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HANS RICHTER LA TRAVERSÉE DU SIÈCLE LES AXES DU PROJET

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HANS RICHTER

LA TRAVERSÉE DU SIÈCLE

LES AXES DU PROJET

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HANS RICHTER / PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE L’EXPOSITION

DU 28 SEPTEMBRE 2013 AU 24 FÉVRIER 2014 GALERIE 2

Pour la première fois en France, le Centre Pompidou-Metz consacre une rétrospective majeure à l’oeuvre graphique, peinte et filmée de Hans Richter (1888-1976). Conçue et organisée en partenariat avec le Los Angeles County Museum of Art, cette exposition monographique est aussi l’occasion de situer l’artiste dans son contexte. Hans Richter. La traversée du siècle retrace plus de cinquante ans de la carrière de l’artiste à la lumière de ses multiples collaborations, avec notamment des oeuvres de Jean Arp, Theo van Doesburg, Alexandre Calder, Marcel Duchamp, Viking Eggeling, Max Ernst, Marcel Janco, Fernand Léger, Kasimir Malévitch, Man Ray, Gerrit Rietveld ou encore Mies van der Rohe. Sa trajectoire façonne et raconte, à elle seule, une histoire de l’art du XXe siècle, dans ses dimensions sociale, politique et formelle. Pour l’illustrer, un vaste corpus documentaire (photographies, livres, revues…) vient compléter la présentation d’œuvres majeures des avant-gardes du XXe siècle. Cinéaste, peintre, écrivain, éditeur de revues, Hans Richter est dès les années 1910 au carrefour des avant-gardes. Pionnier du cinéma expérimental, il est l’auteur de Rythmus 21, film d’une grande brièveté. Ces trois minutes tournées au commencement des années 1920 présentent, à l’écran, une radicalité comparable à celle du Carré blanc sur fond blanc de Kasimir Malévitch – avec lequel Hans Richter avait le projet de collaborer. Cet artiste pluridisciplinaire, également peintre, dessinateur et écrivain, dont l’existence se confond avec les soubresauts de l’histoire du XXe siècle, se trouve à Munich pendant la révolution spartakiste, puis en URSS au début des années 1930 ; quelques temps plus tard, il s’exile aux Pays-Bas, en France et en Suisse pour fuir l’Allemagne nazie, puis aux Etats-Unis durant la Seconde Guerre mondiale. Tout au long de cette traversée du siècle, il n’a vécu que pour la peinture et pour le cinéma, comme il aimait à le rappeler lui-même. Dans l’œuvre polymorphe de Hans Richter, le cinéma agit comme un catalyseur, un point de rencontre, le lieu privilégié de la circulation et de la communication entre les médiums : peinture, dessin, mais également typographie, photographie et architecture. Les films élaborés par Hans Richter à partir de ses grands rouleaux peints, inspirés de la peinture chinoise, ont influencé l’architecture moderne de Mies van der Rohe, ou encore celle de Gerrit Rietveld. L’exposition Hans Richter. La traversée du siècle donne à voir cette perméabilité des formes

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et interroge la perception et les déclinaisons de l’image en mouvement au sein de l’espace muséal. Elle retrace aussi l’implication profonde du cinéma dans l’histoire de l’art du XXe siècle, dont Hans Richter, si souvent à la croisée des chemins, devint le passeur. Sans prétendre en révéler toute l’ampleur et la portée, le parcours proposé tente de restituer, pas à pas, cette traversée du siècle, depuis le mouvement Dada dans les années 1910 et 1920 jusqu’à sa mise en récit et en images par Hans Richter, devenu historien des avant-gardes dès années 1920 et de sa propre existence. De Dada vécu à Dada reconstitué, il est question du passage du temps, de l’activisme politique et artistique, de l’histoire et de sa répétition. D’abord présentée au Los Angeles County Museum of Art sous le titre Hans Richter : Rencontres du 5 mai au 2 septembre 2013, cette exposition voyage ensuite au Martin-Gropius-Bau de Berlin, où elle est montrée du 27 mars au 30 juin 2014. Elle a été conçue et organisée par le Centre Pompidou-Metz et le Los Angeles County Museum of Art. Un catalogue accompagne l’exposition. Commissaires : Timothy O. Benson, Directeur du Rifkind Center, LACMA, Los Angeles Philippe-Alain Michaud, Conservateur au Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, chef du service du cinéma expérimental Commissaire associée : Cécile Bargues, historienne de l’art

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HANS RICHTER / PARCOURS DE L’EXPOSITION

L’exposition suit un parcours chronologique, à la fois linéaire et circulaire, qui reprend analogiquement le déroulement d’un ruban filmique monté en boucle. En effet, la traversée de Hans Richter est marquée par la répétition : il refait les mêmes oeuvres, prolonge les principes de l’avant-garde établis dans les années 1920 et rapporte sa propre histoire sous la forme de livres et d’expositions. La boucle est bouclée lorsque Hans Richter, après avoir été l’un des artistes majeurs de Dada, en devient le gardien en en écrivant l’histoire. L’exposition commence en 1916, lorsque Hans Richter, âgé de 28 ans, arrive à Zurich. Tout juste sorti de l’hôpital militaire où il a été déclaré invalide suite à une grave blessure, il représente dans des dessins obsessionnels des cochons dévorant des cadavres ramenés du front. Hans Richter rencontre alors Marcel Janco, Tristan Tzara et Jean Arp, dans une effervescence et un enthousiasme qui doivent faire de cette « île au milieu du feu, du fer et du sang » le foyer de Dada. La révolution à laquelle il prend part n’est pas, écrira-t-il ensuite, « un mouvement artistique au sens traditionnel du mot ; c’était un orage qui éclata sur l’art comme la guerre sur les peuples ». S’il s’associe à la revue Die Aktion dirigée par Franz Pfemfert et aux protestations contre le caractère meurtrier du conflit, sa mise en cause de l’ordre établi consiste d’abord à peindre, au crépuscule, des portraits visionnaires où il laisse la couleur s’épanouir et le hasard s’exprimer. Il dessine alors à l’encre ses têtes dadas, qui vont toujours plus loin dans la simplification des formes et la rapidité du geste. Cette série en noir et blanc, instaurant un rapport positif/négatif, annonce ses futures expérimentations dans le champ alors complètement ouvert du cinéma, que sa rencontre avec Viking Eggeling doit fortement façonner. A l’issue de la dernière soirée dada, Hans Richter se rallie à la République des Conseils de Munich qui vient de voir le jour, échappant ensuite au déversement de violence qui met fin à la révolution spartakiste. Cette section présente également la collaboration de Hans Richter avec Viking Eggeling. Ils se consacrent alors à la représentation du mouvement et à la problématique de l’apparition et de la disparition des formes pures, au moyen de grands rouleaux séquencés. Ils parviennent ainsi de la peinture à l’image animée et, au-delà, à l’exploration de l’espace-temps que Hans Richter nomme la « quatrième dimension ». L’abstraction constitue le versant le moins repéré du mouvement dada : Rythmus 21 (1921) et Rythmus 23 (1923), reposant sur un agencement abstrait de rectangles et de carrés rythmiquement alternés, entrent en résonnance avec l’esthétique du mouvement De Stijl. Situé au carrefour des avant-gardes, Hans Richter montre comment le mouvement dada réconcilie subversion politique et formalisme, invitant à penser l’histoire de l’art de façon décloisonnée. L’exposition met ainsi en relation les oeuvres des artistes du mouvement de Stijl (Theo van Doesburg, Gerrit Rietveld, Georges Vantongerloo…) et celles des artistes dadas (Jean Arp, Raoul Hausmann, Marcel Janco, Kurt

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Schwitters…). De 1923 à 1926, Hans Richter publie la revue G, qui fait l’objet de la section suivante, et dont le titre, constitué de la première lettre de « Gestaltung » (la forme), est dû à El Lissitzky, tout comme le jeu typographique des deux premiers numéros. Tout en s’inscrivant dans le foisonnement des revues des années 1920 auxquelles Hans Richter participe, de Ma à Contimporanul, G se distingue par le large spectre de ses contributeurs (Jean Arp, Constantin Brancusi, Werner Gräff, Raoul Hausmann, Piet Mondrian, Mies van der Rohe, Kurt Schwitters…) ainsi que par l’étendue des problématiques soulevées, de la forme des vêtements à celle des immeubles, en passant par celle des lettres et des moteurs. G se penche aussi bien sur le rôle de la « poésie conséquente » que sur celui du cinéma, évoquant ce que ce dernier a été comme ce qu’il pourrait être – le dernier numéro, sobrement intitulé « Film », tenant lieu à la fois d’hommage et de testament. Une couverture de G reproduit une composition de Kasimir Malévitch, constituée d’éléments flottant dans le ciel, présentés en contrepoint d’une vue aérienne. De passage à l’école du Bauhaus, Kasimir Malévitch a souhaité confier à Hans Richter la mise en mouvement et le déploiement dans l’espace des formes suprématistes. Son rappel forcé en URSS l’empêche d’offrir à Hans Richter le scénario qu’il a préparé. Projet inabouti, réputé perdu mais exhumé bien plus tard, il sera réalisé à la fin des années 1960 par Hans Richter lui-même, aidé d’Arnold Eagle. L’ensemble de ce projet est présenté dans l’exposition. La position prééminente acquise par Hans Richter au sein du cinéma d’avant-garde, l’impact de ses productions des années 1920, telles que Filmstudie (1926), Inflation (1927-28), Vormittagsspuk [Ghosts Before Breakfast] (1928) ou Alles dreht sich (1929), l’amènent à concevoir la section filmique de l’exposition « Film und Foto » organisée à Stuttgart en 1929. Celle-ci constitue une histoire décloisonnée du cinéma, étonnamment étendue aux domaines du film scientifique et expérimental – dont le visiteur peut voir à quels états de la photographie elle faisait écho ; une vision militante également, illustrant et défendant le rôle social du film, prolongée dans le livre Filmgegner von heute – Filmfreunde von morgen, que Hans Richter fait paraître cette même année et qui sert de catalogue à l’exposition. Au début des années 1930, Hans Richter tente vainement de tourner en URSS un film antinazi, Metall. Se sentant menacé en Allemagne, il se réfugie en Suisse puis en Hollande où il vit de conférences et de films de commandes. C’est depuis l’exil qu’il se voit inclus dans l’exposition d’art dit « dégénéré », organisée par les nazis. On ne sait pas grand-chose de ces années de rupture et d’isolement au cours desquelles nombre d’oeuvres de l’artiste furent détruites. Emigré aux Etats-Unis après être passé par le Chili, Hans Richter recommence à peindre : il réalise alors de grands rouleaux ponctués de collages, s’apparentant à une forme de peinture d’histoire, intitulés Stalingrad (1943-1946) ou La Libération de Paris (1945). La section suivante montre comment Hans Richter reforme à New York le cercle brisé de l’avant-garde, à l’occasion de la réalisation du film Dreams that Money Can Buy (1944-47), dont les séquences sont dues à Marcel Duchamp, Max Ernst, Fernand Léger et Man Ray, Hans Richter y apparaissant lui-même en Homme

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bleu, d’après le titre d’un portrait singulier de l’époque zurichoise auquel il se serait identifié. Ainsi s’amorce une esthétique de la répétition et de la réactivation des formes. Simultanément, alors qu’il forme toute une nouvelle génération d’artistes et de cinéastes grâce à ses enseignements, Hans Richter n’a de cesse de témoigner d’un passé alors oublié en France et en Allemagne : Berlin avant le nazisme et le mouvement Dada, dont il a été le témoin. Il réunit ses amis dans Dadascope (1956-1961), recompose des oeuvres détruites, rédige des mémoires et écrit une histoire du mouvement : Dada, art et anti-art (1965). Enfin, il consacre à Dada une vaste exposition entièrement constituée de reproductions, Dada 1916- 1966, qui sera présentée dans toute l’Europe, ainsi qu’aux Etats-Unis et au Japon.

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HANS RICHTER / DADA Avant la naissance officielle de Dada à Zurich en 1916, un « esprit Dada » était déjà en vogue à New York au début des années 10, à travers les productions de Marcel Duchamp et Francis Picabia notamment. L’exposition d’oeuvres majeures de ces deux artistes à l’Armory Show en 1913 marque un tournant. La même année, Duchamp réalise son premier ready-made, un objet usuel manufacturé qu’il ne modifie pas ou peu, Roue de bicyclette. Dans ce collage tridimensionnel, la main de l’artiste n’intervient que pour le choix des objets. Ainsi, Duchamp entend questionner la valeur de l’art et ce qui le constitue, amorçant les réflexions nihilistes de Dada. Fruit de la rencontre d’artistes réfugiés à Zurich, Dada éclot dans un havre de paix au coeur de l’Europe en guerre. En 1916, Hugo Ball fonde le Cabaret Voltaire à Zurich, café littéraire qui a modestement pour intention d’être un lieu de débat artistique. Le terme dada, qui apparaît en premier lieu dans son journal, est trouvé par hasard par Hugo Ball, Tristan Tzara, Hans Arp, Marcel Janco et Richard Huelsenbeck en feuilletant un dictionnaire franco-allemand. Contre le verbiage occidental : principe de contradiction, non-sens, paradoxe. Les artistes rattachés à l’étiquette Dada souhaitent dresser des épouvantails contre la raison, en proposant une agitation bruyante et provocatrice : « bruitisme » inventé par les futuristes, poèmes proférés voire hurlés à plusieurs, recours à des sons bestiaux, attaques contre l’Eglise… Ils prônent l’enfantin, l’originel, le primitif et l’aléatoire à travers une poésie de l’absurde et du grotesque, l’exaltation de la magie et du paradoxe. L’inconscient et le rêve sont explorés comme de potentiels renouveaux artistiques. Ces artistes revendiquent des œuvres de « non-sens » pour souligner l’incapacité de la société à utiliser la logique ou la science pour résoudre les problèmes. Les formes et les matériaux traditionnels sont oubliés au profit de trouvailles surprenantes, avant que l’anti-art ne devienne finalement la nouvelle forme d’art. Le groupe était également célèbre pour ses performances, qui n’étaient pas uniquement une forme de protestation mais relevaient souvent du jeu. Par ces événements, les protagonistes Dada manifestent la simple joie de faire du grabuge dans un monde écrasé par d’innombrables contraintes. Dada ne peut être lu comme une simple réaction nihiliste. Face au désastre de la guerre, ces artistes ont choisi une réponse radicale. Aux antipodes du bolchévisme, Dada est mené par un groupe d’intellectuels individualistes, poètes, plasticiens ou musiciens. Mouvement international par excellence, il dénonce le culte du progrès symbolisé par les millions de morts pendant la guerre. Dada est l’expression de la volonté désespérée d’affirmation de l’individu libre dans un monde policé, dont les règles avaient directement abouti à la boucherie de la Première Guerre mondiale.

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Or, il était impossible de proposer une alternative si l’existant n’avait pas été préalablement détruit. Dada se fonde justement sur ce paradoxe : celui-ci est à la fois caractérisé par un désir destructeur immense en même temps qu’une inventivité débordante. Cette tension entre déconstruction et reconstruction est omniprésente au coeur du Manifeste rédigé par Tzara en 1918. L’objet même du manifeste est d’ailleurs paradoxal pour ces artistes qui rejettent l’académisme. Pourtant, Tzara revendiquait l’auto-contradiction : « j’écris un manifeste et je ne veux rien, je dis pourtant certaines choses et je suis par principe contre les manifestes, comme je suis aussi contre les principes ». Dadascope, Dada 1916-1966 Si Hans Richter a été à Zurich dans les années 1910, un membre actif du mouvement Dada, il en a aussi été le premier historien. Emigré aux Etats-Unis à partir des années 40, il organise en 1966 une grande exposition consacrée au mouvement. Cette exposition entièrement composée de reproductions photographiques noir et blanc montées sur des structures légères, qui fait le tour du monde. Loin de se contenter d’évoquer Dada, Richter y fait le lien entre les avant-gardes des années 1910 et 1920 et l’art des années 1960 : c’est ainsi qu’à la suite des œuvres historiques, on trouve par exemple, sur l’une des planches, une photographie d’un happening d’Allan Kaprow, d’une Méta-Matic de Jean Tinguely, ou encore d’œuvres cinétiques. Richter avait par ailleurs reformé le cercle dada dispersé par la guerre pour réaliser son film Dadascope consacré à la poésie abstraite et aux jeux de langage de Jean Arp, Raoul Hausmann, Tristan Tzara, Marcel Duchamp, etc. L’invention figurative s’y double d’un travail de déconstruction poétique du langage. En 1964, il publie son ouvrage fondamental Dada, art et anti-art en allemand puis en français et en anglais, faisant suite à une foule d’articles et de livres consacrés à l’histoire du mouvement, dont il devient l’un des principaux mémorialistes, témoins, et surtout passeurs.

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HANS RICHTER / ART CINÉTIQUE

L’art cinétique, appelé Op’Art à partir des années 60 aux Etats-Unis, prend sa source à la galerie Denise René lors d’une exposition intitulée Le Mouvement en 1955. Sur une proposition de Victor Vasarely, des œuvres d’Alexander Calder, Marcel Duchamp, Rafael Soto ou encore Jean Tinguely sont présentées. Cet art fait autant référence à des dispositifs motorisés qu’à des œuvres qui bougent à l’intérieur de l’oeil de l’observateur sans que celles-ci soient mobiles. Ces réalisations sont alors qualifiées de multiples, à la fois parce qu’elles sont reproductibles, mais également parce qu’il suffit de les regarder pour qu’elles se transforment. En se concentrant sur le mouvement, ces artistes tendent à libérer la création et aspirent à toucher un public plus large, grâce au caractère spectaculaire de leurs œuvres. Ces pratiques très diverses rencontrent un large succès lors de l’exposition The Responsive Eye au MoMA en 1964. A l’époque, cette nouvelle forme d’art entend proposer une alternative au Pop’art. En effet, le travail de ces artistes fait également écho à la société technique en exploitant des matériaux industriels ainsi qu’en reprenant le protocole de la série. Les origines du mouvement se partagent entre différentes avant-gardes. L’idéal esthétique des futuristes italiens réside déjà dans le culte de la vitesse et du mouvement mécanique. Les cubistes s’appuient sur une théorie qui conjugue caractère mouvant de la perception et retranscription de la simultanéité des points de vue. Le Manifeste du suprématisme, rédigé par Malevitch en 1915, fait référence à un mouvement cosmique suprasensible, une vibration universelle, à la fois celle de la matière au sein de chaque particule ou celle du mouvement des planètes. Par le biais de leurs réalisations picturales et volumétriques, les constructiviste (Lazar Lissitzky, Alexander Rodtchenko ou encore László Moholy-Nagy) traduisent l’idée du mouvement par des rapports de formes, de couleurs et de matériaux. Fasciné par le cinématographe, Marcel Duchamp exploite également la notion de mouvement dans nombre de ses oeuvres. Dès 1913, il renverse une roue de bicyclette qu’il fixe sur un tabouret. Lorsque la roue tourne, le réel devient insaisissable et le mouvement hallucinatoire qui en est déduit nous invite à lâcher prise. Man Ray invente quant à lui les premières sculptures mobiles. Abat-Jour (1919) et Obstruction (1920) sont en effet deux constructions qui fonctionnent sur le principe d’un mouvement aléatoire. Enfin, Richter et Eggeling font partie des précurseurs de l’art cinétique avec leurs films Rythme 21 et Symphonie diagonale. Le cinéma devient alors un terrain d’exploration plastique qui permet d’exploiter la projection d’images lumineuses et mobiles.

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HANS RICHTER / HISTOIRE DU CINÉMA D’AVANT-GARDE

Le cinéma, médium symbolisant la modernité, fascine nombre d’artistes au tournant du XXe siècle. Le film offre un mode d’expression nouveau et alternatif à la peinture, qui est profondément remise en cause à l’époque. Cette nouvelle fenêtre offerte aux plasticiens est le fruit d’une collaboration entre les médiums, cinéma, peinture et sculpture. Il est intéressant de souligner que les années 1920 sont la première décennie où l’industrie du cinéma commence à jouer un rôle culturel et économique majeur à travers le monde. Dès l’apparition du courant de l’art abstrait au début des années 1910, des cinéastes se lancent dans l’expérimentation de l’abstraction. Le cinéma abstrait prend réellement son essor dans les années 1920 en Allemagne avec Opus I de Walter Ruttman, le premier film abstrait présenté publiquement en 1921. Cf. Opus III et Opus IV (datant de 1921 – 1925) présentés dans la salle FIFO Les pionniers de ce cinéma avant-gardiste dépassent le côté strictement narratif du film, s’appuyant sur des personnages et un récit. Ils tentent au contraire d’inventer une nouvelle vision en exploitant les éléments proprement constitutifs du cinéma: jeux de lumière, mouvement, montage, collage, etc. Dada sera l’un des premiers mouvements à s’emparer de la caméra, outil révolutionnaire qui lui permettra de trouver un moyen d’expression conforme à son besoin de renouveau des valeurs. De nombreux artistes revendiquent alors un langage abstrait, qui sera notamment mis en mouvement par Richter à travers sa peinture animée. Dans le même temps, les surréalistes exploitent également ce médium. En rupture avec la volonté de produire des fictions narratives renforcées par des effets artistiques ou esthétiques, ces artistes déplacent l’art du côté du documentaire. Néanmoins, comme dans le reste de leurs productions, les rêves et l’inconscient restent leur principale matière première.

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Hans Richter Simon Guttman, 1916 Dessin à l’encre bleue 27.3 x 22.2 cm Collection privée, West Palm Beach

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Hans Richter Autoportrait, 1917 Crayons de couleur et fusain sur papier 29.2 x 22.8 cm Collection privée, West Palm Beach

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Hans Richter Portrait visionnaire, circa 1917 Huile sur toile 53 x 38 cm Galerie Berinson, Berlin

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Hans Richter Fugue, 1920 Graphite sur papier 47 x 279.4 cm The Museum of Modern Art, New York

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Hans Richter Storyboard, part I, circa 1970 Dessin Drawing 48 x 43 cm 71 x 81 cm Getty Research Institute, Los Angeles

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Hans Richter Libelle or Kontrpunkt In Rot (Dragonfly), 1943 Huile sur toile 74.9 x 39.4 cm Collection privée, West Palm Beach

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Hans Richter Hans Richter 8 x 8, 1957