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LE FIGARO jeudi 19 juin 2014 littéraire re EN VUE 7 "Du Catherine Enjolet comme on l'aime" Pierre Vavasseur, Le Parisien "Troublant et touchant" Marianne Payot, L'express "Il y a dans cette subtile exposition de soi un travail simplement remarquable." Jean Claude Lebrun, L'humanité Entre quête et enquête PRIX PARIS LE CHIFFRE DE LA SEMAINE La littérature est mon poison et mon antidote, mon épouse et ma maîtresse, les sécrétions que distille mon corps. JUAN MANUEL DE PRADA DANS « LE NOUVEL OBSERVATEUR » ÉRIC GARAULT/LE FIGARO MAGAZINE 100 C’est le nombre d’écrivains d’Amérique du Nord, anglophones (États-Unis, Canada), francophones (Québec, Haïti, Louisiane) et de France réunis du 11 au 14 septembre au Festival America de Vincennes. Retrouvez sur Internet, chaque mardi, la chronique « Livres pour la jeunesse ». SUR WWW.LEFIGARO.FR/ LIVRES @ « Qui connaît les chats ? » s’interroge Rainer Maria Rilke. Plume singulière et talentueuse, Stéphanie Hochet tente de répondre à la question. Pour cela, elle convoque les plus grands écrivains – ça fait du monde mais donne l’occasion d’une anthologie féline merveilleuse (T.S. Eliot, Maupassant, Colette, Céline, Baudelaire, Orwell, Léautaud…). Ensuite, elle brosse une série de cinq portraits, ou plutôt des profils : le libertaire, l’autocrate, la femme, le replet, le dieu. On s’amuse, et chacun retrouvera son chat. Une constance : le mot « indépendant » revient souvent, mais aussi « mystérieux ». « Tout le monde le sait, écrit-elle, le chat est un animal libre, le chat choisit son maître avant que le maître n’arrête son choix sur le chat (…) » La romancière effectue un bref historique, elle rappelle que la petite créature à la fourrure soyeuse a longtemps été détestée, et on a même affirmé qu’elle n’a jamais existé. Aujourd’hui, le chat est roi. Après cette ballade littéraire érudite et divertissante, Stéphanie Hochet conclut avec une autre question : comment saisir le chat ? La réponse ? On ne parviendra pas à saisir le mystère, mais, pour elle, il semble que nous nous reconnaissons en cette bête. Vers la fin, elle cite Mark Twain : « Si l’on pouvait croiser l’homme et le chat, ça améliorerait l’homme mais ça dégraderait le chat. » M. A. ÉLOGE DU CHAT De Stéphanie Hochet, Éditions Léo Scheer, 106 p., 15 €. MARQUE-PAGES Le chat, ce mystérieux personnage La pieuvre ne meurt jamais JACQUES DE SAINT VICTOR D ANS le genre polar de « mafia », le juge-ro- mancier Giancarlo De Cataldo a marqué avec Romanzo Crimi- nale (2006) un moment incon- tournable, un peu à la manière de Mario Puzo avec Le Parrain (1969). L’histoire, inspirée de la véritable bande della Magliana qui terrorisa Rome au tournant des années 1970-1980, jette un coup de projecteur glaçant sur les « pactes scélérats » se nouant dans l’ombre entre politiques, services secrets et crime organisé. Ce que les Italiens appellent la « politique noire ». De Cataldo revient dans ce petit livre sur l’émergence d’un des personnages principaux de la ban- de, le Libanais, qui se hissa dans la cour des grands après un séjour en prison où il sauva la vie du neveu d’un boss de la Camorra. Spaghettis et kalachnikov Rempli de clins d’œil à la chroni- que criminelle romaine (comme le remplacement des Marseillais par les Romains), De Cataldo poursuit la fresque d’une Suburre qu’il connaît bien. Mais le lecteur français risque d’être un peu dé- passé. Le texte tient plus d’une nouvelle sur une Mamma Roma qui se rapproche toujours plus de la louve-putain de Tite-Live à mesure qu’on la connaît. Mais, à côté de Rome, il y a Na- ples, encore plus terrifiante, avec sa Camorra historique qui fit la gloire de Roberto Saviano. Malgré quelques longueurs, le roman du journaliste Franco Di Mare, Diables au paradis (le titre original s’inspi- re directement de Benedetto Croce pour qui Naples était un « paradis habité par des diables »), offre une belle surprise. Il décrit avec un ton cru le quotidien d’un tueur à gages de la Mafia, Carmine, dont le par- cours est pour le moins original. Docteur en philologie, victime de la fourberie de son professeur, Carmine s’est laissé aller à collabo- rer avec la Mafia pour survivre. Contradiction qui ne semblera im- probable qu’à ceux ignorant qu’à Naples certains chefs mafieux sont aussi poètes… Il en résulte de beaux passages sur la force du Mal, mobilisant Shakespeare et Grégoire le Grand, entre plats de spaghettis et kala- chnikov. Mais le combat du Bien et du Mal se poursuit car tous n’ont pas baissé les bras et le jour- naliste Marco de Matteo est de ceux qui persistent à vouloir faire triompher la justice. Aux antipo- des de Gomorra, ne s’intéressant qu’à des destinées individuelles, sans entrer dans les mécanismes de corruption, le roman de Franco Di Mare est plein d’empathie pour sa ville et pour ses habitants. Le pire côtoie le meilleur, y compris chez chacun des protagonistes. Comme si la mort qui rôde les ren- dait plus terribles mais aussi plus humains… Pour Franco Di Mare, à Naples, le pire y côtoie le meilleur. F. PISCHETOLA/ DB/COSMOS JE SUIS LE LIBANAIS De Giancarlo De Cataldo, traduit de l’italien par Paola de Luca et Gisèle Toulouzan, Métailié noir, 127 p., 14 €. BD Homs, 1980 Riad Sattouf, dessinateur à Charlie Hebdo bien connu des lecteurs de BD, s’est fait un nom auprès du grand public en 2005 avec Retour au collège, puis comme réalisateur avec Les Beaux Gosses en 2009. Son nouvel album, L’Arabe du futur, premier volet d’une série autobiographique sur son enfance en Libye, en Bretagne et surtout en Syrie au début des années 1980, fait un tabac. L’auteur, né en 1978 d’une mère française et d’un père syrien, a adopté le point de vue du petit garçon qu’il était, blond comme les blés, innocent. Il dessine et rapporte tout ce qu’il a vu, entendu et même senti (chaque pays a son odeur…) : sans commentaire, sans jugement et surtout sans se censurer. Il ne passe rien sous silence, pas plus le racisme et l’antisémitisme de sa famille paternelle que l’état de désolation de la Libye et de la Syrie de Kadhafi et de Hafez el-Assad, hérissées de cubes de béton, en pénurie de nourriture. Riad Sattouf affirme qu’il a voulu être le plus honnête possible et que son propos n’est pas politique ; n’empêche, son regard candide est corrosif. Cet album est aussi l’histoire d’un père vu par son fils, l’histoire d’une déception peut-être. Ses parents se sont rencontrés au début des années 1970 à la Sorbonne. Son père avait grandi dans un village proche de Homs et obtenu une bourse. Ce jeune Syrien croyait en son avenir et en celui des nations arabes, rêvait de coup d’État, d’éducation des masses, mais ses contradictions et son manque de lucidité se font vite jour. « Il affirmait ne pas être croyant ou religieux mais défendait toujours les sunnites en disant qu’ils étaient les seuls à avoir raison. » Le récit subtilement dérangeant d’un véritable écrivain graphique. ASTRID DE LARMINAT L’ARABE DU FUTUR, UNE JEUNESSE AU MOYEN-ORIENT (1978-1984) De Riad Sattouf, Allary Éditions, 158 p., 20,90 €. Un poisson nommé tilapia CHARLES HAQUET Enquête dans le milieu des trafics alimentaires et de la malbouffe. MOHAMMED AÏSSAOUI [email protected] O N VOUS souhaiterait bien bon appétit, mais avec ce roman, vous risquez plutôt de ne plus jamais toucher à votre assiette. Charles Haquet offre à la fois un thriller et un récit d’aven- tures dans le milieu international de la malbouffe. Son livre a d’ailleurs décroché le prix du roman d’aventu- res. Il y a, d’abord, une enquête – sé- rieuse comme les meilleurs docu- mentaires - qui fait frémir, et, autant le dire, qui écœure par le cynisme des escrocs prêts à nous faire avaler n’importe quoi. Évidemment, on comprend qu’à partir du moment où la course consiste à viser le plus bas prix à tout prix, il n’y a plus de règles. Des tas de produits Pour beaucoup d’aventuriers sans scrupules, la malbouffe est une ruée vers l’or. L’actualité donne plus que jamais raison à Charles Haquet, qui connaît bien les dessous de cette in- dustrie en tant que grand reporter à L’Express. L’auteur met en scène Ca- mille et Marco, les deux fondateurs de TracFood, une société dont l’acti- vité consiste à conseiller les entre- prises du secteur agroalimentaire, mais qui en vérité tentent surtout de remonter les trafics et la contrefaçon alimentaires. Camille se retrouve pris dans les griffes de Zarov, et Marco enquête. L’incroyable est que dans certains paysages de rêve – des rizières à perte de vue, une nuit étoi- lée à Odessa - se déroule ce qu’il y a de pire. Ainsi apprend-on que le tila- pia est un poisson béni des dieux, parce qu’il n’y a pas plus rentable. « Il vit dans les eaux froides, grossit très vite et se reproduit à la vitesse de l’éclair. J’en produis douze mille ton- nes par an, et ça ne me coûte prati- quement rien »… Que mange ce pois- son ? interroge Marco. Des déjections de porcs, plus des tas de produits dangereux ! Il y a cette enquête mais il y a beaucoup d’esprit et d’humour aus- si. La manière dont Marco est quitté par son amante est un petit moment d’anthologie. Un excellent roman. À ne pas dévorer, surtout ! LES FAUVES D’ODESSA De Charles Haquet, Éditions du Masque, 284 p., 6,90 €. DIABLES AU PARADIS De Franco Di Mare, traduit de l’italien par Marianne Faurobert, Liana Levi, 304 p., 19 €. GIANCARLO DE CATALDO - FRANCO DI MARE Deux regards romanesques sur la Mafia.

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LE FIGARO jeudi 19 juin 2014

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littérairelittéraireEN VUE

7

"Du Catherine Enjolet comme on l'aime"Pierre Vavasseur, Le Parisien

"Troublant et touchant"Marianne Payot, L'express

"Il y a dans cette subtile exposition de soiun travail simplement remarquable."

Jean Claude Lebrun, L'humanité

Entre quêteet enquête

PRIX PARIS

LE CHIFFRE DE LA SEMAINELa littérature est mon poison et mon antidote,

mon épouse et ma maîtresse, les sécrétions que distille mon corps.JUAN MANUEL DE PRADA DANS « LE NOUVEL OBSERVATEUR »ÉRIC GARAULT/LE FIGARO MAGAZINE

100C’est le nombre d’écrivains

d’Amérique du Nord, anglophones (États-Unis, Canada), francophones (Québec, Haïti,

Louisiane) et de France réunis du 11 au 14 septembre au Festival America de Vincennes.

Retrouvez sur Internet, chaque mardi, la chronique« Livres pour la jeunesse ».

SURWWW.LEFIGARO.FR/LIVRES@

« Qui connaît les chats ? » s’interroge Rainer Maria Rilke. Plume singulière et talentueuse, Stéphanie Hochet tente de répondre à la question. Pour cela, elle convoque les plus grands écrivains – ça fait du monde mais donne l’occasion d’une anthologie féline merveilleuse (T.S. Eliot, Maupassant, Colette, Céline, Baudelaire, Orwell, Léautaud…). Ensuite, elle brosse une série de cinq portraits, ou plutôt des profils : le libertaire, l’autocrate, la femme, le replet, le dieu. On s’amuse, et chacun retrouvera son chat. Une constance : le mot « indépendant » revient souvent,mais aussi « mystérieux ». « Toutle monde le sait, écrit-elle, le chatest un animal libre, le chat choisit

son maître avant que le maître n’arrête son choix sur le chat (…) » La romancière effectue un bref historique, elle rappelle que la petite créature à la fourrure soyeuse a longtemps été détestée, et on a même affirmé qu’elle n’a jamais existé. Aujourd’hui, le chat est roi. Après cette ballade littéraire érudite et divertissante, Stéphanie Hochet conclut avec une autre question : comment saisir le chat ? La réponse ? On ne parviendra pas à saisir le mystère, mais, pour elle, il semble que nous nous reconnaissons en cette bête. Vers la fin, elle cite Mark Twain : « Si l’on pouvait croiser l’homme et le chat, ça améliorerait l’homme mais ça dégraderait le chat. »

M. A.

ÉLOGE DU CHATDe Stéphanie Hochet, Éditions Léo Scheer,106 p., 15 €.

MARQUE-PAGES

Le chat, ce mystérieux personnage

La pieuvre ne meurt jamais

JACQUES DE SAINT VICTOR

DANS le genre polar de« mafia », le juge-ro-mancier GiancarloDe Cataldo a marquéavec Romanzo Crimi-

nale (2006) un moment incon-tournable, un peu à la manière deMario Puzo avec Le Parrain(1969). L’histoire, inspirée de lavéritable bande della Magliana quiterrorisa Rome au tournant desannées 1970-1980, jette un coupde projecteur glaçant sur les« pactes scélérats » se nouantdans l’ombre entre politiques,services secrets et crime organisé.Ce que les Italiens appellent la« politique noire ».

De Cataldo revient dans ce petitlivre sur l’émergence d’un despersonnages principaux de la ban-de, le Libanais, qui se hissa dans la cour des grands après un séjour enprison où il sauva la vie du neveu d’un boss de la Camorra.

Spaghettis et kalachnikovRempli de clins d’œil à la chroni-que criminelle romaine (commele remplacement des Marseillaispar les Romains), De Cataldopoursuit la fresque d’une Suburrequ’il connaît bien. Mais le lecteurfrançais risque d’être un peu dé-passé. Le texte tient plus d’unenouvelle sur une Mamma Romaqui se rapproche toujours plus de

la louve-putain de Tite-Live àmesure qu’on la connaît.

Mais, à côté de Rome, il y a Na-ples, encore plus terrifiante, avecsa Camorra historique qui fit lagloire de Roberto Saviano. Malgréquelques longueurs, le roman du journaliste Franco Di Mare, Diablesau paradis (le titre original s’inspi-re directement de Benedetto Crocepour qui Naples était un « paradis habité par des diables »), offre unebelle surprise. Il décrit avec un toncru le quotidien d’un tueur à gagesde la Mafia, Carmine, dont le par-

cours est pour le moins original.Docteur en philologie, victime dela fourberie de son professeur, Carmine s’est laissé aller à collabo-rer avec la Mafia pour survivre.Contradiction qui ne semblera im-probable qu’à ceux ignorant qu’àNaples certains chefs mafieux sontaussi poètes…

Il en résulte de beaux passagessur la force du Mal, mobilisantShakespeare et Grégoire le Grand,entre plats de spaghettis et kala-chnikov. Mais le combat du Bienet du Mal se poursuit car tous

n’ont pas baissé les bras et le jour-naliste Marco de Matteo est deceux qui persistent à vouloir fairetriompher la justice. Aux antipo-des de Gomorra, ne s’intéressantqu’à des destinées individuelles,sans entrer dans les mécanismesde corruption, le roman de FrancoDi Mare est plein d’empathie poursa ville et pour ses habitants. Le pire côtoie le meilleur, y comprischez chacun des protagonistes.Comme si la mort qui rôde les ren-dait plus terribles mais aussi plushumains… ■

Pour Franco Di Mare,à Naples, le pire

y côtoie le meilleur.F. PISCHETOLA/

DB/COSMOS

JE SUIS LE LIBANAISDe Giancarlo De Cataldo, traduit de l’italien par Paola de Luca et Gisèle Toulouzan, Métailié noir, 127 p., 14 €.

BDHoms, 1980Riad Sattouf, dessinateur à Charlie Hebdo bien connu des lecteurs de BD, s’est fait un nom auprès du grand public en 2005 avec Retour au collège, puis comme réalisateur avec Les Beaux Gosses en 2009. Son nouvel album, L’Arabe du futur, premier volet d’une série autobiographique sur son enfance en Libye, en Bretagneet surtout en Syrie au début des années 1980, fait un tabac. L’auteur, né en 1978 d’une mère française et d’un père syrien, a adopté le point de vue du petit garçon qu’il était, blond comme les blés, innocent. Il dessine et rapporte tout ce qu’il a vu, entendu et même senti (chaque pays a son odeur…) : sans commentaire, sans jugement et surtout sans se censurer. Il ne passe rien sous silence, pas plus le racisme et l’antisémitisme de sa famille paternelle que l’état de désolation de la Libye et de la Syrie de Kadhafi et de Hafez el-Assad, hérissées de cubes de béton, en pénurie de nourriture. Riad Sattouf affirme qu’il a voulu être le plus honnête possible et que son propos n’est pas politique ; n’empêche, son regard candide est corrosif. Cet album est aussi l’histoire d’un père vu par son fils, l’histoire d’une déception peut-être. Ses parents se sont rencontrés au début des années 1970 à la Sorbonne. Son père avait grandi dans un village proche de Homs et obtenu une bourse. Ce jeune Syrien croyait en son avenir et en celui des nations arabes, rêvait de coup d’État, d’éducation des masses, mais ses contradictions et son manque de lucidité se font vite jour. « Il affirmait ne pas être croyant ou religieux mais défendait toujours les sunnites en disant qu’ils étaient les seuls à avoir raison. » Le récit subtilement dérangeant d’un véritable écrivain graphique.

ASTRID DE LARMINAT

L’ARABE DU FUTUR, UNE JEUNESSE AU MOYEN-ORIENT (1978-1984)De Riad Sattouf, Allary Éditions, 158 p., 20,90 €.

Un poisson nommé tilapiaCHARLES HAQUET Enquête dans le milieu des trafics alimentaires et de la malbouffe.

MOHAMMED AÏ[email protected]

ON VOUS souhaiteraitbien bon appétit, maisavec ce roman, vousrisquez plutôt de neplus jamais toucher à

votre assiette. Charles Haquet offre à la fois un thriller et un récit d’aven-tures dans le milieu international de la malbouffe. Son livre a d’ailleurs décroché le prix du roman d’aventu-res. Il y a, d’abord, une enquête – sé-rieuse comme les meilleurs docu-

mentaires - qui fait frémir, et, autant le dire, qui écœure par le cynisme des escrocs prêts à nous faire avaler n’importe quoi. Évidemment, on comprend qu’à partir du moment où la course consiste à viser le plus bas prix à tout prix, il n’y a plus de règles.

Des tas de produitsPour beaucoup d’aventuriers sans scrupules, la malbouffe est une ruée vers l’or. L’actualité donne plus que jamais raison à Charles Haquet, qui connaît bien les dessous de cette in-dustrie en tant que grand reporter à

L’Express. L’auteur met en scène Ca-mille et Marco, les deux fondateurs de TracFood, une société dont l’acti-vité consiste à conseiller les entre-prises du secteur agroalimentaire, mais qui en vérité tentent surtout de remonter les trafics et la contrefaçon alimentaires. Camille se retrouve pris dans les griffes de Zarov, et Marco enquête. L’incroyable est que dans certains paysages de rêve – des rizières à perte de vue, une nuit étoi-lée à Odessa - se déroule ce qu’il y a de pire. Ainsi apprend-on que le tila-pia est un poisson béni des dieux,

parce qu’il n’y a pas plus rentable. « Il vit dans les eaux froides, grossit très vite et se reproduit à la vitesse de l’éclair. J’en produis douze mille ton-nes par an, et ça ne me coûte prati-quement rien »… Que mange ce pois-son ? interroge Marco. Des déjections de porcs, plus des tas de produits dangereux !

Il y a cette enquête mais il y abeaucoup d’esprit et d’humour aus-si. La manière dont Marco est quitté par son amante est un petit moment d’anthologie. Un excellent roman. À ne pas dévorer, surtout ! ■

LES FAUVES D’ODESSADe Charles Haquet, Éditions du Masque, 284 p., 6,90 €.

DIABLES AU PARADISDe Franco Di Mare, traduit de l’italien par Marianne Faurobert, Liana Levi, 304 p., 19 €.

GIANCARLO DE CATALDO -FRANCO DI MAREDeux regards romanesques sur la Mafia.