Dorothée Bécart - Book 2013

84
DOROTHÉE BÉCART Journaliste- rédactrice multimédia 33 ans - carte de presse n° 101674 BOOK EXTÉRIEURS DESIGN Groupe Digicia Média Bimestriel déco/design consacré aux jardins contemporains Rédactrice en chef (CDI, 2010-2013) Rédactrice en chef adjointe (CDI, 2008-2010) STUFF Groupe B&B Média Mensuel masculin dédié aux loisirs numériques Rédactrice en chef adjointe (CDI, 2006-2008) Critique musicale (CDI, 2005-2008)

description

Un aperçu de mon travail de journaliste

Transcript of Dorothée Bécart - Book 2013

Page 1: Dorothée Bécart - Book 2013

DOROTHéE BéCARTJournaliste- rédactrice multimédia

33 ans - carte de presse n° 101674

BOOK ExtériEurs DEsign

Groupe Digicia Média Bimestriel déco/design consacré aux jardins contemporains

Rédactrice en chef (CDI, 2010-2013) Rédactrice en chef adjointe (CDI, 2008-2010)

stuFFGroupe B&B Média

Mensuel masculin dédié aux loisirs numériquesRédactrice en chef adjointe (CDI, 2006-2008)

Critique musicale (CDI, 2005-2008)

Page 2: Dorothée Bécart - Book 2013
Page 3: Dorothée Bécart - Book 2013
Page 4: Dorothée Bécart - Book 2013

extérieursdesign 3

l’édito // numéro 32

Nature humaiNeLieu de connexion avec la nature, le jardin est le théâtre intime des éléments qui forgent le monde : les végétaux respirent à leur façon l’air, qui, dans un souffle, fait courber leurs tiges et leurs branches, onduler en douces vagues les graminées ; l’eau tombée du ciel nourrit les plantes tantôt avec générosité, tantôt avec

parcimonie ; le feu du soleil les réchauffe au cœur de l’hiver, couve tendrement les bourgeons aux prémices du printemps ; la terre enfin, la terre surtout, porte en elle tous les germes d’une nature en repos ou prête à éclore. Cette conjonction presque sacrée des quatre éléments est aussi à l’œuvre au cœur de la nature sauvage ; au sein des jardins se greffe un cinquième élément : la main de l’homme. Celle qui discipline en douceur les folles herbacées et les vivaces insoumises pour créer des massifs harmonieux. Celle du designer qui, face à la feuille blanche, trace les premières lignes d’un objet, faisant passer dans son trait précis toutes sortes d’émotions indicibles, une poésie infinie ou un souvenir fugace traduit en courbes inédites. Celle de l’artisan, dont le geste sculpte avec un respect infini la matière brute, laissant ici le bois exprimer ses petits défauts qui rendront l’objet unique, forçant là la corrosion du métal pour le laisser entamer un chaleureux dialogue avec les rayons du soleil… Si inerte soit-il, l’objet, meuble ou accessoire, façonné avec l’amour du travail bien fait, porte en lui ce supplément d’âme qui le rend vivant, bien loin des froides productions standardisées. À vous de les choisir avec soin, pour rendre encore plus vibrante cette grande aventure humaine qu’est votre jardin.

dorothée bécart, rédactrice eN chef

BL 53 - 14, rue Soleillet - 75020 ParisTél. : 01 40 33 79 01 Fax : 01 40 33 71 13Pour contacter la rédaction : [email protected]

rédactioN Directeur de la rédaction : Bruno Waraschitz ([email protected])Directrice adjointe de la rédaction : Nicole MaïonRédactrice en chef : Dorothée Bécart([email protected])Rédactrice en chef adjointe : Céline de Almeida ([email protected])Rédactrice en chef technique adjointe : Marina Hemonet ([email protected])Rédacteur-réviseur : Philippe Boissaye Ont participé à ce numéro : Charlotte Fauve, Patrick MioulaneRédacteurs-graphistes : Thomas LedouxPhotographe : Nathalie Pasquel Directeur de la publication : Laurent Lyard

PubLicité Directrice de publicité : Angélique Mermet-Judenne([email protected])Tél. : 01 40 33 79 56 / Fax : 01 40 33 71 13

VeNte au Numéro (réservé aux dépositaires de presse)Service Diffusion / Olivier Le PotvinTél. : 01 40 33 82 46 / Fax : 01 40 33 71 [email protected] du numéro France : 5,50 € (dont TVA à 2,10 %)

aboNNemeNtExtérieurs Design Magazine - Service abonnement 12350 Privezac - FranceTél. : 05 65 81 54 86 / Fax : 05 65 81 55 [email protected] 6 numéros France : 25 € Offre d’abonnement pages 42-43 Distribution kiosque : MLPimprimeur : Gestion de fabrication, Créatoprint - Jacques Gouffé. Imprimé par Créatoprint chez Arti Graphiche BOCCIA / Italie. Imprimé en Union européenne. Printed in European UnionCommission paritaire : 1012 K 89102Dépôt légal : à parutionISSN : 1959-6642Extérieurs Design Magazine est une publication de la société Digicia Média SAS au capital de 58 000 €Siège social : BL 53 - 14, rue Soleillet - 75020 Paris - FranceRCS Paris B 477 572 523SIRET 477 572 523 00017Président : Laurent Lyard / Principaux actionnaires : Laurent Lyard, Bruno Waraschitz

L’envoi des textes, photos ou documents implique l’acceptation par l’auteur de leur libre publication dans le magazine. Les documents ne sont pas retournés. La loi du 11mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, et, d’autre part, que les analyses et courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants de l’ancien code pénal. Crédits photo et copyrights, tous droits réservés. Les prix indiqués dans les pages de ce magazine sont T.T.C. Ils sont donnés à titre purement indicatif, susceptibles de changements, et ne sont là que pour fournir une indication approximative des prix pratiqués sur le marché. Photo de couverture © MAP / Nathalie Pasquel

TôLERIE FORéZIENNE - baNc INTERFéRENcES

Page 5: Dorothée Bécart - Book 2013

co lo r f l o rei n s p i ra t i o n [ s ]

Est-ce un savant fou ou un fou de poésie qui a donné naissance à cette série de vases inspirés des récipients de laboratoire d’où émergent fleurs en boutons et brumes de graminées, précipités de délicatesse et fumées végétales ? Rien de tout cela : ils sont nés de la rencontre entre Elise Fouin et les étudiants de la section « souffleur de verre » du lycée Dorian, à Paris. La créatrice, venue de l’école Boulle, a sauvé du rebut des objets travaillés par les élèves lors d’ateliers de verrerie scientifique en verre borosilicate. Avec ceux qui les avaient façonnés en premier lieu, elle a défini de nouvelles formes et de nouvelles fonctions ; chaque artefact a été ensuite travaillé au chalumeau. Une expérience artistique et artisanale qui a façonné l’identité de ces vases inspirés de l’univers scientifique – la série est d’ailleurs baptisée « Chimisterie ». Elise Fouin, Chimisterie, pièces uniques, à la Granvillle Gallery.

ElisE Fouin sE livrE à dEs ExpériEnCEs aussi pousséEs quE poétiquEs qui réinvEntEnt la GrammairE FormEllE dEs vasEs.

Laboratoire végétal

Page 6: Dorothée Bécart - Book 2013

en vue PORTRAIT DE MARQUE

vondomÀ chaque saison, Vondom étonne,

avec ses créations imaginées par la crème des designers internationaux.

Comment la personnalité innovante et impertinente de la jeune marque

outdoor s’est-elle imposée dans nos paysages contemporains ?

PROPOS RECUEILLIS PAR DOROTHÉE BÉCART

Qu’avez-vous apporté de nouveau sur le marché du mobilier en plastique rotomoulé, en comparaison avec vos concurrents comme Slide ou Qui est Paul ? JOSÉ ALBIÑANA : Nous avons essayé de nous différencier en donnant une nouvelle destination à ce type de mobilier, en le rendant également plus élégant et en l’imaginant aussi bien pour les collectivités que pour les particuliers, ce qui n’est pas le cas, par exemple, de Slide, davantage tourné vers l’événementiel. J’estime par ailleurs que nous avons environ cinq ans d’avance, en termes de processus de fabrication, sur nos concurrents. Nous travaillons sur des machines à injection qui facilitent le rotomoulage ; nous les améliorons régulièrement ou en créons de nouvelles pour obtenir des formes impossibles, ce qui a par exemple été le cas avec les jardinières de la collection Alma. En nous améliorant, nous pouvons produire des objets aux formes organiques plus risquées tout en conservant la meilleure qualité possible. Notre département de recherche et développement comporte plus de dix personnes, mobilisées dans l’innovation des processus de fabrication. C’est ce qui nous permet de sortir très régulièrement de nouvelles collections. En ce moment, nous développons, en parallèle, une dizaine de gammes pour la prochaine saison !

Depuis la naissance de la marque, vous travaillez avec les plus grands designers internationaux, comme Karim Rashid, Javier Mariscal ou Ramón Esteve. Sur quels critères les choisissez-vous ?Nous essayons de travailler avec des designers effectivement très connus, qui donnent à Vondom une véritable impulsion en termes d’innovation. Nous les sélectionnons pour leur créativité, leur popularité, leur charisme également – comme c’est le cas pour Ora Ito et Fabio Novembre, avec qui nous allons bientôt travailler.

Comment parvenez-vous à les séduire ?Le premier contact se fait par mail ; nous leur envoyons un briefing. J’aime, ensuite, me déplacer pour les rencontrer dans leur studio ou leur

RENCONTRE AVEC…

José AlbiñanaP-DG de Vondom

2010 COLLECTION VERTEX n Parmi les stars du design qui ont accepté de collaborer avec Vondom, Karim Rashid, a signé plusieurs collections marquantes pour la marque, dont la complexe et colorée Vertex, expression de sa fantaisie. Design Karim Rashid.

138 extérieursdesign extérieursdesign 139

Page 7: Dorothée Bécart - Book 2013

140 extérieursdesign extérieursdesign 141

en vue PORTRAIT DE MARQUE

atelier ; c’est lors de ces rencontres que nous pouvons vraiment définir ce que nous avons envie de faire ensemble. Après cette interview, par exemple, je vais voir Ora Ito, que j’ai déjà croisé plusieurs fois ; je ne sais pas de quoi nous allons parler ! Il fourmille d’idées, et il va me présenter la collection qu’il souhaiterait faire pour nous. Je ne sais absolument pas de quoi il s’agira, je suis un peu nerveux ! Il y a toujours une pointe d’appréhension avant qu’un designer me présente un nouveau projet, car il se peut que j’adore, mais il se peut aussi que je déteste ce qu’il va me montrer… Au fil des années, j’ai appris à ne pas donner mon opinion personnelle d’emblée… J’ai besoin de celle de mes collaborateurs, de mes clients, de mes commerciaux, sur un objet donné. Peut-on le produire, techniquement ? Va-t-il plaire ?

Quelle est votre façon de travailler avec les designers ? Cela dépend de la personne et du contexte. Il arrive que nous ayons besoin d’un objet spécifique ; il arrive également que nous leur laissions carte blanche. Si vous posez trop de limites, au départ, à un designer, cela limite également sa créativité et se ressent dans l’objet final. J’aime les laisser libres. Par exemple, le banc Cloud de Karim Rashid est une expression pure de sa créativité. En réalité, nous n’avons même pas échangé en termes de typologie de produit ; nous avons juste modifié ses dimensions pour le rendre plus confortable en tant que banc, sans en changer le dessin original.

Avez-vous eu souvent un coup de foudre immédiat pour un objet ?Très souvent. Pour certaines collections, le doute n’intervient même pas. Par exemple, Faz, dessiné par Ramón Esteve (voir encadré ci-contre), que j’ai eu envie de produire dès le départ : c’est une collection au potentiel incroyable, qui grandit et est amenée à encore grandir, des canapés aux jardinières, grâce à des formes géométrique très « dures » qui se combinent merveilleusement bien entre elles. À l’opposé de cette démarche, j’aime les collections plus « douces » de Stefano Giovannoni, Pillow, Stones ou Blow, aux formes très organiques

Pouvez-vous en dire plus sur la collection sur laquelle vous travaillez avec Fabio Novembre ?Nous aimerions dévoiler sa collection au Salon de Milan au printemps prochain. Nous savons déjà de quoi il s’agit, mais Fabio, tout comme nous, préfère garder le secret ! Ce sera une collection complète, ultra-légère, ultra-slim, avec quelques innovations et un jeu sur les couleurs. Du jamais-vu dans le mobilier en plastique rotomoulé ! Fabio a aimé travailler avec nous, parce que c’est la première fois, à ma connaissance, qu’on lui a demandé de créer une gamme complète de produits. Les autres éditeurs, comme Casamania par exemple (NDLR : pour lequel il a créé les fameux fauteuils Him & Her, aux courbes évoquant des corps masculins et féminins), lui demandent d'imaginer des « pièces » uniques, fauteuils, tables, mais jamais d’en créer des déclinaisons.

Comment assurez-vous une telle fréquence de production, avec une mise sur le marché quasi immédiate des produits que vous présentez pendant les grands salons de décoration internationaux ?Du dessin à la production, il se passe trois mois. Cela est possible car nous produisons notre mobilier uniquement en Espagne, ce qui nous permet d’être très réactifs. Chacun des objets de la marque Vondom sort de nos usines, à Valence. C’est un choix stratégique, car nous exportons beaucoup en Europe, notamment en France.

Est-ce une stratégie d’être très présent dans les foires internationales, et de présenter à chaque fois de nouveaux produits ?Ce n’est pas vraiment une stratégie : nous aimons tout simplement créer et développer de nouveaux produits ; c’est dans la nature de Vondom. Et comme ces produits se vendent très bien – nous exportons à 80 % nos créations, pour le moment nous ne subissons par conséquent pas trop les effets de la crise en Espagne –, cela nous permet d’investir dans de nouveaux projets à un bon rythme.

À quoi ressemble votre propre jardin ?C’est un jardin très espagnol dans l’esprit : il est grand, mais ne renferme que très peu de végétation. J’aime les jardins nets, j’ai donc choisi d’y mettre beaucoup de meubles mais peu de plantes. J’installe les prototypes dans mon jardin pour tester leur stabilité quand il s’agit d’une assise, pour voir si les plantes poussent bien dans le cas des jardinières… En réalité, mon jardin tient plus du terrain d’expérimentation !

2011 LAMPES FAZ n La collection Faz exprime la quintessence de ses formes inspirées de l’origami dans ces luminaires en polyéthylène posés sur un piétement en métal et éclairés par des leds colorées. Design Ramón Esteve.

QU’APPRÉCIEZ-VOUS DANS VOTRE TRAVAIL AVEC VONDOM ?C’est une équipe jeune et dynamique avec qui je partage la passion du design et des choses bien faites. Leur maîtrise des technologies du plastique offre de larges possibilités, ce qui est très motivant pour un designer. Aujourd’hui, Vondom est une vraie référence dans le monde du design.

COMMENT DÉCRIRIEZ-VOUS, PLUS SPÉCIFIQUEMENT, LEUR SAVOIR-FAIRE ? C’est une jeune entreprise, certes, mais qui bénéficie de la longue expérience de Plastiken, une autre marque de produits en plastique destinés à la grande distribution. Chez Vondom, il y a

une vraie équipe technique doublée d’une volonté d’innover et de créer de nouveaux produits. Ils sont très à la pointe et utilisent les dernières technologie de design assisté par ordinateur.

COMMENT DÉCRIRIEZ-VOUS VOS LIENS AVEC LA MARQUE ?Nous sommes en total accord avec nos objectifs : créer de nouveaux meubles et objets qui soient à la fois intemporels, innovants et inspirants. Notre lien, c’est le design. Les équipes de Vondom parviennent à comprendre le style de chacun des designers avec qui elles travaillent, et à les aider à concrétiser leurs désirs.

QU’APPRÉCIEZ-VOUS DANS LA CRÉATION

D’OBJETS POUR LE JARDIN ? J’aime créer des espaces contemporains, et travailler à différentes échelles. Nous appliquons les mêmes critères qu’à l’intérieur de la maison pour créer, simplement, des espaces où nous aimerions vivre, ce que je fais pour Vondom mais aussi pour la marque de luminaires Vibia, pour De Castelli ou Gandía Blasco. Et il reste encore de nombreux chemins à explorer dans le domaine du design outdoor…

RENCONTRE AVEC…

Ramón Estevedesigner de la collection Faz

© J

ON

ATH

AN

SEG

AD

E

2012 VELA n Selon son designer, Vela est « un système modulaire qui utilise la géométrie prismatique, dont la singularité repose dans l’équilibre des proportions. Ses volumes semblent flotter au-dessus du sol et, illuminés, se muent en architecture de lumière ». Design Ramón Esteve.

2009 VASES n L’une des premières collections développées par Vondom, et déjà quelques idées d’avance, comme ce dialogue entre l’objet (un banc circulaire faisant également office de jardinière) et le végétal. Design JM Ferrero.

Page 8: Dorothée Bécart - Book 2013

c ’e s t d e s a i s o n

Pierre Favresse : nouvel HabitatDirecteur artistique d’Habitat depuis son rachat, pour l’Europe continentale, par Cafom, le jeune designer Pierre Favresse réaffirme l’identité de la marque à travers, notamment, une collection outdoor atypique : Butler.

propos recueillis par DOROTHÉE BÉCART

12 extérieursdesign

Quelle mission vous a été confiée à votre arrivée chez Habitat, fin 2011 ?Y insuffler de nouveau de la création. Depuis sa fondattion en 1964, Habitat est un éditeur et un découvreur de talents, et un acteur de la démocratisa-tion du design. c’était

la philosophie de Terence conran, et c’est par le design que la marque doit continuer à évoluer.

Quelle était votre propre image de l’enseigne ?pour moi, Habitat est synonyme de douceur et d’élégance à un bon prix. c’est la boutique des architectes et des créatifs. en tant que desi-gner, j’ai une façon de dessiner les choses, je ne peux pas me déguiser ; il m’a fallu quand même décrypter l’aDN d’Habitat : robustesse, qualité, élégance dans les formes, et toujours une petite touche de fantaisie qui fait la différence.

Avec quelle philosophie avez-vous abordé les créations outdoor de la collection 2013, notam-ment la table Butler, très emblématique ?J’ai essayé de proposer un meuble anti- réseaux

sociaux. Je voulais donner la possibilité et l’en-vie, à travers cette création, de se retrouver, ensemble. c’est de là qu’est née l’idée d’une micro-architecture qui installe une véritable atmosphère. il s’agit d’une création qui évoque le jardin, mais j’ai d’abord pensé à ceux qui n’en ont pas forcément : Butler permet aussi d’ame-ner un morceau de jardin à l’intérieur.

Pourquoi avoir choisi le chêne et le coton pour la table et sa canopée ?ce sont des matériaux naturels qui, même s’ils ne sont pas fondamentalement outdoor (bien que le chêne soit compatible avec cet usage grâce à un vernis et que la toile de la canopée soit similaire à celle d’un parasol), évoquent l’extérieur. Dans la nouvelle collection, on trouve beaucoup de matières d’inspiration naturelle, appelant au savoir-faire d’artisans avec lesquels nous travaillons  : faïence, grès, porcelaine… cela participe à ce que chaque produit ait une histoire, qu’il s’agisse de celle de l’artisan ou de celle du designer.

La canopée, en coton, est bleu nuit, une couleur inhabituelle dans l’univers du mobilier outdoor…cette collection a été créée autour du thème de « l’heure bleue », ce moment où la nuit tombe,

où le ciel se colore d’un bleu très fort, avec un peu d’orange sur la ligne d’horizon, où l’humi-dité remonte et les senteurs du jardin sont les plus puissantes… ça rejoignait parfaitement l’idée d’un retour à la convivialité, aux dîners entre amis. en tant que directeur artistique, on se doit d’orienter. et orienter, c’est rêver…

paTr

ick

lazi

c

Page 9: Dorothée Bécart - Book 2013

24 extérieursdesign extérieursdesign 25

c o l o r s t y l e

La célèbre toile denim rhabille les terrasses et jardins trop timorés en version culottée. Tout un état d’esprit, cool et rebelle à la fois, mâtiné de conscience écolo-chic… SÉLECTION DOROTHÉE BÉCART

x 40 cm, 39 € // 8 // LEçOn D’upCyCLing n L’ingénieux designer Tobias Juretzek donne une seconde vie aux jeans usagés en les métamorphosant, par un processus de solidification exclusif à base de résine, en chaise à chaque fois unique. À ne promener en terrasse qu’en cas de beau temps. Casamania, chaise Rememberme, design Tobias Juretzek, H. 80 x 52 x 42 cm, chez Made in design, 718 € // 9 // EspRiT us n Frappé d’une grosse étoile et décliné en différents coloris dont le bleu jean, ce doux tapis outdoor en fibres PVC, issu d’une fabrication artisanale, résume à lui seul l’esprit US, décontracté et rock’n’roll. pappelina, tapis Viggo star, chez Tendance Outdoor, 70 x 150 cm, 115 € // 10 // sAns COMpLEXE n Habillé de toile bleu jean, le transat Chilienne de Fermob invite d’autant plus aux siestes décomplexées… Fermob, transat Chilienne, H. 89 x 53 x 103 cm, 390 € // 11 // DOuBLE DÉTEnTE n Véritable icône du farniente, le pouf Fatboy revient dans une version sanglée pour s’adapter à tous les scénarios de détente imaginables : seul, à plusieurs, allongé ou assis. Et pour encore mieux marquer sa cool attitude, il se décline désormais en coloris jean, dans un tissu résistant aux U.V. Fatboy, Buggle-up, 289 € // 12 // sOiRÉEs RELAX n Pour habiller les formes rebondies de ce canapé modulable en forme d’invitation à la paresse signé Francesco Rota, la magicienne du textile, Paola Lenti, a choisi un revêtement en jean résistant aux contraintes climatiques. paola Lenti, soufflé, design Francesco Rota, prix selon configuration. // 13 // VOiLE DEniM n Récompensée par un label du VIA, cette toile outdoor aspect jean rehaussée d’un dessin tridimensionnel unique habille au choix coussins, paravents ou stores d’extérieur. Dickson, toile Cube, design Clémentine Chambon et Françoise Mamert (Design percept), prix sur demande.

// 1 // iCônE siXTiEs n Peut-on faire plus sixties que le banc du même nom dans sa déclinaison gris orage (structure aluminium et assise en résine technique haute densité), proche de la teinte des jeans bruts ? Fermob, banquette sixties, design Frédéric sofia, H. 72 x 64 x 118 cm, 415 € // 2 // RECyCLAgE ROCk n Entre 20 et 40 jeans usagés sont nécessaires à la fabrication de ce tabouret récup’ chic, à balader du salon à la terrasse en toute décontraction. Existe également en version kid. Art Terre, pouf sushi, design Eva Forgacova, H. 40 x diam. 40 cm, 228 € // 3 // TiE & DyE n Ce tapis d’extérieur 100 % PVC bénéficie du savoir-faire et de la créativité de Tai Ping en la matière. Sur un fond bleu jean se détachent des motifs très flower power qui semblent résulter d’un tie & dye habilement maîtrisé. Tai ping, tapis Desert snow, diam. 110 cm, 1 070 € // 4 // BABA COOL n 456 bouteilles de lait en plastique recyclées ont été nécessaires à la fabrication de cette petite table écolo-chic, déclinée en bleu-gris aspect jean et en sept autres coloris. Loll Designs, table ronde Alfresco, H. 76 cm x diam. 64 cm, 681 € // 5 // REBEL REBEL n Pas de total look rebelle sans la bande-son qui va avec. Cette petite radio portable, qui fait également office d’enceinte MP3, donne le la aux terrasses rock’n’roll, avec son habillage couleur denim. Lexon, radio Mezzo, 59 € // 6 // punk ATTiTuDE n Déclinés dans toutes les nuances du denim, délavé ou foncé, ces coussins assument leur look rebelle jusqu’au bout : leur enveloppe est en effet fermée au moyen d’une épingle à nourrice évoquant les grandes heures du punk rock. schönbuch, coussin Denim, design Apartment 8, à partir de 5 x 35 x 35 cm, à partir de 117 € // 7 // TOuT nEuF n En bleu soutenu, ce pot en céramique rappelle les teintes des jeans neufs. Habitat, cache-pot Bisbal, 41 x 41

12

4

5

6

89

10 11

13

7

12

100 % denim

3

4

Page 10: Dorothée Bécart - Book 2013

112 extérieursdesign

po r t r a i t s

Du métal et des hommes

Entrepreneurs, anciens commerciaux, publicitaires ou décorateurs, ils partagent une passion corrosive pour le métal,

qu’ils façonnent avec des savoir-faire chaque fois uniques pour faire naître des objets inédits en dialogue avec la nature.

Rencontre avec quatre créateurs qui se sont donné pour mission d’humaniser le métal.

entretien dorothée bécart

// 1 // hommage pictural n En métal et verre soufflé, ce mobile rend hommage à la folie créatrice de Picasso, dont Jean-Philippe Weimer a mis en lumière le château, à Vauvenargues. ojos, design Jean-philippe Weimer. // 2 // beauté stellaire n Capter la lumière stellaire pour la diffuser en douceur dans le jardin : une idée d’une folle poésie matérialisée dans cette sphère en ferronnerie discrètement éclairée qui vient se confondre avec la végétation, accrochant au passage quelques feuilles de chêne… réelles ou fabriquées par la main de l’homme ? À chacun de le vérifier… le preneur d’étoiles, design Jean-philippe Weimer.

Un jour, Jean-Philippe Weimer a vu la lumière. Au sens propre comme au sens figuré. Alors qu’il aménageait, pour un salon, le stand d’un éclairagiste, il a réalisé qu’il touchait du doigt son rêve de concilier un métier tech-nique avec une sensibilité d’artiste. « Je ne peux pas vivre

sans créer quelque chose de mes mains », réalise alors cet architecte d’intérieur de formation, qui plaque tout pour recommencer de zéro, en tant que magasinier dans une société d’éclairage architectural. Question de caractère pour celui qui met un point d’honneur à « toujours montrer ce que l’on sait faire avant de demander quoi que ce soit ». « Ne connaissant rien à la lumière, j’ai commencé à la base pour acquérir une meilleure connaissance du marché et de son fonctionnement. » Deux ans durant, Jean-Philippe Weimer observe les acteurs du secteur comme leurs clients, déplorant le manque d’offre du côté des premiers et le manque d’imagination des seconds. Il décide d’aborder l’éclairage comme on aborde la haute couture  : en proposant des solutions le plus personnalisées pos-sible. En 1993, il se lance avec un premier luminaire en inox marin et Pyrex. Il se prend rapidement de passion pour le bronze, le laiton, « des matières qui vivent, qui s’oxydent mais ne s’altèrent pas, contrai­

rement aux métaux ferreux ». Puis il tombe amoureux du cuivre. « Il reste souple et résistant ; l’idéal pour servir un design végétal, comme mes collections d’inspiration organique  », précise le poète de la lumière, qui aime à laisser ses luminaires emblématiques s’enrouler autour de troncs ou de branches d’arbres, prouvant que formes végé-tales et jardins contemporains n’ont absolument rien d’antinomique. Si le métal a donné corps à ses rêves de luminaires-lianes, Jean-Philippe Weimer sait s’éloigner de l’un et des autres pour expéri-menter d’autres matériaux, comme le verre ou la résine synthétique

Hi-Macs, découverte suite à une collaboration avec un architecte, et d’autres formes. « J’ai un coup de crayon désormais identi­

fiable ; mais je veux démontrer que je peux sortir du design végétal et proposer autre chose, de plus en plus sur mesure. » Ses derniers projets ? La mise en lumière d’un châ-teau, rien de moins . « Un chantier complètement fou, mais plus on est fou, plus on libère sa créati­vité », ajoute celui qui s’est véritablement assumé en tant qu’artiste alors qu’il travaillait dans le jar-din du château de Pablo Picasso, enterré sur place. « Je me suis fait tout petit, mais, une fois que j’ai trouvé la bonne idée, j’y suis allé à fond. » Une atti-tude qui n’aurait certainement pas déplu au maître du cubisme…

Jean-Philippe Weimer

Poète de la lumièrePortrait en clair-obscur d’un amoureux des matières nobles qui met en lumière les plus beaux jardins de l’Hexagone.

pho

to C

hr

isto

phe

Bil

let

extérieursdesign 113

21

Page 11: Dorothée Bécart - Book 2013

r ub r i q ue

C’est l’histoire d’une passion endormie à l’origine d’un chan-gement de vie radical, mais réussi. Cette vie, c’est celle d’Éric Ferber, pendant vingt longues années commercial dans un milieu à mille lieues de son univers actuel  : celui de la hi-fi. «  J’en avais fait le tour et, tout doucement, ma vraie pas­

sion m’est revenue. » Enfant, Éric Ferber se réfugiait souvent dans une ancienne forge voisine, pour observer l’artisan, un fabricant de charpentes métalliques et de serrureries, au travail. « Et puis il m’a laissé expérimen­ter, il m’a appris les gestes. » Des gestes qui, quelques décennies plus tard, lui reviennent doucement. « Les machines ont évolué, elles sont plus rapides, mais au fond, elles n’ont pas tant changé. J’y suis allé en auto­didacte, mais j’avais tout de même quelques notions. » Secondé par Grégory Housselstein, formé aux constructions métalliques, il réalise garde-corps et portails, puis jardinières en alu et fontaines qui le font connaître au niveau local, et enfin national : de nombreux paysa-gistes, séduits par son enthousiasme et sa réactivité, lui confient des pro-jets de plus en plus complexes. « Ils me poussent à expérimenter. Avec des paysagistes comme Didier Danet, c’est devenu un vrai partenariat, un échange primordial. Cela me pousse à la fois à tester des formes nouvelles et à en proposer d’autres. » À la fois humble et sûr du chemin qu’il est en train de tracer, Éric Ferber se tourne aujourd’hui de plus en plus vers la sculpture, en aluminium, en Corten, un matériau qu’il a mis un certain temps à adopter – « Trop salis­sant », plaisante-t-il pour justifier cette longue réticence –, ou en inox. « À terme, je voudrais m’y consacrer exclusivement, tout en continuant à travailler avec des paysa­gistes, pour les inciter à retrouver l’audace d’une sculpture en point de mire, qu’ils ont un peu per­due. » Sculptures aux courbes vertigineuses, ou inspirées des kanji japonais, toutes ont quelque chose d’unique, qui part certainement du cœur de leur créateur. « Je suis toujours un peu triste quand une de mes sculptures s’en va », confie Éric Ferber, en grand sentimental du métal… Éric Ferber exposera au salon Résonance[s] à Strasbourg, du 9 au 12 novembre 2012, www.fremaa.com

Éric Ferber

Le métal au cœurDes garde-corps aux jardinières, des fontaines aux sculptures, Éric Ferber suit son chemin avec passion et détermination.

avenir tracé n À terme, Éric Ferber souhaiterait se consacrer exclusivement à la sculpture. Depuis de nombreuses années déjà, il présente, aux côtés de ses jardinières et fontaines, ses créations aux inspirations diverses, ici réalisées en aluminium, Corten et inox.

pho

to J

ean

-pie

rr

e D

elag

ar

De

Voix douce et ton mesuré de celui qui a trouvé sa… voie, Philippe Blondeau déroule le fil de sa vie professionnelle, un peu chamboulée depuis quelques mois. À la tête d’une entreprise fami-liale de produits liquides destinés aux grandes

surfaces de bricolage, ce fou d’art contemporain est éga-lement... sculpteur d’œuvres en acier rouillé pour le jardin. Une double vie peu banale née d’un choc esthétique res-senti au musée Guggenheim de Bilbao, devant les instal-lations monumentales en métal rouillé de Richard Serra, puis les travaux d’Eduardo Chillida et de Bernar Venet, qui l’ont amené à s’intéresser à la sculpture de jardin. «  J’ai commencé par créer des sculptures­tableaux en deux dimensions en débutant par des maquettes en carton, réalisées ensuite par un ferronnier d’art, Pascal Chevaux.  » Philippe Blondeau expérimente ensuite de façon à obtenir la patine le plus durable et le plus sédui-sante possible  : «  La couleur orange de la rouille est

sublime quand le soleil se pose dessus, tout comme le contre­jour », ajoute-t-il, le ton soudain plus rêveur. Une fois satisfait, il se lance, troquant sa casquette d’artiste contre celle

d’entrepreneur. « J’ai créé ma marque, Ferrare, et fait fabriquer une première série de 52 sculptures ; ce sont des séries limi­

tées et numérotées. » Des œuvres en deux dimen-sions jouant sur les jeux d’ombre et de lumière, ou des assemblages en trois dimensions qui se dévoilent différemment selon le point de vue d’où on les contemple. «  L’acier rouillé en appelle à nos origines. Il a un côté ances­tral et ultra­contemporain à la fois. Il incarne le temps qui passe, le passé comme l’avenir. » Le temps, justement, comment le trouve-t-il ? «  J’ai la chance d’avoir une société qui fonc­tionne, cela m’en libère suffisamment. » Assez, en tout cas, pour vivre pleinement son « aven-ture humaine » autour du métal…

Philippe Blondeau

Entrepreneur et artisteQuand il ne dirige pas son entreprise familiale, Philippe Blondeau crée des sculptures en acier rouillé ultra-contemporaines pour l’extérieur.

// 1 // tableau vivant n Conçues comme de véritables tableaux d’extérieur à contempler en plein soleil ou à contre-jour, ces sculptures en deux dimensions donnent une dimension presque spirituelle au jardin. Ferrare, celesta, design philippe blondeau. // 2 // nouvelle dimension n Philippe Blondeau crée également des structures monumentales en trois dimensions, toujours en acier rouillé, son matériau de prédilection. L’ensemble de ses créations, réalisées par un ferronnier d’art, sont patinées après découpage et assemblage. Ferrare, assemblages monumentaux, design philippe blondeau.

pho

tos

sylV

ain

pr

ega

lDin

y

pho

to s

ylVa

in p

reg

alD

iny

po r t r a i t s

114 extérieursdesign extérieursdesign 115

21

Page 12: Dorothée Bécart - Book 2013

Qu’y a-t-il de commun entre une pièce détachée pour auto-mobile et une chaise ultra-slim ? Entre un panneau d’af-fichage publicitaire et un banc public ? Deux lettres, TF, pour « Tôlerie Forézienne », et un savoir-faire quasi cen-tenaire dans l’univers assez méconnu de la tôlerie fine.

Créée en 1922, cette entreprise familiale s’est spé-cialisée dans la fabrication de conduits d’évacua-tion des fumées. À la faveur d’une cession de ses actifs dans les années 1990, elle s’est mise à diver-sifier ses activités, avec pour but « de faire de “TF” une marque synonyme d’innovation  », résume Dominique Guichard, ancien publicitaire devenu directeur général de l’entreprise. Artisan, avec le soutien de son groupe, de cette évo-lution, il prend contact avec la Biennale du design de Saint-Étienne, puis lance un appel à projets autour de la création de pièces de mobilier urbain. Six designers sont retenus, choisis sur des critères « d’humilité, d’acceptation des compromis ». Et pourtant, à voir la complexité des lignes du banc Interférences d’Alexandre Moronnoz ou l’ultra -finesse de la chaise Icila de Cécile Planchais, on

imagine plus volontiers les compromis du côté des ateliers de fabri-cation. « Certains produits nous poussent à bout, c’est vrai. Mais cela motive nos équipes à se dépasser en utilisant tous les moyens mis à disposition : découpe laser, pliage, poinçonnage… Résultat : nous sommes en pointe sur un certain nombre de techniques », se félicite Dominique Guichard. Au-delà d’un savoir-faire de plus en plus pointu, le directeur général de Tôlerie Forézienne cherche à changer les choses dans l’espace public, attaché à l’idée de véritables « salons publics »

qui dépasseraient la frilosité des collectivités locales françaises. « Quand on met ce style d’équipement à disposition, les

gens se l’attribuent très naturellement. Ils ont besoin de se retrouver ensemble. » Dernière frontière à franchir ? Celle des jardins pri-vés. «  Lorsque nous exposons dans des festivals comme “Jardins, jardin”, aux Tuileries, les gens nous disent  : “C’est très beau, mais on ne peut pas mettre ça chez nous, puisque c’est du mobi-lier urbain”  », déplore-t-il. «  Mais heureusement, la tendance factory est en train de faire tomber des barrières. » Demain, grâce à lui, les amoureux pour-raient se bécoter sur des bancs… privés, bien à l’abri des regards !

Dominique Guichard

La tôle version designDirecteur général de Tôlerie Forézienne, une entreprise née en 1922, Dominique Guichard est l’artisan de sa diversification et de sa conversion au design de mobilier.

// 1 // nouvelles vagues n Le piétement ultra-complexe de ce banc unique en son genre signé Alexandre Moronnoz a poussé les équipes dans leurs retranchements, valorisant une nouvelle fois un savoir-faire toujours plus en pointe. tôlerie Forézienne, banc interférences, design alexandre moronnoz. // 2 // ultraFinesse n Le rêve de la créatrice Cécile Planchais, une assise aérienne confinant à l’épure, s’est matérialisé grâce au savoir-faire, dans le domaine de la tôlerie fine, des équipes de Tôlerie Forézienne. tôlerie Forézienne, chaise icila, design cécile planchais.

2

1

po r t r a i t s

116 extérieursdesign

Page 13: Dorothée Bécart - Book 2013

18 extérieursdesign

Dehors ou dedans, la table peut devenir un vrai petit jardin à elle seule, grâce à ces centres de table végétaux... ou à ces objets végétalisés joliment détournés.

SÉLECTION DOROTHÉE BÉCART

Végé-table

// 1 // ESQUISSE FLEURIE � Ces jolis vases-crayons redessinent les tables des artistes en herbe(s). Y’a pas le feu au lac,soliflore triple Pik, design FX Balléry, 65 € // 2 // MICROPAYSAGE � Mets délicieux et succulentes sont faits pours’entendre, surtout si ces dernières sont joliment mises en scène, comme dans cet aquarium-paysage. Gaia&Gino, Glasscape,design Aruliden, 112 € // 3 // EN BOUTEILLE � Parmi les grands millésimes, une petite bouteille aux formes rebondies emplied’orchidées. Joli clin d’œil ! Sia, arrangement floral sous verre, 149 € // 4 // DU MUR À LA TABLE � Ce tableau composé de végétaux stabilisés s’accroche habituellement aux murs mais peut s’improviser en chemin de table des plus originaux ! Flowerbox,tableau Panoramic, 20 x 70 cm, 129 € // 5 // GOURMAND � Une décoration haute en couleur et riche en parfums gourmandsdoublée de la possibilité d’avoir aromates et herbes fraîches à portée de main ! Bacsac, mini Baclong, H. 12 x 40 x 10 cm, 40 €

2 3

4

5

1

re l ook i ng

DÉTOURNEMENT VÉGÉTAL� Bac à glace ou jardinière ? Le module central de cette table se révèle très futé ! Dedon,table Play, design PhilippeStarck, 6 320 €

Page 14: Dorothée Bécart - Book 2013

112 extérieursdesign extérieursdesign 113

Tous les goûts sont dans la nature, même les plus inattendus. Sous nos pieds s’étend un formidable garde-manger dans lequel des passionnés des fourneaux puisent pour réveiller nos papilles. TEXTE DOROTHÉE BÉCART

Appétits sauvages

gou rmand

La recette de Cédric DenauxFausse panna cotta, lait de noisette bio, abricots et agastache fenouil

Un demi-litre de lait de noisette bio, 75 g de sucre glace, 600 g d’abricots mûrs à point, un petit bou-quet d’agastache fenouil, 3 feuilles de gélatine alimentaire ou 2 g d’agar-agar Chauffez le lait de noisette, le sucre glace et l’agar-agar (si vous l’avez choisi, à diluer à froid dans le lait puis à chauffer au-dessus de 85 °C) jusqu’à ébullition, coupez le feu puis plongez les abricots dénoyautés et 20 feuilles d’agastache. Laissez infuser une dizaine de minutes puis mixez le tout de sorte qu’il n’y ait plus de gros morceaux d’abricots ; si vous avez fait le choix de la gélatine alimen-taire, ajoutez-la. Versez votre mélange dans les contenants choisis, verres, petits pots… Laissez au froid douze heures au moins, servez avec un sorbet à l’abricot et quelques feuilles d’agastache.

LA PÂQUERETTE. CAUCHEMAR DES AMA-TEURS DE PELOUSES IMPECCABLES ou fleur préférée des amoureux, qui aiment à l’ef-feuiller en douce compagnie ? Mieux que cela  : un ingrédient étonnant qui transforme une banale salade en expérience gustative inédite, avec sa saveur proche de celle du vinaigre balsamique. L’égopode. Hantise des jardiniers, avec ses racines profondes et nombreuses ? Certes, mais aussi chouchou des cuisiniers inspirés, avec son petit goût entre la carotte et le céleri, aussi bon en gratin qu’en quiche… Les mauvaises herbes seraient-elles, en réalité, délicieuses ? «  Sur un total de 12 000 plantes sauvages en Europe, près de 1 600 sont comestibles et entraient jadis dans l’alimentation humaine, rappelle François Couplan, ethnobotaniste. Le vrai régime crétois repose sur la consommation extrême de ces plantes que l’on trouve également dans le sud de la France. » Ce cueilleur globe-trotteur partage avec enthousiasme ses connaissances avec les amateurs curieux comme avec ceux qui souhaitent approfondir leurs connaissances sur ce « garde-manger » généreu-sement offert par la nature. «  En 30  secondes, l’été, on peut cueillir de quoi faire à manger pour dix personnes, s’enthousiasme-t-il. Même dans nos propres jardins, si ceux-ci n’ont pas été traités avec des produits phytosanitaires, on peut trou-ver son bonheur, pour peu qu’on laisse un peu la nature vivre, en se contentant de retourner la terre de temps à autre pour lever la dormance de cer-taines graines, comme le mouron. » Rétablir le lien entre la nature et les fourneaux, c’est également le credo de Meret Bissegger, qui, elle aussi, orga-nise régulièrement des sorties ouvertes à tous. « La cueillette reconnecte les gens avec leur ter-roir. Ils apprennent à regarder et à mieux connaître les plantes sauvages autour d’eux. » Une fois son panier rempli, Meret cuisine en toute simplicité sa récolte du jour dans sa maison-table d’hôtes, la Casa Merogusto. « Toutes mes recettes sont

simples et ont pour but de mettre en avant le goût des plantes sauvages, souvent très prononcé. Il faut les adoucir par l’assaisonnement et leur don-ner de la consistance. »

De la cueillette à l’assietteDans ses assiettes, cardamine hirsute, mon-naie-du-pape, grande bardane, liondent his-pide, renouée bistorte ou mouron des oiseaux occupent le premier rôle. Car les herbes et fleurs sauvages ne sont plus cantonnées à un simple rôle de figuration, purement décoratif. Cédric et Cathy Denaux sont les fondateurs du restaurant L et Lui, situé à Saint-Paul-Trois-Châteaux, au cœur de la Drôme, paradis des cueilleurs. « L » cultive une quarantaine de plantes aromatiques, de fleurs comestibles et de légumes. « Lui » les cuisine, tout en ajoutant des herbes et plantes sauvages cueillies juste avant le service, à dix minutes du restaurant. Ballotine de pintadeau fourrée au melanosporum Tricastine (truffe), tar-telette de banane et coings à la menthe aqua-tique sauvage figurent notamment à sa carte, en perpétuelle réinvention. «  Je travaille autour de l’hypersaisonnalité, en fonction de mon jardin, du mistral, de la pluie et du gel. Il y a des plantes qui arrivent en même temps que certains légumes, fruits, poissons ou viandes ; parce qu’ils arrivent en même temps, ils doivent pouvoir s’accorder, il suffit de trouver la connexion – c’est le travail du cuisinier. » Et ce passionné du beau et du bon de rêver déjà aux saveurs du printemps, asperges sauvages, fleurs de sureau, d’acacia, alliaire, capucine… «  Je préfère toujours sublimer une plante sauvage que de les mélanger toutes.  » Une volonté, sans doute, d’éduquer les papilles de ses clients, parfois peu habitués à ces saveurs oubliées… Véritable druide des temps modernes, Stéphane Meyer a écumé dix années durant l’Europe des plantes médicinales sauvages pour le compte de laboratoires. Il a aujourd’hui ses

L ET

LU

I

Page 15: Dorothée Bécart - Book 2013

114 extérieursdesign extérieursdesign 115

entrées dans les cuisines les plus prestigieuses et les plus innovantes de la capitale, parmi lesquelles L’ Astrance de Pascal Barbot et L’ Agapé Substance de David Toutain. « Si l’on met de côté les cham-pignons, les plantes sauvages n’ont pas participé au développement de la gastronomie française, résume-t-il. Aujourd’hui, ces plantes reboostent l’imagination des chefs. » Entre lui et les grandes toques, c’est une histoire de transmission. « Je leur propose entre 60 et 80 plantes différentes. Les consommés, les glaces et les purées sont une façon excellente de les aborder, notamment

parce que c’est quelque chose de plutôt ‘‘habituel’’ à l’œil.  » Cuisinier simplement ces saveurs iné-dites attraperait-il plus facilement les papilles des néophytes ? Peut-être faut-il y voir un clin d’œil à la cuisine de nos ancêtres plus ou moins lointains, simple et généreuse : les soupes d’orties, la cra-maillotte franc-comtoise, spécialité, entre le miel et la confiture, préparée à partir des pétales des pissenlits, les paupiettes des Cévennes, où les rosettes de coquelicot remplacent les épinards… « En compilant toutes ces utilisations régionales, on en découvre de nouvelles, analyse Stéphane

Meyer. Mais les chefs finissent par en faire des usages très différents, ce qui amène encore plus de richesse… » Un peu de vie sauvage dans nos assiettes, étoilées ou non, pour mieux réveiller nos instincts gourmands endormis par des repas stéréotypés, voilà qui ouvre de nouveaux hori-zons, et pas seulement gustatifs ! « Consommer des plantes sauvages nous apporte beaucoup  : les saveurs, les nutriments, et puis aussi quelque chose d’autre, qui relève d’une réflexion, d’une compréhension du monde qui nous entoure  », conclut François Couplan.

Initiations à la vie sauvageFrançois Couplan organise régulièrement des stages de cueillette, en région parisienne comme en province, au cours de journées ou de courts séjours pendant lesquels il partage ses connaissances et invite ses élèves à cuisiner leur récolte. Trois stages sont organisés en avril : à Massonnens, dans le Valais et en Gruyère, et en Corse. Il a également ouvert un collège pratique d’ethnobotanique, cursus de trois ans ouvert aux étudiants comme aux personnes en reconversion.Plus de renseignements sur le site www.couplan.comMeret Bissegger propose

régulièrement, autour de sa table d’hôtes de Malvaglia, en Suisse italienne, des journées de cueillette suivies de cours de cuisine.Plus de renseignements sur le site www.meretbissegger.chCédric Denaux propose des ateliers pour mieux maîtriser les techniques de base de la cuisine, qu’il saupoudre de quelques conseils et improvisations autour des plantes sauvages récoltées en groupe.Plus de renseignements sur le site www.letlui.com ou au 04 75 46 61 14.Frédéric Meyer propose une partie du fruit de ses cueillettes dans la boutique Terroirs d’avenir au 7, rue du Nil, Paris 2e.

gou rmand

La Cuisine des plantes sauvagesAu cœur de la Suisse italienne, merveilleux garde-manger à ciel ouvert, Meret Bissegger cueille et cuisine les plantes sauvages pour le plaisir des papilles des clients de sa table d’hôtes, la Casa Merogusto. Dans cet ouvrage, elle partage ses connaissances sur une soixantaine de plantes communes comestibles, sublimées en 130 recettes photographiées par Hans-Peter Siffert. Éditions Ulmer, 320 pages, 32 €

ULTRA-VIOLET n Le goût de la violette n’a pas encore été totalement oublié par les amateurs de douceurs désuètes… Meret Bissegger prouve, avec cette panna cotta au sirop de violette, qu’en plus d’un haut pouvoir esthétique, les fleurs et plantes sauvages éveillent les papilles.

La recette de Meret BisseggerMaïs doux au mouron des oiseaux

1 épi de maïs cuit, ½ piment doux coupé en ron-delles, 1 cuiller à soupe d’huile d’olive, 1 gousse d’ail écrasée, 3 poignées de mouron des oiseaux, 1 pincée de sel marin aux herbes, 2 à 3 cuillers à soupe d’huile de noix grillées, 1 poignée de noix hachées.Couper les grains de maïs à l’aide d’un couteau aiguisé. Verser l’huile dans une poêle chaude, puis y faire revenir le maïs et le piment quelques minutes. Ajouter l’ail et faire revenir le tout encore quelques secondes, puis retirer la poêle du feu. Ajouter le mouron et mélanger rapidement. Assaisonner et mélanger avec les noix. Servir aussitôt.

Un cours magistral en pleine nature donné par François Couplan, docteur ès sciences (Muséum national d’histoire naturelle).

HA

NS-

PETE

R S

IFFE

RT

HA

NS-

PETE

R S

IFFE

RT

Page 16: Dorothée Bécart - Book 2013

2 extérieursdesign

déco

2 extérieursdesign extérieursdesign 3

BONNETS D’ÉTÉ � Ces poufs au nom évocateur réchauffent doublement les extérieurs trop froids dans leurs habits d’été : leur enveloppe « tricotée» en fils acryliques se retire et s’enfile en effet en un clin d’œil. Casalis, poufs Bonnet outdoor, design Liset van der Scheer, à partir de 325 €

// 1 // INSPIRATION NAPPERON � C’est en souvenir des napperons qui recouvraient en partie les accoudoirs des fauteuils de sa grand-mère qu’Henry Sgourakis a conçu cesfauteuils outdoor crochetés façon XXL. Henry Sgourakis, fauteuil Nook, bientôt disponible. // 2 // TRICOT DE GRAND-MÈRE � S’il suscitait l’embarras à l’adolescence, le pulltricoté par Grand-Mère n’a jamais été aussi branché qu’en 2012 : la preuve avec ce fauteuil en iroko massif à l’assise en cordage marin aux mailles travaillées en damier. Wa.De.Be,fauteuil Granny, prix sur demande.

Alors que l’été approche à grands pas, les terrasses revêtent leurpetite laine ; ou plutôt, s’ornent de tapis, poufs et canapés tricotés,

crochetés ou ornés de motifs évoquant la dentelle ou le point de croix.Un retour aux sources venu de la mode qui séduit de plus en plus les

designers avides de retrouver les gestes simples des artisans. SÉLECTION DOROTHÉE BÉCART

DOUCEUR DE VIVRE � Comme pour répondre à la douceur d’un tapis de gazon entretenu au brin près dans ce jardin du paysagiste Jan Joris, Paola Lenti, avec la complicité de Francesco Rota et de Patricia Urquiola, a tricoté canapés et poufs aux couleurs radieuses. Paola Lenti, collections Ami, Shell et Picot, chez Outside, prix sur demande.

1

2

© S

ERG

IO C

HIM

ENTI

cousumain

Page 17: Dorothée Bécart - Book 2013

extérieursdesign 54 extérieursdesign

déco

// 1 // MAILLE(S) À PARTIR � Un souffle d’ailleurs sur les terrassesavec ces poufs imaginés par Francesco Rota et confectionnés par Paola Lenti à partir de corde Rope aux couleurs joliment chamarrées.Paola Lenti, pouf de jardin Shell, design Francesco Rota, H. 25 x diam. 85 cm, 1973 €

// 2 // FLEURS CROCHETÉES � Icône outdoor, le fauteuil Crinoline,avec son assise fleurie semblant avoir été réalisée selon les techniquesdu crochet, revisite les mythiques fauteuils en rotin des années 70.Doublement seventies ! B & B Italia, fauteuil Crinoline, designPatricia Urquiola, 2578 €

// 3 // NID DOUILLET � Comme on aime, l’hiver, se pelotonner dans les mailles d’un pull bien chaud, on se laisse aller, l’été, au confortdouillet de ce fauteuil-cocon à la structure tressée de larges mailles.Kenneth Cobonpue, fauteuil Rapunzel, prix sur demande.

// 4 // ARTISANAT VÉGÉTAL � Avec ses feuilles vert tendre et sesfleurs tout en explosion de fuchsia et rose soutenu, ce tapis crocheté est une poésie à lui seul. Paola Lenti, tapis Crochet, 8055 €

// 5 // CROISEMENT DES GENRES � Pour anoblir encoredavantage le végétal, deux jeunes designers se sont amusés à créer des pots ornés de collerettes réalisées à partir des élastiques utiliséshabituellement en mercerie. Grégory Marion, Collerettes, designGrégory Marion et Laurianne Lopez, pièces uniques.

// 6 // SOUS TOUTES LES COUTURES � Virtuose du tressageappliqué au design outdoor, Kenneth Cobonpue revisite avec humour et élégance les techniques du crochet et de la couture plate pour sanouvelle collection. Kenneth Cobonpue, collection Cabaret, prix sur demande.

2

3

5

6

4© SERGIO CHIMENTI

1

cousumain

Page 18: Dorothée Bécart - Book 2013

extérieursdesign 76 extérieursdesign

// 1 // CANOPÉE EN DENTELLE � C’est entravaillant avec les manufactures de dentelle de Calaisque Chris Kabel a imaginé ce parasol devenu unclassique du genre en quelques années. Sywawa,parasol Shadylace, design Chris Kabel,chez Jardin Chic, 257 €

// 2 // PULL MARINE � Sur une structure en iroko, le collectif Wa.De.Be a enfilé unemarinière, classique incontournable etindémodable du prêt-à-porter, pour desextérieurs forcément dans le vent ! Wa.De.Be,chaise Granny rayée, prix sur demande.

// 3 // EN TRANSPARENCE � Une structurerésumée à l’essentiel, habillée d’une maille polyestercrochetée... et les souvenirs d’étés insouciantsreviennent par vagues douces lorsqu’on s’abandonneau confort étudié de ce fauteuil so seventies… AreaDeclic, fauteuil Knit Knot, design AlessandraPasetti, prix sur demande.

// 4 // MASCULIN/FÉMININ � C’est de la moded’hiver masculine que s’inspire le designer FrancescoRota avec ces petits bancs à la structure décorée delarges côtes aux tons neutres pourtant créés pour laplus féminine des griffes outdoor. Paola Lenti, bancFrame, design Francesco Rota, chez Outside, 700 €

// 5 // POINT DE CROIX � Pour Unopiù, le designerCarlo Martino a brodé une collection rafraîchissante,avec sa table métallique ajourée de motifs en points decroix repris sur le coussinage de fauteuils empilables à la structure tubulaire. Unopiù, collection Crochet,design Carlo Martino, coussin, 42 € ; table, 295 €et fauteuil, 160 €

// 6 // FESTONS FESTIFS � D’un seul tenant, la structure en acrylique ajouré en arabesques de ce fauteuil en fait une pièce unique… en son genre.Acrila, fauteuil dentelle, design Jean-ChristopheBernard, 1060 €

// 7 // BRODERIES MÉTALLIQUES � La maîtriseabsolue du métal travaillé en finesse permet à Bysteelde concrétiser les rêves des designers les plusexigeants, comme le collectif Ragodesign qui a imaginécette jardinière-cloison ajourée de motifs en dentelle.Bysteel, jardinière Tu, design Ragodesign, chezTendance Outdoor, 1050 €

déco

4

5

6

7

2

3

© SERGIO CHIMENTI

1

cousumain

Page 19: Dorothée Bécart - Book 2013

2 extérieursdesign extérieursdesign 3

Dans la ville où tout pousse en hauteur, quoi de plus naturel qu’un extérieur qui tutoie le ciel ? Du jardin au toit-terrasse, dégradé de vert

signé Dorothy Bothwell pour le cabinet Nelson Byrd Woltz. TEXTE DOROTHÉE BÉCART � PHOTO ASLA / ERIC PIASECKI

Fenêtre sur Manhattan

ESPRIT D’OUVERTURE � Entre le besoin d’intimité et l’envie de rester connecté à l’une des villes les plus excitantes du monde,Dorothy Bothwell a choisi de ne pas trancher, confiant à Anthony Visco la réalisation d’un claustra ajouré en teck FSC dont un despanneaux, coulissant, permet d’ouvrir et de fermer une fenêtre sur Manhattan.

c i t y zen

Page 20: Dorothée Bécart - Book 2013

4 extérieursdesign extérieursdesign 5

COMME LE DIT LA CÉLÈBRE CHANSON, SI ON PEUT LE FAIRE À NEW YORK, ON PEUT LE FAIRE PARTOUT. La ville de tous lespossibles est un véritable laboratoire d’idées pour les jardins. Improvisés sur les trottoirs, s’agrippant au moindre escalier de secours, débordant desbalcons, ils y sont omniprésents ; et c’est, bien sûr, Central Park, poumon verten plein cœur de Manhattan, qui donne le ton. Dans cette maison de septétages située à deux «blocs» du paradis des écureuils, Dorothy Bothwell,paysagiste au sein de l’agence Nelson Byrd Woltz, s’est efforcée, tout enjouant avec la configuration étonnante des lieux, de faire le lien avec ceterritoire urbain unique en son genre où faune et flore se développent enharmonie. Du jardin en rez-de-chaussée jusqu’au toit-terrasse du dernierétage en passant par les terrasses intermédiaires, la paysagiste a fait le choix

d’une végétation endémique à même d’attirer oiseaux (mésange à tête noire,paruline orangée) et insectes pollinisateurs typiquement new-yorkais. Le but?Reconnecter une famille de citadins au rythme des saisons et de la nature.De la terrasse qui leur est réservée, au quatrième étage, les enfants peuventainsi observer les oiseaux qui nichent dans les Ginkgo Biloba’sentry’plantés dans le jardinet au rez-de-chaussée. Et à ces nids de paille et de boutsde laine répondent quatre «nids pour humains», bien plus sophistiqués : unjardinet-cocon aux allures de sous-bois zen, avec ses fougères et sa fontaine,et trois terrasses protégées des regards indiscrets par des claustras en teckajourés donnant à l’ensemble chaleur et modernité. Bien inscrit dans sa ville,ce jardin en terrasses est un manifeste écolo-chic pour un cocooning urbainversion verte.

Quatre étages au vert

1�

�2

// 1 // TERRASSES EN TRIPLEX � Outre le jardinet au rez-de-chaussée, la maison, à l’architecture atypique, comporte trois terrasses réparties sur plusieursétages et reliées par des escaliers. // 2 // CLASSE VERTE � Sur la terrasse qui leur est consacrée, les enfants peuvent jouer au professeur ou dessiner au gré de leur inspiration sur un tableau noir subtilement serti dans le claustra en teck.

c i t y zen

Page 21: Dorothée Bécart - Book 2013

6 extérieursdesign

c i t y zen

extérieursdesign 7

Si loin, si proche, la ville se fait tantôt oublier, tantôt admirer, de l’intimité absolue du jardinet au toit-terrasse à l’ombre des gratte-ciel.

1�

2�

�3

// 1 // COCON VÉGÉTAL � Sur le toit-terrasse, tandis que la ville apparaît enfiligrane derrière une brume de Calamagrostis stricta, on se laisse chatouiller parles plumets des Veronica longifolia et caresser par les pompons des Liatris spicata.// 2 // EN HAUTEUR � De frêles bouleaux (Betula nigra) tentent de concurrencerune tour voisine. // 3 // ZÉNI(D)TUDE � À l’ombre des ginkgos on profite de la fraîcheur du jardin-cocon installé en rez-de-chaussée, avec sa fontaine, ses fougères et son lierre de Boston grimpant délicatement au mur mitoyen.

Page 22: Dorothée Bécart - Book 2013

extérieursdesign 98 extérieursdesign

Avec ses plantes choisies dans une palette végétale endémique,ce jardin s’inscrit dans la toile écologique new-yorkaise et reconnecte ses habitants au rythme de la nature.

c i t y zen

// 1 // MUR DES DÉLICES � Sur fond de fougères femelles, plantes médicinales et aromatiques (Gaulthiera protubens, sauge, romarin, thym, basilic) côtoientvivaces à fleurs (Iberis sempervirens) et fraises gourmandes. // 2 // RONDEUR DES JOURS � Lové dans le canapé cocon Canasta dessiné par Patricia Urquiolapour B&B Italia, on se laisse aller à la douceur de vivre, dans le jardin-écrin zen du rez-de-chaussée... // 3 // BOIS SOPHISTIQUÉ � Sobre et élégant, le mobilieren teck de l’éditeur Sutherland Teak fait écho aux claustras fabriqués dans la même essence. Deux lampes de sol YLighting éclairent le versant nocturne de laterrasse.

1� �2 �3

Page 23: Dorothée Bécart - Book 2013

extérieursdesign 32 extérieursdesign

JOUBARBE � Parée de son nom botanique,Sempervivum, signifiant « toujours vivant »,cette plante ne craint qu’une chose : une tropforte humidité. Plantez-la donc dans la partiehaute du mur végétal, dans un peu de sablegranuleux. Elle forme vite des touffes denses.

HEUCHÈRE � Cette vivace au feuillagepersistant forme des touffes de 30 à 40 cm de haut et de large. Ses nombreux cultivarsoffrent une incroyable palette de couleurs.

EUPHORBE DE CORSE � Euphorbiamyrsinites est une vivace très rustique qui seplaît partout, composant des tapis réguliersde feuilles charnues glauques en forme decœur. De mai à septembre, les extrémités destiges se parent de fleurs vert jaunâtre de trèsbelle facture. Hauteur : 10 cm; largeur : 40 cm.

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

��

LE+VÉGÉTALPAR PATRICK MIOULANE

// 1 // LEÇON D’ÉCOLOGIE� Un transat pour enfants sages qui ont bien appris leurs leçons d’écologie : sa structure en bois certifié est habillée en bâche PVC recyclée. Zéro faute ! Reversible, transat Dekocool, H. 160 x 45 x 45 cm, 100 € // 2 // TRÈS EN VUE� Indispensables dans les environnements urbains denses, les panneauxd’occultation, à l’image de ce modèle ajouré en Bankiraï, protègent efficacement des regards indiscrets. LeroyMerlin, panneau ajouré Monoï, 180 x 180 cm, 179 € // 3 // DESSERTE IN THE CITY � Des lignes épurées, un chaleureux plateau en lattes de teck et une structure montée sur roulettes très pratique : cette table basse a tout pour plaire aux citadins sophistiqués épris de chic naturel. Unopiù, table basse Atlantis, 44 x 111 cm, 540 € // 4 // COUP DOUBLEMalin, ce banc en teck aux lignes sobres fait également office de double jardinière. Un gain de place précieux dans les mégalopoles où le moindre mètre carré compte... Brighton, banc double, chezTruffaut, H. 40 x 200 x 45 cm, 349 € // 5 // SÉQUENCE EN ÉCHO� Clin d’œil aux claustras ajourés réalisés parAnthony Visco, ces jardinières en teck FSC constituent un écrin chic pour les plantes et arbustes de ville. LeroyMerlin, bac Dubai, 40 x 40 cm, 99 € // 6 // LIGNES ESSENTIELLES� La silhouette tout en angles de ce fauteuillounge en métal et teck offre un parfait écho à la skyline new-yorkaise ! Viteo, fauteuil Lounge Home, designWolfgang Pichler, chez Paysage, 830 € // 7 // LOUNGE URBAIN� Une touche de naturel dans un environnementurbain est toujours la bienvenue. En frêne rétifié, cet ensemble canapé et méridienne n’en affiche pas moins des lignes à la fois sophistiquées et intemporelles... un résumé du chic new-yorkais ! Gervasoni, canapé in/out, design Paola Navone, chez Saisons, H. 60 x 280 x 106 cm, canapé à partir de 4 583 €, méridienne à partir de 3 029 €

2

3

4

le+déco

COMPLÉMENT DÉCOUn écrin de bois au cœur de la ville à recréer avec des objets chaleureux au chic intemporel, avec le bois pour dénominateur commun.SÉLECTION DOROTHÉE BÉCART

Chicnaturel

1

7

5

6

PLANTATIONS VERTICALES Dans lesmurs végétalisés, il faut utiliser desplantes qui demandent peu de soins,résistent à la sécheresse et poussentassez vite sans toutefois devenirenvahissantes. Voici notre choix...

Page 24: Dorothée Bécart - Book 2013

habillage l confidences

Quand ils ne laissent pas la natures’immiscer entre les quatre mursde la maison, les frères Bouroullecconçoivent des meubles d’extérieurinnovants ou étonnants pour degrandes marques comme Magisou Tectona. Ils évoquent pour nousleur rapport à la nature et au jardin.PROPOS RECUEILLIS PAR DOROTHÉE BÉCART

Ronan et ErwanBouroullec

imagine les gens dans un contexte où ils sont un peuplus détendus, ce qui permet d’envisager des assisesmoins convenues dans leur dimensionnement. Enfin,il y a la contrainte de l’intégration au lieu : entre lesquatre murs d’une maison, il est assez rare qu’on aitdes choses inattendues. Quand on est à l’extérieur,on a l’avantage de ne plus être cloîtré, mais on seretrouve au cœur d’un paysage changeant. Nousavons dessiné les meubles Tectona en cercle parceque nous cherchions une forme qui s’intègre aussibien dans un vieux jardin un peu sauvage que dansun cadre plus structuré. Ces grandes assises doivent« fonctionner » visuellement sur une plage avec desrochers de la même façon que devant un vieux chêne.

rès tôt dans votre carrière, vous avez conçudes meubles destinés à un usage aussi bien indoorqu’outdoor – je pense à la chaise pliable outdoor2001 conçue pour Ligne Roset. Quelles sont lescontraintes rencontrées par le designer lorsqu’ilpasse le seuil du jardin ?Il y a d’abord la contrainte majeure de la résistancedes matériaux à l’extérieur. Ce sont des matériauxplus coûteux et plus compliqués à mettre en œuvreque les matériaux habituels. Or, les consommateurstendent à considérer que les meubles d’extérieurdevraient coûter un peu moins cher que les autres : ondoit donc rationaliser leur mise en œuvre. Par ailleurs,quand on dessine des meubles pour l’extérieur, on

T Quel est votre regard sur les jardins contemporains ?Nous venons de Bretagne, et nous avons passé toutenotre enfance à la campagne ; nous avons donc unepassion pour la nature sauvage. D’une certainemanière, nous allons plus dans le sens des jardinscontemporains un peu abandonnés, avec des herbeslaissées en liberté ; ces jardins désordonnés sont ceuxqui nous séduisent, bien plus que les parterres bienarrangés et entretenus.

Pour vous, le jardin est-il en train de devenir unenouvelle pièce de la maison ? Autrement dit, y a-t-ilencore une frontière entre intérieur et extérieur ?Cela participe selon nous d’un mouvement encore

NATURELLEMENTDESIGN

48 I extérieurs design

MOR

GANE

LEGA

LL

Page 25: Dorothée Bécart - Book 2013

Rideau d’algues �

Les algues créées par les frèresBouroullec pour la marque Vitras’inspirent de la nature, qui tendà investir les espaces vides defaçon anarchique.

PAUL

TAHO

N

Page 26: Dorothée Bécart - Book 2013

50 I extérieurs design

« Nous n’avons jamais voulusinger la nature, mais plutôtnous inspirer de sa logique. »

habillage l confidences

plus général que la distinction entre intérieur et exté-rieur : les objets ayant tendance à devenir de plus enplus nomades, il n’y a plus de distinction entrece qu’est un espace pour travailler, pour mangerou pour dormir. Nous ne sommes pas étonnés quele jardin subisse la même transformation que leliving-room. Il devient le support à une nouvelleréflexion et stimule le dessin des meubles. Avec lePebble, par exemple, on a brouillé les codes et libéréles formes : il n’y a pas de référent clair visuellement ;quand on donne trop de codes visuels, les gensn’osent pas utiliser le meuble d’une autre façon, etsouvent la forme même du meuble ne le permet pas.Avec le Pebble, nous avons volontairement mêlé lesfonctions d’assise, de table et de rangement.

Comment se passe le dialogue avec les éditeursde meubles ?Nous travaillons avec des sociétés dont nousaimons l’histoire et le savoir-faire, nous les respec-tons et nous les écoutons énormément. Elles-mêmes sont à l’écoute. Pour ne pas se tromper, ilest important de comprendre dans quelle catégorie,avec quel matériau, sur quel support la société aveclaquelle on travaille va être performante. Parfois,c’est l’inverse : nous provoquons une société avecdes techniques qu’elle a très peu mis en œuvrepour créer une autre forme de dynamique. Arnaud

Galets multifonctionS �

Tout en rondeur, la collection Pebble jouesur l’ambiguïté des usages : à la fois assises,tables et modules de rangement, ces galets

s’adaptent au besoin de liberté que l’onressent quand on passe le seuil du jardin.

Maison sur l’eau � Ouverte surl’extérieur grâce à de grandes baiesvitrées, la maison flottante s’intègreparfaitement à l’environnement grâceà la treille recouverte de végétaux quientoure sa structure.

MOR

GANE

LEGA

LL

PAUL

TAHO

N

Page 27: Dorothée Bécart - Book 2013

extérieurs design I 51

Brunel, qui dirige Tectona, nous a donné une formede carte blanche parce qu’il voulait être surpris etdonner de nouvelles directions à sa marque : soncatalogue était, d’une certaine manière, très clas-sique, et nous avons voulu donner un signe fort decontemporanéité.

Vous avez créé un parasol lumineux d’intérieur pourla galerie Kreo. Pourquoi avoir détourné un grandclassique du mobilier d’extérieur en usage indoor ?Au départ, nous ne voulions pas faire un pastichede parasol, mais une grande lampe qui forme uneespèce de toit à l’intérieur. Ce luminaire fait toutefoisréférence au besoin qu’éprouvent les humains de secréer des points de repère dans une surface indéter-minée. Le parasol, sur une plage, sert à se protégerdu soleil mais aussi, d’une certaine manière, à mar-quer son territoire : quand on le plante, on plante sondrapeau... On se crée une petite maison virtuelle,que les enfants détournent d’ailleurs souvent encabane. Quand on refait ça à l’intérieur, cela parti-cipe du même esprit et délimite une sorte de terri-toire, un point d’ancrage dans l’espace. Cet objetpeut être déplacé, définir l’espace et le recomposerà volonté pour recréer un lieu d’intimité relative.

La nature semble influencer la plupart de voscréations. Est-ce une source d’inspiration capitalepour vous ?Nous n’avons jamais voulu singer la nature, maisplutôt nous inspirer de sa logique. Le rideaud’algues que nous avons créé pour Vitra, par exem-ple, progresse comme le ferait une plante en train degrandir. Cela engendre une certaine versatilité dansl’utilisation : chacun en fait ce qu’il veut. Nous nesavons pas quelle dimension le mur aura ; l’algue,comme les plantes qui poussent dans un bâtimentabandonné, investit l’espace à sa façon. Elle gran-dit et se déforme dans l’espace qui lui est imparti.

Les vases que vous dessinez, comme le vase 2001de la série Still Life ou le vase Honda, mettent enscène les végétaux par des jeux de lumière et decouleurs. Quel est le message de ces créations ?Nous avons créé ces pièces pour que les genscontemplent ce qu’est une fleur dans ses détails, sescouleurs et ses textures. C’est une façon de dire qu’ilest inutile de jouer sur l’abondance de fleurs, qu’ilvaut mieux n’en regarder qu’une, mais dans lesdétails ; on se retrouve par ailleurs face à une fleurtrès réelle qui se détache sur un fond virtuel. Celamet en scène la dualité basique de notre monde,avec d’un côté l’espace construit et de l’autre lanature, dans toute sa subtilité et sa complexité.

Pour Teracrea, vous avez conçu une ligne en terrecuite. Comment êtes-vous parvenus à vous appro-prier ce matériau extrêmement classique ?La terre cuite est un matériau merveilleux, qui a despropriétés intrinsèques très adaptées pour lesplantes : elle est isolante et poreuse à la fois ; satexture un peu dure rappelle celle de la terre et de lapierre. Elle porte en elle beaucoup d’histoires. Nous

nous la sommes appropriée en cherchant de nou-velles typologies adaptées à nos manières de vivrecontemporaines. Avec la treille, nous avons parexemple essayé de proposer une structure qui per-mette de créer une grande masse végétale suspen-due, idéale pour un appartement ou un petit jardin.

Vous avez conçu une maison flottante pour uncentre d’art contemporain à Chatou. Elle a la par-ticularité d’être très ouverte sur l’extérieur, grâceà de grandes baies vitrées. Pourquoi ce parti pris ?Avec les deux architectes, Jean-Marie Finot, architectenaval spécialisé dans les bateaux de course, et DenisDaversin, un architecte DPLG, nous avons essayé demettre les gens en contact avec l’eau. Quand nousavons construit la barge, nous avons eu la possibi-lité de mettre le plancher au niveau de l’eau. Ainsi,quand on marche dans la maison, on a l’impressionqu’on est sur l’eau. Nous avons imaginé que l’eauserait, d’une certaine manière, une pelouse qui pro-longerait la maison. Et nous nous sommes renducompte, en y vivant pendant quelques jours, que larivière était en quelque sorte le jardin parfait : elleest toujours en mouvement ; la lumière bouge, desbateaux viennent l’animer... Cela apporte beaucoupde sérénité. Cette maison est très intéressante dupoint de vue des sensations qu’elle procure aux gens.

Quelle est la place de l’écologie dans votre pro-cessus créatif ?Au quotidien, nous faisons attention à ne pas utili-ser trop de matériaux, et à faire en sorte que leschoses soient transportables facilement. Cette préoc-cupation est partagée par les fabricants : si pour être« vert », on doit aller chercher du bois naturel à desmilliers de kilomètres, il est peut-être préférable,dans ce cas, de fabriquer un objet en plastique enAllemagne. L’écologie est en réalité une équationassez complexe. Le fabricant doit faire attention àla façon dont il produit, mais le consommateurdoit également faire attention à la façon dont ilconsomme. En rendant les choses mieux faites, lesgens vont être plus attachés à ce qu’ils vont acheteret vont éviter de le jeter au bout de quelques annéesd’utilisation. La grande responsabilité du design,aujourd’hui, c’est de créer des objets de qualité, tantau niveau technique qu’au niveau esthétique. C’estce que nous avons essayé de faire avec les chaisesen plastique que nous avons conçues pour Kartellou Vitra ; dans l’esprit des gens, c’est un matériaupar essence jetable. Nous avons essayé de le ren-dre particulier, de lui donner une noblesse, et deconcevoir de beaux objets. D’ailleurs, à long terme,nous pensons que le mot « design » sera aux meu-bles ce que le mot « bio » est à l’alimentation.

Fond d’écran naturel� Créé pour la galerie Kreo, ce vasemet en vedette la fleur, isolée sur unfond de couleur uni et lumineux, pourdes moments de contemplation zen.

MOR

GANE

LEGA

LL

Page 28: Dorothée Bécart - Book 2013

Il n’est pas rare de trouver de lointainséchos nippons dans nos jardinscontemporains. Cette influence majeuredes paysagistes modernes est pourtantun art plus que millénaire au Japon, quenous invitent à redécouvrir la journaliste etécrivain Helena Attlee et le photographeAlex Ramsay. TEXTE DOROTHÉE BÉCART

� PHOTOS ALEX RAMSAY

80 I extérieurs design

Cerisiers impériaux � Depuis l’èreNara (VIIIe siècle), les Japonais ont coutumede célébrer l’éclosion des fleurs de cerisiers.Une tradition toujours aussi vivace, qui amèneles familles nippones à se rassembler sous lescerisiers majestueux des parcs publics commele Kenroku-en, l’un des trois plus beaux jardinsde la péninsule. LIEU : Kenroku-en, Kanazawa.

NIPPONL’ÉTERNEL

Naturel l Evasion

Il n’y a qu’à arpenter les allées des grandsrendez-vous internationaux, comme le presti-gieux Chelsea Flower Show, pour s’en convain-cre : les jardins japonais sont à la mode. Les plusgrands noms du paysage contemporain s’en ins-pirent ouvertement : le Shisen-Dô de Kyotohante certaines des créations de FernandoCaruncho ; Christophe Ponceau confesse volon-tiers son admiration pour la nature maîtrisée duRyoan-Ji ; d’autres paysagistes, comme ErikBorja, se consacrent entièrement à l’art du jardinjaponais. Mais qu’est-ce qui les séduit dans cesjardins de l’autre bout du monde ? L’auteur desJardins du Japon, invitation au voyage (Syn-chronique Éditions), Helena Attlee, estime quecette influence dure depuis des siècles. Les jar-dins japonais ne sont donc pas fondamentale-ment contemporains ; ils offrent au contraire uncharme intemporel, éternel, en opposition

totale avec la versatilité des modes et des ten-dances qui ont façonné les paysages occiden-taux au fil des siècles. Ce monde énigmatique,empreint de symbolisme et de poésie, additionde styles centenaires, se décline en paysagesstructurés avec rigueur, qui laissent paradoxale-ment la pensée et les rêves cheminer en touteliberté. Ainsi, les pas japonais, utilisés de façonsystématique, presque comme des «gimmicks »,dans nos jardins contemporains, servaient, dansles jardins de la période Momoyama (fin XVIe -début XVIIe, à contrôler la vitesse du marcheur.Très espacés, ils se resserraient à mesure que levisiteur approchait le pavillon de thé, commepour préparer son esprit et son corps à cemoment hors du temps. Un exemple parmi tantd’autres de l’extraordinaire richesse des jardinsjaponais, trésors de sens qui dépassent déci-dément les notions de mode et de tendance...

80 I extérieurs design extérieurs design I 81

©AL

EXRA

MSA

Y

Page 29: Dorothée Bécart - Book 2013

extérieurs design I 83

Naturel l Evasion

82 I extérieurs design

2 Sérénité urbaine � Difficile de croirequ’à quelques mètres de ce paysage plein de

quiétude s’élèvent les gratte-ciel tokyoïtes... le jardinde l’Est du Palais impérial, créé dans les années 60dans l’enceinte d’une ancienne citadelle de l’ère Edo,est un havre de paix dans lequel viennent volontiers seressourcer les citadins stressés. L’impression de sérénitéqui se dégage de ce lieu doit autant au moutonnementdes azalées taillées en topiaires qui se piquent début maide fleurs roses, qu’à la taille soigneuse des pins et descerisiers japonais, dont le port majestueux, tout enhorizontalité, est un spectacle à lui seul. LIEU : Higashi-Gyoen, jardin de l’Est du Palais impérial, Tokyo.

3 Ouverture culturelle � « Oùl’on aime la lecture et l’écriture, la fleur du prunier

s’épanouira », dit un antique poème chinois. Situé aucœur du Kairaku-en, jardin des plaisirs partagés oùs’ébattent 3000 pruniers, le Kôbun-Tei est un lieu deculture unique où sont régulièrement organisés lecturesde poèmes et concerts. L’architecture de ce pavillon duXIXe siècle témoigne à elle seule des liens indéfectiblesentre les Japonais, leurs jardins et la poésie. Ménagéespar de sobres shojis, les larges ouvertures sur l’extérieurconfèrent à ce lieu une étonnante modernité. L’art debrouiller les frontières entre la maison et le jardin,tendance lourde du paysagisme occidentalcontemporain, est pratiqué depuis des siècles parles Japonais. LIEU : Kairaku-en, Mito.

© ALEX RAMSAY © ALEX RAMSAY

©AL

EXRA

MSA

Y

1 Chef-d’œuvre pictural � Créé à lafin de sa vie par l’un des plus grands paysagistes

japonais, Adachi Zenko (décédé en 1990), le jardin dumusée Adachi se découvre à travers les larges baiesvitrées du bâtiment, comme une œuvre grandeur naturevoisinant avec les tableaux des peintres de l’ère post-Meiji (fin XIXe - début XXe). Conçu comme un kakemonovivant, le parc est divisé en six univers, réinterprétationsmodernes des grands classiques du jardin japonais :jardin de mousse, jardin sec, jardin de thé, jardin depromenade... pour accentuer l’impression d’espace,le paysagiste a renforcé les perspectives en plantant,sur les collines aux douces courbes, des arbustesà la taille graduée. C’est tout le génie des jardinsjaponais qui se trouve concentré en ce lieu unique.LIEU : Musée Adachi, Matsue.

1

1

2

3

©AL

EXRA

MSA

Y

Page 30: Dorothée Bécart - Book 2013

extérieurs design I 8584 I extérieurs design

1 Sous-bois rêvé � Sous nos latitudes, les sous-bois sedéclinent en camaïeu de verts, formant des paysages mélancoliques.

Ce n’est pas le cas des sous-bois japonais, dont la douce gaieté doit à la foisà la grande variété des mousses employées (dans ce jardin, plus de48 sortes de mousses ont été utilisées) et aux floraisons tendres des azaléeset des camélias. LIEU : Ginkaku-ji, Kyôtô.

2 À petits pas � Les temples japonais ne sont pas entourésque de jardins secs, comme en témoigne celui du Tenjû-an, qui se

compose de deux étangs. Ceux-ci sont traversés par les traditionnels pasde pierre qui permettent de cheminer en douceur dans ce lieu dédié à lacontemplation. LIEU : Tenjû-an, Kyôtô.

3 Le temps de la pensée � Le plus court chemin d’un pointà un autre est peut-être la droite : les créateurs des jardins japonais

n’en ont cure. Courbes et changements de direction, parfois brutaux commedans ce chemin bordé d’une clôture de bambou, ralentissent volontairementle rythme du promeneur pour lui imposer des moments de contemplation.Le Kôtô-in, avec sa bambouseraie et ses doux sols de mousse, s’y prêteparticulièrement. Ainsi, aucun détail ne peut échapper au promeneur. Leslimites du jardin sont symbolisées par un décor astucieux, composé de tuileset de pieux aux extrémités calcinées enfoncés dans le sol, qui confèrent aulieu une grande force graphique et un aspect presque contemporain. LIEU :Kôtô-in, Kyôtô.

extérieurs design I 85

Helena Attlee

Qu’est-ce qui rendles jardins japonais siparticuliers?Le Japon est resté isolédu monde pendantdeux siècles, à uneépoque où les jardinseuropéens étaient entrain de changer trèsrapidement. Chaqueaspect d’un jardin japo-nais est très contrôlé.Au fil des siècles, les

jardiniers japonais ont réussi à comprendre lescaractéristiques essentielles de certains arbres et decertaines plantes, et ont appris à les domestiquerde sorte qu’elles apparaissent encore plus claire-ment. Je me réfère tout particulièrement aux arbresdes jardins de temples et aux jardins de prome-nade. Mais les arbres et les buissons des petits jar-

dins privés sont aussi soigneusement taillés. C’estcette notion de contrôle, associée à un usageunique de l’espace, qui fait toute l’originalité desjardins japonais.Ces jardins nippons semblent très liés à lareligion, à la poésie, à la peinture. Commentexpliquer ces liens?Le Japon est surtout connupour ses kare-sansui, desjardins secs faits de rochers et de graviers blancs. Lelien avec la peinture est fort, car les kare-sansui ontété inspirés par les lavis de la dynastie Song repré-sentant des paysages, ramenés de la Chine par lesmoines zen. Les vides des paysages peints étaientreprésentés, dans les jardins, par le gravier blanc, etles «montagnes» par des rochers soigneusementchoisis. Les temples zen sont souvent entourés dejardins kare-sui, cequi amène les gens à penser qu’ily a un lien fort entre jardin et religion. Le jardin dutemple zen de Daichi-ji, à l’extérieur de Kyoto, estempli de fabuleuses topiaires d’azalées. J’aidemandé à l’abbé s’il utilisait le jardin pour lamédi-tation. Il m’a répondu par la négative, mais m’aconfié ceci : « mais je le regarde avec mon cœur ».Toute activité humaine peut devenir une disciplinespirituelle dans la pratique zen, et le lien entre le jar-din et la vie des moines zen s’est davantage ren-forcé à travers leur maintenance qu’à travers la

méditation. Pendant l’ère Heian, (794-1185), c’étaitune tradition de composer des poèmes dans sonjardin. La tradition chinoise des concours depoésie(Kyokusi-no-en) a été importée au Japon. Les invitéss’asseyaient aubordd’un cours d’eau, tandis qu’unetasse de saké flottait à sa surface : celui qui l’attrapaitet la buvait était obligé d’improviser un poème.Comment définiriez-vous la relation desJaponais avec leurs jardins?Elle est très particulière. En Grande-Bretagne, nousacceptons un certain niveau de chaos naturel dansnos jardins, tandis que les Japonais ne tolèrent pasles feuilles mortes, les eaux troubles, les buissonshirsutes et les graviers en désordre. Ils pratiquentdans leur jardin un très haut degré demaintenance.Un jardin européen entretenu de façon aussi pré-cise pourrait paraître froid, mais au Japon, c’est unepart importante de sa beauté.L’architecture japonaise semble très ouvertesur l’extérieur. Le jardin fait-il, au Japon, par-tie de la maison?Quand les parois coulissantes qui séparent la mai-son du jardin sont ouvertes, la maison et le jardinne font qu’un. De nombreux jardins n’ont pas étéconçus pour que l’on s’y promène, mais de façonà ce qu’on les contemple d’un endroit statique, àla façon d’une peinture.

1

2

3 3

© ALEX RAMSAY

© ALEX RAMSAY

©AL

EXRA

MSA

Y

Page 31: Dorothée Bécart - Book 2013

86 I extérieurs design extérieurs design I 87

3 L’art de la contemplation �

La galerie du temple de Kôtô-in s’ouvre sur unpaysage tout en camaïeu de verts, du tapis de mousseaux bambous en passant par les érables. Une nature enapparence sauvage, mais en réalité domestiquée avecsoin : seule la lanterne trahit une présence humaine.LIEU : Kôtô-in, Kyôtô.

4 Ouverture d’esprit � Dans ce temple,l’un des plus importants du Japon, la résidence de

l’abbé s’ouvre sur un petit jardin, où l’on retrouve rocherset reliefs couverts de mousse et cascade. Ce lieu dont larichesse extraordinaire accentue l’impression d’espaceest un paysage à lui seul, propice aux moments desérénité. LIEU : Nanzen-ji Hôjô, Kyôtô

1

3

Naturel l Evasion

1 Sur les planches � Passionné de nô, le créateur supposédu jardin du Kôraku-en, Tsuda Nagatada, l’a conçu comme un décor

de théâtre. Cette passerelle déconcertante au schéma décalé reconstitueune scène célèbre de l’un des Contes d’Ise. Une preuve supplémentaire dela relation étroite qui persiste, au Japon, entre littérature et jardin. LIEU :Kôraku-en, Okayama.

2 Pont décalé � Un pont au schéma décalé bordé d’iris :encore un cheminement « contrarié », véritable signature des jardins

japonais, comme pour obliger l’esprit à emprunter quelques détours pourmieux se préparer à la contemplation de ces lieux d’exception. LIEU :Tenjû-an, Kyôtô.

2

4

✱ Passionnée de l’histoire des jardins, l’écrivainet journaliste Helena Attlee raconte l’histoire

des 28 plus beaux jardins de l’archipel japonais ; un voyage passionnant etrichement documenté, illustré par les photographies évocatrices d’AlexRamsay. Synchronique Éditions, 136 pages, 23 €.

À lire

Les Jardins du JaponInvitation au voyage

© ALEX RAMSAY

©AL

EXRA

MSA

Y

© ALEX RAMSAY

Page 32: Dorothée Bécart - Book 2013

omment l’étudiant en philosophieque vous étiez est-il devenu jardinier ?Il y a depuis toujours une grande relation entre lejardin et la philosophie. Plus jeune, je l’ignorais ;c’est au hasard de mes études de philosophie et dela découverte des présocratiques que j’ai prisconscience de cette connexion. À l’époque de cesgrands philosophes, l’homme était une part subs-tantielle de la création, il ne se sentait pas endehors. Cette liaison était bien exprimée dans le jar-din, le lieu par excellence qui connecte l’homme àla nature. Cela m’avait beaucoup frappé, carl’homme contemporain vit éloigné de la nature, unéloignement qui a commencé à la Renaissance.J’avais bien sûr une expérience des jardins de monenfance, de la nature avec laquelle j’étais en étroitcontact pendant les longs étés que je passais dansla campagne andalouse. C’est un sentiment ancienque mes études et les présocratiques m’ont révélé,

comme s’il était soudain arrosé. J’étais le premierjardinier dans la famille ; j’espère que je ne seraipas le dernier !

Agissez-vous toujours en philosophe quand vousconcevez un jardin ?Une fois arrivée au jardin, la philosophie est commeun souvenir permanent des choses premières, dece qu’est la vie, une voie pour arriver à la recon-naissance de la création et de la merveille de lacréation. On est arrivé au point où toute cette mer-veille a été oubliée. Cette conscience permanenteest très importante pour moi. Ce n’est pas la joie del’idiot, c’est la joie de l’optimiste, c’est-à-direquelqu’un qui a conscience de la douleur, de lasouffrance, de la faiblesse de l’homme, et en mêmetemps comprend la merveille du monde en nous eten dehors de nous, malgré tout le reste. Le jardinnous enseigne cela. Mais quand je fais le jardinier,

LASAGESSEDESJARDINS

À travers ses jardins parfaitementéquilibrés, Fernando Carunchoessaie depuis près de trente ansde reconnecter l’homme avecla nature. Rencontre avecun jardinier philosophe.PROPOS RECUEILLIS PAR DOROTHÉE BÉCART

extérieurs design I 9190 I extérieurs design

je ne pense pas à la philosophie, pas du tout ! Jeretourne « avant » la philosophie, à un état beau-coup plus primitif.

Votre goût pour la géométrie – et les jardinsgéométriques – a-t-il à voir avec cette formationphilosophique ?Platon disait : « Que nul n’entre ici s’il n’est géomè-tre » [NDLR : à propos de l’Académie qu’il avait fon-dée]. Voici mon interprétation de ces motsmystérieux : la géométrie est le plus ancien langagede l’homme, beaucoup plus ancien que l’écriture,qui a été utilisé pour exprimer des choses impor-tantes. Peu à peu, ce langage est devenu l’expres-sion du mystère. Quand une chose est indicible, onl’exprime avec une autre « écriture ». Il y a desconstantes qui restent dans la mémoire del’homme, même lorsqu’il évolue. Ces constantesexprimées par la géométrie sont l’expression d’un

structurE l confidences

magma universel qui appartient à tous les hommes.Quand on commence à s’intéresser à la nature, lagéométrie est la voie pour exprimer cette émotionentre l’homme et la nature.

La nature doit-elle être selon vous absolumentdomestiquée ou vous arrive-t-il de la laisser« vivre » dans le jardin ?L’homme et ses créations font partie de la nature,jusqu’à un certain point, là où ses créations com-mencent à interrompre sa communication avec lanature et à l’éloigner d’elle. Quand je fais un jardin,je pense à la géométrie comme à une partie de lanature. Dans les flocons de neige, il y a des formesgéométriques. Se poser la question de savoir si lagéométrie est ou non naturelle est absurde : les jar-dins chinois et japonais sont par exemple pleins derègles de géométrie cachées. Quand je fais un jar-din, je ne fais que ce que la nature me dit de faire...

Ainsi, les jardins de Le Nôtre sont pour vous uneexpression de la nature ?Il y a beaucoup de préjugés sur Le Nôtre, alors quec’était l’un des hommes les plus naturels du mondedes jardins. On l’associe à l’Ancien Régime, àLouis XIV, on ne garde de lui que les clichés... ilsuffit d’aller à Chantilly ou à Vaux-le-Vicomte, fairel’expérience de ses jardins sans juger ni préjuger,en silence, pour comprendre Le Nôtre et le connaî-tre vraiment. Cette connaissance vient de l’intui-tion : les choses les plus indicibles sont les plusimportantes de la vie. J’aime de Le Nôtre ce quej’aime de Bach, d’Homère ou de Cervantes : l’ex-pression de ce magma universel. Ce que je recon-nais dans Le Nôtre est le reflet de la grandeur del’homme. Cela me donne beaucoup de joie, c’estun grand cadeau. Mais je ne le copie pas : je l’ad-mire, c’est différent. La peinture du XIIIe siècle ita-lien, simple et pleine d’humilité, de Giotto à

Cimabue, m’inspire ainsi beaucoup plus queLe Nôtre.

Quels sont les jardins et les jardiniers que vousadmirez le plus ?Ceux qui ont fait l’Alhambra à Grenade, une géo-métrie exprimée d’une autre manière, ou le Shisen-Dô à Kyoto, un jardin sublime.

La culture maure semble être pour vous aussiimportante que la philosophie antique ?Il ne faut pas oublier que la Méditerranée est un bas-sin où la même pensée, la même culture, a circulé.Il faut aller à Istanbul et à Cordoue, en Israël et àRome, à Damas et à Athènes, pour comprendre cequ’est le monde méditerranéen. Ces lieux fonction-nent en miroir : on ne peut pas comprendre un côtésans comprendre l’autre. J’ai passé les étés de monenfance en Andalousie. Tout ce monde, reflet d’un

c

DIET

ERZO

ERN

fonction poétique �

Au Mas de Les Voltes, en Catalogne,Fernando Caruncho a réalisé un jardininattendu, où les oliviers, la vigne etle blé, cultures nourricières, exprimentdes vertus décoratives insoupçonnées.

reflet fidèle �

L’Alhambra, avec ses canaux,est une référence évidente pour

Fernando Caruncho, commeen atteste ce jardin aquatique.

FernandoCaruncho

FERN

ANDO

CARU

NCHO

Page 33: Dorothée Bécart - Book 2013

monde ancien a toujours été important pour moi. Ily a un lien entre ces cultures. La culture arabe,musulmane, a traversé de grands moments desplendeur. Et la dernière grande fleur de cette culturemaure, c’est l’Alhambra, qui est un vrai miracle.

Vous êtes fasciné par les jardins asiatiques...Il y a un jardin, le Shisen-Dô, qui est celui où je rêve-rais de vivre. Mon premier jardin était celui d’une mai-son dessinée par Richard Neutra, dont le propriétaire,un de mes oncles, était un grand admirateur de laculture japonaise. Avant qu’il m’en ait fait la com-mande, on avait parlé ensemble de la peinture et desjardins japonais. J’ai longuement réfléchi à ce quej’allais faire, et une nuit je me suis réveillé en sursaut :j’avais compris quel était le paradigme du jardin queje voulais faire : le jardin de Shisen-Dô. Mon oncle aacquiescé : « Tu as raison, l’esprit de Shisen-Dô peutrevenir à ce jardin. » Au final, il n’avait rien à voir avec,mais dans mon cœur, j’avais l’image de ce jardinjaponais. Je fonctionne toujours sur ce procédé admi-ration/imitation, et, surtout, toujours dans la gaieté,qui me pousse et me guide.

Vous pensez qu’on ne peut pas vivre sans jardin?C’est une des grandes réflexions pour le monde del’urbanisme et de l’architecture contemporains, enfracas depuis le Bauhaus qui a arraché l’homme à

la nature. Quitter ce berceau de la vie, c’est quitter lavie, la possibilité de vivre. Neutra et d’autres trèsgrands architectes avaient su donner une réflexionde l’intégration de la nature dans la vie de l’homme,mais l’architecture contemporaine « show off » a faitces trente dernières années des choses pénibles, quiont infligé beaucoup de souffrances à l’homme. Ettout le monde applaudit... Ils font des choses trèsgrandes, mais ils ne sont pas grands du tout.Aujourd’hui, on a des maisons froides, éloignées dela nature, qui imposent des manières de vivre incon-nues pour l’homme, quasi dictatoriales. C’est pré-tentieux, mais en fait ça ne prétend rien ! Il fautretourner au jardin pour retrouver la liberté, celle quiest intérieure, échapper au pessimisme...

1 symétrie centrale � Le jardin privéde Fernando Caruncho montre son attachement

profond à la symétrie, qui selon lui fait partie intégrantede la nature.

2 reflets divins � L’eau, qu’il surnomme« le grand miroir », est une constante dans les

réalisations du paysagiste espagnol. Le jardin de CampSarch, à Minorque, est constitué de seize bassins quireflètent la course des nuages.

extérieurs design I 9392 I extérieurs design

structurE l confidences

Pourquoi l’eau tient-elle une place si importantedans vos jardins ?L’eau, c’est le reflet de la vie. C’est le grand miroir,c’est l’origine de la vie où tout se reflète. C’est unmiroir qui donne une vibration de lumière très impor-tante dans le monde des jardins.

Pourquoi faites-vous le choix d’utiliser une palettede plantes et de couleurs limitée ?Je joue surtout avec la lumière. Une fois que lavibration de lumière est correcte, j’ajoute certainescouleurs pour souligner un moment, mais pas pourfaire remonter cette vibration par le biais de la cou-leur, parce qu’elle peut souligner ou interrompre. Il ya une atmosphère dans mes jardins, mais il n’y a

NICO

LABR

OWN

pas de point focal fort. Il faut les éprouver comme untout. À côté d’une glycine, je vais mettre des oran-gers, des citronniers, des jasmins, des choses quidonnent de la couleur, mais surtout du parfum, quia pour moi un pouvoir d’évocation énorme.

Cela fait presque trente ans que vous créez desjardins en Espagne et dans le monde entier.Comment analysez-vous l’évolution du paysage etdes jardins ?L’Europe a connu un grand développement dumonde des jardins à travers des gens extraordi-naires : Kathryn Gustafson, Topher Delaney, DanPearson, Gilles Clément, Jacques et Peter Wirtz,Louis Benech, ces gens ont porté avec beaucoup

d’intuition cet esprit de beauté. Le jardinier ne doitpas perdre son humilité, tomber dans la prétention ;il doit essayer de rendre la vie des autres plus heu-reuse, plus humaine. Tout le monde a un jardinier enlui. Le monde contemporain a énormément besoindes jardiniers. Le jardinier, c’est celui qui aime lanature et veut retourner à elle. Il y a de nombreuxchemins pour y arriver. Quand tu plantes un arbre,tu as ta maison. Tu es heureux. Tu es connecté à lanature. C’est une connexion au sacré qui est trèsimportante, fondamentale pour l’homme. Le jardi-nier doit, avec beaucoup d’humilité, donner l’oppor-tunité de reconnecter l’homme avec cette nature, aumystère de la vie. Il n’y a pas de petits ou de grandsjardiniers : il y a des connexions bien ou mal faites.

JERR

YHA

RPUR

NICO

LABR

OWN

NICO

LABR

OWN

3 cathédrale végétale � Le jardin duPazo de Pegullal, en Galice, est l’un des chefs-

d’œuvre de Fernando Caruncho. Entre les parterresgéométriques, la pergola de glycines aux allures decathédrale et la perspective quasi surnaturelle sur unchemin bordé de frêles cyprès, on y retrouve tout legénie du paysagiste espagnol.

1

2 3

3

Page 34: Dorothée Bécart - Book 2013

Tendance l déco

extérieurs design I 133

éton. Ciment. Ces deux motsportent en eux un univers austère et sans imagination.Tout un répertoire d’images négatives assaillentl’esprit : pour le premier, des dalles écrasant de toutleur poids les villes nouvelles et ceux qui y vivent ;pour le second, le spectre d’un des plus grandsscandales sanitaires du XXe siècle, celui de l’amiante.Chacun à leur façon, ils ont souffert d’un certainostracisme, réduits à leurs usages les plus utilitaires :on était bien loin d’imaginer ces vilains petits canards

flirter avec les cygnes chics et racés du design ! Etpourtant, les voilà qui font leur entrée par la grandeporte dans les galeries et les showrooms. Pendant latrès sélecte Chic Art Fair parisienne, début octobre,Specimen Editions a présenté une série de vases enbéton, tandis qu’aux États-Unis, un artiste, PaulOglesby, a choisi le ciment pour s’exprimer, au traversde sculptures outdoor ; de leur côté, les jeunescréateurs n’en finissent pas de les décliner soustoutes les formes : pots, luminaires, objets tantôt

empreints d’humour, comme ce tabouret moulé surun sac de courses, tantôt servis par des lignesintemporelles qui en font des icônes en puissance. Etc’est le jardin qui profite le plus du retour en grâce deces matériaux venus du monde de la construction :leurs capacités de résistance aux aléas climatiques,mises à dure épreuve lorsqu’ils sont utilisés dans laconstruction de ponts ou la pose de toitures, sontautant d’atouts pour s’imposer dans l’univers exigeantdu design outdoor.

Quel est le point commun entre un pont et une table basse? Un toit et uneicône du design outdoor? Le béton pour l’un, le fibrociment pour l’autre. Au-delà de tous les clichés, ces deux matériaux de construction réputésfroids et ingrats passionnent la jeune garde du design. TEXTE DOROTHÉE BÉCART

132 I extérieurs design

ÉMINENCES GRISES

B

1 Tout en finesse � Côté pile, de doucesondulations. Côté face, une surface parfaitement

lisse. Une double personnalité qui sied au béton, ici utilisé comme plateau et assise pour un ensembletable et banc aérien posé sur une structure en acierinoxydable. The Concrete Haus, ensemble Olithas,3 435 €

2 Art domestique � Uniques en leurgenre, ces sculptures monumentales de Paul

Oglesby sont pourtant créées à partir de deux élémentstrès communs : le ciment, moulé dans des pots de

fleurs récupérés, forme des modules que l’artisteaméricain prend un malin plaisir à assembler.PCO Designs, sculpture, design Paul Oglesby.

3 Poi(d)s de senteur � Le bétons’acoquine volontiers avec le végétal, pour peu

qu’il soit travaillé en finesse et en légèreté ; le designerDecha Archjananun a habilement joué sur l’alternancede vides et de pleins en sertissant ses vases en bétondans un écrin métallique faisant écho à leurs formes.Specimen Editions, vases Weight, design DechaArchjananun, prix sur demande.

4 Double clin d’œil � Immortalisé par le béton, matériau solide et résistant, le sac de

courses jetable prend la forme d’un tabouret à l’épreuvedu temps et des modes. Une jolie critique de la société de consommation ! Quinze & Milan, Bag Stool, designGitta Gschwendtner, prix sur demande.

5 La fibre design � Formant ensemble unesérie de vagues particulièrement cohérentes sur une

plage de piscine, ces jardinières en fibrociment tirent partide la grande flexibilité de ce matériau. Eternit, pot Wave,design Fries & Zumbühl, chez Jardin Chic, 377 €

1

2 3

4 5

GABRIEL DE VIENNE

Page 35: Dorothée Bécart - Book 2013

Histoire d’amour contrariéeC’est le fibrociment qui a ouvert la brèche. L’histoirese passe en Suisse, dans les années 1950 : l’entre-prise Eternit, spécialisée dans l’isolation et la fabri-cation de toitures ondulées, demande à Willy Guhl,pionnier du design industriel, de concevoir des jar-dinières. Pour le designer, enthousiaste, « aucunmatériau de construction utilisé de façon si fine nedonne autant de stabilité que l’Eternit ». Il s’essaieaux pots de fleurs et même aux corbeilles à fruits,avant de créer, en 1954, une icône : la chaise de

plage, encore commercialisée de nos jours. Est-ce lescandale de l’amiante, dans les années 1980, qui afreiné les ambitions d’Eternit dans le domaine dudesign? Toujours est-il que c’est à un designer, Nico-las Le Moigne, que le matériau doit son retour engrâce. Pour son projet de fin d’études à l’école can-tonale d’Art de Lausanne, le jeune homme a choisil’Eternit. « Je recherchais une entreprise avec uneimage forte, ancrée dans l’imaginaire collectif enSuisse. Or, dans chaque jardin, on trouve un objeten fibrociment. Le challenge était de créer unegamme nouvelle aux accents contemporains. » Lorsde sa première visite à l’usine, Nicolas Le Moigne estsurpris par des processus de fabrication laissant lapart belle à la main de l’homme. « L’Eternit se pré-sente sous la forme d’un tissu dont on peut choi-sir l’épaisseur. Humide et flexible, on peut lemettre sur un moule. Seule cette matière pre-mière sort d’une machine : le reste, ladécoupe et l’assemblage des pièces, estfait main », confirme Richard Braun, chefdes exportations chez Swiss e-Form, unestructure qui, au sein d’Eternit Suisse, déve-loppe les projets design. C’est cet aspectquasi artisanal qui est à l’origine d’une petiterévolution culturelle au sein de la marque, àlaquelle Nicolas Le Moigne n’est pas tout à fait étran-ger. Si l’on croise depuis quelques années, dans les

galeries de design les plus hype, des séries limitées,voire des pièces uniques fabriquées en Eternit, c’estparce qu’il les a poussés « à assumer les défauts, à enfaire une force donnant de la valeur ajoutée ». Et cechangement a été payant, pour le jeune designercomme pour la marque. C’est sûr : Willy Guhl atrouvé en Nicolas Le Moigne un digne successeur ; lajeune génération de designers s’engage à son tourdans la voie tracée par ces deux Suisses audacieux.Preuve du succès de l’Eternit ? Ce sont les show-rooms les plus exigeants qui distribuent des objetsque l’on trouvait traditionnellement en jardinerie.

134 I extérieurs design

Tendance l déco

ÉMINENCESGRISES

extérieurs design I 135

ETER

NIT

/ NIC

OLAS

LE

MOI

GNE

✱ Inventé en 1895 par un Autrichien, LudwigHatschek, ce matériau hybridait à l’origine le

ciment (90%) et les fibres d’amiante (10%). Brevetéen 1901 sous le nom d’Eternit, il est produit souslicence dans plusieurs pays, la branche suisse étant la seule à s’être frottée à la création de mobilier et dejardinières design. Problème : dans les années 1970,des études pointent les risques de cancers liés àl’exposition prolongée à l’amiante. C’est le façonnagedes plaques d’amiante-ciment en atelier qui s’est révélédangereux, et non les produits finis. Mais le scandalene manque pas d’éclabousser l’image de la marque.Depuis le début des années 1990, au terme d’unabandon progressif dans les années 1980, Eternit ne fabrique plus de fibrociment à base d’amiante.

Fibrociment

1 Ancrage historique � Les jardinièresEternit sont ancrées dans les jardins depuis plus

d’un siècle, mais c’est sous l’impulsion de Willy Guhl,dans les années 1950, qu’elles ont commencé à adopterdes lignes épurées. Eternit, pot Tokyo, chez Jardin Chic,228 €

2 Icône absolue � Un confort étonnantgrâce à une ergonomie travaillée, une résistance

exceptionnelle aux conditions de vie en extérieur : cettechaise de plage créée par Willy Guhl en 1954 reste une icône du design outdoor grâce à la qualité de sa

conception. Toujours éditée, elle est très appréciée despaysagistes, à l’image de Diarmuid Gavin qui l’a mise en vedette dans son jardin lors du festival de Chelsea enmai dernier. Eternit, chaise de plage, design Willy Guhl,650 €

3 César de la récup’ � C’est à la demanded’Eternit que Nicolas Le Moigne a créé ces

tabourets-sculptures à chaque fois uniques, issus de la récupération des déchets de fabrication du fibrociment,qui évoquent les compressions de César. Une victoirepour le jeune designer suisse, qui n’a eu de cesse,

depuis le début de sa collaboration avec la marque,également suisse, de sensibiliser ses équipes auxcharmes des imperfections qui rendent chaque objetunique. Eternit, Trash Cube, design Nicolas Le Moigne,prix sur demande.

4 Matière brute � En ciment brut seyantparticulièrement à ses formes résumées à

l’essentiel, cette lampe à poser balise en tout éléganceles cheminements ou éclaire discrètement les coinssombres du jardins. Davide Groppi, lampe à poseroutdoor Q2, chez Asteri, prix sur demande.

(Des toitsaux jardins

1

2

3

4

Page 36: Dorothée Bécart - Book 2013

✱ Béton ciré, béton fibré ultra-haute performance, Ductal... on s’y perd parmi les multiples déclinaisons de ce matériau.

Un historique s’impose : résultant du mélange de granulats naturelset de liant (le plus souvent... du ciment), le béton aurait été déjàutilisé, sous une forme proche, par les Romains. Il fut redécouvert en1756 par l’ingénieur John Smeaton. Dans la création de mobilierdesign, ce sont souvent des bétons fibrés ultra-haute performance quisont employés. Le béton ciré, surtout utilisé dans les travaux derevêtement, mais aussi dans la création de mobilier outdoor, est unbéton recouvert d’une couche minérale colorée lissée, poncée etlustrée. D’autres bétons nouvelle génération semblent prometteurs,comme les bétons translucides Litracon et PXL, distribués parByzance Interiors et incluant des fibres optiques qui conduisent lalumière (voir photo), et le «Concrete Canvas», textile imprégné debéton dont les propriétés le rapprochent de l’Eternit.

Béton(s)

Un pont entre BTP et designDu côté du béton, le glissement vers la créationde mobilier et d’accessoires de petite tailleprend bien des formes ; il a néanmoins été net-tement accéléré par l’apparition des bétonsfibrés ultra-haute performance. Ces derniers ontd’abord été conçus pour accroître la résistancedes ponts et autres ouvrages d’art dans lesrégions difficiles, comme les bords de mer oules régions montagneuses. Nicolas Baldet, cofon-dateur de Note-B, vient de cet univers BTP trèséloigné du design. À la tête d’une entreprise deconstruction d’ouvrages d’art, il a un jour décidéde jeter un pont sur la rivière qui le séparait de lacréation de mobilier. « Pour moi, c’était une

façon de joindre l’utile à l’agréable, le savoir-fairetechnique à la création. » Les bétons fibrés ultra-haute performance ont des qualités qui les ren-dent particulièrement adéquats à la création demobilier outdoor. D’une grande finesse, ilscontiennent des microfibres. Le matériau obtenuest beaucoup plus résistant que le béton clas-sique et sa résistance à la flexion permet de fabri-quer des épaisseurs très fines, de l’ordre ducentimètre, et donc de travailler à plus petiteéchelle. « Les designers ont une imagination sanslimite, souligne Nicolas Baldet. Nous avons misen place nos propres tests de résistance afin detester chacune de nos créations. Autant dire qu’ily a eu un peu de casse pour en arriver à ce quenous proposons aujourd’hui », s’amuse le cofon-dateur de Note- B. Son béton fibré ultra-hauteperformance, issu d’un mélange maison, épouseparfaitement le moule, ce qui permet de tra-vailler sur la brillance, et de jouer sur les tex-tures et les reliefs, rendant possible deseffets « peau de crocodile » ou « bois ».On comprend mieux pourquoi les designers apprécient le béton, notam-ment pour la création de mobilier out-door urbain. « C’est à mon sens unmatériau qui dispose à la fois de quali-tés esthétiques et techniques. Son trans-fert de l’architecture à l’objet permet audesign d’aborder d’autres types de problé-matiques, d’investir l’espace de l’outdoor, privéet public. Le béton est un matériau moderne et

intemporel », s’enthousiasme Marine Peyre. C’estce qui a conduit cette jeune designer à s’asso-cier avec Urbastyle, un éditeur de mobilierurbain pour fabriquer son système d’assises enbéton, B.Flex. Une véritable architecture d’assiseségalement disponible en mousse, et qui affichedes formes tout aussi rebondies dans sa versionen béton coloré. « L’idée est de pouvoir prolon-ger l’espace domestique dans l’espace urbain,et d’y retrouver la convivialité et l’ergonomie d’unmobilier destiné à l’intérieur. L’objet devient unearchitecture, lorsqu’il établit un rapport entre unequalité technique, un espace et une construc-tion. Avec le béton s’ajoute la notion de péren-nité de la matière, le trait d’union est doncévident. »

Tendance l déco

136 I extérieurs design

ÉMINENCESGRISES

extérieurs design I 137

1 Négatif/positif � L’éditeur suédois Nola propose une version en béton d’une de ses

créations en fils d’acier inoxydables : un peu comme s’il donnait chair à un squelette, avec ses formes pleinestout en courbes généreuses. On est bien loin de l’imageinhumaine et froide du béton ! Nola, Grid et ConcreteThings, design Komplot, prix sur demande.

2 Champ des possibles � Cette tablebasse aux lignes cassées illustre le champ des

possibilités formelles offertes aux designers par le bétonfibré ultra-haute performance. Note-B, table Renata,1873 €

3 Cousu main � Florian Schmid a créé cestabourets « ourlés » à partir d’un béton particulier, le

Concrete Canvas ; il s’agit d’un textile imprégné de bétonaux propriétés semblables à celles de l’Eternit, très utilisépar l’armée. Le designer a su jouer sur cette intéressantedualité textile/béton en laissant apparaître les « coutures »

de sa création. Outdoorz Gallery, Stitching Concrete,design Florian Schmid, 590 €

4 nouvelle vie � Version destinée à un usagecollectif de ses divans modulables en mousse du

même nom, les B.Flex Béton ménagent un espace pour les plantes vertes. La coloration du béton coulé qui a servià leur création est naturelle : elle vient des nuancesnaturelles du sable utilisé lors de sa fabrication. Urbastyle,B.Flex Béton, design Marine Peyre, le mètre, 1 000 €

(Modernitéintemporelle

1

2

3

4

NOTE B / BETON COLORÉBYZANCE INTERIORS / LITRACON

Page 37: Dorothée Bécart - Book 2013

’où vous vient cette fascinationpour les alvéoles de la ruche, un motif que l’on re-trouve dans bon nombre de vos créations ?Je travaille d’une façon techno-poétique, avec uneapproche scientifico-émotionnelle. Je cherche àcomprendre l’ADN d’un objet, puis j’injecte mon pro-pre gène pour le rendre différent. La ruche est unsimple tremplin vers des imaginaires : celui de l’uti-lisateur, à qui cela rappelle forcément une structurevenue de la nature, les abeilles, le miel, le sucre, legoût, et toutes les sensations qui vont avec. Ensuitese pose la question de ce que je fais avec cet ima-ginaire. Avec la collection Pattern, pour Emu, j’aicréé une sorte de textile métallique. C’est une chaiseen métal, donc résistante, propre à l’usage extérieurà long terme, mais en même temps, elle a une al-lure légère, comme un tissu ajouré. Le métal étantdécoupé au laser, on peut personnaliser le produitavec des motifs plus ou moins serrés ; ce nom, Pat-

tern, est lié à nos motifs de vie, définis par l’utilisa-tion quotidienne de l’objet.

Les Meteor de Serralunga ou les Giant Rocks évo-quent des formes minérales brutes. Qu’aimez-vousdans cette nature brute ?Les Rocks ne ressemblent en réalité à aucun rocherque l’on trouverait dans la nature. Mais j’ai réussi àcréer une métaphore, à jeter un pont entre l’imagi-naire et ce que l’on est habitué à voir. Quand on ins-talle cet objet à l’intérieur, la nature entre dans lamaison ; quand on le met à l’extérieur, il prend desallures de météorite tombée de l’espace. La naturecrue a une force que les objets finis n’auront jamais.J’essaie de tisser un lien émotionnel entre la pièce etla personne, qui fait appel à l’ergonomie, à la mé-moire personnelle et collective. Un immeuble cubiquequi ne ressemble à rien d’autre qu’à lui-même, onl’oublie. J’en reviens à la chaise Pattern pour Emu :

extérieurs design I 2726 I extérieurs design

si quelqu’un, en voyant la chaise, pense aux abeilles,c’est que j’ai réussi. Si cette personne se dit justequ’elle est rouge, c’est un échec. À la fin, l’objet lui-même devient presque négligeable. C’est un média-teur, un accélérateur d’émotions. C’est ce qu’il y a defort chez l’être humain, cet imaginaire incontrôlable.

Vous avez réalisé pour Planika une cheminée quifait également office de table basse. Le design doit-il être, selon vous, générateur de convivialité ?C’est un aspect très important pour moi, d’autant plusque je viens d’Israël, qui est un pays extrêmementconvivial, où les gens passent énormément de tempsensemble : il fait chaud, on est souvent dehors, en-semble. J’aime beaucoup le contact avec les autres.Le monde, ce sont des gens, pas des objets. Je suiscontent que mes créations aient une place dans lavie sociale des gens. Le vrai objectif, c’est de créer unlien avec la personne et la vie de tous les jours.

Vous avez travaillé le bois, le marbre, le métal,voirele verre… Comment le designer choisit-il sesmatériaux ?Ce qui est important, c’est d’employer le bon maté-riau pour la bonne utilisation. C’est une question delogique. Ensuite, il s’agit d’être créatif avec ce maté-riau. Le filage du coton est vieux comme le monde.Mais si on le tisse d’une façon intéressante, ça de-vient innovant, extraordinaire. La manière dont onutilise la matière, sa juxtaposition avec une autre ma-tière, c’est cela qui crée la différence. Je n’ai pas depréférence personnelle, je vais aller vers ce qui mesemble adéquat, ce qui va donner la bonne solutionà un problème, qui va maintenir la qualité de l’objetà long terme. Les Japonais ont la notion du wabi-sabi, qui échappe aux Occidentaux : le vécu de l’ob-jet est plus important que l’objet lui-même. Un boisqui prend de l’âge, qui change de couleur, c’est ma-gnifique, c’est vivant… Pour la société occidentale

consumériste, c’est difficile à admettre. Petit à petit,les gens se détachent physiquement et tactilement del’objet en l’achetant, par exemple, sur Internet ; quandon le reçoit, on réalise qu’il n’est pas adapté à samorphologie ou à ses habitudes…

Pour vous, le lien entre design et artisanat est-ilimportant ?L’artisan met en œuvre mon imagination, mes des-sins, mes maquettes, il les traduit avec ses mains,son savoir-faire. Ce sont les artisans qui ont le mé-tier, même si j’ai l’expérience des matériaux ; et puischaque artisan a sa manière de faire, c’est extraor-dinaire. Je travaille avec Baccarat et Swarovski, quiont deux approches opposées de leur métier ; Bac-carat pour le côté encore artisanal, fait main ; Swa-rovski, c’est la technologie, les robots, l’ingénierie…Mais ce qui est surprenant, c’est qu’avec tous lesdeux, on obtient un résultat émotionnel.

Que représente pour vous l’exercice du vase ?Ça me renvoie à ma mère, qui était fleuriste et s’ex-prime avec ses fleurs. Notre maison était une junglede fleurs. Toute ma vie, j’ai baigné dans cet univers.Quand j’étais enfant, cela ne m’intéressait pas dutout, mais je constate, devenu adulte, que cela m’aprofondément marqué : admirer le développementd’une fleur, les couleurs de sa floraison… Le vase enlui-même, c’est un objet assez intéressant ; en mêmetemps, la plupart du temps, il ne se suffit pas à lui-même, il a besoin de la fleur, sinon les gens le lais-sent au fond d’une armoire. Si j’arrive à faire un objetqui a sa propre personnalité, qu’il y ait ou non unefleur dedans, cela n’aura aucune importance : le vé-gétal sera une addition, mais il ne sera jamais unmanque. Mes vases sont faits pour que les gens ysoient liés émotionnellement, qu’ils aient envie de lemontrer, de vivre avec lui toute l’année, qu’il y ait ounon des fleurs dedans. Quand j’en crée un, mon défi,

Tubes à essais � Pour Arik Levy, le vase doit se suffire à lui-même, mêmelorsqu’il ne reçoit pas de fleurs. Illustration avec ces vases en forme de tuyaux,rythmés par des coloris soutenus et par l’alternance des finitions mates et brillantes,qui semblent se dandiner sur une piste de danse… Bitossi, vases Tubes.

Arik Levy

Entre le salon deMilan et Maison & Objet,Arik Levy nous reçoit dans son atelier deMénilmontant, une ruche bourdonnantequ’il occupe avec le graphiste PippoLionni, pour nous faire partager sa visiondu design, entre science et sensibilité.PROPOS RECUEILLIS PAR DOROTHÉE BÉCART

DIM

D «Je travaille d’une façon techno-poétique»DESIGNER

D’ÉMOTIONS

Métal textile �

Matière de prédilection del’éditeur italien Emu, le métalest ici percé d’alvéoles plusou moins denses, à la façond’un textile ajouré. Une manièred’investir le jardin en toutelégèreté. Emu, chaise Pattern.

c’est de saisonconfidences

Page 38: Dorothée Bécart - Book 2013

c’est que les gens aient envie de le garder visiblemême lorsqu’il ne porte pas de fleurs.

À quoi ressemble votre propre jardin ?C’est le paradis ! Du moins, mon paradis. J’ai un pinqui a trente ans, un bouleau, deux érables japonais.Quand quelque chose sort du sol, ou que les fleurséclosent, c’est un vrai feu d’artifice… En hivercomme en été, j’aime prendre des thés à l’extérieur,regarder le ciel, écouter les oiseaux… C’est un en-droit magique.

Vous avez collaboré à plusieurs reprises avec deséditeurs de mobilier extérieur comme Flora, Emu,ou Serralunga. Qu’est-ce que cela vous a apportéen tant que designer ?Le jardin et l’extérieur ne sont pas un univers nou-veau à proprement parler, mais ce qui est intéres-sant, c’est la façon dont le marché s’est développé :il y a cinq ans, le mobilier d’extérieur était encore unpeu ringard, on n’avait pas la même façon de le voirqu’aujourd’hui. L’avènement du mobilier outdoor par-ticipe pour moi d’un phénomène plus général : lamaison sort à l’extérieur, certes, mais le bureau arriveégalement à la maison, tandis qu’une partie de lamaison voyage en avion… Il y a des interpénétra-tions constantes entre les univers de vie. Il y a un be-soin d’investir les espaces extérieurs, même toutpetits, qui n’existait pas auparavant ; cela donne l’oc-casion de créer de nouvelles façons d’être dans lejardin, d’y vivre… C’est une chance d’expérimenteravec un marché en plein développement, ce quidonne la liberté d’inventer, d’essayer, de tester.

1 Feu réinventé � Autour de cette tablebasse au centre de laquelle crépite un feu joyeux,

les conversations pétillent, les liens se nouent… Uneillustration de l’importance de la notion de convivialitéchez Arik Levy. Planika, Fire Coffee.

2 Treille par nature � Fasciné par lesalvéoles des ruches, Arik Levy les utilise pour ses

objets destinés au jardin, comme cette treille dessinée pourl’éditeur Flora, sur laquelle, aux propres dires du designer,« les plantes s’éclatent ». Flora, treille Comb-ination.

3 Météorite géante � Comme tombéeau beau milieu d’un jardin, cette sculpture-météorite

géante aux façades en miroir propose de porter unnouveau regard sur la nature alentour. Ldesign, GiantRock.

4 Nid-d’abeilles � Arik Levy a collaboréavec la maison Materialise, qui combine art

et high-tech en utilisant une technique de prototypage,la stéréolithographie. À la clé, une liberté de créationformelle absolue, comme en témoigne cette coupe à fruitsalvéolée. MGX Materialise, coupe à fruits Blackhoney.

extérieurs design I 2928 I extérieurs design

1

2 44

3

©ARIK

Vos objets sont souvent d’une grande sobriété, auniveau des couleurs. Que pensez-vous de l’utilisa-tion des couleurs dans le design et, plus particuliè-rement, au jardin ?La couleur est une chose très importante mais aussitrès difficile à gérer. Quand on décline des objets enplusieurs couleurs, certaines plaisent, notammentà la presse, et on ne sait pas pourquoi. On sait trèsbien que 90% des ventes concernent le noir et leblanc, et 10% les couleurs. La couleur est impor-tante pour lancer le produit, mais le public resteconservateur, les gens n’osent pas. Par ailleurs,avoir un objet dans chaque couleur serait inviva-ble ; il faut plutôt privilégier le ton sur ton, avecquelques points d’attraction : bien utilisée, la cou-leur peut jouer le rôle d’un projecteur, qui va révélerun objet… Dans le jardin, c’est un peu différent. Cequi est important pour moi, dans la collection Emu,c’est que la chaise ne prend pas beaucoup deplace : il y a finalement « plus de trous » que dechaise ; un jardin ne doit pas être envahi par le mo-bilier, il a besoin de transparence. Dans ces condi-tions, l’intervention des couleurs peut être un pointpositif dans les mois d’hiver.

Vous vivez en France depuis 1992. Qu’est-ce quivous a poussé à vous installer à Paris ?La France est un pays qui a donné beaucoup deplace à l’art, et je suis avant tout artiste. J’avais be-soin de baigner dans une telle culture, où je n’appa-raîtrais pas comme un oiseau étrange, où je n’auraispas besoin d’abattre tous les arbres pour arriver aufond de la forêt.

c’est de saisonconfidences

Page 39: Dorothée Bécart - Book 2013

extérieurs design I 39

HABILLAGE l Déco

38 I extérieurs design

Depuis dix ans, les designers ont choisi le jardin comme nouveau terrainde jeu. Mais quelles sont les créations qui resteront dans l’histoire dudesign? La rédaction d’Extérieurs Design en a choisi dix, emblématiquesde l’évolution des modes de vie ou de la révolution des formes, et a laisséla parole à leurs créateurs. PROPOS RECUEILLIS PAR DOROTHÉE BÉCART

10 ICÔNES OUT DOOR

Page 40: Dorothée Bécart - Book 2013

uelles ont été vossources d’inspiration

lorsque vous avez créé Wave ?C’est un palmier sur la plage de Koh Chang, enThaïlande, qui m’a donné l’inspiration. J’ai grif-fonné une esquisse sur une serviette en papier. Jevoulais créer une sorte de sculpture fonctionnellequi donnerait l’impression de flotter tout en étant

protégé sous une canopée artificielle. Pour cela, ilfallait que la structure touche le sol en un pointunique, afin de participer à cette impression de dé-tachement du sol. Nous avons ensuite travaillé,avec mon ami designer Gustav Ström, qui a vrai-ment mis mes rêves en forme, sur plusieurs proto-types, en bois, en fibre de carbone, avant de nousarrêter sur l’acier inoxydable.

« Donner l’impressionde flotter au-dessus du sol »

« Aborder intérieur et extérieuravec la même sensibilité »� Lors de sa présentation à Maison & Objet en 2008,

Wave avait fait grande sensation en révolutionnant lesformes classiques du hamac. De nombreux prix l’ontdepuis couronné, dont un prestigieux Red Dot DesignAward. Objet sculptural réalisé en acier inoxydable eten Batyline, il s’apparente tantôt à un voilier imaginaire,tantôt à un cocon futuriste... Wave a aujourd’hui un petitfrère, le hamac Surf, lui aussi édité par Royal Botania.

� Un cannage traditionnel magnifié au service decourbes généreuses : tout dans cette création de PatriciaUrquiola renvoie à la douceur et à la féminité. Unepremière incursion réussie de B&B Italia sur le marchédu mobilier outdoor. L’éditeur et la créatrice ont depuispoursuivi leur collaboration dans l’univers du jardin,notamment avec la superbe collection Crinoline, alliantelle aussi charme rétro et modernité.

Qu’est-ce qui a poussé Royal Botania à éditer votreprojet ?Nous cherchions un fabricant qui répondrait à nosexigences en termes de qualité, Royal Botania s’estnaturellement imposé, et nous bénéficions grâce àeux d’une belle visibilité dans de très beaux show-rooms disséminés dans le monde entier. La clé dusuccès !

Un succès étonnant pour quelqu’un qui n’est pasdesigner de formation...C’est tout à fait exact, je ne suis pas designer maispilote de ballon... et dingue de hamacs ! Pendantmes études d’ingénieur agronome, j’ai commencéà me passionner pour les ballons à air chaud et leshamacs, qui ont pour point commun de flotter dansles airs. J’ai laissé tomber le métier d’ingénieur auprofit de deux entreprises que j’avais créées pour lefun, l’une consacrée aux ballons (qui fête ses trenteans cette année) et l’autre aux hamacs. Cela m’apermis de collaborer avec des artistes, des designerscomme Monica Förster, ce qui m’a habitué à tra-vailler dans cet univers. Ma spécialité, c’est de mêlerl’art et l’ingénierie ; d’ailleurs je considère Wavecomme un objet à la croisée de ces deux mondes.

ERIKNYBERG

PATRICIAURQUIOLAQ

ous avez été l’une des premièrescréatrices de mobilier à travaillersur une collection outdoor pour

B&B Italia, qui se lançait alors dans ce secteur.Quelles étaient vos consignes?B&B Italia voulait lancer une « marque dans lamarque », en cohérence avec sa philosophie et sesvaleurs originelles. Cela nous a permis de faire d’in-téressantes recherches, car nous avons beaucoupexpérimenté dans une période de temps assezcourte, en poussant les matériaux et les technolo-

gies dans leurs retranchements. L’idée maîtresse,c’était de trouver un équilibre entre un niveau dequalité et de résistance nécessaires pour l’extérieur,apportant un « confort psychologique » qui pourraitaller au-delà de l’âpreté des matières, et la spécifi-cité de cette typologie outdoor.

Pourquoi avoir choisi de partir d’un tressage plutôttraditionnel, mais surdimensionné?Je trouve qu’il y a de la place, dans le design demobilier, pour des recherches formelles intéres-

santes utilisant les derniers et les meilleurs matériauxen termes de résistance et de durabilité, réinterpré-tant l’échelle et la dimension, et recourant d’unemanière logique aux techniques artisanales.

Pour B&B Italia, vous avez signé des meubles pourl’intérieur et l’extérieur de la maison. En tant quedesigner, portez-vous un regard différent sur cesdeux univers ?Je pense qu’il faut aborder ces deux espaces avecla même sensibilité. Les frontières entre eux sontdésormais perméables et on peut mélanger lescartes, en utilisant par exemple des meubles outdoorpour l’intérieur ou en recourant à des matériaux plusdoux mais toujours aussi résistants pour l’extérieur ;être à même de créer un espace de transition, enpassant progressivement d’une pièce intérieure aujardin via une véranda, sans rupture, que ce soitsur le plan de la perception visuelle, tactile oule sentiment de confort.

V

extérieurs design I 41

Royal Botania, 2008 B&B Italia, 2007

HABILLAGE l Déco

WAVE

40 I extérieurs design

CANASTA

Page 41: Dorothée Bécart - Book 2013

HABILLAGE l Déco

42 I extérieurs design

u’est-ce qui vous aconduit à travailler

avec Dedon sur cette assise?Nous avions déjà travaillé ensemble en 2003.Au fil des années, je suis devenu ami avec BobbyDekeyser. Ensemble, nous avons dessiné quel-ques icônes de Dedon, dont le Yin Yang, qui aremporté en 2007 un « best of the best » aux RedDot Design Awards.

Pourquoi vous êtes-vous inspiré du symbole taiji ?L’idée était de dessiner un meuble pour les espaces

de détente ou les spas. Un objet qui ne caressepas que les yeux, mais également le corps dedeux personnes à la fois. Dans la philosophie chi-noise, deux dynamiques opposées sont uniesdans un tout harmonieux qui forme le symboletaiji. La fibre de couleur bronze et platine reflèteprécisément cette harmonie. Avec Yin Yang, nousavons créé quelque chose de complètement nou-veau : nous nous sommes libérés de toutes lesconventions du design de mobilier au profit desémotions pures. Pour le designer que je suis, c’estune émotion pure, également liée à ce symbole.

« Un mélange harmonieuxd’art, de nature etde philosophie»

� En 2006, la fibre tressée, inventée par Dedonquelques années auparavant, commence à investirtous les jardins contemporains. Alors que la plupartdes éditeurs, puis les acteurs de la grande distribution,proposent des objets en résine tressée aux formessimilaires, Dedon investit dans la recherche formelle,sous l’impulsion de designers comme Frank Ligthart,Richard Frinier ou Nicolas Thomkins, qui frappe ungrand coup avec ce double lounger inspiré du Yin-Yang.Une idée toute simple mais fort joliment aboutie,qui fera date sur les terrasses chics.

Quelles ont été vos autres inspirations lorsque vousavez dessiné Yin Yang?Tout était là dès le départ, je n’avais plus qu’à fi-naliser le design. J’ai pensé ces fauteuils complé-mentaires comme des éléments laissés au travailde la nature, comme des pierres érodées par l’eauou des dunes de sable modelées par le vent ; etpar-dessus ces formes organiques, j’ai ajouté4 km de fibre tressée.

Changeriez-vous quelque chose à Yin Yang si vousle pouviez ?Quand la philosophie, l’art et la nature se mêlent,naît un sentiment de joie et d’harmonie. Je vou-drais qu’il dure toujours. En regardant Yin Yangaujourd’hui, je vois encore la passion et l’amourdu détail qui ont guidé notre travail. Et comme lemobilier Dedon est durable, je pense que ce sen-timent de joie et d’harmonie est fait pour durer.

NICOLASTHOMKINS

YINYANG

Q

Dedon, 2006

Page 42: Dorothée Bécart - Book 2013

44 I extérieurs design

« Pousser les matériauxvers les standards de confort

de l’intérieur »

u premier coup d’œil, diffi-cile de déterminer si Sakura

est un mobilier « in » ou «out ». Comment êtes-vousparvenu à créer cet objet entre deux mondes?Le mobilier d’extérieur est souvent carré, basique,suivant des codes définis en termes de forme et defonction. Mon idée était de pousser les matériauxoutdoor vers les standards de confort, de chaleuret de douceur qui sont plus habituels à l’intérieurde la maison. Expérimenter avec ces matériaux

pour voir ce qui est possible est le meilleur moyend’arriver à ce résultat.

Pourquoi avoir choisi de travailler avec le tissuHydropass?Sifas est constamment à la recherche de maté-riaux innovants et performants, résistant notam-ment aux conditions météorologiques. Nousavons choisi le revêtement 3D Hydropass parcequ’il est multifonction. Il remplace sans problème

la mousse, les ressorts ou la toile, et surtout iln’absorbe pas l’eau. Pour autant que je sache,c’est la première fois que ce matériau est utilisépour la conception d’une gamme complète demobilier indoor/outdoor.

Que pensez-vous de la tendance, qui ne sedément pas depuis quelques années, des meublesmodulables pour l’extérieur, dont Sakura est uneillustration ?Ce mobilier est lié à son utilisation dans des lieuxouverts, ou publics, où l’espace doit être organisé.Les aéroports, les parcs ou les hôtels utilisent cetype de mobilier pour encourager la convivialité,dans des espaces destinés à la détente, à la fêteou aux rendez-vous professionnels. Pour moi, lesuccès de ce type de mobilier dans différents sec-teurs montre que l’on accorde de plus en plusd’importance à l’organisation et à l’aménagementdes espaces.

A

� Dedans, dehors : depuis quelques années,Sifas entretient savamment l’ambiguïté entre ces deuxespaces qui sont longtemps restés cloisonnés. Pionnierdans l’art de créer des véritables « lounges d’extérieur »modulables, l’éditeur français, en partenariat avec letalentueux designer Mark Robson, qui avait déjà signépour lui la remarquable collection Kolorado, a créé lasurprise en 2009 avec Sakura. Cette ligne de mobilieraux formes futuristes intelligemment imbriquées confèreune identité forte aux extérieurs – et aux intérieurs –contemporains.

MARKROBSON

SAKURASifas, 2009

HABILLAGE l Déco

Page 43: Dorothée Bécart - Book 2013

extérieurs design I 47

HABILLAGE l Déco

46 I extérieurs design

ous êtes ébéniste de formation.Aviez-vous réalisé le prototype de

Charivari en bois ou dans un autre matériau?Je l’ai réalisé pour mon diplôme de l’Ecole natio-nale supérieure des Arts décoratifs (ENSAD) : à lafin de l’année, nous devions montrer un prototype.J’avais effectivement, précédemment, suivi uneformation d’ébéniste à l’école Boulle. J’avais uneamie charpentière de marine, qui m’avait parlé descharpentes de bateau qu’on ploie à la vapeur, à

partir de bois de frêne et du bois de rose. J’avaispréparé des maquettes, un moule. Nous sommesparties à Saint-Malo où un charpentier de marinenous a prêté sa « boîte à vapeur » : on y introduitune lame de bois, on la sort avec des gants parcequ’à ce moment-là le bois est très chaud, et on n’aalors que quelques secondes pour le travailler,mais sa malléabilité est vraiment extraordinaire.Seulement, ce jour-là, notre moule avait fini parexploser...

« C’était un vrai paripour la marque»

Comment ce prototype s’est-il retrouvé édité chezFermob?Il avait été exposé dans le cadre du VIA desécoles ; Fermob l’avait repéré et fait signer uncontrat d’exclusivité. Ils ont ensuite travaillé sur unprototype en métal, ils m’ont demandé de redessi-ner le piétement pour qu’il soit plus en cohérenceavec l’assise. Mais sur l’adaptation de l’assise enmétal, je suis restée un peu plus en retrait. Poureux, c’était un vrai pari, parce que c’est l’un desmeubles les plus chers de leur catalogue.

Comment voyez-vous aujourd’hui cette création?Après l’édition d’un prototype, on le laisse vivre,on laisse voguer son meuble. J’ai un banc Chari-vari couleur vanille dans mon jardin. C’est toujours«mon » meuble, d’ailleurs des amis m’ont un jourinterpellée après une visite dans un grand centrecommercial de la région parisienne où mon bancétait représenté en me disant : « Juliette, on a vuton meuble ! » J’adore le jardin, le jardinage. J’es-père vraiment travailler à nouveau sur la concep-tion de mobilier outdoor : j’ai quelques idées quime trottent dans la tête !

V

CHARIVARI

� Dans l’imaginaire collectif, le banc est lié aux espacespublics. Cette création de Juliette Liberman le replacedans un contexte privé, et l’assise préférée des amoureuxdu monde entier se mue en véritable sculpture. À la foispleine de fantaisie et d’une remarquable ergonomie,cette pièce maîtresse attire les regards tout en apportantun contrepoint parfait aux plans rigoureux des jardinscontemporains.

JULIETTELIBERMAN

« Une idée née de traditionset de savoir-faire locaux »

ourquoi avoir fait le choix d’un des-ign biomorphique?

À l’origine, j’ai réalisé ce projet pour Lille 2004(NDLR : en 2004, Lille était la Capitale européennede la culture) au sein du collectif Droog Design. Onm’avait proposé de travailler avec des manufac-tures de dentelle de Calais. Je n’étais pas très ex-cité à cette idée, car pour moi la dentelle est liée àquelque chose de trop féminin, décoratif. Je vou-lais en faire quelque chose de fonctionnel, tout enrestant décoratif. Je me suis alors intéressé à ses

propriétés : ce qui m’a frappé, c’est son côté à lafois transparent et opaque. Et là, j’ai fait l’analogieavec le feuillage d’un arbre. On a, avec ce parasol,qui est une sorte d’arbre artificiel, la même impres-sion que lorsque l’on s’installe au pied d’un arbre.

Pensez-vous que ce parasol a changé la perceptionque l’on peut avoir de cet objet qui a longtemps eula même forme?Je pense effectivement qu’il a changé quelquechose, notamment pour Sywawa qui, après le suc-

cès du Shadylace, s’est mis à inviter des designerspour imaginer de nouvelles formes pour le para-sol. Je suis assez fier d’avoir changé les choses,je dois l’avouer !

Avec le recul, comment analysez-vous le succès duShadylace?Les premiers parasols ont été produits en Europe,de façon artisanale, et édités par Droog Design.Ceux que l’on trouve aujourd’hui sont fabriqués demanière plus standardisée, avec une vision pluscommerciale, par Sywawa. Si je n’avais pas étédans un premier temps en contact avec ces ma-nufactures au savoir-faire bien spécifique et local,je n’aurais sans doute jamais eu l’idée du Shady-lace. Je leur dois beaucoup, et d’ailleurs je conti-nue, aujourd’hui, à travailler avec des artisans. Aumoment où je vous parle, je suis en route pourrencontrer un artisan qui travaille le bois, et aveclequel j’aimerais collaborer pour un banc que jevais exposer à la galerie Kreo, à Paris...

P

� Avant l’apparition de Shadylace, les parasols seressemblaient tous, et à vrai dire, on ne les remarquaitplus vraiment. L’objet, banalisé, n’intéressait toutsimplement pas les designers. Jusqu’à ce que ChrisKabel, drôle d’oiseau du design, décide de le faire sortirde l’ombre, en travaillant une toile ajourée (de lavéritable dentelle pour le prototype) à la façon d’unfeuillage artificiel. Depuis, l’éditeur de ce parasol uniqueen son genre, Sywawa, propose chaque année descréations délurées qui réinventent joyeusement le genre.

CHRISKABEL

SHADYLACEFermob, 2005 Sywawa, 2006

STÉP

HANE

RAM

BAUD

Page 44: Dorothée Bécart - Book 2013

extérieurs design I 49

HABILLAGE l Déco

48 I extérieurs design

omment avez-vous étéamené à collaborer avec

l’éditeur de mobilier italien Emu?Il y a cinq ou six ans, Emu m’a contacté avecun projet global de collaboration avec différentsdesigners, pour la collection Advanced. L’équiped’Emu avait déjà défini sa ligne éditoriale, sesambitions, et sélectionné les designers avec quitravailler. J’ai adhéré à ce projet, car il s’articulait

autour d’un savoir-faire, d’une distribution bienstructurée et surtout d’une vision qui rejoignait lamienne, à savoir travailler sur des archétypes mo-dernes qui soient dans l’intelligence des enjeuxcontemporains : intemporalité et légèreté.

Quelles techniques ont permis de donner matière àvos rêves?J’ai essayé de travailler sur la légèreté, l’usage mi-

« Volupté, confort,émotion avec un

minimum de matière »

nimal de matière et d’énergie, pour produirequelque chose d’élégant, de confortable et doncde compétent. Il s’agit d’un petit cocon de grillagemétallique embouti serti par un fil de métal de dia-mètre 14, qui est le minimum de résistance pos-sible pour ce type d’usage. Au final, cette collectionn’exprime en aucun cas de la précarité, même sielle est empilable, même si elle est légère, mêmesi elle est minimale ; on y retrouve au contraire dela volupté, du confort et de l’émotion.

Avec le recul, comment définiriez-vous la collectionHeaven?Cette collection avait l’ambition de s’articuler au-tour de scénarios de vie, à savoir des chaises etdes tables mais aussi une cheminée, des tablesbasses, des plantes, etc. Aujourd’hui, elle se ré-sume plutôt à des assises, des tables et des bacsà fleurs. Mais elle reste dans cette quête d’essen-tiel, pas au sens du minimum, mais au sens dumieux. Je suis assez satisfait de notre collabora-tion et de la synergie qui est née pour faire ce pro-duit et je crois qu’il a tout pour continuer à resterun grand produit pendant quelques années.

C

HEAVEN

� Sur la terre comme au ciel... bien ancrée au sol desjardins contemporains, la chaise Heaven de Jean-MarieMassaud semble pourtant prête à s’envoler. Ses lignesaériennes résultent du tressage de fils d’acier, traités icicomme des fils textiles et mis au service de formesvoluptueuses et généreuses. Heaven fait partie descollections Advanced d’Emu, série de meubles avant-gardistes imaginés par les plus grands designers(on y trouve aussi les créations de Patricia Urquiola,Paola Navone ou, plus récemment, Arik Levy) pourrajeunir l’image du mobilier en métal qui a fait le succèsde la marque. Mission accomplie...

JEAN-MARIEMASSAUD

NINA

SLAV

CHEV

A

« Le design amélioréavec les plantes»

n quoi Garden Wall étaitinnovant ?

Il s’agit d’un paravent qui sépare et optimise les es-paces, plutôt que de les diviser. C’est un jardin ins-tantané ET un mur ! Contrairement à d’autres mursvégétalisés, il comporte un réservoir d’eau, ce quile rend utilisable à l’intérieur de la maison. Et lesmodules s’assemblent pour former des structuresde différentes tailles, selon les besoins.

Avec le recul, que pensez-vous de cette création ?C’est pour moi l’acmé de nombreuses années pas-sées à dessiner du mobilier outdoor pour différentsenvironnements. Devant une demande grandis-sante de mobilier pour les petits balcons ainsi queles cours urbaines, le concept initial était un siègeincorporant des plantes ; une sorte de jardinièrenomade... Le design a évolué vers une créationplus polyvalente, répondant au simple besoin de

se connecter à la nature. Les personnes qui achè-tent Garden Wall continuent à lui inventer de nou-veaux usages !

Pourquoi avoir fait le choix d’une créationhybride , mêlant matériaux artificiels et végéta-tion ?Une grande partie de la population vit dans un en-vironnement urbain. Le besoin de se créer unsanctuaire vert à la maison, propice à l’évasion, sefait criant. Quand je discute avec les clients, j’en-tends souvent parler du besoin d’intimité et de l’en-vie de se créer une oasis à domicile. Combiner unmeuble extérieur avec des plantes permet auxgens d’emporter un peu de vert avec eux quand ilsbougent les modules de Garden Wall ou, tout sim-plement, les changent de place. Et les plantes etles motifs fonctionnent si bien ensemble que celaaméliore même le design de l’objet.

E

� Longtemps, les plantes ont été priées de rester dansleurs pénates. Jardinières, pots ou pleine terre, c’étaità peu près tout. Quelques designers amoureux du vertse sont mis à leur imaginer de nouveaux habitats plutôtinattendus : mobilier classique colonisé par les jeunespousses (voir les créations de Patrick Nadeau) oustructures hybrides leur conférant une véritable utilité,à l’image de ce paravent mi-artificiel, mi-naturel imaginépar Gordon Tait pour Viteo, structure en polypropylèneajouré sur laquelle viennent grimper les plantes pourcréer de concert des espaces d’intimité dans le jardin.

GORDONTAIT

GARDENWALLViteo, 2009Emu, 2008

Page 45: Dorothée Bécart - Book 2013

HABILLAGE l Déco

50 I extérieurs design

ous avez conçu la collection Neutrail y a un peu plus de deux ans pour

Tribù. Que gardez-vous de cette expérience?C’était la première fois que je m’attaquais au mo-bilier de jardin. J’ai trouvé que c’était un challengeimportant de passer à une catégorie de meubles àlaquelle je n’avais pas encore touché ; et aussiparce que je travaillais pour une firme belge im-portante, Tribù. On s’est compris mutuellement, à

tel point qu’une deuxième collaboration se profile.Nous travaillons actuellement sur une collection enbois, accentuant davantage l’aspect artisanal.

Vous avez lancé cette collection à un moment où latendance était plutôt au mobilier en résine tressée.Avez-vous imposé le choix de l’aluminium et duslim design à Tribù?Je connaissais effectivement bien les tendances

« Réminiscenced’une autre époqueavec des technologiesd’aujourd’hui »

dans le milieu du mobilier outdoor. C’était l’époquedes meubles très massifs, manquant un peu d’élé-gance. J’ai toujours été fan du mobilier métalliquequi remonte à l’époque du modernisme, peintdans des coloris sobres, du noir au blanc en pas-sant par le vert foncé. C’est une typologie de mo-bilier de jardin finalement très traditionnelle que lesgens semblaient avoir oubliée. Je voulais avecTribù aller dans cette direction-là, cette réminis-cence de collections d’une autre époque, mais ex-primée avec des technologies d’aujourd’hui, pourassurer la légèreté et la stabilité du mobilier.

Rétrospectivement, que pensez-vous de cettecollection ?En Belgique, malgré le temps, nous aimons les jar-dins, et comme beaucoup de pays du nord de l’Eu-rope, nous avons paradoxalement une vraie culturedes espaces verts, et du « vivre dehors ». Mon ar-chitecture (NDLR : Vincent Van Duysen est égale-ment architecte) est d’ailleurs en relation étroiteavec la nature. Je voulais créer une collection liéeà ma vision de l’architecture. Neutra n’a pas, vi-suellement, l’identité typique du mobilier de jardin.

V

NEUTRA

� Hommage à l’architecte moderniste RichardNeutra, la collection du même nom imaginée parVincent Van Duysen pour l’éditeur belge Tribù aété l’une des premières incursions du slim design dansl’univers du jardin, où, pendant quelques années, lesmeubles aux courbes généreuses fabriqués à base derésine tressée ont été la norme. Une audace qui a depuisfait de nombreux émules, ouvrant une ère où la puretéet la légèreté des lignes se retrouvent jusque dans lastructure des jardins.

VINCENTVANDUYSEN

Tribù, 2008

Page 46: Dorothée Bécart - Book 2013

« Créer de l’affectivitérend l’objet plus durable »

� La collection Maia de Patricia Urquiola met la résinesynthétique au service d’un tressage empreint de fantaisie,véritablement pensé pour l’extérieur : l’ombre portée del’objet sur le sol est presque aussi importante que l’objetlui-même ! Cette gamme de mobilier lancée en 2006 arévolutionné l’image de l’éditeur espagnol Kettal, quimultiplie depuis les collaborations avec les plus grandsdesigners comme Marcel Wanders ou Rodolfo Dordoni.

PATRICIAURQUIOLA

uels étaient les en-jeux de votre colla-

boration avec Kettal ?Il s’agissait de réinterpréter l’identité d’une entre-prise qui avait une expérience du mobilier exté-rieur approfondie et technique. Et d’utiliser cesavoir-faire pour raconter une nouvelle histoire.

Comment cette collection est-elle devenuel’image de Kettal ?

L’évolution que j’avais en tête était celle que l’en-treprise Kettal souhaitait. C’était lié à la fois à unenouvelle façon de présenter leurs produits, et defaire évoluer l’image de l’entreprise.

En quoi réside la différence entre cette collec-tion et les autres meubles outdoor en résinetressée qui sont sortis à la même époque ?La recherche portant sur les matériaux est biensûr primordiale, mais il faudrait que cela reste une

base utilisée au service d’un projet, et non un élé-ment qui laisserait les autres dans l’ombre. Danscette collection, nous avons fait tout notre possiblepour trouver le meilleur équilibre entre ce dontnous avions besoin, et ce que nous souhaitionsexprimer.

La collection Maia de Kettal a déjà quelquesannées, mais elle a marqué les esprits. S’agit-ilde l’une de vos préoccupations lorsque vouscréez du mobilier ?Pour le designer, l’un des exercices fondamentauxconsiste à essayer de déchiffrer l’essence de lacontemporanéité, puis à l’interpréter, et faire ensorte que l’objet créé dure le plus longtemps pos-sible – si vous êtes chanceux, plus d’une vie – afinqu’il soit utilisé par différentes personnes et de dif-férentes manières. Si vous pouvez en plus créerde l’affectivité autour de cet objet, il devient encoreplus durable.

Q kettal, 2006MAIA

52 I extérieurs design

HABILLAGE l Déco

Page 47: Dorothée Bécart - Book 2013

ous avez débuté votre carrièredans l’univers de la mode. Est-ce

de là que vous vient cette « fibre textile » ?J’ai commencé comme graphiste. Un jour, on m’achargée de mettre en scène le stand d’un créateur demode. Au fond d’un magasin, presque abandonné,j’ai découvert des rouleaux de feutre, une matière quin’était pas beaucoup utilisée à l’époque ; elle est pour-tant très intéressante, parce qu’on peut la couper sansavoir à en ourler les bords. On peut dire que cettedécouverte a vraiment changé ma vie ! Après cela, j’aicommencé à produire mes propres tapis.

Vous avez également, à cette époque, créé desobjets en porcelaine et en verre de Murano.Leur point commun est d’exiger un savoir-faire dehaut niveau. Entretenez-vous toujours des liens

extérieurs design I 3534 I extérieurs design

V aussi forts avec l’univers de l’artisanat ?J’ai en effet travaillé la porcelaine avec quelqu’unqui avait une façon de la produire particulièrementintéressante. C’était une expérience capitale, qui m’aappris que l’on doit toujours aligner l’idée à la façonde produire, et non l’inverse ! Aujourd’hui, nousavons une production industrielle, mais j’essaie leplus possible de garder ce côté artisanal, fait-main,qui apporte une personnalité, une diversité et sur-tout de la magie aux choses. Produire intégralementnos collections avec des machines offrant un résul-tat parfait, cela ne donnerait pas l’esprit juste pournos collections.

Qu’est-ce qui vous a poussé à créer votre propremarque, et à lui donner votre nom ?Cela correspondait mieux à mon caractère : j’étais

souvent convaincue de mes choix, tandis que les per-sonnes en face de moi l’étaient un peu moins. C’étaitle conflit permanent ! J’ai commencé seule et très«petit », en faisant tout moi-même, jusqu’aux auto-collants signalant qu’il s’agissait d’une de mes pro-ductions. Concernant le nom, je n’avais personnepour me conseiller à l’époque, et j’ai donc choisi dedonner le mien à mon entreprise. La société le portetoujours aujourd’hui, et je n’en suis pas tellementcontente. Cela en donne une idée très personnelle quine correspond plus à la réalité, car elle s’est beau-coup développée, et c’est aujourd’hui une structureorganisée où les choix sont faits par toute l’équipe.

Quel est votre rôle, aujourd’hui, au sein de lamarque ?Il a évolué depuis que ma sœur est entrée en jeu.

Pionnière dans le designoutdoor, Paola Lenti a prisle temps d’imposer sa visiondouce, élégante et durabledu mobilier, fondée surl’harmonie des matières,des lignes et des couleurs.PROPOS RECUEILLIS PAR DOROTHÉE BÉCART

PaolaLenti

34 I extérieurs design

DUTEMPSLESCOULEURS

c’est de saisonconfidences

La société nous appartient à toutes les deuxaujourd’hui. Elle s’occupe de la gestion. La possibilitéde travailler avec quelqu’un en qui on a entièrementconfiance permet de gagner en liberté. Soulagée desproblèmes concrets, je peux imaginer le futur de lasociété ; je me charge de la vision des produits, del’image, des catalogues, tout ce qui concerne la direc-tion artistique de la société. Aujourd’hui, on a les per-sonnes appropriées dans chaque secteur de lasociété : c’est une vraie chance.

La recherche de nouvelles matières semble capitalepour vous. Comment avez-vous découvert le Rope etle Filodry, très utilisés dans les créations outdoor devotre marque ?Découvrir de nouvelles matières ne se fait pas sansune vraie collaboration avec le producteur, et c’est un

travail de longue haleine. C’est ce qui s’est passé avecle Rope, en 2003. J’ai trouvé un producteur capablede produire un fil qui résistait vraiment aux conditionsde vie en extérieur. Ce fil a depuis évolué, car nous luiavons trouvé des faiblesses. L’aspect reste celui quel’on connaît, mais la société, avec des producteurs etdes instituts universitaires, se charge de l’améliorer.La solidité de nos fils fait aujourd’hui la différence.C’est aussi pour cela que nous produisons en Italie.Cela permet de contrôler la production, de multiplierles tests de qualité, de résoudre les problèmes. Aujour-d’hui, nous sommes les seuls à utiliser le Rope, et noséquipes de recherche, de production de la fibre et defabrication du mobilier sont vraiment liées par ce fil.

Est-ce pour cela qu’en comparaison avec d’autreséditeurs et fabricants de mobilier outdoor, vous sem-

blez mettre un point d’honneur à ne pas tomber dansla surabondance des collections ?Il est vrai que nous nous posons à chaque fois laquestion de l’utilité des collections que nous sortons.C’est très important parce qu’il y a déjà beaucoup dechoses sur le marché. Nous créons des objets dura-bles, réalisés, comme je vous le disais, à partir dematières solides, écocompatibles. Je voudrais pen-ser que ce que nous vendons aujourd’hui sera trans-mis aux générations suivantes.

Comment se passe le travail avec les designers ?N’étant moi-même pas designer, j’essaie de concen-trer mes recherches sur les matières. Je ne dessineque les tapis, ce qui diffère vraiment de la créationd’un fauteuil, qui suppose de se projeter en troisdimensions. Le designer se charge de donner la

Fleurs éternelles � Créés par PatriciaUrquiola pour Paola Lenti, ces fauteuils aux lignesintemporelles se déclinent aujourd’hui dans demultiples nuances, obtenues à partir de 20 couleursde base habilement mélangées grâce à une techniquede tressage éprouvée. Paola Lenti, fauteuils Nido,design Patricia Urquiola.

Page 48: Dorothée Bécart - Book 2013

extérieurs design I 37

forme, qui est limitée par les possibilités de lamatière que l’on lui impose dès le départ. Collaboreravec différents designers nous aide à travailler etpenser d’une façon différente. Chaque nouveaudesigner apporte son lot de questions. Cela nouspermet vraiment de grandir, de ne pas camper surnos positions.

C’est Francesco Rota qui a créé la plupart de voscollections, notamment pour l’extérieur. Qu’est-cequi vous a séduit chez ce designer ?Nous nous sommes connus très jeunes ; chacunde nous respecte le travail de l’autre. Quand on a lefeeling, c’est très facile de travailler ensemble, ceque nous faisons depuis douze ans. Le cœur de lasociété s’est vraiment fait avec lui.

Vous avez également travaillé avec PatriciaUrquiola, quel souvenir gardez-vous de cetteassociation ?C’était une collaboration très amusante, parce quePatricia est quelqu’un de très pétillant, complète-ment à l’opposé de ma personnalité perfectionniste.C’est une véritable tornade, au sens positif duterme. Elle a eu l’idée intéressante de faire du cro-chet avec le Rope, alors que j’avais jusque-là unevision du tapis un peu plus orthogonale. Elle a éga-lement imaginé le fauteuil Nido. Ses créations sedistinguent par leur intemporalité, et sont donc pro-mises à une vie très longue.

Le travail sur les couleurs semble très importantpour vous. Comment se font les arbitrages pourchaque collection ?J’ai une faculté : les couleurs, je les ressens d’abord,et je les retrouve partout ensuite, comme cela a étéle cas avec l’indigo. Elles arrivent dans mon cœur,sans que je doive m’inspirer d’autres univers,comme celui de la mode, par exemple. Nous avonsmaintenant une gamme immense, avec de multi-ples possibilités pour chaque couleur. C’est trèsimportant car dans un jardin, les fleurs offrent desnuances toujours différentes. Pour compléter notregamme, nous avons mélangé entre elles les cou-leurs pré-existantes. Grâce à notre technique de tres-sage, nous ajoutons, sur un fond uni, des petitestouches d’autres couleurs. On conserve la qualité derésistance au soleil de nos couleurs, tout en créantde nouvelles expériences : en regardant de loin noscréations, on voit en effet la somme de ces couleurs.

L’an dernier, vous avez fait vos premiers pas dansl’architecture des espaces extérieurs, avec

Cabanne. Êtes-vous de ceux qui pensent qu’un jar-din doit être structuré comme une nouvelle piècede la maison ?Il est difficile de « poser » les choses à l’extérieur. Onpeut utiliser la nature – par exemple un arbre – pourcela, mais si on n’a pas cette chance, on a besoinde trouver un moyen de structurer davantage l’es-pace. L’idée de pouvoir faire de l’architecture avecdes tissus, des couleurs, des formes différentes àassembler pour créer de petits univers, me plaîtbeaucoup, et je voudrais vraiment persévérer danscette direction.

À quoi ressemble votre propre jardin, ou votre jar-din rêvé ?Je n’ai malheureusement pas de jardin. Si j’en avaisun, je voudrais qu’il soit près de l’eau. Au bord d’unerivière, ou de la mer, ou auprès d’une fontaine. Je nel’imagine pas trop grand, mais j’aimerais y trouverau moins un grand et vieil arbre, une table et un petitfauteuil pour dessiner mes collections près dela nature.

36 I extérieurs design

c’est de saisonconfidences

2003 Chauffeuse Sand � Créationde Francesco Rota, compagnon de route de la marque,ce fauteuil est l’une des premières réalisations de lamarque à tirer profit des propriétés de la corde Rope.

2004 Collection Island � Unfauteuil et des compléments à la topographie affirmée,soulignée par des coloris uniques, toujours sous lecrayon de Francesco Rota.

2005 Collection Frame � Unenouvelle fois imaginée par Francesco Rota, une structureen aluminium pleine de personnalité rehaussée par unhabillage en corde Rope.

2006 Fauteuil Nido � Ce fauteuil touten rondeur est issu d’une riche collaboration avec la trèsprolifique Patricia Urquiola, qui a également conçuune série de tapis au crochet à base de corde Rope.

2010 Collection Haven � VolkerClaesson, Eero Koivisto, Ola Rune – trio connu pourses expérimentations biomorphiques chez Offecct –signent ce sofa aérien, tout en transparence.

«Les couleurs, je les ressens ;elles arrivent dans mon cœur»

Architecture extérieure �

Depuis 2010, Paola Lenti réfléchit à l’architecturedes espaces extérieurs grâce à des structures semi-ouvertes sur leur environnement, à l’image de cettepergola baptisée Cabanne. Paola Lenti, Cabanne,design Bestetti Associati, et Haven, design VolkerClaesson, Eero Koivisto, Ola Rune.

Page 49: Dorothée Bécart - Book 2013

extérieurs design I 33

HABILLAGE l déco

32 I extérieurs design

AU JARDINCocon humain � Grandclassique du design scandinave dela fin des années 50, l’œuf-cocon deNanna et Jørgen Ditzel passe enfin aujardin troquant le rotin originel contrela fibre polycore. Bonacina Pierantonio,Egg suspendu, design Nanna & JørgenDitzel, chez Sabz, 2037 €

Pendant des années, il fut le grand délaissé dela révolution design. Le jardin a enfin pris sa revanche,et rattrape aujourd’hui son retard en s’habillant demeubles design inspirés des icônes des années 50 à 80.Petit voyage dans le temps en quatre étapes vintage.SÉLECTION DOROTHÉE BÉCART

REVIVAL DESIGN

Page 50: Dorothée Bécart - Book 2013

GLORIEUSES50’SEntre fonctionnalisme et futurisme, la décennie du baby-boom continued’inspirer les designers, qui habillent aujourd’hui le jardin des lignes graphiqueset des couleurs pastel qui faisaient fureur dans les intérieurs des années 50.

extérieurs design I 35

HABILLAGE l déco

34 I extérieurs design

1 Passé arachnéen � L’un des plus grands éditeurs des années 50 conjuguesa légende au présent en remettant au goût du jour les structures arachnéennes.

Zanotta, canapé Club, design Prospero Rasulo, chez La Suite, à partir de 2440 €

2 Invasion extraterrestre � Les ovni ont colonisé l’imaginairecollectif des 50’s, mais attendu les années 2000 pour envahir le jardin avec

ces arrosoirs. Magis, arrosoir Pipe Dreams, design Jerszy Seymour, chez Sabz, 60 €

3 Esprit BD � L’hérédité BD de Leblon-Delienne, spécialiste des figurines, seressent dans ce canapé in & out en résine sorti d’une planche de Gaston Lagaffe,

l’anti-héros de Franquin né à la fin des 50’s. Leblon-Delienne, canapé Clear Line, 1399 €

4 VERSION fifties � Ce fauteuil-icône des années 2000 ne renie pas sesinspirations vintage, de l’Op Art de Vasarely aux structures graphiques des meubles

Knoll des années 50. Driade, Meridiana outdoor, design Christophe Pillet, H. 83,5 x57,5 x 55 cm, chez Made in Design, 326 €

5 Hommage atomique � La structure de ce banc en béton fibré s’inspirede l’Atomium, clou de l’Exposition universelle de 1958. Compagnie, banc,

design Chabaud et Lévêque, H. 80 x 70 x 60 cm, chez Sabz, 705 €

6 Triangles nostalgiques � Ces drôles de petites tables en teckévoquent les mini-guéridons triangulaires en Formica qui faisaient fureur dans les

banlieues pastel de l’après-guerre. Kenkoon, tables basses Kurf, prix sur demande.

7 Sur le fil � En 1955, Verner Panton créait la chaise Tivoli, dont l’assise en filstendus continue de faire des émules, comme le prouve cette création outdoor. Roda,

fauteuil outdoor bridge Harp, design Rodolfo Dordoni, chez Sabz, 650 €

8 Slim design � Les meubles au design aérien inspirés des créations Knoll fontleur grand retour, à l’image de cette table et de ces chaises en acier gainé de

plastique. Offecct, table et chaises Spline, design Norway Says, prix sur demande.

9 Confort sculptural � Lointaine descendante de la chaise longue deCharlotte Perriand et Le Corbusier, ce lounger n’aurait pas déparé le balcon d’un

appartement de la Cité radieuse. Vitra, lounger MVS outdoor, design Maarten Van Severen,H. 86,7 x 45,7 x 154 cm, chez Silvera, 1884 €

5

12

4

TEMPS RE-TROUVÉ �

Quand une grande designeuses’attaque aux meubles de jardinen fer forgé des années 50, celadonne naissance à des formeshybrides mêlant nostalgieet ultra-contemporanéité.Emu, grande jardinière,design Patricia Urquiola,H. 105 x diam. 72 cm,chez État de Siège, 728 €

3

6

7

8

9

EMU

Page 51: Dorothée Bécart - Book 2013

extérieurs design I 3736 I extérieurs design

60’SPSYCHÉ-POPJamais le mobilier ne se sera autant affranchi des lois de la gravité quedans les années 60. Les icônes psychédéliques d’hier font encore moucheaujourd’hui et restent une référence incontournable pour les jeunes designers.

HABILLAGE l déco

1 Enfant-bulle � Cette balançoire en rotin a du mal à cacher sa filiationavec la célèbre Bubble Chair d’Eero Aarnio. Là où le maître jouait la carte de la

transparence, l’élève, Enzo Berti, a choisi de mettre en valeur la structure par un jeud’arceaux très graphique. Ferlea, fauteuil Kata, design Enzo Berti, chez Cob, à partir de4340 €

2 Pureté formelle � Ce banc ruban rétro-futuriste signé Christophe Pilletdonne des allures kubrickiennes à une terrasse contemporaine. Serralunga, banc

Loop, design Christophe Pillet, H. 40 x 180 x 50 cm, chez Sabz, à partir de 974 €

3 Poufs pop � Les créatrices du très hype studio de design espagnol Emilianane renient pas leurs influences psyché-pop, comme en témoignent ces poufs en

polyuréthane flexible aux couleurs vives. Nanimarquina, fauteuil Tomato, design Ana Miret Emili Padros, H. 34 x diam. 66 cm, chez Silvera, 705 €

4 Créature indéterminée � Ce banc luminaire outdoor aux formesvertigineuses signé Karim Rashid ne déparerait pas dans les environnements

psychédéliques créés par Verner Panton à la fin des sixties. Foscarini, Blob XL, designKarim Rashid, H. 50 x 126 cm, chez Sabz, 801 €

5 Anneaux Saturniens � «Un seul anneau pour les subjuguer tous »,semble clamer le designer de ces fauteuils colorés en polypropylène sous influence

sixties, à qui l’on dit « oui » sans hésiter ! Ferlea, fauteuil Pop, H. 75 x 90 x 92 cm,design Enzo Berti, chez Cob, à partir de 655 €

6 Auto-hommage � Le créateur le plus inspiré des sixties, Eero Aarnio,perpétue sa légende en revisitant ses classiques. Créée à l’aube des années 2000,

la Formula Chair est la descendante de la Tomato Chair… Adelta, Formula Chair, designEero Aarnio, H. 81 x 128 x 140 cm, chez Silvera, à partir de 2750 €

7 Art textile � En 1965, Yves Saint Laurent créait l’événement en présentantune robe droite imprimée de motifs inspirés des œuvres de Mondrian. Une audace

aujourd’hui transposée au jardin grâce à Deborah Sommers. D. Garden, bannièreMondrian 1 et 2, collection Geometric, design Deborah Sommers, 200 x 50 cm, 170 €

Rocking chair design �

Les œuvres uniques de Ron Arad en fontle digne héritier des designers des années 60,qui tiraient parti de la flexibilité du plastique

pour créer des œuvres sculpturales uniques, àl’image de ce spectaculaire rocking-chair

en polyéthylène. Driade, rocking chair MT3,design Ron Arad, H. 78 x 80 x 104 cm,

chez Sabz, 982 €

3

4 7

6

5

1

2

Page 52: Dorothée Bécart - Book 2013

extérieurs design I 3938 I extérieurs design

70’SHIPPIESFlower power, peace & love : les slogans phares des années 70 se retrouventdans les créations des designers d’aujourd’hui, qui multiplient les clins d’œildécalés à la décennie des papiers peints à fleurs orange et des moquettes marron.

HABILLAGE l déco

1 Papier peint � Reprenant les coloris automnaux de la décennie des papierspeints extravagants, cette bannière donne le ton en toute élégance dans un jardin

vintage. D. Garden, bannière Multi-Stripe, design Deborah Sommers, 200 x 50 cm, 170 €

2 Flower Power � Le comble pour un hippie est de ne pas avoir la mainverte. Ces tabourets fleurs permettent, heureusement, d’affirmer son côté Flower Power

sans avoir à se plonger dans les manuels d’horticulture ! Offecct, tabouret Flower, designEero Koivisto, H. 44 x diam. 54 cm, chez Made in Design, 413 €

3 Porte-bonheur � La chaise porte-bonheur de Ron Arad décline ses feuillesen nombreux coloris. En orange soutenu, le clin d’œil aux années 70 devient évident.

Driade, fauteuil Clover, design Ron Arad, H. 75,50 x 66 x 54 cm, chez Out Door, 483 €

4 Simplement 70’s � Ludiques et funky, ces chaises de jardin en métalrecouvertes de polyester orange vif résument l’esprit des années 70. Emu, chaises

Sporty, design Chiaramonte/Marin, chez Plantes et jardins, les quatre, 396 €

5 Alerte orange � Icône de la toute fin des années 60, le tabouret Tam Tama traversé sans peine les seventies en adoptant les coloris criards de l’époque

d’Orange mécanique. Branex, tabouret Tam Tam, design Henry Massonnet, 100 €

6 Saga Africa � Inspirée de l’artisanat africain, cette création 2009 signéeTord Boontje se décline en coloris vintage qui donnent du pep’s aux jardins. Moroso,

fauteuil Shadowy Multired, design Tord Boontje, H. 140 x 98 x 82 cm, chez Made inDesign, 1429 €

1

2

Inspiration LIBERTINe � PatriciaUrquiola aurait-elle été inspirée par le fauteuild’Emmanuelle ? C’est ce que laissent entendreles courbes libertines de ce fauteuil… B&BItalia, fauteuil Crinoline, design PatriciaUrquiola, chez Silvera, 1233 €

Total revival � Cette créationdes frères Bouroullec se décline dans unepalette de coloris très seventies évoquant lesflamboiements d’un sublime été indien, telcelui qui embrasa les hit-parades en 1975 !Kartell, chaise Papyrus, design Ronan &Erwan Bouroullec, chez La Suite, 198 € 3

6

5

4

Fleur d’intérieur � Ce fauteuilà l’imprimé 100% Flower Power apporteun petit vent printanier au salon, l’hivervenu. Kartell, fauteuil Pop Missoni,design Piero Lissoni, chez Made in

Design, 1065 €. Disponible en versionoutdoor (tissu blanc uni uniquement).

Page 53: Dorothée Bécart - Book 2013

extérieurs design I 4140 I extérieurs design

EXTRAVAGANTES80’SLa décennie de la frime et de la provocation inspire la nouvelle générationde designers, qui osent conjuguer fluo tapageur et formes extravagantes,deux tendances lourdes des années 80.

HABILLAGE l déco

1 Translucide extralucide � Hanté par l’esprit des eighties, le canapéPhantom frappe les esprits avec sa coque en PMMA jaune fluo. À utiliser de préférence

en intérieur, il peut ponctuellement s’inviter sur une terrasse couverte. Driade, canapéPhantom, design Emrys Robert, H. 73 x 180 x 77 cm, chez Made in Design, 5733 €

2 ça flashe! � Les formes classiques de ce fauteuil en rotin sont réveillées parun jaune fluo ultra-flashy qui rappelle les surligneurs en vogue dans les cartables

des écoliers et des businessmen 80’s. Alinea, fauteuil Stacky, H. 83 x 74 x 66 cm, 99 €

3 Irisation automnale � Poétiquement baptisé « Fleur de Novembre »,ce prototype affiche un pied arc-en-ciel translucide dans la lignée des logos irisés qui

marquèrent le début des années 80. Kartell, table Fleur de Novembre, design FabioNovembre, H. 72 x diam. 120 cm, prototype.

4 Acid ludique � Cette table dessinée par Karim Rashid n’aurait pas déparéune discothèque branchée de la fin des eighties, la grande époque des smileys

jaunes et de l’Acid Music. Aitali, table K4, design Karim Rashid, prix sur demande.

5 Rainbowwarriors � L’histoire ne nous dira pas si Patricia Urquiolas’est inspirée de la grande vogue du macramé pour créer ces assises tressées de fils

polymères aux coloris néon… Moroso, chaise Tropicalia, design Patricia Urquiola, 1195 €

6 Game over � Ces pots à herbes aromatiques dessinés par une jeune créatricesont fortement inspirés du jeu vidéo culte de la décennie des gros pixels et des

premières consoles de jeux. T-pots, Stéphanie Choplin, prototypes.

7 Come-Back � Grande prêtresse des tendances en matière de mobilieroutdoor, Patricia Urquiola préfigurait le come-back du fluo dans le design avec cette

chaise présentée au Salon de Milan 2008. Kartell, chaise Frilly, design Patricia Urquiola,H. 80 x 42 x 50 cm, chez La Suite, prix sur demande.

8 Big Boss � Toujours éditée dans des versions revues et corrigées par leurcréateur, cette interprétation so eighties du fauteuil Club, à la carrure aussi affirmée

qu’une working girl à épaulettes, figure parmi les premières œuvres marquantes dudesigner israélien Ron Arad. Moroso, fauteuil The Big Easy, design Ron Arad, H. 94 x 133x 88 cm, chez Silvera, 1570 €

4

1

2

United Colors of design �

Dans les années 80, une célèbre marquede prêt-à-porter célébrait la différence à

travers un slogan rassembleur qui sembleavoir inspiré le designer de ces fauteuils

en mousse de toutes les couleurs. Six Inch,fauteuil S3, design Pieter Jamart,H. 76 cm, chez Out Door, 747 €

3

5

6

8

PASQ

UALE

FORM

ISAN

O

7

Page 54: Dorothée Bécart - Book 2013

ous avez confié au site InternetDesignboom avoir voulu, à l’adoles-

cence, devenir paysagiste. Qu’est-ce qui vousattirait dans ce métier ?À cette époque, j’étais passionné par les plantes –j’avais même mon propre petit jardin où je faisaispousser des carottes – et je savais déjà, par ailleurs,que je voulais m’orienter vers une carrière créative. Lemétier de designer n’était pas encore ce qu’il estdevenu aujourd’hui, alors devenir paysagiste mesemblait être un bon moyen de combiner mes deuxaspirations.

À quoi ressemblerait le jardin de vos rêves?Ce serait un jardin à double visage : d’un côté, unhavre silencieux ; de l’autre, un endroit où les gens

38 I extérieurs design

V puissent s’amuser. Autour d’une piscine, j’aménage-rais des endroits propices à la fête, où l’on puisse dis-cuter, rire ou écouter de la musique entouré de sesamis, et, un peu plus loin, je créerais un endroit plusisolé, presque onirique, à contempler de préférencelorsque l’on est seul.

Avez-vous déjà réalisé des jardins?J’ai eu l’occasion récemment d’en créer un à Amster-dam, en occultant toutefois le côté végétal, car je n’aiplus la main aussi verte qu’autrefois. J’ai entièrementrecouvert le sol de marbre noir et blanc ; sur destreilles recouvertes de plantes artificielles, j’ai apposéles lampes en forme de fleur que j’ai réalisées pourFlos. Et, pour parfaire ce paysage entièrement recons-titué, j’ai ajouté des arbres en plastique blanc. Je suis

HABILLAGE l CONFIDENCES

très sensible à l’idée du jardin artificiel, que j’aime-rais voir se développer. La nature est une illusiontotale dès lors qu’elle est domestiquée, comme c’estle cas dans tous les jardins. Dès lors, pourquoi nepas aller au bout de cette idée ?

Dès le début de votre carrière, vous avez travailléavec le collectif néerlandais Droog Design dont ladémarche est plutôt écoconsciente. Les questionsenvironnementales influent-elles sur votre travail dedesigner ?Droog Design s’est dès le début intéressé au recy-clage des matériaux et des objets, certes, mais sur-tout des idées. Nul besoin de partir d’une feuilleblanche : on peut créer du nouveau à partir d’idéespréexistantes, qui peuvent faire naître quelque chose

Son collier de perles le feraitfacilement passer pour undoux dingue décalé ; maischacune de ses créations estle fruit d’une mûre réflexion,conjuguant savoir-faire etmodernité raisonnée.Rencontre avec MarcelWanders, Hollandais volant…au secours du design ! PROPOS

RECUEILLIS PAR DOROTHÉE BÉCART

Marcel Wanders

38 I extérieurs design

UNE PERLEDEDESIGNER

Page 55: Dorothée Bécart - Book 2013

extérieurs design I 39

de nouveau. En ce qui me concerne, la durabilité atoujours été la clé de mon travail ; nous vivons dansun monde où l’on jette un peu trop facilement ses pos-sessions parce qu’on a l’impression qu’elles se dégra-dent plus vite. Mais le problème n’est pas physique,il est psychologique : nous n’acceptons tout simple-ment pas les objets qui vieillissent. Les designersrecherchent toujours la nouveauté et créent des objetsqui ont effectivement l’air nouveau ; mais rien ne vieil-lit aussi vite que la nouveauté. De mon côté, j’essaiede créer des objets qui ont vocation à s’inscrire dansle temps.

Vous avez pour habitude de mêler design et tradi-tions ou savoir-faire anciens, comme en témoignela Knotted Chair réalisée en macramé. Pensez-vous

que le designer est un artisan et que l’artisanat peutêtre design?En tant que designers, nous sommes tellement exci-tés par la nouveauté que nous regardons la plupartdu temps les traditions de haut. Je tente, depuisquinze ans, de mettre dans chaque objet une innova-tion, mais aussi un respect pour le passé, pour unmonde différent du nôtre. On ne peut pas aller à100% vers le futur, on a besoin de garder quelquechose du passé. Avec le modernisme, les choses doi-vent être totalement neuves, sans histoire, ce qui estune idée stupide. Il y a tellement de choses fabuleusesà tirer du passé… C’est ce dont notre époque a vrai-ment besoin. Il y a vingt ans, c’est le modernisme quiprimait, mais aujourd’hui il ne peut qu’échouer. Onpeut être moderne tout en respectant les traditions et

les savoir-faire. Inutile d’être des fondamentalistes dudesign, nous devons être des fondamentalistes del’humain. Les designers de la nouvelle génération tra-vaillent d’ailleurs avec beaucoup plus de respect pourleur environnement, leur époque et le contexte, et ilsont une plus grande générosité.

Vous avez dessiné la balançoire-jardinière SwingWith the Plants pour Droog Design. Que pensez-vousde la tendance consistant à végétaliser le mobilier ?Un intérieur, c’est la rencontre de deux extrêmes : l’êtrehumain, d’un côté ; l’architecture, de l’autre. Nos amismodernistes ont suggéré qu’il fallait d’abord penserl’architecture et qu’il suffisait ensuite d’y placer l’hu-main. Mais les hommes sont des créatures douces,qui ne veulent pas être parquées dans des environne-

1 Atmosphère, atmosphère… �

Dans cet îlot sensuel, le vent fait gonfler des rideauxdiaphanes dont les motifs, répétés sur la table en fibre deverre moulée et les fauteuils en Jacquartex, sont subliméspar la lumière du soleil. Un hommage nostalgique à unâge d’or perdu où tout n’était que luxe, calme et volupté…Kettal, ligne Atmosphère.

2 Simplicité formelle � Comme touteles icônes du design, les tabourets Container

affichent une grande simplicité formelle et nes’embarrassent pas de détails superflus. Une petiteexception dans la carrière de Marcel Wanders, qui aimehabiller ses créations de motifs inspirés de diverses formesd’artisanat. Moooi, ligne Container.

1

2

Page 56: Dorothée Bécart - Book 2013

dans leur domaine. Du côté de Moooi, nous avonsdéjà fort à faire avec l’indoor, et certains de nos pro-duits emblématiques, comme la Container Table,sont déjà in & out.

Quelle impression cela fait d’être exposé au MoMA(ndlr : Marcel Wanders est exposé depuis quelquesannées au musée d’Art moderne de New York avecsa Knotted Chair) ?Je ne prends pas cela comme le plus grand desaccomplissements, de même que, pour moi, cen’est pas un accomplissement de voir un de mesobjets dans une maison. Le vrai accomplissement,c’est d’être dans le cœur des gens, de faire sensauprès d’eux, que ce soit à travers un objet, desparoles ou une œuvre exposée dans un musée.Quand on parvient à toucher les gens, on a vraimentatteint son but.

ments froids ; ils ont besoin de quelque chose entreeux et l’architecture : c’est pour ça qu’ont été inventésles meubles, les papiers peints, les rideaux… Ceschoses font la transition entre nos corps sensibles etla pierre. De même, à l’extérieur, on est tiraillé entrel’humain et le végétal. On peut être plus près de l’unou de l’autre. Il y a une infinité de possibilités que ledesigner doit étudier. Partant de ces deux logiques, ilme semble finalement normal de faire des meubleshybridés avec des sources naturelles.

Quand vous travaillez avec des marques telles Ket-tal, Moroso on Slide, essayez-vous d’imposer votresignature ou de vous adapter à leur philosophie?Je pense que, si les hommes et les femmes pou-vaient faire des bébés sans avoir besoin l’un de l’au-tre, ils le feraient. Mais ils ne le peuvent pas, et c’estune bonne chose parce que cela mènerait imman-

quablement au clonage. Vous ne pouvez pas faireun clone de vous-même, il vous faut donc combinerdeux patrimoines génétiques. Si je dessine des objetspour différents éditeurs, ils ne seront jamais sembla-bles, parce que j’apprendrai des forces de chacunede ces marques ; mais ils ne seront jamais totale-ment différents, parce que j’apporterai mon identité,mes forces dans le patrimoine génétique de chaqueobjet. Dans chaque cas, nous ne sommes pas obli-gés de travailler ensemble, on le fait parce qu’il y aune envie des deux côtés de créer quelque choseen commun.

Pensez-vous développer une ligne exclusivementoutdoor sous votre marque Moooi ?Ce n’est pas dans nos projets. Nous avons lachance de pouvoir travailler avec des éditeurs spé-cialisés dans l’outdoor, comme Kettal, qui excellent

HABILLAGE l CONFIDENCES

40 I extérieurs design

1

2 3

Page 57: Dorothée Bécart - Book 2013

extérieurs design I 41

1 Déclinaison organique � Pourl’éditeur italien Slide, Marcel Wanders a dessiné une

déclinaison simple et efficace de sa célèbre Crochet Chair.Dans cette version in & out, la structure ajourée de cettedernière laisse place à des formes pleines et lisses commeun galet. Slide Design, fauteuil et table basse Chubby.

2 Pureté virginale � La céramiqueblanche met en valeur les formes pures de ces

vases et de cette petite table. Avec cette collectionintemporelle, Marcel Wanders fait une fois de plus sienl’aphorisme d’Oscar Wilde : « Rien n’est plus dangereuxque d’être trop moderne ; on risque de devenir soudainultra-démodé. » B & B Italia, White Collection.

3 joyau design � Marcel Wanders arespecté les codes chers à Kartell en réalisant

un tabouret ludique, translucide et coloré. Sa surfacebiseautée, semblable aux facettes d’un diamant, luiconfère une forte personnalité, extravagante et précieuse.Kartell, tabouret Stone.

4 Artifice paysager � Fidèle à sa premièrevocation – il voulait, à l’adolescence, devenir

paysagiste – Marcel Wanders réalise de temps à autredes jardins. Totalement artificiel, cet extérieur en marbreet en plastique parvient tout de même à évoquer unvéritable paysage, figé pour l’éternité. Jardin privé,Amsterdam.

5 Balançoire bucolique � C’esten ayant à l’esprit les jeunes filles en fleurs que

Marcel Wanders a imaginé cette balançoire poétique ;sur ses montants courent des plantes grimpantes quis’épanouissent dans deux mini-jardinières ménagéesdans l’assise en polyéthylène. Droog Design, SwingWith the Plants.

6 Champignon magique � Inspirésd’un champignon japonais surnommé « le banc

des elfes », ces tabourets aux formes hallucinantes –grâce à la technique du rotomoulage – sont recouvertsde motifs semblables à une jolie broderie réaliséepar des doigts de fée… Moroso, tabourets Shiitake.

« j’essaie de créer desobjets qui ont vocation às’inscrire dans le temps »

4

5

6

Page 58: Dorothée Bécart - Book 2013

extérieurs design I 4746 I extérieurs design

Associé depuis quelques années au design depointe, le Corian est en passe de conquérir nosextérieurs à travers des objets et des structuresdurables et haut de gamme. TEXTE DOROTHÉE BÉCART

Terrasse tout-en-un � Le Corianpermet, en extérieur, de réaliser des lieux à vivrespectaculaires et inédits, à l’image de cette terrasseavant-gardiste d’un seul tenant, dont la structurecomprend une table et des bancs. Gavin Jones gardenof Corian – Elevations, design Philip Nash, Chelsea(Grande-Bretagne).

LARÉVOLUTION

HABILLAGE l TECHNO

Dans les allées des grandesrencontres internationales de design, il est surtoutes les lèvres. À Milan, Paris ou Londres, il créeà chaque fois l’événement ; son nom est à lui seulsynonyme d’innovation. Pourtant, le Corian n’estpas né de la dernière pluie : ce matériau très tech-nique a été conçu par les ingénieurs de DuPont deNemours à la fin des années 60. Il a fallu attendrequarante ans pour qu’un designer visionnaire, Et-tore Sottsass, voie en lui une matière premièreidéale qui se prête à ses délires avant-gardistes.Presque dix ans après son exposition d’objets enCorian, « Exercices with Other Materials », des di-zaines de designers, des frères Bouroullec à ArikLevy en passant par Karim Rashid, se sont appro-prié ce matériau aux qualités exceptionnelles.Composé d’un tiers de minéraux naturels dérivésde la bauxite et de deux tiers de résines acryliques,le Corian est non poreux, hygiénique, durable, mal-léable et thermoformable. Bref, le rêve de tous lesdesigners depuis la libération des formes dans lesannées 50 et 60. Mais il possède une qualité peuexploitée jusqu’ici : il est particulièrement adapté àun usage en extérieur. « Le Corian résiste aux intem-péries et sa tenue aux rayons UV est garantie dansune gamme de 50 coloris sur les 100 disponibles »,précise Béatrice Lalaux, responsable prescriptionchez Dupont Building Innovations. « Travaillé avecdes joints imperceptibles, il permet, par exemple,de réaliser des façades composées de panneauxde plus de 5mètres. » Ces applications architectu-rales se retrouvent aujourd’hui dans des jardinsdont les murs sont recouverts de Corian quand cene sont pas des structures extravagantes qui vien-nent se mêler à la végétation. Mais cette résistanceexceptionnelle pousse également les designers àcréer des objets jouant à l’extrême sur l’ambiguïtéentre « in » et «out » ; les éditeurs leur emboîtent lepas, créant des gammes mettant en vedette ce ma-tériau miraculeux.

CORIAN

MAP

/NAT

HALI

EPA

SQUE

L

Page 59: Dorothée Bécart - Book 2013

extérieurs design I 4948 I extérieurs design

HABILLAGE l techno

1 Porte ouverte � Installationséphémères, ces portes en Corian dessinées par

le designer Pol Quadens sont auréolées de mystère :inspirées du monolithe de 2001 : L’Odyssée de l’espace etdes alignements de Stonehenge, elles sont toutes tournéesvers le Nord. Le Corian, longtemps cantonné à des usagestechniques, est ici le support d’une expression artistiquemonumentale. Les Portes Louise, design Pol Quadens,Bruxelles (Belgique).

2 Motifs de satisfaction � Entrepep’s et poésie, ce jardin décline les usages outdoor

du Corian, des plates-formes aux motifs imprimés parsublimation aux tabourets colorés. Les lampes au bordde la pelouse tirent parti de la translucidité du matériau.Corian Garden, design Michael Young et KatrinPetursdottir-Young, Milan (Italie).

3 Nouvelle vague � Ce jardin d’exceptionest traversé par une immense vague de Corian

partiellement gravée de motifs grâce à une techniqueinspirée des bas-reliefs. Le matériau, durable et résistant,se prête à tous les rêves des paysagistes. Gavin Jonesgarden of Corian – Elevations, design Philip Nash,Chelsea (Grande-Bretagne).

L’Odyssée du jardinSéduits par sa durabilité et sa résistance aux conditions climatiquesles plus rudes, les architectes et les paysagistes commencent àutiliser le Corian dans des jardins aux allures futuristes.

Philip Nash

Le paysagiste britannique Philip Nash aréalisé, pour l’édition 2008 du ChelseaFlower Show, un jardin de Corian.

Qu’est-ce qui vous a amené à concevoirun jardin où le Corian occupe une placeprépondérante?Je me rendais à une exposition de design àLondres et je réfléchissais au jardin que j’allaisconcevoir pour le festival de Chelsea. Je medemandais quel matériau me permettrait deconcevoir une terrasse d’un seul tenant dont lesol se soulèverait pour former une table et desbancs. Des matériaux comme la pierre ou lebéton étaient soit trop coûteux, soit trop diffi-ciles à travailler. Le plastique ou la fibre de verreauraient pu convenir, mais je recherchais unmatériau durable et crédible en tant qu’alter-native aux matériaux habituellement utiliséspour le terrassement. Quand je suis arrivé àcette exposition, j’ai trouvé le matériau demesrêves, facile à mettre en forme, résistant aux UVet à l’humidité, dur comme la pierre. J’ai ren-contré l’agent anglais de DuPont Corian, qui m’aproposé de sponsoriser mon jardin à Chelsea,une façon de montrer une nouvelle applica-tion, originale et innovante, de ce matériau.Quelles ont été vos impressions sur le Co-rian lors de la conception de votre jardin?Je l’ai trouvé inspirant ! Plus je lui en demandais,plus il m’en donnait. J’ai mesuré tout le poten-tiel de cematériau aussi adapté auxmurs d’eauqu’aux éléments demobilier les plus délirants ;j’ai apprécié sa malléabilité et j’ai découvert satranslucidité.Pourrait-il devenir un matériau couram-ment utilisé par les paysagistes?Même s’il est de plus en plus présent dans desapplications architecturales, il restera un pro-duit haut de gamme et donc peu utilisé.

1 2

3Puits de lumière � Ce jardin de villeétait auparavant petit et sombre. L’applicationde plaques de Corian du sol aux murs en faitun véritable puits de lumière qui illumine lesespaces intérieurs. Urban Garden, designDavid Giovannitti, New York (États-Unis).

MAP/NATHALIE PASQUEL

Page 60: Dorothée Bécart - Book 2013

extérieurs design I 51

HABILLAGE l techno

50 I extérieurs design

1 Plage futuriste � À quoi ressemblerontles bains de soleil des plages du futur ? Sans doute

à ces élégantes chaises longues en Corian… StudioSequoia, chaise longue Bahia, prototype.

2 Vase aérien � Créé pour célébrer en beautéles quarante ans du matériau, ce vase est constellé

d’alvéoles où le végétal se fraye volontiers un chemin.Christian Ghion, vase, prototype en cours d’éditionchez Ovo.

3 Trapèze floral � Le Corian révolutionneles objets les plus quotidiens, à l’image de ces

vases suspendus pleins de poésie et d’une délicieuselégèreté visuelle. Cédric Ragot, vase Compose-it,prototype.

4 Mariage heureux � Les designersaiment mêler le Corian au végétal, comme dans

cette création de Patrick Nadeau. Il faut dire que cematériau non poreux et résistant à l’humidité, à l’aspect

minéral, semble l’allié naturel des plantes. PatrickNadeau, Rocaille, en édition limitée chez Sabz.

5 Séries limitées � Le Corian se travaillecomme le bois et possède la longévité de la pierre,

ce qui permet de réaliser des pièces uniques et des sérieslimitées, à l’image de cette table végétalisée et de cettejardinière semblant avoir subi un choc sismique. PolQuadens, collection Inside outdoors, table Taorminaet jardinière Quake, en édition limitée.

1

Matière de rêvesTout comme le plastique débrida la créativité des designers à l’ère psychédélique, le Corianles pousse aujourd’hui à inventer de nouveaux langages formels qui s’incarnent dansdes prototypes et des séries limitées durables et haut de gamme, plus que jamais in & out.

Pol Quadens

Amoureux du Corian, le designer belgePol Quadens y a trouvé un matériauidéal pour brouiller les frontières entreintérieur et extérieur.

Quels sont les avantages du Corian pourun designer?C’est une sorte de compromis génial entre lasouplesse et la résistance de l’acier, la qualitéde surface et la légèreté de l’aluminium, la fa-cilité de mise enœuvre du bois… Il a tous lesavantages de ces matériaux et pas leurs incon-vénients. On peut tirer beaucoup d’avantagesde sa blancheur : les plaques se soudent avecune colle spéciale qui a la teinte du Corian. Leblanc, dans le meuble design, est à la modedepuis quelques années, et c’est un aspect quia fait que ce matériau vieux de quarante ans apu soudain occuper le devant de la scène.Quel était le message de votre expositionde meubles en Corian Inside Outdoors?L’intérêt était de montrer que ce matériau im-putrescible était particulièrement adapté à unusage en extérieur. Le Corian illustrait égalementà merveille l’idée directrice de cette exposi-tion, à savoir que les meubles d’extérieurétaient trop typés « jardin », et qu’il fallaitbrouiller les frontières entre in & out pour met-tre le jardin à l’intérieur et, inversement, sortirl’habitation dans le jardin.Est-ce que c’est le matériau dont vous rê-viez, en tant que designer?Ma vie n’a peut-être pas changé, mais depuisdeux ans que je travaille le Corian, j’ai une pro-duction énorme. Je suis un peu déçu qu’on nepuisse pas encore faire des objets en grandesérie pour des questions de coût. Aujourd’hui,je fabrique principalement des pièces uniqueset des objets en série limitée. J’espère qu’on vaarriver à en faire un matériau abordable…

2

3

4

5

Page 61: Dorothée Bécart - Book 2013

extérieurs design I 53

HABILLAGE l techno

52 I extérieurs design

Éditions spécialesAprès quelques débuts timides, les éditeurs outdoorse lancent peu à peu dans la production de meubles enCorian. Certains s’y consacrent même exclusivement…

Les frèresSommereux

Fondateurs d’Ego Paris, les frèresSommereux ont fait le pari du Corianpour doper leurs collectionsde mobilier outdoor.

Pourquoi avoir choisi de réaliser des ver-sions en Corian de certaines de vos créa-tions?Nous cherchions une alternative au bois, qui,au-delà de ses qualités esthétiques (c’est unmatériau noble, naturel et chaleureux) pré-sente certaines contraintes en termes d’entre-tien. Nous avons abordé différents matériauxsynthétiques mais notre choix s’est finalementporté sur le Corian.C’est un matériau noble de par son aspect etsa composition, et il nous paru tout à faitadapté à notre gamme de mobilier. Contraire-ment aux autres matériaux synthétiques (ré-sines, plastiques…), il est par ailleurs durableet résistant en extérieur ; il ne subit aucune al-tération dans le temps.Qu’apporte le Corian à un éditeur, entermes d’image de marque?La qualité et la longévité du produit, utilisé de-puis longtemps en architecture, n’est plus àdémontrer. Le Corian est un matériau de luxe,très prisé et reconnu pour ses qualités esthé-tiques et pratiques. Ce qui pousse de grandsnoms de l’industrie à le soutenir et à le valori-ser. L’utilisation du Corian est donc un gage defiabilité qui s’associe très bien à nos réalisa-tions, à notre souci d’excellence, et par là-même à notre positionnement.Qu’est-ce qui freine encore les autreséditeurs à s’investir dans le Corian?Le Corian nécessite une certaine technicitédans sa mise en forme, qui est longue et coû-teuse. Son prix le rend d’autre part élitiste ;c’est un produit haut de gamme réservé à desfabrications haut de gamme.

1

2

3

5

4

1 100% outdoor � Le jeune éditeur italienEscho a réalisé toute une gamme d’objets en Corian

inspirés du mobilier indoor mais entièrement destinésà l’extérieur, à l’image de cette cheminée aux alluresd’Origami. Escho, cheminée et banc, design p.èn.lab.

2 Table délicieuse � S’il se prête aux déliresfuturistes des designers, le Corian peut aussi se faire

romantique, comme avec ces tables imprimées de motifsfloraux délicats imaginés par le designer Tord Boontje.Moroso, table Bon-Bon, design Tord Boontje.

3 Ludique et nomade � Semblantréalisée d’un seul tenant, cette table d’appoint se

transporte facilement avec sa poignée inspirée des canettesde soda. Offecct, table Grip, design Satyendra Pakhalé.

4 Version Corian � Également disponibleen version teck, la gamme Tandem de l’éditeur Ego

Paris tire parti de la résistance du Corian et de ses qualitéshygiéniques, qui en font le revêtement idéal, par exemple,pour une table de bar. Ego Paris, collection Tandem codeEM3, design Thomas Sauvage, chez Paysage.

5 Vase hélicoïdal � Corian et végétalsemblent s’enlacer jusqu’à ne faire plus qu’un

dans cette élégante valse orchestrée par le designerbelge Pol Quadens. Ovo Editions, vase Elix, designPol Quadens.

6 Plat de résistance � Après avoirvégétalisé les structures en Corian imaginées par

Patrick Nadeau, Vertilignes édite à son tour des objetsfabriqués à partir de ce matériau, tel ce plateau végétal.Vertilignes, Central Parc, design Mathieu Jacobs.

6

Page 62: Dorothée Bécart - Book 2013

extérieurs design I 129

tendance l techno

128 I extérieurs design

LEPLASTIQUE EST-IL VERT ?

Biomorphisme cohérent �

Amoureux de la nature, les frères Bouroullecs’en sont inspirés pour créer la Vegetal Chair.Sa forme arborescente nécessitait un matériauflexible. Le polyamide teinté a finalement étéchoisi comme matériau unique, pour permettreun recyclage à 100%. Vitra, Vegetal Chair,design Ronan & Erwan Bouroullec.

Longtemps associé aux meubles de jardin demoindre qualité, le plastique fait son grand retouren version chic et racée. Mais cela en fait-il un amide la nature? Producteurs, designers et éditeursconjuguent en tout cas leurs efforts pour le rendreplus vert. TEXTE DOROTHÉE BÉCART Dans les jardins design,

on le retrouve partout : fibre tressée, toiles deparasols, tapis outdoor, garnitures de chaiseslongues... le plastique est au cœur de toutesles tendances. Sa flexibilité inspire les de-signers et sa résistance aux intempériesenthousiasme les éditeurs. À tel point qu’il aen quelques années éclipsé le teck, matériau-phare des années 80 et 90, dont l’image a étéécornée par un pillage excessif des forêts etqui, depuis le sommet de Rio en 1992, faitl’objet d’une exploitation très encadrée. S’il abénéficié du désamour d’un matériau naturel,le plastique est-il pour autant devenu écolo-gique ? Le simple fait de poser cette questionrenvoie à l’évolution de l’image de ce maté-riau-vedette de l’après-guerre. Produit issud’une industrie pétrochimique en sursis à plusou moins long terme, souvent montré dudoigt par les défenseurs de l’environnementparce qu’associé à une civilisation du jetable,il se retrouve régulièrement au cœur desdébats. C’est ce qui a conduit de grands édi-teurs de mobilier design, comme Vitra, à s’en-gager dès les années 80 dans le domaine del’écologie, conscients de l’image négativevéhiculée par le plastique. À sa façon, la griffehelvète a toujours pratiqué un design durable,en s’associant avec des créateurs soucieux decréer des produits intemporels et haut degamme, quelle que soit la matière utilisée.Ainsi, la Vegetal Chair des frères Bouroullec,éditée en 2008, a des allures de classique ins-tantané. Fruit d’une mûre réflexion des deuxdesigners et de l’éditeur, elle anoblit le plas-tique en l’inscrivant dans un temps d’utilisa-tion long. Une première façon de rendre leplastique plus vert. Mais cela suffit-il ?

Page 63: Dorothée Bécart - Book 2013

extérieurs design I 131130 I extérieurs design

Les sites de production de Vitra recourent aux panneaux photovol-taïques et à la géothermie pour limiter leurs émissions de CO2 etintègrent des installations qui permettent de traiter les eaux usées.

Des procédés de fabrication, comme le moulage par injection utilisé pourla Vegetal Chair de Ronan et Erwan Bouroullec, évitent le gâchis de matièrepremière et engendrent une diminution du poids des meubles, facilitantleur transport. Chaque étape de la production est scrupuleusement étu-diée en termes d’impact sur l’environnement ; une analyse que le groupeFerrari, qui fabrique notamment la toile Batyline, pousse encore plus loinen imaginant des scénarios de vie, de la production à l’abandon ou aurecyclage, de ses produits (voir encadré). Tous les paramètres sont étudiéspour ajuster les modes de production et opter pour les matériaux et lessolutions de recyclage les moins lourds pour l’environnement. L’éditeur

Qui est Paul ?, spécialiste des meubles outdoor en plastique rotomoulé, aainsi abandonné son projet de fabriquer des meubles à partir de bioma-tériaux (composés de plastique à 60% et de matières naturelles commele chanvre ou le maïs à 40%) : s’ils avaient l’avantage de provoquer un« feeling » naturel et permettaient de limiter la consommation de pétrolelors de leur conception, ils ne pouvaient pas être recyclés en fin de vie etleur impact sur l’environnement était donc plus négatif que les meubles100% polyéthylène de la marque, facilement recyclables en déchetterie.Ces études d’impact et ces ajustements montrent la bonne volonté deséditeurs, mais encore faut-il que leurs clients leur emboîtent le pas enchangeant leur façon de consommer. Car, comme le soulignent les 5.5 Des-igners « l’argument écologique devient caduc quand on achète des objetsrecyclables pour se donner bonne conscience et qu’on les jette après ».

De la production au recyclage

TENDANCE l techno

1 recyclage assuré � Entièrementréalisés en polyéthylène rotomoulé, les objets

design de l’éditeur Qui est Paul ? sont d’autant plusfaciles à recycler. On peut même les amener endéchetterie, où le recyclage de ce matériau est prisen charge. Mais il serait tout de même dommage dese séparer de ces icônes design... Qui est Paul ?Sliced Chair et poufs Translation, design A. Gilles.

2 de la bobine au jardin � La toileBatyline habille les créations de nombreux

éditeurs de mobilier outdoor. La variété de couleursproposées par le fabricant du textile permet de suivreles tendances d’une saison à l’autre, ce qui apoussé le groupe Ferrari à créer son propre systèmede recyclage pour revaloriser les toiles dont lescoloris seraient passés de mode. RolandVlaemynck, chaise longue Neptune en toileBatyline.

3 design durable � En aluminium etBatyline, cette chaise pourra être recyclée dès

lors que son acquéreur en fera la démarche, grâce àun démontage aisé de ses différents éléments. FueraDentro, fauteuil Cima.

1

L’exemple du BatylineDe la production au recyclage, le groupe Ferrari évalue à chaque étape les impactsde son activité sur l’environnement et tente de trouver des solutions pour rendreses produits plus verts.

Batyline est un textile à base de polyesteret de PVC fabriqué par le groupe Ferrari

et utilisé par de nombreux éditeurs outdoor,parmi lesquels Ego Paris, Fermob ouManutti.Le groupe Ferrari sollicite des organismesindépendants pour effectuer des analysesde cycle de vie (ACV), un outil multicritèrequi permet de mesurer efficacementl’impact environnemental de la toile.Consommation des ressources, impact surle réchauffement climatique, toxicité : toutest passé au crible, de la mise en œuvreau recyclage du produit en fin de vie, assurépour Batyline par un procédé unique, Texy-loop. Romain Ferrari, le PDG du groupeéponyme, rappelle à ce sujet que tout ce quiest recyclable n’est pas recyclé et soulignel’importance d’une démarche globale impli-

quant éditeurs, designers, fabricants, distri-buteurs et.. consommateurs. Car c’est lecomportement du consommateur final quipermet le succès d’un processus de recy-clage. Or, celui-ci, même s’il acquiert un pro-duit de qualité, fabriqué pour durer, a le droitde s’en lasser ; « l’éco-efficacité ne passe pasforcément par une punition, concèdeRomain Ferrari ; quelques fabricants demobilier et distributeurs engagés travaillentavec notre groupe sur des solutions dedémontage et recyclage de la garniture tex-tile Batyline ainsi que de réentoilage desstructures avec un textile neuf ou recyclé ».Un projet qui verra le jour courant 2010, etpermettra de changer la couleur de sa chaiselongue pour suivre la mode d’une saison àl’autre en faisant moins de mal à la planète.

deuxième vie � La toile Batyline usagée est recyclée àl’usine Texyloop, qui possède une technologie unique permettantde séparer le polyester et le PVC qui constituent la toile. Celle-cientame alors une seconde vie sous l’appellation Batyline R.

2

23

Page 64: Dorothée Bécart - Book 2013

extérieurs design I 133132 I extérieurs design

TENDANCE l techno

Lorsqu’il ne termine pas dans une décharge ou dans les entraillesd’un incinérateur, l’objet en plastique recyclable entame une secondevie parfois étonnante... sous formedemobilier design. L’éditeur américain

Loll Designs crée ainsi des meubles de jardin chics et colorés à partir de HDPE,unmatériau issu du recyclage des bouteilles de lait. Greg Benson, le PDGde cetteentreprise qui se veut «green», s’explique : « le plastique n’est certes pas consi-déré comme un matériau “ vert “. Mais il y a, tout autour de nous, une quantitéincroyable de plastique qui peut être réutilisé ou recyclé. Le plastique que nousutilisons l’est à 100% ; nous n’en produisons pas, nous utilisons ce qui existedéjà. » Et ce n’est certainement pas un hasard si l’une des icônes de la marqueest une réinterprétation en version plastique de la mythique Adirondack Chairdessinée en 1903 par Thomas Lee et star incontestée des terrasses de café et desjardins depuis plus d’un siècle... en version bois ou teck. Cet anoblissement derebuts du quotidien, l’éditeur Qui est Paul ? l’a poussé plus loin encore. Tout acommencé le jour où le fils de Stéphane Delimoge, son fondateur, a posé à son

père cette question toute simple de retour de l’école, après un cours sur le trisélectif : « Mais papa, on fait quoi, avec le plastique recyclé ? » « En guise deréponse, j’ai contacté l’association Les bouchons d’amour et on a créé un fauteuilfabriqué à partir de bouchons de bouteilles en plastique, se souvient le PDG deQui est Paul ? ; ceux ci apparaissant volontairement dans la structure du fauteuilpour vraiment montrer le résultat du recyclage. » Présenté à Maison et Objet, cefauteuil « hors série » a rencontré un tel succès que l’éditeur a fini par lemettre enproduction. Très engagée dans la préservation de l’environnement, l’entrepriseréfléchit à une nouvelle écoconception de ses meubles qui permettraient d’yintégrer 50% de matières recyclées (dans les parties les moins visibles de sesmeubles). Loin de rebuter les designers, le plastique recyclé les inspire donc,comme le montre la Meltdown Chair de Tom Price, fabriquée à partir de cordesmarines fondues qui apparaissent à l’état brut dans la structure de l’objet. Plusécologique, plus éthique,moteur de créativité pour les designers et les éditeurs,le plastique «vert » est vraiment fantastique !

Une seconde vie très design1 du bouchon au fauteuil � Réalisé

à partir de bouchons de bouteilles en plastiquerecyclés, ce fauteuil ne renie pas ses origines modesteset les affiche même dans sa structure, où les morceauxde plastique recyclé apparaissent, pour sensibiliser sesacquéreurs aux vertus parfois étonnantes du recyclage.Qui est Paul, fauteuil Translation, collection Kylie,design Alain Gilles.

2 illusion totale � Il a la structure,la couleur et la texture d’un meuble en bois peint.

Pourtant, ce fauteuil double est... 100% plastique.Mieux : il est fabriqué à partir de HDPE, un matériau issudu recyclage des bouteilles de lait utilisé notamment auxÉtats-Unis. Loll Designs, fauteuil Picket double.

3 classique revisité � Les mythiqueschaises Adirondack vivent une étonnante seconde

vie dans cette version en plastique recyclé. Loll Designs,collection Adirondack.

4 corde dans le coup � Fabriquéà partir de cordes marines fondues, ce fauteuil

d’extérieur à mi-chemin entre le design et l’artcontemporain met en valeur, par sa structure mêmele recyclage d’éléments du quotidien. Outdoorz Gallery,Meltdown Chair, design Tom Price.

5 recyclage au naturel � De ce poten plastique recyclé émerge une jolie plante. Tout

un symbole... Loll Designs, jardinière.

1 2

3

4

5

Page 65: Dorothée Bécart - Book 2013
Page 66: Dorothée Bécart - Book 2013

76 | STUFF

Zoom | Nabaztag

Pour partir à la chasse au Nabaztag,nul besoin de s’envoler vers descontrées hostiles et lointaines. Car notre cyber-lapin est né en pleincoeur de Paris, dans les bureaux de la société Violet. Le terrier estaccueillant : un véritable petit muséede PDA improvisé sur une étagère attired’emblée l’oeil du technostalgique ;dans la salle de réunion, des gadgetsdernier cri côtoient un Mac premièregénération et un antique poste de télévision. Au milieu de ces objetshétéroclites, nous remarquons très vite la présence de notre hôte,Bunny. Il s’agit du tout premierNabaztag jamais produit. « On legarde pour le moment, mais dansquelques années, sur eBay, on pourraen tirer un bon prix », plaisante Jean-François Kitten, l’attaché depresse du petit animal. Il faut direqu’en quelques mois, la descendancede Bunny a connu un succès fulgurant : les 5 000 premièrespièces se sont écoulées en quelquessemaines, et le nombre de citationssur Google du terme « Nabaztag »(« lapin » en arménien) a bondid’une dizaine à 125 000 après la mise sur le marché des petitsobjets kawaï de chez Violet. En

septembre, 10 000 nouveaux spécimens ont été mis en vente dansquelques magasins – essentiellementparisiens – et sur le Net, ce qui a permis à l’objet de se tailler une noto-riété mondiale en quelques jours.

Le Nabaztag... et comment l’avoirMais qu’est-ce, au juste, qu’unNabaztag ? La dernière obsession des adulescents ? Un énième gadgetpour geeks ? Ne pas se fier aux apparences : car sous ses allures de cousin à grandes oreilles du petit

chat d’Hello Kitty, l’animal cache une foule de fonctionnalités astucieuseset novatrices. Ses oreilles et les LEDlumineuses dispersées sur son corpslui permettent en effet de faire passerde nombreuses informations. La créa-ture est aussi dotée de la voix, mais ici, pas d’expressions pré-enregistréescomme sur le RoboSapiens : chaqueNabaztag est relié en Wi-Fi à un serveur, et le nombre de phrases qu’ilpeut prononcer n’est donc tributaire

d’aucune limitation en mémoire. Une fois votre Nabaztag acquis, il s’agira de le « baptiser » en l’enregistrant sur le site. Vous bénéficierez dès lors d’une dizaine deservices : Bunny nous a ainsi accueillisen faisant clignoter ses LED en jaune,nous indiquant qu’il ferait beau toute la journée, puis nous avons entendu sacharmante petite voix nous annoncerque la bourse était en légère baisse, et que le périphérique était fluide.Quelques secondes plus tard, sesoreilles se sont mises à bouger :

apparemment, l’un de ses copainslapin, à Paris ou à l’autre bout du monde, cherchait à se mettre en contact avec lui. La salle s’est alors emplie des premières notes deAinsi parlait Zarathustra. Sans douteun ami fan de Kubrick a-t-il voulufaire un clin d’oeil au propriétaire de Bunny. Ce petit objet lisse et à la personnalité volontairement enretrait est donc habité d’une véritableâme. C’est la volonté de son papa,

Olivier Mével. Cet ingénieur de formation, qui fut l’un des pionniersde l’Internet en France, considère son bébé-lapin comme le précurseurde toute une gamme d’objets duquotidien dont nous ne pourronsbientôt plus nous passer. Avec la société Violet, il réfléchit déjà àd’autres applications, dans le mondedes jouets comme dans le domainede l’électro-ménager. Et fidèle à l’esprit libertaire du Web, il a d’oreset déjà mis à disposition des interfaces de programmation pour le Nabaztag, afin d’inciter les utilisateurs à faire évoluer eux-mêmes la bête, et d’ouvrir de nouveaux champs d’investigationaux concepteurs d’objets commu-nicants. Pour le moment, Violet est, avec Ambient Devices, l’une des deux seules entreprises aumonde à commercialiser des objets communicants. Mais il y a fort à parier que ses lapins vont faire des petits...Nabaztag, 95 euros, www.nabaztag.comEn vente notamment chez Robopolis (et sur le site www.robopolis.com), au Printemps Design, chez Colette et à la Fnac digitale (ainsi que sur le sitewww.fnac.com)

Un cyber-lapin à l’ascension irrésistible, né en plein coeur de Paris.

On l’a à peine vu sortir de son terrier, en juin dernier. Pourtant, quelques semainesplus tard, on se l’arrachait. Le Nabaztag – petit lapin relié à Internet en Wi-Fi – est un véritable phénomène. Portrait d’une icône high-tech en devenir.

Textes : Dorothée Bécart

Nabaztag,

SHOW LAPINNabaztag,

SHOW LAPIN

stuff46_076-77 15/10/05 17:09 Page 76

Page 67: Dorothée Bécart - Book 2013

STUFF | 77

Nabaztag | Zoom

Trois questions à… Olivier Mével,le papa du Nabaztag

Quelle est la philosophie à l’origine des objets communicants ?Ça vient d’une frustration par rapport à la puissance de l’Internet, qui est long-temps restée cantonnée à l’ordinateur.Aujourd’hui, il y a un vague post-PC avec les Smartphones, les appareils photonumériques et les iPod, qui sont des sortesde petits ordinateurs spécialisés dans une tâche. Mais ils restent périphériques à l’ordinateur ; nos objets en sont complè-tement indépendants. Depuis l’apparitiondu Wi-Fi, on a la possibilité de créer des objets du quotidien et de les relier àInternet. On a commencé avec la lampeDAL, qui changeait de couleur en fonctionde diverses informations. Elle a suscité une grande curiosité médiatique, mais son prix restait élevé. Avec Nabaztag, nous avons lancé un produit grand publicet plus attachant qu’une lampe.

Pourquoi un lapin ?Nabaztag est un messager ; il diffuse des informations classiques, mais aussi desmessages envoyés par vos amis. Il fallaitdonc un support assez neutre, qui ait une âme mais pas une personnalité tropprésente, comme ç’aurait été le cas avecun lion ou un singe. Le lapin n’est pas trop marqué, et ses oreilles offraient des possibilités intéressantes. Nous trouvions amusant de personnifier un objet high-tech sous une forme douceet dérisoire ; c’est quand même dingue de se dire que dans cette pièce, le truc le plus high-tech est un lapin ! En plus, il est très attachant, et c’était essentiel pourun objet qui s’inscrit dans le quotidien.

Le succès du Nabaztag vous inspire-t-ilpour l’avenir ?Nous n’étions pas sûrs que ce lapin séduirait le grand public, ou si son succèsse cantonnerait aux ados et aux geeks.Aujourd’hui, nous avons tout un boulevardqui se présente : nous avons fait le premierobjet grand public de ce type et il y enaura d’autres. On peut imaginer que les puces Wi-Fi séduiront les utilisateursd’électro-ménager, ou pourront se retrouver dans des jouets... Mine de rien,nous sommes sur des concepts de domo-tique, sans le côté angoissant de la chose.Nous le faisons avec une certaine poésie.

Mignon, intriguant et attachant : il n’en fallait pasmoins pour que le Nabaztag forme autour de lui une véritable communauté. Ses utilisateurs se sont organisés dans deux forums, l’un proposé par Violet (http://fr.groups.yahoo.com/group/nabaztag_api/),l’autre créé par des fans (http://nabaztag.forumactif.fr/).Ces éleveurs de lapins d’un nouveau genre s’échangentleurs impressions et participent au développement des services liés au Nabaztag par leurs suggestions ;mais ils mettent également la main à la pâte en proposant leurs propres applications.

Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il y a autantd’utilisations que de possesseurs de lapins. Stéphane,père de famille, s’en sert comme ange gardien pour sa fille de trois ans : « Le lapin s’endort en même temps qu’elleet la réveille le matinen lumière. Elle saitalors qu’il est l’heurede se lever ». Landryl’utilise surtout pour la notification de mails ; mais les « dialogues d’oreille » – deux lapins « mariés » peuvent communiquer entre eux via leurs oreilles :chaque mouvement effectué par l’un des lapins est transmis à l’autre, qui le reproduit, qu’il se trouve à deux pâtés de maison ou à l’autre bout du monde –lui ont permis de faire connaissance avec un autreprimo-possesseur de Nabaztag, auquel il signale sa présence sur un logiciel de messagerie par l’intermédiaire d’un code bien précis. Pour Eric, « au-delà de la météo et du réveil-matin, le Nabaztag me permet de communiquer avec mes proches ; il humanise nos échanges. J’adore recevoir les MP3

de mes amis et voir le lapin bouger les oreilles enrythme. C’est autrement plus chaleureux qu’un SMS ».

Mais ce nouveau propriétaire n’entend pas se contenteraux fonctions basiques du lapin : Violet a mis à dispositionl’API du Nabaztag, et Eric en a profité pour développer sa propre interface. « L’API est un moyen d’envoyer des événements au lapin sans passer par le serveur mis à disposition. J’ai de fait développé une petite interface en flash assez intuitive qui permet d’envoyer un message ou de faire bouger les oreilles du lapin à distance ». De soncôté, Landry a interfacé son lapin avec son site Web : « Il me notifie les visites sur mon site et mes lecteurs ont la possibilité d’être prévenus par ce biais de l’arrivée d’unenouvelle playlist sur mon radioblog ». Et ce fondu des lapinsde conclure : « Violet joue vraiment le jeu, et c’est très

fair-play de leur part,puisque cela peutconcurrencer certainsde leurs servicespayants ». Eric,

lui, ne compte pas s’arrêter en si bon chemin : « Toutepersonne ayant la possibilité de faire tourner une applicationen permanence depuis un serveur s’offre un monde de possibilités ».

Ce sont les fous du lapin qui font vivre la petite bête, et Violet l’a bien compris : il est d’ores et déjà possible possible de partager ses MP3 avec toute la communauté en les proposant sur les Nabshares, ou d’envoyer à tous ses amis à longues oreilles des billets d’humeur en créant sa chaîne « Nabcast » ; certains peoples, comme Emmanuelde Brantes et Guillaume Durand, s’il en trouve le temps,ont déjà proposé de diffuser des chroniques par ce biais. Le Nabaztag serait-il un nouveau média en devenir ?

L’avis des éleveurs de lapins

« Le lapin humanise les échanges avec mes proches »

stuff46_076-77 15/10/05 17:10 Page 77

Page 68: Dorothée Bécart - Book 2013

C’est peut-être la fin de l’ère Gutenberg : le papier électronique pourrait provoquer, à plus ou moins long terme, la disparition de l’encre et du papier traditionnel. Le point sur une révolution qui va changer en profondeur le visage de la presse.

E-PAPER

lE jouRnAldE dEmAin

Quelles sont les différentes applications de l’E Ink ?Dans un premier temps, notre technologie se posera en solution alternative aux écrans classiques là où ces derniers pèchent, c’est-à-dire en terme de lisibilité. Cela devrait donner second souffle aux e-books et engendrer le développement des e-newspapers. Mais vous retrouverez notre technologie à votre poignet (N.D.L.R. : Seiko a d’ores et déjà fabriqué sa montre E Ink, la Spectrum, vendue en série limitée au Japon ; voir notre cahier du futur dans le n° 43 de Stuff), sur les panneaux d’affichage, et sur les écrans de vos mobiles.

Pourquoi l’E Ink part-il à l’assaut de la presse ?La technologie d’affichage que nous proposons approche, qualitativement, le papier imprimé. Elle le surpasse même en terme de contraste. Par ailleurs, elle n’est pas gourmande en énergie, en tout cas bien moins que les écrans LCD, OLED ou plasma : elle n’utilise qu’1/100 à 1/1000 de l’énergie qu’ils consomment, car elle ne recourt pas au rétro-éclairage, et affiche des images statiques, sans avoir besoin de dispositifs particuliers pour la maintenir comme les écrans « classiques ». Elle offre donc la possibilité de créer des supports de lecture munis de petites batteries, réduisant de fait leur poids et leur taille. Légers, nomades, ils offriront toutes les caractéristiques des journaux, avec en plus un contenu vivant, qui se réactualisera en temps réel.

Pour l’instant, l’E Ink n’offre que l’affichage en noir et blanc. À quand la couleur ?Nous sommes en train de développer le Color E Ink, mais il faudra attendre notre annonce officielle pour en savoir plus (N.D.L.R. : un prototype réalisé en partenariat avec la société Toppan a toutefois été présenté au public en octobre 2005, voir page suivante).

DavidJacksondirecteur marketingchez E Ink

QUESTIONSÀ

82 | www.stuffmag.fr

DEMAIN…

Texte Dorothée BécartIllustrations : Emmanuelle Neyret / Photos : DR

L’encre électronique est composée de millions de microcapsules du diamètre d’un cheveu, emprisonnées dans un film. Chaque capsule contient autant de particules noires que de particules blanches. Quand un courant

négatif leur est appliqué, les particules blanches remontent en surface, se rendant visible. Les particules noires font de même quand un courant positif est appliqué. Avec l’E Ink, « tourner » une page prend une seconde.

C’est un rituel auquel Luc se plie tous les matins : à peine sorti du lit, il descend acheter son quotidien préféré au kiosque du coin et s’accoude au zinc du café où il a ses habitudes, pour commenter l’actualité autour d’un expresso. « Au travail, on m’appelle “Luc les mains noires” » plaisante le jeune trentenaire. Quand on lui parle d’un journal électronique, téléchargeable sur un dispositif nomade – et, accessoirement, qui ne salit pas les doigts –, Luc se braque : « Lire sur un écran, c’est fatigant. Et puis mon journal, je le plie, je le roule, je l’écrase au fond de mon sac à dos si je veux ; je n’ai pas envie d’y faire attention comme à mon iPod, je suis assez malade comme ça quand il se prend une rayure ». En quelques phrases, Luc a exprimé les

principales réticences que les accros au café/clope/journal du matin opposent à la disparition du papier.

Et pourtant, le papier électronique, ou e-paper, est l’une de révolutions technologiques les plus attendues. « En fait, le papier électronique ou l’encre électronique viennent d’un besoin assez ancien, remontant à trente

ou quarante ans, d’avoir un papier qui à la différence du papier traditionnel serait réinscriptible, communiquant » analyse Bruno Rives, fondateur de l’observatoire Tebaldo, spécialisé dans les nouvelles technologies.

Le développement des nanotechnologies a accéléré le mouvement, rendant possible la création d’une encre numérique constituée de millions de microcapsules, de l’épaisseur d’un cheveu, dont le comportement varie en fonction des charges électriques qu’on leur applique (voir schéma). Xerox, grand acteur de l’impression,

« L’encre numérique est constituée de millions  

de microcapsules. »

Stuff56_082-84_Epaper.indd 82 18/09/06 19:04:58

Page 69: Dorothée Bécart - Book 2013

lE jouRnAldE dEmAin

www.stuffmag.fr | 83

DEMAIN…

Stuff56_082-84_Epaper.indd 83 18/09/06 19:05:00

Page 70: Dorothée Bécart - Book 2013

Deux géants des loisirs numériques ont placé leur pion sur l’échiquier de l’e-paper. Philips, par le biais de sa filiale iRex, a développé l’iLiad (1), un lecteur basé sur l’E Ink, et choisi par le quotidien belge De Tijd pour ses premiers tests. Commercialisé à 649 euros (!), il permet, outre la lecture de journaux ou d’ouvrages, de prendre des notes, voire de remplir des formulaires à la main avant de les expédier via le Web. Un peu échaudé par le semi-échec de ses eBook, Sony a toutefois tiré profit des avancées offertes par l’E Ink dès 2004 avec la gamme des LIBRIé, sortis uniquement au Japon au prix de 365 euros. Lors du CES 2006, la firme nippone a présenté un reader semblable, cette fois-ci tourné vers le marché américain, et potentiellement européen, le PRS-50 (2) ; mais sa sortie se fait encore attendre, outre-Atlantique comme dans nos contrées… Parmi les projets d’écrans flexibles, on trouve le Gyricon, de Xerox (3), et les essais de la firme britannique Plastic Logic (4). Enfin, les encres électroniques de Bridgestone et E Ink devraient bientôt s’affronter sur le terrain de la couleur : le géant du pneu a présenté, en juin dernier, un prototype d’écran couleur, le QR-LPD (5), tandis que la firme américaine a travaillé avec Toppan sur le prototype Gutenberg (6) présenté il y a un an. Il prend la forme d’un écran 12-bits (83 pixels par pouce).

Les Échos est le premier journal français à se lancer dans le papier électronique. Où en sont les tests ?En mars dernier, nous avons montré à quelques abonnés une version des Échos sur le LIBRIé de Sony. Nous avons travaillé sur une maquette, un prototype de ce que pourrait être le quotidien sur un petit format. Nous allons déployer une première offre pour les abonnés des Échos d’ici la fin de l’année. Aucun reader n’a encore été sélectionné, mais il est possible que nous en choisissions plusieurs. Le support flexible de Plastic Logic ne sera hélas pas prêt pour nos tests.

Le quotidien économique belge De Tijd n’a pas revu sa mise en page pour son édition en papier électronique. Ce n’est pas l’option choisie par Les Échos. Pourquoi ?C’est assez frustrant de devoir se contenter d’un PDF en format réduit, quand on peut ajouter du son, personnaliser son information en s’abonnant à des flux RSS, alimenter en direct certaines rubriques comme le courrier des lecteurs… Dans le cas des Échos, l’idée est de proposer un média nouveau, en complément du quotidien. Il pourra être lu comme l’édition classique mais proposera d’autres contenus, par exemple l’accès direct à l’annuaire des dirigeants…

D’après vous, le papier électronique va-t-il s’imposer rapidement auprès du grand public ?De grands acteurs s’apprêtent à sortir leurs produits. On restera sans doute sur du rigide pendant un certain temps, car les problèmes de fragilité et de stabilité de l’encre n’ont pas été résolus sur les supports flexibles. Pour ce qui est du contenu et de l’engouement du public, je pense qu’il va y avoir un phénomène à la iPod : Google commence à distribuer de la littérature libre de droit, et on trouve aujourd’hui des livres en peer-to-peer, comme autrefois des fichiers audio. À terme, des acteurs du marché qui vendent énormément de livres auront intérêt à ce que vous ayez le lecteur… Il est déjà question d’un reader gratuit.

BrunoRivesfondateur de Tebaldo, conseiller des Échos

QUESTIONSÀ

a présenté un prototype d’écran recourant à une encre de cet acabit, le Gyricon, dès la fin des années quatre-vingt-dix. Plus étonnant, Bridgestone, le géant du pneu, travaille depuis 2002 à l’élaboration d’une poudre ultra-fluide, l’Electronic Liquid Powder. À côté de ces poids lourds, attendus ou non sur ce créneau, la société E Ink, fondée en 1997 par des petits génies du MIT, semble avoir pris une longueur d’avance, moins sur le plan technologique que grâce à ses partenariats avec des grands noms de l’électronique comme Philips ou Sony, qui ont développé des readers utilisant l’E Ink (voir encadré ci-dessous). Chacun semble fourbir ses armes pour s’imposer sur le marché tout juste naissant des journaux électroniques nomades.

Car si l’encre électronique commence à s’immiscer dans nos vies quotidiennes – la première affiche utilisant le papier électronique a été dévoilée le 13 septembre dernier, à Paris, tandis que des écrans en e-paper vont bientôt équiper les rames de métro d’Hambourg, en Allemagne, pour diffuser des informations aux voyageurs – elle ne prend pas l’aspect « palpable » d’un bon vieux journal, celui qui salit les doigts de Luc tous les matins. Partout dans le monde, des groupes de presse commencent pourtant à s’y intéresser de très près. C’est le quotidien économique belge De Tijd qui a ouvert le bal en

Europe, offrant à 200 lecteurs la possibilité de tester une version électronique du journal sur l’iLiad, une tablette développée par iRex, filiale de Philips. En France, Les Échos devrait très prochainement commencer ses tests, auprès de 500 à 1 000 abonnés (voir entretien ci-contre).

Alors, le journal électronique (ou e-newspaper) va-t-il bientôt arriver dans nos poches ? Les dispendieux supports de Sony et de Philips, qui seront les premiers à être commercialisés, résisteront mal au traitement de choc que Luc fait subir à son canard favori. Et le papier

électronique flexible, développé entre autres par Plastic Logic, n’est pas encore totalement au point. Sans compter que E Ink, qui équipe de nombreux supports, est encore à l’heure du noir et blanc, bien que

le passage à la couleur soit envisagé prochainement.Malgré tout, le patron d’E Ink Corporation

reste optimiste ; il prévoit, d’ici 2015, le remplacement total des journaux en papier traditionnel par des e-newspapers. Il faut s’y faire : bientôt, vous ne pourrez plus afficher la Stuffette du mois au mur…

* Tebaldo est un observatoire stratégique des tendances et usages des nouvelles technologies, qui travaille actuellement à une version en papier électronique du quotidien économique Les Échos.

« La première affiche e-paper à été dévoilée à Paris  

le 13 septembre dernier. »

lA bAtAillEdEs REAdERs A commEncé

84 | www.stuffmag.fr

DEMAIN…

Stuff56_082-84_Epaper.indd 84 18/09/06 19:05:09

Page 71: Dorothée Bécart - Book 2013

« Les disques durs externes, c’est sexy! » Il y a encore quelques années,cette phrase aurait fait ricaner… Entre-temps, LaCie a dynamité le monde austèredes périphériques. Récit d’une ascension… made in France!

Les geeks ne sont décidément plus ce qu’ils étaient : on les imaginait enchaînés à de grosses tours beiges, et les voici qui se baladent en costume Armani, à peine déformé par le disque dur Porsche logé dans leur poche. Pendant ce temps, les geekettes assortissent leur garde-robe à leur Skwarim, sorte de bloc de Post-it rose fluo qui contient… 30 Go de données. Une révolution est passée par là : celle de LaCie, fabricant français de périphériques de stockage.

L’histoire de LaCie commence au fond d’un bar branché, à la fin des années 1980. À l’époque, Philippe Spruch, après une courte et brillante carrière dans le négoce international, vend des micro-ordinateurs en costume-cravate. Sa clientèle se limite alors aux grandes entreprises françaises, mais le débonnaire Alsacien sent que l’informatique est à l’aube d’un âge d’or. Il lui reste toutefois à trouver sa voie… Un Allemand sorti d’une rutilante décapotable s’accoude au zinc et le tire de sa rêverie. Il révèle à Philippe Spruch qu’il est en train de faire fortune avec son partenaire, Formac,

un fabricant de disques durs. « À forcede l’entendre m’expliquer à quel point c’étaitfacile à faire, je me suis dit que j’avais enfintrouvé le bon créneau. » L’«ancêtre»de LaCie, Électronique D2 (pour Disque Dur), démarre en 1989.

Bientôt lassé d’être entouré de grosses boîtes à chaussures, Philippe Spruch, sur un coup de tête, en expédie un carton

entier chez Philippe Starck, avec pour tout accompagnement un mot griffonné à la hâte (« Monsieur Starck, voilà la m… que nousfabriquons, pouvez-vous nous aider? »), et un numéro de téléphone. À peine une heure plus tard, le designer appelle, croyant d’abord à une plaisanterie, puis accepte de relever le défi. Et de fort belle manière : le K1

(prononcez Caïn), nommé ainsi en référence au gros œil bleu qui en orne la façade, est d’emblée propulsé au rang d’icône informatique. « Tous les fabricantsde disques durs externes faisaient des boîtesen tôle carrées, au format exact des Macde l’époque, se souvient Philippe Spruch. C’était avant tout utilitaire. Avec Starck,nous avons clairement tenté le diable ! »Une audace récompensée puisque, quatre ans plus tard, en 1995, Électronique D2 absorbe LaCie, une société américaine au positionnement similaire.

Si l’entreprise fondée par Philippe Spruch perd au passage son nom, elle gagne en notoriété sur le continent américain tout en conservant une forte identité européenne. La marque multiplie les collaborations avec des designers de renom, de Christophe Pillet à Karim Rashid en passant par Ora-Ito, le jeune prodige français qui a récemment signé les disques durs Brick en forme de Lego. LaCie signe également quelques jolis succès en collaboration avec FA Porsche Design, dont un très classieux lingot en magnésium

« Sur un coup de tête, il expédie un carton entier

de disques durs chez Philippe Starck. »

LACIE

Texte Dorothée BécartPhotos Ivanoël Barreto

052-053-sucess.indd 52 15/05/06 23:14:40

Page 72: Dorothée Bécart - Book 2013

que Philippe Spruch a pensé, un temps, dorer à la feuille d’or pour séduire les Asiatiques, friands d’objets clinquants. « Étant donné que nous sommes dix foismoins nombreux qu’eux, on va dire que c’est nousqui avons mauvais goût », plaisante le P.-D.G. de LaCie, rappelant au passage son attachement aux designs simples et épurés des Scandinaves. « Philippe part avecdes flashs, des idées, explique Marie, chef de produit. Aux designers de dessiner la boîte autour. »

En misant gros sur le design, LaCie brise l’image austère des fabricants de hardware. De quoi attirer encore davantage le grand public, qui ne craint plus d’acheter des périphériques depuis l’avènement de l’USB. « Quand on conçoit un produit, la premièrechose que l’on a en tête, c’est la faisabilité technique.La seconde, c’est l’utilisateur final, reconnaît Gilles, ingénieur au siège parisien. Dès que quelqu’unnous dit : “Là, je ne comprends pas”, nous faisonsdemi-tour. » Et si la marque a autant fait parler d’elle en s’associant avec Porsche, c’est aussi bien grâce au design épuré du boîtier qu’à sa simplicité d’utilisation : « Nous avons tellement travaillél’interface, se souvient Philippe Spruch, que les clientsont cessé de nous appeler pour demander commentfaire fonctionner le produit. » L’objet, hype et simple,

se vend comme des petits pains, tandis que le chiffre d’affaires de LaCie double. Depuis, l’entreprise continue son petit bonhomme de chemin, et la stratégie de Philippe Spruch est claire : ne pas avoir peur de viser des niches de consommateurs dédaignées par les autres marques. « Lorsque nousfaisons un boîtier rose, nous divisons notre marchépar deux, analyse le P.-D.G. de LaCie. Mais nousallons aussi chercher une clientèle délaissée, quenos concurrents n’arrivent pas à toucher. » Et cette tactique se révèle payante en terme d’image :« Si nous ne réalisons pas des ventes phénoménalessur un produit comme le Skwarim, nous faisonstout de même parler de nous », remarque Nolwenn, chef de produit.

Le prochain défi de LaCie sera sans doute le plus complexe à relever : la marque se lance en effet dans les disques durs en réseau, un marché que se disputent déjà des géants comme Seagate, Cisco ou Sony. « Au fur et à mesure de notre évolution, nous sommespassés de grand parmi les petits, à petit parmiles grands, constate Philippe Spruch. Tant mieux :nous allons retrouver la souplesse de nos débuts. »Tenace et combative, l’équipe de LaCie n’est pas près de nous fausser compagnie…

BRIQUES ET CARTESORANGE

Décidément, LaCie donne des couleurs aux

ternes rayons consacrés aux périphériques

de stockage. Après les briques de construction

signées Ora-Ito, la marque sort les Skwarim,

minidisques durs de 30 et 60 Go, déclinés

en rose fluo et bleu turquoise. Cette création

du designer New-Yorkais Karim Rashid devrait

faire fureur dans les sacs à main! Autre

nouveauté : le LaCie Rugged, disque dur

tout-terrain protégé par une coque antichoc

et dessiné par Neil Poulton. LaCie propose

également des périphériques de stockage

plus « légers», comme la Carte Orange,

qui renferme 8 Go dans un boîtier fin

comme un nano, mais également des écrans

réservés aux professionnels de la PAO

et des graveurs de DVD.

052-053-sucess.indd 53 15/05/06 23:14:57

Page 73: Dorothée Bécart - Book 2013

ma vision du futur

46 | www.stuffmag.fr www.stuffmag.fr | 47

Le dernier ouvrage du futurologue Joël de Rosnay est consacré à l’Internet. Quelle est sa vision de la Toile à court et long terme ?

Votre livre utilise la rhétorique de la lutte des classes pour décrire le combat existant entre « pronétaires » et « infocapitalistes ». Mais cela suppose un monde hyperconnecté : la vraie fracture ne se situerait-elle pas entre les connectés et les non-connectés ?Il y a évidemment coexistence des deux types de fractures. Mais il est possible que la « lutte des classes » entre pronétaires et infocapitalistes soit moins dure que celle, traditionnelle, décrite par Marx pour le monde du travail. En effet, « l’empire contre-attaque » dans un premier temps, puis… collabore. Pour ce qui concerne les connectés et les non-connectés, c’est à la fois un problème économique (pouvoir se payer le matériel, les connexions) et culturel : les fractures existent aussi entre les générations. Pourtant, l’hyperconnexion se propage dans des pays jadis défavorisés. Pour preuve : l’essor des téléphones portables, des antennes de télévision par satellite et des accès à Internet, par exemple en Amérique du Sud, en Afrique du Nord ou en Chine.

De la même manière, ne sommes-nous pas inégaux face au flot d’informations qui nous submerge ? Vous évoquez la nécessité d’un « bagage cognitif » et le défi éducatif que cela implique pour l’avenir…On peut se protéger de l’« infopollution », mais tout le monde n’en est pas encore capable, faute de connaître les méthodes adaptées. Il s’agit d’offrir à chacun les bases d’une « diététique de l’information », c’est-à-dire d’éviter les phénomènes de boulimie et ne garder de cet excès d’information

que les ingrédients essentiels à l’épanouissement personnel et professionnel. Par ailleurs, face aux phénomènes de rumeurs et de désinformation, chacun devra apprendre à être vigilant, à comparer, discuter et recouper les sources.

Vous évoquez l’expérience de deux sénateurs qui ont donné la possibilité à des internautes d’intervenir dans la rédaction d’un projet de loi. Imaginez-vous une sixième République intégrant explicitement l’internaute à la démocratie ?Les citoyens sont en train d’inventer une nouvelle démocratie : non pas une « E-démocratie »caractérisée par le vote à distance via Internet, mais une démocratie s’appuyant sur les médias des masses. Infocapitalistes et politiques en saisissent encore mal les enjeux. C’est l’espoir d’une forme de démocratie participative. Je ne dis pas qu’on va obligatoirement y parvenir, mais le phénomène des blogs, des forums, des journaux citoyens, des « wikis », montre que la participation, la cogestion, la corégulation citoyennes, espoirs de nombreux politiques au cours des dernières décennies, trouvent de nouvelles formes et voies d’expressions pronétariennes.

Vous comparez le Web au cerveau humain et prévoyez l’avènement d’un macro-organisme planétaire, avec mise en réseau des intelligences humaines. Si Internet est aujourd’hui capable de répondre à bon nombre de questions, pensez-vous qu’il puisse, à terme, avoir une conscience ?Les hommes construisent « de l’intérieur »,

Interview Dorothée BécartPhotos D.R.

Joël de RosnayDocteur ès Sciences, Président exécutif de Biotics International et Conseiller du Président de la Cité des Sciences et de l’Industrie de la Villette dont

il a été le Directeur de la Prospective et de l’Évaluation jusqu’en juillet 2002, Joël de Rosnay a longtemps été chroniqueur scientifique sur Europe 1. Il est également l’auteur de nombreux ouvrages de prospectives, dont le

dernier, La Révolte du pronétariat, (coécrit avec Carlo Revelli) s’interroge sur l’avènement d’un cinquième pouvoir, celui des médias des masses qui prolifèrent sur le Web. Blogs, Wikis, Moblog : tout y passe…

l’InteRnetMA VISION De…

ma vision du futur

Du futuR

stuff52_046-47.indd 46 14/04/06 20:02:23

Page 74: Dorothée Bécart - Book 2013

46 | www.stuffmag.fr www.stuffmag.fr | 47

un macro-organisme planétaire, une sorte de cerveau dont nous devenons les neurones, des millions d’usagers, de pronétaires, contribuent à enrichir ce meta-ordinateur parallèle que l’on appelle aujourd’hui Internet ou le Word Wide Web. Bien au-delà de ce que l’on appelle aujourd’hui « l’opinion publique » que mesurent régulièrement les sondages et bien au-delà de ce que Jung, après Freud, appelait la « conscience collective », on voit peut-être émerger une « co-conscience collective réfléchie ». À un moment donné, il est fort possible que le système global de communication que nous avons « exporté » de nous-même, extériorisé de notre corps, prenne conscience et se pose cette grande question : qui décide, pour faire quoi, pour aller où ? Cette co-conscience collective peut rester en lutte en son sein et donc devenir schizophrène. Elle peut aussi allier ses ressources autour de grands desseins de l’humanité. Si oui, la question est de savoir lesquels…

est-ce que l’intelligence artificielle à laquelle nous rêvons tous, ça ne serait pas cela ?Le terme « d’intelligence artificielle » me paraît mal adapté. Qu’est-ce que l’intelligence artificielle alors qu’on ne sait pas encore définir – et a fortiori transférer à une machine – l’intelligence naturelle ? La créativité humaine dépend de nombreux facteurs. On sait notamment que les outils de traitement, de stockage et d’échange d’informations peuvent contribuer à accroître la créativité et l’innovation. Il faudrait donc plutôt parler, à mon avis, d’intelligence « répartie » ou d’intelligence « collective ». Dans ce cas, oui : l’intelligence répartie dans de nombreux outils de communication ou l’intelligence collective catalysée par les échanges sur Internet, peuvent rendre l’homme plus créatif. Des chercheurs

en font la preuve quotidiennement. Internet et surtout l’Internet mobile (le MobilNet) catalysent ces nouvelles formes d’intelligence collaborative, comme l’a souligné Howard Rheingold dans son livre Smart Mobs.

Concrètement, à quoi, selon vous, ressemblera l’interface permettant l’accès au Web, demain ? est-il possible qu’elle soit intégrée au corps humain ?Avec le Wi-Fi et prochainement le Wimax, on est en train de construire une Toile sans fil, qui connecte déjà entre eux, et à haut débit, les PDA, les Pocket PC et les téléphones portables. Parallèlement, des recherches autour du thème de la biotique – fusion de la biologie et de l’informatique – explosent actuellement

dans des dizaines de laboratoires dans le monde en particulier grâce à l’essor des nanotechnologies. À terme, ces recherches pourraient donner naissance à des circuits électroniques moléculaires et rendre possible le développement d’interfaces bioélectroniques entre l’homme, les ordinateurs et les réseaux. Des chercheurs sont parvenus à communiquer avec leur environnement et à être reconnus par des systèmes de sécurité grâce à une puce implantée dans le bras !

Quels autres « objets intelligents » directement liés à la révolution pronétaire pourraient, selon vous, voir le jour ?On peut imaginer des vêtements intelligents

dotés de capteurs biologiques permettant de transmettre par Bluetooth ou Wi-Fi des bilans de santés réguliers d’une personne âgée. Couplés au GPS, ils pourront par exemple permettre de signaler sa position aux ambulances en cas de malaise. Ce type de convergence esquisse l’infrastructure informatique du futur.

Comment voyez-vous, aujourd’hui, les quelques tentatives de construire des objets tels que nabaztag, lampe DAl, etc. ?Ces objets me paraissent un peu « gadgets » ! Je crois plus à l’importance de ce que l’on appelle les BMI (Brain Machine Interfaces) ou BAT (Brain Activated Technology). Nous n’avons encore rien vu dans nos relations symbiotiques aux machines. Les quinze prochaines années vont connaître une accélération sans précédent. Le temps n’est pas linéaire. Il est plus « dense » du présent vers le futur que du présent vers le passé. Les vingt années à venir seront peut-être équivalentes en « densité temporelle » aux deux siècles passés. L’accélération du temps va faire des BMI un des grands thèmes du futur pour la communication avec les machines. Mais attention : ce qui va du corps humain vers la machine pourra également aller de la machine vers nous. On sait déjà créer des environnements propices à la sécrétion de certaines hormones dans le corps, en particulier, pour favoriser la production d’hormones d’équilibre et de bien-être. Un individu pourrait ainsi être plongé, sans le savoir, dans un environnement où il se sentira si détendu qu’il sera susceptible de signer un contrat sans le négocier ! Ces nouvelles interfaces « biotiques » sont donc riches de promesses, mais aussi lourdes de dangers. À nous de savoir nous informer pour construire notre avenir de manière responsable, plutôt que de le subir.

« Internet est comme un cerveau dont

nous devenons tous les neurones. »

l’InteRnetMA VISION De…

ma vision du futur

Du futuR

stuff52_046-47.indd 47 14/04/06 20:02:35

Page 75: Dorothée Bécart - Book 2013

Il contestait déjà la suprématie de votre iPod et de votre appareil photo. Voilà qu’à présent le téléphone mobile s’apprête à remplacer vos tickets de bus et votre carte de crédit ! Stuff a enquêté sur cette nouvelle révolution à l’étrange nom de code : le « sans-contact ».

Mobilesà tout faire !

LA GUERRE DES NORMES

36 | www.stuffmag.fr

DEMAIN…

Texte Dorothée BécartIllustrations Emmanuelle Neyret Photos : DB / DR

Depuis cet automne, une partie des Strasbourgeois s’est muée en une étrange faune dyslexique qui, au moment de régler ses achats, sort, en lieu et place sa carte de crédit, son téléphone mobile ! Et le pire, c’est que les commerçants de la capitale alsacienne s’en émeuvent à peine. Bien au contraire, ils encouragent ce vice insolite en leur tendant un terminal de paiement à l’allure futuriste. De paisibles Strasbourgeois venus chercher un simple tube d’aspirine à la pharmacie de l’Homme de fer ont même envisagé un traitement plus sérieux quand ils ont constaté, médusés, que le patron de l’officine acceptait sans broncher cette transaction conclue en quelques secondes, sans monnaie, sans chèque, sans carte de crédit, et sans… contact !Pas moins de 105 commerçants de la région participent à cette surprenante expérience pionnière, qui permet à quelques privilégiés de payer grâce à leur téléphone portable, un Sagem My700XI muni d’une puce et d’une antenne NFC (voir encadré ci-contre), la carte bancaire étant intégrée à la carte SIM du téléphone. Il suffit de le présenter à 5 centimètres d’un lecteur prévu à cet effet, de saisir son code, puis de le présenter une seconde fois pour conclure la transaction. Tellement simple et fun qu’Anne-Marie, l’une des 200 « cobayes » de cette opération – menée conjointement par le Crédit mutuel, la CIC, SFR et NRJ Mobile – y a pris goût, au point d’y sacrifier certaines de ses petites habitudes : « Je vais chercher mon sandwich dans un point de vente équipé plutôt que dans ma boulangerie préférée ». Les réticences des utilisateurs s’envolent vite à l’usage : « C’est plus sûr qu’une carte bancaire ; le système de cryptage va plus loin ; et puis, on ne se sépare pas du téléphone pendant la transaction » assure Bernard Sadoun, responsable des relations extérieures du Crédit Mutuel Centre-est Europe. En octobre, la capitale européenne sera rejointe par Caen. Cette fois-ci, ce sont tous les opérateurs téléphoniques français et plusieurs banques qui joindront leurs efforts pour cette dernière étape

avant le lancement à grande échelle de ce service, prévu pour fin 2008.

Pendant ce temps, à Grenoble, le Sagem My700xi fait office… de ticket de bus ! Après une expérience parisienne menée avec la RATP, Bouygues Télécom teste son ticket mobile, ou plutôt son mobile-ticket, sur le réseau de transport urbain grenoblois. À Paris, le téléphone – un NEC 401i équipé d’une puce NFC – permettait d’acheter ses tickets à tout instant via I-mode. Il suffisait alors de passer le mobile au-dessus des bornes Navigo pour débloquer le portillon, comme des millions de Parisiens le font quotidiennement avec leur passe. « On a eu un retour clients excellent, avec un taux d’adhésion qui dépasse les 90 % » s’enthousiasme Laurent Jullien, le directeur des services sans-contact de Bouygues Telecom. Le test grenoblois propose, en plus, de faire du mobile un véritable

système d’information en temps réel : les voyageurs munis de leur portable sans-contact sont informés des perturbations, et peuvent même obtenir des informations contextuelles en le pointant vers…

une affiche intelligente ! Une technologie « made in France », développée par une PME promise à un bel avenir : Inside Contactless. « Dès qu’il y a des menus, ça fait chuter le taux d’usage des applications, constate Philippe Martineau, le vice-président exécutif NFC de l’entreprise. Au bout de trois clics, on a perdu tout le monde. Là, je passe mon mobile sur un logo qui me dit qu’il y a un service. Ce simple geste va lancer l’application correspondante ».

Car toutes les applications qui découlent du sans-contact participent de la même philosophie : la recherche de la simplicité. Un petit coup d’œil vers le Japon, qui utilise cette technologie à grande échelle depuis 2004 avec la norme Felica promue par NTT DoCoMo (voir encadré ci-contre), donne un avant-goût de ce que nos mobiles pourront bientôt faire. Là-bas, il est en effet tout naturel d’acheter son soda préféré en passant son mobile devant le distributeur ; de collecter les points de fidélité en passant son portable devant des bornes prévues à cet effet ; et les businessmen pressés peuvent télécharger

« Au Japon, on achète déjà son soda au distributeur 

avec son mobile. »

L’histoire encore toute jeune du sans-contact n’a pas été un long fleuve tranquille. Dans un premier temps, Sony a fait cavalier seul au Japon avec l’I-mode Felica, adopté aujourd’hui par 25 millions d’abonnés mais non exportable hors du marché nippon. Sony et Philips, à travers sa filiale NXP ont les premiers mis au point « leur » standard international de sans-contact, le NFC (Near Field Communication), très fermé et destiné à ne fonctionner qu’avec des interfaces radio propriétaires, bientôt rejoints par d’autres grands noms comme Nokia ou Microsoft au sein du NFC Forum. Inside Contactless, PME française, a fini par s’imposer dans ce concert de grandes marques avec « son » NFC, l’eNFC (pour Enhanced Near Field Communication), compatible avec des interfaces préexistantes – comme les bornes Navigo du métro parisien –, ce qui laisse espérer un lancement plus rapide et moins fastidieux des nouveaux services liés au mobile, tout au moins en France. Présent sur toutes les expériences pilotes en France, mais aussi en Chine, Corée du Sud, Malaisie, Taïwan et bientôt aux USA, le « sans contact à la française » d’Inside Contactless vise donc à l’universalité, et est notamment inclus dans le mobile sans-contact développé par Sagem. Il propose en outre des services supplémentaires, comme le « Smart Poster », affiche intelligente qui dialogue directement avec le téléphone.

Stuff63_036-38_DOSSIER_Mob.indd 36 20/04/07 20:07:14

Page 76: Dorothée Bécart - Book 2013

Mobilesà tout faire !

www.stuffmag.fr | 37

DEMAIN…

C’est le terme générique qui désigne les technologies se situant à mi-chemin entre les balises RFID et les réseaux sans-fil (Bluetooth ou Wi-Fi). Déjà présent sur des badges d’accès ou des cartes de transport comme le passe Navigo à Paris, le sans-contact fonctionne à faible distance, en mode point à point, ce qui permet d’effectuer des échanges de données en toute sécurité. Depuis 2004, des expérimentations sont menées pour intégrer le sans-contact aux téléphones mobiles.

Mais en fait, c’est quoi, le sans-contact ?

Stuff63_036-38_DOSSIER_Mob.indd 37 20/04/07 20:07:36

Page 77: Dorothée Bécart - Book 2013

- Le M-ticketing : Également appelé « SMS-image », il se présente sous la forme d’un code-barres reçu par SMS ou MMS. C’est un lecteur de code-barres semblable à ceux dont se servent les employés des supermarchés qui sert ensuite à lire le ticket électronique. Encouragé par France Telecom et Orange en France dès 2004, le M-ticketing est aujourd’hui bien implanté ; la société Digitick (www.digitick.com) s’est même spécialisée dans la vente de tickets virtuels. Dans certains pays, comme l’Allemagne sur son réseau Deutsche Bahn, le M-ticket sert même de titre de transport.Avantage : Ce M-ticket peut s’afficher sur tous les téléphones.Inconvénient : Imaginez que la batterie tombe en rade pendant que vous vous rendez au concert des Stones au Stade de France…

- Le Flashcode : C’est l’inverse du M-ticketing. Cette fois-ci, c’est le téléphone qui scanne, via son appareil photo, un code-barres placé sur une affiche ou dans un magazine et qui, par la suite, lui donne accès à des services.Avantage : Il est simple à mettre en place.Inconvénient : Il nécessite que votre téléphone soit capable de lire les codes-barres. La société Mobiletags se charge d’implémenter le support du Flashcode sur des mobiles tels le Nokia N70.

- Le Bluetooth : Il n’a pas dit son dernier mot, notre bon vieux Bluetooth. Une société française, Kameleon, équipe le mobilier urbain de ses boîtiers Mobizone, dans lesquels sont stockées informations et contenus multimédias que l’on peut télécharger via Bluetooth lorsqu’on passe devant une affiche publicitaire ou un plan.Avantage : Les usages sont multiples. Par exemple, de passage devant un cinéma équipé, il est possible de télécharger horaires et bandes-annonces sur son mobile.Inconvénient : Le Bluetooth reste notablement gourmand en énergie.

Arrivée à Strasbourg. Dans la première boulangerie où j’entre s’affichent les deux fiertés de la ville : le fameux Bretzel et un terminal de paiement sans contact.

Chez plusieurs commerçants du centre-ville, je repère l’écriteau « Ici, on paie avec son mobile ». À ce jour, 105 commerçants se sont équipés du terminal de paiement : fleuristes, coiffeurs, restaurateurs…

Même les bonnes tables strasbourgeoises sont équipées. À la Taverne du sommelier, le terminal de paiement a quelques ratés ; mais les cafouillages sur le terrain servent aussi à améliorer le système avant sa mise en place à grande échelle…

À la pharmacie de l’Homme de fer, je tends le mobile à 5 cm du lecteur. De suite, le prix de mon aspirine s’affiche sur mon écran. Je saisis mon code et repasse mon mobile devant le lecteur. Pas de quoi avoir mal au crâne !

UNE JOURNÉE À STRASBOURG Ville pilote du paiement par mobile

la « clé virtuelle » de leur chambre d’hôtel sur leur téléphone ! Posséder un téléphone-couteau suisse n’est évidemment pas dénué d’inconvénients. En cas de vol, l’utilisateur perd, en plus de son téléphone, sa carte bancaire, ses cartes de fidélité et ses titres de transport. « Perdre son portefeuille avec toutes ses cartes, c’est entamer un parcours du combattant pour y faire opposition, puis pour les récupérer », tempère Laurent Jullien. « Avec le mobile, je peux tout bloquer tout de suite et retélécharger mes applications ». Il faut dire que les opérateurs militent pour une intégration des applications dans la carte SIM – celle-ci est reliée à la puce NFC par le Single Wire Protocol, une technologie développée par Inside Contactless –, autant pour garder le contrôle sur les applications que pour faciliter la vie des utilisateurs finaux en cas de changement de téléphone.Mais quid, justement, des mobiles NFC ? Fort de ses

expérimentations menées de concert avec Visa – qui ont abouti, au dernier CES de Las Vegas, à la présentation d’une plate-forme de paiement complète – Nokia commercialise déjà son propre modèle, le 6131NFC, dans certains pays européens. Chez Sagem, on assure être prêt : « On pense être bien placés auprès de nombreux opérateurs, français et étrangers »

assure Olivier Charlanes, directeur des activités convergence chez Sagem Communication. « Le but, c’est qu’en 2008, on fasse un vrai lancement commercial ». Et la marque

française de mettre en avant le fait que les fonctions de base de son téléphone (ticket de métro), pourront fonctionner même le mobile éteint ! Reste à espérer que tous les acteurs du sans-contact (banques, sociétés de transport, opérateurs téléphoniques et constructeurs de mobiles) se mettent au diapason pour que ces petits prodiges débarquent bientôt dans nos poches.

« Avec le mobile, je peux faire opposition tout de suite 

et recharger les logiciels. »

D’autres oPtioNs D’aVeNir

38 | www.stuffmag.fr

DEMAIN…

Stuff63_036-38_DOSSIER_Mob.indd 38 20/04/07 20:08:06

Page 78: Dorothée Bécart - Book 2013

COUP DE COE URSUR LE WEBInédits, futurs « meilleurs groupes du monde » et découvertes…

CAT POWER – Jukebox HHHHI

Chan Marshall, alias Cat Power, revient de loin : il n’y a pas si longtemps, elle envoyait balader ses fans en les plantant en plein concert, entre deux verres d’alcool bien fort. Puis vint The Greatest, album de la dernière chance dont le succès critique et public – sa chanson-titre hante même le dernier Wong Kar-Wai – a considérablement apaisé la jeune femme. Dans ce nouvel album, où se côtoient reprises et inédits, son joli brin de voix se heurte à des monuments soul (Lost Someone de James Brown), se montrant beaucoup plus à l’aise avec les univers de Bob Dylan, Joni Mitchell et Janis Joplin. Une bien jolie pause, en attendant son prochain disque… Matador / Beggars | 21 janvier

CARIBOU – AndorrA HHHHI

En voilà au moins un qui assume pleinement ses origines : Daniel Snaith, alias Caribou, a grandi, comme son surnom l’indique, au Canada. Et son deuxième album sous cette identité animale ne fait pas mentir l’adage en vogue – selon lequel c’est au Canada qu’il se passe les choses les plus intéressantes musicalement (voir Arcade Fire et The Broken Social Scene). Album-trip mélangeant joyeusement rock psyché (After Hours), pop façon Brian Wilson (Sandy) et électro (Irene), Andorra est porté par sa première chanson, Melody Day, petit trésor mélodique tissé d’arrangements de haute volée.Cooperative Music | Disponible

HOPPER – deer GIrL HHHHI

Contrairement aux apparences, Hopper ne vient pas du Grand Nord – le groupe ne fait que suivre la grande mode des têtes de cerf, déjà présentes sur la pochette de Pigeon Detectives. Ce duo féminin français d’expression anglaise, aux influences multiples – un soupçon d’Interpol (Tomorrow is a Mystery), beaucoup des Yeah Yeah Yeahs dans l’interprétation viscérale (Rock’n’Roll High) et pas mal de Sonic Youth dans les compos – a de l’énergie à revendre. Produit par Ryan Hadlock (déjà aux manettes des albums de The Gossip et des Blonde Redhead), ce petit bijou hexagonal d’une efficacité redoutable en remontre sans peine aux groupes indés américains. MVS / Anticraft | 28 janvier

SyD mattERS, REvIvaL SEvEntIES

SOmmaIRE : CD P. 96-97 - DvD P. 98-99 - JEUX p. 100-101

COMPILATION – PAS Vu À LA TV 2 HHHHI

Voici le deuxième volet de cette compilation regroupant une cinquantaine d’artistes français dits « alternatifs ». De la chanson à texte, sage (Aldebert) ou déjantée façon David Lafore Cinq Têtes au rock métissé de Zong, en passant par les élégantes divagations de Jack The Ripper et l’humour noir de Didier Super, c’est tout l’éclectisme d’une scène hexagonale – qu’on a tendance à réduire à deux ou trois têtes d’affiche – qui est ici donné à entendre, faute d’être vu… à la TV. Trois galettes à prix très doux qui donnent envie de se ruer chez son disquaire pour rattraper le temps perdu !Écho Productions / Exclaim | Disponible

• Le dernier clip d’Arcade Fire est un petit bijou : il s’agit en réalité d’une animation Flash interactive, pleine d’humour noir et de surprises déconcertantes. À découvrir sur www.beonlineb.com• Barth, petit cousin frenchy de Beck, sort son prochain album en mars. Et en offre un petit avant-goût bien appétissant en vidéo sur son Myspace, myspace.com/barthroom• La jolie découverte du mois : Feeric Chimney, un groupe français originaire de Poitiers et d’Angers, dont quelques compositions sont à écouter sur myspace.com/feericchimney.

Textes Dorothée Bécart

SyD MATTERS – GhoST dAyS HHHHHIl y a cinq ans, Jonathan Morali – alias Syd Matters – remportait le concours CQFD des Inrockuptibles, le même qui a couronné, cette année, le joli duo néo-folk Cocoon. Deux albums plus tard, entouré de fidèles musiciens, le Parisien continue de tracer sa route pop-folk, quelque part entre le Pink Floyd du début – comme le suggère son pseudo-clin d’œil et la fin de I’ll Jackson, avec son « Shame on you crazy Jackson » sans ambiguïté – et Radiohead – le final complexe de It’s a

Nickname –, avec un soupçon de Rufus Wainwright dans l’interprétation. Très autobiographique, Ghost Days voit Syd relater ses pérégrinations nocturnes, à la limite du somnambulisme, soutenu par un piano-confident (le magnifique I was Asleep) ; s’égarer en effrayantes digressions dans l’étrange Louise 10 ; laisser ses émotions affleurer dans des harmonies vocales sur le fil (Cloud Flakes). Ghost Days ouvre en beauté l’année 2008 sur la scène alternative française, décidément riche et surprenante.Because | 14 janvier

Phot

o Ja

son

Gla

sser

96 | StUFF

Stuff muSique

Page 79: Dorothée Bécart - Book 2013

StUFF | 97

Un mode de distribution audacieux, un groupe qui prend son indépendance : In Rainbows a déjà beaucoup fait parler de lui ces derniers mois, plus à cause du séisme qu’il a provoqué dans le monde de la musique que pour

son contenu. Maintenant qu’il sort dans les bacs (cette fois-ci à prix fixe), le dernier album de Radiohead existe enfin en tant qu’œuvre, dépassant le statut de simple phénomène. Et quelle œuvre ! Beaucoup plus accessible que les trois albums précédents – Kid A, Amnesiac et Hail to The Thief – In Rainbows est une magnifique

synthèse de quinze années d’une recherche musicale sans répit, entre fulgurances et intransigeance. Si l’efficace Bodysnatchers évoque l’adolescence du groupe – avec un son proche de The Bends –, les splendides accès mélancoliques de Nude et Reckoner renvoient, eux, à la carrière post-OK Computer du quintet et à la tentative solo de Thom Yorke, The Eraser. Sommet de l’album : Faust Arp, ballade dépouillée sur fond de cordes envoûtantes qui évoque Try Some, Buy Some de George Harrison (récemment repris par David Bowie). Ce morceau donne à lui seul le ton d’In Rainbows, album d’un groupe en paix avec lui-même. Enfin.XL Recordings / Beggars | 31 décembre

RADIOHEAD - In rAInboWS HHHHH

Stuff muSique

Page 80: Dorothée Bécart - Book 2013

COUP DE COE URSUR LE WEBInédits, futurs « meilleurs groupes du monde » et découvertes…

STEREOPHONICS – PULL THE PIN HHHHI

Après la fraîcheur pop de Just Enough Education to Perform, l’album qui leur avait ouvert les portes de la gloire avec le joli Have a Nice Day, Stereophonics avait pris un tournant plus rock, même si leur plus grand succès, Maybe Tomorrow, tenait plus de la ballade mélancolique mainstream que du brûlot punk. Les premières notes de Pull the Pin remettent les pendules à l’heure, avec le rageur Soldiers Make Good Targets. L’album culmine avec l’efficace I Could Lose Ya, mais c’est décidément quand il met ses guitares en veilleuse, comme sur le charmant Bright Red Star, que le groupe se montre le plus attachant. V2 | 15 octobre

MOTHER AND THE ADDICTS – SCIENCE FICTION ILLUSTRATED HHHHH

Séquestré depuis deux ans par le duo versaillais Air qui semble le maintenir dans un état végétatif à coup de puissants narcoleptiques, l’esprit de Jarvis Cocker semble avoir réussi à échapper à la vigilance de ses geôliers pour s’incarner en Mother, le chanteur de Mother and the Addicts. Cette troublante gémellité vocale trouve son écho dans le son du groupe, qui fait la part belle aux synthétiseurs eighties – certains morceaux sonnent comme d’hypothétiques bonus à His’n’Hers… – et une production disco qui n’est pas sans évoquer les flamboiements kitsch d’un Countdown. Le disque que Pulp n’a jamais enregistré ! Pias | Disponible

DOMINIC SONIC – PHALANSTÈRE 7 HHHHI

Chanteur rageur de Kalashnikov, parolier de Bashung, copain de scène des Stooges, Curiste éclairé – il figure dans la playlist de la compilation hommage Imaginary Songs –, Dominic Sonic a connu mille vies musicales, surtout du côté obscur. Après des années de déboires divers et variés, il revient dans la lumière avec cet album électrique, juvénile et culotté, jusque dans sa reprise très inspirée du Mother de John Lennon. Aussi à l’aise en français qu’en anglais, le Breton rescapé des eighties et revenu de tout ne parle de toute façon qu’une seule langue : le rock. Et ça balance ! Village vert / Wagram | 15 octobre

FIELDS, CHamPS DU POSSIBLE

SOmmaIRE : CD P. 108-109 - DVD P.110-111 - JEUX P.112-113

ASOBI SEKSU – CITRUS HHHHI

Si vous n’êtes pas encore prêt à vous jeter à corps perdu dans la très foisonnante scène J-Pop (registre somme toute passablement varié), voici un – flamboyant – compromis : Asobi Seksu (littéralement, « le sexe ludique »), groupe américano-nippon, se joue des barrières linguistiques et culturelles, mélangeant habilement anglais et japonais, pop kawai et grosses guitares. La légère acidité noisy de ce Citrus trouve d’ailleurs son parfait contrepoint dans la voix sucrée et haut perchée de la chanteuse Yuki, joli petit elfe qui donne toute son âme à ce premier opus aérien, enchanteur et… bruyant. One Little Indian / Discograph | Disponible

• Montevideo, notre coup de cœur de septembre, ne sortira finalement son premier album que le 15 octobre en France. En attendant de vous jeter sur la bombe sonore de la rentrée, allez faire un tour sur myspace.com/montevideotheband et régalez-vous avec le clip de leur premier single, Sluggish Lovers, dans lequel le groupe joue sur des guitares… humaines !• Tahiti Boy and the Palmtree Family ne sévit pas sous les cocotiers polynésiens, mais bien sur la scène parisienne. Découvrez leurs jolies rengaines pop / rock sur myspace.com/tahitiboyfamily.• Les Yarrows arrivent bientôt chez nous. Découvrez sans tarder ces Américains inspirés sur myspace.com/theyarrows.

Textes Dorothée Bécart

FIELDS – EvERyTHINg LAST WINTER HHHHH

Avec ses allures de vieux bouquin aux pages cornées, le premier album de Fields affiche d’emblée le credo du groupe : faire du vieux avec du neuf. Everything Last Winter inscrit ces jeunes anglo-islandais dans la mouvance neo-vintage à laquelle s’apparentent tout aussi bien les mélodistes éclairés de Sparklehorse, chez qui la patine se manifeste par quelques craquements de vinyle ou un chapelet de notes nostalgiques tirées d’un mellotron, que les folkeux de Midlake, incarnation nouveau siècle des hippies seventies. Les superbes

harmonies entre voix féminine et masculine évoquent le lyrisme médiéval d’Espers et savent rendre inoubliables des mélodies laconiques comme celle de Schoolbooks. On se laisse assez vite aller à des rêveries stratosphériques que l’âpre The Death, avec ses accents de cold-cold wave à la Interpol, interrompent brutalement. La seconde moitié de l’album, avec ses envolées pleines de grâce, consolera les orphelins de Grandaddy. Conte nordique riche et foisonnant, Everything Last Winter est l’acte de naissance d’un grand groupe, proche des plus grands, mais unique en son genre. Pias | Disponible

108 | STUFF

Stuff muSique

Page 81: Dorothée Bécart - Book 2013

STUFF | 109

Scoop : Pete Doherty, l’ex de Kate Moss-la-brindille, le copain de beuverie d’Amy Winehouse, Pete Doherty, dont même le chat est cocaïnomane, Pete Doherty fait aussi… de la MUSIQUE ! Abonné aux couvertures de la presse

people, l’enfant terrible du rock anglais laisse souvent ses frasques éclipser sa carrière. Et c’est bien dommage, car son groupe post-Libertines (rappelons que les Libertines avaient splitté en 2004 en deux entités, Pete Doherty créant les Babyshambles d’un côté, Carl Barat les Dirty Pretty Things de l’autre) enchaîne les tout bons albums.

Après Down in Albion et l’EP The Blinding, voici Shotter’s Nation, sans doute l’opus le plus abouti du néo-groupe. Grand admirateur d’Oscar Wilde, Pete Doherty semble avoir fait sien le célèbre aphorisme « Nous sommes tous dans le caniveau, mais certains regardent les étoiles ». Plus il tombe bas, plus ses compositions volent haut. À travers l’élégante désinvolture du parfait Carry Up That Morning et du jazzy There She Goes, l’évidence du très « Kinksien » Delivery, la fragilité apparente des très beaux UnBiloTitled et Lost Art of Murder, la mélancolie guillerette de French Dog Blues, on devine en Doherty un esthète de la pop, plus poète maudit à la Rimbaud que sale gamin. De quoi faire taire les ragots ? Delabel / EMI | 1er octobre

BABYSHAMBLES - SHOTTER’S NATION HHHHH

Photo Richard Skidmore

Stuff muSique

Page 82: Dorothée Bécart - Book 2013

COUP DE COE URSUR LE WEBInédits, futurs « meilleurs groupes du monde » et découvertes…

THE WOMBATS – A GUIDE TO LOVE, LOSS & DESPERATION HHHHIÀ quoi ressemble The Wombats, nouveau-meilleur-groupe-anglais- du-monde (du mois), dont Paul McCartney himself dit être un grand fan ? Hormis quelques chœurs gentiment déjantés et des textes au-dessus de la moyenne (le refrain délicieusement oxymorique de Let’s Dance to Joy Division : « Everything is going wrong / but we’re so happy »), ces marsupiaux venus de Liverpool n’apportent rien de très neuf. Seuls quelques titres forts (My First Wedding, qui clôt l’album), permettent à A guide to… de décoller. L’ensemble reste fort sympathique ; mais Liverpool a connu de plus grandes révolutions… 14 th Floor / ADA Global / Naïve | Disponible

COCOON – MY FRIENDS ALL DIED IN A PLANE CRASH HHHHHMusicalement parlant, 2007 fut marquée par le renouveau du folk… et les titres d’album improbables. Si l’on ne devait retenir qu’un disque pour caractériser l’année écoulée, ce serait donc celui de Cocoon. Le duo auvergnat, qui s’était déjà distingué avec le très joli EP From Panda Mountains, n’a pas son pareil pour enluminer d’une mélodie au piano ou au ukulélé des textes sombres (Take Off, Christmas Song), rendus encore plus touchants par les sublimes harmonies vocales dont Mark Daumail et Morgane Imbeaud savent jouer à la perfection. Ces deux-là ont vraiment bien fait de sortir de leur cocon… Sober & Gentle / Discograph | Disponible

TUE-LOUP – LE LAC DE FISH HHHHIPour qui se donne la peine d’être un peu curieux, la scène pop / rock française recèle quelques belles surprises. Tue-Loup, groupe sarthois, trace sa route en toute discrétion depuis une dizaine d’années. Réponse hexagonale aux Américains de Midlake ou de Sparklehorse, leur nouvel album évoque souvent, côté frenchie, Jean-Louis Murat. Les textes joliment tournés de Xavier Plumas sont servis par des ballades amples empreintes de douceur. Sobre et intimiste, ce Lac de Fish se laisse explorer avec bonheur. Une bonne pêche…T-Rec / Anticraft | Disponible

JOLIE BRIS(a) D’HIvER

SOMMaIRE : CD P. 136 - DvD P. 138-139

KYLIE MINOGUE – X HHIIIMessieurs, ouvrez vos mirettes, l’Australienne de poche est de retour, avec son cortège de poses glamour, de strass et de paillettes. Le premier titre de son nouvel opus laisse espérer le meilleur : secondée par un groupe qui va à l’essentiel (piano, batterie, guitare, basse), Kylie Minogue, en Marylin destroy, joue la carte du glam rock, ce qui lui va plutôt bien. Les choses se gâtent hélas sur le reste de la galette, recyclage peu inspiré de tout ce qui marche, du néo-disco ABBA-esque à la sauce Madonna à la pop gentillette de Gwen Stefani. Seuls Sensitized (sur un sample de Bonnie & Clyde), et la ballade No More Rain parviennent à sauver l’album du naufrage. Parlophone / EMI | 26 novembre

• DJ Zebra, l’empereur français du bootleg, capable de mixer Cali et U2, Camille et Nirvana, Katerine et Boney M, est actuellement en tournée sur les routes de France. Fans du Zebramix, régalez-vous sur son MySpace… www.myspace.com/zebramix• Faites place au Grand Marquee ! Ce groupe californien se fraye un chemin séduisant entre rock psychédélique et cold wave. À découvrir sur www.myspace.com/thegrandmarquee• Vous l’avez peut-être remarquée sur scène, aux côtés de Sean Lennon : la charmante Yuka Honda aime « faire de la musique avec des machines ». Ses compositions sont en écoute sur www.myspace.com/yukahonda

Textes Dorothée Bécart

BRISA ROCHÉ – TAKES HHHHHBrisa Roché. Drôle de nom, drôle de frimousse, drôle d’oiseau. Sur son premier album, elle promenait une dégaine improbable, tantôt diva jazzy éthérée, tantôt folkeuse mélancolique. Se débarrassant de ces atours un peu trop sages, cette fille de babas cool revient à l’essentiel, au propre (voir la photo joliment dénudée de la pochette) comme au figuré. Takes trace sans complexe une route Sixties, quelque part entre le Swinging London (Breathe In, Speak Out) et la Californie psychédélique (The Building), l’Inde hippie (Halfway

On) et le New York underground (le pont très « Velvet » de Heavy Dreaming). En empruntant ces voies « vintage » pourtant maintes fois revisitées, Brisa Roché parvient à livrer un disque intime, prônant l’amour façon carpe diem sur Trampoline, s’interrogeant sur la dérive des sentiments dans l’envoûtant Halfway On, et prenant enfin sa liberté sur The Choice. Road-movie musical servi par une remarquable production, qui sait rester en retrait quand il le faut, Takes a le charme de ces joyaux intemporels qui restent bloqués sur la platine des mois durant.Discograph | Disponible

Phot

o A

mi B

arw

ell

136 | STUFF

Stuff muSique

Page 83: Dorothée Bécart - Book 2013

éco gadgets

74 | www.stuffmag.fr

La communauté geek partage un terrible secret : chacun de ses membres conserverait, chez lui, un tiroir maudit, où croupissent téléphones portables désuets, baladeurs MP3 première génération et appareils photo subclaquants. Comment, vous aussi ? Nous aurions dû nous en douter : à force de vous faire craquer sur les gadgets dernier cri, nous avons transformé votre foyer en cimetière high-tech. Votre compagne, excédée, a même envisagé de jeter, à votre insu, votre chère collection de StarTac. Se doute-t-elle que ce geste presque anodin risque de polluer l’environnement ? « Le 

portable est le lauréat des produits à risque », constate Stéphane Duponchel, fondateur d’Amezis, une agence de conseil en environnement. « La batterie contient  du béryllium, du nickel et quelques traces d’arsenic. Ce ne sont pas des produits qui  se recyclent tous seuls. Si on les met en décharge, ils vont polluer durablement les nappes phréatiques », renchérit Jean-Lionel Laccourreye, directeur France de Fonebak. Son entreprise, partenaire des grands opérateurs européens, collecte 2,5 millions de portables usagés par an, déposés dans 10 000 points de collecte. Certains sont

réparés à partir de pièces détachées provenant d’autres portables et envoyés aux pays émergents, demandeurs de terminaux peu coûteux ; les autres font l’objet d’un tri sélectif et sont répartis dans différentes filières de destruction. « Plus un terminal a été éco-conçu, plus l’opération est simple », reconnaît Jean-Lionel Laccoureye.

Et justement, les grandes marques commencent à se pencher sérieusement sur le problème. Titillé par des associations écologistes, Steve Jobs a dû mettre en place, en juin dernier, une politique de collecte des iPod usagés aux États-Unis. Un peu tard,

Consommateurs avides de gadgets, les geeks sont devenus de gros

pollueurs. Les grands noms du high-tech essaient de donner l’exemple

écolo, avec plus ou moins de bonheur. Mais est-ce par conviction

ou pour redorer leur image de marque ?

Les gadgets

se mettent

au vert

Chaque année, la France génère 1,5 million de tonnes de déchets informatiques, électroniques et électroménagers,

dont seuls 10 % sont recyclés par des sociétés comme Fonebak.

Texte : Dorothée Bécart

Photos : Fonebak/Sharp

Double gadgets.indd 74 14/04/06 18:41:31

Page 84: Dorothée Bécart - Book 2013

www.stuffmag.fr | 75

pour un produit qui se vend en masse depuis cinq ans ! Et si Apple assure que ses produits sont recyclés sur le territoire américain, d’autres marques, plus confidentielles ou moins scrupuleuses, n’hésitent pas à se décharger (au sens premier du terme !) sur des pays comme l’Inde, devenue en quelques années la poubelle high-tech des pays développés.

C’est quoi, un produit vert ?De notre côté de l’Atlantique, c’est la directive D3E (Déchets d’Équipements Électriques et Électroniques) qui a poussé les géants du secteur à se préoccuper davantage de l’environnement. Mais des marques comme IBM, HP ou Sharp ont entrepris cette réflexion depuis de nombreuses années. « Nos deux derniers sites de production sont des “usines vertes”. Elles fonctionnent en partie avec des panneaux solaires, recyclent les eaux usées 

et utilisent des combustibles acheminés  par gazoduc », explique Guillaume Villecroze, responsable marketing chez Sharp France. La firme japonaise, par ailleurs engagée depuis plus de quarante ans dans la production d’énergie solaire, dispose d’un département environnemental qui a un droit de regard sur toutes les activités du groupe. Ce dernier peut intervenir à tout moment, de la conception des produits – repensés pour ne plus recourir au plomb ou au cadmium – à leur recyclage, en passant par leur conditionnement : « En réduisant la taille de nos cartons, nous affrétons moins de camions, poursuit Guillaume Villecroze. Et nous avons conçu un système  de séparation des matériaux afin qu’ils puissent être démontés simplement. » Ainsi, les téléviseurs LCD dernière génération de la marque possèdent des vis qui se dilatent à la chaleur, permettant un démontage plus rapide en vue d’un retraitement. Sans doute

l’une des raisons pour lesquelles certains téléviseurs de la gamme Aquos ont reçu le très sérieux Éco-Label, délivré par la Commission Européenne… Ce dernier, mis en place en 1992, assure que le produit consomme moins d’énergie, utilise peu ou pas de substances nocives pour la santé ou l’environnement, offre une durée de vie optimisée et peut, en fin de vie, être pris en charge par son constructeur en vue d’un recyclage. En marge de ce très officiel et très strict label, de nombreux produits estampillés « verts » par des organismes plus ou moins obscurs font leur apparition sur le marché. Difficile pour le gadgetophile de faire la part des choses… C’est pourquoi nous vous proposons, page suivante, une sélection de produits dits « verts », que nous avons passés au crible pour vous. Et si vous deveniez les premiers geeks écolos ?

www.fonebak.fr

éco gadgets

Collectés, triés, démantelés et envoyés dans des filières de revalorisation et de destruction,

les mobiles en fin de vie traités par Fonebak ne polluent pas l’environnement.

Des géants de l’électronique comme Sharp limitent leur impact sur l’environnement en utilisant

par exemple l’énergie solaire sur leurs sites de production.

Double gadgets.indd 75 14/04/06 18:41:37