7/21/2019 Document(20)

1/1

jeudi 19 juin 2014 LE FIGARO

ittraireHISTOIRE

Le mystrede la Dameen bleuESSAI Rflexionsanthropologiquessur la Mditerrane.

JEAN-MARC BASTIRE

COMME Vnus sortant delcume de la mer, laMditerrane estivaleest ne de nos dsirs,mais elle na pas tou-

jours exist. Elle fut dabord unemer hivernale, attirante pour ladouceur de cette saison. Le sacre delt fut plus tardif. Avec lui lescorps se dorent au soleil, les sensexultent. Tel est le noyau du livrede Jean-Didier Urbain, professeur luniversit Paris-Descartes, quia dj publi Sur la plage, une tudesur les murs balnaires depuis leXIXesicle.

Cet anthropologue ne nous livrepas proprement parler une his-toire linaire mais une rflexion enspirale sur ce renversement totaldes mentalits lendroit de laMditerrane. Le Sud lemportesur le Nord, la chaleur sur le froid,la lumire sur lombre. Et lhdo-

nisme sur lhyginisme.

Femme prisonnire Pour sonder le mystre de la Dameen bleu, il faut aller plus loin quunsicle, remonter les millnaires.Enserre par trois continents, cettemer gorge dhistoire apparat de-puis longtemps comme une fem-me prisonnire au regard du virilocan Atlantique, son alter egomasculin. Entre les deux il sensui-vra une relation damour tumul-tueuse et tendue. La Mditerrane

apparat, avec ses courants invisi-bles et ses temptes imprvisibles,plus retorse.

Au dbut des annes 1930, la mercaptive et domine a pris en unclair une revanche sourdementrotique. Ainsi que le rvle cettebrochure de 1934, le grand bascu-lement a lieu : La Cte dAzur,tombe son assoupissement tradi-tionnel depuis fin mai, connut cette

anne-l, aux alentours de la Ftenationale, une rsurrection prma-ture. Ainsi naquit la saison dtdans une contre dont on pensait tort jusque-l que les jours de flam-me suspendaient sa sduction. Desmarques devenues mythiques ac-compagnent ce mouvement. Com-me lAmbre Solaire, cr en 1935par Eugne Schueller, fondateur dela socit qui deviendra LOral.

Ou le Club Mditerrane, qui sym-bolise un nouvel ge de bronze .Tout cela est fond sur limaginairepolynsien, le retour linnocenceoriginelle et aux dlices du Paradisterrestre Cette utopie, en se d-mocratisant et se mondialisant,sest tiole et affadie. Malgr tout,la Mditerrane, alors que les tou-ristes jadis la dsertaient lt, agard ses prrogatives estivales.

AU SOLEIL

NAISSANCE DELA MDITERRANEESTIVALEDe Jean-DidierUrbain, Payot,300 p., 21 .

Robert E. Lee : plein SudBIOGRAPHIE Portrait du charismatique gnral qui affronta les armes du Nord

durant la guerre de Scession.

PAUL FRANOIS PAOLI

Peu dhommes seraientdsireux de lire leurvritable histoire ,acrit un jour RobertE. Lee, le chef cha-

rismatique de la Confdration su-diste qui affronta, quatre ans durant,les armes du Nord lors dune guer-re de Scession qui dchira les tats-Unis entre 1861 et 1865. Est-ce direque lhomme ntait pas conforme

une certaine lgende qui fit de lui lehros d une caus e perdue : celledun Sud esclavagiste, mais aussiaristocratique et patriarcal ?

Un personnage controversDans cette biographie, la premirecrite en franais sur ladversairedu gnral Grant, Vincent Bernardapprhende sans a priori ce per-sonnage qui reste controvers,malgr sa rhabilitation officiellepar les tats-Unis. Il en ressort un

portrait mesur de celuiquEisenhower considrait comme un des plus nobl es Am ricainsayant jamais vcu . Robert E. Leefut la fois un grand soldat maisaussi un chrtien dvot et un racis-te paternaliste. Ce qui ne lemp-chait pas de rprouver lesclavageaussi bien moralement quesocialement.

Un des intrts de ce livre estdviter lanachronisme du juge-ment a posteriori. Lauteur montre

que les abolitionnistes taient toutautant racistes que les sudistes, maisquils ltaient diffremment. cetgard, les dclarations dA. Lincolndurant une campagne prsidentielleo celui-ci affirme refuser toutesformes de promiscuit entre les racessont stupfiantes. Pour le Nord, le ngre devait pouvoir tre libre degagner sa vie la sueur de son fronttandis que pour le Sud il navaitquun devoir : celui de servir lesBlancs.

ROBERT E. LEE,LA LGENDESUDISTEDe Vincent Bernard,Perrin,24 ., 446 p.

ET AUSSI

Houellebecq,patagon de chocEn 2007, lcrivain et journalistebrsilien Juremir Machado da Silvaa effectu un priple en Patagonieet en Terre de Feu avec sa femmeClaudia et son ami franaisMichel Houellebecq, dont il estle traducteur. Ce voyageau Far West patagonienet magellanien est loccasionpour le Brsilien de tenterde cerner un peu mieux lauteurdes Particules lmentaires

quil admire mais ne comprend pastoujours. Les changes entreles deux hommes sont souventintelligents, drles voirefranchement loufoques.Lchange sur les mritescompars des loups-marinset des pingouins nest pas triste.Les propos de M. H. sur Cline( Je crois que je suis meilleurque lui ) et Proust (un peudrangeant. Il est nettementmeilleur que moi ),sur limportance des Monoprix,sur linexistence de Dieu,sur la sexualit de groupe,ne manquent pas de sel.

BRUNO CORTY

EN PATAGONIE AVEC MICHELHOUELLEBECQ De JuremirMachado da Silva, Biblis/CNRSditions, 222 p., 8 .

Le IIIeReich, producteur de championsSPORT Hitler voulait des athltes dexception pour cimenter le rgime nazi.

Un essai dcrit ce que fut sa vision dvoye de lunivers des stades.

FRDRIC DE MONICAULTfdemonicault@lefigaro.fr

LE SPORT comme vecteurde propagande : le phno-mne nest pas nouveaumais il a rarement t aus-si exploit que sous le IIIe

Reich, o le culte du corps et la re-cherche de performance ont accom-pagn le dploiement du rgime nazi.Lors dvnements rests dans lHis-

toire, comme lorganisation des Jeuxolympiques de Berlin en 1936 et unelongue srie de destins individuels,aussi bien sur les pistes cendres quesur les voies des sommets enneigs.

Rapide comme un lvrier Grand reporter Lquipe Magazine,Benot Heimermann raconte avecprcision ce dvoiement de lexerci-ce physique, mlant les pisodes sai-sis au cur des stades et lanalyse du

discours idologique. dire vrai, leFhrer sest rarement intress ausport, un domaine peine aborddans Mein Kampf, faisant tout justelobjet dune recommandation quecite lauteur des Champions dHitler : Le jeune Allemand de demain doittre souple et rapide comme un lvrier,dur comme le cuir, solide commelacier. Pour appliquer cette maxi-me, Hitler se tourne ds 1933 vers Ec-kart von Tschammer, un officier de

marine destin dix ans durant oc-cuper le fauteuil de Reichss-portfhrer. Ministre des Sports donc,mais aussi bien plus que cela, unguide, un leader, habilit fouetter lesnergies des plus arpenteurs de lex-cellence allemande qui () incarne-raient la supriorit de la race lue .Le document de Benot Heimermannest une plonge utile dans un universo les athltes ne sont plus que lesrouages dune machine infernale.

LES CHAMPIONSDHITLERDe BenotHeimermann,Stock,211 p., 18,50 .

ET AUSSICombien de marins

La Mduse, le Batavia,lAventure,la Jeannette : mais quallaient-ilsfaire dans ces galres ? Lestmoins de quelques grandsnaufrages de lhistoire ont pufaire, a posteriori, le rcit de leursterribles aventures. Partissur des navires surchargs,mal dirigs, jouets des fureursde la mer et de lhostilit dlotsperdus en pleine mer, certainsrussirent pourtant survivre.Du tmoignage glaantdu capitaine du Bataviaqui,parti la recherche de secours,retrouva son quipage dcimpar des compagnons devenuspsychopathes lmouvant

journal de bord posth ume tenupar le capitaine de la Jeannette,

prisonnier de lhiver arctique,ce volume revient sur septcatastrophes maritimes. On yapprend ainsi que le commandantde la Mduse navait pas prisla mer depuis vingt-cinq ansau moment o il sapprta monter bord de son appareil.Suivre les drames en marche estune exprience aussi mouvantequprouvante.

FRANOISE DARGENT

LES NAUFRAGS Tmoignages prsentspar Dominique le Brun,ditions Omnibus, 928 p., 27 .

Lola Lafon, Prix de lHrone Madame Figaro ditionLa remise du grand prix de lH-rone Madame Figaro a eu lieu hier lHtel Raphal en prsencedAnne-Florence Schmitt, la di-rectrice de la rdaction deMadame Figaro. Le jury, composde neuf membres, Patrick Poivre

dArvor (prsident), RachidaBrakni, Sarah Lavoine, Pierre Les-cure, Virginie Ledoyen, NathalieRykiel, Isabelle Giordano, AlexLutz, Olivier Saillard et de cinq lec-trices de Madame Figaro, a choisises laurats parmi quinze livresrpartis dans trois catgories.

Dans l a cat gorie Romanfranais , le prix a t remis Lola Lafon pour La petite com-muniste qui ne souriait jamais(Actes Sud).

Dans la catgorie Biogra-phie/Document , le prix a tattribu Henri Gougaud pourLe

Roman de Louise paru chez AlbinMichel.

Enfin, dans la catgorie Ro-man tranger , cest MarjorieCelona qui la emport avec sonpremier roman, Y, publi chezGallimard.

B. C.

LOLA LAFON, HENRI GOUGAUDET MARJORIE CELONA LAURATSDU GRAND PRIX DE LHRONE MADAME FIGARO .

ON EN

parle

RUE

DES

ARCHIVES/THE

ADVERTISINGA

RCHIVES/RDA