Dossier Nines

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Nadja LIPSYC Cours de Corinne Welger /Université Paris I /2009-2010

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Nadja LIPSYC Cours de Corinne Welger /Université Paris I /2009-2010

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TABLE DES MATIÈRES

TABLE DES MATIÈRES................................................................................................................................................... 2LEXIQUE........................................................................................................................................................................... 3I. LES PORTEURS DU PROJET, LEUR DÉMARCHE.....................................................................................................4II. VISITE DE NINES......................................................................................................................................................... 51.POINT DE VUE GÉNÉRAL...........................................................................................................................................52.LES RUBRIQUES INFORMATIVES.................................................................................................................................53.LES RUBRIQUES PRATIQUES......................................................................................................................................64.LA RUBRIQUE SOFTWARE..........................................................................................................................................6

4.1.Collex..................................................................................................................................................................... 64.2.IVANHOE............................................................................................................................................................. 104.3.Juxta .................................................................................................................................................................... 11

......................................................................................................................................................................................... 12III. SYNTHÈSE DU PROJET : UN OUTIL, UNE RÉFLEXION .......................................................................................12IV. CE QUE NINES APPORTE POUR RÉSOUDRE LES PROBLÉMATIQUES DU « 2.0 ».........................................13V. TOPOS, UN OUTIL QUI RÉPOND AUX PROBLÉMATIQUES POSÉES PAR NINES ............................................141.UNE CONSOLE DE LECTURE INTERACTIVE AVEC INTERFACE INTELLIGENTE................................................................142.UNE PLATEFORME PARTICIPATIVE...........................................................................................................................143.DES FONCTIONNALITÉS DE RÉSEAU SOCIAL.............................................................................................................144.DES OUTILS D’INDEXATION SEMI-AUTOMATIQUE.......................................................................................................145.DES OUTILS D’ANALYSE DES THÉMATIQUES PRINCIPALES ET DES THÉMATIQUES LATENTES.......................................15BIBLIOGRAPHIE............................................................................................................................................................ 16

NINESNineteenth-century Electronic Scolarship Nadja LIPSYC - 2 -

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LEXIQUE

2.0 : extension signifiant la mise en œuvre d’un réseau social et/ou d’une démarche participative. Le 2.0 apparaît avec la seconde génération d’applications pour Internet.

Console intelligente : interface prenant en compte le comportement de l’usager

Digital object : Granule extrait d'une page web et pouvant être exploité indépendemment de son contexte. Conformément à la critique d'Aurélia Chossegros pour l'Observatoire critique, nous traduirons ce terme par « objets numériques ».

Folksonomie :  système de classification collaborative d'éléments (photographies, liens) selon des mots clé (tags) attribués par les internautes.

Hub : sas de redirection, carrefour virtuel où l’on emprunte des correspondances.

Identité numérique : représentation de l’utilisateur sur l’interface et dans le réseau

Intelligence coopérative : intelligence qui émerge de la mise en réseau de contributions singulières et hétérogènes. Elle diffère de l’intelligence collective où toutes les contributions fusionnent ou de l’intelligence collaborative où les compétences se complètent en vue d’une réalisation spécifique.

Métadonnée : donnée servant à définir ou décrire une autre donnée.

Pensée-Réseau : pensée multi-linéaire et réticulaire, connexioniste et rhizomatique qui travaille dans la latence et favorise l’émergence, etc.1

Réseau social : service numérique mettant en relation une communauté d’utilisateurs

Sémiotique : étude des mots, des images, des concepts, des idées ou encore des pensées en tant que symboles.

Translittératie : habileté à lire, écrire et interagir par le biais d’une variété de plateformes, d’outils et de moyens de communication, de l’iconographie à l’oralité en passant par l’écriture manuscrite, l’édition, la télé, la radio et le cinéma, jusqu’aux réseaux sociaux

Web sémantique : ensemble de technologies destiné à rendre le contenu des ressources du World Wide Web accessible et utilisable par les programmes et agents logiciels, grâce à un système de métadonnés formelles. (Ici, RDF : Resource Description Framework)

1 Voir JOSSET (2006).

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I. LES PORTEURS DU PROJET, LEUR DÉMARCHE

NINES est une plateforme web qui crée une passerelle temporelle entre les archives matérielles du XIXe siècle et les recherches en matière d'espace digital du XXIe siècle.

Ce projet est, depuis 2004, le fruit du travail d'une équipe de chercheurs R&D aux qualifications complémentaires, assistée par des développeurs indépendants.

L'équipe est menée par Jerome McGann, éminent professeur de littérature anglaise à l'Université de Virginie, laquelle sert de réel centre de gravitation au développement de NINES. En effet, ses nombreux laboratoires et ateliers, tous regroupés sous la tutelle de l'IATH (The Institute for Advanced Technology in the Humanities) prennent part à l'avancée de la plateforme.

Seconde figure de proue du projet, le Dr. Bethany Nowviskie est la conceptrice du logiciel inhérent à la plateforme NINES, à savoir Collex, et s'occupe de la gestion des projets internes à NINES.Son travail est presque indissociable de celui de McGann, tous deux étant membres fondateurs du SpecLab 2et ayant auparavant déjà allié leurs compétences pour créer le site Rossetti Archive.C'est d'ailleurs suite à la création du site Rossetti que McGann se voit décerner le prix de la fondation Mellon d'un montant d’un million et demi de dollars et peut enclancher le développement de NINES.

Jerome McGann aime à dire qu'il s'est lancé dans les Digital Humanities afin de « connaître le sens de tous les poèmes3 ». Si la déclaration semble être légère, elle résume toute une frange de la réflexion de McGann.

En effet, un poème est une adjonction de sens due à des références multiples, à l'évolution du langage, ou encore à l'histoire, et prend une dimension différente dans l'esprit de chaque lecteur.

De ce fait, pouvoir comprendre tous les poèmes, c'est pouvoir mettre tous ces facteurs en corrélation, aller jusqu'à s'imprégner du ressenti des autres, discuter, comparer, etc. L'image n'est pas sans rappeler la pensée réseau* et nous verrons à travers cette étude en quoi NINES illustre toutes ces fonctionnalités.

Reste à préciser que McGann a plusieurs fois exprimé sa consternation vis à vis du système de publication des écrits savants aux États-Unis4 et des difficultés que les chercheurs ont à se faire entendre.

La recherche d'une alternative au système de publication classique trop contraignant a sans doute également motivé l'engagement dans ses travaux d'édition web.

2 Speculative Computing Laboratory, voué à la propomtion de l'expérimentation et de l'exploration dans les Digital Humanities

3 http://patacriticism.org/staff.html 4 http://criticalinquiry.uchicago.edu/issues/v30/30n2.McGann.html

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II. VISITE DE NINES

1. Point de vue général

Avec ses tons boisés et ses airs de bibliothèque à l'ancienne, la page d'accueil de NINES séduit immédiatement l'œil.Quelques retours-chariot du regard, et on peut d'ores et déjà jauger, en plus de la qualité de sa charte graphique, de la richesse de la plateforme.

En en-tête de ce qui semble être la représentation d'un dossier géant, un onglet « My 9s » invite à s'inscrire pour pouvoir profiter de ce qu'on devine être un espace personnel. A droite, se situent deux barres de rubriques, l'une pratique (Search, Tags, Exhibits, Forum, News) et la seconde informative (What is NINES?, Scholarship, Software, Community). Au cours de notre navigation, elles resteront toujours à portée de main, permettant de retourner à tout moment à la rubrique de notre choix.

Au centre trône une longue barre de recherche par mot-clé puis en dessous, des encadrés invitent à consulter les discussions les plus populaires, à tenter la navigation par tags ou encore à se reporter aux dernières nouvelles.

A peine au-dessous se trouve un billet enluminé présentant « l'exposition » actuellement mise en lumière. Enfin, en finissant de scroller, on arrive à un cadre où on peut faire défiler quelques sites « fédérés » constitutifs de la base de donnée de NINES. Ces derniers sont représentés par un screenshot de leur page d'accueil et quelques lignes de présentation.

Si jamais nous venions à nous perdre lors de notre exploration, un onglet supplémentaire « Home », ou un simple clic sur le logo NINES nous permettent de nous rediriger immédiatement vers la page d'accueil.

2. Les rubriques informatives

What is NINES ? permet d'avoir une vue d'ensemble du projet. Trois rubriques regroupent rigoureusement toutes les informations nécessaires à la compréhension de NINES.

Scholarship offre toute sa transparence au site. En effet, cette section est composée d'une présentation des intentions des créateurs de NINES, des documents rédigés qui reprennent les FAQ, d'une page permettant d'accéder à tous les projets universitaires (mini-sites), d'un récapitulatif des contributeurs classés par pôles éditoriaux, d'une liste des ressources utilisables ou utilisées extérieures à NINES, des précisions sur les métadonnées* employées et enfin d'une bibliographie.

Software est la section consacrée aux trois logiciels liés à NINES : Tout d’abord, une page est concernée à Collex, indissociable de NINES puisque intrinsèque à sa plateforme. Quelques liens vers des analyses critiques sont proposés, ainsi que de brèves explications sur son fonctionne. Les rubriques Juxta et Invanhoe, concernent en revanche des logiciels d'utilisation indépendante et renverront à des petits sites dédiés.

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Enfin, Community concerne de façon très générale l'aspect humain du site. Cette section incite à rejoindre le réseau social* de NINES, présente le conseil exécutif, l'équipe R&D, les partenaires, mais évoque aussi les actions publiques et les ateliers organisés par NINES.

3. Les rubriques pratiques

L'utilisateur pourra également apprécier la régularité des mises à jour de la section News (environ deux fois par mois) et même souscrire au RSS de sorte à être immédiatement mis au courant des derniers ajouts. Il est possible d'y rechercher une information particulière par une barre de recherche dédiée, en choisissant une catégorie ou encore en se plongeant dans l'archivage mensuel (depuis novembre 2006). Début janvier 2010, nous pouvons y lire un post « 2009 Year in Review » qui nous permet d’avoir un regard direct sur l’évolution de NINES, résumant les avancées de l'année et évoquant les projets pour 2010.

Un forum est également mis à disposition des utilisateurs et se divise en trois parties thématiques : Digital Humanities, 19th Century Studies et Nines. Si on s'y attarde, on réalise bien rapidement que personne n'alimente les discussions proposées par l'équipe NINES (pas une seule réponse à aucun sujet alors que la discussion la plus ancienne date de juin 2009 ). Cela peut être du d'une part au faible taux de nouvelles inscriptions (215 inscrits durant l’année), d'autre part, à la présentation peu conventionnelle du forum.

En effet, l'internaute est habitué à utiliser des forums qui répondent à un model-type très structuré. Ici, les outils qu'on connaît aux forums ne sont pas visuellement accessibles (il faut déjà engranger la démarche de réponse à une discussion pour les voir) et les pages de discussion ressemblent à n'importe quelle autre page du site. Si cet aspect « page officielle » donne l'impression de pouvoir réellement contribuer au site, il déstabilise l'utilisateur qui aura plus de difficultés à émettre un avis.

4. La rubrique software

Dans la rubrique « software », Nines propose trois logiciels : Collex, Invanhoe et Juxta.

4.1.Collex

Qualifié de « hub* », Collex est comme son nom l'indique, au centre de l'activité de NINES. Pour apprendre à le maîtriser, des explications et même un livret PDF de description détaillée sont disponibles dans la catégorie « Software ».

Sa bonne utilisation nécessite une inscription préalable : en effet, s'il n'est pas obligatoire d'être identifié afin d'accéder à certaines données, on ne peut pas utiliser les fonctionnalités qui font tout l'intérêt de cet outil sans être connecté à son compte.De plus, suite à notre inscription, nous pouvons accéder à l'espace personnel « My 9s », qui récapitule notre parcours au sein de NINES : on y retrouve nos objets collectés, nos tags, nos recherches sauvegardées, les discussions dans lesquelles nous sommes impliqués ou encore nos « expositions ».

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L'interface Collex est composée de plusieurs parties. L'onglet « search » permet d'effectuer des recherches selon plusieurs modes d'indexation : par catégories (ressources, genre, document intégral...), par mot-clef, ou par options diverses (auteur, maison d'édition, année...). Si on désire procéder à une recherche extrêmement précise, on a la possibilité de cumuler les trois indexations et il est possible à chaque instant de supprimer l'un ou l'autre des termes saisis. Tout juste après, l'onglet « tags » présente un nouveau niveau d'indexation : celui des utilisateurs. En effet, tous les termes ayant été employés pour indexer les objets virtuels* par les utilisateurs sont éparpillés sur cette vaste page, de façon exhaustive.

Nous pouvons distinguer plusieurs intérêts à une telle richesse d'indexation.

De manière évidente, cela permet à l'utilisateur de rechercher des documents selon sa préférence, les éléments dont il se souvient ou dont il a besoin.

Au-delà, on peut y voir un nouveau niveau de navigation basé sur l'inattendu et propice à élargir notre propre vision du sujet qu'on traite. Choisir une catégorie générale qui englobe le thème de notre choix nous permet en effet de découvrir des documents similaires susceptibles d'amener une dimension supplémentaire à notre étude. On retrouve de fait ici la problématique bien connue de la sérendipité.

De même, cliquer sur un tag nous offre la possibilité d'apprécier l'interprétation d'un inconnu, et de découvrir à travers ses yeux, des analogies insoupçonnées.On peut également constater que certains tags sont dans d'autres langues que l'anglais, ce qui laisse présager d'une expansion multilingue, collective et spontanée du site.

Tous peuvent choisir de taguer à leur guise les différents objets proposés, rompant toute hiérarchisation ou parti pris de l'interface.

La place que McGann choisit de conférer aux tags n'est par ailleurs pas anodine. On peut apprendre à travers ses travaux sémiotiques* qu'il considère que toute chose est déjà marquée implicitement5. De fait, un tag n'est rien de plus qu'une surenchère subjective. Multiplier les tags, c'est donc multiplier les subjectivités, rendre l'interprétation de l'autre accessible de façon intuitive, et créer un sens qui conjugue tous les autres, à la fois unique et collectif.

De sorte, Collex peut également être qualifié d'outil sémantique créateur d'intelligence participative et collective, au-delà de sa simple folksonomie.

Après avoir soigneusement sélectionné nos contraintes et lancé notre recherche, nous pouvons choisir le classement des réponses (pertinence, titre, date). Une autre fonction apparaît juste en dessous du récapitulatif de nos paramètres et nous propose un « top 5 » des meilleurs auteurs et éditeurs, permettant de fait à l'usager, s'il le souhaite, de s'orienter directement vers le contenu le plus fiable du site.

5 McGann J, Rethinking Textualities http://www2.iath.virginia.edu/jjm2f/old/jj2000aweb.html

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Les résultats listés selon nos préférences sont illustrés d'une vignette qui permet à un utilisateur habitué de reconnaître du premier coup d’œil le site fédéré dont le document est issu. Si le document est un objet visuel, cette même vignette lui en donnera un aperçu. Par ailleurs, un lien permet de passer directement sur le site-source.

A noter qu'il n'est jamais difficile d'accéder à la liste des sites sources, ceux-ci étant disponibles en cliquant sur l'hyperlien permanent « Federated Sites » en bas de page.

Une fois face à notre liste d'objets, plusieurs possibilités s'offrent à nous. Nous pouvons apporter notre grain de sel pour faire gonfler l'indexation collective en associant les tags de notre choix à l'objet, ouvrir à partir de l’objet une discussion qui ira se ranger dans le forum, ou collecter l'objet numérique. Cette dernière option permet, soit de le garder en mémoire dans son espace personnel, soit de l'intégrer plus tard à une exposition.

Les objets numériques* peuvent être de nature et de taille toute différente. Ce qui les définit, c'est leur délimitation précise par rapport à l'ensemble d'où ils sont extraits. De fait, ils pourront être un texte intégral, ou encore un paragraphe. Une même ressource peut engendrer autant d'objets numériques que la fantaisie de ses créateurs -ou plutôt de ses découpeurs- le souhaitera.Ainsi, Collex combine les possibilités d'outils de folkosonomie populaires comme Del.icio.us (partage de pages Web) ou Flickr (partage d'images), et permet de créer des relations entre les objets sans avoir à les hiérarchiser.

McGann évoque dans plusieurs de ses articles sa volonté de créer une lecture fluide, continue, cyclique, où le sens évolue plutôt qu'il ne disparaît au profit d'un autre6. A ce titre, on peut émettre une certaine réserve quand à l'interface Collex. Contrairement à un site comme Van Gogh letters où une console de lecture permet de naviguer sans discontinuité parmi les bases de données, Collex nécessite qu'on réitère systématiquement sa recherche, ou tout du moins, qu'on la reprenne. Il n'y a pas de « mode de lecture », d'itinéraires proposés, aléatoires ou analogiques (avec des suggestions de documents liés). En cela, Collex maintient sa fonction d'outil de travail, davantage que d'exploration.

Les objets numériques ne sont pas accessibles sur l'interface même de NINES, mais sur les sites fédérés dont ils sont extraits. En les consultant, on multiplie les fenêtres. Cette multiplication ne s'arrête d'ailleurs pas à la recherche. En effet, au cours de la navigation, nous sommes amenés à basculer sur un grand nombre de sites (blogs dédiés, ARP, SpecLab…). Si Collex est le hub de NINES, NINES est le hub qui crée la réticularité entre des interfaces dédiées au XIXe ou aux Digital Humanities.

Jongler avec autant d'espaces indépendants permet de se plonger entièrement dans un sujet précis. En contre partie, la navigation s'en ressent et on a par moment la désagréable impression de s'être perdus dans un labyrinthe.

6 McGann J, Digital Tools and the Emergence of the Social Text, Romanticim on the Net, 41-42,2006.

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La dernière fonctionnalité de NINES issue de Collex, est de loin la plus intéressante : la création « d'expositions ».En cliquant sur l'onglet Exhibits, nous arrivons à la rubrique centrée autour de ces mystérieuses expositions. On y retrouve l'exposition mise en lumière de la page d'accueil; validée par les académiciens (« peer-reviewed »), mais aussi deux listes d'expositions. L'une est constituée des travaux des membres de la communauté, mais encore non validée, à savoir des professionnels, la seconde, par des étudiants.Ne sont visibles que celles dont les auteurs ont accepté la diffusion, en sélectionnant un paramètre au moment de la création de l'exposition.

L'exposition se présente comme un parcours linéaire, parsemé d'images-liens ou de liens vers les objets numériques collectés par son créateur. On passe d'une page à la suivante en cliquant sur des flèches et un losange permet d'accéder aux notes de bas de page.

Dès lors, libre à nous de consulter l'exposition qui nous intrigue le plus, en cliquant simplement sur son titre. Nous pouvons également découvrir qui en est l'auteur en cliquant sur son nom. Ce dernier choix ouvre un petit pop-up, sorte de fiche d'identité virtuelle. Selon ce que l'utilisateur a choisi de remplir on peut voir son pseudo, son nom, l'institution dont il dépend, un « avatar », des moyens de le contacter ou encore un site internet.

Jusqu'ici la notion d'identité numérique* était bancale du fait de son peu de représentation. En rendant visible des mini-profils usagers, elle prend davantage de poids.

Nous pouvons constater que de travaux d'étudiants sont mis en ligne. Cela nous rappelle que NINES est un projet universitaire à vocation pédagogique. L’outil codex a en effet également été conçu afin de familiariser des étudiants en sciences humaines aux outils et modes de classification employés par des conservateurs ou des commissaires d'exposition.

Passons à présent du côté du réalisateur de l'exposition. En cliquant sur «  create your own », on accède à l'interface de création. Une série de pop-up nous invite à en définir les paramètres liminaires : nom, sélection des objets collectés qu'on compte employer, choix du nom de l'URL, sélection ou envoi d'une image qui illustrera notre exposition.

L'interface de création d’exposition se présente comme une succession de blocs à éditer à notre guise.A tous moments, on peut ajouter ou retirer des objets virtuels en cliquant sur Edit Palette. De même, on peut choisir le creative common de notre choix, ce qui démontre notre absolue liberté d’action. Notre police et style de caractère sont laissés à notre bon vouloir, et enfin, on peut choisir de publier notre exposition ou de la garder privée.

Les blocs à éditer sont assez rigides. Les seules libertés de mise en page dont on dispose sont le choix de l'ordre de succession de notre image, texte ou encore bloc de citation.

Cet aspect strict nous renvoie à nouveau à l’université et à ses conventions de rédaction. En effet, en imposant un modèle minimal à chaque contributeur, on peut plus aisément apprécier le contenu, sans être parasité par des présentations fantaisistes. Si dans un cadre scolaire, ces conventions rendent plus simple la comparaison entre les travaux étudiants dans le but d’en faciliter la correction, elle permet ici d’unifier

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l'ergonomie générale.

Cette volonté d’unification apparaît également dans le fait qu’il soit impossible d'importer nos propres ressources. Il ne s'agit pas ici d'un blog, mais d'un lieu où on se doit de n'employer que le matériel mis à disposition. Cela permet d'une part de le valoriser, d'autre part, de s'assurer de la fiabilité du contenu, et enfin d'éviter que les sources ne se dispersent trop en dehors du cercle des chercheurs de Nines. De sorte, l'utilisateur peut ordonner les objets qu'il a collecté, en les annotant à sa guise. Il peut créer un contenu cohérent et décider d'en faire une présentation scientifique publique, comme il peut le garder privé, comme carnet de notes.

Collex fait en quelque sorte fusionner recherche web et bureau de travail, permettant à l'usager d'étudier, d'écrire et de mettre en corrélation des objets à même le site.

Les avantages par rapport au bureau physique et au support papier viennent de son interactivité permanente avec l'utilisateur. Ce dernier décide des termes de sa recherche comme il l’entend, collecte ce qui lui convient, peut à tous moments exprimer son ressenti sur les objets qu’il rencontre, etc…

4.2. IVANHOE

Second logiciel présent dans la catégorie software, Ivanhoe est un projet expérimental littéraire présenté sous forme de jeu. Il a été développé par McGann et Johanna Drucker dans le but de créer une nouvelle forme de méthodologie critique, plus imaginative, plus proche de la démarche de création poétique ou littéraire.

Une brève description du jeu, agrémentée de quelques screens et d'un livret d'explication sous format PDF (plus agréable à la lecture) nous redirige vers un petit site dédié. On y trouve tout le nécessaire pour jouer (des explications, des démos, ce qu'il faut télécharger...). Il faudra à nouveau s'inscrire, ce site ne dépendant pas de NINES. Si NINES est mis à jour avec une rigueur impressionnante, le site d'Invanhoe laisse sur ce point quelque peu à désirer. En effet, les versions de java qu'il recommande d'utiliser ne sont plus disponibles, et il ne fonctionne pas sous Vista.De fait, nous appuierons notre étude sur ce que nous avons pu comprendre du jeu au travers de ses descriptions, manifestes7 et démos.

Afin de jouer, il faut au moins deux joueurs. Ces derniers vont commencer par rejouer un dialogue d'un livre choisi, en reprenant chacun les répliques de leur personnage assigné. De là, leurs hypothèses et extrapolations propres prennent l'ascendant sur le livre et font évoluer leur réflexion critique de façon dynamique, à travers le dialogue.Bien que prenant place dans un espace narratif fixe, il s'agit donc d'un jeu de dialogue.Chaque déplacement est décrit, et le jeu veut que le joueur prête des intentions critiques à toutes ses interventions.

7 The Conceptual Foundations of IVANHOE, Jerome McGann's online publication

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De ce fait, il faut être familier avec au moins « l'œuvre à jouer », de sorte à pouvoir faire référence à son contenu pour créer des actions cohérentes. Connaître son histoire critique rajoute un degré supplémentaire au jeu, puisque les participants peuvent partir des réflexions pré-établies pour les pousser davantage en avant.

Ce type de roleplay par dialogue se retrouve dans tous les MMOrpg (Massively multiplayer online role-playing game), et prend même parfois le dessus sur le jeu technique. Encore plus proche, on retrouve les jeux sur chat (www.smail.fr) souvent initiés par des communautés de rôlistes (joueurs de jeux de rôle papier comme Donjons et Dragons) et qui se veulent intrinsèquement littéraires.Si Ivanhoe se distingue des autres jeux d'écriture collaborative à aspect « rôle » c'est par la création d'un « espace de réflexion critique », comme noyau central.

Il ne suffit toutefois pas aux joueurs de reprendre la partie existante de leur personnage. Ils doivent les faire vivre à leur tour et être à même de, tout en restant fidèles à leur essence, de leur inventer des objectifs à remplir. De sorte, le jeu garde une dynamique et ne bascule pas dans l'analytique pur. Ces objectifs qui peuvent également être des objectifs d'interprétation et donc se traduire par des traits de caractère se retrouvent dans le « journal personnel » du joueur, accessible qu'à ses yeux. De nombreuses problématiques à double impact ; à la fois littéraires et de gameplay, sont développées au travers de la théorie visuelle (les actions, mouvements et apports sont représentés dans une console intelligente*), des contraintes d'interprétation et des possibilités de partage.

4.3.Juxta

Dernier logiciel mentionné par Nines, Juxta est présenté de manière similaire à Ivanhoe, avec un lien vers un site dédié. A noter qu'il était auparavant hébergé par le site de l'atelier ARP et que de nombreux liens morts continuent à vouloir nous y rediriger. Sont disponibles tout comme sur le site d'Ivanhoe, en plus du logiciel, un guide d'utilisation en ligne, des news et des screenshots.

Juxta est un outil de comparaison textuel. Son fonctionnement consiste à « collecter »  plusieurs documents textuels, afin d'en étudier les différences sur une plateforme à double vollet.Suite à quoi, il est possible de générer une carte qui regroupe toutes les variantes textuelles et permet à l'utilisateur d'avoir une vue globale de toutes les modifications apportées d'un document témoin à un autre.Ce logiciel dispose également d'une fonction capable d'extraire un histogramme récapitulatif de la fréquence de différence entre deux versions du texte sur toute sa longueur. Afin de ne pas parasiter la comparaison, une fonctionnalité de filtrage de la ponctuation et des espaces a été filtrée. De sorte, le texte pur est seul matériau d'étude.

Il s'agit du seul logiciel de NINES que l'on doive télécharger et de fait, il ne possède pas l'aspect coopératif et social des deux autres. Une base liminaire de fichiers (Sept poèmes de Rossetti, des études de Pater...) a été constituée de sorte à ce qu'on puisse aisément prendre en main le logiciel, servant en quelque sorte de didacticiel.

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Si on peut charger des documents textes de format différent, il faudra les convertir à un format commun afin d'effectuer la comparaison. De sorte, Juxta est un outil particulièrement propice à l'étude scientifique rigoureuse de l'évolution d'un texte, si on veut, par exemple, plonger au cœur des intentions de l'auteur. Comme certaines lumières révèlent les différentes couches picturales d'un tableau jusqu'aux repentirs, Juxta révèle les reprises des écrivains.

La diffusion de son travail n'est toutefois pas impossible. En effet, une fois nos comparaisons achevées, nous pouvons enregistrer notre démarche et l'exporter là où bon nous semble.

III. SYNTHÈSE DU PROJET : UN OUTIL, UNE RÉFLEXION

NINES est une interface qui s’appuie sur un outil complexe d'indexation : Collex. L’objectif de cette recherche est d'optimiser le travail des académiciens en sciences humaines tout en explorant les problématiques du support numérique et ses possibilités réticulaires.

NINES n’est pas un wiki amélioré, ni un blog. Il s'agit d'un outil complexe de gestion de contenu. Ainsi les définitions qu'on peut lui donner sont aussi nombreuses que complémentaires.

Il s'agit d'une structuration du contenu construite sur la multi-réticularité et sur de nombreuses indexations créatrices d’une réelle sémantique analogique, mais aussi une fonction de recherche particulièrement évoluée qui permet de parcourir l’espace d’information de multiple façon pour faire émerger du sens inattendu et singulier .

C'est une console de création d'expositions qui permet plusieurs niveaux de participation (contribution, commentaire, inspiration libre) , mais aussi un outil d’analyse de l’espace informationnel en vue de connaître les thématiques visibles et latentes qui émergent de l’espace commun.C'est également un espace de réflexion qui s'interroge sur les alternatives aux publications actuelles orientée profit et les possibilités de créer de l'open content et open source, mais aussi une exploration des actions interprétatives émergentes, par le biais des nouvelles technologies, comme la recherche par « facettes », par texte intégral, le roleplay (Ivanhoe) ou la comparaison (Juxta) .On pourrait enfin le qualifier de réseau scientifique productif axé sur le XIXe siècle anglais et américain, décentralisé , permettant de fait le travail dans un espace individuel de même que la distribution de son produit dans un réseau plus large.

Ou plus simplement, NINES est un outil éditorial et pédagogique folksonomique.

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IV. CE QUE NINES APPORTE POUR RÉSOUDRE LES PROBLÉMATIQUES DU « 2.0 »

La notion de web 2.0 est au cœur de toute réflexion sur les outils de travail spécifiques à une discipline. Or, le 2.0 gravite autour d'un concept principal : l'intelligence collective.

Le web fonctionne par ajout de contenu et liens hypertextes afin de relier les informations et les individus et créer une structure globale. Plus l'activité collective gagne en intensité, plus les associations se renforcent et plus le web prend l'image d'un cerveau global8.

Le site NINES répond à de nombreux points constitutifs du 2.0 selon O'Reilly :

A travers son système de tags, il traite ses utilisateurs comme des co-développeurs, et d'ailleurs insiste lourdement sur l'hégémonie de l'open-source,

Grâce aux créations d'expositions répertoriées, il fait émerger une intelligence collective,

La présence d'une identité numérique et la possibilité d'échanger sur le forum font qu'il vise à construire un réel réseau social,

De par son système de présentation du travail (peer-reviewing) et donc d'accréditation, ainsi que de ses systèmes de création rigide, il effectue un contrôle sur les sources de données,

Il propose des services à travers ses logicels Juxta et Invanhoe,

Avec Collex, absolument intrinsèque au site NINES et Invanhoe qui se joue en réseau, il libère le logiciel du PC,

Enfin, de part sa grande variété d'indexations, il offre de la souplesse dans les interfaces utilisateurs.

Si NINES trouve un grand nombre de solutions aux questionnements entraînés par le 2.0, il n'en reste pas moins un jeune projet. Il est intéressant de se pencher sur des outils analogues plus « matures » afin d'imaginer quel pourra être le futur de NINES.

8 Réflexion élaborée à partir de la définition de Tim O'Reilly

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V. TOPOS, UN OUTIL QUI RÉPOND AUX PROBLÉMATIQUES POSÉES PAR NINES

Le TOPOS, développé par l'Adreva et par un consortium de pointe, n'est pas orienté spécifiquement vers les sciences humaines. Par ailleurs, si sa vocation première n'est pas de faciliter le travail des universitaires, il répond en grande partie aux problématiques abordées par NINES et combine certaines de ses intuitions encore balbutiantes en une plateforme unique.

Tθpos est une plateforme web qui propose :

1. Une console de lecture interactive avec interface intelligente

La console de lecture interactive permet de naviguer au sein des contributions, des corpus et des débats. Elle fonctionne comme Juxta sur le principe du double fenêtrage, ce qui permet de lire la mise en réseau des réflexions. En effet, le numérique fait émerger le sens par la confrontation et le lien. Il y a « supplément » de sens grâce à la liaison. Or, pour lire ce « supplément » de sens, il est nécessaire de pouvoir comparer les textes reliés.

La notion d’interface intelligente renvoie à la capacité de l’application à repérer les comportements de l’usager et à lui faire des propositions pertinentes : simplification de l’interface, découverte de nouvelles possibilités, suggestions de lecture ou d’action, etc.

2. Une plateforme participative

La console de lecture permet aux différents participants de contribuer à une projet donné de diverses façons : apport de contributions (témoignages, questions, opinions, problématiques, points de vue), de commentaires et d’inspirations (les inspirations sont des idées « satellites », inspirées par la concertation mais hors sujet)

Ces différents niveaux de participation permettent de structurer l’espace en apports experts et non experts, de différencier l’opinion du savoir, de permettre le débat sans pour autant qu’il parasite la réflexion.

3. Des fonctionnalités de réseau social

Les participants ont accès à des services type blogs en liaison, Facebook, constitution de groupe, suivi de personne, chat...

Grâce à ces fonctionnalités de l’interface, les participants sont incités à prendre possession de leur « identité numérique » et à découvrir celle des autres contributeurs.

4. Des outils d’indexation semi-automatique

Tθpos propose des navigations cohérentes et met en résonance des contributions hétérogènes.On se rapproche ici de l'ambition de McGann de comprendre le sens de « tous les

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poèmes » et d'accéder à une lecture continue et fluide. La solution employée par Tθpos est celle de la sémantique analogique dans l’indexation. Le processus étant long et fastidieux, il est soutenu par des outils d’indexation semi-automatique.

5. Des outils d’analyse des thématiques principales et des thématiques latentes

L’indexation selon les principes de la sémantique analogique permet d’analyser non seulement les thématiques principales d’un espace de concertation mais également de découvrir les thématiques latentes. Elles émergent au fil des contributions, à la façon d’une mélodie diphonique, en arrière plan.Ces thématiques latentes sont intéressantes car elles expriment le véritable intérêt symbolique de la collectivité.

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BIBLIOGRAPHIE

BOUCHARDON, KAC, BALPE, Littérature numérique et cætera, NOESIS, 2006, Paris.

HILL, T. H, “Theory and Praxis in the Social Approach to Editing,” TEXT5 (1991), 31-46

JOSSET, La pensée en réseau : nouveaux principes cognitifs pour un devenir posthumain ?, no 91 , Sociétés, 2006, De Boeck Université.

McGANN, "Culture and Technology : The Way We Live Now, What is to Be Done ?" , présenté à l’Université de Chicago, le 23 Avril 2004.

SUTHERLAND, Electronic Text. Investigations in Method and Theory. Clarendon Press: Oxford, 1997.

VANDENDORPE, Du papyrus à l'hypertexte, La Découverte, 1999, Paris.