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Raymond Hains Les noms des nouveaux réalistes éclatés au verre cannelé, 1960 4 ème de couverture du catalogue de l'exposition réalisée à la galerie Apollinaire, Milan, mai 1960 Dossier pédagogique Les Nouveaux réalistes : les affichistes [le langage] Musée des beaux-arts 20, quai Emile Zola – 35000 Rennes

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Raymond Hains Les noms des nouveaux réalistes éclatés au verre cannelé, 1960 4ème de couverture du catalogue de l'exposition réalisée à la galerie Apollinaire, Milan, mai 1960

Dossier pédagogique Les Nouveaux réalistes : les affichistes

[le langage]

Musée des beaux-arts 20, quai Emile Zola – 35000 Rennes

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Dossier réalisé en 2006

Nous remercions chaleureusement Madame Valérie Lagier ainsi que le FRAC Bretagne, qui, par la rédaction des notices d'œuvres et d'une partie des textes contenus dans ce dossier ont collaboré à la mise en place de cet outil pédagogique.

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SOMMAIRE

CONTEXTE HISTORIQUE

[ 04]

Dada La typographie Les affiches Les nouveaux réalistes Les éléments constitutifs du langage Chronologie LES SIGNATAIRES DE LA DECLARATION DU NOUVEAU REALISME

[ 12]

Yves Klein Arman Jean Tinguely Daniel Spoerri Martial Raysse François Dufrêne (biographie et textes) [ 18] Raymond Hains (biographie et textes) [ 26] Jacques Villeglé (biographie et textes) [ 34] NOTICES DES ŒUVRES DU MUSEE DES BEAUX-ARTS

[ 39]

. Jacques Villeglé, Les Nymphéas, 1957

. Raymond Hains, Affiches lacérées sur tôle, 1959

. Jacques Villeglé, Boulevard du Montparnasse, 1964

. François Dufrêne, Thé + odorat ... qui s’ébaudit ? - Nono !, 1973 OUTILS PEDAGOGIQUES

[ 44]

- Matériel pédagogique [ 45] Valise des mots (prêt à destination du Premier degré) Quatre panneaux de présentation (prêt à destination du Premier degré) Valisette " Les avant-gardes au XXe siècle " (prêt à destination du Second degré) - Animations proposées aux écoles maternelles et élémentaires [ 48] - Parcours-découverte " Le paysage urbain " destiné aux collèges et lycées [ 49] PROPOSITIONS PEDAGOGIQUES

[ 50]

A destination des écoles maternelles et élémentaires BIBLIOGRAPHIE - OUTILS MULTI MEDIA

[ 54]

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CONTEXTE HISTORIQUE

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Dada La guerre de 1914, par sa brutalité et son absurdité, provoque chez de nombreux artistes européens des réactions de violente contestation. Les formes classiques d'expression artistique se révèlent pour eux impuissantes à donner une vision du monde, alors bouleversé par la guerre. En 1916, des artistes, écrivains, musiciens se réunissent sous le nom de Dada, inventé par l'un d'eux, Tristan Tzara. Les premières rencontres ont lieu à Zurich au cabaret Voltaire. A la même période, New York devient aussi une ville d'accueil pour les dadaïstes. Dès la fin de la guerre, Dada essaime dans d'autres métropoles européennes : Berlin, Cologne, Hanovre, Paris. Tous ces artistes expriment par leurs œuvres un, même désir de puiser dans la réalité la plus banale, d'utiliser des matériaux ordinaires ou récupérés. Les limites entre les différents genres artistiques, peinture, sculpture, photographie, musique, écriture… volent en éclat. A l'image du chaos qui semble s'être emparé du monde occidental, la fragmentation des images, des matériaux, des mots et des sons devient élément de base de réalisations aux formes multiples : collages, assemblages, photomontages, installations, poèmes phonétiques. Enfin, le hasard et le non-sens interviennent largement dans la création des œuvres. Ecoutez " Dritter teil " de Kurt Schwitters sur http://www.ac-creteil.fr/crdp/artecole/de-visu/mzk-ap/mzk-ap-exemples.htm [2' 43''] Grande figure du dadaïsme, il élabore au cours des années vingt des poésies sonores basées sur le rapprochement incongru de lettres ; sorte de collage vocal, ces compositions sont un écho à ses créations Mertz.

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La typographie Dès la fin du XIXème siècle, des écrivains cherchent à dépasser le sens direct des mots pour envisager l'écriture comme un tout, phonétique et visuel. Ainsi le poète Stéphane Mallarmé lorsqu'il écrit Un coup de dé jamais n'abolira le hasard insiste sur l'importance des blancs autant que sur celle des surfaces imprimées ; il surveille les alignements, la disposition des lignes et des caractères, leur épaisseur. Cette conception représente en quelque sorte l'un des actes de naissance de la typographie moderne. Celle-ci devient l'architecture de la page : la répartition des blanc et des noirs doit favoriser la lecture tout en créant une composition originale. Pour cela, le dessin des caractères (épaisseur, taille) et leur utilisation (espacement des lettres, des mots, des lignes, des paragraphes et rapport du texte au format de la page) sont essentiels. La typographie est une discipline importante car elle est aussi à l'origine de la publicité contemporaine. Les premières années du XXème siècle marquent le début d'une période très favorable au développement de cette activité. En effet, à travers l'Europe, plusieurs mouvements artistiques remettent en cause les formes et les moyens traditionnels de l'art. Bon nombre d'artistes s'efforcent de briser les frontières entre les différents domaines de l'activité humaine. Le poète russe Maïakowsky déclare alors : " L'art ne doit plus rester confiné dans les sanctuaires de la mort que sont les musées. Il doit se diffuser partout, dans les rues, les tramways, les usines, les ateliers, chez le travailleurs. " Cet état d'esprit pousse les créateurs à collaborer avec les éditeurs ou les industriels. El Lissitsky, Schwitters, Rodtchenko, Van Doesburg, Arp et bien d'autres participent à la conception de livres, de catalogues, de publicité ou même élaborent des règles de base pour une bonne typographie ; par exemple, Kurt Schwitters écrit dans sa revue Merz : " Dans certaines circonstances la typographie peut aussi être de l'art " " Les parties non imprimées de la page imprimée constituent également des valeurs positives pour la typographie " " Qualité des caractères signifie simplicité et beauté. La simplicité inclut les notions de clarté, d'évidence des formes correspondant aux besoins, d'élimination de toute fioriture superflue "

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Les affiches Dans l'antiquité déjà, on connaît l'usage d'avis placardés sur les murs pour informer la population. Cependant la diffusion en grande quantité de textes parfois illustrés s'est faite avec l'apparition de l'imprimerie au XVème siècle. L'Eglise, les souverains, tout comme les commerçants, les artisans reconnaissent très vite les avantages de cette nouvelle technique et l'utilisent abondamment. Des tracs sont ainsi régulièrement diffusés pour influencer l'opinion publique autant que pour l'informer. Durant la deuxième moitié du XXème siècle, le développement de la société industrielle, la production en quantité de toutes sortes de nouveaux objets, mais aussi d'importants bouleversements sociaux et politiques favorisent une expansion extraordinaire de l'affichage urbain. " L'affiche publicitaire est fille de la révolution industrielle et sa prolifération est le reflet des transformations économiques et sociales de l'époque. " Pierre Restany Les affiches deviennent un baromètre des événements et des rapports sociaux, économiques, politiques et culturels. " L'affiche est en quelque sorte l'histoire au jour le jour et constitue le seul vrai journal du monde par son caractère direct, son texte volontairement concis destiné à être vite lu et à frapper l'opinion. " Marc Vincent Peu à peu, les affiches envahissent les murs des villes et modifient notre environnement. Afin d'organiser ces placardages sauvages, différents moyens sont utilisés. En 1881, par exemple, une loi importante est votée le 29 juillet : elle interdit l'affichage libre et impose de coller les affiches sur des emplacements réservés à cet effet. Ceux-ci peuvent être de simples panneaux ou de véritables petites constructions (kiosques, colonnes Morris…). L'importance de la publicité dans le paysage urbain est telle, déjà dans les premières années du XXème siècle qu'elle suscite l'enthousiasme de certains. L'écrivain Blaise Cendrars adresse ainsi ces réflexions au célèbre créateur d'affiches Cassandre : " La publicité est la fleur de la vie contemporaine ; elle est une affirmation d'optimisme et de gaieté ; elle distrait l'œil et l'esprit. … Avez-vous déjà pensé à la tristesse que représentaient les rues, les places, les gares, le métro, les palaces, les dancings, les cinémas, le wagon-restaurant, les voyages, les routes pour automobiles, la nature sans les innombrables affiches, sans les vitrines…, sans les enseignes lumineuses, sans les boniments des hauts-parleurs, et concevez-vous la tristesse et la monotonie des repas et des vins sans les menus polychromes et sans les belles étiquettes ? Oui, vraiment la publicité est la plus belle expression de notre époque, la plus grande nouveauté du jour, un art. " Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, la période de reconstruction des années cinquante, puis le boom économique des années soixante accélèrent prodigieusement l'invasion des murs de la ville par les affiches publicitaires. Les événements politiques majeurs ou les conflits sociaux sont également propices à l'éclosion de campagnes d'affichage.

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Les nouveaux réalistes Le jeudi 27 octobre 1960, huit artistes et un critique se réunissent au domicile de l'un d'eux pour signer une déclaration qui propose une définition commune de leur pratique artistique. Le Nouveau Réalisme nommé par le critique Pierre Restany est né. " Les Nouveaux Réalistes ont pris conscience de leur singularité collective. Nouveau Réalisme = nouvelles approches perceptives du réel. " Les signataires de ce manifeste sont Arman, Dufrêne, Hains, Klein, Raysse, Spoerri, Tinguely, Villeglé et Restany. Plus tard, César, Rotella, Niki de Saint-Phalle et Christo se joignent au mouvement. Ces artistes rejettent chacun à leur manière le travail du peintre. Ils préfèrent puiser dans le monde quotidien de la société de consommation, particulièrement prospère durant les années de reconstruction de l'immédiat après-guerre. La ville est leur terrain de prédilection.

Ils s'approprient ainsi toutes sortes d'objets banals, usés ou de matériaux récupérés qu'ils soumettent à diverses manipulations :

Décollage : Dufrêne Hains Rotella Villeglé Compression : César Accumulation : Arman Empaquetage : Christo

" Ce qui est la réalité de notre contexte quotidien, c'est la ville ou l'usine (…) L'appropriation directe du réel est la loi de notre présent. Certains artistes actuels ont pris sur eux d'en assurer le parti pris. Ce sont des naturalistes d'un genre spécial : bien plus que de représentation, nous devrions parler de présentation de la nature moderne. Il y a en effet dans toutes ces expressions objectives une évidente et inexorable finalité : celle de nous faire poser un regard neuf sur le monde (...) Le monde du produit standard, de la poubelle ou de l'affiche est un tableau permanent. " Pierre Restany

Musée National d'Art Moderne, Paris

Arman, Villeglé, Dufrêne, Restany et Hains chez Yves Klein, 14 rue Campagne Première, Paris, le 27 octobre 1960.

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Les éléments constitutifs du langage François Dufrêne, Raymond Hains et Jacques Villeglé sont communément regroupés sous la dénomination d'" Affichiste ". Ce terme est adopté par Raymond Hains et Jacques Villeglé dès 1949 alors qu'ils commencent à récolter des affiches lacérées par des mains anonymes. Cependant, l'ensemble de ces artistes s'est intéressé à d'autres domaines artistiques visuel, sonore et littéraire. Les rencontres et collaborations entre ces artistes révèlent des préoccupations communes telles que le Lettrisme, la poésie sonore et les idéaux politiques. Elles contribuent à l'élaboration de pratiques artistiques originales face au contexte artistique de l'immédiate après-guerre.

Dufrêne, Villeglé, Rotella, Hains à la soirée "Poésie Sonore Poésie Action" de l'atelier d'Annick Le Moine en 1976. Le recours aux expositions collectives et l'adhésion au mouvement Nouveau Réalisme en 1960 favorisent la diffusion et la promotion de leurs activités et répondent à la nécessité d'exercer et d'affirmer leur position sur la scène artistique nationale et internationale, alors monopolisée par les membres de l'Ecole de Paris, le Néo-Dadaïsme et le Pop-Art. Cependant le Nouveau Réalisme et les différentes manifestations qui l'accompagnent orientent et minimisent la perception des travaux de François Dufrêne, Raymond Hains et Jacques Villeglé. En 1963, la dissolution du Nouveau Réalisme ne modifie en rien la poursuite artistique des décollagistes. Ainsi, en 1969, Jacques Villeglé élabore un nouveau langage à partir des " signes socio-politiques ", Raymond Hains approfondit et conceptualise ses expériences photographiques vers 1976. Avec l'avènement du Minimalisme, de l'Arte Povera, du Land Art et de l'Art Conceptuel, à la fin des années 1960, la pratique du décollage d'affiches lacérées et le Nouveau Réalisme en règle générale, passent sans transition du statut d'avant-garde à celui de référence historique.

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A seize ans, François Dufrêne rejoint le mouvement Lettriste fondé en 1945 à l'initiative d'Isidore Isou. Il se destine alors à la poésie phonétique qui a pour particularité d'utiliser le mot non pas pour son sens grammatical ou conceptuel mais pour sa seule sonorité. En 1952, il crée, avec Marc'o et Yolande du Luart le Soulèvement de la Jeunesse, un journal politique révolutionnaire et fonde l'Internationale Lettriste qu'il quitte l'année suivante car jugé trop conservateur. Il se consacre à ce qu'il appelle les crirythmes " ultralettristes ", forme de musique concrète créée directement et sans partition au magnétophone. L'artiste offre une nouvelle structuration du langage où les mots donnent naissance à des calembours, contrepétries... dans des associations verbales et musicales. Dès son adhésion au groupe des Décollagistes, il cherche, par les revers d'affiche, à traduire visuellement ses préoccupations poétiques. François Dufrêne, à travers ses différentes activités artistiques, a toujours voulu combattre l'arbitraire des règles du langage afin de mettre en évidence les possibilités illimitées qu'il peut offrir. L'intérêt de Jacques Villeglé est éveillé, lorsqu'en 1969, il voit les murs du métro parisien se couvrir de graffiti lors de la visite de Richard Nixon à De Gaulle. Il découvre un nouveau système d'écriture qui s'élabore progressivement dans l'espace public. Les graffiti font appel à un code de lecture spécifique, dans lequel interviennent des données politiques, sociales, religieuses, économiques... Après s'être approprié ce mode d'expression anonyme, Jacques Villeglé recense, juxtapose et combine ces graphismes sur des toiles et des affiches. Il invente alors un nouveau langage. Ainsi le graphisme change de statut : sa valeur plastique est révélée et modifie le regard que l'on porte habituellement sur lui. Cependant, l'intention de Jacques Villeglé n'est pas d'élever un art de la rue au rang de grand art. Il met simplement en évidence un nouveau langage qui, outre les messages qu'il véhicule, possède une indéniable valeur plastique. Jacques Villeglé souhaite questionner ces formes d'expression anonymes qui sont autant de discours. Il démontre en effet que tout système d'écriture constitue une forme de pouvoir.

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Chronologie 1945 : Rencontre de Raymond Hains et de Jacques Villeglé à l'Ecole des Beaux-Arts de Rennes 1946 : Dufrêne rejoint le groupe lettriste. Premières photographies hypnagogiques de Raymond Hains. 1947 : Villeglé collecte des fragments du mur de l'Atlantique. 1949 : Premières collectes d'affiches lacérées par Hains et Villeglé à Paris. Rotella compose ses premiers poèmes phonétiques. 1953 : Premiers collages de Rotella à partir d'affiches lacérées. Rupture de Dufrêne avec les lettristes et premiers crirythmes ultralettristes enregistrés au magnétophone. Raymond Hains et Jacques Villeglé publient Hépérile éclaté, d'après un poème de Bryen. 1954 : Rencontre de Dufrêne avec Hains et Villeglé. Vostell réalise ses premiers décollages d'affiches. 1957 : Première exposition des affiches lacérées de Hains et Villeglé, galerie Colette Allendy, intitulée Loi du 29 juillet 1881. Dufrêne réalise ses premiers dessous d'affiches lacérées. 1958 : Vostell réalise son premier happening de rue, Le théâtre est dans la rue à Paris. 1959 : Première Biennale de Paris. Dans la salle des Informels, Hains expose la Palissade des emplacements réservés, Villeglé des affiches lacérées, et Dufrêne occupe le plafond avec des dessous d'affiches. 1960 : Signature de la Déclaration Constitutive du Nouveau Réalisme. Arman, Raysse, Klein, Tinguely, Spoerri, Hains, Villeglé, Dufrêne se rassemblent autour du critique Pierre Restany. César et Rotella les rejoignent presque aussitôt. Vostell rencontre les " affichistes " qui refusent de l'intégrer au groupe des Nouveaux-Réalistes. 1961 : Rotella réalise ses premiers reports photographiques sur toile. 1963 : Dissolution du groupe des Nouveaux-Réalistes. 1964 : Dufrêne expose le Mot Nu Mental. Raymond Hains éclate les affiches de la Biennale de Venise. 1969 : Premiers graphismes socio-politiques de Villeglé. 1973 : Dufrêne réalise des dessous de stencils, et les premières bibliothèques en ouate de cellulose. 1982 : Mort de François Dufrêne.

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LES SIGNATAIRES DE LA DECLARATION

DU NOUVEAU REALISME (du jeudi 27 octobre 1960)

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François Dufrêne (Paris, 1930 - Paris, 1982) Dès 1946, François Dufrêne qui se destine à la poésie phonétique, rejoint le Mouvement Lettriste né à Paris en 1945. Sept ans plus tard, après avoir présenté en 1952 Tambours du Jugement Premier (film imaginaire sans écran ni pellicule) au festival de Cannes, il quitte cette école afin de prolonger les concepts symboliques surréalistes de poésie vers une évolution linéaire. Après cette rupture, il invente ce qu'il appelle les " crirythmes ultralettristes " (musique concrète vocale créée directement et sans partition au magnétophone) et les poèmes " infralettristes " comme dans Le Tombeau de Pierre Larousse. En 1957, trois ans après sa rencontre avec Raymond Hains et Jacques Villeglé, l'artiste commence son activité de décollagiste en travaillant sur les envers d'affiches, ce qui le distingue de ces deux compagnons. En fonction du dos d'affiche et de l'effet recherché, Dufrêne intervient par décollage ou grattage successifs, ou se livre à des collages. Parfois, il n'apporte aucune transformation. La pièce maîtresse de son œuvre plastique reste probablement le Mot Nu Mental de 1964. François Dufrêne est le co-fondateur et le co-signataire du Manifeste des Nouveaux Réalistes en 1960.

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" François Dufrêne : le Mallarmé de l'après-demain d'un phonème " R. HAINS Raymond Hains, entretien réalisé par Aude Bodet, à Paris, le 3 mai 1988. François Dufrêne avait un nom qui t'intéressait à plusieurs titres je crois ? Un jour, du vivant de Dufrêne, j'ai rencontré Wolman et sa femme sur la place de Vence où pousse un grand frêne. On s'est dit en regardant la plaque qui donnait son nom " Tiens, c'est drôle, on est place du Frêne ". Sur la place, tu as aussi le Musée Carzou (qui nous ramène aux fresques qu'il a peintes au café du Dôme) et, chose curieuse quand on sait l'amitié que Gérard Matisse portait à Dufrêne, on aperçoit dans le lointain la chapelle de Matisse. Evidemment n'importe qui peut appeler la place du frêne, place Dufrêne, mais quand tu sais que le nom de l'hôtel " Au Lion d'or ", qui se trouve de l'autre côté de la place, signifiait autrefois " au lit on dort ", la place du frêne devrait être la place François Dufrêne avec, pourquoi pas, un Musée Dufrêne... J'ai d'ailleurs pris des photos de la plaque indiquant le nom de la place. Mais lui aussi s'intéressait à son nom, puisqu'un jour il avait décidé d'acheter un parapluie en frêne et qu'il avait pris l'habitude de nous appeler ses vieilles branches, quand il parlait de ses amis, Villeglé et moi ! Le fait que Dufrêne était né rue Vercingétorix, est une chose à laquelle j'ai attaché de l'importance plus tard, au moment de la constitution du groupe des Nouveaux Réalistes (quand on a signé la déclaration, César était à Londres) puis lors de l'exposition chez Eric Fabre, en photographiant la plaque de la rue Vercingétorix, que l'on a ensuite montré dans l'exposition du Marquis de Bièvre. Avec le Marquis de Bièvre on a compris l'importance des calembours. Mais lorsqu'il écrivait, Dufrêne utilisait surtout les allitérations ; il n'a jamais vraiment écrit en prose. Même son article " Demi-tour gauche, pour un cri automatique " n'est pas un simple texte en prose et c'est cela qui à mon avis, le distingue des autres lettristes... et nous ramène à la lettre I du pot à lait et à la laiterie du Marquis de Bièvre. Cela me fait penser à un journaliste que Villeglé et moi connaissions, un ami des druides. Il disait qu'il fallait boire de l'hydromel et il passait rue de Tolbiac, rue Vercingétorix, en disant " Buvez gaulois, buvez de l'hydromel et pas du coca cola " ! II a par ailleurs publié un livre assez intéressant sur le culte d'Apollon qui a surpris beaucoup de gens. Au Musée de Saint-Malo j'ai aussi découvert les navigations d'un malouin nommé Dufresne avec un S. Ce Dufresne avait découvert l'Ile Maurice qui aurait pu devenir une île anglaise à cause d'une frégate d'Angleterre qui avait failli arriver avant et qui finalement était arrivée 1/4 d'heure après... Si donc Dufresne n'était pas arrivé pour planter le drapeau fleurdelysé sur l'Ile Maurice, cela aurait complètement changé le destin de Paul et Virginie, et celui du docteur Allendy qui était natif de l'Ile Maurice. Quant à Raymond Radiguet il avait à juste titre coutume de dire que l'Ile Maurice c'était aussi l'Ile de France, sachant qu'elle avait porté ce nom au XVIIe siècle et que son ancêtre illustre, Joséphine de Beauharnais était elle-même originaire de l'lle Maurice. Quand as-tu entendu parler du lettrisme ?

En 1947, j'avais lu un grand article sur le lettrisme par Gaston Criel - que j'ai eu l'occasion de revoir par la suite et qui a écrit une petite plaquette sur le jazz, à l'époque où l'on commençait à en parler. Dans cet article il donnait des extraits d'un poème d'Isidore Isou qui m'avait beaucoup intéressé. Et j'ai l'impression que ce premier contact avec la poésie phonétique s'est fait dans un train entre la Bretagne et Paris, peut-être avec Villeglé qui achetait toujours beaucoup de revues et de journaux.

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Dufrêne avait lui aussi lu cet article. Il m'a raconté plus tard, qu'en découvrant en 1946 des poèmes d'Isou, il s'était dit " mais c'est cela que je rêvais de faire ". Il écrivait des poèmes depuis son plus jeune âge et, à l'époque, il avait 16 ans et était encore élève au Lycée Louis le Grand. Il avait alors écrit à Isou qui lui proposa de participer aux manifestations lettristes et d'adhérer au groupe lettriste. En ce qui me concerne, j'ai assisté à une soirée qui devait être le deuxième ou le troisième récital lettriste. Venons-en à ta rencontre avec Dufrêne...

C'était en 1954. Je suis parti du Café Moineau avec le fils d'un pasteur, André Conord, un de ses anciens amis de lycée. Comme il avait rendez-vous avec Dufrêne, je l'ai accompagné. On a remonté à pied la rue Guynemer, on est arrivé au café du Dôme boulevard du Montparnasse où Dufrêne était en train de lire Marx. Car depuis quelques temps il s'était plongé (pour des raisons sentimentales) dans les ouvrages de Marx et d'Engels. Peu de temps après François m'a présenté au même café Yves Klein qui revenait du Japon. Comme j'étais un peu fatigué du café Moineau, j'étais content de connaître Dufrêne et Klein, qui étaient sobres ! et qui avaient des préoccupations passionnantes.

La poésie lettriste t'intéressait parce que tu y voyais un rapport avec les ultra-lettres ?

J'étais passionné par la poésie et la littérature. Quand je suis arrivé à Paris, j'ai assisté à la soirée d'Artaud au Théâtre du Vieux Colombier, avant même d'avoir entendu parler du lettrisme. Mais les premiers poèmes lettristes que j'ai lus m'ont fait découvrir la poésie phonétique. Ce qui m'intéressait chez les lettristes c'est le côté poétique et parfois exotique des mots qu'ils choisissaient. Je me suis intéressé à la question des lettres éclatées en faisant de la photo. Les verres cannelés m'avaient procuré une sorte de vertige, à regarder les lettres déformées. * Dufrêne lui, trouvait que les premiers poèmes d'Isou avaient un côté un peu impressionniste et il voulait se débarrasser de cet aspect du lettrisme. Il se rapprochait davantage de Wolman qui à ce moment-là avait rompu avec la poésie d'Isou en créant la Megapneumie. Dufrêne proposait aussi tout un programme qu'ils avaient publié dans le Soulèvement de la jeunesse " le plan Dufrêne de la réforme de l'enseignement ", un texte plutôt drôle. Il y avait même le Doyen du Collège Philosophique qui avait écrit un texte dans ce numéro... Lorsque j'ai découvert la glossolalie en lisant un livre chez Villeglé, puis le livre de Philippe de Félice " Foules en délire, extases collectives " cela m'a tout de suite séduit. Félice évoque ces danses collectives que ce soit en Afrique ou ailleurs pendant lesquelles les gens en transe répètent un mot ou poussent des cris inarticulés. J'avais signalé ce livre à Dufrêne notamment parce que Félice avait reproduit phonétiquement certaines " phrases " prononcées pendant ces séances de danse collective. Je savais comme Dufrêne que Debord avait fait un film qui s'appelait " Hurlements en faveur de Sade ", ce qui m'a évidemment fait penser au tableau du Marquis de Sade devant la Bastille, de Man Ray. Comme cela tombait au moment des Colloques de la Biennale, j'ai commencé à faire plein d'élucubrations, j'ai pensé à des palissades en faux bois... Mais maintenant je vois plutôt la palissade en palissandre comme une palissade polissonne. Dufrêne avec ses activités poétiques n'avait-il pas une situation un peu à part au sein du Nouveau Réalisme ? Peut-être s'est-il intéressé aux affiches parce qu'il aimait retourner les mots... Je pense qu'il a été préoccupé par le rapport entre ses envers d'affiches et sa poésie notamment lorsqu'il a fait le Mot Nu Mental. Il s'est servi à ce moment-là des envers d'affiches auxquels on l'identifiait désormais et il y a découpé des lettres pour former le Mot Nu Mental. * Raymond Hains m'a conseillé d'ajouter un petit " asterix " pour qu'à mes risques et périls je parle d'Hépérile éclaté.

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Il a toujours cherché ce lien, ce rapport entre la parole et ses œuvres. Pour la Cantate des Mots Camés, Raph le Directeur de la galerie Pavé l'a encouragé à faire quelque chose d'original pour l'illustrer. On ne peut pas sous-estimer le rôle qu'a joué Restany pour le Nouveau Réalisme, mais je ne le vois toujours pas comme un groupe. On peut avoir des liens avec des artistes autres que les Nouveaux Réalistes. Au moment de la signature du Manifeste, j'avais l'impression d'assister à un petit coup d'état. Mais cela ne me dérangeait pas dans la mesure où ce genre de rencontres m'intéressait. En revanche, j'ai été un peu déçu quand j'ai vu l'invitation de la galerie J - que l'on inaugurait - et le titre de l'exposition " à 40° au-dessus de Dada ". Le coup de revolver sur le mot Dada avait un petit côté jeunot avant-garde, qui se rapprochait bien plus des situationnistes. Je me souviens que pendant la préparation de l'exposition c'était la bousculade, la galerie était très petite, il n'y avait pas assez d'espace. Dufrêne avait fait une œuvre très grande La brèche pour Brecht qui a été perdue depuis et qui remplissait une partie de la galerie, de mon côté j'avais dû renoncer à présenter à cette exposition une palissade qui aurait fait suite à celle de la Biennale. On assistait à la naissance du phénomène d'appropriation des monochromes par Yves Klein, du plein par Arman... et des envers d'affiches par François Dufrêne. Tout à coup Dufrêne a bénéficié de ce que j'appelle un droit d'aubaine sur les envers d'affiche. Mais je crois que cette histoire d'appropriation vient de Restany. Quand il dit " prendre une affiche dans la rue, c'est le geste immédiat de l'appropriation directe ", je dirais qu'il s'agit plus d'une question d'identification que d'appropriation. En tous cas, c'est intéressant d'y penser par rapport aux petits drapeaux de Remo Bianco. Aujourd'hui on pourrait dire que Restany a planté un petit drapeau sur un groupe d'artistes, que cela n'a rien de gênant, mais que l'on n'est pas forcé pour autant de se sentir approprié. Dans toute l'histoire du Nouveau Réalisme, il y a eu des affaires de cohabitation. Certaines personnes se sont arraché des choses et d'autres se sont cantonnées dans une seule chose : Klein la monochromie, Spoerri les tableaux-pièges (on a à ce propos jamais beaucoup parlé du Croûtisme, de Jacqueline Rossignon et du premier tableau croûtiste que Dufrêne m'avait offert et qui annonçait en même temps les tableaux-pièges)... et maintenant Buren avec ses bandes. Or il est évident qu'on réussit plus facilement quand on ne s'occupe que d'une seule chose. On aurait très bien pu imaginer un artiste qui se serait spécialisé dans les persiennes ou dans les radiateurs. On pourrait dire, chaque fois que l'on voit des persiennes, " c'est un Tel qui a fait ça "... L'histoire du Nouveau Réalisme c'est une histoire d'identification qui continue à m'intéresser beaucoup. On s'aperçoit aujourd'hui qu'il est peut-être temps d'écrire des préfaces pour Félix Potin. Sans parler du poème des grenouilles qu'avait cité Apollinaire lors de sa conférence au Théâtre du Vieux Colombier, dans lequel Aristophane avait transcrit (en grec évidemment) le coassement des grenouilles. C'est à ce moment-là que je lui ai parlé d'un disque que j'avais entendu chez des amis à Saint-Brieuc, I'Orestie de Darius Milhaud, un chœur parlé très étonnant. J'ai voulu l'imiter avec une seule voix, pour expliquer à Dufrêne ce que cela donnait... Il était malade de rire. J'avais aussi acheté un électrophone, c'était le début des disques microsillons. On pouvait passer les 78 tours, changer la vitesse des disques... A cette époque-là, on s'était d'ailleurs amusé à enregistrer avec Klein et Eliane Brau, un petit disque qu'on devait envoyer à Dufrêne. Je m'amusais aussi à faire ce que Brion Gysin appelait le " cut-up ", je déformais les mots en passant les disques à l'envers, je changeais les vitesses... Et je faisais écouter à Dufrêne qui venait rue Delambre des disques africains, des disques pygmées, des disques d'Australie et du Dahomey, et des berceuses touareg. Et puis un jour, Dufrêne a pris à la lettre une déclaration d'Artaud disant : " on ne sait plus crier en Europe ". En 53, il a annoncé sa découverte du " crirythme ". Je lui aurais facilement dit qu'il fallait faire de la gymnastique aller crier en plein air - et c'est pour cela que j'aimais ces disques avec des cris

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naturels - mais le crirythme c'était la preuve même qu'on ne pouvait plus crier en ville. Après il s'est acheté un petit magnétophone qui était une espèce de casserole et il a crié devant un micro. Il aimait d'ailleurs beaucoup la radio et les enregistrements. Il aurait très bien pu au lieu d'aller au ministère, travailler pour la radio, faire des émissions littéraires. La poésie lettriste pour moi c'est ce qui correspondrait à la peinture abstraite ; je pensais d'ailleurs : si des peintres font des vitraux (et même des peintres peu pratiquants comme Fernand Léger) pourquoi ne verrait-on pas des Petits Chanteurs à la Croix de Bois réciter des poèmes lettristes à Notre-Dame ? C'est " La Golonne Fantome ", son premier envers d'affiche... Je ne sais pas s'il s'appelle comme ça... De mon côté, j'ai aussi ramassé un envers d'affiche, un curieux estampage de briques. Mais d'une manière générale je trouvais les envers trop proches de la peinture informelle. Ce que Dufrêne appelait les dessous d'affiches, ce n'était pas exactement des envers d'affiches mais plutôt des estampages, ce que l'on trouve au dos des affiches. Il en a tiré un parti extraordinaire avec des couleurs où l'on retrouve un peu le goût qu'il avait pour Bonnard et la peinture figurative que présentait son père, les Van Gogh qu'il avait eu à vendre et les collections d'œuvres qu'il voyait chez les amis de son père. Grâce à lui il connaissait aussi à l'époque Camoin, Marie Raymond, la mère de Klein, les fils Pissarro... Il est cependant possible que les tôles galvanisées m'aient intéressé davantage en voyant le parti que Dufrêne tirait des envers d'affiche. Cependant, les affiches qui ont été présentées à ce moment-là, sont probablement ce qu'il y a de plus proche du Nouveau Réalisme. Il y avait une certaine complicité entre toi et Dufrêne notamment avec la palissade que tu as présentée à la Biennale de 59 ? Un jour il est arrivé en me parlant d'une " Palissade en palissandre pour les Cendres de Sade " et d'une " Palissade à palissons pour Lissac Frères et polisseurs "...

Extrait de François Dufrêne, Cahiers de l'Abbaye de Sainte Croix, Les Sables d'Olonnes, 1988

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COMPTINES

Comptinuum I 1958 - 1969 LITTÉRAIRES Mort à Vie - mots ravis - Vie Père Mort sûre Vie mère Vie ragots Mort dorure Vie nègre Vie rage Vie DANGER Mort ose Vie sciée Mort gant Mort gaine Vie serre Mort bide Mort dent Mort haine Go mort Vie rides Vie Go ! Art Mort Vie laine Mort fil Mort veut Vie gît re - mort Vie bis Remets MORT Mort fine Vie chnouf. * Artaud du Tarot Artaud du Marat Artaud tu m'as eu Artaud tu m'auras Artaud des tarahumaras

Extrait de François Dufrêne, Cahiers de l'Abbaye de Sainte Croix, Les Sables d'Olonnes, 1988

Qui empêchera l'heure de me leurrer, le gemme de gémir le thym de tinter l'emblème de blêmir le phare d'effarer l'écart d'équarrir la rue de ruer le Caire de quérir la chair de chérir la plage de plagier la haine de hennir le thème de t'aimer ? ou même de gémir le thym de tinter l'emblème de blêmir le phare d'effarer l'écart d'équarrir la rue de ruer le Caire de quérir la chair de chérir la plage de plagier la haine de hennir le thème de t'aimer ?

et même... *

La sœur d'Ane à poil Sardonique, au pôle, En sourdine appelle La sardine opale Et danse la sardane De Sardanaple.

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Extraits de : Texticules ou Fodrakjlanot sella (Déclarations de futilité publique).*

- Ce monde doit être bien malade. Depuis le temps qu'on le dit ré-alité ! - Les fiches mécanographiques ont, elles aussi, des trous de mémoire. Vacance du souvenir. - Que l'ouvrage de Pénélope ne soit qu'un tissu de mensonge, voilà sur quoi l'amant table. - Le Père de Pound était contrôleur des Poids et Mesures. - Elle est de SOFIA ? Quelle Bulgarité. - A Paul Armand Gette

On ne peut pas dire : sur pattes comme lors de tes lectures publiques, tu n'es pas court, Gette (variation, cela, sur le thème bien connu : je suis tôt mat).

- C'est dimanche que lundi gène car, on a beau avoir dimanche devant soi, on n'a pas, pour autant, dix bras.

- Et puis ne jamais rien prêter, pas même attention (celle là on ne vous la rend jamais). - Inutile de recommander à ceux qui alimentent le Théâtre de Boulevard un projet absurde : le canal

Yonne-Escaut. - Projet d'action : Aller à Ussel et en repartir en marchant. - Du dé à coudre au dé cousu. Projet d'objet : un dé pliant (touristique). - Perhapsychology :

Que Loques cite Annie, Ben (1) ne nous le reprocherait sûrement pas, mais serait bien capable, en se le grattant, de trouver Loques si pute !...

(1) Ben Vautier, l'Artiste. Et le meilleur critique français actuel. * Cahiers loques. Paris 1983.

Extrait de François Dufrêne, Cahiers de l'Abbaye de Sainte Croix, Les Sables d'Olonnes, 1988

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Zoom François Dufrêne : L'inconnue (série l'art c'est le vol) 1961 (Collection Ginette Dufrêne, Paris) Mot Nu Mental 1964 (Collection Ginette Dufrêne, Paris) Le Pop ? Tintin ! 1964 (Collection particulière, Rennes) Encore 1965 (FRAC Bretagne) Consultable sur http://www.fracbretagne.fr/collection.html Les Félons de la rue Gît-le-Cœur 1972 (FRAC Bretagne) Consultable sur http://www.fracbretagne.fr/collection.html Thé + odorat... qui s’ébaudit ? - Nono ! 1973 (Musée des beaux-arts, Rennes) Notice page 43 de ce dossier La Bibliothèque à Géo 1975 (FRAC Bretagne) Consultable sur http://www.fracbretagne.fr/collection.html Cantate des mots camés 1977 (planche 11) (Galerie de Paris) Sites Internet pour plus d'informations : http://www.dufrene.net/francois (site très bien documenté consacré au travail de l'artiste) http://www.ubu.com/sound/dufrene.html (site avec les créations sonores de l'artiste)

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Raymond Hains (Saint-Brieuc, 1926 - Paris, 2005) En 1945, il s'inscrit à l'Ecole des Beaux-Arts de Rennes où il fait la connaissance de Villeglé. Dès le mois d'octobre, il s'installe à Paris et travaille à la revue de photographie France Illustration. Ses premiers travaux artistiques utilisent l'appareil photographique muni d'un objectif en verre cannelé, produisant des images abstraites, qu'il expose notamment à la librairie des Nourritures Terrestres à Rennes. La même année, il décolle sa première affiche lacérée (avec Jacques Villeglé), boulevard du Montparnasse à Paris. Il collabore jusqu'en 1954 avec Villeglé à la réalisation de films abstraits (il porte un intérêt particulier à la déconstruction du langage). En 1959, il expose à la première Biennale de Paris où il présente une palissade de chantier recouverte d'affiches déchirées qui fait scandale. A partir de cette époque, Hains va s'intéresser à la question des noms propres en créant des œuvres qui fonctionnent par association d'idées. L'année suivante, il signe le Manifeste du Nouveau Réalisme aux côtés de Klein, Tinguely, César, Arman. Hains va délaisser les affiches à partir de 1964. A partir de 1976, Hains travaille essentiellement sur le langage et les lieux au travers de photographies dans lesquelles l'aspect pratique a laissé place à une démarche plus conceptuelle.

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Texte de Christian Schlatte ENTRETIEN AVEC RAYMOND HAINS DIT 1 « Le cri pur de ma raison-tique ? Ou, peut-être mieux, le cripure de ma raisontique ? Ne pourrait-on pas donner ce titre à ma contribution à l'exposition de la Vieille Charité ? Hommage à Cripure, le surnom donné par ses élèves au professeur de philosophie du roman de Louis Guilloux, Le Sang noir. Cripure parlait souvent de Kant et de la Critique de la raison pure, le véritable modèle de Guilloux était Georges Palante. Hommage, également, puisque l'on est à Marseille, à Marcel Maréchal qui a joué le rôle de Cripure. On pourrait montrer les échelles optométriques, la couverture d'Hépérile éclaté sur émail, le Martini déformé ; d'un autre côté, nous aurions des documents de cette époque. Et puisque François Dufrêne est représenté par la Cantate des mots camés, je pourrais, en hommage cette fois à son poème le Tombeau de Pierre Larousse, montrer le Larousse déformé par les verres cannelés. » Les hasards des rééditions viennent de faire découvrir ou de rappeler à Raymond Hains un trait d'esprit, une attitude du jeune Nietzsche face aux Grecs : « Nous autres, philologues... ». Raymond Hains propose immédiatement un titre pour une exposition qui aurait pu avoir lieu et sur laquelle « il a beaucoup travaillé » : « Nous autres, philologues de La Garenne-Lemot ». Nous sommes alors dans la « fabrique » du sculpteur Lemot à Clisson, qui est la terre d'Olivier de Clisson, mais Clisson est aussi une œuvre littéraire de Napoléon Bonaparte. L'on sait, par un témoignage de Renouvier, que Lemot est parti en Italie avec le sculpteur Calamar ; Olivier de Clisson, lui, nous amènerait aux « aboyeuses » de Notre-Dame-du-Roncier, à Josselin, et donc à des questions de glossolalie ; mais récemment aussi les lettristes, poètes de la lettre, ont exposé dans la demeure de Lemot. Raymond Hains s'intéresse aux noms propres, aux noms de pays, aux circonstances et à leurs rapprochements ; il en retire des étrangetés, elles sont quelquefois « inquiétantes », quelquefois bizarres, elles nous « ramèneraient », dit Hains qui use du conditionnel, car au fond, avant d'approfondir, il ne sait jamais où exactement pourrait conduire cette expérience du monde, celle de ces événements, celle de ses lectures, de ce à quoi il a assisté. Il y a cependant des moments absolus ou primordiaux, même si l'on ne peut les « classer » - même s'il le faut toujours (Hains se règle ici sur une page de La Pensée sauvage de Lévi-Strauss) : il y aurait, le 13 janvier 1947, Antonin Artaud au théâtre du Vieux-Colombier, c'est Tête-à-Tête : le retour d'Artaud le momo, Contre-mère et Patron minet, la Culture indienne, l'inconditionné. Hains est dans la salle, il en retient le cri, celui qui dit on ne « sait plus crier en Europe ». L'impression faite par Tête-à-Tête sur Hains lui fera différer la proposition de Colette Allendy, celle de rencontrer Antonin Artaud. Mais Hains gardera d'Artaud une marque beaucoup plus durable qu'il évoque pour « expliquer un peu » ce qu'il fait artistiquement, vit, lit, éprouve, son usage du monde et des événements : « Quelquefois, dit l'auteur du Pèse-Nerfs, c'est la vie elle-même qui est plus surréelle que tout surréalisme. » DIT 2 Les verres cannelés... « J'ai découvert les verres cannelés dans l'atelier de vitrerie de mon père qui s'appelait Fernand Hains ; il m'avait dit : " Il y a des verres qui pourront peut-être te servir ". J'avais déjà commencé à faire des photos, je découvris dans cet atelier du verre soleil, du verre goutte d'eau, du verre cathédrale. J'ai ramassé un morceau de verre cannelé avec des taches de peinture, et c'est en regardant la Chimère d'Arezzo - sa reproduction dans un livre des éditions Alpina - que j'ai eu une sorte de vertige né du passage des lettres du lisible à l'illisible. J'aurais pu appeler ce vertige la lettre et le néant. Mais j'avais lu aussi dans le livre de Prinet 1 une phrase qu'il rapportait de Paul Valéry : " Enfin, Daguerre vint... au moment où la photographie apparut, le genre descriptif menaçait d'envahir les

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lettres..." » On se trompe lourdement en réduisant Raymond Hains à une figure calembouriste. Assurément, il accorde son importance au marquis de Bièvre, mais ce marquis qui écrivit l'article « kalembour » dans L'Encyclopédie de Diderot ne peut en aucune façon se réduire à cette activité. Le calembour est une figure, celle du « mot d'esprit et de ses rapports avec l'inconscient », selon le titre de l'ouvrage de Freud. Raymond Hains a sorti la page 59 de ce livre où Freud cite un mot d'esprit du marquis, celui de sa réponse à Louis XV lui demandant de faire un mot d'esprit sur lui-même : le « courtisan » répondit par ce bon mot : « Le roi n'est pas un sujet ». Le calembour, simple effet de surface, marque du mot d'esprit, ne doit pas dissimuler les forêts du langage, les « problèmes de la langue ». Puisqu'il faut ici aller vite mais qu'il faut aussi esquisser ce point de vue à partir duquel Raymond Hains serait un peu plus près, je proposerai une page d'Exil, celle où Saint-John Perse nous apprend beaucoup sur lui mais qui ici pourrait servir d'éclaireur. Y revenant, souvent je me demande si un peu de la réalité Hains ne s'y éclaire point : « [...] l'homme mi-nu poursuit un singulier dessein où les mots n'ont plus prise... voyageur à la néoménie dont la conduite est incertaine et la démarche aberrante ; voici que j'ai dessein d'errer parmi les plus hautes tranches phonétiques : jusqu'à des langues très lointaines, jusqu'à des langues très entières... comme ces langues dravidiennes qui n'eurent pas de mots distincts pour " hier " et pour " aujourd'hui ". Nous remontons ce pur délice sans graphie où court l'antique phrase humaine ; nous nous mouvons parmi les claires élisions, des résidus d'anciens préfixes ayant perdu leur initiale, [...] nous nous frayons nos voies nouvelles jusqu'à ces locutions inouïes, où l'aspiration recule au-delà des voyelles et la modulation du souffle se propage au gré de telles labiales mi-sonores, en quête de pures finales vocaliques ». Œuvres poétiques, I, in Exil, Gallimard, 1953, pp. 276-277. (Exil fut publié pour la première dans la revue Poetry de Chicago en mars 1942.) Où sommes-nous donc avec Raymond Hains ? Quelquefois, l'impression d'être dans un jardin ; jardin très particulier, celui du Songe de Poliphile, un jardin herméneutique qui bruisse de toute la culture hermétique. Les artistes sont-ils des " abstractions personnifiées " ? Une question de Raymond Hains qu'il faudrait éclairer de ses généalogies successives : celle des Grecs et des Latins dans leur tendance commune à « personnifier des abstractions » (cf. le beau livre de Jean Seznec, La survivance des dieux antiques dans l'humanisme et dans l'art de la Renaissance, 1940 ; réédition Flammarion, 1980). Celle aussi des séries Jupiter, Mars, Quirinus et des Mythes romains de Georges Dumézil que lisait Hains en 1949 et dont Villeglé parle dans son Urbi & Orbi (p. 40). DIT 3 « Si on pense, à la fois, que Francis Ponge a écrit Pour un Malherbe, que je suis allé écouter sa Tentative orale 2 - peut-être la même semaine où j'ai entendu Isidore Isou pour la première fois à la Salle des Sociétés Savantes 3 (où j'ai vu François Dufrêne pour la première fois en compagnie de Gabriel Pomerand en 1947) -, on a alors, d'un côté, la poésie phonétique des lettristes, mais, de l'autre, on a Francis Ponge qui parle la langue française, de la langue latine et de " la raison au plus haut point ". Mais on a encore un troisième côté avec l'article de Jean-Paul Sartre, L'homme et les choses, ou commentant Le Parti pris des choses où Ponge revient sur cette assimilation des mots à une coquille sécrétée par l'homme et " s'enchante d'imaginer ces coquilles vidées après la disparition de notre espèce, aux mains d'autres espèces qui les regarderaient comme nous regardons les coquillages sur le sable ". Situation, I, Essais critiques, Gallimard, 1947, pp. 251-252. Ce que je retirais à l'époque de ces manifestations et de mes lectures était le plaisir d'entendre parler une langue sans chercher à en comprendre les significations ou le sens. Le texte de Sartre m'avait intéressé et j'avais été frappé par la Tentative orale, mais je ne savais pas encore qui était Francis Ponge. » Raymond Hains est un herméneute hermétique au sens de la tradition, celle qui se lève avec Aristote et le premier livre de l'Organon, celle de la tradition que Yates, une des lectures de Raymond Hains, a éclairé de ses lumières ; celle moins connue d'une autre lecture, Les kabbalistes chrétiens de la Renaissance de François Secret qui a traduit le livre de Georges Weill sur Guillaume de Postel, une

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autre référence de Hains. De la fréquentation de Raymond Hains, on retire une impression tenace, celle pour assigner un lieu littéraire, dont on ne peut se déprendre en lisant A la recherche du temps perdu. L'idée qu'il y a des « côtés » dans l'œuvre littéraire - qui est la « vraie vie » - et que, parce que nous sommes rentrés par ce « côté » qui a nom, pour Proust, Guermantes et Swann, nous avons vu des choses que nous n'aurions pas vues en entrant par l'autre côté et réciproquement. Cette entrée explique, aussi, ce qui est souvent dit par le narrateur de la Recherche, « ceci je ne devais le comprendre que beaucoup plus tard ». Certes, il faut du temps pour s'accommoder au monde en général, ce temps est celui d'une vie. Un jour, Raymond Hains m'a dit quelque chose comme « la vie est bien curieuse, on a le temps de lire quelques livres et c'est déjà fini... », on a à peine le temps de « débrouiller quelques histoires ». Un dit de Raymond Hains s'accompagne de la reconnaissance qu'il est nécessaire parce qu'il est le seul à pouvoir le continuer ; ces rebondissements sont incontrôlables et imprévisibles : une lecture, un événement, une rencontre, un détail d'actualité (dont il faut toujours tenir compte), tel est le kaîros de Raymond Hains et la nécessité de se régler sur son état du moment - ce dont il veut parler, ce qu'il veut faire, ce qu'il vient de lire, de voir, son rapport au monde dans l'instant présent font qu'il dira certaines choses et en taira d'autres. Mais qu'en toute occurrence, il faut savoir que rien, absolument rien, ne pourra être considéré comme clos et achevé. Ainsi, par exemple, à la Biennale de Lyon, Raymond Hains montre une photographie où l'on peut lire Papaï ; il la choisit, outre sa relation entre la sculpture de Louis XIV par Le Bernin et celle de Lemot sur la place Bellecour, parce que ce nom est celui de jeune fille d'une amie. Travaillant sur la glossolalie, ce parler en bouche, que l'on connaît à travers l'Epître aux Corinthiens mais qui déborde largement ce cadre chronologique (voir la note sur l'Hymne à Apollon de l'homéride dans les notes accompagnant l'entretien avec Isidore Isou), je fus conduit à relire l'Agamemnon d'Eschyle. Clytemnestre se prépare à rencontrer pour la première fois la captive Cassandre ; elle avertit le chœur de ses inquiétudes et de ses exigences, elle l'écoutera « si elle n'a pas un langage inconnu et barbare, comme l'hirondelle » (vers 1050-1053). Cassandre rassure le chœur, « Je sais pourtant assez bien parler le grec » (vers 1254). Le coryphée pourtant l'interroge : « Quel art de la parole t'inspire ainsi ? » Mais qu'a donc dit Cassandre, comment a-t-elle parlé ? Cassandre crie : « Rien ne peut rendre ces onomatopées du grec, ces lambeaux de phrase, ces visions de cauchemar où l'histoire des Atrides défile... » (A.J. Festugière, L'enfant d'Agrigente, Les îles d'or, 1950). Or, par quoi commence cette longue incantation en glossolalie que crie Cassandre, elle crie : « Papaï » (vers 1256). Derrière ce nom de jeune fille d'une amie de Raymond Hains, secondaire dans le choix d'une photographie, là pour démêler une question de cheval de bronze et de marbre, celui du Louis XIV du Bernin et celui de Lemot, se dissimulait pour mieux se lever la guerre de Troie et Troyes, les prétendues origines troyennes de Rome, l'Iliade et l'Odyssée, l'Enéide de Virgile, l'opéra de Berlioz, Les Troyens, le nouvel opéra Bastille, l'affichiste Cassandre et la Cassandre d'Homère et Eschyle, son cri dans l'histoire qui commençait par Papaï. Avec ce cri, c'était tout un pan de l'histoire de Raymond Hains et de ses thèmes qui se trouvait brutalement convoqué, ramené brutalement à la surface d'une photographie. Les visiteurs de la Biennale croyaient voir, parce qu'ils étaient à Lyon, le socle de la sculpture du Louis XIV de Lemot, il voyait celui du Bernin ; pourtant la vidéo, elle, montrait les passants de la place Bellecour regardant la sculpture de Lemot et se reposant au pied du socle de son Louis XIV. Papaï est un exemple d'une approche, cette fois ésotérique, d'une photo de Raymond Hains. Son herméneutique est récurrente, il faut connaître le papaï de Cassandre, la traduction de ce cri par Eschyle, l'œuvre est alors « révélée » au sens photographique que Marcel Proust donnait à ce verbe. Papaï est en abrégé ce qui est une préoccupation constante de l'œuvre de Raymond Hains : des « choses bizarres » naissent de rencontres, d'éclaircissements qui se produisent plus tard, toujours au fil des coïncidences auxquelles il faut être attentif si l'on veut les surprendre dans leur étrangeté.

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DIT 4 « Ce qui est bizarre, ce sont les choses auxquelles je pensais... Lorsque je faisais mes premières photos en 1946, j'imaginais un rapport possible entre ces photos et une préface en lettres déformées. J'avais l'intention d'écrire un texte moi-même ou d'en demander un à Charles Estienne. Il aurait été reproduit en français et en anglais, le texte aurait eu une partie lisible et une autre déformée, de plus en plus illisible. Cela ne s'est jamais fait. Mais j'ai rencontré Camille Bryen chez Colette Allendy en 1948 à la suite de mon exposition Photographies Hypnagogiques ; je lui avais offert son nom en lettres déformées comme je le fis à Villeglé, à Goetz et à quelques autres. C'est à ce moment-là que Bryen m'a proposé de déformer son petit poème Hépérile 4. On en a parlé au moins pendant deux ans. Bryen voulait devenir un poète volontairement illisible. Dans sa préface à Hépérile éclaté 5, il écrit : " Vive le courant d'air de l'illisible, de l'inintelligible, de l'ouvert. " Mais, d'un autre côté, ce qui m'intéressait c'était aussi bien le lisible que l'illisible. Même si à cette époque je m'enchantais de la sensation d'entendre une langue, un poème, de la glossolalie 6 sans savoir ce que cela voulait dire. J'étais dans cet état d'esprit au début des années 50. Je remarquais que Matisse, Léger, Manessier décoraient des chapelles, faisaient des vitraux ; je me demandais pourquoi alors les petits chanteurs à la Croix de bois ne faisaient pas de la glossolalie : j'imaginais des petits chanteurs lettristes ! L'Eglise acceptait des vitraux faits par des peintres abstraits, ne devrait-on pas accepter alors qu'un poète lettriste puisse réciter un poème phonétique dans une chapelle ? Plus tard, m'intéressant à la langue des oiseaux et à la kabbale phonétique, je me disais : " L'Eglise rencontrant ses problèmes de passage de la messe dite en latin à la messe dite en français, c'est bizarre qu'elle ne pense pas à la dire en javanais ou en toute autre langue inconnue de ses fidèles. " Je m'enchantais de ne pas comprendre ; c'était la musique des langues qui m'intéressait. Il y avait des poèmes d'Isidore Isou que j'aimais beaucoup, comme : " Guianne ! liquidanne liquidanne barre " 7. François Dufrêne, lui, considérait sa Danse de lutins 8 comme une œuvre de jeunesse, il cherchait autre chose. Il trouvait cette phonétique trop impressionniste, comme si l'on parlait phonétiquement d'un tableau abstrait, était la comparaison qu'il prenait. Il préférait la mégapneumie de Gil Wolman dont il se rapprocha. J'avais raconté à Dufrêne la conférence d'Antonin Artaud au Vieux-Colombier et imité pour la lui faire comprendre les cris d'Artaud ; un ami de Saint-Malo m'ayant fait découvrir le chœur de l'Orestie de Darius Milhaud, je l'avais également imité. Dufrêne en riait beaucoup. J'avais acheté un magnétophone - à l'époque il était grand comme cette table ! - mais je n'ai jamais été capable de m'en servir ; Dufrêne ne voulait pas entendre parler de magnétophone. Mais un jour il a décidé du contraire et a commencé à travailler à ses Crirythmes. D'un autre côté, il m'est arrivé avec Dufrêne ce qui m'est arrivé avec Daniel Spoerri. Après L'Entremets de " La Palissade " de l'Encyclopédie " Clartés " présenté au salon Comparaison en 1960, j'avais tendance à regarder les vitrines des charcuteries et à en considérer les tranches de saucisson comme des œuvres tachistes. Finalement, lorsque Spoerri s'est mis à faire de la cuisine et que, d'autre part, j'ai trouvé la phrase du marquis de Bièvre : " Nous mangeons des chevaux tout crus fur leur parole ", Vercingentorixe, vers 26, ces deux faits conjugués m'ont délivré de la tentation de m'intéresser à la gastronomie. Avec Dufrêne, c'est un peu pareil, outre ce que je viens de raconter, j'avais trouvé boulevard Raspail un magasin qui vendait des 78 tours édités par le musée de l'Homme, j'y avais acheté notamment des chants pygmées pour la chasse à l'éléphant ; j'aurais pu m'orienter vers ce type de recherche phonétique, poétique ou musicale, voie qu'allait prendre Dufrêne. Voie d'autant plus facile pour moi que j'avais avancé un certain type de recherche par un premier disque, puis un second fait avec Yves Klein, que nous avions envoyé à François lorsqu'il était au Maroc. Peut-être est-ce, comme Spoerri pour la cuisine, Dufrêne qui m'a délivré de la tentation phonétique. » Extrait de Poésure et Peintrie, d'un art l'autre, Musées de Marseille, RMN, 1993, pp. 267- 272

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1 Combien de descriptions exotiques ont été écrites dans un fauteuil, d'après des photographies ? Le 29 juin 1858, Flaubert, par exemple, préparant Salammbô, demandait à Feydeau d'aller lui acheter, rue de Richelieu, une vue de Medragen, près d'Alger. Mais le jeu était dangereux et bientôt, d'alliée, la photographie devint rivale. « Elle engage à cesser de vouloir décrire ce qui peut de soi-même s'inscrire », disait Paul Valéry qui notait cet événement de l'histoire littéraire : « Au moment où la photographie apparut, le genre descriptif commençait d'envahir les lettres. Enfin Daguerre vint… » Le poète ne dissimule pas sa joie. Jean Prinet, La photographie et ses applications, P.U.F., 1945, p. 86. 2 Francis Ponge, Tentative orale, in Le grand recueil, tome II, Méthode, Gallimard, 1961. 3 Salle des Sociétés Savantes, Quatrième manifestation lettriste sur le thème, Conclusions sur la pègre littéraire de la Résistance et du surréalisme. 4 Hépérile, poème phonétique (16 lignes) de Camille Bryen, est publié en 1950 par P.A.B. à Alès. 5 Hépérile photographié à la chambre cannelée par Raymond Hains et Jacques de la Villeglé est publié sous le titre Hépérile éclaté par la librairie Lutécia en 1953. 6 A cette « parole en langues », selon la définition de Paul dans son Epître aux Corinthiens, il faut ajouter deux livres références pour Raymond Hains : celui de Théodore Flournoy, Des Indes à la planète Mars, 1899 (étude d'un cas de somnambulisme avec glossolalie - l'étude d'Hélène Smith) ; celui de Philippe de Félice, Foules en délire, extases collectives, Albin Michel, 1947. A titre d'exemple de glossolalie, celui de la page 179 : « Schua ea, schua ea O tschi biro tira pea Akki lungo ta ri fungo. » 7 Ce poème fut publié dans la revue Fontaine (cf. note suivante) sous le pseudonyme de Jérôme Arbaud. Il est en effet d'Isidore Isou. Son titre est Rituel somptueux pour la sélection des espèces. Guianne ! liquidanne liquidanne barre liquidinne liquidinne bine guyangosson gyarre guyangossonne .............. in Précisions sur ma poésie et moi, Dix poèmes magnifiques, 1947-1950. Aux Escaliers de Lausanne. 8 François Dufrêne, Danse de lutins. Dolce ; dolce Yaâse folce Dolce, dolce, Yoli deline... Premier poème lettriste publié dans la revue Fontaine, n° 62, 1947.

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hépérile éclaté nous sommes saturés de communiqués, de lectures, d'humanisme. vive le courant d'air de l'illisible, de l'inintelligible, de l'ouvert ! en écrivant hépérile en mots inconnus, je criais organiquement sans référence au vocabulaire - cette police des mots... aujourd'hui, grâce à raymond hains et à jacques de la villeglé, les deux christophe colomb des " ultra-lettres ", voici le premier livre heureusement illisible. un américain invente une machine électronique destinée à rien. moi-même fus l'inventeur d'objets inutiles. hépérile éclaté, nouveau degré poétique, fait réapparaître le non-humain inexplicable à travers le machinisme dépassé. le premier poème à dé-lire.

camille bryen

l'intrusion du verre cannelé

en voyant débarquer christophe colomb, les indigènes se dirent : " alors sommes-nous découverts, cette fois-ci ? ". anecdote chère à camille bryen

nous n'avons pas découvert les ultra-lettres. nous nous découvrons plutôt en elles. l'écriture n'a pas attendu notre intervention pour éclater. il y a des ultra-lettres à l'état sauvage. notre mérite - ou notre astuce - c'est d'avoir vu des ultra-lettres, là où nous étions habitués à voir des lettres déformées. enfin nous nous servons de trames de verres cannelés qui dépossèdent les écrits de leur signification originelle. - par une démarche analogue, il est possible de faire éclater la parole en ultra-mots qu'aucune bouche humaine ne saurait dire. le verre cannelé nous semble l'un des plus sûrs moyens de s'écarter de la légèreté poétique. hépérile éclaté est un livre bouc-émissaire.

raymond hains jacques de la villeglé

dans la poésie Extrait de Poésure et Peintrie, d'un art l'autre, Musées de Marseille, RMN, 1993

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Zoom Raymond Hains : Le Codex hypnagogique 1948 (Collection de l'artiste) Cet homme est dangereux 1957 (Collection Ginette Dufrêne, Michel Marcuzzi, Paris) Affiches lacérées sur tôle 1959 (Musée des beaux-arts, Rennes) Consultable sur http://www.mbar.org/collections et notice page 41 de ce dossier Affiches pour la biennale de Venise 1968 (FRAC Bretagne) Consultables sur http://www.fracbretagne.fr/collection.html Palissade Sainte Radegonde 1974-1988 (FRAC Poitou-Charentes) Saint Jacques de Compostelle 1995 (FRAC Bretagne) Consultable sur http://www.fracbretagne.fr/collection.html Œuvres de Raymond Hains et de Jacques Villeglé : Ach alma manetro 1949 (MNAM, Paris) Consultable sur http://www.centrepompidou.fr (rubrique Ressources en ligne, Collection en ligne) Hépérile éclaté 1953, Librairie Lutétia, Paris (Documentation MNAM, Paris) Sans titre (planches de Pénélope) 1950-1953 (FRAC Bretagne) Consultable sur http://www.fracbretagne.fr/collection.html

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Jacques Villeglé (né à Quimper, 1926) En 1944, Jacques Villeglé entre à l'Ecole des Beaux-Arts de Rennes où il se lie d'amitié avec Raymond Hains. En 1947, il commence à Saint-Malo une collecte d'objets trouvés : fils d'acier, déchets du mur de l'Atlantique... Deux ans plus tard, il s'installe à Paris et décide alors de limiter ses appropriations aux affiches lacérées. En 1957, lors d'une exposition chez François Dufrêne, l'artiste définit sous l'appellation générique de " Lacéré Anonyme " les différents inconnus qui contribuent à modifier le sens premier de l'affiche. En 1993, Villeglé expose à la Biennale d'art contemporain de Lyon des graphismes socio-politiques peints. Commencé en 1969, ce travail fut ponctué par une intervention directe dans l'espace public en 1982 : à Rennes et Paris. Des panneaux d'affichages habituellement réservés à la publicité furent utilisés pour présenter les symboles socio-politiques découverts ou inventés par Villeglé.

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BIENNALE DE LYON 1993 A LA CROISÉE DES ECRITURES « Quand l'homme a voulu des hommes-dieux, il a fallu qu'il entassât des générations en une personne, qu'il résumât en un héros les conceptions de tout un cycle poétique. »

J. Michelet Avant-propos à l'Œuvre de Vico, 1827

Walker Evans, lecteur de Baudelaire, de Flaubert, commença à diriger l'objectif de son appareil photographique dans le flux de la ville américaine en pleine expansion économique à la veille du Krach de 1929. Il le dirigea sur le peuple anonyme qui va et vient, sur ce qu'il regarde, sur ce qu'il voit aux fenêtres, dans la rue, autour de lui, sur ce qu'il porte, transporte, sur sa manière de se déplacer. L'auteur de l'Idiot de la Famille, Jean-Paul Sartre, dans une impulsion antiproustienne en cette décennie qui inaugura la semaine des congés payés, s'exclame : « Finalement tout est dehors, tout, jusqu'à nous-même : dehors, dans le monde, parmi les hommes. Ce n'est pas dans je ne sais quelles retraites que nous nous découvrirons : c'est sur la route, dans la ville, au milieu de la foule, chose parmi les choses, homme parmi les hommes. » L'œuvre sélective d'affiches lacérées que, dans un même esprit extraverti, j'ai rassemblé, depuis 1949, m'a semblé être une trace murale de cet homme des foules que, subjugué, Edgar Poe suivait au milieu des Eupatrides et de l'ordinaire banal de la société. C'est à Liberté de Parole (6-7 mai 1969) au Théâtre du Vieux Colombier, que j'exposai une première fois un graphisme politique qui m'avait surpris le 28 février précédent, pour attirer l'attention de tous sur une autre trace métis de la société marginalisée. De Gaulle recevait alors Nixon, sur le mur d'un couloir de métro j'avais donc vu : les ��� de l'ancien parti socialiste, la gaullienne, la nazie, la � celtique inscrite dans le � des mouvements Jeune Nation, Ordre Nouveau, Occident, etc... puis à nouveau les ��� dynamiques et barreuses de Tchakhotine indiquant sans autre commentaire le nom du président américain. L'impact des idéogrammes politiques ainsi assemblés primait sur tous les autres slogans anti-yankees de l'heure. Les A encerclés, les N zébrés, les O coupés en quatre, les S striés, les I doublement barrés, les V étoilés, la courbe des G, faucille des soviets inversée, brochée du marteau, les S redoublés inscrits comme deux éclairs parallèles,... ces surcharges emblématiques des bas-fonds parisiens généralisent la guérilla des symboles qu'avait imaginée en 1931 le chef de la propagande du Front d'Airain lorsqu'il conçut les ��� pour les jeunes ouvriers socialistes en opposition à la des Chemises Noires 1. L'écriture latine, par amalgame, au sens alchimique du terme, avec ces idéogrammes fasciste, capitaliste, socialiste, communiste ou gauchiste s'inscrivait en filigrane dans les pages blanches de l'histoire. Cette invention graphique sur laquelle, en bon ravisseur, j'ai spéculé, est millénaire. En 1854 le Père Raphaël Garrucci a relevé et décrit un emblème amoureux gravé sur une muraille de Pompéi : Psycé dans un cœur, une feuille de vigne « dont le sein intérieur est formé par les lignes sinueuses de l'Y ». Mais elle est devenue, après l'aimable révolution portugaise des œillets du 25 avril 1974, internationale. L'exploration du visualisme fit fleurir sur les bâtiments publics et les murs de clôtures le graphisme des combinateurs populaires. E.M. de Melo e Castro 2, un proche de Fluxus, un releveur de traces de civilisation aurait peut-être dit Walter Benjamin, attentif à la chose politique dans son incidence quotidienne étudia et releva photographiquement des centaines d'exemples de ces ensembles combinatoires en s'interrogeant sur l'art populaire et l'ignorance créatrice que défendait le napolitain Giambattista Vico - Scienza Nuova ?, 1725 - dans l'intention de restituer au génie des masses tout ce dont on faisait honneur à quelques individus. C'est de cette énergie populaire contenue sous une oppression cinquantenaire que témoignera l'explosion subite : le pays, les routes, les villes, les villages furent « couverts d'inscriptions d'un jour à l'autre et, dans une nation d'analphabètes, on est passé très

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rapidement à un climat où la lecture de ces inscriptions et de leurs interventions réciproques devenait évidente et active ». N'est-ce pas, en effet, un exemple de ce que formulait celui dont les études comparatives enthousiasmèrent le jeune Michelet concevant une philosophie de l'histoire : Vico ? Sans doute celui-ci penserait-il de nos jours que ces idéogrammes détournés dialectiquement ont été employés par un peuple muet, leur utilisation rejoignant l'usage primitif des hiéroglyphes. Aussi bien les affrontements naissent et se développent entre des classes et des générations qui parlent des langues différentes ; en conséquence chacun restant sourd à l'autre, elles sont pour ainsi dire muettes et contraintes de se faire entendre par signes. Ainsi Vico expliquait-il l'origine, lors des guerres entre clans ou nations en formation, des armoiries, des armes et des emblèmes de familles. N'est-ce pas lors de leur décadence dans les Temps Modernes que les armes deviendront parlantes ? Raymond Abellio pour sa part, s'inquiétant de la fin des ésotérismes et rapportant que Gide se demandait naïvement comment les chrétiens pouvaient adorer un �, oppose l'idéogramme, langage des structures et des nombres, au symbole imagé, dévergondage de I'imagination. Le langage des mots par l'écriture alphabétique serait, quant à lui, le lien entre l'image symbolique et l'idéogramme qui, dans son abstraction dernière, nous offre en quelque sorte un concentré de révélation ou de connaissance. Dans ses entretiens Sur l'Art et la Vie (1936), un philosophe comme Herman de Keyserling aurait-il enseigné cette concentration 3 typographique et manuscrite anonyme européenne que j'ai relevée en 1969 ? A ses yeux eût-elle été douée des mêmes vertus que l'idéogramme chinois qui, pensait-il, pouvait en cinquante pages réincarner la volumineuse Critique de la Raison pure sans omission aucune 4 ? « C'est que, disait-il, tout idéogramme, en tant que symbiose de relation, implique par la simple juxtaposition avec d'autres idéogrammes la teneur de pages entières ». Et il ajoutait : « L'idéal de toute littérature devrait être analogue ». Autant mon appétence morale fut merveilleusement aiguisée, comme aurait dit l'observateur de l'Homme des foules, par la généralisation tous azimuts de cette guérilla des écritures, réalité sociale, autant m'a vite lassé la graphomanie pariétale des taggers du subway new-yorkais puis des graffeurs européens qui investissent un espace par un comportement égocentrique, par une signature qu'ils pensent magnifiées. Leur expression graphique dans laquelle se ressentent tous les tics individuels s'est, en conséquence, stéréotypée encore plus rapidement que la peinture gestuelle de l'abstraction lyrique, autre saturation des énergies psychiques. Au cours de ma première mise au point, en 1958, sur la lacération d'affiches, j'évoquais la manifestation spontanée, par la suite, en diapason lors du regroupement des nouveaux réalistes, Pierre Restany parla d'expressivité directe. Depuis ce temps, les graffitis suscitent l'expression médiatique, démocratie directe, j'aimerais pour ma part employer à propos des graphismes socio-politiques les termes que Francis Ponge, poète cherchant à établir un lien entre connaissance intuitive et connaissance discursive, utilisait lorsqu'il devait discourir en société. Il avait l'habitude de ne pas préparer son intervention, comptant que de son rapport avec le public se créerait spontanément une communication directe. M'appliquer à retranscrire au pinceau, au feutre, à la bombe, ces signes de la spontanéité populaire, n'est-ce pas de ma part me contredire ? Ravisseur d'affiches lacérées n'ai-je pas pris et gardé depuis plus de quarante ans mes distances envers les peintres et leur métier ? Peut-être, toutefois tout en ayant ce comportement de distanciation vis-à-vis de la peinture-transposition je me suis refusé dès l'origine à établir toute échelle de valeur entre l'objet créé, le banal ready-made et l'objet trouvé dans sa plénitude. L'artiste coordinateur des fantasmes et de l'efficacité de la société, même s'il ne prend pas des Esseintes pour modèle, fait sien le mensonge à la Diderot avant-goût de l'artifice baudelairien pour un droit d'afficher les contradictoires, nul homme ne devant s'enfermer dans un caisson étanche. J'espère que le regardeur sera plus sensible aux constantes de ma vision, de mes intentions, qu'aux contradictions que j'assume dans la mise en œuvre de la transcription et de la présentation de ces idéogrammes enchevêtrés brouillant l'écriture.

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Les scripteurs anonymes, pour leur part, n'ont aucune ambition personnelle et stylistique, simplicité que je partage. Ils ne recherchent, en masquant les slogans, les noms des puissants, nullement l'élégance du trait mais une certaine efficacité contestataire. Pour ma part, témoin, je cherche à faire connaître la guérilla des signes avec l'application du dessinateur de planche encyclopédique et de l'archaïque teneur de livre d'ordre, et de registre commercial. La manière par laquelle je deviens l'intermédiaire, (c'est des intermédiaires que naît l'impureté), est en la matière secondaire. Si je parviens à mettre en valeur ces cryptogrammes controversant les manipulations des leaders de tout poil, les informations truquées, dévoyées, l'usage massif des techniques de communication, commencerais-je à prêcher la surréaction ? ……………………………………………………………………………….. 1 Pr. Serge Tchakotine, Le Viol des Foules, Paris, 1939, réédition Gallimard, 1972. La tactique de Tchakotine était de lutter contre la propagande d'intimidation avec les mêmes armes que l'adversaire ; ainsi aux cris de Heil Hitler répondront Freiheit et au salut nazi celui du poing levé. Il accusa d'avoir de mauvais réflexes ceux qui tel Heartfield dénonçant les atrocités et l'esprit d'agression des fascistes servaient objectivement (inconsciemment) et par là même l'esprit de la propagande à combattre. 2 E. M. De Melo e Castro, Pode-se escrever com lsto, « Colòquion », n°32, Fondation Catouste Gulbenkian, Lisbonne, 1977. 3 Du haut de son écriture (Paris, Gallimard, coll. Idées, 1973) Etiemble jugeait la désécriture de Hépérile Eclaté comme « une incarnation digne de Vichnou, une illustration du nihilisme généralisée qui, tout autant que la relativité généralisée, peut-être plus encore, marquera le XXème siècle, et dont il semble que les camps hitlériens de concentration n'aient pas épuisé l'horreur ». Je lui dédie en retour par le biais de son jeu de mots, si mauvais que je dois le souligner, les citations qui précèdent, et la suivante d'un universitaire dijonnais qui poursuit le même discours du mythe d'Hépérile avec toutefois une désespérance nuancée : « ... picturalement disloqué, Dionysos nage au sein de puzzles de toute sorte dans lesquels s'exerce sa frénésie : il plonge dans le chaos pour rechercher les remembrements et les synthèses inouïes que, pense-t-il, tous les gouffres abritent. » (Jean Brun, Le Retour de Dionysos, Paris, Ed. Le Berger et les Mages, 1976).

4 Donc sans dé-Kanter Kant son auteur, aurait dit, peut-être, un onomaturge de mes amis, François Dufrêne. Extrait de A la croisée des écritures (texte de Jacques Villeglé), Biennale de Lyon 1993

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Zoom Jacques Villeglé : Les Nymphéas 1957 (Musée des beaux-arts, Rennes) Notice page 40 de ce dossier Tapis Maillot 1959 (MNAM, Paris) Consultable sur http://www.centrepompidou.fr (rubrique Collection en ligne) Rue de Tolbiac - Le crime ne paie pas 1962 (FRAC Bretagne) Consultable sur http://www.fracbretagne.fr/collection.html Boulevard du Montparnasse 1964 (Musée des beaux-arts, Rennes) Consultable sur http://www.mbar.org/collections (rechercher à : La Villeglé) et notice page 42 de ce dossier Rue de l'Echaudé Saint-Germain, Paris 1965 (FRAC Bretagne) Consultable sur http://www.fracbretagne.fr/collection.html Lycanthrope 1992 (FRAC Bretagne) Consultable sur http://www.fracbretagne.fr/collection.html Site Internet pour plus d'informations : http://bi.adagp.fr (banque d'images de l'ADAGP : entrer le nom de l'artiste) Œuvres de Jacques Villeglé et de Raymond Hains : Ach alma manetro 1949 (MNAM, Paris) Consultable sur http://www.centrepompidou.fr (rubrique Ressources en ligne, Collection en ligne) Hépérile éclaté 1953, Librairie Lutétia, Paris (Documentation MNAM, Paris) Sans titre (planches de Pénélope) 1950-1953 (FRAC Bretagne) Consultable sur http://www.fracbretagne.fr/collection.html

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Yves Klein (Nice, 1928 - Paris, 1962) Yves Klein a grandi dans un milieu artistique, ses parents étaient peintres. Cependant il n'a suivi aucune formation spécialisée. Pendant plusieurs années, il se consacre à l'étude et à la pratique du judo ; il passe même un an au Japon pour se perfectionner. Après quelques tentatives d'enseignement de cette discipline à Madrid, puis à Paris, il décide de s'intéresser exclusivement à la peinture. Ses premières œuvres sont des toiles monochromes (rouge, orange, jaune, bronze, vert ), de dimension rectangulaire, uniformément peintes au rouleau et montées sur des panneaux de bois aux bords arrondis. Soucieux d'éliminer toute interprétation décorative de son travail, Klein met au point vers 1955 une couleur très particulière et la fait breveter en 1960 sous le nom d'International Klein Blue (IKB). La composition de ce bleu outremer permet au pigment d'apparaître sous sa forme la plus pure. L'artiste déclare alors : " Je cherche à montrer la couleur " ; il affirme la volonté " d'atteindre ce degré de contemplation où la couleur devient pleine et pure sensibilité ". Il peint aussi en bleu des matériaux bruts (tubes, tiges de bois, fil de fer), des objets (paravents, éponges, globes terrestre, moulages de plaire...). Klein poursuit sa recherche d'une expression de la sensibilité pure qui " imprègne l'univers " par des actions plus radicales : en 1958, à la galerie Iris Clert il organise l'exposition le Vide. Les visiteurs sont conviés à pénétrer dans un espace entièrement peint en blanc, à l'exception des fenêtres recouvertes de l'International Klein Blue. Cependant Yves Klein utilise d'autres moyens pour incarner cette notion de sensibilité picturale ; il fait appel à des modèles, véritables pinceaux vivants qu'il enduit de peinture au cours de séances publiques. Ces femmes plaquent ensuite leur corps contre des feuilles de papier, ne laissant plus visible que la trace de leur présence. Le critique Pierre Restany baptise ces œuvres, les Anthropométries. A partir de 1960, les quatre éléments fondamentaux de la nature deviennent pour l'artiste les matériaux privilégiés de son travail. La terre est symbolisée par l'or dont des feuilles recouvrent différents supports ; des monochromes exposés à l'extérieur enregistrent les traces laissées par le vent et la pluie ; enfin, le feu, par l'usage de brûleurs à gaz, provoque l'altération de toiles et de cartons. La carrière d'Yves Klein est prématurément interrompue par sa mort suite à une crise cardiaque en 1962.

Zoom Yves Klein : Monochrome bleu sans titre (IKB 63), 1959 (Collection Van Abbemuseum, Eindhoven) Anthropométrie de l'époque bleue 1960 (MNAM, Paris) " Klein et ses femmes pinceaux " Performance à la Galerie internationale d'art contemporain, le 9 mars 1960 : Anthropométries et Symphonie monotone. Symphonie d'environ 20 minutes, composée sur une seule note et pour une dizaine de musiciens. Ecoutez-la sur http://www.ac-creteil.fr/crdp/artecole/de-visu/mzk-ap/mzk-ap-klein.htm [1'00""] Peinture feu sans titre (F2), 1961 (Collection particulière, Suisse) L'Arbre, grande éponge bleue (SE 71), 1962 (MNAM, Paris)

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Arman (Nice, 1928 - New York, 2005) Arman peint des œuvres abstraites jusqu'au milieu des années cinquante, puis délaisse complètement la peinture pour s'intéresser à l'objet. Sa première expérience, radicale, consiste à marquer la surface d'une série de toiles avec un tampon encreur. Les traces des cachets recouvrent ainsi tout l'espace à la manière du all over pratiqué par Jackson Pollock. La répétition est également l'élément essentiel qui déclenche la production de ces oeuvres. Très vite, Arman choisit d'utiliser directement les objets plutôt que leur empreinte. Ceux-ci sont généralement usagés voire réduits à l'état de déchets. " J'affirme que l'expression des détritus, des objets possède sa valeur en soi, directement, sans volonté d'agencement esthétique les oblitérant et les rendant pareils aux couleurs d'une palette ; en outre, j'introduis le sens du geste global sans rémission ni remords. Dans les inutilisés, un moyen d'expression attire tout particulièrement. mon attention et mes soins ; il s'agit des accumulations, c'est-à-dire la multiplication et le blocage dans un volume correspondant à la forme, au nombre et à la dimension des objets manufacturés. " Il réalise ainsi des accumulations de toute sorte d'objets ; la plus spectaculaire est sans doute celle qu'il prépare pour la galerie Iris Clert en 1960 : prenant le strict contre-pied d'Yves Klein qui avait auparavant conçu le vernissage du Vide, Arman remplit complètement l'espace de la galerie de détritus. Il intitule l'exposition le Plein. Selon la même logique, il produit la série des " poubelles ". Des déchets en vrac sont entassés dans des cuves en plexiglas. L'artiste a plusieurs façons de concevoir ses accumulations : elles peuvent être libres, structurées, vissées, soudées, prises dans le béton, fixées sur du plexiglas ou même encore moulées dans du bronze. A ce goût de la collection, il oppose des gestes beaucoup plus violents : les objets sont soumis à la destruction, la brûlure, le découpage. Ces séries sont nommées les colères. Zoom Arman : Portrait-robot d'Yves Klein, le Monochrome 1960 (Collection particulière) Le Plein, à la Galerie Iris Clert Reconstitution réalisée par le MNAM, Paris, 1994 La poubelle de Jim Dine 1961 (Collection Sonnabend, New York) L'Affaire du courrier 1961-62 (Collection particulière, Rueil) Le Village de grand-mère 1962 (Galerie Beaubourg, Vence, Marianne et Pierre Nahon) Chopin’s Waterloo 1962 (MNAM, Paris)

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Jean Tinguely (Fribourg, 1925 - Berne, 1991) Jean Tinguely s'est toujours intéressé aux machines et au mouvement. Dès la fin des années 30, il s'amuse à construire, dans la forêt de Bâle des mécanismes simples : " Alors, j'ai commencé à faire une chose très bizarre : plusieurs samedis et dimanches de suite j'ai commencé à construire de jolies petites roues en bois, bricolées comme ça le long d'un ruisseau (...) J'ai fait jusqu'à deux douzaines de petites roues dont chacune avait sa propre vitesse, et parfois celte vitesse était variable selon la vitesse de l'eau, variable elle aussi. " Ses premières machines, au début des années 50, sont des tableaux dont les formes géométriques sont animées par un moteur. Tinguely refuse l'idée d'une œuvre stable et éternelle. Il préfère insister sur le caractère aléatoire et précaire de toute composition. Le mouvement, la machine, le hasard et l'éphémère sont les principaux matériaux de son travail. En 1959, il conçoit les Méta-matics, véritables machines à dessiner. Ces drôles de mécaniques, de dimensions et d'apparences variables, réclament la complicité du visiteur qui peut en régler le fonctionnement (choix de l'outil, du papier, de la fluidité de la couleur) et la vitesse. Ces machines deviennent de plus en plus grandes et complexes au fil du temps. Elles sont faites de divers matériaux : éléments mécaniques, objets quotidiens, bruits, gaz (...) Elles tentent d'englober l'univers tout entier. Tinguely déclare d'ailleurs en 1966 : " L'art est total car il peut être fait de n'importe quoi : pierre et pétrole, bois et fer, air et énergie, gouache, toile et situation, imagination et entêtement, ennui, bouffonnerie, colère, intelligence, colle et fil de fer, opposition et appareil photo. " Certaines machines donnent lieu à des événements spectaculaires, proches du happening : il s'agit d'immenses mécaniques qui s'autodétruisent sous les yeux du public, au milieu de projections, d'explosions et de bruits impressionnants. Zoom Jean Tinguely : Méta-matic n°8 (Méta-Moritz) 1959 (Stockholm, Moderna Museet) L’Hommage à New York (photo David Gehr) installée dans le jardin de sculptures du Museum of Modern Art de New York le 17 mars 1960 ; à cette occasion, Marcel Duchamp a composé un de ses plus beaux aphorismes : " Si la scie scie la scie Et si la scie qui scie la scie Est la scie que scie la scie Il y a Suissscide métallique ". Baluba XIII 1961 (Wilhelm-Lehmbruck Museum der Stadt, Duisburg) Rotozaza I 1967(Collection Bénédicte Pesle, Paris) Fontaine Stravinsky 1983 (place Stravinsky, Paris) en collaboration avec sa compagne Niki de Saint-Phalle

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Daniel Spoerri (né à Galati – Roumanie - en 1930) Daniel Spoerri a exercé toutes sortes d'activités : danseur, metteur en scène de théâtre, poète, cuisinier... Son travail d'artiste débute en 1959 lorsqu'il invente les tableaux-pièges. Il les décrit lui-même ainsi : " des objets trouvés au hasard, en ordre ou en désordre, (sur des tables, dans des boîtes ou dans des tiroirs), sont fixés, piégés tels quels. Par exemple, les restes d'un repas sont collés sur la table même où le repas a été consommé et la table est accrochée au mur. " Spoerri ne modifie pas les objets ni leur agencement ; il les fait seulement passer du plan horizontal au plan vertical provocant ainsi un sentiment d'étrangeté, un regard nouveau chez le spectateur : " les tableaux-pièges sont une information, une provocation, une indication pour l'œil de regarder des choses qu'il n'a pas l'habitude de voir " Par cette appropriation du réel, l'artiste refuse l'idée d'une création individuelle ; il considère ses œuvres comme les instruments d'une " leçon d'optique " qui permet au spectateur de transformer sa vision du monde. A la suite des tableaux-pièges, d'autres formes de manipulation des objets ont été utilisées par Spoerri : les tableaux-puces, éventaires d'objets du marché aux puces prélevés sans subir aucune modification, les détrompe-l'œil, tableaux souvent classiques et figuratifs, sur lesquels il fixe un objet bien réel venant transformer et perturber l'image, les collections, démonstration de l'évolution d'un objet à travers le temps. Ustensiles de cuisine, chaussures, outils... sont ainsi accrochés au mur ; le visiteur peut les utiliser. Zoom Daniel Spoerri : Salle III de l'exposition Dylaby Dynamisch Labyrinth 1962 (Stedelijk Museum, Amsterdam) " Pendant la manifestation de groupe Dylaby (dynamic labyrinth) au musée Stedelijk à Amsterdam en septembre 1962, j'ai transformé 2 pièces du musée. Dans l'une, transformée en labyrinthe obscur, les spectateurs étaient soumis à des expériences sensorielles (surfaces chaudes et humides, différents sons, odeurs et textures variées) exactement comme s'ils étaient aveuglés par les lunettes noires plantées d'aiguilles, ils devaient faire appel à leurs sens pour appréhender l'environnement. Dans l'autre salle un des principes du tableau-piège (le changement de plan) fut appliqué à l'ensemble de la pièce qui renfermait une exposition de peintures fin de siècle et des sculptures. Des tableaux furent accrochés sur le véritable plancher de façon à le transformer en mur ; les sculptures furent posées sur l'un des véritables murs de façon à le transformer en plancher et les autres murs se situèrent en rapport avec le nouveau sol. " La Douche (détrompe-l’œil) 1962 (Collection Arturo Schwarz, Milan) Repas hongrois (tableau-piège) 1963 (MNAM, Paris)

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Martial Raysse (né à Golfe-Juan en 1936) Après avoir commencé des études de lettres, Martial Raysse décide de se consacrer à la peinture. Ses premières oeuvres sont des toiles plutôt traditionnelles mais à partir de 1957, il élabore des sculptures avec des fils de fer, des déchets trouvés dans des terrains vagues. Petit à petit ces éléments de métal sont remplacés par des morceaux de plastique, puis par des assemblages d'objets neufs, puisés directement dans les vitrines des magasins . " Ce qui m'intéresse, c'est la profusion colorée de l'article en série, l'afflux quantitatif des étalages, la marée de produits neufs dans les grands magasins. L'art actuel, c'est une fusée dans l'espace. Les Prisunics sont les musées de l'art moderne. (...) J'ai eu l'idée très simple de présenter des objets tels qu'ils étaient car ils exprimaient notre monde. Je ne faisais plus de sculpture avec des objets trouvés dans les étalages des Prisunics, c'est l'étalage lui-même qui était la sculpture. " On a coutume de rassembler cette série d'œuvres sous le titre de Hygiène de la vision. Martial Raysse s'intéresse aussi à l'imagerie publicitaire, aux stéréotypes et aux artifices que produit la société de consommation ; il choisit les images anonymes des pin-up de magazines, des objets clinquants de bazar ; il utilise également les techniques de la publicité : agrandissements photographiques, couleurs fluorescentes et criardes, néons des enseignes lumineuses. " J'ai découvert le néon. C'est la couleur vivante, rare couleur par-delà la couleur. La plume et le pinceau sont dépassés. Le néon exprime plus fidèlement la vie moderne, il existe dans le monde entier."

Ses sujets de prédilection, au début des années soixante, tournent autour de la station d'un idéal féminin. Il combine ainsi un thème traditionnel de la peinture et l'une des préoccupations essentielles de la plupart des magazines de mode qui vantent allègrement les mérites de toutes sortes de cosmétiques. Les œuvres de Martial Raysse oscillent sans cesse entre une fascination pour les mirages de la société de consommation et une dénonciation de ses clichés. Zoom Martial Raysse : Etalage, hygiène de la vision 1960 (Collection particulière) Etalage de Prisunic, Hygiène de la vision n°1 1961 (Collection Sophie et Bob Calle, Paris) Souviens-toi de Tahiti 1963 (Louisiana Museum of Modern Art, Humlebaek) America, America 1964 (MNAM, Paris)

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NOTICES DES ŒUVRES DU MUSEE DES BEAUX-ARTS

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Jacques MAHE DE LA VILLEGLE (Quimper, 1926) Les Nymphéas novembre 1957

Affiches lacérées marouflées sur toile 38,5 x 247 cm acquis en 1997

Jacques Mahé de La Villeglé conçoit son travail comme celui d'un collectionneur, qui prélève et choisit chacune de ses " œuvres " dans la réalité en raison de ses qualités plastiques ou par la force de son message, détourné ou télescopé. Les Nymphéas de 1957 est probablement l'œuvre la plus importante de la période de " La lettre lacérée " qui, de 1949 à 1962, réunit des affiches où la lettre, rendue illisible par les lacérations, devient un élément purement abstrait. Entièrement typographiques, les affiches de cette courte période, recouvertes et déchirées chaque jour, révèlent leurs multiples couches semblables et décalées, dans un dialogue souvent monochrome.

C'est avec Les Nymphéas que ce jeu de la lettre illisible approche de plus près la peinture abstraite. Les grandes lettres bleues dansent dans l'œil du spectateur comme les nymphéas dans les toiles liquides de Monet, dans un format gigantesque qui n'est pas sans rappeler cette œuvre exceptionnelle.

Les nouveaux concepts typographiques qui marquent l'affiche dès 1964 rendent les collectes de Villeglé radicalement différentes. L'homogénéité de l'écriture disparaît, l'impression de all-over qui marque Les Nymphéas ne se retrouvera plus jamais. Boulevard du Montparnasse de 1964, présent dans les collections du musée permet de saisir cette évolution et de montrer deux moments de l'art de Villeglé.

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Raymond HAINS (Saint-Brieuc, 1926 - Paris, 2005)

Affiches lacérées sur tôle 1959

Affiches lacérées sur tôle 100 x 100 cm

acquis en 1990

Breton d'origine, Raymond Hains découvre en 1949, avec son ami et compatriote Villeglé, le pouvoir suggestif des affiches lacérées. Las des techniques traditionnelles de la peinture, tous deux inventent un nouveau mode de production artistique, qui n'est pas sans évoquer la démarche de Marcel Duchamp. En effet, les affichistes prélèvent dans l'univers urbain des œuvres « toutes faites », des affiches déchirées par des mains anonymes. Choisis et recadrés par l'artiste, ces fragments du réel s'élèvent alors au rang d'œuvres d'art. C'est en 1957 que Raymond Hains déniche, dans les entrepôts Bompaire à Paris, une série de panneaux de tôle galvanisée, rouillée et recouverte d'une multitude de couches d'affiches maltraitées par les intempéries. Datée de 1959, c'est donc à sa période de « tôlard », comme l'appelle Hains, qu'appartient l'œuvre du musée. Les caractéristiques plastiques de ces tôles, où l'affiche n'est présente que par lambeaux, les rapprochent en apparence des peintures abstraites lyriques si prisées dans les années cinquante. On y retrouve un même souci de la matière riche, un goût pour une abstraction hasardeuse, où les formes, les couleurs organisent la surface sans aucun schéma géométrique. « Mes œuvres existaient avant moi, mais on ne les voyait pas parce qu'elles crevaient les yeux », dit-il. On reconnaît là le goût de Raymond Hains pour une certaine provocation, qui se traduit entre autres, à partir de 1963, par un recours aux jeux de mots, aux bouts-rimés et autres calembours.

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Jacques MAHE DE LA VILLEGLE (Quimper, 1926) Boulevard du Montparnasse

1964 Affiches lacérées marouflées sur toile

97 x 130 cm acquis en 1980

Villeglé, originaire de Bretagne, participe avec son ami Raymond Hains à l'aventure du Nouveau Réalisme à laquelle il apporte un mode de création original : la collecte d'affiches lacérées, choisies, recadrées et marouflées sur toile. Les affiches politiques, où les messages se télescopent par le seul jeu des lacérations, celles où les lettres perdent leur lisibilité à force de superpositions, toutes ces œuvres qui doivent leurs qualités plastiques aux lacérateurs anonymes deviennent le sujet des collectes de Villeglé. Promeneur infatigable et patient observateur, Villeglé donne toujours à ses affiches lacérées la date et le lieu de leur prélèvement. C'est le cas ici avec ce Boulevard du Montparnasse, dérobé à son lieu d'origine le 4 juin 1964. Les déchirures révèlent différentes strates de papiers aux couleurs vives et aux messages publicitaires privés de leur sens initial. Les lettres et les mots (OLYMP... VEAU P... CONTRE LE...) n'existent plus qu'en qualité de formes colorées qui participent bien involontairement à la composition de l'image. Traces d'archéologie urbaine, fragments d'histoire quotidienne de la rue, les affiches lacérées ainsi élues par l'artiste pour leurs valeurs esthétiques entrent dans le monde de l'art et renouvellent le langage abstrait, lui ajoutant une pointe d'humour. VL

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François DUFRENE (Paris, 1930 - Paris, 1982) Thé + odorat... qui s’ébaudit ? - Nono !

1973 Affiches lacérées marouflées sur toile

114 x 146 cm acquis en 1995

Poète lettriste, François Dufrêne occupe une place particulière au sein du groupe des Affichistes. Il est le seul en effet à exploiter le dessous des affiches lacérées, et à donner un titre à ses œuvres qui révèle son goût pour les jeux de mots. Thé + odorat... qui s'ébaudit ? - Nono ! montre l'attention particulière que Dufrêne accorde dans son œuvre au motif de la lettre, rendue illisible parce qu'il n'en montre que l'envers, préoccupation qui trouve un parallèle dans la poésie phonétique qu'il pratique tout au long de son parcours, où la valeur expressive des sons prime sur le sens des mots. Cette œuvre de 1973 est proche plastiquement des effets obtenus par les stencils et dessous de stencils qu'il collecte la même année dans les bureaux du Ministère où il travaille, et expose à la Galerie Weiler.

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OUTILS

PEDAGOGIQUES

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MATERIEL PEDAGOGIQUE en prêt aux établissements scolaires (Premier degré)

· Valise des mots (dimensions : 53 x 34 x 16 cm) Le langage et ses jeux de mots ont intéressé les trois affichistes représentés au musée, cette valise des mots propose donc d’approfondir par le jeu leurs expériences linguistiques.

François Dufrêne joue avec les mots et leur sens. Sur le principe de son Mot Nu Mental, les enfants de classes élémentaires composent des mots en combinant d’autres mots d’une ou de deux syllabes. Pour les enfants de classes maternelles, le jeu consiste à déchiffrer des rébus. La valise comporte aussi un livre d’Alain Finkielkraut sur les mots-valises, ainsi que “La belle lisse poire du prince de Motordu”, de Pef. Raymond Hains décompose les affiches, les codes barres ou les écrits poétiques en regardant à travers ses verres cannelés. Grâce à différents verres, les enfants déforment le nom de Hains, le nom et les codes barres de célèbres gâteaux nantais, ainsi que Hépérile, un poème de Camille Bryen.

Jacques Villeglé crée un répertoire de graphismes socio-politiques en notant les graffiti recouvrant les murs (le signe : $, dollar , est mis pour la lettre S). Dans un premier temps, la valise pédagogique permet aux enfants de réaliser des mots croisés avec ces lettres bizarres. Dans un second temps, les enfants utilisent un jeu de dominos dont les points habituels ont été remplacés par ces graphismes socio-politiques. Réservation au 02 23 62 17 41, tous les vendredis de 8h45 à 11h45 et de 13h30 à 16h30. Prêt d'une durée de 10 jours.

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MATERIEL PEDAGOGIQUE en prêt aux établissements scolaires (Premier degré)

· Quatre panneaux de présentation (dimensions : 100 x 60 cm, chaque)

Utilisés en classe, ces panneaux permettent de présenter aux enfants les différents travaux de Raymond Hains, Jacques Villeglé et François Dufrêne. Les trois affichistes représentés au musée des beaux-arts de Rennes ont travaillé sur les affiches lacéres, mais aussi sur de multiples supports et de différentes manières sur le vocabulaire, les signes ou l'écriture. > " Quand la rue entre au musée " Les affiches récoltées à l'origine dans les rues deviennent des œuvres d'art. > Raymond Hains Vision déformée de codes barres ou d'écrits poétiques. > Jacques Villeglé Nouvel alphabet créé par les graphismes socio-politiques. > François Dufrêne Jeu sur les mots, leur sens et leur sonorité. L'emprunt de ces panneaux peut être complémentaire à celui de la Valise des mots (page précédente). Réservation au 02 23 62 17 41, tous les vendredis de 8h45 à 11h45 et de 13h30 à 16h30. Prêt d'une durée de 10 jours.

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C'est avec la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle que la notion d'avant-garde est née, synonyme de modernité et de rupture. Car l'évolution de la peinture depuis les Impressionnistes s'est faite par révolutions successives. (…) Les années soixante inventent le Nouveau-Réalisme, où l'artiste, s'inspirant de Marcel Duchamp et ses ready-made, fait entrer sur la scène artistique les productions manufacturées et l'univers urbain qui l'entoure. Ainsi, les affichistes, Hains, Villeglé et Dufrêne, collectent les affiches lacérées par les passants anonymes, œuvres collectives élues et élevées au rang d'œuvre d'art par le seul choix de l'artiste. Réservation au 02 23 62 17 41, tous les vendredis de 8h45 à 11h45 et de 13h30 à 16h30. Prêt d'une durée de 15 jours. NB : Découvrez une valise pédagogique sur les Affichistes (histoire et mouvement artistique) au FRAC Bretagne à Châteaugiron (02 99 37 37 93)

MATERIEL PEDAGOGIQUE en prêt aux établissements scolaires (Second degré)

Les avant-gardes au XXe siècle (dimensions : 36 x 27 x 12 cm) Pour appréhender les œuvres (analogies, construction...) dans les salles du musée avec les élèves de collèges et lycées, cette valisette est un véritable appui destiné aux enseignants souhaitant faire vivre à leurs élèves une visite différente et très bien documentée.

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Grande section-CE2 Découverte de l'appropriation du réel par les artistes du Nouveau Réalisme. Par un jeu de questions-réponses, les enfants décrivent les œuvres des trois affichistes représentés au musée des beaux-arts de Rennes. Durant ces 30 minutes de description, différentes notions sont abordées : matériau, épaisseur, couleurs primaires, vocabulaire, titre explicatif ou non... et surtout lieu de collecte. Ensuite, les enfants remplissent un document pédagogique sur lequel ils repèrent les outils utilisés par les affichistes ainsi que les panneaux d'affichage, sources de collecte. Ensuite, les enfants, en connaisseurs, retrouvent le nom de l'artiste ayant créé une œuvre reproduite dans le document pédagogique. Dans un dernier temps, à partir des mots " déchirés " du Boulevard du Montparnasse, les enfants créent leur propre affiche aux crayons pastels. En fin d'heure, un jeu de détail est mis en place : chaque enfant tire un détail (d'une des trois œuvres du musée) et va se placer face à l'œuvre correspondant à son détail.

CM1-CM2 A travers les rues de la ville,

parcours imaginaire jalonné d'énigmes.

Un jeu de détail permet de répartir les enfants en trois groupes différents : en tirant un détail dans une boîte, l'enfant se place face à l'œuvre correspondant. Les trois groupes ainsi constitués remplissent un questionnaire sur le Nouveau Réalisme. Ensuite, ils accèdent au jeu (sorte de jeu de l'oie)… sur un grand plan de la ville de Rennes, chaque groupe déplace une petite automobile à travers les rues en répondant à différentes questions concernant leur artiste (pour faciliter les réponses à certaines questions, une feuille " indices " leur est donnée). Réservation des animations au 02 23 62 17 41, le lundi, le mercredi, le jeudi et le vendredi toute la journée.

ANIMATION Les affichistes écoles maternelles et élémentaires, par Carole Houdayer

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PARCOURS –DECOUVERTE Le paysage urbain collèges et lycées,

Ce parcours-découverte de 4 pages (1Mo) permet aux enseignants de faire des collections permanentes un outil pédagogique. Accompagné d'une fiche d'exploitation utilisable par les élèves, il est une piste de travail élaborée à partir d'un regroupement d'œuvres sur un thème. Simple d'utilisation, le parcours-découverte vous permet d'organiser une visite au musée (avec les élèves) de façon tout à fait autonome ! 1. téléchargez, 2. imprimez, 3. photocopiez Pour télécharger cet outil, il suffit de se rendre sur le site Internet du musée : www.mbar.org/telechargement ou/et www.mbar.org/services (rubrique Supports pédagogiques, parcours découverte)

Le paysage urbain, comme le paysage en général, entre tardivement dans la représentation picturale. La cité des hommes devient alors le décor de l'événement sacré ou mythologique. Dans les pays du Nord où les peintres mettent en scène la vie quotidienne, le décor urbain prolonge naturellement la scène. Sous l'influence des cartographes et des voyageurs, la représentation des villes devient plus précise. Il y a des villes fréquentables et d'autres qui le sont moins : Venise, Sodome, Babylone, Jérusalem. Les architectures ont certes souvent une valeur documentaire mais il faut aussi les voir comme des métaphores éclairant le propos de l'œuvre. Mis en place par Andrée Chapalain, professeur d'arts plastiques détachée de l'Education Nationale.

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PROPOSITIONS

PEDAGOGIQUES

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Propositions pédagogiques – école maternelle et/ou élémentaire ateliers à l'école [Travail sur la notion d'affiches lacérées] Récupérez des affiches sur les panneaux d'affichage libres (choisissez les affiches avec de multiples couches superposées, le résultat final n'en sera que plus intéressant). Divisez ces immenses affiches en morceaux de 40 x 40 cm environ, et demandez aux enfants de choisir le morceau qu'ils souhaitent lacérer (à la fin de l'atelier, ils se rendront compte que le morceau choisi en fonction de l'existence de telle ou telle image, ne laisse plus apparaître cette image !) Chaque élève doit définir un sens de lacération pour son affiche (vertical, horizontal, diagonal)… ensuite, le travail de lacération-découverte commence ! (attention, veillez à ce que les enfants ne déchirent pas complètement leur affiche). Enfin, les artistes signent et datent leur travail. [Travail d'après François Dufrêne, Mot Nu Mental, 1964] Il s'agit dans un premier temps de couvrir plusieurs feuilles de papier d'un grand nombre de lettres majuscules au feutre ou au marqueur, afin qu'elles soient visibles sur l'envers. Puis, dans le revers de chacune des feuilles, de découper ou de déchirer les lettres d'un mot choisi, en utilisant une feuille par lettre. Il est intéressant pour chaque lettre de jouer sur les découpes (qui peuvent être linéaires comme le M de Mot, et les déchirures comme dans le T de Mental). Le Mot Nu Mental de Dufrêne est gigantesque, comme son nom l'indique ! Pourquoi ne pas réaliser des associations de ce type ?

Quelques exemples : GRAND PETIT minuscule ����������� rond [Travail d'après François Dufrêne, La Bibliothèque à Géo, 1975] Sur une feuille de papier calque, photocopier le motif de la bibliothèque évoquant les reliures des livres. Les enfants colorient une reliure sur deux afin de créer le motif suivant : Mais, même après cela, leur bibliothèque sera vide. Il faut donc la remplir en plaçant derrière des cartes de géographie ou tout autre document, visible en transparence derrière les reliures des livres. Il s'agit donc pour chacun de créer sa propre bibliothèque : bibliothèque d'art, bibliothèque culinaire…

bibliothèque de jardinage bibliothèque de livres de cuisine

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d'après François Dufrêne, La Bibliothèque à Géo, 1975 Ouate de cellulose sur fond de carte géographique marouflée sur toile 116 x 89 cm Collection du FRAC Bretagne, 2004

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[Travail d'après les verres cannelés de Raymond Hains] Il s'agit, grâce à des verres cannelés de différents types, de déformer des lettres, des mots, des morceaux de textes ou d'images à la manière de Raymond Hains. Il vous faut donc vous procurer des verres déformants, disponibles dans des miroiteries, et si vous souhaitez garder la trace des éclatements, vous pouvez utiliser du papier photosensible ou papier solaire. [Travail d'après Jacques Villeglé, La Guérilla des écritures, 1981] Photocopiez La Guérilla des écritures (simplifiée) et demandez aux enfants d'agrémenter chaque lettre d'un graphisme particulier. Ensuite, ils écriront leur prénom avec leur propre alphabet.

d'après Jacques Villeglé, La Guérilla des écritures, 1981

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BIBLIOGRAPHIE OUTILS MULTIMEDIA

(le Nouveau Réalisme)

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> Bibliographie jeunesse Revue DADA, Yves Klein, N°121, éditions Mango (septembre 2006) Revue DADA, L'art dans la rue, N°119, éditions Mango (avril 2006) Sophie Curtil, Milos Cvach, L'art par 4 chemins, Milan jeunesse, 2003 Véronique Antoine-Andersen, Régis Fellner (illustrations), L'art pour comprendre le monde, Actes Sud junior, 2003 Elizabeth Amzallag-Augé, Bleu zinzolin et autres bleus, Collection Zigzart, Editions Centre Pompidou, décembre 2002 Marie Déchery, Découvre la magie de l'objet avec Arman, Editions du Chêne, Hachette Livre, 1995 Marie Déchery, Découvre la matière avec César, Editions du Chêne, Hachette Livre, 1994 Catherine Prats-Okuyama, Kimihito Okuyama, Yves Klein, L’Arbre, Grande éponge bleue, L'art en jeu, Centre Georges Pompidou, 1994 Joël Martin, Rémy le Goistre, Contrepétarades, Seuil, 1994 Le travail des sculpteurs, Les racines du savoir, Arts, Gallimard Jeunesse, 1993 Pef, Dictionnaire des mots tordus, Gallimard, 1983 Pef, La belle lisse poire du prince de Motordu, Gallimard, 1980 > Bibliographie adulte Stéphanie Lemoine, Julien Terral, In Situ, éditions Alternatives, 2005 Claude Mollard, Les nouveaux réalistes, Découvrons l'art, XXe siècle, Cercle d'art, 2002 Michael Archer, L’art depuis 1960, Thames & Hudson, 1998 Catherine Francblin, Les nouveaux réalistes, Editions Du Regard, 1997 Pierre Restany, 60/90 : trente ans de nouveau réalisme, Editions La Différence, 1990 > Monographies Nicolas Charlet, Yves Klein, Editions Adam Biro Philippe Forest, Raymond Hains un romans, Gallimard, 2004 Iléana Cornéa, Raymond Hains, Ides et calendes, 2004 Raymond Hains, Marc Dachy, Langue de cheval et facteur temps : entretien au café du Palais, Reims, le 8 avril 1998 dans l'après-midi, Actes sud, 1998 Arman, Beaux-arts magazine (Hors série), 1998 Niki de Saint-Phalle, Tableaux éclatés, Musée d'art moderne de la ville de Paris, Editions de la Différence, 1993 Niki de Saint-Phalle, Mon secret, Editions de la Différence > Vidéo Alain Vollerin, Michel Ragon, Histoire des arts plastiques de 1945 à nos jours, Mémoire des arts, Lyon ( 5 volumes - environ 54 min. chacun) Marc Petitjean, César, Centre Georges Pompidou, RMN, Série Mémoire, 1995 (45 min.) Alain Jaubert, Klein, Editions Montparnasse, ARTE, RMN, Palettes, 1997 (30 min.) > CD-Rom Arman, collectionneur d'art africain, Hypervision, Arte éditions, Série Passion Collection, 1996 > Liens Internet Jacques Villeglé : http://bi.adagp.fr (banque d'images de l'ADAGP : entrer le nom de l'artiste) François Dufrêne : http://www.dufrene.net/francois (site très bien documenté consacré au travail de l'artiste) http://www.ubu.com/sound/dufrene.html (site avec les créations sonores de l'artiste) Arman : http://www.arman-studio.com

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> Service culturel Andrée Chapalain, conseiller-relais Carole Houdayer, animatrice > Informatique documentaire Jean-Charles Subile > Atelier photographique Patrick Merret > Bibliothèque Béatrice Lambart Marie-Josée Tétrel