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Dossier NRP Octobre 2011, n°9 Société Jeune fille et quête identitaire: Vers une nouvelle figure sociale Abdelkrim ELAIDI Droit REFORME DE LA LOI SUR L’INFORMATION Suspicion chez les professionnels des médias Mohand AZIRI Culture Dans les studios de Dzaïr Web TV, la première chaîne de télévision algérienne sur internet Hajer GUENANFA Mémoire 1962, les disparus d’Algérie Guy PERVILLÉ L’Afrique du Nord: C’est les vacances!

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Dossier

NRP Octobre 2011, n°9

Société Jeune fille et quête identitaire: Vers une nouvelle

figure socialeAbdelkrim ELAIDI

Droit REFORME DE LA LOI SUR L’INFORMATIONSuspicion chez les professionnels des médiasMohand AZIRI

Culture Dans les studios de Dzaïr Web TV, la première chaîne

de télévision algérienne sur internetHajer GUENANFA

Mémoire 1962, les disparus d’Algérie

Guy PERVILLÉ

L’Afrique du Nord: C’est les vacances!

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NRP, octobre 2011, n°9

SommaireN° 9 octobre 2011

La NRP est la nouvelle formule de la « Revue de presse »,

créée en 1956 par le centre des Glycines d’Alger.

[Attestation du ministère de l’information: A1 23, 7 février 1977]

Revue bimensuelle réalisée en collaboration avec le :

Ont collaboré à ce numéro

Farid BELGOUMBernard JANICOT

Hizia LAKEDJAFayçal SAHBI

Mehdi SOUIAHLeila TENNCI

Houari ZENASNI

CENTRE DE DOCUMENTATION ECONOMIQUE ET SOCIALE

3, rue Kadiri Sid Ahmed, Oran • Tel: +213 41 40 85 83 • Courriel: [email protected]

Site web: www.cdesoran.org

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Si vous voulez recevoir gracieusement les numérossuivants de la Nouvelle Revue de Presse, envoyez-nous un message à l’adresse suivante:

[email protected]

Les idées exprimées dans les textesrepris par la NRP n’engagent que laresponsabilité de leurs auteurs

Pourquoi l’Algérie ne peut être un pays detourismeAhmed Rouadjia, p.4

Djanet, l’économie locale suspendue aux«affaires» Mariani et KadhafiFarouk Djouadi, p.5

Tunisie: les Libyens ont évité un désastretouristique à DjerbaKaouther Larbi, p.6

Maroc: Les recettes touristiques s’inscrivent enhausse de 9,6%Dounia Mounadi, p.6

SociétéJeune fille et quête identitaire: Vers une nouvellefigure socialeAbdelkrim Elaidi, p.7

DroitAlgérie: A fond la réforme!Cherif Ouazani, p.9

REFORME DE LA LOI SUR L’INFORMATIONSuspicion chez les professionnels des médiasMohand Aziri, p.11

Culture/MédiasDans les studios de Dzaïr Web TV, la premièrechaîne de télévision algérienne sur internetHajer Guenanfa , p.11

Manipulation des réseaux sociaux: Lesinternautes algériens ne sont pas dupesNora Chergui, p.12

Mémoire1962, les disparus d’AlgérieGuy PERVILLÉ, p.13La liberté d’écrire l’histoireDjanina Benkelfat Messali /Allal Bekkaï, p.13

Bibliographie, p.14

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NRP, octobre 2011, n°9

Editorial L’Afrique du Nord :

C’est les vacances !

Les recettes de tourisme dans les pays de l’Afrique du Nord constituent une part impor-tante dans leurs balances des paiements, et par conséquent, financent une grande par-tie de leurs importations. Cette importance traduit les efforts faits par les gouverne-ments pour attirer les touristes, à travers les infrastructures mises à leur disposition :des services de haute qualité, des employés compétents, et bien sûr le réaménagementdes lieux archéologiques. Mais, suite aux événements politiques graves qui ont eu lieudepuis quelques mois dans certains pays de l’Afrique de Nord, l’impact sur le tourisme aété considérable.En quelques semaines, l’Egypte et la Tunisie ont perdu plus de 80% de leurs revenus liésau tourisme. En Egypte, les ¾ des bateaux naviguant en Haute Egypte restent à quai. Leshôtels ont vu baisser leur fréquentation dans les mêmes proportions. Les complexeségyptiens ont du licencier la moitié de leurs collaborateurs. Même si la situation semblese stabiliser, il est indéniable que l’Egypte gardera de l’année touristique 2011 un souve-nir bien sombre !En ce qui concerne la Tunisie, la situation est un peu différente : pays plus proche del’Europe du Nord, destination moins onéreuse, elle est préférée par les touristes de paysvoisins notamment, les algériens et les libyens.Le Maroc, suite à l’attentat perpétré à Marrakech, a perdu en quelques jours la quasitotalité de ses réservations. Le taux de remplissage des hôtels 4 et 5 étoiles n’excédaitpas 40%. L’année 2011 est une année difficile pour le Maroc en général, et pour Marra-kech en particulier.En Algérie, certains soulignent le manque d'infrastructures touristiques et la mauvaisesituation sécuritaire ; deux facteurs susceptibles de dissuader les visiteurs de venir enAlgérie. Mais l’autorité locale pense que la priorité reste de promouvoir le "tourismeinterne", ce qui signifie que le pays veut récupérer au moins une grande partie destouristes algériens qui passaient leurs congés en Tunisie ou en Egypte.Le dossier du n° 9 de la Nouvelle Revue de Presse est consacré à la situation du tourismedans les pays de l’Afrique de Nord, après les changements politiques qui ont eu lieu danscette région.

Farid BELGOUM

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DOSSIER

Notre pays est beau, vaste, diversifié et contrasté.Déployé sur une étendue de 2 381 740 km2, il disposed’atouts multiples : naturel, géographique, économique,etc. mais que gâchent et défigurent des pratiquessociales dévastatrices que nul discours officiel ne sauraitnier ou masquer.Nos officiels chargés de ce secteur vital ont beau discouriret enjoliver les œuvres accomplies ou à accomplir dansl’avenir en matière du développement d’infrastructures,d’accueil et de services, notre pays demeure pourtant fortarriéré en ce domaine. Là, cependant, où le discours officieldit vrai, c’est quand il fait valoir la beauté de nos paysageset de nos plages pittoresques et révèle, avec des chiffres àl’appui , des réalisations « grandioses » en termes destructures physiques, d’équipements et de personnel «formé » ou à former dans l’immédiat. [...]Car, en effet, et partout, du Nord au Sud, d’Ouest en Est,le pays recèle, outre les plaines fertiles et nourricières de laMitidja, des Hauts- Plateaux céréaliers, et de bien d’autres,des sites naturels merveilleux, des vues panoramiquesextrêmement prenantes qu’illustrent, entre autres, lescorniches (Jijel-Bougie), les gorges de Kherrata et deLakhdaria, naguère baptisées Porte de fer, le golfe d’Oran,de Skikda, la baie d’Alger, les gorges du Rhumel, lesmerveilleux Balcons de Ghoufi dans les Aurès. Tous cessites splendides constituent autant de trésors que la natureen a fait un don « spécial » à l’Algérie.Beauté d’un payssacrifié sur l’autel de l’indifférence et du dilettantismeprofessionnel.[...][Au Sud] à quelque trois mille kilomètres environ d’Alger,se dresse majestueusement le massif volcanique duHoggar, dont le point culminant se situe au Djabal Tahat(2908m). Les paysages lunaires qui l’entourent avec leurscollines en manière de « coupoles » et de têtes de sphinxque l’érosion éolienne a dessinées avec un art consomméà travers les millénaires sont d’une rare beauté de formeset de couleurs. Les intenses lumières qui les baignent aucoucher du soleil accentuent et précisent les moindresdétails et linéaments qui les traversent de part en part.Chef-d’œuvre exceptionnel du créateur ou du travailspontané de la nature - je ne sais -, ces sites aux paysagesextraordinaires offrent au regard fatigué par la monotoniedes villes bruyantes et polluées de la « civilisation » urbainedes moments de repos, de méditation et d’exaltationsalvatrices.

Le paradoxe d’un beau pays qui repousse plus qu’il n’attire le tourismeBien que certains rapports internationaux classent l’Algérie audixième rang parmi les plus beaux pays du monde en termes decontraste, de beauté et de diversité naturelle et géographique, elledemeure cependant une des nations les moins attractives pour letourisme étranger. A quoi est due cette répugnance manifestée chezle touriste étranger à venir chez nous, bien qu’il puisse être fascinéet admiratif devant les images qui se présentent à son regard àtravers les prospectus des agences de voyage ou à travers l’Inter-net ? [...]

Un accueil rébarbatif et hargneuxPuisque le tourisme ne se limite pas aux complexes de luxeet ne s’intéresse pas forcément à des hôtels de quatre oucinq étoiles, mais concerne aussi tous les lieux de curiositéset de découverte de l’insolite, du folklorique et dupittoresque, commençons alors par les lieux publics simpleset la manière dont ils accueillent le client ordinaire. En effet,partout, et dans quelque lieu où vous foulez des pieds un

lieu public (café, restaurant, hôtel, magasind’alimentation…) l’accueil est exécrable. Le patron ou legarçon de café vous accueille avec une face rébarbative, etheureux si vous ne vous faites pas insulter en lui faisant laremarque sur son attitude peu rassise à votre égard.Lui demande-t-on gentiment d’essuyer la table encrassée? Le garçon, et parfois le patron lui-même, vous envoiepromener de manière cassante. Si, inversement, le garçonest aimable et de bonne humeur, il opinera de la tête touten vous faisant attendre une demi-heure ou plus pournettoyer la table et vous servir. Dans la plupart de ces caféset restaurants populaires, la politesse, la civilité et lapropreté ne sont pas les choses les mieux prisées. Ces traitsde conduite vertueuse ne sont pas intégrés dans leurunivers mental orienté qu’il est exclusivement versl’utilitaire et le service « minimal ».

Un manque flagrant d’hygiène et de propretéAu mauvais accueil réservé à la clientèle bigarrée, s’ajoutele manque d’hygiène. Comme on le verra sous peu, cephénomène manifeste n’épargne pas les complexes ditspompeusement « touristiques ». Certains hôtels classésquatre ou cinq étoiles ne sont pas à l’abri de la saleté ni dela présence envahissante de ces cafards aussi nuisibles à lasanté que répugnants aux regards allergiques. L’exempledes waters (toilettes), illustre de manière frappante le peude cas accordé à la propreté et au respect du client. Eneffet, parmi les 802 cafés et restaurants répartis entre lenord (Alger), l’Est (Constantine, Annaba), l’Ouest (Oran)et le Sud (Biskra, Touggourt, Ouargla…) dont je fus unclient de passage, il n’est pas un seul qui dispose de waters(WC) propres ou d’une porte qui ferme.Certains n’en disposent d’ailleurs pas quand d’autres sontbouchés par d’énormes monticules d’excréments auxodeurs pestilentielles. Mais le plus cocasse et qui se répètesous toutes les latitudes du pays, c’est la fermeture à clédes quelques waters fonctionnant tant bien que mal. Sivous n’êtes pas un client familier des lieux, vous ne pouvezpas espérer obtenir du cafetier la clé en question et vousrisquez fort bien, dans ces conditions, faire dans votrefroc. Il lui indiffère que vous soyiez indisposé par quelquecrise digestive ou en proie à une diarrhée aiguë.[...]

Quand la propreté se trouve aux prises avec le diable et la violenceCe n’est pas caricaturer la réalité que de décrire les chosestelles qu’elles se présentent à l’œil nu. Il s’agit là, aucontraire, d’images vivantes d’un pays qui semble faire fides règles élémentaires de propreté et d’hygiène et dontles citoyens, marchands et consommateurs, ont l’air debien s’accommoder de cet état de fait lamentable[...]. Nosbouchers, entre autres, sont la preuve contraire de cetteassertion : en exposant des cadavres d’animaux égorgés,sanguinolents, sur le bord des trottoirs poussiéreux quebordent parfois des caniveaux charriant des eauxverdâtres, sans parler des fumées des pots d’échappement,ils montrent par-là même que la propreté est le cadet deleur souci.[...] Celui qui sait mesurer les choses à leur juste valeur, quisait apprécier la nature, le beau et l’agréable ne saurait eneffet admettre un environnement sale et bruyant.Le respect de la nature, de l’ordre, de l’autodiscipline etde la propreté sont les marques distinctives du civisme etde la citoyenneté active[...].

Ahmed ROUADJIA

Pourquoi l’Algérie ne peut être un pays de tourisme

9 août 2011

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DOSSIER

6 septembre 2011

Farouk DJOUADI

Djanet, l’économie locale suspendue aux«affaires» Mariani et Kadhafi

Djanet sort en ce début de septembre de sa longue «hibernation » estivale. Les moteurs des 4X4 animentles artères de la petite ville cernée de toutes parts de

montagnes rocheuses. Des ouvriers s’affairent ça et là àembellir les devantures de magasins, pratiquement fermésdepuis le mois de mai dernier. « On se prépare à accueillirdes touristes qui peut-être ne viendront pas», se rendcompte, à peine dépité, un marchand de produitsd’artisanat. Les doutes de ce commerçant quinquagénaire,vêtu en parfait Targui, ne sont pas sans fondements. Lekidnapping de la touriste italienne, Maria Sandra Mariani,en février dernier, par l’AQMI (Al Qaida au Maghreb) ajoutéà la guerre en Lybie voisine, font craindre le pire auxprofessionnels du tourisme basé dans cette partie sud duparc national du Tassili, un territoire saharien éblouissantde beauté à plus de 2000 km de route d’Alger.Déjà, la saison dernière, Djanet n’a reçu que 7000 touristes.Un bilan très maigre comparativement à celui enregistrélors de la saison 2009/2010 quand cette région connuemondialement pour ses peintures rupestres a drainé 18000 touristes. Un record d’affluence dans les annales deDjanet pourtant convertie au tourisme depuis la fin desannées 1960.

Le tribunal porte les traces noires de l’émeute

[...]Les causes des mauvaises performances touristiquesdépassent cependant de beaucoup le champ d’action desprofessionnels et de l’ensemble des15 000 habitants quecompte Djanet. Les mises en gardes du Quai d’Orsay, qui adéconseillé au ressortissant français de se rendre dansl’extrême sud Algérien pour cause de « menace terroristes», aggravent le trait. « Les agences de voyages européennesse référent souvent, en ce qui concerne l’Algérie, auxappréciations des Français, et nous avons du mal àconvaincre nos partenaires de venir chez nous » soulignele patron d’Azjar Tours.Toutefois, les professionnels du tourisme de la région nese sont pas résignés à ce « chantage sécuritaire ». Ilscomptent inviter leurs partenaires étrangers à Djanet àl’occasion de la journée mondiale du tourisme, le 27septembre de chaque année. « Nous ferons venir nosprincipaux partenaires étrangers af in qu’ils puissentconstater d’eux-mêmes que la situation sécuritaire au sudalgérien, telle que présentée par certaines voix influentesen Europe ne reflètent pas toute la réalité », expliqueAbdelkader Boughrari le président de l’association desagences de tourisme de la wilaya d’Illizi. Selon lui, lasituation sécuritaire s’est nettement améliorée ces derniersmois avec le renforcement des dispositifs de sécurité. C’estpeut être là un nouvel argument de vente pour les toursopérateurs. Les débordements de l’insurrection libyenne

sur la région de Djanet n’ont pas amené seulement unclan de la famille Kadhafi entre ses murs. L’arméealgérienne s’est déployée et les risques de mauvaisesrencontres sur les circuits habituels vers la vallée de laTadrart au sud, ou vers Bordj Haoues au nord, sont jugésquasiment nuls par les locaux. La fille du « guide » libyen,Aïcha, a même donné naissance à une petite Safia àl’hôpital de la ville, nouvelle curiosité pour touristes « lesprochaines bonnes saisons ».

L’hôtellerie sauvée par les réfugiés libyens

La ville de Djanet dispose en outre de plusieursétablissements hôteliers qui répondent aux besoins dutourisme moyen gamme. Les plus connu restent l’hôtelZeriba et le Ténéré qui propose des chambres à des prixallant de 2500 à 3500 dinars la nuitée. Et comme le malheurdes uns fait le bonheur des autres, Lamine, gérant del’hôtel Zeriba, reconnaît que son établissement a été sauvécette année par les refugiés libyens. L’hôtel Zeriba, dotéd’une trentaine de chambre aff iche souvent completdepuis le déclenchement de la guerre en Lybie. Pour lereste, Lamine, considère que Djanet n’a pas besoin debeaucoup d’hôtels. Les touristes viennent à Djanet pourfaire des circuits à dos de chameau ou sur des 4X4 etpassent leur séjour dans le désert. Ils ne font appel auxhôtels que les jours de leur arrivée et de leur départ deDjanet.En dépit des craintes évidentes de défection de touristesétrangers pour le « chaos » supposé qui entoure la régionde Djanet, certains professionnels demeurent optimistes.Plusieurs voyagistes affirment avoir reçu « beaucoup dedemande » de l’étranger pour cette saison. Il s’agit plusparticulièrement de touristes en quête d’aventures quipréfèrent se rendre à leur destination sans passer via lesagences de tourisme de leurs pays. Pour les groupescomposés de plus de 5 touristes, les randonnées à dos dechameau ou dans des véhiculés sont toujours accessiblesà partir de 3000 dinars la journée par personne avec priseen charge totale. Le parc du Tassili considéré comme leplus grand musée d’art à ciel ouvert dans le monde proposedes surprises bouleversantes aux visiteurs. C’est l’un desseuls endroits au monde où le mouflon, espèce classée envoie d’extinction, s’est remis à se multiplier de manièreremarquable. Le voyagiste Husseini Ayoub considère enf in de compte que rien n’est joué encore. La saisontouristique commence dans quelques semaines et on nesait pas ce qui va arriver, dit-il en montrant du doigt un «Moula Moula », ce petit oiseau noir à la queue blancheconsidéré par les Touaregs comme un porte bonheur.[...]

La nouvelle saison touristique au grand sud algérien s’annonce bien ardue à Djanet. Le kidnapping d’une touristeitalienne, Maria Sandra Mariani, en février dernier a déjà gâché la fin de saison précédente. La guerre en Lybie ne vapas arranger les choses pour la population locale qui a vu passer un pan du clan Kadhafi. Reportage dans la perle du

Tassili, ou la toute proche tension sur la frontière est perceptible et ou pointe déjà le malaise social.

Supplément Economie, Le quotidien d’Oran

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DOSSIER

Parmi les dizaines de milliers de Libyens qui se sontréfugiés ces six derniers mois en Tunisie, les plusfortunés se sont installés à Djerba et ont évité le

désastre touristique à l'île, boudée par les Européensaprès le soulèvement qui a emporté Ben Ali le 14 janvier."Le malheur des uns a fait le bonheur des autres", ré-sume un chauffeur de taxi, Jamel. Alors que 2011 s'an-nonce d'ores et déjà comme la pire année pour le tou-risme tunisien --un secteur qui représente 7% du PIB etemploie 400.000 personnes--, Djerba a pu limiter les dé-gâts grâce aux réfugiés.L'île de 139.00 habitants, dont 80% vivent directementou indirectement du tourisme, accueille toujours quel-ques milliers de Libyens, qui attendent la chute totale durégime Kadhafi et la fin des combats pour rentrer chezeux. De gros bolides immatriculés en Libye occupent lesplaces de parkings, et leurs propriétaires remplissent lesrestaurants, cafés, commerces et maisons de locationprès de la mer."Sans eux, ma recette aurait été prochede zéro", reconnaît Chérif, 39 ans, un épicier à Midoun."Depuis le soulèvement contre le régime libyen nousenregistrons un chiffre d'affaires de 100.000 dinars parjour, soit une augmentation de 10% par rapport à l'année2010", indique pour sa part Adel Khlifi, sous-directeurd'une grande surface à Houmet Souk, chef lieu de l'île.Selon lui, les Libyens sont "de très bons clients" qui con-somment beaucoup les produits alimentaires. "Le coûtde leurs achats dépasse les 120 dinars par famille (envi-ron 60 euros)", ajoute M. Khlifi. "C'est vrai que l'argenten devise (des touristes européens) nous manque maison ne peut pas nier que nous avons été sauvés par nosfrères libyens", estime Salem, 49, gérant d'un restau-rant dans la zone touristique de Djerba, qui accueille de-

puis deux mois une cinquantaine de Libyens chaque jour."Au moins on n'a pas fait faillite cette année", renchéritMohamed, un responsable d'un café branché à Midoun.Accueillant ses premiers clients avec un large sourire peuaprès la rupture de jeûne en ce mois de ramadan, il or-donne aux serveurs de "les gâter comme il se doit"."Ils sont loin de chez eux, leur pays est en guerre. Ils ontbesoin qu'on leur remonte le moral. Ils méritent bien çaavec ce qu'ils dépensent", explique Mohamed.Dans quelques hôtels, un prix spécial pour les Libyens aété affiché à la réception ne dépassant pas les 60 dinars(environ 30 euros) pension complète. "C'est un prix sym-bolique pour ces gens qui vivent une situation difficile. Ilfaut les aider dans cette période", indique AdbelwahabMajoul, directeur d'un hô tel quatre étoiles.Les VIP, eux, ont séjourné dans les cinq étoiles, réservésau prix fort. Ces palaces ont accueilli au cours des der-niers mois des officiels du régime et des représentantsde la rébellion pour des discussions secrètes à l'abri desregards. Mais la présence libyenne et ses conséquencesa aussi irrité. Et certains Djerbiens attendent avec impa-tience le départ de leurs hô tes."Dès l'arrivée des Libyens,les prix des légumes et des fruits ont presque doublé,s'énerve Ali, un fonctionnaire. "On reste plus d'une heureà faire la queue pour acheter de l'eau et du lait tellementnos magasins sont envahis par les Libyens", ajoute-t-il."Je comprends parfaitement leur situation, mais ils doi-vent pas abuser", estime Salem, un bijoutier, qui pestecontre "le comportement hautain et impoli de certains"et évoque des rixes entre Libyens ou avec les habitantsde l'île surpeuplée.

Kaouther Larbi pour l’AFP, 26 août 2011

Tunisie: les Libyens ont évité un désastre touristique à Djerba

Le volume des arrivées aux postes frontières a atteint 5,8 millions de touristes à fin juillet 2011, enregistrant une évolution de 3,4% par rapport à la même

période de l’année précédente.L’activité touristique des non-résidents au Maroc a gé-néré 33,4 milliards de dirhams, au titre des sept premiersmois de l’année en cours. C’est ce qui ressort du rapportdes statistiques sur le tourisme au Maroc pour le mois dejuillet 2011 publié par le département du tourisme et l’Ob-servatoire du tourisme relevant du ministère du tourismeet de l’artisanat. Ainsi, les recettes de l’activité touristi-que des non-résidents au Maroc à juillet 2011 s’inscrit enhausse de 9,6% par rapport à la même période de l’annéedernière. En effet, selon les données communiquées parla Direction générale de la sûreté nationale au ministèredu tourisme, le volume des arrivées aux postes frontiè-res a atteint 5,8 millions de touristes à fin juillet 2011. Ceschiffres sont en évolution de 3,4% par rapport à la mêmepériode de l’année précédente. Aussi, selon le ministèredu tourisme, cette tendance positive a concerné la ma-jorité des principaux marchés du Maroc. À savoir unehausse de 3% pour la France, de 13% pour l’Allemagne, de9% pour le Royaume-Uni, de 14% pour la Belgique et de9% pour la Hollande. Cependant, l’Espagne a enregistréune baisse de 3%. Sur un autre volet, durant cette pé-riode, le nombre des arrivées aux postes frontières aé-riens a enregistré une évolution significative de +6,6%,avec une hausse de 10% enregistrée sur l’aéroport Mar-

rakech Ménara, de 15% sur l’aéroport de Tanger IbnBattouta et de 20% sur l’aéroport Fès Saiss. Par contre, lavoie maritime et la voie terrestre ont enregistré des bais-ses respectives de 1 et de 5%. S’agissant des nuitées tota-les enregistrées dans les établissements d’hébergementtouristique classés jusqu’à fin juillet 2011, les profession-nels relèvent une baisse de 2,4% par rapport à 2010. Aussi,à l’exception de la ville d’Agadir où les nuitées se sontstabilisées, la majorité des principales destinations duRoyaume ont vu leurs nuitées reculer au cours des septpremiers mois de 2011. Ainsi, les villes de Marrakech, Ca-sablanca Tanger Fès Rabat et Ouarzazate ont réalisé desbaisses respectives de 4, 5, 1, 17, 2 et 11%. Par marchéémetteur, la baisse des nuitées du tourisme récepteurest principalement attribuée aux marchés français qui achuté de 11% et espagnol qui s’incline de 29%. En revan-che, les marchés britannique, allemand, belge et arabeont enregistré, respectivement, des hausses notables de6, 8, 15 et 2%. Pour sa part, le marché des résidents repré-sente presque le quart des nuitées totales, enregistrantune croissance de 12,4% à fin juillet 2011 comparativementavec la même période de l’année précédente, soulignele ministère du tourisme. Et de noter que depuis le débutde 2011, le taux d’occupation moyen des chambres abaissé de deux points par rapport à la même période del’année 2010 pour s’établir à 42%.

Dounia Mounadi pour Aujourd’hui le Maroc, 7 septembre 2011

Maroc: Les recettes touristiques s’inscrivent en hausse de 9,6%

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[SO

CIÉ

TÉ]

Abdelkrim ELAIDI

[…]DYNAMIQUE DES RAPPORTS

FILLES /GARCONSCe qui n’est pas sans effets, dontle plus important est, au plan sym-

bolique, celui marquant la dynami-

que du rapport filles / garçons. Auplan familial, la restructuration desrapports parents / enfants etfrère / soeur se poursuit mais,d’ores et déjà, la jeune fille estpeut-être la principale bénéfi-ciaire de cette restructuration.Dans tous les cas, son statut sem-ble être valorisé – en atteste le «désir de f ille » chez les mères –dont il sera question loin.Les nouvelles technologies decommunication - chaînesparabolées et numériques, télé-phones mobiles, Internet, etc. -offrent de nouveaux supports etde nouvelles opportunités à cemouvement – tout en impulsantles désirs et en accentuant lesfrustrations.Nous tentons de préciser, dansses principales directions, cetteapproche, en mettant l’accent, enparticulier, sur des conditions etdes modalités de l’émergence dela jeune fille.Cette approche suggère de voirnon seulement ce que la sociététend à / ou tente de faire de lajeune fille, par différentes formesde socialisation, mais aussi ce quecette dernière fait elle-même – oumieux : ce que la jeune fille fait dece que la société veut faire d’elle.C’est une façon de suggérer desuivre l’approche d’Alain Tou-raine relative à l’action de la so-ciété sur elle-même.La démarche ici suivie passe, defaçon synthétique et principale-

ment, par quatre axes : 1) un désir

: c’est le désir dont la jeune filleest l’objet mais dont elle sera unjour, à son tour, l’auteur, à savoirce qu’on a désigné comme « désir

de fille » chez les mères algérien-nes ; 2) une conquête qui l’impulseau niveau de l’Ecole ; 3) une appro-

priation qui déplace les frontièreset lui permet l’accès à un mondeou plutôt à des mondes virtuels-

réels : c’est l’appropriation desNTIC (Nouvelles Technologies del’Information et de la Communi-cation) ; 4) Une inquiétude / un qalaq

qui l’habite et qui a trait aussi bienà son avenir qu’à la métamor-phose sociale touchant les assi-gnations et les relations de genre.

Dans son ouvrage Des mères

contre les femmes. Maternité et pa-

triarcat au Maghreb, paru en 1985,et réédité aussi bien à Alger(1990) qu’à Tunis (1995), lagrande ethnologue Camille La-coste-Dujardin écrivait sous l’intitulé« Naître fille : la honte » : « L’arrivée

d’une fille, en Algérie, se fait dans le

silence1. ». Une telle assertionest récurrente. On la rencontredans de nombreux écrits et re-cherches. L’Enquête algériennesur la santé de la mère et del’enfant, dite PAPCHILD, réali-sée par l’ONS, avec la Ligue desEtats arabes, en 1992, est venuepourtant révéler ou confirmerun fait réel : il y a bel et bien, chezles mères algériennes, un désir

de filles.Ce désir, comme le montre Fa-tima-Zohra Oufreha en parlantde « révolution silencieuse »,même si elle le fait en terme in-terrogatif, est exprimé massive-ment par les femmes algérien-nes (à 92 %).Le garçon n’est plus, par con-séquent, seul à être désiré. Il y abel et bien là une « attitude no-vatrice » et une véritable muta-tion dans les attitudes et repré-sentations. Par ailleurs, cettemutation s’exprime massive-ment par une non oppositionau travail de la fille (à 90 %), parle désir de voir cette dernière àl’Université (79 %), et avec lemême niveau d’instruction quele garçon (85 %). Le mariageavant 18 ans est fortement re-jeté (96 %).Fatima-Zohra Oufreha en tiredes conclusions essentielles

Jeune fille et quête identitaire:

Vers une nouvelle figure socialeS’il y a une figure qui ne cesse, ces dernières décennies, d’investir et de marquer le monde social et l’espace

public en Algérie, c’est bien celle de la jeune fille. La configuration qu’elle présente, et dont les traits doiventêtre précisés, bouscule les comportements, les attitudes et les représentations. Il n’est plus possible, de touteévidence, de voir la jeunesse algérienne – vision encore dominante au cours des dernières décennies - dansson seul vecteur masculin. Nous sommes en présence d’une configuration en émergence faisant de la jeune

fille une catégorie frayant sa place dans une société en pleine mutation et dont une des caractéristiquesessentielles est, sans doute, le conflit des logiques sociales et des valeurs en présence.

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qu’on peut présenter en deuxpoints :- « Quand on connait la société al-

gérienne, la formulation du désir

de filles traduit la nouvelle per-

ception que les femmes ont d’el-

les-mêmes. Elle reflète les nou-

veaux rôles et les nouveaux sta-

tuts qu’elles assument et qu’elles

ont conquis récemment. La per-

ception de soi devient positive.

On peut dire que le destin que les

femmes voulaient pour leurs

filles constitue le meilleur facteur

de changement social, positive-

ment orienté […] ».- « La véritable révolution silen-

cieuse est là, inscrite dans les dé-

sirs et les stratégies de femmes qui

ne veulent plus que leurs filles

aient le même destin qu’elles ! El-

les vont donc, par leurs stratégies

decontournement et de persua-

sion, accompagner

MUTATION SOCIALE ET ESPE-RANCES INQUIETES

La jeune f ille se déploie ainsicomme configuration en émer-gence dans un ensemble social enpleine mutation. Désirée, elle estloin d’être acculée à l’attente etau passif. Elle investit l’Ecole etdifférentes sphères sociales et sesaisit des nouvelles formes d’ex-pression et de réalisation, dont lesnouvelles technologies.Dans un passé relativement éloi-gné maintenant, l’observateurpouvait, à juste titre sans doute,s’inquiéter du sort de l’individu àl’heure des multiples déf icits, ycompris au plan normatif. C’étaitle cas de Nefissa Zerdoumi,auteur d’une recherche, parfoisinjustement ignorée, portant surl’éducation en milieu traditionnelalgérien, qui tirait, concluantcette recherche, une sorte desonnette d’alarme :« Aujourd’hui les valeurs traditionnel-

les qui comblaient l’esprit et soute-

naient le destin de chacun s’effritent.

Nous sommes à ce moment difficile

où les aveugles espérances ne suffi-

sent plus et où les lucides espérances

commencent à peine à être distri-

buées. »

Elle faisait référence, évidem-ment, au Prométhée d’Eschyle(Prométhée enchaîné) qui, pourempêcher les hommes de porterdes « regards inquiets » vers l’ave-nir et de pressentir la mort, a faithabiter leur âme d’ « aveugles es-

pérances ». Il serait plus adéquat,dans le cas de la jeune fille algé-rienne, de parler d’espérances in-

quiètes. Elle serait plutôt habitéepar une sorte de qalaq berquéen,une inquiétude diff icilementcernable car touchant l’être etson destin. Il n’est pas loin letemps où, à travers une oeuvreromanesque, une jeune arabe dusud Liban, âgée d’une vingtained’années en 1958, lançait ce cri :Anâ Ahyâ ! / Je vis !, comme une dé-couverte de la vie, amenantl’auteur des Arabes d’hier à demain

(Jacques Berque, 1960) au cons-tat que « vivre en Orient est une idée

neuve ». Leila Baalbaki, née en1936, venait de faire sans douteune telle découverte, en quelquesorte, à travers l’héroïne de sonpremier roman : « […] Je me suis

demandé à qui appartenait ces che-

veux tièdes qui se répandaient sur mes

épaules. N’était-ce pas les miens ?

Tout être vivant n’a-t-il pas des che-

veux, dont il dispose comme il lui plaît

? »C’est à travers ce type de décou-verte que se construit, à notresens, le profil identitaire qui estloin d’être une sorte d’assigna-tion essentialiste définitive de cet

être, toujours en friche, en réa-lité, et qui n’a pas fini d’émer-ger.

CONCLUSION

Il ne s’agit pas, en effet, pour lajeune fille, de simplement affir-mer ou réaffirmer son identité,une identité dont la configura-tion est déjà acquise, ou d’adop-ter un des modèles identitairesqui seraient proposés par lasociété et auquel elle pourraits’identif ier et s’y reconnaitreavant d’être reconnue par lesautres. La tentation est grandede mettre l’accent sur la repré-sentation de soi de l’adoles-cente, en terme d’élaborationidentitaire, dans une perspec-tive de double appartenance -traditionnelle et moderne.L’adolescente finirait par adop-ter une position mobile qui as-socierait tradition et rénova-tion. Car, c’est au momentmême où la jeune fille tend às’autonomiser comme être àpart entière qu’elle est rappe-lée à l’ordre – les représenta-tions dominantes ne la don-nant comme accomplie que parle mariage et la maternité. Maisl’idée de non accomplissementest à distinguer de celle de l’ina-chèvement qui, dans l’appro-che anthropologique27, per-met justement la saisie de ladynamique de l’actuel, de sestensions, son sens et son en-jeux.C’est dire qu’émergent, de nossociétés, les intérieurs et l’invi-sible social, ou comme disaitJacques Berque : « Notre épo-que est celle de l’éruption desintérieurs : intérieurs du pays,de la société, de la personne, dulangage. »

Les Cahiers du CREAD n°92 / 2010

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Cherif OUAZANILe 11 septembre a vu le gouver-nement algérien planchercomme jamais sur des problé-matiques très délicates?: leslois sur les partis et les associa-tions ainsi que le code del’information. La question dela réhabilitation du Frontislamique du salut (FIS) asuscité de vifs débats, avantque Abdelaziz Bouteflika netranche. Pour le moment.

Jamais, de mémoire d’Algérien indé-pendant, un Conseil des ministresn’aura duré autant?: plus de vingt-quatre heures?!Aucune crise ma-jeure (et l’Algérie ena pourtant vécu cescinquante dernièresannées), pas mêmel’assassinat du prési-dent MohamedBoudiaf, le 29 juin1992, n’avait provo-qué autant de pala-bres dans la grandesalle du palais d’El-Mouradia. Le 11 sep-tembre 2011, quand lereste du monde avaitles yeux tournés versNew York, AbdelazizBouteflika convo-quait son gouverne-ment. À l’ordre du jour?: les réformespolitiques profondes qu’il avait pro-mises, le 15 avril, alors que le vent dela révolution soufflait en Tunisie eten Égypte, et que l’insurrection deBenghazi secouait les fondementsde la dictature en Libye. Au menu dece 11 septembre donc?: la refonte dela loi sur les partis, la révision de cellesur les associations et le nouveaucode de l’information.La loi sur les partis, censée conforterle pluralisme politique, a été revue àla suite des concertations avec laclasse politique et la société civile,

menées par Abdelkader Bensalah,président du Conseil de la nation. Ellelimitera les pouvoirs de l’administra-tion sur l’agrément des partis,ouvrant des voies de recours aux de-mandeurs et imposant au ministèrede l’Intérieur un délai de soixantejours pour donner son avis motivé. Au-delà, l’agrément sera délivré d’of-fice. Mais le débat se concentre surun seul point?: faut-il réhabiliter leFront islamique du salut (FIS, dissousen mars 1992 par la justice)?? Très vite,deux camps s’opposent.Le camp du refus

Le premier milite pour le retour desislamistes radicaux, au nom de la ré-conciliation nationale. Emmené parAbdelaziz Belkhadem, secrétaire gé-néral du FLN et ministre d’État, se-condé par Mahmoud Khoudri, minis-tre des Relations avec le Parlementet membre de l’ex-parti unique, lecamp des « réhabilitateurs » compteégalement les ministres issus duMouvement de la société pour la paix(MSP, ex-Hamas, d’obédience Frèresmusulmans). En face, le camp du re-fus se résume à deux membres dugouvernement?: Yazid Zerhouni,

vice-Premier ministre, et KhalidaToumi, ministre de la Culture. Leurdétermination compense le poidsdu nombre, d’autant qu’ils enregis-trent l’apport d’Ahmed Ouyahia. LePremier ministre affirme que lacharte sur la réconciliation natio-nale de 2006 avait interdit la prati-que politique à ceux qui ont encou-ragé et commandité les actes ter-roristes. Bouteflika tranche?: pas deretour du FIS.PRESSE La loi sur les associationsinspire autant de passion. L’organi-sation de la démocratie participa-tive est moins aisée qu’on ne le

pense. Mais, aprèsdeux heuresd’échanges, le texteest adopté. Alors queNacer Mehal, le mi-nistre de la Commu-nication, s’apprête àlire son projet sur latroisième partie desréformes, il est inter-rompu par le chef del’État?: « Nous som-mes fatigués etavons besoin de souf-fler. Nous repren-drons nos travauxdemain à 8 heures. »Le lendemain, laséance est plus ra-pide. La nouvelle loisur l’information ex-

clut « toute peine privative de li-berté pour les journalistes dans lecadre de leur activité profession-nelle ». La dépénalisation des dé-lits de presse, vieille revendicationde la corporation, est adoptée, etl’ouverture de l’audiovisuel, mono-pole exclusif de l’État depuis l’in-dépendance du pays, est consa-crée. Un joli pas en avant que tousles médias attendent de voir con-firmé.

Algérie: A fond la réforme!

n° 2645

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L’agrément de nouveaux titres serasoumis au quitus...

Tiédeur et suspicion. L’annonce de lalevée (prochaine) du monopole publicsur le champ audiovisuel est accueillieavec froideur et circonspection par lesprofessionnels des médias. Et pourcause ! L’ambiguïté entourant la dé-marche (verticale) des pouvoirs publicsn’augure pas d’une réelle ouverture dupaysage audiovisuel.Le pouvoir politique annonce d’oreset déjà qu’il gardera la main haute surla délivrance des autorisations d’émet-tre et maintient le flou sur le contenude la «loi spécifique» annoncée pourcompléter les dispositions de la nou-velle loi organique sur l’information.L’ouverture de l’activité audiovisuellese fera, selon le communiqué du Con-seil des ministres, «sur la base d’uneconvention conclue entre la sociétéalgérienne de droit privé concernée etune autorité de régulation de l’audio-visuel, validée par une autorisation dé-livrée par les pouvoirs publics».Uneouverture qui s’annonce donc biaisée,en trompe-l’œil. Chez les profession-nels, pas de jubilation dans l’air, maisbeaucoup de réserves. Le secrétairegénéral par intérim du Syndicat natio-nal des journalistes (SNJ), KamelAmarni, ne veut pas céder, dit-il, àl’«euphorie ambiante, alors qu’il nepeut s’agir que d’une ouverture soushaute surveillance, très contrôlée» parle pouvoir politique.Même s’il concède quelques pointspositifs au nouveau code de l’informa-tion : dépénalisation du délit de presseet suppression des peines privativesde liberté, Amarni craint que cette«ouverture» ne tourne court. «Pour-quoi créer une instance de régulationde l’audiovisuel en sachant qu’elle nesera pas fondée de pouvoir et qu’elleaura une existence de pure forme ?»,s’interroge-t-il.L’opacité dans le processus de déli-vrance d’autorisations d’émettre minetoute la démarche publique et rensei-gne sur les «arrière-pensées»prévalentes. «Cette ouverture, qui ex-clut de son champ les médias publics,ne profitera qu’aux puissances de l’ar-gent.»Pour preuve, précise-t-il, les cinq dos-siers de demande d’agrément actuel-lement sur la table du gouvernementémanent de grands chefs d’entreprise,tels que Haddad (ETRHB), Rebrab(Cevital), Djillali Mehri, patron du

groupe éponyme, Echourrouk,BeurTV, etc. Journaliste free-lance, ElKadi Ihsan ne crie pas à la «révolution»médiatique. Les «officines» au pouvoirprocéderont, selon lui, au «cas par cas»en privilégiant l’octroi d’agrémentsaux seuls «produits amis», entendrepar là, les investisseurs et autres hom-mes d’affaires proches du «palais».«Car je ne vois pas ce qui empêcheraitque Haddad (patron de l’ETRHB) pos-sède sa propre chaîne de télévision(…).» La loi, telle qu’elle a été conçue,confère au pouvoir le moyen de choi-sir lui-même les opérateurs avec les-quels il voudrait traiter.

Ouverture…sur les puissances del’argent ?

Belkacem Mostefaoui, professeur etdirecteur adjoint de l’Ecole supérieurede l’information et la communication,se dit tout aussi sceptique. «C’est unleurre, juge-t-il. Sous couvert d’ouver-ture, le pouvoir ne cherche qu’à faireprofiter les copains et les coquins pro-ches du château, les premiers qui se-ront servis quand il sera question decréation de chaînes privées.»Il y avait, selon lui, de la «précipitation»,une «absence totale de transparence»,«comme un jeu caché» dans la concep-tion de ce projet de loi. L’autorité derégulation sera à l’audiovisuel ce quel’ARPT est pour les télécommunica-tions, «une instance bidon», com-mente-t-il.

«les réformes d’après-88 étaient plusambitieuses»

La tentation est forte de copier en lamatière les modèles égyptien, libanais,tunisien, marocain, italien... avec une«marchandisation» effrénée del’audiovisuel faite d’une foultitude dechaînes commerciales créées par les«compagnons idéologiques» des régi-mes. «Il y a une strate sociale algé-rienne qui, souligne-t-il, a gagné beau-coup d’argent, singulièrement depuisle début du terrorisme et par l’accrois-sement de la rente pétrolière et il y aceux qu’on peut désigner comme les‘‘nouveaux entrepreneurs en audiovi-suel’’ qui veulent placer leurs billes,parce que c’est rentable (publicité, vi-sibilité, lobbying). Je crains, en effet,que la société algérienne, qui n’a ja-mais connu de service public de l’audio-

visuel, dans le vrai sens du terme,ne le connaisse jamais, parce quecette ouverture est annonciatrice decréation de télés commercialescréées par les seuls rentiers du sérailet dans ce cas, on perdrait beaucoupde plumes en matière de droit à l’in-formation.»Journaliste à l’Agence presse ser-vice, Mustapha Aït Mouhoub, éga-lement animateur de l’«Initiativepour la dignité du journaliste», re-grette que la revendication d’ouver-ture médiatique soit traitée avec des«demi-mesures». «Soit, on ouvrecomplètement en mettant desgarde-fous, soit on continue à ver-rouiller le paysage, mais on ne peutse satisfaire de demi-mesures.» Ils’agirait néanmoins d’une «pre-mière», une «ébauche d’ouverture»,mais le défi est plus «important».Car en plus de l’ambiguïté entourantla démarche des pouvoirs publics, les«conditions objectives» pour le lan-cement de chaînes privées ne sontpas réunies, d’après lui. «L’absencetotale d’un marché et d’une indus-trie de l’image est un handicap sé-rieux. Ce ne sont certainement pasles quelques boîtes audiovisuellesprivées qui pourront combler cevide», affirme Aït Mouhoub.Ex-directeur du Soir d’Algérie et pré-sident du défunt conseil d’éthiqueet de déontologie, Zoubir Souissi re-fuse de jeter le bébé avec l’eau dubain.Souissi estime qu’il y a incontesta-blement «évolution», même s’il re-connaît que la philosophie des ré-formes engagées en la matièreaprès la révolte d’Octobre 1988sont beaucoup «plus ambitieuses»que celles proposées par le Conseildes ministres. «Il est certain, ajoute-t-il, que nous sommes en décalagepar rapport à la dynamique des ré-volutions arabes. Nous ne savonspas, à la lecture du communiqué si-byllin du conseil du gouvernement,où le pouvoir veut en venir en ma-tière d’ouverture, mais nousn’avons pas le choix, nous sommesl’un des rares pays avec la Corée duNord à n’avoir qu’une seule chaîne :on doit prendre ce qu’il (pouvoir)nous donne et revendiquer le resteaprès.»

REFORME DE LA LOI SUR L’INFORMATION

Suspicion chez les professionnels des médias

Mohand AZIRI

14 septembre 2011

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Hadjer GUENANFA

Dans les studios de Dzaïr Web TV,la première chaîne de télévision algérienne sur internet

Q uinze heures passées dequelques minutes, mercrediaprès midi. L'ambiance à

Dzaïr Web TV est calme, presquemorose. Un journaliste, deux techni-ciens et une animatrice sont pré-sents. « C'est plus animé quand il y ades matchs puis le montage, ou lorsde l'enregistrement des émissions »,rassure Ryad Belkhedim, ex journa-liste à la Chaîne III de la Radio natio-nale et directeur de la web TV.Celle ci ne diffuse, pourl'instant, que du contenuà caractère sportif. Unesorte de stratégie de péné-tration, explique notre in-terlocuteur, puisque leurpremière cible est la jeu-nesse. Plusieurs numérosde Dzaïr Foot et du Cafédes sports, les deux émis-sions proposées, sont dis-ponibles sur le site.

La chaîne ne sera pas pourautant dédiée exclusive-ment aux "footeux". Sesresponsables pensentd'ores et déjà à diversifierles programmes. Des émissions àla fois économiques et culturellesseront proposées auxinternautes avant la f in de l'an-née. Elles sont actuellement àl'étude. Ils ne donnent pas beau-coup de détails mais assurentqu'ils réservent pas mal de surpri-ses. La politique ? Pourquoi pas,si le contexte socio politique dupays s'améliore, répondent ils.D'autres nouveautés sont réser-vées pour le début de l'année2012, dont la diffusion de certainsprogrammes en direct.

Le géant des travaux publics etpatron du Groupe médias Tempsnouveaux, avec ses deux quoti-diens en français et en arabe, AliHaddad, a fait appel à deux agen-ces de communication algérien-nes pour la réalisation de ce pro-jet, dont Lotus médias. Ses con-tours commençaient à se dessi-

ner début janvier 2011. Son lan-cement est intervenu vers la finaoût après avoir obtenu les auto-risations nécessaires. « L'idée delancer une web TV n'a rien à voiravec les promesses du présidentde la République [lors de son dis-cours d'avril dernier, ndlr] con-cernant l'ouverture du champaudiovisuel. Dzaïr web TV exis-tera même après l'ouverture »,indique Yacine Titem de LotusMédias.

Lui et le reste de l'équipe se con-sidèrent aujourd'hui comme des

Pas très loin de la présidence de la République, c'est dans une villa dans le quartier du Golf (El Mouradia), aucentre de la capitale, qu'une petite équipe de journalistes et de professionnels de la communication confec-tionnent les programmes de la toute nouvelle Dzaïr Web TV. Cameras, ordinateurs et un tout petit plateaude tournage... Le lancement de cette nouvelle télé sur internet n'a visiblement pas nécessité de très grandsmoyens financiers mais beaucoup d'ambition pour franchir le pas de l'obscurité des circuits traditionnels à

la lumière du web et de l'informatique.

pionniers dans le domaine. Trèsoptimistes, ils ambitionnentmême d'arriver à cinq millions devisiteurs par mois dans deuxans. La qualité médiocre du dé-bit internet en Algérie ne leurfait pas peur. Ils croient à uneévolution dans ce sens. Actuel-lement, ils ne sont qu'à dix millevisiteurs par jour. Un "exploit"réalisé en trois mois, car « le con-

cept est unique », tient àsouligner M. T item. « Àl'étranger, une web TV estplutôt utilisée dans la com-munication d'entreprise »,poursuit il. Pour lui et sescollègues, Dzaïr web TV estun modèle entre la télé et leweb. C'est la télé mais autre-ment.

Le web est un outil inédit quioffre à chacun l'opportunitéde s'exprimer et de parta-ger son point de vue. Lesconcepteurs de Dzaïr webTV comptent bien profiterde sa puissance et de toutesses évolutions techniques

pour attirer encore plusd'internautes algériens. Ces der-niers « sont aussi des rédacteursde cette chaîne, ils proposentsouvent des thèmes », s'enor-gueillit M. Belkhedim. Cons-ciente que la concurrence estinévitable, tant les espérancesque porte le web sont énormesdans un espace encore ver-rouillé par le politique, l'équipede Dzaïr web tV tente déjà de sefaire sa place

InfoSoir26 septembre 2011

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Nora CHERGUI

Certains ont compris à leursdépens qu’Internet est tout à la

fois une source merveilleused’information et un outil très

efficace de désinformation,voire un moyen de propagande

et de déstabilisation.

Facebook et Twitter, présentéscomme des vecteurs de démocra-tisation, en sont le meilleur exem-ple. Car ils sont pour beaucoupdans les mouvements de révolteque d’aucuns surnomment prin-temps arabe. Les « appels à la ré-volution » anonymes sont deve-nus monnaie courante. Le dernieren date concerne notre pays. De-puis fin août les habitués de latoile se voient invités à « sortirdans la rue le 17 septembre et ma-nifester ». Mais l’écho escomptén’a pas eu lieu. Pour la simple rai-son qu’il faut être dupe pourcroire en la sincérité des initia-teurs de cet appel, engagés vir-tuellement pour « le changementen Algérie ». Les internautes algé-riens l’ont très bien compris. Car

ils ont encore à l’esprit l’histoirede la bloggeuse syrienne, qui amis le feu à la poudrière, mais quiétait en fait un bloggeur améri-cain installé en Ecosse. Les com-mentaires des surfeurs en disentlong sur la maturité de notre jeu-nesse dont on dit qu’elle est apo-litique mais grandement patrioti-que. En témoigne cette réplique :« Au lieu de diffuser votre discourssoi-disant pour “SAUVER LEPAYS”, allez sauver les Palesti-niens. Les exemples de certainspays arabes et plus récemment laLibye nous ont ouvert les yeux. Lechaos qui règne en Tunisie, onn'en veut pas ici !!! “Les Algériensne sont pas dupes, laissez tom-ber. Laissez-nous régler nos pro-blèmes nous-mêmes”, ou encorecet autre commentaire qui quali-fie cet appel d’hold-up au nom dela liberté. « Attention, je vous in-vite à nous réunir et de nous unir,le 17 septembre 2011, contre lecomplot prévu contre l’Algérie,Etat et peuple, c'est un hold-upau nom de la liberté et de la dé-mocratie, faites le choix et deve-nez acteur, au lieu de subir, pre-

nez la parole ici votre voix et vo-tre mot comptent. » Les mem-bres du réseau social ont éga-lement compris que le choix dela date « 17 septembre » n’estpas fortuit. D’ailleurs le minis-tre de l’Intérieur l’a confirmé.Dans une déclaration à notreconfrère Ennahar dans son édi-tion de jeudi, M. Daho OuldKablia a accusé des partiesétrangères et hostiles à notrepays de vouloir provoquer destroubles. « Des indices nousorientent vers des partiesétrangères en relation avecl’entité sioniste. Pour preuve ladate choisie coïncide avec la si-gnature des accords de CampDavid entre l'Egypte et Israël(17 septembre 1978), les mas-sacres des camps palestiniensde Sabra et Chatila ont été per-pétrés les 16 et 17 septembre1982. Le ministre s'est déclaréconfiant : « Il ne se passera rienaujourd’hui », car selon une en-quête menée par les autoritésil y a "réticence générale quantà ces appels malveillants", augrand dam de ces cyber activistes.

Manipulation des réseaux sociaux

Les internautes algériens ne sont pas dupes

18 septembre 2011

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Guy PERVILLÉ

17 septembre 2011

Après le cessez-le-feu du 19 mars, 3000civils français sont enlevés en Algérie ;1700 ne reviennent pas. Des récentes

recherches le confirment. Les français saventque la guerre d’Algérie a coûté la vie à prèsde 25000 militaires français, dont les nomssont enregistrés au mémorial du Quai-Branlyà paris depuis le 5 décembre 2002. Mais ilsn’ont pas pris conscience du fait que desmilliers de leurs compatriotes ont étéenlevés (…). Pourtant, les pouvoirs publicsont reconnu un nombre alarmant dedisparus. Selon le secrétaire d’Etat auxaffaires algériennes Jean de Broglie, parlantau sénat le 24 novembre 1964, sur 3018personnes signalées comme disparus avantle 19 mars 1962 : 375 depuis le 1er novembre1954. Le bilan des morts et des blesséss’élevant quant à lui pour la période 1954-1962 à 2788 tués et 7541 blessés. Il s’agit làdes français soumis au code civil, et nondes « français musulmans », qui furent parmiles victimes (16378 tués, 13610 blessés et13296 disparus avant le 19 mars 1962)

L’ANNEE TERRIBLE :Les violences en Algérie n’ont pas cessé avecl’annonce de la signature des accordsd’Evian par les délégations dugouvernement français et du FLN, le 18 mars1962, ni le cessez-le-feu. L’OAS rassemblaaussitôt les partisans de l’Algérie françaisesous l’autorité nominale de l’ex-généralSalan, qui ordonna de mettre en échec lecessez-le-feu (…). Très vite, l’OAS ouvrit lefeu sur un groupe de soldats du contingentle 23 mars à Bab el-Oued. Le 26 mars, rued’Isly, un barrage de tirailleurs algériens del’armée française tira sur une manifestationde solidarité des algérois français. Legouvernement français rejeta toute laresponsabilité sur l’OAS (…). En effet, moinsd’un mois après le cessez-le-feu, desenlèvements se multiplièrent dans Alger etOran et dans les campagnes voisines…Cesenlèvements suivis par les premièresdécouvertes de charniers, provoquèrent unepanique dont témoignent les journaux deFrancine Dessaigne à Alger et du père deLaparre à Oran (…). Le 5 juillet à Oran, descentaines d’Européens furent enlevés à lasuite de mystérieux coups de feu tirés sur lafoule des algériens manifestant leur joie del’indépendance dans les rues (…)

COMBIEN DE VICTIMES ?Durant plusieurs décennies, la fermeture desarchives publiques a empêché d’en dire plusque les bilans off iciels, malgré lapersévérance d’un groupe de chercheurs quis’efforçaient de lutter contre l’oubli. Depuisquelques années, il y a du nouveau. Après laformation d’un groupe de recherches desfrançais disparus en Algérie par ColetteDucos-Ader, le prêtre oranais Mgr Boz, leshistoriens Jean Monneret et Maurice Faivre,en octobre 2002, les archives du ministèredes affaires étrangères ont publié plusieurs

bilans successifs. De son côté, Colette Ducos-Ader a établi en octobre 2010 un fichier de4366 noms. Cette liste comprend des civils(3847) et de militaires (519 dont 342 avantle 19 mars 1962 et 177 après). Parmi les 3847civils enlevés, 1803 personnes ont étélibérées (…) En tenant compte du nombrede cas incertains (380), le nombre depersonnes présumées décédées parmi lescivils enlevés se situerait donc entre 1664 et2044 cas. Chargé de mission par la missioninterministérielle aux rapatriés de 2008 à2010, l’historien Jean-Jacques Jordi aconfronté toutes les archives disponiblesavec les enquêtes antérieures, et en a tiré unlivre. Il est notamment parti d’une liste duministère des affaires étrangères établie en2007 qui mentionne 2267 noms de disparussupposés. Parmi eux, 1614 personnes sontprésumées décédées, dont 112 militaires noninscrits sur le mémorial du Quai-Branly et84 inscrits : 1466 « européens » et 148« français musulmans », en fait le nombrede ces derniers est sans doute plus élevémais n’est pas établi. Outre les 1614 présumésdécédés, Jordi dénombre parmi lesdisparus 171 cas incertains dont 41 sansrequête des familles, 33 cas « hors propos »,343 personnes rentrées France ou vivant enAlgérie, 97 corps retrouvés et inhumés. Ce

bilan permet de conclure à un nombretotal de civils disparus proche des 1700personnes. Ce qui représenterait lamajorité absolue des quelque 3000personnes dont la disparition avait étéreconnue en 1964 par Jean de Broglie.Jordi fournit un tableau de la répartitiondes disparus en pourcentages et pardépartements, montrant une très forteinégalité, puisque l’Algérois enreprésente plus de 50% et l’Oranie plusde 40% (…)

LA FIN DES POLEMIQUES ?A Perpignan, dans un local appartenantà la mairie, un mémorial des disparus enAlgérie de 1954 à 1962 inauguré par lecercle Algérianiste le 25 novembre 2007a suscité l’opposition de plus de 30organisations de gauche. Jordi remarqueque la liste de 2670 noms du mémorialcomporte 868 noms gravés abusivement,soit près de 40% d’erreurs. Les chefs duFLN, n’ont semble-t-il jamais fourni lesexplications publiques. Seule exception,le chef de la zone autonome d’Oran, SiBakhti, qui publia le 6 juin 1962 unedirective interdisant tout enlèvement.N’oublions pas que les algériens restentles principales victimes de la guerre. Maisles français d’Algérie eux aussi ontsouffert

Janina Messali travaille depuis trente sept ansdans la reconstruction de la mémoire de son père,Messali Hadj. Nous l’avons rencontrée au quartierles Dahlias à Kiffane (…)Le Quotidien d’Oran : Que ressentez vous àchaque fois que vous foulez le tarmac del’aéroport qui porte le nom de votre père ?Djanina Benkelfat : De l’émotion (…)Q.O. : Le 3 juin de chaque année, Les Amisdu PPA se font un point d’honneur decommémorer comme à l’accoutumée chezHadj Omar Lachachi l’anniversaire de ladisparition de Messali. Un commentaire.D.B. : Ecoutez Hadj Omar Lachachi est untrès vieux militant, il a fréquenté le PPA etle MTLD très tôt ; (…).Q.O. : Le mot réconciliation vous semblepeut-être juste ?D.B. : Ni l’un, ni l’autre (…). On réhabilitequelqu’un qui a fait une chose de grave, etpuis, on s’aperçoit f inalement que ce n’estpas aussi répréhensible que ça, ça ne leconcerne pas. Quant à la réconciliation, c’estqu’il faut s’être disputé avec quelqu’un pourse réconcilier, (…) Voilà un homme qui aété évacué de la politique violemment, quia été occulté par l’histoire écrite depuisl’indépendance, et donc là se pose unproblème, pas une fâcherie, donc il n’y paslieu d’avoir de réconciliation. Il s’agit pourbeaucoup d’algériens de comprendre ce quis’est passé, qu’elles sont les causes de sonévacuation. Ces causes sont politiques (…).Je ne suis pas en train de réécrire l’histoiremais j’ai donné les moyens aux historiens

de le faire, c’est-à-dire que j’ai faitparaître les mémoires de mon père en1982, que j’ai archivé tous les documentsque mon père a laissés derrière lui, quej’ai fournis à André Julien, MohamedHarbi, Benjamin Stora que tout le mondeconnaît mais que personne ne lit. Aprèsles gens disent que tu ne connaisl’histoire, si elle n’est pas écrite enAlgérie, je peux vous aff irmer qu’elle estécrite ailleurs, et c’est triste. On attenddes réformes de ce point de vue là etdes libertés d’écrire, j’espère qu’elles nevont pas tarder. C’est moi qui à fournistoutes ces archives que Mohamed Harbia publiées dans les années 80 (…). On aeu la chance d’avoir Charles André Julienqui a présidé le conseil scientif ique (…).Vous savez qu’il y a quelque chose danscette société, des partis politiques, cen’est pas dans leur programme derevisiter l’histoire (…). Il y a des élites, lasociété civile (…), ça ne les intéresse pas,ils s’investissent ailleurs (…). Quand onparle de Messali, on revient toujours àl’actualité, parce qu’il a été porteur de ladate d’ouverture, il a demandé la liberté,il en a payé le prix, parce que la libertéça a un prix, on ne fait pas de cadeau dela liberté, jamais, ça s’arrache (…).

1962, les disparus d’Algérie

n° 376

Djanina Benkelfat Messaliau ,

propos recueillis par Allal Bekkaï

La liberté d’écrire l’histoire

Page 14: Dossier L’Afrique du Nord: C’est les vacances!cdesoranai.cluster021.hosting.ovh.net/document/NRP09.pdf · au tourisme. En Egypte, les ¾ des bateaux naviguant en Haute Egypte

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NRP, octobre 2011, n°9

[BIBLIOGRAPHIE]

L' Équation Africaine (Roman)Yasmina KhadraJulliard, 2011

A la suite d'un terrible drame fami-lial, et afin de surmonter son cha-grin, le docteur Kurt Krausmannaccepte d'accompagner un amiaux Comores. Leur voilier est atta-qué par des pirates au large descôtes somaliennes, et le voyage «thérapeutique » du médecin setransforme en cauchemar. Pris enotage, battu, humilié, Kurt va dé-couvrir une Afrique de violence et

de misère insoutenables où « les dieux n'ont plusde peau sur les doigts à force de s'en laver lesmains ». Avec son ami Hans et un compagnon

d'infortune français, Kurt trouvera-t-il la force de surmon-ter cette épreuve?En nous offrant ce voyage saisissant de réalisme, qui noustransporte, de la Somalie au Soudan, dans une Afriqueorientale tour à tour sauvage, irrationnelle, sage, fière,digne et infiniment courageuse -, Yasmina Khadra con-firme une fois encore son immense talent de narrateur.

Après une brillante carrière dans lahaute fonction publique algérienne,Abderrahmane Hadj-Nacer revient,dans cet ouvrage, sur son parcours, sonhéritage familial, ses engagements.Inquiet de la situation actuelle, des blo-cages multiples qui persistent, il livreici une analyse sans concession – unrien désabusée – de l’état de son pays.Cependant, refusant de céder au fata-lisme, il propose quelques pistes concrètes pour sortirde l’impasse.

Protestations sociales, révolutions civilesSarah Ben Néfissa et Blandine Destremau (coord.)Revues Tiers-Monde (H.-S.n°2), A. Colin, 2011

Cet ouvrage propose d’analyser cesmouvements à la lumière des muta-tions sociales et politiques de ces so-ciétés : diminution des capacités distri-butives des États, fin de l’émigrationmassive, érosion des solidarités tradi-tionnelles et du modèle patriarcal de lafamille, urbanisation, éducation, parti-cipation accrue des femmes à l’activitésociale et économique et, enfin, révo-lution des moyens de communication.On y lira des travaux de recherche por-

tant sur l’Égypte, la Tunisie, le Maroc et le Liban.

La martingale algérienne, réflexion sur une crise (Essai)Abderhamane Hadj-NacerBarzakh, 2011

[DISCOGRAPHIE]

[FILMOGRAPHIE]

Spécialistes de l’Art duMaqâm arabe,Aïcha Redouane etHabib Yammine ap-portent leur contri-bution à la traditiondu Maqâm par denouvelles composi-tions mettant enmusique les grandspoètes mystiques.Dans la constellation des noms féminins qui ontmarqué l’histoire arabo-musulmane de leurs lumiè-res, Râbi’a Al-‘Adawiyya tient une place importante.C’est à elle que ce disque est consacré.Les paroles d’Amour de Râbi’a n’ont pas d’âge etparaissent avoir été prononcées au 21e siècle tantelles sont d’actualité par la force et la douceur deleur pureté et de la lumière qu’elles diffusent.Aujourd’hui comme au 8e siècle, ces poèmes sontun remède pour les coeurs souffrants, un baume

pour les esprits en quête de lumière, un repère et un apaise-ment pour tous les êtres humains, par-delà les cultures, lesreligions et les opinions.

Maqâm d’AmourAïcha RedouaneLe chant du monde, 2011

Les hommes libresIsmaïl Ferroukhi (réalisation)France-Maroc, 2011; durée: 1h501942, Paris est occupée par lesAllemands. Younes, un jeuneémigré algérien, est con-traint de vivre du marchénoir. Son cousin, avec qui ilpartage un appartement, sa-bote une usine et disparaîtdans la clandestinité. Arrêtépar la police française,Younes est accusé de compli-cité et menacé d'être fusillé.Mais l'inspecteur de police luipropose un marché : sa libertécontre une surveillance de la Mosquée de Paris, soup-çonnée d'aider des résistants et des juifs. Dans la

mosquée, Younes rencontre le chanteur d'origine algé-rienne Salim Halali. Touché par sa voix et sa personnalité, ilse lie avec lui, découvrant peu après qu'il est juif. Malgré lesrisques, Younes met un terme à sa collaboration avec lapolice. Entre Younes et Salim naît une amitié qui se déve-loppe au gré des évènements. Les lois anti-juives et la ré-pression allemande n'empêchent pas Salim de continuerses activités de chanteur. Mais l'étau se resserre peu à peusur lui. Un soir, Salim est arrêté par la Gestapo qui le soup-çonne de dissimuler son identité juive. Face à cette barba-rie, Younes, l'ouvrier immigré et sans éducation politique,se métamorphose progressivement en militant de la liberté.