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DOSSIER PÉDAGOGIQUE

DomJuan

8 19 nov

Benoît VerhaertThéâtre de la Chute

© Isa

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De B

eir

Molière

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SOMMAIRE

INTRODUCTION

LA PIÈCE

MISE EN SCÈNE ET INTERPRÉTATION

CONCRÈTEMENT

RENCONTRE AVEC BENOÎT VERHAERT ET SAMUEL SEYNAVE

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INTRODUCTION

Le Théâtre de la Chute présente depuis quelques années des spectacles de proximité qui s’adressent à tous les publics et permettent en même temps d’interpeler les jeunes spectateurs en les invitant à s’exprimer en premier lieu dans des débats après chaque représentation, et ensuite, pour ceux qui le souhaitent, à participer à un volet interactif.

L’ambition du Théâtre de la Chute est de provoquer

un débat de société au départ de textes classiques, ou considérés comme tels.

Après avoir produit La Chute et L’Etranger de Camus et On ne badine pas avec l’amour, de Musset, c’est une version dépoussiérée du Dom Juan de Molière qui a été choisie.

Une forme simple, brute et radicale qui va au plus près du texte de Molière, de son humour et de sa virulence. Avec 4 comédiens, quelques marionnettes et une guitare électrique.

Pourquoi ce choix ?

La pièce de Molière parle bien sûr de libertinage. Mais les thèmes qu’elle brasse sont nombreux en réalité.

Le sens commun réduit souvent le libertin à un consommateur amoral de plaisirs charnels, mais il est aussi et avant tout un libre penseur, affranchi de religion et de métaphysique en général. Il remet en cause tout dogme établi. (Libertin, du latin libertinus  : esclave qui vient d’être libéré, affranchi).

La pièce parle donc surtout du rapport au sacré et de la transgression, de hiérarchie et de conventions sociales, de traditions, d’autorité paternelle, de démission parentale. Elle traite du conflit de générations, des peurs de l’homme et de son hypocrisie, de l’honneur, du courage, de la violence, etc…

Tous ces thèmes sont particulièrement brûlants d’actualité, et à travers eux se pose principalement la question de la liberté et de ses limites. Les libertés devrait-on dire : liberté de mœurs, liberté de pensée, liberté d’expression…

Cette question de la liberté d’expression nous amène à nous interroger sur la notion de dialogue de son utilité, de sa difficulté, de son impossibilité parfois…

La pièce met principalement en scène un duo : Dom Juan & Sganarelle, deux personnages que tout oppose : l’âge, l’instruction, la culture, la condition, le tempérament, etc…

Ces deux personnages semblent former un personnage à deux têtes. Ils tentent pendant toute la pièce de dialoguer, mais cette tentative échoue de scène en scène. La peur de l’un et la violence de l’autre les rendent tous les deux sourds et aveugles.

Le dialogue : tel est le sujet que nous proposons au public scolaire d’explorer dans le cadre d’un projet interactif, avec le théâtre servant de point de départ à une expérience concrète, ludique et artistique.

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Le projet se déroule en deux temps.

D’abord les adolescents sont conviés à assister à une représentation de notre Dom Juan suivie immédiatement d’un débat ludique.

Ensuite, pour les classes que cela intéresse, il est proposé aux jeunes de réécrire et d’interpréter à leur façon, une scène de 10 min inspirée librement de la pièce de Molière, encadrés par les comédiens.

Le résultat de ce travail est présenté sur scène quelques mois après la pièce (fin avril).

© Isabelle De Beir

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LA PIÈCE

Dom Juan vient de quitter sa femme pour tenter d’enlever à son futur époux une jeune fiancée trop éprise de son prétendant pour que l’idée ne lui vienne pas de troubler leur bonheur. Puis il jette son dévolu sur de jeunes paysannes qu’il promet d’épouser. Sganarelle a beau timidement tenter de ramener son maître libertin dans le chemin de la vertu et de la religion, Dom Juan préfère les plaisirs transitoires de ce monde, si dangereux pour son salut, à l’espérance d’une béatitude infinie. D’autres pourtant l’avertiront « qu’une méchante vie amène une méchante mort »...

Venu de Tirso de Molina et de son Burlador de Sevilla, le sujet dont Molière s’empare en 1665 a déjà donné lieu à d’assez nombreuses pièces. Pourtant, rien de plus personnel que ces cinq actes en prose conduits avec une éclatante maîtrise qui donne aux personnages la profondeur de l’humanité vraie. De la farce jusqu’à l’ironie la plus fine, la pièce propose tous les registres du comique. Mais c’est aussi la plus tragique des comédies, qui prend la dimension d’un drame métaphysique. (Jean-Pierre Collinet).

Dom Juan est une pièce tout à fait à part dans l’œuvre de Molière.

Bien qu’elle soit le « remake » de la pièce espagnole de Tirso de Molina, El Burlador de Sevilla y convidado de piedra, écrite 45 ans plus tôt, soit en 1620, Dom Juan est peut-être la plus originale des pièces de Molière. La plus sulfureuse aussi.

Quinze jours après sa création elle fut retirée de la circulation, malgré l’autocensure des passages les plus délicats (la scène du pauvre, entre autre).

Elle ne fut plus jamais jouée du vivant de Molière.

Dix ans après sa mort le texte original et intégral de la première représentation fut enfin édité, à Amsterdam et à Bruxelles.

Pourtant ce n’est qu’une version édulcorée par Thomas Corneille qui fut représentée jusqu’au XIXe siècle !

C’est Louis Jouvet qui rendit justice à ce chef d’œuvre en le recréant en 1947 et en le jouant plus de deux cents fois. Depuis les plus grands metteurs en scène s’en sont emparés les uns après les autres, comme Jean Vilar, Antoine Vitez, Benno Besson, Jacques Lassalle, Roger Planchon, Patrice Chéreau, etc…. tous le considérant comme une des pièces majeures du théâtre classique français et son personnage comme un mythe universel.

Pourtant Dom Juan est certainement la pièce la moins classique de Molière.

Au niveau de la forme, elle ne respecte aucune règle en vigueur à l’époque d’unités de lieu et de temps.

Dom Juan est un mélange de genres et de tons tout à fait surprenant, les contrastes y sont particulièrement audacieux. C’est une tragi-comédie qui emprunte par moment certaines règles et canevas des farces médiévales. Certaines scènes évoquent le climat des pastorales, certains lazzis semblent inspirés directement de la commedia italienne. La dernière scène, quant à elle, correspond au style à la mode de l’époque des pièces à machines, et pourtant le sujet est totalement tragique, puisque le héros meurt. On peut même parler de tragédie religieuse, puisqu’il y est tout le temps question du « Ciel », sujet grave par excellence, dont on ne pouvait absolument pas rire à l’époque, blasphème totalement prohibé par la bienséance.

Tartuffe a subi de nombreuses attaques de la censure parce que Molière y faisait le portrait d’un faux dévot, dénonçant l’hypocrisie religieuse qui régnait en son temps. Les vrais faux dévots se sentant visés réagirent violemment.

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Dom Juan, lui, ne parle plus du clergé mais de Dieu lui-même, le sacro-saint tabou !

Et ce qui fâche, ce n’est pas tant l’argument athée (ou impie) du personnage de Dom Juan, puisque finalement Molière ne lui donne pas raison. Le Jugement dernier de la scène finale le précipite aux enfers et Dieu sort vainqueur de l’histoire. La morale est sauve… apparemment…

Non, ce qui est véritablement inacceptable pour les bons croyants de l’époque, c’est que Molière, dans ce débat, confie la cause de Dieu à un valet assez limité intellectuellement, souvent ridicule, dont les arguments ne tiennent pas debout, ou en tout cas, se cassent littéralement, la figure… Et c’est bien ça qui a choqué les contemporains de Molière, pour parler maintenant du fond.

La mise en scène du spectacle prêtera une attention particulière au personnage de Sganarelle. Toute l’impertinence et toute la pertinence de la pièce sont là.

Sans Sganarelle, le personnage de Dom Juan ne serait que le portrait et le procès d’un de ces nobles décadents de la deuxième moitié du XVIIe siècle, qui cherchaient dans l’assouvissement illimité de leurs désirs une compensation au pouvoir politique perdu après l’écrasement de la Fronde.

Les modèles du genre ne manquaient pas à Molière. On les trouvait à la cour. Parmi le gratin du royaume, régnait plus ou moins clandestinement un certain libertinage. Le beau monde avait le goût de la plaisanterie blasphématoire.

Mais avec Sganarelle, la pièce devient plus complexe, universelle, mythique, donc.

Ce n’est pas tant le personnage de Dom Juan qui est un mythe, c’est le couple Dom Juan/Sganarelle qui a cette dimension. Il devient le lieu d’une question ouverte, où toute réponse relative appelle un « mais » qui la contrebalance. Ces deux personnages, qui n’en font qu’un, sont paradoxaux, chacun alternant les moments de lucidité et d’aveuglement, d’hypocrisie et de franchise, de peur et de courage, d’intelligence et de bêtise.

Quant à la position de Molière lui-même, elle n’est jamais claire. C’est sa seule pièce qui a cette ambiguïté. Il n’y a pas un personnage de « raisonneur », dont le bon sens serait indiscutable et donnerait la mesure, comme c’est le cas par exemple avec Cléante dans Tartuffe ou Philinte dans Le Misanthrope. Dom Juan est une œuvre dont le sens reste suspendu et ouvre sur une dialectique qui permet au spectateur de construire lui-même sa propre vérité. C’est donc une pièce idéale pour provoquer un débat.

CQFD !

En résumé :

Nous aborderons ce grand classique avec respect mais sans dévotion.

Car ce classique n’est pas si classique que ça.

C’est une pièce éminemment moderne, et nous la traiterons comme telle.

D’ailleurs Molière n’a pas eu l’intention d’écrire un classique. Il a écrit une œuvre en prise directe avec son actualité.

Tirso de Molina aussi d’ailleurs.

Le contexte de l’Espagne de 1620 n’était pas le même que celui de la France de 1665 et la personnalité de Tirso de Molina, moine, était probablement très différente de celle de Molière, saltimbanque. La modernité de la version de Molière par rapport à l’original est tout à fait frappante.

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Molière a-t-il d’ailleurs lu Molina ou bien le thème de Dom Juan qui avait voyagé d’Espagne en Italie et d’Italie en France lui est-il parvenu ?

Cherchant un sujet pour remplacer à l’affiche son Tartuffe censuré, se serait-il emparé de ce personnage alors à la mode pour l’adapter à sa sauce  ? S’il respecte les grandes lignes du scénario de base, il crée un personnage original, celui de Done Elvire, et remodèle entièrement la figure de Dom Juan.

Ainsi le Dom Juan de Tirso de Molina est un grand prédateur parce que grand consommateur de femmes, tandis que le Dom Juan de Molière ne séduit pas pour la même raison. S’il évoque son appétit sexuel dans son monologue du 1er acte, il y parle plus de l’art de la conquête que de sensualité.

Il cherche surtout à briser les liens sacrés, ou plus exactement à prouver que ces liens ne sont pas si solides que ça. Ainsi ne fait-il pas que fuir Done Elvire. Il a le projet de briser les fiançailles entre deux parfaits amoureux - « Je ne pus souffrir d’abord de les voir si bien ensemble ».

Chemin faisant il s’amuse à rompre, assez facilement, les fiançailles entre Charlotte et Pierrot, à briser l’amitié entre Charlotte et Mathurine, à opposer ensuite les deux frères de Done Elvire. Quant à son mariage avec elle, rappelons qu’il l’a « dérobée à la clôture d’un couvent »,selon ses propres dires, ou, comme dit Gusman dans les toutes premières répliques de la pièce, il a « forcé, dans sa passion, l’obstacle sacré d’un couvent ».

Aussitôt après avoir obtenu le consentement d’Elvire, il fuit ce mariage, peut-être avant même toute consommation.

Gusman dit encore qu’il aurait fait « cette injure aux chastes feux de Done Elvire ». Bref, sans s’attarder davantage sur la question de la libido de Dom Juan, disons simplement qu’avec Done Elvire, il ne rompt pas seulement le lien sacré du mariage, il brise aussi et d’abord les vœux de Done Elvire avec Dieu. On peut ajouter à cette vision iconoclaste, la scène du pauvre : Dom Juan cherche là aussi à briser le lien sacré d’un homme avec Dieu.

Jean Anouilh disait être persuadé que Molière n’avait pas eu conscience de la dimension et du pouvoir futur du personnage qu’il venait de créer. Qu’il n’a pas su ce qu’il écrivait et qu’épouvanté après avoir vu la pièce, il la retirait de l’affiche sans jamais la faire éditer…

Quoiqu’il en soit, Molière venait de créer un mythe, intemporel, toujours moderne, interpellant, bousculant, dérangeant, qu’on pourrait presque qualifier de « punk » !

C’est en tout cas dans cet esprit qu’il est appréhendé dans le spectacle.

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MISE EN SCÈNE ET INTERPRÉTATION

Dans l’imaginaire collectif, le personnage de Dom Juan est perçu essentiellement comme un grand collectionneur de femmes, bourreau de leur cœur. Le thème central de la pièce apparaît dès lors être la séduction, plus précisément la prédation amoureuse, ce qu’on appelle d’ailleurs dans le langage courant le donjuanisme.

Intention 1 

Recentrer le propos sur le libertinage de Dom Juan, mais au sens philosophique du terme. Mettre en avant le grand cri athée de Dom Juan et voir l’onde de choc qu’il provoque chez tous ceux qui l’entendent, à commencer par Sganarelle.

Intention 2

Mettre l’accent sur le duo Dom Juan – Sganarelle et dégager ainsi la question du DIALOGUE, comme thème principal de la pièce.

Il y a beaucoup à creuser sur le personnage de Sganarelle. On ne voit en lui peut-être un peu trop vite qu’un clown un peu simple, dépassé par les événements, un Sancho Panza bienveillant qui incarne avec bonhommie le bon sens populaire face aux pulsions délirantes de son maître.

Mais n’y a-t-il pas en lui moins de bons sentiments sympathiques et davantage de peur, de lâcheté, de soumission, de bêtise, d’ignorance et de cupidité ? «  Mes gages, mes gages !... »

Il y a dans cette intention de noircir le personnage de Sganarelle, un double piège : enfermer le débat en donnant plus de crédit au point de vue « chevaleresque » de Dom Juan et plomber le ton de comédie voulu par Molière.

Mais Il n’est pas question de prendre le parti de Dom Juan contre Sganarelle, ou l’inverse. Il s’agit de présenter symboliquement à travers ce duo un conflit intérieur : le combat de l’homme ordinaire entre le soumis résigné et le rebelle exalté qui cohabitent, entre l’esclave et le tyran, entre le collabo et le terroriste…

Quant à la volonté de Molière de traiter ce sujet mythique et tragique sur le ton affiché d’une comédie, il est bien question de la respecter car toute l’impertinence de la pièce est là.

Si la partition du personnage de Dom Juan n’est pas sans humour, il est clair que le personnage de Sganarelle a une fonction comique importante. Il n’est donc pas question de contourner ce registre. Mais il y a bouffon et bouffon. Le Sganarelle du spectacle aura autant l’énergie d’un de Funès, petit bourgeois mesquin et de mauvaise foi, que celle d’un Bourvil, humble et tendre victime.

Ce personnage clownesque est particulièrement difficile à interpréter parce que, l’air de rien, plein d’ambiguïté. Parfois l’opprimé est fasciné par son oppresseur.

Même niveau de subtilité pour Dom Juan : dans le rapport à son valet, il passe souvent sans prévenir - et sans alcool -, de l’autoritarisme absolu à la camaraderie complice.

En bref, ces deux personnages sont interdépendants et il convient de leur donner une importance scénique égale pour mettre en relief la complexité de leur dialogue. Pour bien mettre en valeur ce personnage à deux têtes, ils ont un statut bien distinct des autres personnages.

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Intention 3

Représenter par des MARRIONNETTES tous les personnages que Dom Juan et Sganarelle croisent sur leur route.

Au-delà du fait que cette proposition met en avant le couple Dom Juan  / Sganarelle, elle permet d’aller le plus loin possible dans le sens de la comédie tout en créant une certaine distance qui se rapproche de ce que Molière a voulu raconter : une fable philosophique et politique.

Pour clore ce chapitre, ajoutons une option particulière liée à l’âge de Dom Juan.

Beaucoup de metteurs en scène ont tendance à vieillir le personnage. On le présente souvent en grand seigneur aristocrate, homme mûr qui court les jeunes jupons.

Louis Jouvet, Jean Vilar, Gérard Guillaumat dans la mise en scène de Patrice Chéreau, Philippe Avron dans la mise en scène de Benno Besson, Michel Piccoli dans l’adaptation de Marcel Bluwal pour la télévision, Jacques Weber dans son propre film, et Bernard Yerlès l’année passée au Théâtre du Parc dans la mise en scène de Thierry Debroux, avaient tous entre 40 et 60 ans !….

Dom Juan est pourtant un jeune homme en révolte, qui cherche à devenir adulte en s’affranchissant de l’autorité de son père, un iconoclaste immature qui saccage tout ce qui est sacré : Dieu d’abord et tout ce qui en découle ensuite, à savoir les institutions, traditions, coutumes, codes, sur lesquels est fondée sa société, ou celle de son père : l’honneur, le respect des ainés et des morts, la hiérarchie sociale,… et bien sûr aussi, mais entre autres seulement, le mariage.

Dans le spectacle, c’est cette jeunesse orgueilleuse, bouillonnante, explosive, insouciante, téméraire, inconséquente du personnage de Dom Juan, en opposition à l’âge certain d’un Sganarelle conservateur, calculateur, modeste, résigné, craintif… qui est le premier carburant de cette comédie philosophico-politique.

© Isabelle De Beir

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CONCRÈTEMENT

Le spectacle dure 1H30 et est suivi d’un débat de 30min. Le concept global ne dépasse en tout cas pas 2H.

Le débat ludique après spectacleImmédiatement après la représentation les comédiens animent un débat avec les spectateurs sous la forme d’un exercice ludique de dialogue.

Le public est divisé arbitrairement en deux camps : le camp de Dom Juan et celui de Sganarelle.

Un des nombreux thèmes de la pièce de Molière est lancé au hasard : le mariage, le conflit des générations, le code de l’honneur, la hiérarchie sociale, la religion, l’argent, etc.

Chacun « camp » doit alors faire l’exercice du dialogue / débat, en se mettant dans la peau de Dom Juan ou de Sganarelle, selon la place qu’il occupe dans le gradin, et d’argumenter au nom du personnage en question et non pas en son nom propre.

Le but du jeu est d’éprouver, de façon ludique et au-delà de sa propre opinion, ce qui favorise un dialogue, ce qui le rend difficile ou l’empêche, ce qu’il y a à gagner ou à perdre dans cette confrontation, etc…

Le volet interactifIl n’est pas toujours facile pour un spectateur d’aborder en public des questions aussi brûlantes que celles soulevées dans la pièce.

Les jeunes pourront donner leur avis sur les personnages de la pièce et leur comportement sans trop s’engager personnellement, si cela les embarrasse. La discussion sera en tout cas possible sans être gênante ou scandaleuse, puisque chacun jouera le jeu de parler au nom d’un personnage et non pas en son nom propre.

Néanmoins, pour permettre aux jeunes de s’exprimer plus profondément sur les questions soulevées, nous invitons ceux qui le souhaitent à livrer un point de vue plus personnel par le biais de la création artistique. C’est peut-être cela le principe de l’art  : l’expression intime et personnelle touchant à l’universel par la transposition artistique…

La proposition est donc la suivante.

Les groupes scolaires s’inscrivent pour se lancer dans la création d’une scène de théâtre inspirée librement de la pièce originale.

Chaque classe s’organise à sa façon, mais il est essentiel que ce travail soit collectif. Il s’agit donc de répartir les tâches afin que chacun soit concerné. Il y a de nombreux postes à pourvoir pour créer un spectacle.

Tous les élèves ne peuvent pas ou ne désirent pas faire les acteurs. Certains peuvent donc s’occuper de l’écriture et de la dramaturgie, d’autres prendre en charge la mise en scène et la direction d’acteurs, d’autres encore s’occuper de la création des costumes, des accessoires, éventuellement de certains éléments de scénographie. Une création sonore est également possible, peut-être même une vidéo. Seule la création lumière n’est pas envisageable. Pour des raisons techniques, un éclairage de base est assuré par les techniciens du théâtre et valable pour toutes les scènes.

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La scène ne peut pas dépasser 10 minutes.

Sa préparation se fait à l’école, avec un encadrement des enseignants.

La scène à créer est une réécriture d’une scène de la pièce de Molière dans une adaptation tout à fait libre. Elle peut donc être transposée à l’époque actuelle et mettre en scène des personnages d’aujourd’hui pourvu que ceux-ci soient les porte-paroles d’un point de vue personnel des jeunes créateurs de la classe.

Les comédiens du spectacle visitent deux fois chaque classe inscrite lorsqu’elle est en cours de gestation du projet, pour aider, conseiller, guider le groupe dans son travail de création.

Les scènes des élèves des différentes classes inscrites sont mises bout à bout et composent une représentation qui est donnée au théâtre.

La veille ou quelques jours avant la représentation, les comédiens encadrent une grande répétition générale avec tous les élèves-acteurs des scènes.

Les élèves de tous les groupes concernés sont évidemment invités à assister à la représentation et si besoin ou overbooking, une deuxième représentation est envisageable.

Ce projet ne s’apparente en aucun cas à un « concours de théâtre ». Il s’agit bien de prolonger le débat par le biais du théâtre et de la création afin de permettre une expression plus libre. Il ne s’agit donc pas d’être académique mais bien créatif, personnel, pertinent et, voire impertinent…

Ce projet est accessible aux classes des 4e, 5e et 6e secondaires de n’importe quelle section. Il ne requiert aucune expérience préalable des planches. Il requiert cependant un investissement certain de la part de tout le groupe, de temps et d’énergie.

Pour le mener à bien, il faut que tous, professeurs et élèves, soient réellement motivés. C’est une aventure collective qui ne peut fonctionner que si chacun est conscient de sa responsabilité individuelle dans le projet global et est présent à chaque étape importante du processus.

Pour les professeurs qui le souhaitent, l’équipe du spectacle est prête à organiser en amont des séances d’information et de « coaching ».

Pour plus d’informations, veuillez contacter Benoît Verhaert, metteur en scène et porteur du projet, à l’adresse suivante :

[email protected]

Ce dossier a été réalisé par Benoît Verhaert.

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RENCONTRE AVEC BENOÎT VERHAERT ET SAMUEL SEYNAVE

Benoît, pourquoi mets-tu toujours en scène des textes du répertoire avec le Théâtre de la Chute ?

Benoît Verhaert  : Je n’ai rien contre les textes contemporains, mais c’est une priorité que je me suis donné avec le Théâtre de la Chute, celle de m’attaquer au répertoire classique ou presque classique. Cette aventure a commencé avec Camus. Elle s’est poursuivie avec Musset. Et maintenant Molière. On pourrait dire que nous remontons dans le temps. Ces textes ont traversé les siècles parce qu’ils ont une universalité intrinsèque. Mon job, en tant que metteur en scène et acteur, est de faire résonner ces textes aujourd’hui, de les faire entendre à un public d’aujourd’hui, d’aller chercher leur essence et de comprendre pourquoi ils sont toujours vivants. Sans tricher et tout en les respectant, je veux faire entendre la jeunesse de ces textes. Je suis une sorte d’ambassadeur, de relais entre ces écrits et les spectateurs.

Pourquoi ton choix s’est porté cette fois sur Dom Juan de Molière ?

B.V. : Pour être tout à fait honnête, je ne suis pas un inconditionnel de Molière. Mais Dom Juan est une pièce à part, étrange et obscure. Dom Juan est un personnage universel. C’est un jeune homme en révolte vis-à-vis des générations précédentes. Il réinvente ses propres valeurs pour construire un nouveau monde. Il est à la recherche de la vérité. Ce texte a intéressé ou choqué toutes les générations, notamment à l’époque de Molière. Aujourd’hui, il nous paraît beaucoup moins choquant. J’aimerais toutefois retrouver, sans forcer, ce côté sulfureux. Pour cela, il ne suffit pas de jouer Dom Juan à poil et de choquer visuellement. Il faut aller chercher cette insolence dans les mots, dans le propos, dans les arguments.

Tu parles d’un jeune homme. Quel âge aurait ce Dom Juan ?

B.V.  : C’est presqu’un ado, sans rien enlever de son intelligence. Il n’est pas immature pour autant. C’est un jeune adulte de 20 ans qui ne veut pas reproduire la société de son père ou de son grand-père, qui remet les choses en question. Il veut construire sa propre vie, mais pour ce faire, il doit d’abord déconstruire les schémas traditionnels.

Mets-tu en scène un Dom Juan séducteur ?

B.V. : Pas du tout, même si je ne nie pas non plus cette facette de Dom Juan. Elle est beaucoup plus présente chez Tirso de Molina qui en fait un vrai trompeur, un homme qui couche à tout-va. Selon moi, ce n’est pas la caractéristique principale du personnage. Cette pièce ne parle pas vraiment de séduction. Dom Juan, c’est l’histoire d’une fuite. Le jeune homme fuit une femme. En chemin, il rencontre de nombreux personnages. Nous sommes en plein road movie. Il y a moins de scènes de séduction que de scènes de questions métaphysiques. Cette pièce est davantage métaphysique et politique. Dom Juan remet en question tout ce qui est sacré, dont le mariage. Il remet en question Dieu et son rapport à Dieu.

L’un des axes de notre proposition est de mettre l’accent sur le duo Dom Juan/Sganarelle. Ils ne sont jamais l’un sans l’autre. Généralement, les metteurs en scène s’intéressent plus à Dom Juan. Il est vrai que c’est le personnage qui donne le titre à la pièce et qui a une trajectoire héroïque. Toutefois, la pièce est davantage une tentative de dialogue entre Dom Juan et Sganarelle. Ce débat entre deux points de vue différents nous intéresse. Sans en faire quelque chose de psychanalytique, c’est comme si nous avions affaire à un dialogue intérieur au sein d’une seule et même personne. C’est un débat difficile parce que Dom Juan et Sganarelle ne s’entendent pas, ne se comprennent pas, ne s’écoutent pas.

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La pièce est partagée entre les scènes à eux deux et les scènes qui sont les illustrations de ce qu’ils essaient de se faire comprendre mutuellement. Pour faire comprendre des choses à Sganarelle, Dom Juan prend des exemples sur la route. Il va faire des démonstrations pour convaincre Sganarelle par l’exemple. Mais ça ne marche pas toujours.

Selon vous, le personnage de Sganarelle a souvent été réduit à tort à un vulgaire clown ?

B.V. : Comme nous nous éloignons de l’image du grand séducteur pour Dom Juan, nous voulons nous éloigner de l’image du gentil clown qui colle à la peau de Sganarelle. Ce côté un peu bête n’est d’ailleurs pas présent dans le texte. En relisant la pièce, nous nous sommes rendu compte qu’il y a une vraie intelligence chez Sganarelle, mais que, dû à son statut social et son manque d’instruction, il n’a pas toujours les mots pour le dire. Mais attention Sganarelle n’a pas pour autant raison. Ils ont tous les deux tort et raison. Sganarelle n’est pas si gentil que ça non plus. Il est cupide, peureux… Nous allons aussi le noircir.

Samuel Seynave  : Il y a un grand attachement de l’un envers l’autre, même si le rapport de hiérarchisation entre le patron est son employé reste très présent.

Dom Juan est une comédie ?

S.S. : C’est une grande question. Quelqu’un meurt à la fin, donc à ce moment-là nous basculons davantage dans la tragédie. Peut-être est-ce une comédie noire ? Il faut savoir que Molière n’a jamais été considéré comme un auteur tragique, surtout à son époque. Peut-être était-ce difficile pour lui de qualifier sa pièce autrement que comme une comédie.

B.V. : Molière indique très clairement qu’il s’agit d’une comédie. C’est là que réside aussi toute l’impertinence de la pièce. C’est encore plus sulfureux d’aborder dans une comédie ce sujet qui remet en question l’existence de Dieu. La pièce n’aurait pas eu le même impact si nous avions eu affaire à deux philosophes, deux penseurs sinistres qui se posent des questions sur l’existence de Dieu. La pièce a choqué et a été censurée parce que ce sont deux quidams qui le font sur le ton de l’humour. Molière choisit un serviteur, un pitre, Sganarelle, pour être l’avocat de Dieu. Ce sont avant tout des personnages de comédie.

Le texte est-il soumis à une adaptation, à des ajouts d’autres textes ou des coupures ?

B.V. : Il y aura peut-être quelques petites coupes, mais nous voulons respecter le texte au plus près.

Dom Juan met en scène toute une série de personnages secondaires. Comment allez-vous les interpréter ?

B.V. : Deux autres comédiens, Audrey D’Hulstère et Jean-Michel Distexhe, nous accompagnent sur scène et interprèteront tous les autres personnages de la pièce (une douzaine environ). La plupart de ces personnages ont des scènes très courtes. Il y a un côté qui rappelle les séries, comme si l’on passait d’un épisode à un autre. Ces personnages sont quasi interchangeables.

Cette galerie de personnages jouée que par deux comédiens me permet d’explorer un nouvel univers qui m’a toujours fasciné  : la marionnette. Nous utiliserons également des masques. Jean-Michel, qui est un spécialiste des marionnettes, va nous y initier, de même que Natacha Belova auprès de qui nous allons suivre un stage. Pour la création de ces marionnettes, qui seront de différentes tailles, nous nous sommes tournés vers Odile Dubucq qui créera également les costumes et les masques.

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C’est incroyable la magie et les émotions qui peuvent se dégager d’une marionnette. Celle-ci semble parfois plus humaine et plus vivante qu’un acteur. Dans cette pièce, il y a des ruptures de ton très contrastés. Nous les travaillerons en utilisant à tel moment une marionnette, à tel autre un acteur, à tel autre un masque.

Les costumes sont très présents également dans la pièce. Les personnages en parlent à plusieurs reprises. L’habit fait le moine. Dom Juan s’en moque, mais s’il séduit les paysannes, c’est parce qu’il porte un costume de noble, non parce qu’il est irrésistible. C’est le costume qui impressionne.

Benoît, tu prends en charge la scénographie du spectacle. Peux-tu en dire un mot ?

B.V.  : Il y a l’idée d’un mouvement, d’un voyage, d’une errance. Cette pièce raconte une fuite en avant jusqu’à une collision frontale, fatale. C’est la vie de Dom Juan, voire la vie tout court. Le rythme de la pièce est rapide. Scénographiquement, le plateau sera assez nu. Les quelques éléments présents devront évoqués le mouvement et donc être mobiles. Les deux acteurs marionnettistes seront omniprésents sur scène et auront à portée de main, dans des grandes malles mobiles, tous les accessoires pour passer d’une scène à l’autre.

Je souhaite également qu’il y ait un écran sur lequel il y aura des projections, sorte d’interscènes, d’interludes. L’écran lui-même sera mobile et se rapprochera au fur et à mesure des spectateurs. L’espace se verra ainsi de plus en plus rétréci, les personnages de plus en plus acculés. La fuite ne sera plus possible.

Y aura-t-il de la musique ?

B.V.  : Comme Jean-Michel Distexhe est aussi musicien, j’aimerais qu’il joue de la guitare électrique. Par son rythme frénétique, cette guitare donnera une couleur moderne à la pièce, un côté rock’n’roll. Il ne jouera pas nécessairement que des morceaux musicaux. Avec une guitare électrique, on peut faire des bruits. J’ai très envie qu’il y ait une inspiration punk dans l’emballage de la pièce. Selon moi, Dom Juan est un punk vu qu’il déconstruit tout. Mais on ne va pas pour autant l’attifer avec des t-shirts déchirés et une crête.

Samuel, tu jouais déjà dans On ne badine pas avec l’amour. Qu’est-ce qui t’a motivé à poursuivre l’aventure avec le Théâtre de la Chute ?

S.S. : Je partage la même vision du théâtre que Benoît. J’ai un grand amour pour les classiques ou plus généralement pour le théâtre de texte comme Koltès. Comme le Théâtre de la Chute, je veux faire entendre ces textes qu’on estime souvent à tort ennuyants ou pompeux, et les remettre au goût du jour. Non pas dans un souci de les jouer de manière originale, mais pour essayer de retrouver le sens du texte, sa pertinence. Je travaille toujours les mots avant la forme, essentiellement avec les classiques. J’aime décortiquer le texte à la manière d’une enquête. Nous ne cherchons pas à changer le propos de l’auteur. Il faut rester fidèle à sa pensée.

Le spectacle s’accompagne à nouveau d’un volet interactif et pédagogique. Reprendra-t-il le même schéma que sur On ne badine pas avec l’amour ?

B.V.  : C’est plus ou moins le même schéma. Nous continuerons de proposer aux jeunes de s’exprimer, de créer et jouer une scène de théâtre. Ce qui change évidemment radicalement par rapport au Musset, c’est le thème. Nous devons donc adapter les règles du jeu. Il faut trouver la recette qui convient le mieux au propos et non l’inverse.

Ce qui changera par rapport au Musset, c’est qu’un débat suivra chaque représentation.

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Certes, nous avons l’habitude de faire suivre nos représentations d’un échange pour que les jeunes puissent s’exprimer sur ce qu’ils viennent de voir. Ici, l’enjeu du débat sera différent. Il s’agira davantage d’un exercice ludique ayant comme thème principal le dialogue. En effet, la pièce est un dialogue plus ou moins raté, du moins difficile, entre Dom Juan et Sganarelle. Qu’est-ce qui rend un dialogue compliqué ? Pourquoi est-ce difficile de dialoguer, à petite ou grande échelle ? Qu’est-ce qui est intéressant dans la réussite d’un dialogue ? Qu’est-ce qui fait qu’un dialogue est parfois impossible ? Etc. Évidemment, nous allons rapidement arriver à des tabous, notamment des questions religieuses. Nous voulons réfléchir au dialogue lui-même et à ses obstacles. L’idée n’est pas de faire la morale aux jeunes, mais de les mettre à l’épreuve du dialogue.

Dans cet exercice ludique, nous diviserons la salle en deux. Une moitié représentera Dom Juan, l’autre Sganarelle. Nous prendrons au hasard une réplique de la pièce qui peut provoquer le débat et inviterons les deux parties de la salle, qu’ils soient d’accord ou non avec le propos, à défendre la position du personnage qu’ils représentent et à l’argumenter.

Le deuxième volet – la scène qu’ils présenteront en fin de saison – sera donc inspiré librement du thème du dialogue. Ils devront partir de leur propre réalité, non jouer les personnages de Dom Juan et Sganarelle. Le sujet est plus délicat que dans le Musset. Dom Juan n’arrête pas de remettre en question l’existence de Dieu. On veut les amener à s’interroger sur le dialogue lui-même. Comment dialoguez-vous avec votre voisin ?

Ferez-vous ce débat avec le tout public également ?

B.V. : S’il veut bien, oui. De toute façon, nous voulons faire un échange avec tous les publics. Mais il faut voir si les adultes auront envie de participer à ce jeu qu’ils trouveront peut-être puéril. Généralement, ils préfèrent poser des questions sur notre travail.

Samuel, ce volet pédagogique t’a également motivé à poursuivre l’aventure avec le Théâtre de la Chute ?

S.S.  : Bien entendu. En tant que comédiens, nous n’avons pas l’habitude de faire ce travail-là. Généralement, une fois que les représentations sont terminées, le projet prend fin. Ici, le deuxième volet représente 50% du travail. Il y a une moitié artistique et une moitié pédagogique. Au départ, j’étais un peu troublé car je n’avais jamais travaillé avec des jeunes. Depuis deux ans, j’apprends le métier d’animateur et je suis agréablement surpris. J’ai la sensation d’être retourné à l’école pour apprendre une nouvelle facette de mon métier de comédien. Sans prétention, je me sens aujourd’hui animateur spécialisé en plus d’être comédien. Notre travail n’est pas celui d’un pédagogue. Il s’appuie sur cette idée de continuer le débat, de ne pas se restreindre à une simple représentation. Nous laissons la possibilité aux jeunes, qui sont des adultes en devenir, de s’exprimer, d’être les maîtres de ce qu’ils veulent raconter. L’école est assez formatée – on doit y suivre un programme – et ne laisse, selon moi, pas beaucoup d’espace à la créativité. Ce second volet interactif permet cet espace.

C’est également un réel plaisir d’inverser les rôles et de se retrouver à la fin du projet à la place du spectateur. Les acteurs deviennent les spectateurs, les élèves, au départ spectateurs, deviennent acteurs. La boucle est ainsi bouclée. J’aime voir ces jeunes interagir entre eux et se mélanger. C’est une chance pour moi de pouvoir vivre cette expérience au théâtre.

Selon vous, l’artiste se doit d’avoir un engagement citoyen ?

S.S.  : C’est une question que je me pose souvent. Je pense que nous ne sommes pas là simplement pour divertir. Maintenant, je ne pense pas non plus accomplir un métier politique.

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J’essaie de contribuer à l’ouverture des consciences, d’apporter, en tant que comédien, de la bonne nourriture au citoyen lambda.

B.V. : Moi, j’estime faire un métier politique car il est public. Politique ne veut pas dire que je milite ou que je dogmatise. Je participe au débat public, voire je le suscite. Toute pièce, tout divertissement, toute comédie, si elle est bonne, doit poser des questions. En tant qu’interprète, non auteur, mon métier est de relayer des questions et de pousser les gens à réagir. Par contre je ne donne jamais la moindre réponse. C’est pour cela que je privilégie le débat après la pièce. Il est important que la parole se libère.

Benoît, tu qualifies le Théâtre de la Chute de « théâtre forum itinérant ». Peux-tu expliquer cette formule ?

B.V. : C’est un théâtre forum car tout le monde y a la parole. On replace le théâtre sur la place publique, dans un endroit où on discute, on échange. Le théâtre traditionnel, que j’ai connu quand j’étais jeune, allait de la scène à la salle. Ici, il est important de mettre en avant le mouvement inverse et d’aller de la salle à la scène.

C’est également un théâtre itinérant. Oui, nous avons un camp de base qui est le Théâtre Varia, mais nous voulons bouger et aller à la rencontre des publics là où ils sont. La Belgique est truffée de centres culturels. Il faut mettre à profit cette infrastructure qui nous est offerte. Bien sûr, les gens peuvent aussi se déplacer, mais ce n’est pas toujours si facile, donc il me semble important d’aller nous-mêmes à leur rencontre. Puis j’adore faire des kilomètres en camionnette. Ça donne une autre couleur à notre métier. Bien entendu, ce théâtre itinérant nécessite des formes légères et mobiles qui influencent la mise en scène et la scénographie. L’esthétique du spectacle est faite pour tourner et la base reste les acteurs. Ce sont eux qui portent la pièce.

Entretien réalisé par Emilie Gäbele, attachée de presse du Théâtre Varia, le 17 juin 2016.