Document de position du Parlement Populaire sur le Good Governance and Integrity Reporting Bill
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7/23/2019 Document de position du Parlement Populaire sur le Good Governance and Integrity Reporting Bill
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PARLEMENT POPULAIRE
Document de position
sur le
Good Governance and Integrity Reporting Bill
– 09 novembre 2015 –
7/23/2019 Document de position du Parlement Populaire sur le Good Governance and Integrity Reporting Bill
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Parlement Populairede la République de Maurice
Parlement Populaire – Elias Street – Rose-Hill – Republic of Mauritius [email protected]
| Document de position sur le Good Governance and Integrity Reporting Bill | 09 novembre 2015 | 1/5
Introduction. « La loi et l’esprit de la loi »
Il existe dans le pays un consensus large sur le fait que la lutte contre la corruption et contre
l’enrichissement malhonnête et criminel doit être une priorité nationale. Toutefois, le Good Governance
and Integrity Reporting Bill soulève plusieurs problèmes de fond quant aux formulations et aux
mesures préconisées pour lutter contre ce fléau.
Parmi les objectifs affichés du projet de loi, il s’agit d’encourager « a culture of good governance and
integrity reporting ». Toutefois, la notion de « integrity reporting » dans ce projet de loi n’encourage
pas le « whistle-blowing » mais la délation.
Le projet de loi prévoit la création d’une Integrity Reporting Services Agency et d’un Integrity Reporting
Board qui recevront et traiteront les dénonciations, décideront de la suite à donner et de l’éventuelle
récompense de dénonciateurs. Toutefois, les nominations des hauts cadres de ces institutions relèvera
de l’Exécutif, et plus précisément du Premier ministre et du ministre de tutelle. Il s’agit là ni plus ni
moins que de renforcer des pouvoirs discrétionnaires de l’exécutif, qui empièteraient alors sur les
principes de séparation des pouvoirs et de check and balance sans lesquels il n’y a plus de démocratie.
Peut-on parler de bonne gouvernance si un projet de loi enfreint les principes de séparation des
pouvoirs et de check and balance ?
1. Un projet de loi qui encourage non pas le « whistle blowing » mais la délation
Le projet de loi fait usage du terme « integrity reporting », qui comprend deux éléments dans le texte :il s’agit de recevoir les « reports and disclosures of (…) acts of malpractices and unexplained wealth » et
corrélativement de « reward persons making disclosures and reports ». Le texte de loi prévoit même
une récompense financière pour les dénonciateurs : « “reward” includes payment to compensate victims
of fraud, white collar crimes or retaliation, or such other payment as may be prescribed ».
En outre, le dénonciateur n’est même pas tenu de fournir les preuves de sa dénonciation. Il lui suffit
d’avoir un « reasonable ground to suspect that a person has acquired unexplained wealth ».
Le texte de loi peut même obliger toute tierce personne à fournir des éléments sur un individu
incriminé : « The Agency shall, on its own initiative or where a report has been made in respect of a
person (…) require, in writing, any person to explain the source of any funds which the person owns, possesses, has custody or control of, or which are believed to have been used in the acquisition of any
property ».
Il s’agit ici bien de délation et non de whistle blowing. La délation est l’acte de dénoncer une personne à
la justice ou aux autorités, pour des faits jugés ou ressentis comme répréhensibles. Un whistle-blower
ou lanceur d’alerte en français est une personne qui a été témoin de pratiques illégales ou
malhonnêtes et qui les exposer à la lumière en interpellant les pouvoirs en place et/ou l’opinion
publique.
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Deux éléments essentiels différencient le délateur du whistle-blower :
- le whistle-blower n’a pas de « vested interests »; tandis que la délation s’effectue pour des motifs
personnels et avec un gain personnel à la clé : promesse de récompense, vengeance personnelle,
désir de nuire à la personne… Au contraire, le whistle-blower prend même des risques réels par
rapport à la cause qu’il défend : en raison aux représailles auxquelles il est souvent exposé de la
part de ceux qu’il dérange, il met souvent en danger sa santé, sa sécurité, son image et même sa vie.
- le délateur vise une personne en particulier, tandis que le whistle-blower ne vise pas à dénoncer une
personne en particulier, mais un état de fait qu’il estime dangereux ou dommageable pour l’intérêt
général et le bien public.
Il est clair au regard de ces critères que la formulation des termes du Good Governance and Integrity
Reporting Bill en ce qui concerne le integrity reporting ne favorise pas du tout le whistle-blowing mais
bien la délation :
- en encourageant et même en obligeant les citoyens mauriciens à dénoncer leurs concitoyens ;
- en pouvant agir sur la simple base d’une suspicion ;
- en leur faisant miroiter une perspective de récompense, donc un bénéfice personnel, pour leur acte
de dénonciation.
2. Un projet de loi contraire à la bonne gouvernance car il bafoue la séparation des pouvoirs
Alors même que le Good Governance and Integrity Reporting Bill affiche l’ambition de « promouvoir une
culture de bonne gouvernance » et d’encourager la promotion des « actes de bonne gouvernance », il
omet de respecter un principe essentiel de bonne gouvernance : la séparation des pouvoirs et le
principe inhérent de checks and balances.
La gouvernance désigne le mode de décision et de gestion des affaires de l’Etat . La gouvernance est
donc dite « bonne » quand les décisions sont prises dans l’intérêt général et pour le bien commun, en
respectant les principes d’éthique, de transparence et d’accountability dans les décisions, les pratiques
et les procédures. La bonne gouvernance ne peut donc s’exercer sans le respect en amont des règles
fondamentales de la démocratie, à savoir le principe de séparation des pouvoirs et de checks andbalances.
La séparation des pouvoirs désigne le principe selon lequel les trois principales sources du pouvoir
étatique, c’est-à-dire le pouvoir législatif (le Parlement), le pouvoir exécutif (présidences,
gouvernements, ministères) et le pouvoir judiciaire, doivent être confiées à différentes composantes.
Ce principe de séparation des pouvoirs, héritée de Montesquieu et de Locke, vise à empêcher les abus
liés à l’exercice du pouvoir. Le souci de Montesquieu en particulier, était que, si l’exécutif jouissait du
pouvoir de faire les lois et de les exécuter, il ne se considérerait plus comme lié par les lois en vigueur,
puisqu’il serait maître de les abroger : « Tout serait perdu si le même homme ou le même corps des
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principaux ou des nobles, ou du peuple, exerçaient ces trois pouvoirs : celui de faire les lois, celui
d’exécuter les résolutions publiques et celui de juger les crimes ou les différends des particuliers ».
Le principe de séparation des pouvoirs est complété par celui des checks and balances : non seulement
les trois pouvoirs, exécutif, législatif et judiciaire, doivent être séparés et ne pas se trouver entre les
mêmes mains, mais il faut aussi qu’aucun d’entre eux ne puisse ne puisse acquérir de supériorité sur
les autres, ce qui lui permettrait de dégénérer en omnipotence et de tomber dans l’arbitraire. C’est tout
le sens de la célèbre citation de Montesquieu : « C ’est une expérience éternelle que tout homme qui a du
pouvoir, est porté à en abuser : il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites… Pour qu’on ne puisse abuser du
pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ».
Les nominations des membres de l’Integrity Reporting Services Agency et du Integrity Reporting Board
relèvent de l’Exécutif, ce qui leur enlève de facto tout indépendance : le chairperson du Integrity
Reporting Board sera désigné par le Premier ministre et ses membres par le ministre de tutelle, tandis
que le directeur de l’Integrity Reporting Services Agency sera nommé par le ministre de tutelle sur
accord du Premier ministre. Ce système de nominations place de facto les membres du gouvernement
dans une position d’être protégés de toute application de cette loi.
Deuxième atteinte à la séparation des pouvoirs, le projet de loi prévoit que ces deux institutions dont
les têtes sont nommées par décisions gouvernementales, l’Integrity Reporting Services Agency et
l’Integrity Reporting Board devront décider des poursuites à donner en cas de plainte : l’Agence « shall
act and sue », y compris pour confisquer les biens incriminés, tandis que le Board décidera des actions
supplémentaires à initier par l’Agence et des récompenses à octroyer aux dénonciateurs. En d’autres
termes, ces deux institutions s’octroient des pouvoirs discrétionnaires et s’arrogent même les
pouvoirs qui relèvent normalement de la police en matière d’enquête : « The Agency shall, on its own
initiative or where a report has been made in respect of a person (…) require, in writing, any person to
explain the source of any funds… »
Elles s’arrogent également le pouvoir de court-circuiter l’action du Director of Public Prosecutions
(DPP) et de contourner le circuit habituel des procédures pénales, sous couvert d’une action civile qui
plus est. Ainsi, l’Agence pourra inscrire un privilège au bénéfice du Gouvernement sur un bien saisi
pour lequel le répondant aura été dans l’impossibilité d’expliquer la provenance des fonds, et ce avant
même qu’un jugement ait été rendu.
Conclusion et préconisations
Avec l’octroi à l’Exécutif de pouvoirs supplémentaires de nature discrétionnaire et empiétant sur ceux
de la police, du judiciaire et du Parquet, le vote d’un tel proje t de loi dirigerait le pays tout droit vers
l’instauration d’un Etat policier.
Avec le Good Governance and Integrity Reporting Bill , la notion juridique de recherche de preuve pour
soutenir une accusation serait remplacée par celle de suspicion raisonnable (« reasonable ground to
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suspect ») ce qui, en plus d’être une aberration, ouvre la porte aux dérives en matière d’interprétation
a priori de la culpabilité.
D’autant plus que le projet de loi s’applique uniquement aux citoyens, alors que les associations et
autres institutions ayant acquis des biens de manière frauduleuse ou illicite ne sont pas visées par
cette loi. Et encore moins les partis politiques, puisque ces derniers sont des entités… non -existantes,
puisque non enregistrées légalement.
Pour toutes ces raisons, le Parlement Populaire souhaite tirer la sonnette d’alarme en demandant au
Gouvernement et aux Parlementaires, avant de légiférer, de se poser d’abord la question de savoir sur
quelles valeurs et sur quels principes baser leur législation pour l’île Maurice de demain. Peut-on bâtir
un projet de société sur un retour à des méthodes dignes du Far West, où les chasseurs de primes
étaient récompensés ? Quel projet de société voulons-nous pour l’île Maurice de demain et pour ses
enfants ? Une société où règne la délation par appât du gain, avec pour toute méthode d’investigation,
l’esprit de suspicion ?
On peut aussi s’interroger sur la pertinence de passer un Good Governance and Integrity Reporting Bill
alors que la notion d’ « unexplained wealth » figure déjà dans le Prevention of Corruption Act. N’aurait -
il pas été plus pertinent d’amender et de mieux doter la POCA, notamment en étendant son champ
d’application au secteur privé ?
Enfin, c’est une évidence que les pratiques de corruption se font plus intenses dans les cercles du
pouvoir. Toute législation visant à lutter véritablement et impitoyablement contre la corruptiondevrait d’abord se doter d’institutions indépendantes et qui seraient au-dessus de l’Exécutif, pas sous
sa coupe. C’est pourquoi le Parlement Populaire préconise que pour toute institution de type ICAC ou
ayant vocation à lutter contre l’enrichissement criminel, les nominations soient effectuées
paritairement par l’Exécutif, le leader de l’Opposition, le judiciaire et aussi un vote venant des citoyens.
La lutte contre la corrupt ion et l’enrichissement criminel et frauduleux ne pourra pas non plus se faire
sans une législation pour un financement transparent des partis et en particulier, pour un
enregistrement officiel des partis politiques avec des comptes audités.
* * *
Le Parlement Populaire est une initiative citoyenne qui a pour objectif de proposer un espace public de délibération sur les projets deloi et les thèmes d’intérêt général et qui concernent la vie des citoyens mauriciens. Espace démocratique, ouvert à tous, sansdistinction, dans un esprit de démocratie délibérative, le Parlement Populaire a pour mission d’être une force de propositions enmatière de législation. Ainsi, les recommandations qui se dégagent de la délibération à l’issue des débats sont transmises auGouvernement ainsi qu’à l’ Assemblée Nationale et diffusées à la presse.
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Les idées et propositions émises dans ce document de position ont été émises par les participants du
Parlement Populaire lors de la séance délibérative du 07 novembre 2015.
Contributeurs :
Arlando Léo
Chuttoo Reeaz
Hurree Catherine
Hurree Soobash
Koenig Jean François
Mauree Roubee
Nookadee Ram
Ragoo JaneRamlugun Raj
Sambadoo Priscilla
Savrimootoo Bruno
Tsang Kwai Kew Roland
Twalley Aboo
Verloppe Richard
Organisation des débats et rédaction :
Boudet Catherine
Le Parlement Populaire est une initiative citoyenne qui a pour objectif de proposer un espace public de délibération sur les projets deloi et les thèmes d’intérêt général et qui concernent la vie des citoyens mauriciens. Espace démocratique, ouvert à tous, sansdistinction, dans un esprit de démocratie délibérative, le Parlement Populaire a pour mission d’être une force de propositions enmatière de législation. Ainsi, les recommandations qui se dégagent de la délibération à l’issue des débats sont transmises auGouvernement ainsi qu’à l’ Assemblée Nationale et diffusées à la presse.