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La Semaine Vétérinaire - N°1433 - 14 janvier 2011

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Entretien. Michel Baussier, président du Conseil supérieur de l’Ordre

« Je vois trois grandespréoccupations pour l’Ordre »Un principe fondamental guidera le nouveau président : le métier de vétérinaire est une profession de santé (animale et publique), pas de boutiquiers.

La Semaine Vétérinaire : Quels seront les grands chantiersdu nouveau président ? Quelle orientation souhaitez-vousdonner à l’Ordre, quelle place dans l’échiquier politiquevétérinaire ?Michel Baussier : Je préfère parler des grands chan -tiers de l’Ordre, fort de ses seize mille mem bres,plutôt que de ceux du président. Cela dit, jen’élude pas la question. Comme le sque lette del’acte vétérinaire est écrit et que la trans positionde la directive “services” n’en est plus qu’à quel -ques derniers soubresauts et avatars, je vois troisgrandes préoccupations pour l’Ordre : la promo-tion de la compétence spé cifique du vétérinairedans la délivrance au détail du médicament vété -rinaire, dans le cadre d’un système à trois ayantsdroit ; le renforcement de la certification vétéri-naire, privée et publique ; la réforme de l’orga-nisation professionnelle vétérinaire. Un principe fondamental guidera nos pas : le

métier de vétérinaire est une profession de santé(animale et publique) qui s’inscrit dans le schémaOne health. Gare à ceux qui vou draient la lais -ser dériver vers une profession de boutiquiers !

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« Les confrères sont fâchés avec tout formalisme, ils n’ont pas rompu avec l’artiste vétérinaire qui hante leur subconscient, ils ne sont pas tous imprégnés des bonnes pratiques de délivrance du médicament, voire de la nécessité d’une traçabilité. »

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tion animale, mais surtout de santé publique !

S. V. : La profession (donc l’Ordre) n’estime-t-elle pas aujour-d’hui que les vétérinaires évoluent dans un envi ronne-ment plus que jamais composé de divers acteurs écono-miques, qui fluctuent de plus en plus rapidement et sontsoumis aux exigences de marché ? Comment voyez-vousle praticien de 2050 ?M. B. : Vouloir ignorer ou nier que les vétérinai -res, aux commandes de leurs établissements desoins, évoluent en interaction avec différentsacteurs économiques serait faire preuve d’unmanque évident de réalisme et de pragmatisme.D’ailleurs, sur ce point, de par notre approcheéconomique de la santé, nous avons une lon gueurd’avance sur les médecins et les autres pro -fessions de santé. Ils finiront bien par admettreque la santé, si elle n’a pas de prix, a un coût…L’éthique ne règle pas tout. Pour autant, vis-à-vis des professions de santé, parmi lesquelles celledes vétérinaires, le marché, s’il a certes uneinfluence, ne saurait non plus avoir des exigences.Je ne suis pas devin, mais je suis certain que lors -que nous célébrerons le trois centième anni versairede notre fantastique profession, donc au-delà

de 2050, il y aura toujours un praticien préoc-cupé de sciences vétérinaires, de santé et de protec-tion animales, de santé publique et encore plusd’environnement !

Propos recueillis par Marine Neveux

La place de l’Ordre dans l’univers professionnelest d’abord celle que lui fixent les lois et les règle-ments. De façon générale, elle est celle réservéeaux Ordres professionnels en France, auxorganismes statutaires d’habilitation à l’exer-cice dans le monde.

S. V. : Avocats, médecins ou pharmaciens, les autres Ordresprofessionnels ont des positions assez marquées dans leurssecteurs. Le fait qu’il n’y ait qu’un syndicat n’est-il pas lacause d’un projet ordinal principalement orienté vers lerespect de l’éthique ? Ces dernières années, le Conseilsupérieur de l’Ordre (CSO) a tenté de commu niquer avecla profession et auprès du grand public : les résultats répon-

dent-ils à vos attentes ? Quel projet associatif comptez-vous donner au CSO ? Que devra-t-il être dans dix ou vingtans ?M. B. : Je croyais que l’on avait reproché à l’Ordredes vétérinaires de trop en faire… Pour moi, ildoit accomplir ses missions, toutes ses mis sions,rien que ses missions. Elles sont déjà bien larges.Bien qu’il ait à s’assurer en premier lieu de lacompétence des vétérinaires, il n’a pas de compé-tence technique et médicale propre. Il n’a surtout pas d’autorité syndicale : la défensedes intérêts matériels de la profession et de ceuxde chaque vétérinaire n’est aucunement dans sesattributions. Il ne se retrouve avec les syn dicatsque sur le terrain de la défense des inté rêtsmoraux : en quelque sorte le soutien et la promo-tion de la bonne image. L’Ordre a inté rêt à cequ’il y ait, au sein de la profession, un syndicatfort et combatif. Cela évite à l’instance ordinalede se laisser entraîner par certains confrè res, nonsyndiqués notamment, sur un terrain qui n’estpas le sien et qui ne doit jamais l’être. Les deuxmissions sont totalement incompatibles. Effecti-vement, certains autres Ordres, dans un échiquierprofessionnel différent du nôtre, ont pu mélan-ger les genres.Quant à la communication, elle ne constitue pasune fin en soi. Il s’agit seulement d’un déploie-ment de moyens. Ce qui compte, c’est la naturedu message. Les résultats d’une com municationinstitutionnelle sont toujours difficiles à appré-cier… Par ailleurs, on ne peut pas parler de projetassociatif pour un Ordre. Dans dix ou vingt ans,voire avant, l’Ordre aura “absorbé” les ensei-gnants des écoles vétérinaires, en premier lieules enseignants cliniciens, il n’y a pas d’alterna-tive. En outre, le CSO comportera nécessaire-ment des confrères salariés.

S. V. : Lors de la table ronde organisée en décembre dernierpar les éditions du Point Vétérinaire sur le médi cament,tous les participants ont considéré que la perte de ladélivrance n’était pas pour demain. Adhérez-vous à cetoptimisme ?M. B. : J’y adhère, mais je reste prudent et j’adop-terai l’attitude des généraux qui pensent que,pour préserver la paix, il faut préparer laguerre. Sur le champ de bataille de l’Europe,d’abord. En même temps, la guerre contre nous-mêmes ! Les confrères ont une bonne connais-sance du médicament vétérinaire et une grandecompétence que l’on pourrait illustrer demultiples façons. Un seul exemple : d’où viennent

les déclarations de phar maco -vigi lance ? Cependant, ils sontfâchés avec toutformalisme, ils n’ont pas rompuavec l’artiste vétérinaire quihante leur subconscient, ils nesont pas encore tous imprégnésdes bonnes prati ques de déli -vrance, voire de la nécessité d’unetraçabilité. Ils n’ont pas examinéluci dement leur rela tion avecl’industrie pharmaceutiquequand d’autres, peu nom breux,

s’adonnent à un com merce banal et décrédibi -lisant du médicament. Je compte donc entre-prendre un tour de la France vétérinaire, allerau-devant de cha cun pour dire : « Pourquoi veux-tu, cher confrère, tout faire dans ton quotidienpro fessionnel pour qu’on te retire la distribu-tion du médicament vétérinaire, produit que tuconnais bien et qui te procure, de surcroît, unepartie substantielle de ton revenu ? »

S. V. : Directive “services”, communication au sein descliniques, délégation d’actes étaient des dossiers tabous ily a peu. Tout semble se débrider aujourd’hui. Quelles sontles limites, les frontières à ne pas dépasser ?M. B. : La fameuse directive “services” géné ralisten’a que peu ajouté à nos directives “services”propres. Je veux parler des directives sectoriellesde 1978. En effet, pour nous vétérinaires,l’essentiel, à savoir le libre établissementet la libre prestation de services, était déjàtransposé depuis 1982… Il reste toute-fois des questions à régler, dont celle descapitaux exté rieurs, notamment desindésirables, qui n’est pas la moinsimportante… La communication seramodernisée, mais pas spécialement enapplication de la directive “services”, quiaurait pu per mettre en réalité le statu quopour les vétérinaires de France. Elle lesera d’abord parce que telle est la volontéde l’Ordre, à laquelle souscrit notre administra-tion ! Quant à la délégation, peu d’actes seront strictosensu délégués en application de la prochainevague législative et réglementaire. Il y aura plu -tôt des actes dérogatoires sur des listes positives. Dans tous les cas évoqués, la frontière à ne pasdépasser est fixée par les considérations de protec-

Michel Baussier succèdeà Christian Rondeau.©

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« La communication seramodernisée, pas spécialement en application de la directive“services”, mais d’abord parce que c’est la volonté de l’Ordre. »

« Au-delà de 2050, il y aura toujours un praticien préoccupé de sciencesvétérinaires, de santé et de protectionanimales, de santé publique et encore plus d’environnement. »