Dossier enseignant enlum

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L'ART DE L'ENLUMINURE L'ART DE L'ENLUMINURE L'ART DE L'ENLUMINURE L'ART DE L'ENLUMINURE Dossier Enseignant Réalisé par Ysabel VERDIER-SEVENNEC Guide du Pays d'art et d'histoire de la vallée d'Abondance. Coordination : Anne-Catherine Xouillot, animatrice du patrimoine.

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L'ART DE L'ENLUMINUREL'ART DE L'ENLUMINUREL'ART DE L'ENLUMINUREL'ART DE L'ENLUMINURE

Dossier Enseignant

Réalisé par Ysabel VERDIER-SEVENNEC Guide du Pays d'art et d'histoire de la vallée d'Abondance.

Coordination : Anne-Catherine Xouillot, animatrice du patrimoine.

Pays d'art et d'histoire de la vallée d'Abondance

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SOMMAIRESOMMAIRESOMMAIRESOMMAIRE Page Introduction 4 I/ Historique : comment est apparue l’enluminure ? 5

1.1 Du papyrus au parchemin 5 1.2 Du rouleau au manuscrit 5 1.3 Le Moyen-Age 6 1.4 La période moderne 7

II/ Les créateurs du livre 8

2.1 Les scriptoria 8 2.2 Les ateliers laïcs 9 2.3 De célèbres enlumineurs et mécènes 9

III/ Les matériaux 10 3.1 Le support 10 3.2 Les outils 10 3.3 Le médium 11 IV/ La technique 14 4.1 Les éléments décoratifs 14 4.2 La mise en page 15 V/ La calligraphie 16 5.1 L’onciale 16 5.2 La caroline 16 5.3 L’écriture gothique 17 VI/ Une grande variété de livres au Moyen-Age 18 Glossaire 20 Bibliographie 22 Annexes : idées de prolongation 23

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L'enluminure est une peinture ou un dessin exécuté à la main, qui décore ou illustre un texte la plupart du temps manuscrit. Les techniques de l'imprimerie et de la gravure feront presque disparaître l'enluminure. Toutefois, il existe quelques livres imprimés qui en sont ornés. D’où vient ce mot ? Enluminure ou miniature ? Les termes enluminer, enluminure et enlumineur apparaissent au XIIIe siècle et sont formés à partir du latin illuminare (éclairer, illuminer, et, au sens figuré, mettre en lumière). Le mot miniature* vient du latin minium, désignant un rouge vermillon. Jadis, le terme s'appliquait, de préférence, aux lettres ornementales majuscules (lettrines*) dessinées en rouge sur les manuscrits ; puis le rapprochement (sans fondement étymologique) avec les mots minimum, minuscule s'est opéré, et la miniature a désigné les images peintes, de petite taille, comparées aux tableaux, aux peintures murales ou aux fresques. S'appliquant à toute représentation de format réduit, le terme a donc désigné également les petites scènes peintes sur d'autres objets que les manuscrits. L’histoire de l’enluminure s’insère entre deux grandes techniques : la première est l’apparition du codex* au Ier siècle ap. J.C., la seconde est l'apparition de l’imprimerie en Europe, vers 1460.

Lettre figurée Sacramentaire de Gellone Flavigny, fin du VIIIe siècle. Bibliothèque nationale de France

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I/ Historique : comment est apparue l’enluminure ?

1.1 Du papyrus au parchemin Les enluminures ont toujours fait partie du livre. Le livre a beaucoup évolué avant d’acquérir sa forme définitive au Moyen-Age. Pour écrire, il fallait un support, et ces supports étaient aussi variés qu’ingénieux : planchettes de bois enduites de cire ou tablettes de terre, écorces d’arbre, bandes de tissu de soie en Chine, rouleaux* de papyrus* en Egypte, en Grèce ou à Rome. La feuille de papyrus* se fabrique en superposant des couches de fibres du roseau Cyperus papyrus. Ses feuilles sont séchées et polies afin d'offrir une surface propre à l'écriture. Face au monopole égyptien - ce roseau pousse essentiellement dans les marais du Nil - un autre support d'écriture est inventé et trouve ses heures de gloire au Moyen-Age : le parchemin*.

Le parchemin* est une peau de vache, de mouton ou de chèvre tannée, grattée, poncée et blanchie à la craie. Bien qu'onéreux, le parchemin* présente l'immense avantage de pouvoir être fabriqué partout ! Sa diffusion puis sa généralisation au cours du Moyen-Age conduit à une conception révolutionnaire de la mise en page du texte ainsi qu'au développement d'un nouvel art décoratif : l'enluminure.

1.2 Du rouleau au manuscrit Depuis l'apparition de l'écriture, de nombreux procédés ont été mis au point pour réaliser des textes longs : codification des tablettes d'argile pour en comprendre la succession, liens reliant des planchettes de bois, assemblage de feuilles de papyrus* formant le rouleau* qui reste longtemps la forme la plus répandue. Le parchemin* s'enroule aussi à ses débuts. Plus mince, plus souple et résistant que le papyrus*, il provoque l'émergence d'une nouvelle organisation : le codex*, ancêtre du livre actuel. D'abord marginal, il se trouve en situation de monopole dès le Ve siècle après J.C. Maintenant, les feuilles sont pliées, assemblées en cahiers reliés à leur tour ; l'écriture devient possible sur les deux faces (deux fois plus qu'un rouleau* de papyrus* !) ; la manipulation est plus aisée ; le stockage de texte est plus dense (parfois plusieurs centaines de pages, difficile pour un rouleau*). Parce qu'elle est en parchemin*, la feuille peut recevoir plusieurs couches de peinture et de feuilles d'or : l'essor de l'enluminure en est donc indissociable. Le décor orne alors tous les types de livres médiévaux de plus en plus variés et nombreux.

Selon une légende, le pharaon Ptolémée V (IIe siècle av. J.-C.)

aurait interdit l'exportation de papyrus* vers Pergame, car la

bibliothèque du roi Eumène II rivalisait avec la sienne à

Alexandrie. C'est ce qui aurait permis l'essor du support en peau,

matériau issu du monde animal et non plus végétal, pour l'écriture.

Pièce de monnaie représentant Ptolémée V. © www.cgb.fr

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1.3 Le Moyen Age C'est une période de dévotion : la majeure partie des livres est d'inspiration religieuse. En parallèle, se multiplient les livres profanes littéraires ou d'études : romans de chevalerie, copies de textes antiques, livres d'études liés aux commandes des nobles et des besoins universitaires. Pendant tout le début du Moyen-Age, le livre reste le monopole des églises et des monastères. ���� Le Haut Moyen-Age : Ve - IX e siècles

On distingue à cette période deux types d'enluminure : � l’enluminure insulaire : Dessins géométriques, spirales, entrelacs* utilisés pour les bordures et les lettres ornées, souvent de grande taille. L’écriture utilisée est dite "demi onciale*" ou "semi onciale". Ce style se développe en Irlande avant d’être exporté en Ecosse par un groupe de missionnaires irlandais conduits par saint Colomban. Exemples : Evangéliaire de Lindisfarne, Livre de Durrow, Livre de Kells (ci-contre). � l’enluminure mérovingienne : Elle se caractérise par des lettrines* en forme d’animaux, très souvent poissons et oiseaux, aux couleurs vives. C’est dans les monastères de Luxeuil en France et de Corbie en Italie que sont réalisées les plus belles enluminures. Exemples : Lectionnaire de Luxeuil, Sacramentaire de Gellone, Evangéliaire d’Eternach, Psautier* de Corbie (ci-contre).

���� L’enluminure carolingienne : IX e -Xe siècles (appelée aussi influence classique)

Alors que les missionnaires transportent à travers toute l’Europe leurs manuscrits enluminés, on assiste à la fondation d’autres centres de production, notamment à la cour de Charlemagne. Chaque atelier de production a développé son propre style : rémois, tourangeau, drogon. L'amour que Charlemagne porte aux livres et sa prise de conscience de la puissance des écrits contribuent à conférer aux manuscrits enluminés un statut d’objet essentiel convoité par les riches et les puissants. On prise autant les textes classiques d’Horace ou de Cicéron que les psautiers* et les évangéliaires*. Charlemagne est à l’origine d’un nouveau caractère, la minuscule caroline*. Exemple : Sacramentaire de Drogon (ci-contre).

���� L’enluminure romane : XI e -XII e siècles

La tradition antique se poursuit, tandis que deviennent populaires les initiales historiées figurant des scènes narratives, ainsi que des décors de bêtes entrelacées. Rinceaux, tiges stylisées, disposés en enroulement sont utilisés à profusion dans les bordures. Les peintures "tapis" ou "pleine page" occupent tout l’espace de la page. Exemples : Psautier* de Bury Saint Edmunds, Bible de Winchester, Bible de saint Martial de Limoges (ci-contre).

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���� L’enluminure gothique : XIII e - XVe siècles

C’est la grande époque de l’enluminure : les manuscrits enluminés deviennent de véritables objets de luxe, comme Les (très) Riches Heures du duc de Berry, mécène notoire de l’époque qui mourut avant l’achèvement de l’ouvrage. Celui-ci sera achevé grâce au Duc de Savoie qui commande ce travail à Jean Colombe, célèbre enlumineur de l’époque, avec les frères Limbourg. Les marges à drôleries apparaissent : animaux étranges et personnages aux postures étonnantes sont dessinés dans les marges, mais leur présence n’a en général aucun rapport avec le texte... Exemples : L’apocalypse de l’Escorial des ducs de Savoie, Livre d’Heures des ducs de Savoie (ci-contre).

A la fin du Moyen-Age, les premiers livres imprimés sont encore décorés à la main. Puis face à la nécessité d’augmenter la production, l’illustration des livres devient gravure tandis que l’enluminure, détachée du support du texte, perd sa raison d’être. Elle se transforme en un art autonome : la peinture de chevalet. Lorsqu'à la fin du XVe siècle, Gutenberg adapte et perfectionne les techniques de l'imprimerie inventées par les Chinois entre les VIIe et Xe siècles, les manuscrits enluminés perdent un peu leur raison d'être. Cependant, ils deviennent des objets de collection. 1.4 La période moderne L’enluminure « arts and crafts » Il faut attendre le XIX ème siècle, pour redécouvrir les techniques d'enluminure. On le doit notamment à William Morris, artiste anglais à l'origine du mouvement Arts and Crafts, après l’exposition universelle de Londres en 1851. Ce mouvement déplore la médiocrité des produits de masse et prône la restauration du savoir-faire et de la qualité des métiers d’art. Exemple : « Les Odes » d’Horace de William Morris (ci-contre). De nos jours, l’enluminure retrouve un certain engouement. Des stages de formation, des ateliers, des animations pour adultes et enfants sont proposés lors de manifestations, au sein de diverses associations culturelles, ou tout simplement en surfant sur Internet. De nombreux artistes pratiquent l'enluminure de façon traditionnelle, pour faire perdurer la technique historique. Il est à noter que la Cour d'Angleterre possède à son service son propre enlumineur pour les documents officiels et honorifiques. De plus en plus d'artistes contemporains utilisent la calligraphie* et l'enluminure de façon très audacieuse et personnelle.

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II/ Les créateurs du livre 2.1 Les scriptoria Inséparable de la copie des manuscrits, l'enluminure est, à l'origine, réalisée par des moines dans le scriptorium* d'un monastère ou d'une abbaye. Les copistes* copient le texte, en se relayant pour un même ouvrage afin de ne pas conserver trop longtemps le texte original qu'ils ont emprunté. Puis les rubricateurs*, chargés des travaux à l'encre rouge, interviennent dans les espaces laissés libres par les copistes*. Ils rédigent les titres des chapitres, les sous-titres, les majuscules et les initiales simples.

Enfin les enlumineurs réalisent les décors avec l'or et les pigments de couleur. Jusqu'à l'époque gothique, le copiste*, le rubricateur* et l'enlumineur peuvent être une seule et même personne, le plus souvent un moine. Durant le Moyen-Age, à partir des IXe - Xe siècles, chaque monastère possède son scriptorium *. En général, il est situé près de la bibliothèque. C’est un local en soi, et souvent le seul chauffé dans toute l'abbaye. On y copie des textes religieux, mais également des ouvrages classiques, tel Horace et Cicéron. De nombreuses enluminures illustrent des moines à l'œuvre, nous renseignant sur cet art particulier.

Le texte est calligraphié, puis décoré dans un second temps par un ou plusieurs moines enlumineurs. D'après certains témoignages de l'époque, c'était un métier fort exigeant, ou le temps n'était pas un critère de performance. On en a d'ailleurs tiré l'expression "un travail de bénédictin". La copie d'un livre de 400 pages demande six mois de travail à un copiste* rapide, l'enlumineur travaille après ; si bien qu'un manuscrit s'achève parfois en plusieurs années. Malgré les séquelles laissées à la vue, la colonne et l'estomac par la position adoptée, plusieurs moines possédaient un véritable sens de l'humour. Fréquemment dans les marges, on retrouve ce type d'annotations : "Ah, ce qu'il fait chaud aujourd'hui" ou "Encore du fromage ranci ce midi", contournant ainsi la règle du silence.

Derrière les copistes* ou rubricateurs*,

homme et femme, des feuilles de

parchemin* fraîchement écrites sèchent

sur des barres de bois. Roman de la Rose, Paris, XIVe siècle, Bibliothèque nationale de France.

Le copiste* tient dans sa main gauche un stylet pour maintenir la

feuille de parchemin* et, dans sa main droite, une plume. Dans le

pupitre, deux encriers, l’un pour l’encre noire, l’autre pour l’encre

rouge.

Missel et Livre d'heures franciscain, Lombardie, 1380, Bibliothèque nationale de France.

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2.2 Les ateliers laïcs Ce n'est qu'avec l'essor des Universités, au XIIIe siècle, que les différentes tâches sont dissociées et confiées à des laïcs, professionnels spécialisés. Des ateliers, installés parfois dans l'enceinte même de l'Université, remplacent donc progressivement les scriptoria monastiques. Leur organisation rigoureuse permit de répondre à la demande croissante de livres et d'assurer un contrôle sur la qualité des textes. Ceux-ci étaient en effet truffés d'erreurs, car les moines avaient pris l'habitude d'abréger les mots pour gagner de la place et de noter leurs commentaires en marge du texte (la glose). Grâce au "libraire" agréé par l'Université, un exemplaire parfaitement exact (exempla) est divisé en plusieurs morceaux (peciae) dont chacun est copié par un professionnel. Ainsi, plusieurs copistes* travaillent simultanément sur un même texte, ce qui réduit considérablement la durée d'exécution d'un manuscrit. 2.3 De célèbres enlumineurs et mécènes Les ateliers étaient eux-mêmes spécialisés : les uns dans la copie des textes, les autres dans la réalisation des lettrines*, d'autres encore dans l'enluminure. Parmi ceux-ci, certains étaient dirigés par des maîtres restés célèbres, comme les frères Limbourg, André Beauneveu, le maître de Boucicault ou encore Jean Pucelle, Jean Colombe, Jean Bapteur (un Savoyard). Ils travaillaient pour quelques grands mécènes qui ont marqué leur temps : Charles V, Jean de Berry, les Ducs de Bourgogne, les Ducs de Savoie, les Médicis, Visconti, Sforza… Tous ont permis la réalisation de manuscrits d'une extrême richesse.

Guillaume Jouvenel des Ursins venant voir

l'état d'avancement du manuscrit qu'il a

commandé, une copie de La mer des histoires, vaste compilation historique

rédigée par un humaniste italien du XIVe

siècle, Giovanni Colonna.

Le scribe est installé dans une pièce où sont

rangés des livres, peut-être la librairie du

chancelier. Il écrit sur ses genoux, ayant

devant lui le modèle ouvert posé sur un banc.

Giovanni Colonna, La mer des histoires,

Maître de Jouvenel, Anjou, vers 1447-1455 Bibliothèque nationale de France.

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III/ LES MATÉRIAUX Dans un souci de véracité historique, beaucoup d’artistes contemporains n’utilisent que les matériaux utilisés au Moyen-Age.

Détail de l'illustration page précédente

3.1 Le support

On peut travailler l'enluminure sur un papier* aquarelle non texturé, mais l'idéal est le parchemin*. Le parchemin*, comme au Moyen-Age, est une peau d'agneau ou de veau préparée avec soin. Il est en général de teinte crème ou blanche. Lorsqu'il est très fin et de qualité supérieure, on le désignera sous le nom de vélin. Le parchemin* grâce à sa texture et à sa translucidité donne aux pigments de couleur, une luminosité que l'on ne retrouve pas avec le papier*. Autrefois la peau était choisie selon le format du livre désiré, puis on la pliait et l'assemblait. De plus, le parchemin* et le vélin résistent mieux que le papier* au temps qui passe.

3.2 Les outils

La plume d'oiseau C'est l'outil par excellence du calligraphe (qui utilisait parfois aussi le calame*). Elle est préparée et biseautée avant son utilisation. Elle peut provenir de différentes sortes d'oiseaux : l'oie, (mais on ne prend que les plumes des extrémités de l'aile désignées sous le nom de "premières"), le corbeau, pour les lettres petites et fines ; l'aigle, le cygne, le pélican, pour les plus fortunés.

Le pinceau D'utilisation très ancienne, il apparaît au IIIe siècle av. J.C. en Chine. C'est le général MENG TIAN DE QI qui aurait confectionné le premier pinceau selon un procédé simple de fabrication : "prendre un morceau de bois mort pour le manche, y adapter des poils de daim pour le cœur de la touffe, recouvrir ceux-ci par des poils de mouton pour former une coiffe." Des pinceaux de toutes sortes ont alors été fabriqués : en poil de loup, de chèvre, de lièvre, de cheval. En Europe, on reprend cette invention. Le pinceau en poil d'écureuil ou en poil de martre a eu la préférence des enlumineurs pour sa précision et sa vigueur.

Détail du matériel de l'enlumineur : - Trois plumes ;

- Les couleurs sont déposées dans des coquilles d'huître ;

- Deux flacons contiennent de l'eau ou du liant.

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3.3 Le médium Les encres Traditionnellement de couleur noire ou sépia, l'encre est utilisée pour l'écriture. On trouve de l’encre de carbone (suie d’une lampe ou de cheminée, mêlée à une gomme), puis apparaît l’encre métallo-gallique, c'est-à-dire constituée du tanin des noix de galle* et d’un sulfate de fer ou de cuivre, dont la combinaison donne une teinte qui fonce avec le temps par oxydation. L’encre rouge était quant à elle réservée pour les lettrines* et les rubriques*, petites phrases résumant le chapitre ou le texte suivant. Les couleurs Les couleurs se préparent à partir de produits issus de la nature. Cependant ils peuvent provenir autant du jardin du monastère que d'un pays lointain. Les ingrédients, qui composent les couleurs de cette époque, existent toujours aujourd'hui, et il est toujours possible de préparer ces pigments. Les pigments en poudre sont stockés dans des récipients bien fermés à l'abri de la lumière et de l'humidité en attendant de les mélanger avec un liant. Réservés pour la décoration des livres, les pigments sont de composition complexe. La palette d'un enlumineur du Moyen-Age se compose de deux sortes de pigments : - des pigments d'origine chimique, produits artificiellement à partir de soufre, mercure, plomb… - des pigments d’origine naturelle :

� végétale : composée de racines, garance, tournesol, safran, curcuma, pastel, baies de fruits, champignons, lichens, sang dragon (résine rougeâtre)… � animale : insectes, poissons, pourpre, fiel, cochenille, foies d'animaux, urine, etc. � minérale : terre, malachite (sulfure de cuivre), azurite, cinabre (sulfure de mercure) appelé parfois aussi sang dragon…

La légende la plus connue concernant le cinabre a été racontée par Pline

l'Ancien dans "Histoire naturelle" : un dragon, sentant dans son propre corps

son sang en feu, se servit pour le rafraîchir du sang d'un éléphant. Ce qui donna

naissance au sang-dragon, élixir utilisé comme pigment mais aussi en Asie

comme remède voire comme drogue.

Différents pigments rouges ont été confondus au Moyen-Age, qui faisait

parfois que cinabre, sang dragon (végétal ou animal), minium et vermillon

étaient des appellations interchangeables.

De nombreuses recettes sont expliquées dans des traités écrits à différentes époques. Les pigments nécessaires pour la couleur sont broyés sur une plaque de granit. Ces pigments sont mélangés à un liant au moment de leur utilisation. Boccace, Livre des clercs et nobles femmes, 1362.

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Les piécettes Une autre façon de conserver une couleur qui n'a pas de corps (généralement des végétaux) est de teindre des bouts d'étoffe dans un bain coloré.

L'or Poser de la feuille d'or sur le parchemin* est une des opérations les plus délicates dans l'art de l'enluminure. L'enlumineur doit prendre avec précaution ce petit carré d'or d'une finesse extrême (quinze fois plus que le papier*) et d'une grande fragilité. Puis il le place sur un enduit qu'il a fabriqué lui-même, et qui permet à la feuille d'or de tenir sur le parchemin*. Il obtient grâce à l'épaisseur de l'enduit des reliefs resplendissants. Il existe de nombreuses recettes d'enduit pour poser l'or. La plus connue est le gesso, ou assiette : c'est la plus belle mais aussi la plus difficile à réaliser. Les recettes peuvent différer selon les origines et les époques. Très peu d'entre elles nous sont parvenues correctement car faisant souvent partie des secrets d'atelier.

La préparation comprend de la céruse, du plâtre éteint, du bol d'Arménie*, de la colle de poisson et de l'eau de miel. Les proportions exactes et les techniques d'application varient selon les enlumineurs. L'assiette est appliquée sur les parties que l'on souhaite dorer par la suite, puis on laisse sécher environ 24 heures. Vient ensuite le ponçage qui doit être le plus fin possible. La moindre petite rayure serait immédiatement visible une fois la dorure appliquée. Une fois que l'état de surface est jugé satisfaisant, on "réveille" la propriété adhésive de l'assiette en soufflant doucement dessus à l'aide d'une pipette en papier*. Les morceaux de feuille d'or sont rapidement appliqués au fur et à mesure à l'aide d'un pinceau en poils d'écureuil.

Après avoir laissé reposer quelques heures, l'or est "bruni" à l'aide d'un brunissoir*. L'aspect passe alors du mat au brillant

Matériel destiné à la pose de l'or

(de haut en bas) - Coussin à dorer

- Couteau à trancher l’or - Brunissoir* : agate montée sur un

manche en bois appelé "dent de

chien" ou "de sanglier"

Une fois les piécettes sèches, elles sont rangées dans un cahier. Lors de l'utilisation, il faut couper un morceau, le déposer dans un godet avec un peu d'eau. Le tissu rendra la teinture, dans laquelle il faudra rajouter un liant pour peindre. Ce procédé est cité dans de nombreux réceptaires* ou livres de recettes (Cennino Cennini, Louis Dimier...).

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Les liants Le plus important, c'est le liant. Pour peindre, le pigment doit être mélangé à un liant sur une plaque de marbre ou de verre dépoli à l'aide d'une molette. On nomme ce procédé "broyage". Il permet d'enrober de liant les particules et servira à l'adhérence du pigment sur le support. Il existe différents liants : - le jaune d'œuf, - la gomme arabique, exsudation d'une variété d'acacia, - la gomme de cerisier, - la colle de parchemin*, fabriquée à partir de rognures de parchemin*, - la colle de peau de lapin, - la colle de poisson : la meilleure est conçue avec de l'esturgeon, auquel on ajoute de la poudre de clou de girofle pour assurer la conservation, - la colle de bois de cerf...

La technique au jaune d’œuf Le jaune d'œuf est mêlé à une quantité égale d'eau, et dans un second

temps, mêlé au pigment. Il faut appliquer la détrempe par petits coups de

pinceaux parallèles les uns aux autres. Les couches peuvent se superposer,

mais doivent être très sèches et minces afin d'éviter le craquelage. S'il y a

erreur il est possible de gratter au scalpel.

Bible moralisée Illustrations littérales et allégoriques des proverbes de Salomon Paris, milieu du XIIIe siècle Bibliothèque nationale de France

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IV/ La technique : écrire et décorer 1 - Il faut d'abord tracer des lignes avec une plume fine. C'est ce qu'on appelle la réglure*, qui permet au copiste* d'aligner correctement ses lettres. Certaines réglures*, par manque de temps ou par souci esthétique, n'ont pas été effacées. 2 - Le copiste* écrit, à la plume d'oie, le texte sur le parchemin*. Il prend bien soin de laisser une place pour les décorations à venir, et une marge tout autour du texte. 3 - L'enlumineur réalise l'enluminure dans l'emplacement qu'on lui a réservé. Le motif de la décoration est d'abord esquissé avec un poinçon et repassé à l'encre avec une plume fine. 4 - L'enlumineur pose la feuille d'or. 5 - Enfin, l'enlumineur procède au remplissage de la décoration avec son pinceau. Il choisit les couleurs avec soin, car chaque couleur a une signification particulière : Or richesse, grandeur, vertu, prestige Argent innocence, netteté, pureté, sagesse Noir noblesse, tristesse Rouge courage, amour, désir de servir sa patrie Vert liberté, santé, espérance, joie Bleu beauté, fidélité, persévérance Violet puissance 4.1 Les éléments décoratifs Ils ont plusieurs fonctions : � une connotation religieuse : dans les premiers temps, l'enluminure est faite à la gloire de Dieu, où l'or en reflète davantage la lumière, � un repère visuel qui permet de comprendre rapidement le contenu du livre surtout quand on ne sait pas lire, � un signe de richesse, le livre enluminé est apprécié comme œuvre d'art. Les éléments décoratifs sont variables : - la miniature* est finalement l'élément décoratif le plus grand, parfois inséré dans le corps de texte, en pleine page ou en début de texte ; - la lettrine* : historiée quand elle renferme un récit familier, ornée quand elle est simplement décorative, zoomorphique quand elle illustre un animal ou une créature fantastique ;

Lettrine historiée Sacramentaire de Drogon France, IXe siècle Bibliothèque nationale de France.

Initiale peinte, F Lectionnaire de Montmajour Provence, XIe-XIIe siècle Bibliothèque nationale de France.

Lettrine zoomorphique, Q Évangéliaire de l'église de Metz Xe siècle Bibliothèque nationale de France.

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L'or abonde jusqu'au milieu du XIVe siècle en raison de l'influence byzantine. Plus tard le style devient plus réaliste, les couleurs prennent le dessus. 4.2 La mise en page Le format des enluminures est déterminé par la mise en page, selon que le manuscrit est réglé à longues lignes, à deux ou trois colonnes. Les enlumineurs savent tirer parti de la contrainte imposée par la réglure* et adapter leurs compositions à l’espace qui leur est imparti. Au Moyen-Age, la répartition du décor peint ou des images n’est pas et ne peut d’ailleurs pas, être laissée à la discrétion et à la fantaisie de l’artiste, comme dans les livres illustrés modernes. Elle se fait à des emplacements précis, prévus à l’avance, laissés libres par le copiste* sur les indications du concepteur de l’ouvrage ou du commanditaire. De nos jours, ce rôle est tenu par le maquettiste. Ces emplacements sont situés aux principales articulations du texte, et leur importance varie en fonction de la hiérarchie interne de celles-ci. Par exemple : pleine page ou demi-page sur toute la largeur de la surface écrite pour les articulations importantes (prologue, livres), miniatures* de format carré ou rectangulaire de la largeur d’une colonne d’écriture ou encore historiées pour les sections secondaires (têtes de chapitre). Une hiérarchie analogue est utilisée pour les parties ornementales (lettrines*, encadrements, bordures) dont l’importance est fonction de leur position dans le texte.

- les bordures deviennent parfois de véritables cadres.

Christ cloué sur la Croix Heures de Marguerite d'Orléans, France (Rennes), XVe s. Bibliothèque nationale de France.

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V/ La calligraphie Mot formé à partir des termes grecs "kallos" - la beauté et "graphein"- écrire, la calligraphie* est un art : celui de la belle écriture. Trois qualités permettent d'obtenir un bon résultat : la capacité d'observation, la minutie et la concentration. Tracer des lettres qui soient belles n'est pas facile. Cela demande de bien maîtriser la trempe* d'encre, et une attention particulière à l'exécution des pleins et des déliés. Au cours des siècles, de multiples écritures sobres ou très ornementées apparaissent et évoluent en lien avec l'histoire des hommes. Parmi toutes ces écritures, trois sont très importantes au Moyen Age : l'écriture caroline*, l’écriture onciale* et l'écriture gothique textura. 5.1 L'onciale latine

5.2 La caroline (ou minuscule carolingienne)

C'est l'écriture par excellence du codex*, adaptée à la plume. L'onciale* est restée en vigueur jusqu'au début du IX e siècle, à partir duquel la minuscule caroline* tend à la remplacer. Entre le VIIIe et le XIIIe siècle, elle est surtout conservée pour tracer les débuts de livres, de chapitres ou de sections, à la manière de nos majuscules. L'onciale latine se caractérise par ses courbes. Les lettres n'ont plus forcément une hauteur d'œil régulière : certaines dépassent de la ligne. Les mots ne sont au départ pas séparés mais un petit espace sert parfois de séparateur de phrases, ou un point.

Cette écriture est apparue au VIIIe siècle, sous le règne de Charlemagne, qui lui a donné son nom (Charlemagne = Carolus Magnus, en latin). Charlemagne uniformise les différentes écritures régionales ; il impose la caroline* pour unifier son vaste empire et faire savoir à tous qu'il est le roi. Il favorise aussi la diffusion des connaissances, même si, selon certains historiens, Charlemagne, comme la majorité de ceux qui vivent à la même époque que lui, ne sait pas lire ! Alcuin de York a largement contribué à la mise au point de cette écriture. En 796, il est nommé abbé de Saint-Martin-de-Tours ; le scriptorium* de Tours devient alors un centre important de production de manuscrits de très grande qualité. Claire, lisible, cette écriture s'impose dans la France entière et domine progressivement l'Europe. Elle sert de base pour d'autres écritures.

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5.3 L’écriture gothique A partir du Xe siècle, les moines copistes* commencent à briser le tracé arrondi des lettres : la caroline* se transforme peu à peu et donne naissance à l'écriture gothique. C'est entre le XIII e et le XVe siècle que cette écriture prend véritablement son essor. Cette écriture, très régulière, qui privilégie l'équilibre général de la page, est utilisée pour des ouvrages de luxe, et en particulier pour les manuscrits liturgiques* . Sa disparition est due à sa grande taille : en effet, le recours à des livres plus petits et plus pratiques et l'invention de l'imprimerie encouragent l'utilisation d'écritures différentes.

Ecriture gothique textura, minuscules Ecriture gothique textura, majuscules Elle présente de nombreuses variantes. ����La gothique primitive est largement utilisée en Europe entre le XIe et le milieu du XIIIe siècle.

����La gothique textura connaît un vif succès du XIIIe au XVe siècle, au point que lorsque l'on pense à l'écriture du Moyen-Age, on pense ... à la gothique textura ! Ce succès s'est poursuivi jusqu'à l'heure actuelle. Textura signifie "tissu", faisant penser à la disposition parallèle des fils de trame d'un tissu. Elle est caractérisée par la brisure du trait vertical (2) en haut (1) et en bas (3) de la lettre.

����La gothique fraktur, écriture très caractéristique, est née en Allemagne vers 1400. Elle est à l'origine de caractères d'imprimerie longtemps utilisés dans les pays de langue germanique.

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VI/ Une grande variété de livres au Moyen-Age Outre les livres d'inspiration liturgique, le Moyen-Age voit se développer les livres profanes, littéraires ou d'études. La Bible L'un des ouvrages les plus volumineux par son nombre de pages et sa taille. On la lit souvent à voix haute dans les monastères. Les psautiers* Ce sont des livres liturgiques contenant 150 psaumes de l'Ancien Testament accompagnés de prières, lectures et hymnes pour la célébration des offices*. On y trouve parfois un calendrier des activités des mois de l'année, les signes du zodiaque, la liste des saints. Ils peuvent servir à l'apprentissage de lecture : on dit que Louis IX apprit à lire avec un psautier*, devenu célèbre sous le nom de Psautier de Saint-Louis.

Les apocalypses C'est un livre rapportant les visions de l'apôtre saint Jean sur la fin du monde. L'Apocalypse est le dernier livre de la Bible chrétienne. C'est une révélation sur la fin du monde et sur l'instauration du Royaume de Dieu. Les graduels et les antiphonaires Ce sont les livres de chants utilisés pendant les offices*. Ce sont souvent des volumes de grande taille pour être lus par le chœur.

Antiphonaire Abbaye d'Abondance, fin du XVe siècle Cliché : Inventaire général.

Les livres d'heures Ce sont des recueils de prières à l'usage des laïcs, fondées sur les huit heures canoniques. Ouvrages de petit format, faciles à transporter, ils sont richement illustrés par les artistes les plus réputés. Leur luxe en font le privilège des princes et des nobles. En début de manuscrits se trouvent le Calendrier, liste des mois de l'année indiquant les jours de fête des saints.

Scène de tir à l'arc, dans un calendrier (mars) Livre d' Heures de Marie Chantault, XVIe siècle Bibliothèque nationale de France.

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Les vies des saints On y découvre les miracles et les martyrs. Les saints sont représentés avec leurs attributs et sont l'objet d'une profonde vénération. Les sacramentaires Livres liturgiques catholiques, recueils de prières propre à un célébrant. Les histoires et chroniques Les nobles aspirent à rattacher leur lignage à des événements héroïques, où histoires réelles et imaginaires sont merveilleusement mêlées. Les textes de l'Antiquité Nombre d'auteurs antiques ont été copiés et illustrés, et cette mode atteint son apogée à la Renaissance : Ovide, Horace, Virgile sont autant lus par les profanes que par les religieux. Le bréviaire Livre liturgique rassemblant un certain nombre de textes pour les offices* : prières, chants, psaumes. Les bestiaires Ils contiennent des descriptions et des histoires d'animaux ou de créatures fabuleuses : satyre, licorne, dragon sont fréquents. Ces livres sont souvent imprégnés d'une forte morale chrétienne.

Les herbiers Ce sont des livres de sciences et de médecine à l'usage des praticiens. Les plus tardifs présentent des conseils de plantations, de cueillette ou même de la vie quotidienne. Les romans et la littérature L'histoire du Roi Arthur, les Chevaliers de la Table Ronde... on a plaisir à les entendre à voix haute. Une iconographie riche permet de suivre l'intrigue pour celui qui ne sait pas lire. Ce sont les textes laïcs les plus populaires. Les livres d'études Peu ornés, au format réduit, ils abordent la théologie, la grammaire, l'astronomie... et sont destinés aux étudiants. Leur véritable essor est lié au développement des Universités dès le XIIe siècle.

Loup et moutons Physiologus, XIIe siècle, Chalon-sur-Saône Bibliothèque nationale de France

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Glossaire

Brunissoir (nom, masc) : instrument qui sert à polir la feuille d'or. Calame (nom, masc) : roseau taillé dont on se sert pour écrire. Le calligraphe taille une extrémité du roseau pour former un bec, puis, dans ce bec, il pratique une fente qui facilite l'écoulement de l'encre. Cet outil est utilisé depuis l'Antiquité : les Egyptiens, qui cueillaient les roseaux sur les bords du Nil, mais aussi les Romains ont écrit avec des calames. Caroline : écriture minuscule aux lettres rondes et régulières. Elle est apparue sous le règne de Charlemagne et permit un gain de temps dans la copie des textes. Les écritures ultérieures s'en inspirèrent largement. Codex (pl. codices) : du latin caudex, tablette pour écrire. Les premiers codices sont des tablettes de bois attachées ; puis avec le parchemin*, les feuilles sont pliées et réunies en cahiers reliés à leur tour. C'est l'ancêtre de notre livre actuel. Copiste : personne responsable de la transcription d'un texte. Entrelacs : motifs décoratifs où les lignes s'entrecroisent. Evangéliaire : recueil des textes des Evangiles dans l'ordre des offices de l'année. Initiale ou lettrine : grande lettre placée au début d'un ouvrage ou d'une section. Elle est parfois décorée ou historiée (contenant une image). Liturgique (manuscrit) : codex traitant des règles fixant le déroulement des actes du culte. Miniature : ne vient pas du latin minimum (petite taille) mais de miniare c'est-à-dire dessiner à l'aide de minium, oxyde de plomb orange. A l'origine, on utilisait ce pigment pour les titres et les initiales. Il désigne aujourd'hui l’illustration indépendante des autres éléments décoratifs tels que les bordures ou les lettrines*. Noix de galle : la galle de chêne. C’est la partie boursouflée que l’on rencontre sur les feuilles de chêne (chêne se dit "tann" en gaulois et en breton - d'où le terme "tanin"). L'encre, presque grise quand on écrit, devient bien noire en séchant, surtout sur le parchemin*. Offices (nom, masc) : prières dites à différents moments de la journée, et que l'on appelle, en partant du petit matin pour finir le soir : matines, laudes, prime, tierce, sexte, none, vêpres et complies.

Bol d’Arménie : type d’argile très fin (kaolinique), composé de terre et d'oxyde de fer qui lui donnent une coloration sanguine orangée. Il permet l’adhérence des feuilles d’or, il est posé à l’eau sur le bois apprêté ou sur le parchemin et facilite le brunissage de l’or.

Extraction du Bol d'Arménie Le Livre des simples médecines, Artois-Picardie, vers 1460. Bibliothèque nationale de France.

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Onciale : type précis de graphie, qui se développe entre le IIIe et le IVe siècle de l'ère chrétienne. L'onciale est restée en vigueur jusqu'au début du IXe siècle. Elle est caractérisée par des courbes. Papier : dérive du latin papyrus désignant une feuille mince, propre à l'écriture et quel qu'en soit le constituant. Le papier tel que nous le connaissons, est fabriqué à partir d'une pâte de fibres végétales. Diffusé en Chine dès le IIe siècle, il arrive en Occident vers le Xe siècle. D'abord réservé aux livres de peu d'importance, le papier se répand avant même la mise en place de l'imprimerie. Papyrus : le Cyperus Papyrus, roseau abondant dans la vallée du Nil en Egypte. Les feuilles sont humidifiées, frappées pour les coller les unes aux autres, séchées et polies pour les rendre propres à l'écriture. Le papyrus est présenté en rouleau* ce qui rend la lecture peu aisée. Il est fragile et sa production est monopolisée par les Egyptiens. Parchemin (du grec pergamêné, peau animale qui était apprêtée à Pergame) : son usage révolutionnera l'architecture de l'écrit. Souple, il permet l'organisation en feuilles pliées et reliées. Résistant, il supporte les couches de peinture et d'or. Psautier : livre liturgique contenant 150 psaumes de l'Ancien Testament. Réglure : série de lignes tracées à l'encre ou à la pointe pour aider le copiste* à écrire sur les lignes ou entre elles.

Réceptaire : livre de recettes de cuisine ou médicales. Rouleau (du latin rotulus qui veut dire petite feuille) : feuilles de papyrus* ou de parchemin* assemblées, roulées et portant un écrit sur une face. Rubricateur : personne chargée des travaux à l'encre rouge. Rubrique : phrase écrite en général en rouge et donnant le titre ou le contenu du texte qui suit. Scriptorium : pièce réservée à la copie et la décoration des manuscrits dans les monastères. Trempe (nom, fém) : fait de tremper sa plume dans l'encre ; une bonne trempe, c'est prendre la juste quantité d'encre pour écrire longtemps sans faire de tâches.

Heures à l'usage de Troyes, France (Champagne), début du XVe siècle Bibliothèque nationale de France.

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L'art de l’enluminure : dossier enseignant - 2008 - 22 -

Bibliographie Sophie CASSAGNES-BROUQUET : La passion du livre, Ed. Ouest France, 2003. Marie-Thérèse GOUSSET : Enluminures - La vie au Moyen-Age, Editions France Loisirs, Bibliothèque nationale de France, 2005. Timity NOAD et Patricia SELIGMAN : Guide pratique des lettres enluminées, Ed. Dessain et Tolra, 1996. Lucien X. POLASTRON : Découverte de l’enluminure, Ed. Dessain et Tolra, 2004. Sites Internet : www.coindet.com www.basill.club.fr www.enluminure-medievale.com www.wikipedia.org www.enluminure.com www.or-pigments.com http://www.ac-orleans-tours.fr/ www.bnf.fr

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ANNEXESANNEXESANNEXESANNEXES

IDÉES DE PROLONGATIONIDÉES DE PROLONGATIONIDÉES DE PROLONGATIONIDÉES DE PROLONGATION

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Réaliser son enluminure... comme au Moyen-Age ! Pour cela il faut : - papier épais - encre de Chine, plume fine avec son porte plume - crayon de bois, gomme - peinture (gouache) : or, rouge carmin, bleu outremer, blanc - pinceaux : un très fin et un moyen. Etape 1. Reproduire le dessin au crayon de bois sur un papier épais. Passer tous les traits à l'encre de Chine avec une plume fine. Gommer le crayon quand l'encre est bien sèche. Pour aller plus vite, on peut décalquer le dessin sur un livre. puis le calquer à l’envers (appelé tracé inversé). Etape 2. Préparer la peinture or (gouache) en la diluant avec assez peu d'eau et peindre les parties à dorer, en évitant de recouvrir les traits à l'encre de chine. L'enluminure représentée ici a été réalisée avec de la feuille d'or, qui permet d'obtenir un effet de relief. Etape 3 Appliquer les autres couleurs de fond (ici, rouge carmin et bleu outremer). Etape 4 Réaliser les traits fins, ici à la gouache blanche, avec un pinceau très fin. Réaliser les dégradés en mélangeant la couleur de fond (le bleu et le rouge pour cette enluminure) et le blanc.

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L'art de l’enluminure : dossier enseignant - 2008 - 25 -

Etude d’une enluminure

Livre d'Heures du Duc Louis, Bibliothèque nationale de France.

� En combien de zones peux-tu diviser cette page? Donne un nom à chacune de ces zones.

� La mise en page est-elle aérée? Quelles sont les parties les plus denses?

� Quelles sont les couleurs qui apparaissent le plus souvent dans les zones que tu as déterminées ?

� En quelle écriture est calligraphié ce texte ?

� En quelle langue est-il rédigé? Pourquoi?

� Observe le personnage. De qui s'agit-il ? Comment est-il vêtu? Que fait-il ? Décris le décor

dans lequel il se trouve.

Cette page provient d'un livre d'heures, c'est-à-dire d'un livre de prières destiné à un laïc. Les livres d'heures, très simples ou luxueusement illustrés, présentent un calendrier des fêtes des saints, des extraits des quatre évangiles, des prières. On les appelle ainsi car ils permettent de suivre les différents offices répartis au cours de la journée, au fil des heures. Cette page de manuscrit a été soigneusement divisée en zones bien définies. En effet, la page n'est pas réalisée par un seul et même artiste. Mais elle est bien conçue comme un ensemble : l'artiste médiéval est le maillon d'une chaîne, et chacun veille soigneusement à ce que la page ait une réelle unité.

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Rangeons le matériel ! ! Entoure les 3 outils dont se sert l'enlumineur.

Mots mêlés Entoure dans le tableau les mots de la liste suivante : GOTHIQUE MINIATURE OR CALAME PINCEAU GESSO PSAUTIER PARCHEMIN ECUREUIL MOINE SCRIPTORIUM BAPTEUR CAROLINE LIVRE ARMENIE PAPYRUS BESTIAIRE

Attention, les mots se lisent dans tous ces sens et une lettre peut servir plusieurs fois !

E R U T A I N I M S Y

N A P G O T H I Q U E

I P I N C E A U K R R

L Y E G E S S O C Y I

O R R E I T U A S P A

R M V E N I O M Y A I

A N I M E H C R A P T

C A L A M E Y O O P S

O E C U R E U I L O E

P L E B A P T E U R B

S C R I P T O R I U M

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Vrai ou faux ? Vrai Faux � � Charlemagne a inventé l’écriture gothique. � � Les moines portaient des gants pour leur travail d’enluminure. � � Les plumes d'oies utilisées s'usent très vite et il faut les tailler souvent. � � Le bestiaire est un livre qui parle de bêtises faites par les enfants. � � On parle de vélin pour designer une peau douce (peau de bébé). � � Les moines se contentaient de dessiner car ils ne savaient ni lire ni écrire. � � L’enluminure a connu un véritable essor au Moyen-Age.

La calligraphie

� Sur cette page combien découvres-tu d’écritures différentes ? � Que sais-tu au sujet de ces écritures ? � En quelle langue le texte est-il écrit ? � Pourquoi choisir cette langue ?

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SOLUTIONS DES JEUX

Etude d'une enluminure

� En combien de zones peux-tu diviser cette page? Donne un nom à chacune de ces zones. Cette page peut être divisée en trois zones :

� une bordure ou vignette : décor floral, souvent de vigne et/ou animal, drôleries,

� une lettrine,

� et une zone de texte calligraphié.

Dans le texte, deux mots sont écrits en rouge, marquant le début du paragraphe.

� La mise en page est-elle aérée? Quelles sont les parties les plus denses? La partie enluminée est très dense, très décorative.

Le texte, lui, est présenté de manière plus aérée : il est ainsi bien lisible.

Enfin, l'ensemble, qui tient dans un cadre rectangulaire, est entouré d'une vaste zone où le support est

à nu : ainsi composée, la page ne paraît pas surchargée.

� Quelles sont les couleurs qui apparaissent le plus souvent dans les zones que tu as déterminées ?

Les couleurs dominantes sont le rouge, le bleu et l'or et dans une moindre mesure, le vert.

L'emploi des mêmes couleurs dans les différentes zones crée une impression d'unité.

� En quelle écriture est calligraphié ce texte ? Le texte est calligraphié en écriture gothique.

� En quelle langue est-il rédigé? Pourquoi? Ce texte est écrit en latin, langue majoritairement employée dans les écrits au Moyen-Age, dans toute

l’Europe : en France, en Savoie et en Allemagne.

� Observe le personnage. De qui s'agit-il ? Comment est-il vêtu? Que fait-il ? Décris le décor dans lequel il se trouve.

Il s’agit du prince de la maison de Savoie : le duc Louis. Il est à genoux priant et portant l’ordre du

collier (symbole de la maison de Savoie) créé par l’un de ses ancêtres : le comte Amédée V.

Il est habillé de rouge (signifiant courage, amour, désir de servir sa patrie). Il est entouré par deux

anges, ce qui montre son importance et prie sous la bienveillance de Dieu le père.

Rangeons le matériel ! !

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Mots mêlés a b c d e f g h i j k

1 E R U T A I N I M S Y

2 N A P G O T H I Q U E

3 I P I N C E A U K R R

4 L Y E G E S S O C Y I

5 O R R E I T U A S P A

6 R M V E N I O M Y A I

7 A N I M E H C R A P T

8 C A L A M E Y O O P S

9 O E C U R E U I L O E

10 P L E B A P T E U R B

11 S C R I P T O R I U M GOTHIQUE (d2-k2) MINIATURE (i1-a1) OR (j9-j10) CALAME (a8-f8) PINCEAU (b3-h3) GESSO (d4-h4) PSAUTIER (j5-c5) PARCHEMIN (j7-b7) ECUREUIL (b9-i9) MOINE (h6-d6) SCRIPTORIUM (a11-k11) BAPTEUR (d10-j10) CAROLINE (a8-a1) LIVRE (c8-c4) ARMENIE (e10-e4) PAPYRUS (j8-j1) BESTIAIRE (k10-k2)

Vrai ou Faux ?

Charlemagne a inventé l’écriture gothique. Faux, il a inventé l'écriture caroline. Les moines portaient des gants pour leur travail d’enluminure. Faux Les plumes d'oies utilisées s'usent très vite et il faut les tailler souvent. Vrai. Le bestiaire est un livre qui parle de bêtises faites par les enfants. Faux, c'est un livre qui parle d'animaux ou de créatures fabuleuses. On parle de vélin pour designer une peau douce (peau de bébé). Faux, le vélin est une peau d'animal préparée pour écrire dessus. Les moines se contentaient de dessiner car ils ne savaient ni lire ni écrire. Faux, les moines étaient parmi les personnes les plus instruites au Moyen-Age. L’enluminure a connu un véritable essor au Moyen-Age. Vrai.

La calligraphie

� Sur cette page combien découvres-tu d’écritures différentes ? On trouve trois sortes d’écriture. � Que sais-tu au sujet de ces écritures ? - La caroline est une écriture minuscule ; les lettres montantes et descendantes sont

légèrement penchées vers la droite. Les mots sont séparés par un espace.

- L’onciale, "incipit liber ter tius ejus dem", signifie : "Ici commence le livre trois du même

ouvrage". Ce texte est écrit en majuscules. Pour marquer les débuts de chapitres et les débuts de

phrases, les moines empruntent l'écriture onciale, une écriture qui est plus ancienne que la caroline.

- La lettre S : pour mettre en valeur la première lettre d'un chapitre, les moines dessinent une

grande lettre, puis peuvent la remplir de couleur avec un pinceau. � En quelle langue le texte est-il écrit ? Tout le texte est écrit en latin. � Pourquoi choisir cette langue ? C'est la langue employée dans tous les écrits, au Moyen-Age.