de placer le KL-Natzweiler au même

rang que Sachsenhausen (plus ancien) et que Bergen-Belsen, immédiatement après les KL les

plus meurtriers que sont Stutthof et Auschwitz I et III. Natzweiler figure donc en triste position

dans l’échelle des camps les plus durs.

Toutefois, il faut préciser que Natzweiler reste un camp de concentration, malgré la

mortalité considérable qu’il connaît, et malgré la présence d’une chambre à gaz (qui existe aussi

dans certains KL). Si extermination il y a, c’est par les conséquences du travail, de l’usure, du

non-respect des droits élémentaires de la personne humaine, et non à la suite de la mise à

mort planifiée et systématique de groupes entiers.

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III. La fin du camp et sa transformation en lieu de mémoire

1. L’évacuation

Dans les premiers jours de septembre 1944, devant l'avancée des armées alliées, les nazis

décident d'évacuer le camp principal, la plupart des déportés étant transférés vers Dachau.

Pourtant, les annexes du camp (les kommandos) vont continuer à fonctionner. C’est une des

nombreuses originalités du camp du Struthof. Au moment de l’évacuation, Natzweiler compte 6

050 détenus, dont 1 200 malades.

Seuls quelques-uns restent à Natzweiler sous la garde d'un petit nombre de SS. Le 23 novembre,

jour de la libération de Strasbourg, l'armée américaine pénètre dans le camp, premier

témoignage de l'univers concentrationnaire nazi découvert par les Alliés à l’Ouest de l’Europe.

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Source : R. Steegmann, op. cit.

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2. Les procès

Plusieurs procès concernent les nazis qui ont exercé au KL-Natzweiler : les procès de Wuppertal

(mai-juin 1946), de Lunebourg (qui condamne à mort Josef Kramer en 1945), Rastatt, qui

concerne principalement les kommandos extérieurs du camp et le « procès du Struthof », qui se

déroule à Metz en 1954, concerne le camp-souche.

Source : R. Steegmann, op. cit.

Les professeurs de médecine nazis Bickenback et Haagen, qui ont réalisé des expériences sur des

déportés au camp de Natzweiler-Struthof sont interrogés à Nuremberg dans le cadre du procès

des médecins SS. Le 21 août 1947, 16 médecins nazis y sont reconnus coupables. 7 sont

condamnés à mort, dont les docteurs Brandt et Sievers, leurs supérieurs hiérarchiques, qui sont

exécutés.

Bickenbach et Haagen sont alors emprisonnés en France. En 1952, le Tribunal militaire de

Metz les condamne aux travaux forcés à perpétuité. En 1954, le jugement est cassé. Le

Tribunal militaire de Lyon transforme la peine en 20 ans de travaux forcés. Ils sont tous

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deux libérés en 1955 et retournent en Allemagne. Le professeur Hirt, qui s'est suicidé en juin

1945, sera condamné à mort par contumace .

3. Un lieu de mémoire

Plusieurs événements marquants se sont déroulés sur le site depuis la fin de Deuxième conflit

mondial. En 1954, le préfet de la République Paul Demange fait détruire les baraques du

KL-Natzweiler .

En 1960, le Général Charles De Gaulle, président de la République, inaugure le Mémorial

« aux martyrs et héros de la déportation » et la nécropole nationale au Struthof. Ce mémorial

rappelle le sacrifice de milliers de déportés morts dans les camps de concentration de

l’Allemagne nazie sans distinction nationale, religieuse ou philosophique. Remarquons

cependant que la nécropole est, quant à elle, exclusivement consacrée à des déportés politiques

français. 1 114 déportés morts dans différents camps de concentration ont été transférés et

réinhumés au Struthof entre 1957 et 1962. La majorité d’entre eux étaient de confession

catholique d’où la présence des croix.

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Source www.struthof.fr

Enfin, le Centre européen du résistant déporté (CERD) est un lieu de mémoire et de culture.

C’est un grand bâtiment de béton aux lignes épurées recouvert de pierres sombres, conçu par

l'architecte Pierre-Louis Faloci. Il accueille le visiteur sur le site de l'ancien camp de

concentration de Natzweiler.

Inauguré le 3 novembre 2005 par le Président de la République française de l’époque, Jacques

Chirac, le CERD rend hommage à ceux qui, partout en Europe, ont lutté contre l'oppression. Il

est le vecteur de l’histoire et de la mémoire de la déportation et des Résistances européennes.

Conçu comme un lieu d'information, de réflexion et de rencontre, le Centre européen du résistant

déporté, avec ses 2 000 m2 de surface d'exposition, est une introduction à la visite du camp lui-

même. Le CERD est érigé au-dessus de la Kartoffelkeller, cave en béton armé, construite par les

déportés, transformée en salle d’exposition permanente.

Le Centre européen présente l'histoire des Résistances qui, dans toute l'Europe, se dressèrent

contre la domination fasciste et nazie et montre l’implacable organisation de mise à mort du

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système concentrationnaire nazi.

Source : www.struthof.fr

Conclusion

Le KL-Natzweiler est évacué avant l’arrivée des Alliés en Alsace en novembre 1945. Les procès

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organisés après la guerre s’efforcent de juger et de condamner les nazis ayant exercé dans le

camp. Puis, progressivement, le site se transforme en un lieu de mémoire. Le mémorial,

dédié « aux martyrs et héros de la déportation » et la nécropole nationale sont inaugurés en

1960 par le Général De Gaulle. À l’automne 2005, le Centre européen du résistant déporté

est inauguré par le président J. Chirac. Ce centre rappelle le sens de l’engagement résistant

et évoque l’histoire des Résistances à travers l’Europe. Enfin, le musée du Struthof, installé

à l’intérieur d’une baraque du camp a été entièrement rénové. Il est consacré à l’histoire

du camp.

Conclusion générale

Le camp de Natzweiler n’est qu’un élément du système concentrationnaire nazi, destiné – avec

les ghettos, les centres d’euthanasie et les camps d’extermination, de travail, de sécurité ou de

redressement – à servir les intérêts politiques et économiques d’un régime totalitaire fondé

sur une idéologie raciale qui a déclaré la guerre à la démocratie et aux droits de l’Homme.

Ouvert tardivement (en mai 1941), à proximité d’une carrière de granit que la SS souhaite

mettre en exploitation, le KL-Natzweiler reste jusqu’au milieu de 1943 un petit camp, au

regard d’immenses complexes comme Buchenwald, Sachsenhausen, Mauthausen ou Dachau. La

population internée dans ce camp (jusqu’en septembre 1942) augmente lentement et n’est

constituée que de détenus transférés d’autres KL. Les liens particuliers entretenus dès le

départ avec le KL-Dachau sont maintenus jusqu’au terme de la guerre. À partir de la fin de

1942, le camp reçoit une population plus nombreuse et plus internationale.

Dès sa création, le KL-Natzweiler figure parmi les plus durs du système concentrationnaire

nazi. Sa construction et son aménagement, réalisés dans des conditions particulières liées à

l’altitude, au climat et à la topographie, causent une très importante mortalité, aggravée par le

mépris affiché envers les détenus par le pouvoir SS, efficacement secondé par des Kapos. La

construction du camp, de la route et de la carrière entraînent les premiers pics de mortalité en

1942. À la fin de cette année, le camp commence à développer des fonctions économiques, à

côté de celles, ancienne et classique, de camp de répression systématique. La répression

classique s’exerce à partir de juin 1943 à l’encontre des détenus de l’Ouest classés NN, et

particulièrement des NN français arrivés en juillet, qui sont soumis à un régime de terreur

particulièrement intensif (construction de la « Kartoffelkeller » effectuée dans des conditions

très dures).

Devant l’échec de la stratégie de la « guerre éclair » et devant la tournure que prend le combat

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contre l’URSS, l’économie du Reich est tout entière réorientée sur la production de guerre

et la fabrication d’armes nouvelles. Cette réorganisation – où chacun veut sa part, Speer,

Himmler, Goering, les industriels – a pour conséquence le développement de la politique de

travail forcé dans les pays conquis. Face à la pénurie sur le marché du travail en Allemagne, les

camps de concentration deviennent l’un des principaux réservoirs de main-d’œuvre pour

assurer la victoire du régime nazi.

À partir de 1943, et surtout 1944, l’effectif enregistré à Natzweiler ne cesse d’augmenter.

Le camp devient la pièce centrale d’un réseau de kommandos extérieurs, qui atteint le

nombre de 70. Ce vivier de main-d’œuvre apporte très peu de rendement et de productivité.

La gestion de la main-d’œuvre des camps est davantage administrative qu’économique. Si

l’on peut vraiment douter de l’apport réel des concentrationnaires à la production du Reich, en

revanche les conséquences du travail sur les hommes sont terribles ; le taux de mortalité

explose.

Au total, que ce soit dans le camp principal (engorgé de détenus en septembre 1944) ou dans

l’ensemble éclaté de kommandos, le travail, les épidémies, l’absence de soins et l’entassement

débouchent sur un bilan effroyable. Sur une population internée de près de 52 000 détenus,

les décès atteignent certainement plus de 40 %, toutes périodes et toutes catégories

confondues.

Enfin, l’horreur s’exprime surtout à partir de 1943, avec l’utilisation du camp à des fins

expérimentales par trois éminents professeurs de médecine de la Reichsuniversität de

Strasbourg.

En novembre 1944, le 7è régiment du VIè corps de l’armée américaine prend possession du

camp-souche. C’est le premier camp nazi à tomber entre les mains des Alliés. Jusqu’en 1948,

le site du camp sert de centre pénitentiaire pour les collaborateurs.

Les années 1950 transforment progressivement le camp en un lieu national de la mémoire et de

la déportation. C’est aujourd’hui un espace de réflexion sur la mémoire et sur la préservation

des valeurs essentielles de l’humanité : le respect de la personne humaine et ses droits

fondamentaux. Surtout, il témoigne des atrocités qui peuvent être commises au nom d’une

idéologie.

À travers ce camp et son histoire, il apparaît que ce « court XXè s. » (expression de l’historien

Eric J. Hobsbawn) est bien le siècle le plus violent et le plus brutal de toute l’Histoire.

Document annexe

Chronologie sommaire du KL-Natzweiler

- 1940 : A. Speer montre un vif intérêt pour le granit rose (très rare) découvert à proximité du

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village de Natzweiler. L’ingénieur géologue allemand Karl Blumberg est alors chargé de choisirl’endroit où le camp de concentration pourra être construit. Le travail forcé des prisonniers permettrad’extraire du granit dans les carrières environnantes, granit qui servira à l’édification de monuments etde palais à la gloire du IIIè Reich. Blumberg choisit le versant Nord de la colline du Struthof ets’installe début septembre 1940 dans l’hôtel, Le Struthof, réquisitionné.

- 1941 : en mars, décision de l’ouverture du KL-Natzweiler par Himmler . Un premier détachementSS arrive en avril 1941, des baraquements sont installés autour de l’hôtel Le Struthof pour abriter lesbureaux, les véhicules SS, les hommes et les matériaux. En mai 150 détenus allemands et autrichiensde droit commun (triangle vert), venus du KL-Sachsenhausen, sont amenés sur le site pourconstruire le camp. Une route de 8 km partant de la gare de Rothau est également construite pouraccéder au camp. Elle sera empruntée par de nombreux prisonniers. La construction du camp en terrasses,avec des outils rudimentaires, à 800 mètres d’altitude, se poursuit après la date officielle d’ouverture ducamp le 1er mai 1941. Les prisonniers transportent à dos d’homme tous les matériaux sur un dénivelé de100 mètres et une montée de 12%.

- 1942 : en février, installation dans les premières baraques du camp. En mars, création dukommando de travail de la carrière. Le 4 août, évasion de 5 déportés du camp central : seul exempled’évasion réussie, 1 des déportés est repris et pendu le 5 novembre. En septembre, changement destatut du camp, il peut désormais recevoir des déportés directement de prisons et des polices et nonsimplement d’autres camp de concentration comme c’était le cas jusque-là. En décembre, ouverture dupremier camp annexe du Struthof à Obernai. Fin 1942, début des expériences pseudo « médicales ».

- 1943 : le nombre de déportés triple. En février, 13 jeunes de Ballersdorf (Haut-Rhin), réfractairesà l’incorporation de force, sont fusillés. En avril, installation d’une chambre à gaz. En juin, arrivéedes premiers déportés NN (français, norvégiens et belges). Ils subissent des traitements particulièrementcruels auxquels nombre d’entre eux ne résistent pas. Contrairement aux autres prisonniers, leurs prochesne savent pas où ils se trouvent et ne peuvent envoyer ni courrier, ni colis. Les NN n’ont accès àl’infirmerie qu’en septembre 1943. Début des travaux de construction de la Kartoffelkeller. En août,gazage de 86 Juifs dans une ancienne dépendance de l’hôtel du Struthof à des finsd'expérimentations pseudo scientifiques du Pr Hirt. En octobre, dernière étape dans la constructiondu camp : installation du block du four crématoire. En décembre, ouverture des camps annexes liés àl’industrie de guerre, le premier à Schömberg.

- 1944 : le 6 juillet, exécution de 4 résistantes du SOE (Special Operations Executive : ) par injection. Enaoût, le camp est saturé, l’effectif du camp représente plus du triple de sa capacité d’accueil. Les 1er-2septembre, 107 membres du réseau de résistance "Alliance" et 35 membres du Groupe MobileAlsace - Vosges amenés par camions sont exécutés au camp. Les 2-20 septembre, évacuation ducamp principal par les nazis vers Dachau et Allach. 11 novembre, transfert de l'administration ducamp à Guttenbach. Après l'évacuation du camp central, les camps annexes situés à l’est du Rhincontinuent de fonctionner. Le 23 novembre, le Kl-Natzweiler est le premier camp de concentrationdécouvert par les Alliés à l’ouest de l’Europe.

- 1945-1948 : le site du camp se transforme en lieu de détention pour les collaborateurs.

- 1954 : décision de raser et de brûler la plupart des baraques du camp, de façon à ne conserver que lecrématoire, le Revier (l’infirmerie), les cuisines des prisonniers, la baraque n°1 (transformée en musée),les miradors et l’enceinte de barbelés.

- 1960 : inauguration du Mémorial par le Général De Gaulle.

- 1976 : le musée est totalement détruit dans un incendie criminel perpétré par des négationnistes néo-nazis. Il est reconstruit selon les plans d’origine.

- 1995-1996 : des slogans nazis sont inscrits sur la chambre à gaz et dans le livre d’or du musée par des

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skinheads.

- 2005 : le 3 novembre 2005, Monsieur Jacques Chirac, Président de la République française,inaugure le Centre européen du résistant déporté (CERD), 45 ans après l'inauguration par le généralDe Gaulle, alors Président de la République française, du Mémorial aux martyrs et héros de ladéportation..

Bibliographie

A) Ouvrages spécialisés

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- Arendt Hannah, Les Origines du totalitarisme (The Origins of Totalitarianism), 3 volumes

(Antisemitism, Imperialism, Totalitarianism), 1951 ; nouvelles éditions en 1958, 1966, 1973.

Traduction française en trois ouvrages séparés :

1 Sur l’antisémitisme, traduction par Micheline Pouteau (1973) révisée par Hélène Frappat,

Le Seuil (collection « Points / Essais », nº 360), 2005

2 L’Impérialisme, traduction par Martine Leiris (1982) révisée par Hélène Frappat, Le Seuil

(collection « Points / Essais », nº 356), 2006

3 Le Système totalitaire, traduction par Jean-Louis Bourget, Robert Davreu et Patrick Lévy

(1972) révisée par Hélène Frappat (2002), Le Seuil (collection « Points / Essais », nº 307), 2005

- Bédarida François et Gervereau Laurent, (sous la direction de), La Déportation. Le système

concentrationnaire nazi, Nanterre, Musée d’Histoire contemporaine-BDIC, Éditions La

Découverte, 1995

- Boulanger Roger, La déportation racontée à des jeunes , Reims, CRDP de Champagne-

Ardennes, 2003 1

- Hobsbawn Eric J., L’Âge des extrêmes. Histoire du court XXè siècle , Éditions complexe, Paris

1999

- Kershaw Ian, Qu’est-ce que le Nazisme ? Problèmes et perspectives d’interprétation

(traduction), collection Folio Histoire n°83, Éditions Gallimard, 1997

- Steegmann Robert, Struthof. Le KL-Natzweiler et ses kommandos : une nébuleuse

concentrationnaire des deux côtés du Rhin 1941-1945, Strasbourg, Éditions La Nuée Blue/DNA,

2005

B) Œuvres littéraires autour de l’univers concentrationnaire

- Antelme Robert, L’Espèce humaine, Paris, Éditions Gallimard, 1957

- Kertész Imre, Seul sans destin , Paris, Éditions Acte Sud, 1998

- Littell Jonathan, Les bienveillantes, Paris, Éditions Gallimard, 2006

- Levi Primo, Si c’est un homme (traduction) , Paris, collection Pocket, 1990

- Levi Primo, Les Naufragés et les rescapés. Quarante ans après Auschwitz (traduction), Paris,

Éditions Gallimard, 1989

- Merle Robert, La mort est mon métier, Paris, Éditions Gallimard, 1976

- Klüger Ruth, Refus de témoigner, Éditeur Viviane Hamy, 1997

- Semprun Jorge, L’écriture ou la vie (souvenirs), Paris, Éditions Gallimard, 1994

- Soazig Aaron, Le non de Klara, Paris, collection Pocket, 2004

1 Les œuvres soulignées sont des œuvres qu’il faut avoir la curiosité de découvrir.

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- Spiegelman Art, Maus , Paris, Éditions Flammarion, 1998

- Wiesel Elie, La Nuit, Paris, Éditions de Minuit, 2007

C) Œuvres cinématographiques

- Benigni Roberto, La vie est belle , 117 mn, 1998

- Lanzmann Claude, Shoah, 570 mn, 1985

- Resnais Alain, Nuit et brouillard , 90 mn, 1955

- Rossif Frédéric, Meyer Philippe, De Nuremberg à Nuremberg , 240 mn, Éditions Montparnasse,

2004

- Spielberg Steven, La Liste de Schindler , 195 mn, 1993

D) Quelques sites internet

- www.struthof.fr

- www.ushmn.org (en anglais)

- www.yadvashem.org (en anglais)

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