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COMPTES RENDUS 293 l'admirableChanson du confiteor, modèlede poésie gracieuse et spirituelle, l'on reconnaîtla versionsourianted'un thème privilégié. l'abandon. Bagatelles encore que les 64 Valentins, qui prennent place dans une deuxièmesection.. Maisà ce jeu délicat, Guilleragues révèle un art très sûr et très souple, dont le raffinement ne laisse pas de séduire. Et ce n'est pas le moindre intérêt de ces madrigaux et épigrammesque de laisserentrevoir quelques-uns dés motifs majeurs des Lettres.portugaises. Placées à la suite des Valentins (et cette chro- nolpgie est pleinement satisfaisante pour l'esprit), les Lettres portugaises ré-, vêlent ainsi leur véritable singularité.L'historique de l'oeuvre, l'étude de sa genèse et de sa significationartistique précisent et enrichissentles analyses de 1962. On regrettera seulement que le problème soulevé par l'interpréta- tion de la phrasé d'attaque : « Considère, mon amour... » n'ait pas fait l'objet d'un exposé plus détaillé. Suivant le principe de l'édition précédente, les au- teurs ont groupé à là fin du volume textes complémentaires,pièces justifi- catives, glossaire et index. En fait, cet appendice â fait peau neuve. L'étude des contributionsde Guilleragues à La Gazette de France se trouve précisée et constitue un modèle de recherche d'attribution sur critères stylistiques. Le glossaire s'est enrichi de thèmes nouveaux ; la notice bibliographique révèle l'existence de trois éditions différentes dans les exemplaires décrits comme représentant l'édition originale des Lettres portugaises; enfin l'index des noms et des sujets est remarquablementcomplet et permet de tirer le meilleur parti d'un ouvrage d'une grande richesse et d'une rare précision 1. Complétant utilement cet appendice, une notice grammaticale recense les traits caracté- ristiques de la langue de Guilleragues. Ont disparu les 37 lettres citées dans l'édition de 1962 que nous retrouveronsdans une édition très attendue de la correspondancecomplète de l'écrivain diplomate. JACQUES CHUPEAU. PETER FRANCE, Rhetoric and Truth in France. Descartes to Dide- rot. Oxford, Clarendon Press, 1972. Un vol. 13 x 22,5 de x-282 p. Sous le titre de Rhétorique et Vérité, M. Peter France nous propose un ouvrage élégant, qui s'applique à l'étude de questions assez diverses. Aussi, diverses que sont nombreux les sens du mot «rhétorique»; Cette situation n'échappe pas à l'auteur, qui sait tirer parti à la fois de ses avantages et de ses inconvénients. De quoi parle-t-on, en effet, quand on étudie, en littérature française, la rhétorique ? D'histoire de l'enseignement ? Ce ne serait déjà, vu l'ignorance régnant à ce sujet, pas un mince programme.Mais alors on insis- terait surtout sur le freinage que représenté cette activité scolaire par rapport à l'évolutiondu goût. Des rigueurs subies, dans l'épanchement de leur sensi- bilité ou dans leur jeu sur le langage, par desécrivains créatifs? Sous les noms de « contrainte » (féconde ou non), de «règles», de «doctrine clas- sique», ce champ d'étude a déjà été largement parcouru. Il est temps d'en sortir, et de poser les problèmes autrement. C'est, à notre avis, le principal mérite de cet Ouvrage. Veut-on voir, au contraire, dans la rhétorique, rame motrice du discours? Dans une époque où restait vive la certitude des pou- voirs du verbe, on peut encore classer sous ce terme (ou sous celui, voisin, d'«éloquence ») tout ce que nous appelons « style», «originalité», «ton», « valeur » ou « intérêt" littéraire. M. France ne se cache pas (p. 234) d'abou- tir à cet emploi. Mais son livre se veut particulièrement rhétorique en ce qu'il tenté surtout de cerner le problème du rapport conscient entre l'écrivain et. son lecteur. N'est-il pas paradoxal que le même mot puisse désigner, d'une part, une force de conservation marquée par le pédantisme et condamnée par les écri- vains élégants au style délié — et, d'autre part, l'envolée du style, la convic- 1. On relève pourtant quelques coquilles qui devraient disparaître lors d'un prochain tirage.

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COMPTESRENDUS 293

l'admirableChansondu confiteor,modèlede poésie gracieuseet spirituelle,oùl'on reconnaîtla versionsourianted'un thème privilégié. l'abandon.Bagatellesencore que les 64 Valentins,qui prennent place dans une deuxièmesection..Maisà ce jeu délicat, Guilleraguesrévèle un art très sûr et très souple, dontle raffinementne laisse pas de séduire. Et ce n'est pas le moindre intérêt decesmadrigauxet épigrammesque de laisserentrevoir quelques-unsdés motifsmajeurs des Lettres.portugaises.Placéesà la suite des Valentins(et cette chro-nolpgie est pleinement satisfaisantepour l'esprit), les Lettres portugaisesré-,vêlent ainsi leur véritable singularité.L'historique de l'oeuvre, l'étude de sa

genèse et de sa significationartistique précisent et enrichissentles analysesde 1962. On regrettera seulement que le problème soulevé par l'interpréta-tion de la phrasé d'attaque : «Considère,mon amour...» n'ait pas fait l'objetd'un exposéplus détaillé. Suivant le principe de l'édition précédente, les au-teurs ont groupé à là fin du volume textes complémentaires,pièces justifi-catives, glossaireet index. En fait, cet appendice â fait peau neuve. L'étudedes contributionsde Guilleraguesà La Gazette de France se trouve préciséeet constitueun modèle de recherched'attribution sur critères stylistiques.Leglossaire s'est enrichi de thèmes nouveaux; la notice bibliographiquerévèlel'existencede trois éditions différentesdans les exemplairesdécrits comme

représentant l'édition originale des Lettresportugaises; enfin l'index des nomset des sujets est remarquablementcompletet permet de tirer le meilleurpartid'un ouvrage d'une grande richesse et d'une rare précision1. Complétantutilement cet appendice, une notice grammaticalerecense les traits caracté-ristiquesde la langue de Guilleragues.Ont disparu les 37 lettres citées dansl'édition de 1962 que nous retrouveronsdans une édition— très attendue —de la correspondancecomplète de l'écrivain diplomate.

JACQUESCHUPEAU.

PETERFRANCE,Rhetoric and Truth in France. Descartes to Dide-rot. Oxford, Clarendon Press, 1972. Un vol. 13 x 22,5 de x-282 p.

Sous le titre de Rhétorique et Vérité, M. Peter France nous propose unouvrage élégant, qui s'applique à l'étude de questionsassez diverses.Aussi,diverses que sont nombreux les sens du mot «rhétorique»; Cette situationn'échappe pas à l'auteur, qui sait tirer parti à la fois de ses avantages et deses inconvénients.De quoi parle-t-on,en effet, quand on étudie, en littératurefrançaise,la rhétorique? D'histoire de l'enseignement? Ce ne serait déjà, vul'ignorancerégnant à ce sujet, pas un mince programme.Mais alors on insis-terait surtout sur le freinage que représentécette activité scolairepar rapportà l'évolutiondu goût. Des rigueurs subies, dans l'épanchementde leur sensi-bilité ou dans leur jeu sur le langage, par desécrivains créatifs? Sous lesnoms de « contrainte» (féconde ou non), de «règles», de «doctrine clas-sique», ce champ d'étude a déjà été largement parcouru. Il est temps d'ensortir, et de poser les problèmes autrement. C'est, à notre avis, le principalmérite de cet Ouvrage.Veut-on voir, au contraire, dans la rhétorique, ramemotrice du discours? Dans une époque où restait vive la certitudedes pou-voirs du verbe, on peut encore classer sous ce terme (ou sous celui, voisin,d'«éloquence ») tout ce que nous appelons «style», «originalité», «ton»,«valeur» ou «intérêt" littéraire. M. France ne se cachepas (p. 234) d'abou-tir à cet emploi. Mais son livre se veut particulièrement rhétorique en cequ'il tenté surtout de cerner le problème du rapport conscient entre l'écrivainet. son lecteur.

N'est-il pas paradoxal que le même mot puisse désigner, d'une part, uneforce de conservationmarquée par le pédantismeet condamnéepar les écri-vains élégants au style délié — et, d'autre part, l'envolée du style, la convic-

1.Onrelèvepourtantquelquescoquillesquidevraientdisparaîtrelorsd'unprochaintirage.