Document de position du Parlement Populaire sur le Good Governance and Integrity Reporting Bill

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PARLEMENT POPULAIRE Document de position sur le Good Governance and Integrity Reporting Bill   09 novembre 2015  

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PARLEMENT POPULAIRE

Document de position

sur le

Good Governance and Integrity Reporting Bill  

– 09 novembre 2015 – 

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Introduction. « La loi et l’esprit de la loi »

Il existe dans le pays un consensus large sur le fait que la lutte contre la corruption et contre

l’enrichissement malhonnête et criminel doit être une priorité nationale. Toutefois, le Good Governance

and Integrity Reporting Bill soulève plusieurs problèmes de fond quant aux formulations et aux

mesures préconisées pour lutter contre ce fléau.

Parmi les objectifs affichés du projet de loi, il s’agit d’encourager «  a culture of good governance and

integrity reporting ». Toutefois, la notion de « integrity reporting » dans ce projet de loi n’encourage

pas le « whistle-blowing » mais la délation.

Le projet de loi prévoit la création d’une Integrity Reporting Services Agency  et d’un Integrity Reporting

Board  qui recevront et traiteront les dénonciations, décideront de la suite à donner et de l’éventuelle

récompense de dénonciateurs. Toutefois, les nominations des hauts cadres de ces institutions relèvera

de l’Exécutif, et plus précisément du Premier ministre et du ministre de tutelle. Il s’agit là ni plus ni

moins que de renforcer des pouvoirs discrétionnaires de l’exécutif, qui empièteraient alors sur les

principes de séparation des pouvoirs et de check and balance sans lesquels il n’y a plus de démocratie.

Peut-on parler de bonne gouvernance si un projet de loi enfreint les principes de séparation des

pouvoirs et de check and balance ?

1. Un projet de loi qui encourage non pas le « whistle blowing » mais la délation

Le projet de loi fait usage du terme « integrity reporting », qui comprend deux éléments dans le texte :il s’agit de recevoir les « reports and disclosures of (…) acts of malpractices and unexplained wealth » et

corrélativement de « reward persons making disclosures and reports ». Le texte de loi prévoit même

une récompense financière pour les dénonciateurs : « “reward” includes payment to compensate victims

of fraud, white collar crimes or retaliation, or such other payment as may be prescribed ».

En outre, le dénonciateur n’est même pas tenu de fournir les preuves de sa dénonciation. Il lui suffit

d’avoir un « reasonable ground to suspect that a person has acquired unexplained wealth ».

Le texte de loi peut même obliger toute tierce personne à fournir des éléments sur un individu

incriminé : « The Agency shall, on its own initiative or where a report has been made in respect of a

 person (…) require, in writing, any person to explain the source of any funds which the person owns, possesses, has custody or control of, or which are believed to have been used in the acquisition of any

 property  ».

Il s’agit ici bien de délation et non de whistle blowing. La délation est l’acte de dénoncer une personne à

la justice ou aux autorités, pour des faits jugés ou ressentis comme répréhensibles. Un whistle-blower  

ou lanceur d’alerte en français est une personne qui a été témoin de pratiques illégales ou

malhonnêtes et qui les exposer à la lumière en interpellant les pouvoirs en place et/ou l’opinion

publique.

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Deux éléments essentiels différencient le délateur du whistle-blower  :

- le whistle-blower   n’a pas de « vested interests »; tandis que la délation s’effectue pour des motifs

personnels et avec un gain personnel à la clé : promesse de récompense, vengeance personnelle,

désir de nuire à la personne… Au contraire, le whistle-blower  prend même des risques réels par

rapport à la cause qu’il défend  : en raison aux représailles auxquelles il est souvent exposé de la

part de ceux qu’il dérange, il met souvent en danger sa santé, sa sécurité, son image et même sa vie.

- le délateur vise une personne en particulier, tandis que le whistle-blower  ne vise pas à dénoncer une

personne en particulier, mais un état de fait qu’il estime dangereux ou dommageable pour l’intérêt

général et le bien public.

Il est clair au regard de ces critères que la formulation des termes du Good Governance and Integrity

Reporting Bill en ce qui concerne le integrity reporting ne favorise pas du tout le whistle-blowing mais

bien la délation :

- en encourageant et même en obligeant les citoyens mauriciens à dénoncer leurs concitoyens ;

- en pouvant agir sur la simple base d’une suspicion ;

- en leur faisant miroiter une perspective de récompense, donc un bénéfice personnel, pour leur acte

de dénonciation.

2. Un projet de loi contraire à la bonne gouvernance car il bafoue la séparation des pouvoirs

Alors même que le Good Governance and Integrity Reporting Bill  affiche l’ambition de «  promouvoir une

culture de bonne gouvernance » et d’encourager la promotion des « actes de bonne gouvernance », il

omet de respecter un principe essentiel de bonne gouvernance : la séparation des pouvoirs et le

principe inhérent de checks and balances.

La gouvernance désigne le mode de décision et de gestion des affaires de l’Etat . La gouvernance est

donc dite « bonne » quand les décisions sont prises dans l’intérêt général et pour le bien commun, en

respectant les principes d’éthique, de transparence et d’accountability dans les décisions, les pratiques

et les procédures. La bonne gouvernance ne peut donc s’exercer sans le respect en amont des règles

fondamentales de la démocratie, à savoir le principe de séparation des pouvoirs et de checks andbalances.

La séparation des pouvoirs désigne le principe selon lequel les trois principales sources du pouvoir

étatique, c’est-à-dire le pouvoir législatif (le Parlement), le pouvoir exécutif (présidences,

gouvernements, ministères) et le pouvoir judiciaire, doivent être confiées à différentes composantes.

Ce principe de séparation des pouvoirs, héritée de Montesquieu et de Locke, vise à empêcher les abus

liés à l’exercice du pouvoir. Le souci de Montesquieu en particulier, était que, si l’exécutif jouissait du

pouvoir de faire les lois et de les exécuter, il ne se considérerait plus comme lié par les lois en vigueur,

puisqu’il serait maître de les abroger : « Tout serait perdu si le même homme ou le même corps des

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 principaux ou des nobles, ou du peuple, exerçaient ces trois pouvoirs : celui de faire les lois, celui

d’exécuter les résolutions publiques et celui de juger les crimes ou les différends des particuliers ».

Le principe de séparation des pouvoirs est complété par celui des checks and balances : non seulement

les trois pouvoirs, exécutif, législatif et judiciaire, doivent être séparés et ne pas se trouver entre les

mêmes mains, mais il faut aussi qu’aucun d’entre eux ne puisse ne puisse acquérir de supériorité sur

les autres, ce qui lui permettrait de dégénérer en omnipotence et de tomber dans l’arbitraire. C’est tout

le sens de la célèbre citation de Montesquieu : « C ’est une expérience éternelle que tout homme qui a du

 pouvoir, est porté à en abuser : il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites… Pour qu’on ne puisse abuser du

 pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir  ».

Les nominations des membres de l’Integrity Reporting Services Agency et du Integrity Reporting Board  

relèvent de l’Exécutif, ce qui leur enlève de facto  tout indépendance : le chairperson du Integrity

Reporting Board  sera désigné par le Premier ministre et ses membres par le ministre de tutelle, tandis

que le directeur de l’Integrity Reporting Services Agency sera nommé par le ministre de tutelle sur

accord du Premier ministre. Ce système de nominations place de facto les membres du gouvernement

dans une position d’être protégés de toute application de cette loi.

Deuxième atteinte à la séparation des pouvoirs, le projet de loi prévoit que ces deux institutions dont

les têtes sont nommées par décisions gouvernementales, l’Integrity Reporting Services Agency et

l’Integrity Reporting Board  devront décider des poursuites à donner en cas de plainte : l’Agence « shall

act and sue », y compris pour confisquer les biens incriminés, tandis que le Board décidera des actions

supplémentaires à initier par l’Agence et des récompenses à octroyer aux dénonciateurs. En d’autres

termes, ces deux institutions s’octroient des pouvoirs discrétionnaires et s’arrogent même les

pouvoirs qui relèvent normalement de la police en matière d’enquête : « The Agency shall, on its own

initiative or where a report has been made in respect of a person (…) require, in writing, any person to

explain the source of any funds… »

Elles s’arrogent également   le pouvoir de court-circuiter l’action du Director of Public Prosecutions 

(DPP) et de contourner le circuit habituel des procédures pénales, sous couvert d’une action civile qui

plus est. Ainsi, l’Agence pourra inscrire un privilège au bénéfice du Gouvernement sur un bien saisi

pour lequel le répondant aura été dans l’impossibilité d’expliquer la provenance des fonds, et ce avant

même qu’un jugement ait été rendu. 

Conclusion et préconisations

Avec l’octroi à l’Exécutif de pouvoirs supplémentaires de nature discrétionnaire et empiétant sur ceux

de la police, du judiciaire et du Parquet, le vote d’un tel proje t de loi dirigerait le pays tout droit vers

l’instauration d’un Etat policier. 

Avec le Good Governance and Integrity Reporting Bill , la notion juridique de recherche de preuve pour

soutenir une accusation serait remplacée par celle de suspicion raisonnable (« reasonable ground to

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suspect  ») ce qui, en plus d’être une aberration, ouvre la porte aux dérives en matière d’interprétation

a priori de la culpabilité.

D’autant plus que le projet de loi s’applique uniquement aux citoyens, alors que les associations et

autres institutions ayant acquis des biens de manière frauduleuse ou illicite ne sont pas visées par

cette loi. Et encore moins les partis politiques, puisque ces derniers sont des entités… non -existantes,

puisque non enregistrées légalement.

Pour toutes ces raisons, le Parlement Populaire souhaite tirer la sonnette d’alarme en demandant au

Gouvernement et aux Parlementaires, avant de légiférer, de se poser d’abord la question de savoir sur

quelles valeurs et sur quels principes baser leur législation pour l’île Maurice de demain. Peut-on bâtir

un projet de société sur un retour à des méthodes dignes du Far West, où les chasseurs de primes

étaient récompensés ? Quel projet de société voulons-nous pour l’île Maurice de demain et pour ses

enfants ? Une société où règne la délation par appât du gain, avec pour toute méthode d’investigation,

l’esprit de suspicion ?

On peut aussi s’interroger sur la pertinence de passer un Good Governance and Integrity Reporting Bill

alors que la notion d’ « unexplained wealth » figure déjà dans le Prevention of Corruption Act. N’aurait -

il pas été plus pertinent d’amender et de mieux doter la POCA, notamment en étendant son champ

d’application au secteur privé ?

Enfin, c’est une évidence que les pratiques de corruption se font plus intenses dans les cercles du

pouvoir. Toute législation visant à lutter véritablement et impitoyablement contre la corruptiondevrait d’abord se doter d’institutions indépendantes et qui seraient au-dessus de l’Exécutif, pas sous

sa coupe. C’est pourquoi le Parlement Populaire préconise que  pour toute institution de type ICAC ou

ayant vocation à lutter contre l’enrichissement criminel, les nominations soient effectuées

paritairement par l’Exécutif, le leader de l’Opposition, le judiciaire et aussi un vote venant des citoyens.

La lutte contre la corrupt ion et l’enrichissement criminel et frauduleux ne pourra pas non plus se faire

sans une législation pour un financement transparent des partis et en particulier, pour un

enregistrement officiel des partis politiques avec des comptes audités.

* * *

 Le Parlement Populaire est une initiative citoyenne qui a pour objectif de proposer un espace public de délibération sur les projets deloi et les thèmes d’intérêt général et qui concernent la vie des citoyens mauriciens. Espace démocratique, ouvert à tous, sansdistinction, dans un esprit de démocratie délibérative, le Parlement Populaire a pour mission d’être une force de propositions enmatière de législation. Ainsi, les recommandations qui se dégagent de la délibération à l’issue des débats sont transmises auGouvernement ainsi qu’à l’  Assemblée Nationale et diffusées à la presse.

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Les idées et propositions émises dans ce document de position ont été émises par les participants du

Parlement Populaire lors de la séance délibérative du 07 novembre 2015.

Contributeurs :

Arlando Léo

Chuttoo Reeaz

Hurree Catherine

Hurree Soobash

Koenig Jean François

Mauree Roubee

Nookadee Ram

Ragoo JaneRamlugun Raj

Sambadoo Priscilla

Savrimootoo Bruno

Tsang Kwai Kew Roland

Twalley Aboo

Verloppe Richard

Organisation des débats et rédaction :

Boudet Catherine

 Le Parlement Populaire est une initiative citoyenne qui a pour objectif de proposer un espace public de délibération sur les projets deloi et les thèmes d’intérêt général et qui concernent la vie des citoyens mauriciens. Espace démocratique, ouvert à tous, sansdistinction, dans un esprit de démocratie délibérative, le Parlement Populaire a pour mission d’être une force de propositions enmatière de législation. Ainsi, les recommandations qui se dégagent de la délibération à l’issue des débats sont transmises auGouvernement ainsi qu’à l’  Assemblée Nationale et diffusées à la presse.