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Répertoire de droit civil Vente (3 o effets) Olivier BARRET Professeur à l'Université René Descartes (Paris V) Avocat à la Cour janvier 2007 (dernière mise à jour : juin 2014) Table des matières Généralités, 1 - 3 Chapitre 1 - Transfert de la propriété et des risques, 4 - 200 Section 1 - Moment du transfert de la propriété et des risques, 6 - 167 Art. 1 - Principe du transfert immédiat de la propriété et des risques, 9 - 24 § 1 - Transfert immédiat de la propriété, 9 - 14 § 2 - Transfert immédiat des risques, 15 - 24 Art. 2 - Exceptions légales, 25 - 57 § 1 - Choses de genre, 27 - 43 § 2 - Choses futures, 44 - 53 § 3 - Vente en libre service, 54 - 57 Art. 3 - Aménagements conventionnels, 58 - 167 § 1 - Techniques, 61 - 127 § 2 - Applications, 128 - 167 Section 2 - Opposabilité aux tiers du transfert de la propriété, 168 - 200 Art. 1 - Vente immobilière, 169 - 186 § 1 - Principe : publication obligatoire de la vente, 170 - 179 § 2 - Exceptions, 180 - 186 Art. 2 - Vente mobilière, 187 - 200 § 1 - Vente de meuble corporel, 188 - 196 § 2 - Vente de meuble incorporel, 197 - 200 Chapitre 2 - Obligations du vendeur, 201 - 763 Section 1 - Obligation de délivrance, 202 - 398 Art. 1 - Droit commun, 205 - 368 § 1 - Objet de la délivrance, 206 - 283 § 2 - Modalités d'exécution de la délivrance, 284 - 320 § 3 - Preuve de la délivrance, 321 - 324 § 4 - Sanctions de l'inexécution de la délivrance, 325 - 368 Art. 2 - Droit de la consommation, 369 - 398 § 1 - Délai de la délivrance, 370 - 373 § 2 - Garantie de conformité, 374 - 398 Section 2 - Garantie d'éviction, 399 - 528 Art. 1 - Garantie du fait personnel, 401 - 419 § 1 - Étendue de la garantie du fait personnel, 402 - 409 § 2 - Caractères de la garantie du fait personnel, 410 - 416 § 3 - Sanctions de la garantie du fait personnel, 417 - 419 Art. 2 - Garantie du fait des tiers, 420 - 528 § 1 - Conditions de la garantie du fait des tiers, 423 - 476 § 2 - Mise en oeuvre de la garantie du fait des tiers, 477 - 520 § 3 - Aménagements conventionnels de la garantie du fait des tiers, 521 - 528 Section 3 - Garantie contre les vices cachés, 529 - 702 Art. 1 - Garantie légale, 538 - 639 § 1 - Conditions de la garantie légale, 539 - 584 § 2 - Mise en oeuvre de la garantie légale, 585 - 639 Art. 2 - Garantie conventionnelle, 640 - 661 § 1 - Clauses extensives de la garantie, 641 - 644 § 2 - Clauses exclusives ou limitatives de la garantie, 645 - 657 § 3 - Clauses mixtes, 658 - 661 Art. 3 - Garantie dans les ventes d'animaux domestiques, 662 - 702 § 1 - Domaine de la garantie spécifique, 663 - 687 § 2 - Mise en oeuvre de la garantie spécifique, 688 - 696 § 3 - Effets de la garantie spécifique, 697 - 702 Section 4 - Obligation d'information et de conseil, 703 - 740 Art. 1 - Obligation d'information de tout vendeur, 705 - 710 Art. 2 - Obligation de conseil du vendeur professionnel, 711 - 740

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Droit civil, droit des obligations, droit francais, contrats,

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  • Rpertoire de droit civil

    Vente (3o effets)

    Olivier BARRETProfesseur l'Universit Ren Descartes (Paris V)

    Avocat la Cour

    janvier 2007 (dernire mise jour : juin 2014)

    Table des matires

    Gnralits, 1 - 3

    Chapitre 1 - Transfert de la proprit et des risques, 4 - 200Section 1 - Moment du transfert de la proprit et des risques, 6 - 167

    Art. 1 - Principe du transfert immdiat de la proprit et des risques, 9 - 24 1 - Transfert immdiat de la proprit, 9 - 14 2 - Transfert immdiat des risques, 15 - 24

    Art. 2 - Exceptions lgales, 25 - 57 1 - Choses de genre, 27 - 43 2 - Choses futures, 44 - 53 3 - Vente en libre service, 54 - 57

    Art. 3 - Amnagements conventionnels, 58 - 167 1 - Techniques, 61 - 127 2 - Applications, 128 - 167

    Section 2 - Opposabilit aux tiers du transfert de la proprit, 168 - 200Art. 1 - Vente immobilire, 169 - 186

    1 - Principe : publication obligatoire de la vente, 170 - 179 2 - Exceptions, 180 - 186

    Art. 2 - Vente mobilire, 187 - 200 1 - Vente de meuble corporel, 188 - 196 2 - Vente de meuble incorporel, 197 - 200

    Chapitre 2 - Obligations du vendeur, 201 - 763Section 1 - Obligation de dlivrance, 202 - 398

    Art. 1 - Droit commun, 205 - 368 1 - Objet de la dlivrance, 206 - 283 2 - Modalits d'excution de la dlivrance, 284 - 320 3 - Preuve de la dlivrance, 321 - 324 4 - Sanctions de l'inexcution de la dlivrance, 325 - 368

    Art. 2 - Droit de la consommation, 369 - 398 1 - Dlai de la dlivrance, 370 - 373 2 - Garantie de conformit, 374 - 398

    Section 2 - Garantie d'viction, 399 - 528Art. 1 - Garantie du fait personnel, 401 - 419

    1 - tendue de la garantie du fait personnel, 402 - 409 2 - Caractres de la garantie du fait personnel, 410 - 416 3 - Sanctions de la garantie du fait personnel, 417 - 419

    Art. 2 - Garantie du fait des tiers, 420 - 528 1 - Conditions de la garantie du fait des tiers, 423 - 476 2 - Mise en oeuvre de la garantie du fait des tiers, 477 - 520 3 - Amnagements conventionnels de la garantie du fait des tiers, 521 - 528

    Section 3 - Garantie contre les vices cachs, 529 - 702Art. 1 - Garantie lgale, 538 - 639

    1 - Conditions de la garantie lgale, 539 - 584 2 - Mise en oeuvre de la garantie lgale, 585 - 639

    Art. 2 - Garantie conventionnelle, 640 - 661 1 - Clauses extensives de la garantie, 641 - 644 2 - Clauses exclusives ou limitatives de la garantie, 645 - 657 3 - Clauses mixtes, 658 - 661

    Art. 3 - Garantie dans les ventes d'animaux domestiques, 662 - 702 1 - Domaine de la garantie spcifique, 663 - 687 2 - Mise en oeuvre de la garantie spcifique, 688 - 696 3 - Effets de la garantie spcifique, 697 - 702

    Section 4 - Obligation d'information et de conseil, 703 - 740Art. 1 - Obligation d'information de tout vendeur, 705 - 710Art. 2 - Obligation de conseil du vendeur professionnel, 711 - 740

  • 1 - Fondement de l'obligation, 712 - 713 2 - Contenu de l'obligation, 714 - 735 3 - Rgime de l'obligation, 736 - 740

    Section 5 - Obligation de scurit, 741 - 763Art. 1 - Spcificit de l'obligation de scurit du vendeur professionnel avant la loi du 19 mai 1998 sur la responsabilitdu fait des produits dfectueux, 744 - 747Art. 2 - L'obligation de scurit du vendeur professionnel la lumire de la loi du 19 mai 1998 relative laresponsabilit du fait des produits dfectueux, 748 - 763

    1 - Champ d'application de la responsabilit du fait des produits dfectueux, 749 - 752 2 - Rgime de la responsabilit civile du fait des produits dfectueux, 753 - 763

    Chapitre 3 - Obligations de l'acheteur, 764 - 898Section 1 - Obligation de payer le prix, 770 - 876

    Art. 1 - Paiement du prix, 771 - 809 1 - Objet du paiement, 772 - 789 2 - Modalits du paiement, 790 - 806 3 - Preuve du paiement, 807 - 809

    Art. 2 - Sanctions du dfaut de paiement du prix, 810 - 876 1 - Excution force, 813 - 820 2 - Rsolution, 821 - 876

    Section 2 - Obligation d'enlever la chose vendue, 877 - 898Art. 1 - Modalits d'excution, 880 - 885

    1 - Dlai, 880 - 884 2 - Lieu et frais, 885

    Art. 2 - Sanctions, 886 - 898 1 - Domaine de la rsolution de plein droit, 891 - 892 2 - Conditions de la rsolution de plein droit, 893 - 898

    Bibliographie

    P.-H. ANTONMATTI et J. RAYNARD, Droit civil. Contrats spciaux, 4 e d., 2004, Litec. - AUBRY et RAU, Droit civil franais, t. 5,Vente et louage, 6e d., 1952, par ESMEIN, Litec. - J.-J. BARBIRI, Contrats civils, contrats commerciaux, 1996, A. Colin. -A. BNABENT, Droit civil. Les contrats spciaux civils et commerciaux, 7 e d., 2006, Montchrestien. - BEUDANT et LEREBOURS-PIGEONNIRE, Cours de droit civil franais, t. 11, La vente et le louage de choses, par BRETHE DE LA GRESSAYE, 1938, d.Rousseau et C ie. - F. COLLART DUTILLEUL et P. DELEBECQUE, Contrats civils et commerciaux, 7 e d., 2004, Prcis Dalloz. -C. DUCOULOUX-FAVARD, Droit de la vente, 1 re d., 1990, d. Eyrolles. - J. GHESTIN et B. DESCH, Trait des contrats : Lavente, 1990, LGDJ. - B. GROSS et P. BIHR, Contrats, t. 1, Ventes civiles et commerciales. Baux d'habitation, baux commerciaux,2e d., 2002, PUF. - J. HUET, Les principaux contrats spciaux, 2 e d., 2001, LGDJ. - Ph. MALAURIE, L. AYNS et P.-Y. GAUTIER,Droit civil. Les contrats spciaux, 2005, Defrnois. - MAZEAUD et CHABAS, Leons de droit civil, t. 3, 2e vol., 1 re partie,Principaux contrats : Vente et change, 7e d., 1987, par DE JUGLART, Montchrestien. - PLANIOL et RIPERT, Trait pratique dedroit civil franais, t. 10, Contrats civils, 2e d., 1956, Vente, par HAMEL, LGDJ. - A. SRIAUX, Contrats spciaux, 2001, PUF.

    F. JACQUOT, Du contrat de vente au droit de la vente, thse dactyl., Nancy, 1988.

    Vente immobilire :

    O. BARRET, Vente d'immeuble construit, in J.-L. AUBERT (sous la dir. de), Gestion de l'immeuble, 2000, Dalloz Action. - J.-L. BERGEL, Les ventes d'immeubles existants, 1983, avec supplment jour au 10 janvier 1988, Litec. - F. COLLARTDUTILLEUL et B. MAGOIS, Acheter ou vendre un bien immobilier, 3 e d., 2004, Delmas - J. LAFOND, F. COHET-CORDEY etB. LABORRIER, Ventes d'immeubles, 2006, Lexis Nexis Litec. - 99e Congrs des notaires de France, La vente d'immeuble :scurit et transparence, 2003, ACNF.

    Vente mobilire :

    L. BIHL, Le droit de la vente, 1986, Dalloz.

    V. aussi les bibliographies spciales dans les dveloppements.

    Gnralits

    1 . La vente a pour effet majeur de transfrer l'acqureur la proprit du bien qui en est l'objet. Le droit franais liant laproprit et les risques, elle apparat, du mme coup, comme un contrat translatif des risques de la chose.

    2. Mais les effets de la vente ne se limitent pas cela : comme tout contrat (C. civ., art. 1101), celle-ci cre des obligations ;l'article 1582 du code civil la dfinit, d'ailleurs, comme une convention par laquelle l'un s'oblige livrer une chose, et l'autre la payer . Il ressort des termes du texte que les obligations sont, en l'espce, rciproques ; par quoi la vente revt uncaractre synallagmatique (V. Vente [1o structure]).

    3. L'tude des effets de la vente commande, ds lors, que soient envisags successivement, en premier lieu, le transfert de laproprit et des risques (V. infra, nos 4 et s.), puis, en deuxime lieu, les obligations du vendeur (V. infra, nos 201 et s.), enfin,en troisime lieu, les obligations de l'acheteur (V. infra, nos 764 et s.).

  • Chapitre 1 - Transfert de la proprit et des risques

    Bibliographie. - P. BLOCH, L'obligation de transfrer la proprit dans la vente, RTD civ. 1988. 673. -BONHOMME, Ladissociation des risques et de la proprit, Mlanges Calais-Auloy, 2004, Dalloz, p. 69 et s. - J.-P. CHAZAL et S. VICENTE, Letransfert de proprit par l'effet des obligations dans le code civil, RTD civ. 2000. 477 . - P. CROCQ, La rserve de proprit,in Commentaire de l'ordonnance du 23 mars 2006 relative aux srets, JCP 2006, suppl. au no 20, p. 23 et s. - F. DERRIDA, propos de la clause de rserve de proprit dans les ventes immobilires crdit, Defrnois 1989. 1089. - C. DUCOULOUX-FAVART, Le transfert de proprit, objet du contrat de vente en droit franais, allemand et italien, Petites affiches 27 avr.1990, no 51, p. 21. - M. FABRE-MAGNAN, Le mythe de l'obligation de donner, RTD civ. 1996. 85 . - A. GHOZI, Nature juridiqueet transmissibilit de la clause de rserve de proprit, D. 1986, chron. 317. - F. GOR, Le transfert de la proprit dans lesventes de choses de genre, D. 1954, chron. 175 ; Le moment du transfert de la proprit dans les ventes de choses livrer,RTD civ. 1947. 161. - J. LAFOND, La vente d'immeuble avec transfert de proprit diffr, JCP, d. N, 1996. I. 921. -F. PROCHON, La rserve de proprit dans la vente de meubles corporels, 1988, Litec. -C. SAINT-ALARY HOUIN, Rflexionssur le transfert diffr de la proprit immobilire, Mlanges Raynaud, 1985, Dalloz-Sirey, p. 733 et s. - D. TALLON, Lesurprenant rveil de l'obligation de donner ( propos des arrts de la chambre commerciale de la Cour de cassation enmatire de dtermination du prix), D. 1992, chron. 67 . - D. VON BREITENSTEIN, La clause de rserve de proprit et lerisque de perte fortuite de la chose vendue, RTD com. 1980. 43.

    Bibliographie. - C. ATIAS, Le transfert conventionnel de la proprit immobilire, thse dactyl., Poitiers, 1974. - N. PRYBYSGAVALDA, La notion d'obligation de donner, thse, Montpellier I, 1997. - D. SARGET, Les problmes juridiques de la vente libreservice, thse dactyl., Paris I, 1982.

    4. L'effet translatif de la proprit est dcrit par l'article 1583 du code civil. Ce texte dispose : la proprit est acquise dedroit l'acheteur l'gard du vendeur, ds qu'on est convenu de la chose et du prix .

    5 . Par son libell, il fournit, d'abord, l'indication du momen t auquel interviennent le transfert de la proprit et, partant, letransfert des risques. Mais, en nonant que la proprit n'est acquise de droit qu' l'gard de l'acheteur, il invite, ensuite, s'interroger sur l'opposabilit aux tiers du transfert de la proprit.

    Section 1 - Moment du transfert de la proprit et des risques

    6 . L'article 1583 du code civil consacre le principe du transfert immdiat de la proprit. De ce principe dcoule celui dutransfert immdiat des risques, puisque l'article 1138, alina 2, de ce code, de son ct, fait supporter par le propritaire lesrisques lis la disparition fortuite de la chose.

    7 . Mais les textes qui consacrent le double principe ci-dessus nonc n'ont pas une porte absolue : la loi elle-mme lescarte dans un certain nombre de cas ; de surcrot, il s'agit l de dispositions suppltives de volont, auxquelles, parconsquent, les contractants sont libres de droger.

    8 . Aussi, l'tude du moment auquel intervient, dans la vente, le transfert de la proprit et des risques postule que soienttudis, outre le principe suivant lequel ce transfert est immdiat, les exceptions lgales audit principe, ainsi que lesamnagements conventionnels auxquels il peut prter.

    Art. 1 - Principe du transfert immdiat de la proprit et des risques

    1 - Transfert immdiat de la proprit

    9. L'article 1583 du code civil, en ce qu'il pose que la proprit est acquise de droit l'acheteur [] ds qu'on est convenude la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore t livre ni le prix pay , souligne que la vente provoqueautomatiquement, par le simple change des consentements et sans aucune formalit, le transfert de la proprit de la chosevendue. La rgle du transfert immdiat de la proprit trouve sa source dans le principe consensualiste qui innerve le droitdes contrats.

    10. Il convient de prciser d'emble que, pour que cette rgle puisse s'appliquer, la chose sur laquelle porte la vente doit treindividualise au moment o celle-ci est conclue ; autrement dit, il faut que le contrat ait pour objet un corps certain ou qu'il aitla nature d'une vente en bloc (sur celle-ci, V. infra, nos 28 et s.). Ds lors qu'il en est ainsi, et sauf stipulation contraire, letransfert de la proprit se produit au moment de la formation du contrat, les dates de livraison de la chose et du paiementtant, cet gard, indiffrentes (Cass. civ. 31 oct. 1928, S. 1929. 1. 86 ; propos d'une cession de titres de valeursmobilires, rappr. Cass. com. 23 nov. 1993, Bull. civ. IV, no 431).

    11. L'automaticit d'un tel transfert exclut, selon certains auteurs, que celui-ci puisse tre compris comme une obligation mise la charge du vendeur ; si le vendeur a perdu la proprit au bnfice de l'acheteur, c'est, disent-ils, par le seul effet de larencontre des volonts sur les lments constitutifs du contrat (J. GHESTIN et B. DESCH, op. cit., no 524). Pour une autrefraction de la doctrine, en revanche, l'obligation de transfrer la proprit caractrise la fois l'effet obligatoire du contrat etl'effet translatif de la vente (P. BLOCH, L'obligation de transfrer la proprit dans la vente, RTD civ. 1988. 673, spc. no 83).

    12. Quel que soit le point de vue adopt, la transmission de la proprit est distincte de la dlivrance et de la livraison de lachose vendue : la dlivrance est l'objet d'une obligation spcifique mise la charge du vendeur (V. infra, nos 202 et s.) ; lalivraison n'incombe pas, en principe, au vendeur (V. infra, nos 877 et s.).

    13 . Par l'effet du transfert de la proprit, le vendeur perd les prrogatives du propritaire. Il s'ensuit que, ds que lesparties sont convenues de la chose et du prix, le bien objet de la vente quitte, en principe, le patrimoine du vendeur pour

  • accrotre celui de l'acheteur. Concrtement, cela signifie que le vendeur ne peut plus transfrer nouveau la proprit dumme bien, ni constituer un autre droit rel dessus ; c'est l'acheteur qui, dsormais, tient en son pouvoir d'accomplir de telsactes. Cela signifie aussi que le bien alin, puisqu'il est sorti du patrimoine du vendeur, n'est plus saisissable par lescranciers de celui-ci, mais qu'au contraire, il garantit les dettes de l'acheteur (Cass. 3e civ. 29 janv. 1980, Bull. civ. III, no 27).

    14 . Les consquences attaches au transfert immdiat de la proprit, si elles s'imposent entre les parties, ne sauraients'appliquer l'gard des tiers qu'autant que le contrat est opposable ces derniers (V. infra, nos 168 et s.).

    2 - Transfert immdiat des risques

    15. Le transfert immdiat de la proprit l'acheteur emporte pour celui-ci l'obligation simultane de supporter les risques dela perte ou de la dtrioration du bien vendu ; cela, mme si le bien ne lui a pas encore t livr et s'il ne peut donc exercersur lui sa surveillance : la solution rsulte de la combinaison des articles 1624 et 1138, alina 2, du code civil.

    16. Le premier de ces deux textes renvoie, en ce qui concerne la charge des risques, au droit commun des contrats, tel qu'ilest exprim par le second. De fait, suivant l'article 1138, alina 2, l'obligation de livrer la chose rend le crancierpropritaire et met la chose ses risques ds l'instant o elle a d tre livre, encore que la tradition n'en ait point tfaite . Ce texte lie donc expressment la charge des risques de la dtrioration ou de la disparition de la chose l'attribution de la proprit. Ainsi s'explique que le transfert immdiat de la proprit emporte le transfert immdiat desrisques l'acheteur.

    17. Conformment ce principe, l'acqureur d'un immeuble doit assumer les risques de la destruction de celui-ci la suited'un incendie, mme si, lors de l'incendie, le vendeur occupait encore l'immeuble en vertu d'une convention de maintientemporaire dans les lieux (CA Rouen, 11 juill. 1985, Gaz. Pal. 1986. 2, somm. 287).

    18. De mme, au cas o le vendeur tablit que les livres commands par l'acheteur ont t expdis et o celui-ci ne les apas reus, les risques de leur disparition doivent tre supports par l'acheteur, lequel sera donc tenu d'en payer le prix (Cass.1re civ. 19 nov. 1991, Bull. civ. I, no 325).

    19. De mme encore, les risques attachs au vol d'un bateau sont la charge de l'acheteur, bien que ce vol soit intervenuavant que le bateau ait t livr, ds lors que, mme si les parties ont mis la charge du vendeur l'accomplissement desformalits de transfert de proprit, elles n'ont pas subordonn ce transfert la remise des documents administratifs (Cass.1re civ. 10 oct. 1995, D. 1995, IR 246 ).

    2 0 . La solution trouve un domaine d'lection privilgi dans les ventes distance, propos des risques du transportncessaire la livraison : l'article L. 132-7 du code de commerce dispose, cet gard : La marchandise sortie du magasin duvendeur ou de l'expditeur voyage, s'il n'y a convention contraire, aux risques et prils de celui qui elle appartient, sauf sonrecours contre le commissionnaire et le voiturier chargs du transport . Il ressort de ce texte qu'il revient l'acheteur desupporter le risque de la disparition ou de la dtrioration de la chose au cours du transport. La jurisprudence estime qu'il enva de la sorte mme si c'est le vendeur qui doit, aux termes du contrat, prendre sa charge les frais du transport : ainsi,selon la Cour de cassation, la clause franco pour l'acheteur ne diffre pas le transfert de proprit et des risques ; cesderniers sont donc la charge de l'acheteur mme lorsqu'une telle clause a t stipule (Cass. com. 20 mai 1986, Bull. civ. IV,no 98, propos de la vente d'un lot d'arbres fruitiers dpris en cours de transport ; 17 mai 1983, Bull. civ. IV, n o 146, propos de la vente d'un lot de tles dont une partie a rouill pendant le transport ; adde : Cass. com. 23 juin 1998, Bull.civ. IV, no 210).

    21. Le principe du transfert immdiat des risques vaut, la vrit, sous le bnfice d'un double temprament. D'une part, il n'alieu d'tre mis en oeuvre qu'autant que la destruction ou la dtrioration du bien est due un cas fortuit ; si celle-ci estimputable au fait du vendeur, l'intress doit en rpondre. Il a t jug, par exemple, que l'incendie de la chose en cours detransport est aux risques du vendeur lorsque la perte a pour cause unique la faute de celui-ci, qui s'tait oblig en assurerle transport et avait choisi le transporteur (Cass. com. 2 juin 1975, Bull. civ. IV, no 154).

    22. D'autre part, l'article 1138, alina 2, du code civil prvoit que la chose reste aux risques du vendeur qui a t mis endemeure de la livrer, la mise en demeure pouvant rsulter, en vertu de l'article 1139 de ce code, d'une sommation ou de toutautre acte quivalent, telle une lettre missive lorsqu'il ressort de ses termes une interpellation suffisante . Encoreconvient-il de prciser que, mme dans ce cas, les risques attachs la disparition ou la dtrioration de la chose doiventtre supports par l'acheteur si le vendeur parvient prouver que la chose fut galement prie chez [l'acheteur] si elle luiet t livre (C. civ., art. 1302, al. 2).

    23 . Dans les deux cas qui viennent d'tre voqus, si l'hypothse vise par l'article 1302, alina 2, est laisse de ct,l'acqureur n'aura donc pas payer le prix, bien que la chose ait disparu aprs la conclusion de la vente.

    24. Malgr ces tempraments, la rgle du transfert immdiat des risques l'acheteur peut avoir des rpercussions fcheusespour celui-ci, puisqu'il s'ensuit qu'au cas de perte fortuite de la chose avant la livraison, le mme acheteur demeure tenu depayer le prix alors que le vendeur est dcharg de la dlivrance. Il serait sans doute prfrable d'associer le transfert desrisques la livraison. Dans la mesure o les textes qui lient le transfert des risques au transfert de la proprit ne sont pasd'ordre public, rien n'interdit aux parties de prvoir, dans le contrat, une stipulation en ce sens (V. infra, nos 123 et s.). Telleest, d'ailleurs, la solution de principe retenue par les articles 66 70 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980, relative lavente internationale de marchandises (V. C. civ. Dalloz).

    Art. 2 - Exceptions lgales

  • 25 . La loi elle-mme carte le principe du transfert immdiat de la proprit et des risques, tel qu'il est consacr par lesarticles 1583 et 1138, alina 2, du code civil, dans un certain nombre de cas. Il convient, d'abord, de relever pour mmoire lescas o, par drogation au principe consensualiste, la formation de la vente est soumise imprativement des autorisationsou l'accomplissement de formalits (V. Vente [1o structure]) : puisque, alors, la rencontre des volonts de l'acheteur et duvendeur ne suffit pas former le contrat, il va de soi qu'elle est impuissante transfrer la proprit et les risques de lachose.

    26. Ces cas mis part, les exceptions lgales au principe du transfert immdiat de la proprit et des risques intressent lavente portant sur des choses de genre, la vente ayant pour objet une chose future, et la vente en libre service.

    1 - Choses de genre

    27. Ainsi qu'il a t prcdemment indiqu (supra, no 10), le transfert de la proprit d'un bien n'est pas concevable si lachose qui en est l'objet n'est pas individualise ; c'est qu'alors il est impossible de dsigner l'assiette de la proprit que lescontractants se proposent de transfrer (F. GOR, Le transfert de la proprit dans les ventes de choses de genre, D. 1954,chron. 175). Le transfert de la proprit d'une chose de genre, et le transfert des risques, ne peuvent donc intervenir qu'aumoment o il devient possible de dsigner objectivement celle-ci, c'est--dire lorsque la chose est individualise. Tel est lesens de l'opposition tablie par les articles 1585 et 1586 du code civil entre la vente en bloc, d'un ct, et la vente au poids, aucompte et la mesure, d'un autre ct.

    A. - Vente en bloc

    1 - Dfinition

    28. La vente est faite en bloc lorsqu'elle porte sur la totalit d'une marchandise existant dans un lieu dsign et dlimit,moyennant un prix fix tant de francs (aujourd'hui, d'euros) pour une unit de mesure (J. GHESTIN et B. DESCH, op. cit.,no 545). La chose est alors individualise immdiatement par le lieu dans lequel elle se trouve. Le fait que le comptage, lepesage ou le mesurage soit ncessaire pour dterminer le prix payer est indiffrent : ds lors que cette opration necommande pas l'individualisation de la chose vendue, la vente doit tre regarde comme une vente en bloc (Cass. 1re civ.1er fvr. 1983, JCP 1984. II. 20241, note J.H. ; rappr. Cass. com. 16 nov. 1993, Bull. civ. IV, n o 315, JCP 1994. II. 22287, noteGross ; 27 nov. 2001, Contrats, conc., consom. 2002, comm. 42, obs. L. Leveneur).

    29. Sont, au regard de cette dfinition, des ventes en bloc : la vente de l'entire rcolte de liges provenant des forts duvendeur (Cass. civ. 25 fvr. 1896, DP 1896. 1. 151, 1 re esp.) ; la vente d'un lot de madriers faisant l'objet de plusieursconnaissements, et dont les numros sont prciss et les prix fixs au mtre cube (Cass. com. 22 oct. 1968, Bull. civ. IV,no 288) ; la vente d'un lot de pommes de terre individualis par sa localisation et dont le prix est fix tant la mesure (Cass.com. 15 juin 1965, D. 1965. 823) ; la vente d'un lot de douze boeufs charolais dont le prix a t fix au kilo, et dont la pesedoit se faire aux abattoirs (Cass. 1re civ. 1er fvr. 1983, prc.) ; la vente portant sur la rcolte sur pied d'un champ dtermin(Cass. 1re civ. 8 oct. 1980, D. 1981, IR 445, obs. B. Audit) ; la vente d'une collection de figurines en tain d'environ 650 000pices, ds lors que, dans la commune intention des parties, elle a port sur un ensemble correspondant indistinctement latotalit de la collection, sans division ni inventaire (CA Paris, 22 sept. 1995, D. 1995, IR 230 ).

    2 - Rgime

    30. Puisque, dans la vente en bloc, la chose se trouve individualise ds la formation du contrat, il y a lieu de dcider qu'unetelle vente doit tre assimile une vente de corps certain, et qu'elle transfre immdiatement la proprit de la chose vendue l'acqureur, sauf stipulation contraire des parties. L'article 1586 nonce en ce sens : Si [] les marchandises ont tvendues en bloc, la vente est parfaite, quoique les marchandises n'aient pas encore t peses, comptes ou mesures .

    31. Il dcoule de l, notamment, qu' partir du moment o la vente a t conclue suivant une telle modalit, les cranciers duvendeur ne peuvent plus saisir la chose vendue (Cass. civ. 25 fvr. 1896, prc. supra, no 29), que les srets constitues parle vendeur sur la chose aprs la vente sont inopposables l'acqureur (CA Aix, 11 juin 1908, DP 1910. 2. 305, note J. Valry),et que le vendeur qui revend la chose un tiers avant que la livraison ait t effectue commet un abus de confiance (T. corr.Auxerre, 9 mai 1950, Gaz. Pal. 1950. 2. 201, RTD com. 1950. 627, obs. J. Hmard).

    32. Le transfert des risques, dans la mesure o il est li au transfert de la proprit (V. supra, no 6), a lieu en mme temps,c'est--dire en l'occurrence, ds la formation de la vente (Cass. req. 17 mars 1925, DP 1927. 1. 29 ; 3 mai 1932, DH 1932.298). La jurisprudence en a dduit, par exemple, qu'au cas de vente en bloc d'une rcolte de mas sur pied, l'acheteur doitsupporter, ds la conclusion du contrat, le risque de la perte de cette rcolte lie aux conditions atmosphriques (Cass. 1 reciv. 8 oct. 1980, prc. supra, no 29) ; elle a pos pareillement que l'acheteur d'un lot d'animaux de boucherie pour un prix fixau kilo aprs abattage devait payer le prix convenu, bien que la mort d'un de ces animaux soit intervenue avant le pesage(Cass. 1re civ. 1er fvr. 1983, prc. supra, no 28 ; rappr. Cass. req. 3 mai 1932, prc.), et que l'acheteur d'une collection defigurines doit supporter les risques tenant une diffrence, mme importante, entre le nombre approximatif de picesmentionnes l'acte de vente et celui constat lors de l'inventaire fait par la suite (CA Paris, 22 sept. 1995, D. 1995, IR 230

    ).

    B. - Vente au poids, au compte ou la mesure

    1 - Dfinition

    33. La vente est dite au poids, au compte ou la mesure lorsqu'elle ne porte pas sur un lot tout entier, mais sur unecertaine quantit de marchandises prendre dans ce lot (J. GHESTIN et B. DESCH, op. cit., no 546). De la sorte,l'individualisation de la chose vendue ne se fait qu'au moment o celle-ci est spare du reste du lot du vendeur, par une

  • opration de pesage, de comptage ou de mesurage.

    34. la lumire de ce critre, ont la nature d'une telle vente : la vente portant sur un certain nombre d'hectolitres de vin prendre dans une cuve qui en contient un volume plus lev (Cass. com. 18 avr. 1967, JCP 1968. II. 15481, note J.H.) ou dansles chais du vendeur (Cass. com. 27 mai 1986, Bull. civ. IV, n o 107) ; la vente portant sur une certaine quantit de charbon prendre sur le carreau d'une mine (CA Lyon, 18 fvr. 1965, RTD com. 1965. 448, obs. J. Hmard) ; la vente de tant de mtrescubes de bois prendre dans une coupe (Cass. com. 4 dc. 1957, Gaz. Pal. 1958. 1. 218).

    2 - Rgime

    35. Selon l'article 1585 du code civil, la vente au poids, au compte ou la mesure n'est point parfaite, en ce sens que leschoses vendues sont aux risques du vendeur jusqu' ce qu'elles soient peses, comptes ou mesures . Au-del du tourapproximatif du texte, il convient de retenir que celui-ci lie le transfert de la proprit et des risques au mesurage (largemententendu) de la chose ; ce qui oblige prciser les rgles applicables aux oprations de mesurage.

    a. - Transfert de la proprit et des risques li au mesurage

    36 . La formule de l'article 1585 du code civil suivant laquelle la vente au poids, au compte ou la mesure n'est pointparfaite ne doit pas abuser. En vrit, la vente a t alors forme par le seul change des consentements ; et elle a tiss,ds ce moment, un lien d'obligations entre les parties. La suite de l'article 1585 le montre bien, qui nonce : l'acheteur peut[] demander ou la dlivrance ou des dommages-intrts, s'il y a lieu, en cas d'inexcution de l'engagement . Lajurisprudence est aussi en ce sens (Cass. com. 4 dc. 1957, Bull. civ. III, no 335 ; 28 nov. 1986, Bull. civ. IV, no 222).

    37. Ce que signifie la formule suivant laquelle la vente n'est point parfaite , c'est simplement qu'en prsence d'une venteau poids, au compte ou la mesure, aussi longtemps que le pesage, le comptage ou le mesurage n'a pas eu lieu, il n'y a pasd'individualisation possible de la chose objet du contrat, et que, par consquent, la vente ne peut pas produire son effettranslatif de la proprit et des risques ; autrement dit, et ainsi que l'nonce de manire tout fait explicite un arrt de laCour de cassation, lorsque la vente a pour objet une certaine quantit de marchandises prendre dans un lieu dsign, quien renferme une quantit qui n'a pas encore t mesure, c'est seulement l'opration de mesurage qui individualise la choseet entrane en consquence la translation de la proprit (Cass. civ. 30 juin 1925, DP 1927. 1. 29 ; rappr. Cass. com. 27 mai1986, Bull. civ. IV, no 107).

    38. En vertu de ce principe, la Cour de cassation a pos que les risques dcoulant de la perte fortuite de la chose sont lacharge du vendeur tant que la marchandise n'a pas t individualise ou spcifie (Cass. civ. 7 juill. 1913, S. 1917. 1. 173,note A.W. ; 30 juin 1925, prc.) ; ainsi, par exemple, le vendeur doit supporter les risques de l'incendie de pailles et de foinsdont il s'est rserv de conserver une certaine quantit, tant que le pesage n'a pas t effectu (Cass. req. 14 janv. 1914,DP 1916. 1. 69).

    39. Les solutions ci-dessus exposes n'ont cours, il convient de le rappeler, qu' dfaut de stipulation contraire. L'article 1585du code civil est, l'instar des autres dispositions gouvernant la vente, un texte suppltif de volont ; il n'interdit aucunementaux contractants, s'ils en sont d'accord, d'avancer ou de retarder le transfert de la proprit et des risques, en regard dumoment dfini par lui. Ainsi, les contractants sont libres de stipuler, dans une vente au poids, que le transfert de la proprit alieu ds le jour de la conclusion du contrat (Cass. civ. 20 nov. 1894, DP 1894. 1. 568 ; Cass. req. 7 avr. 1908, DP 1908. 1.397), ou, au contraire, qu'il n'aura lieu qu' la date de la livraison (Cass. civ. 8 juin 1904, DP 1904. 1. 455).

    b. - Oprations de mesurage

    40. Le mesurage s'effectue, en principe, par une individualisation contradictoire, en prsence de l'acheteur et du vendeur oude leurs reprsentants, afin de prvenir toute fraude par laquelle le vendeur distrairait une partie de la chose vendue avant lepesage ou le mesurage (Cass. req. 11 aot 1874, DP 1876. 1. 476 ; Cass. civ. 31 dc. 1894, DP 1895. 1. 409).

    4 1 . Cependant, les parties peuvent convenir d'une individualisation unilatrale par le vendeur (Cass. civ. 1er juill. 1874,DP 1876. 1. 473, propos d'une vente de peaux) ; et les usages commerciaux autorisent parfois valider une telleindividualisation pourvu qu'elle soit objective (Cass. req. 22 janv. 1868, DP 1868. 1. 167, pour un pesage de bestiaux effectuen l'absence de l'acheteur par un prpos au pesage public).

    4 2 . Dans les ventes de choses de genre distance, d'ailleurs, on considre que l'acheteur a donn mandat tacite autransporteur ou au vendeur d'assurer l'individualisation contradictoire (F. GOR, Le moment du transfert de proprit dans lesventes livrer, RTD civ. 1947. 161) ; la jurisprudence en dduit que les risques sont transfrs l'acheteur lorsque lamarchandise est sortie des magasins du vendeur et remise au transporteur (Cass. civ. 31 dc. 1894, DP 1895. 1. 409).

    43. L'individualisation n'est soumise, dans ses modalits, aucun formalisme : elle peut procder de tout moyen traduisantl'affectation de la chose l'acheteur, tel qu'un tiquetage, un marquage, un parcage, un embarquement. Elle peut, parexemple, rsulter du marquage d'un taureau.

    2 - Choses futures

    44. La vente de choses futures est illustre par la vente d'immeuble construire, par la vente de meubles fabriquer et parla vente de produits naturels venir.

    A. - Vente d'immeuble construire

    4 5 . La vente d'immeuble construire relevant d'une rubrique spcialise (V. Vente d'immeuble construire), il suffit

  • d'indiquer ici que le transfert de la proprit - et, partant, des risques - n'intervient pas au mme moment selon qu'une tellevente est conclue terme ou en l'tat futur d'achvement .

    46. Dans le premier cas, ledit transfert est report la constatation de l'achvement de la construction par acte authentique,tant observ qu'une fois cette constatation opre, il opre rtroactivement (C. civ., art. 1601-2 ; CCH, art. L. 261-2).

    47. Dans le second cas, il intervient immdiatement quant au terrain et quant aux constructions existantes la date de lavente, et, quant aux ouvrages venir, au fur et mesure de leur excution (C. civ., art. 1601-3 ; CCH, art. L. 261-3).

    B. - Vente de meubles fabriquer

    48. La vente de meubles fabriquer suscite, en plus des difficults de qualification (V. Vente [1o structure]), une difficultconcernant la dtermination du moment auquel se situe le transfert de la proprit et des risques. Il est entendu que cemoment ne peut pas concider avec la rencontre des volonts, puisqu'alors, par hypothse, la chose n'existe pas encore. Mais,cela pos, doit-on considrer que la proprit et les risques sont transmis l'acqureur au fur et mesure de la ralisation dela chose, ou lors de l'achvement de celle-ci, ou encore lors de la livraison ?

    49. La rponse cette question peut tre, videmment, donne par le contrat lui-mme : lorsque la commune intention desparties s'vince, sans ambigut, des stipulations de la vente, il y a lieu de la respecter. Par exemple, il est permis de convenir,dans une vente de navire construire, que l'acqureur deviendra propritaire de la chose au fur et mesure de la fabricationde celle-ci (Cass. civ. 20 mars 1872, DP 1872. 1. 140).

    50. dfaut de prvision contractuelle, la distinction entre les corps certains et les choses de genre vocation retrouverson empire. En prsence d'une vente de corps certain, le transfert de la proprit et des risques devrait intervenir lors del'achvement de la chose, c'est--dire au moment o celle-ci accde effectivement l'existence ; un arrt de la Cour decassation a pos en ce sens que, dans le cas de vente de chose future, il y a transmission de la proprit ds que la choseque l'on s'est engag livrer est effectivement en mesure d'tre livre par le vendeur et reue par l'acheteur (Cass. civ.1er aot 1950, Bull. civ. I, no 184, D. 1951, somm. 68, rejetant le pourvoi contre CA Paris, 24 mai 1944, DA 1944. 99, JCP 1945.II. 2742, note . Becqu, rendu propos de la vente d'une remorque automobile construite d'aprs les plans fournis parl'acheteur).

    51 . En prsence d'une vente de chose de genre, il ne suffit pas que la fabrication de la chose soit acheve pour que laproprit et les risques soient transfrs l'acheteur ; il faut, en outre, que la chose ait t individualise : par exemple, lavoiture de srie commande par un client et non encore fabrique ne deviendra la proprit de celui-ci qu'aprs avoir tacheve et individualise.

    C. - Vente de produits naturels venir

    52 . Lorsque la vente a pour objet des produits naturels futurs non encore rcolts, comme dans le cas de la vente sursouches, elle porte bien sur une chose future, mais celle-ci n'est pas fabriquer ; elle doit apparatre naturellement. Lesparties sont libres alors de convenir que le transfert de la proprit et des risques s'oprera ds la conclusion du contrat(Cass. com. 28 fvr. 1972, Bull. civ. IV, n o 72). Cependant, dfaut d'une telle stipulation, il y a lieu de poser que,conformment aux principes ci-dessus noncs, le vendeur demeure propritaire jusqu' l'apparition des fruits (Cass. civ.7 janv. 1880, S. 1882. 1. 463).

    53. En application des mmes principes, il a t jug que, lorsque des poules pondeuses n'avaient pas d'aptitude la pontelors de la conclusion du contrat, il s'agissait d'une vente de choses futures, et que, par consquent, les risques lis lamaladie contracte par ces poules avant qu'elles ne soient en tat de pondre devaient tre supports par le vendeur(CA Rennes, 25 juin 1969, Gaz. Pal. 1969. 2. 201, RTD civ. 1969. 801, obs. crit. G. Cornu).

    3 - Vente en libre service

    54. Dans la vente en libre service, la marchandise est expose sur des rayons et ainsi offerte par le commerant au public.Lorsque le client s'en saisit pour la mettre dans un chariot ou dans un sac, il est permis de penser qu'il manifeste sa volontd'acheter aux conditions proposes et que, la marchandise ayant t individualise, le contrat de vente est conclu. Letransfert de la proprit et des risques l'acheteur devrait donc se produire ce moment.

    55. Une telle solution, bien que conforme aux principes du droit civil, serait incompatible avec les exigences de la rpressiondu vol ; elle conduirait, en effet, exclure cette infraction dans le cas o, aprs s'tre servi, le client part sans payer, car iln'est pas possible de poursuivre pour vol le propritaire de la chose. Aussi, la chambre criminelle de la Cour de cassationretarde, en la circonstance, le transfert de la proprit et des risques : elle considre que la remise dfinitive de l'objetvendu n'est consentie par le vendeur l'acheteur qu'au moment du versement du paiement du prix [et qu']il y a jusque-l unedtention matrielle provisoire qui ne modifie pas les droits du vendeur (Cass. crim. 4 juin 1915, DP 1921. 1. 57, noteM. Nast ; 30 mai 1958, D. 1958. 513, note M. R. M. P., JCP 1958. II. 10809, note A. Chavanne ; 18 juill. 1963, Bull. crim.,no 262). En vertu de ce raisonnement, le client indlicat peut tre poursuivi pour vol.

    56 . La jurisprudence pnale admet, en outre, que le dlit de tentative de vol est caractris ds que le client, par lescirconstances qui entourent l'apprhension de la chose, a manifest son intention de se l'approprier sans payer, et par soncomportement, a suffisamment indiqu qu'il n'entendait pas se dsister de son acte (T. com. Dijon, 28 fvr. 1973, JCP 1974. II.17803, note crit. M. Puech ; adde : Cass. crim. 3 janv. 1973, Gaz. Pal. 1973. 1. 290).

    57. Mme au plan civil, il n'est pas interdit de considrer que l'acheteur ne consent vritablement la vente que lorsqu'il paye

  • le prix la caisse (Cass. com. 8 janv. 2002, Bull. civ. IV, n o 1) ; dans le sens d'une telle analyse, certains auteurs font valoirque l'apparition des codes-barres rend l'tiquetage en rayon seulement indicatif, de sorte que l'accord ne se fait sur le prixqu'au moment o celui-ci est traduit en chiffres (F. COLLART DUTILLEUL et P. DELEBECQUE, op. cit., no 188).

    Art. 3 - Amnagements conventionnels

    58. Le principe du transfert immdiat de la proprit et des risques, tel qu'il dcoule de la combinaison des articles 1583 et1138, alina 2, du code civil (V. supra, nos 6 et s.), n'est pas d'ordre public. La vente est largement domine par l'autonomie dela volont ; et les parties sont libres d'amnager comme elles l'entendent ce double transfert (Cass. req. 26 juin 1935,DH 1935. 414 ; Cass. 1re civ. 24 janv. 1984, Bull. civ. I, no 31).

    59. Elles ne se privent d'ailleurs pas de le faire, en raison des inconvnients prsents par le principe du transfert immdiatde la proprit et des risques : outre que le jeu de ce principe peut s'avrer dangereux pour l'acheteur (V. supra, no 24), ilpeut placer le vendeur dans une situation dlicate, puisque celui-ci se trouve parfois dpouill de son droit de proprit sur lachose avant d'avoir t pay ; enfin, il est mal adapt la vente immobilire, dont la ralisation s'inscrit dans la dure, etdont l'opposabilit aux tiers requiert l'accomplissement de formalits de publicit (V. infra, nos 169 et s.).

    60. Les techniques que le droit des obligations met la disposition des parties pour amnager le transfert de la proprit etdes risques sont donc frquemment utilises par la pratique. Il convient d'en dresser l'inventaire, avant de dvelopper deuxapplications particulires, savoir la vente avec rserve de proprit et la vente rmr.

    1 - Techniques

    61. l'effet d'amnager contractuellement le transfert de la proprit et des risques, les parties ont la possibilit de stipulerun terme suspensif ou une condition ; leur est aussi reconnu le droit de dissocier le transfert de la proprit et le transfert desrisques.

    A. - Terme suspensif

    62. Les parties peuvent, tout en concluant la vente de manire dfinitive, convenir de retarder le transfert de la proprit etdes risques jusqu' la survenance d'un vnement certain appel terme suspensif (Cass. 3e civ. 12 mars 1974, Bull.civ. III, no 114 ; Cass. 1re civ. 24 janv. 1984, Bull. civ. I, n o 31). Cette modalit est frquemment utilise en matire de venteimmobilire, o le terme consiste gnralement : dans la rdaction de l'acte authentique appel succder au compromis devente tabli sous seing priv (Cass. 3e civ. 9 juin 1971, Bull. civ. III, n o 362 ; 2 fvr. 1983, Bull. civ. III, n o 34 ; 24 janv. 1984,prc.), ou dans l'entre de l'acheteur en possession effective de l'immeuble, ou dans le paiement du prix (sur l'efficacit d'unetelle clause lorsque l'acqureur est, avant paiement, soumis une procdure collective de redressement ou de liquidationjudiciaire, V. Cass. com. 9 janv. 1996, D. 1996. 184, note F. Derrida , Defrnois 1996. 385, obs. F. Derrida), ou encore dansl'accomplissement des formalits de publicit (Cass. 3e civ. 12 mars 1974, prc.), rien n'interdisant aux parties de diffrer laprise d'effet de la vente jusqu' la ralisation cumule de ces diffrents vnements. Mais le terme suspensif se rencontreaussi dans les ventes mobilires (par ex., V. Cass. 1 re civ. 7 juill. 1993, Bull. civ. I, n o 254, D. 1993, IR 208 , au cas de vented'un bateau de plaisance, o le transfert de proprit tait diffr jusqu' la livraison de ce bateau) ; telle devrait tre,spcialement, la nature de la clause de rserve de proprit (V. infra, no 133).

    63. Avant d'examiner les effets de la vente terme, il importe d'voquer les difficults de qualification auxquelles elle peutprter.

    1 - Qualification

    64. La distinction de la vente terme suspensif et de la vente sous condition suspensive est parfois dlicate. Sans doute, lesarticles 1181 et 1185 du code civil ont pour objet de la prciser : le premier des deux textes invite poser que la vente souscondition suspensive est celle dont les effets - spcialement, le transfert de la proprit - sont suspendus la survenanced'un vnement futur et incertain ; le second conduit dfinir la vente terme comme une vente dans laquelle le mmetransfert est report jusqu' la survenance d'un vnement futur et certain. Cependant, l'imprcision des stipulations de lavente, ou la nature mme de l'vnement dont la survenance est attendue, concourt parfois entretenir l'hsitation sur laqualification retenir.

    65. La recherche de la commune intention des parties doit permettre alors de trancher la difficult. C'est aux juges du fond qu'ilrevient de la conduire souverainement, sous rserve du contrle de la dnaturation opr par la Cour de cassation (Cass. 3eciv. 9 juin 1971, Bull. civ. III, n o 364 ; 11 juin 1980, D. 1981, IR 12 ; 21 oct. 1980, D. 1981, IR 108). Lorsque les seules clausesdu contrat ne suffisent pas rvler la volont vritable des contractants, les juges du fond ont la possibilit de prendre encompte le comportement des parties postrieur la signature de l'acte (Cass. 3e civ. 13 juin 1978, Gaz. Pal. 1978. 2,panor. 354).

    66. Un mme vnement - tel que, par exemple, la rdaction de l'acte authentique ou l'accomplissement des formalits de lapublicit foncire dans une vente immobilire - peut donc revtir la nature d'un terme ou la nature d'une condition suspensive,selon que les parties ont envisag, lors de la conclusion de la vente, sa ralisation comme certaine ou comme incertaine.

    67 . Un arrt a mme admis que la date limite stipule pour la rdaction de l'acte authentique peut avoir la nature d'unecondition rsolutoire de la vente (Cass. 3e civ. 31 janv. 1978, D. 1978. 348).

    68 . La certitude, qui permet de diffrencier le terme de la condition, n'implique pas forcment que la date de celui-ci soitconnue lors de la conclusion du contrat ; le terme dont une vente est assortie est parfois chance incertaine : il en est ainsi

  • chaque fois que les parties ont retard les effets de la vente jusqu' l'arrive d'un vnement dont la ralisation estconsidre par elles comme certaine - en quoi cet vnement a bien la nature d'un terme -, mais dont elles ignoraient,lorsqu'elles ont contract, quel moment prcis il se produirait - en quoi l'chance du terme convenu est incertaine ; lastipulation d'un tel terme est pleinement valable ; simplement, en cas de difficult, il appartient au juge de fixer l'chance duterme ( propos de la clause insre dans une promesse de vente immobilire et reportant le transfert de proprit lavente d'un autre bien immobilier appartenant au promettant, V. Cass. 3 e civ. 27 nov. 1969, Bull. civ. III, n o 772 ; rappr., propos du terme chance incertaine affectant l'obligation de payer le prix dans une vente immobilire, Cass. 3e civ. 4 dc.1985, Bull. civ. III, no 162, Defrnois 1986. 1103, obs. J.-L. Aubert, RTD civ. 1987. 98, obs. J. Mestre).

    2 - Effets

    69. Dans le cas de la vente terme, le transfert de la proprit est report la date de la survenance de l'vnement (Cass.3e civ. 2 mai 1968, Bull. civ. III, n o 182). Il s'ensuit notamment que, si la vente porte sur un immeuble, le paiement de la taxefoncire, qui est li la proprit du bien grev, reste la charge du vendeur jusqu'au transfert de la proprit, nonobstanttoute clause contraire (Cass. 3e civ. 21 mai 2003, Bull. civ. III, no 111).

    70. Puisque les risques sont lis la proprit, lorsque le transfert de celle-ci est affect d'un terme, il en est de mme desrisques, sauf stipulation contraire. Ainsi, par exemple, lorsque, dans leur commune intention, le vendeur et l'acqureur d'unnavire, perdu par naufrage aprs la vente et avant la date prvue pour la livraison, ont entendu diffrer le transfert de laproprit jusqu' la date fixe pour la livraison, les risques de la chose vendue sont demeurs la charge du vendeur qui nepeut donc demander le paiement du prix (Cass. 1re civ. 4 juill. 1995, Bull. civ. I, n o 305, D. 1995, IR 200 ). Corrlativement,dans la mme ventualit, c'est le vendeur qui demeure bnficiaire de la garantie de l'assureur au cas de disparition de lachose (Cass. 1re civ. 7 juill. 1993, Bull. civ. I, no 254, D. 1993, IR 208 ).

    71. Le report du transfert de la proprit jusqu' l'accomplissement d'un vnement suscite plusieurs ordres de difficult. Ilest permis, d'abord, de se demander ce qu'il advient des droits de l'acqureur si, avant l'chance du terme, le vendeur, parcequ'il a trouv un nouvel acqureur un meilleur prix par exemple, revend le bien. Il semble que, rserve faite du jeu desrgles de la publicit foncire en matire immobilire (V. infra, nos 174 et s.) ou de la preuve de la mauvaise foi du secondacqureur, le premier acqureur, dans la mesure o il n'est encore titulaire d'aucun droit rel sur le bien, puisse seulement seprvaloir d'une crance indemnitaire et mobilire contre son cocontractant, c'est--dire contre le vendeur : telle est, du moins,la solution pose par la Cour de cassation propos d'une vente immobilire, dans un cas o les parties taient convenues deretarder le transfert de la proprit jusqu' la rdaction de l'acte authentique, et o, entre-temps, l'immeuble avait t vendu une autre personne (Cass. 3e civ. 2 avr. 1979, Bull. civ. III, n o 84, Defrnois 1980. 1057, note crit. G. Morin, JCP 1981. II.19697, note M. Dagot).

    72. Il peut arriver, ensuite, que l'une des parties refuse, en violation de son engagement, d'accomplir dans le dlai convenu laformalit partir de laquelle le transfert de la proprit devrait intervenir. En pareil cas, l'autre partie parat en droit d'exigerl'excution force de la vente (rappr. Cass. 3 e civ. 5 janv. 1983, D. 1983. 617, note P. Jourdain). Si, par exemple, il taitconvenu de diffrer le transfert de proprit jusqu' la ritration de l'acte sous seing priv en la forme authentique, et sil'une des parties refuse de ritrer la vente devant notaire dans le dlai convenu, l'autre partie est en droit de demander enjustice la ralisation force de la vente, ou de demander que le jugement intervenir tienne lieu d'acte authentiqueconstatant celle-ci ; l'effet translatif de la proprit se produira alors la date de l'assignation (Cass. 3e civ. 22 nov. 1968,Bull. civ. III, no 494 ; rappr. Cass. 3e civ. 20 dc. 1994, Bull. civ. III, no 229).

    73. Enfin, au cas o l'chance du terme intervient sans qu'ait t accomplie la formalit destine oprer le transfert de laproprit et des risques, la vente n'est pas forcment caduque : tout dpend du point de savoir si les contractants ontentendu faire du dlai convenu un dlai indicatif ou un dlai de rigueur,ce qu'il revient aux juges du fond d'apprcier. Dans lepremier cas, la partie la plus diligente est en droit de contraindre l'autre excuter son engagement ou supporter larsolution ses torts (Cass. 3e civ. 11 juin 1980, D. 1981, IR 12 ; 17 juill. 1991, Bull. civ. III, n o 218 ; adde, propos d'unecession de parts sociales : CA Paris, 1er mars 1991, D. 1992, somm. 193, obs. G. Paisant ). Dans le second cas, sauf si lesparties conviennent d'une prorogation du terme, l'acte sous seing priv devient caduc, et l'excution force de la vente n'estplus possible (Cass. 3e civ. 2 fvr. 1983, Bull. civ. III, no 34).

    B. - Condition

    74. Aux termes de l'article 1584 du code civil : La vente peut tre faite purement et simplement, ou sous une condition soitsuspensive, soit rsolutoire . Du rapprochement de ce texte avec l'article 1168 de ce code, relatif aux obligationsconditionnelles, il ressort que la vente conditionnelle est celle qui, tout en tant forme ds la rencontre des volonts, voit seseffets - spcialement, le transfert de la proprit et des risques - dpendre de la survenance d'un vnement futur etincertain : Tantt, la naissance desdits effets est suspendue la ralisation de cet vnement ; la vente est alors assortied'une condition suspensive. Tantt, leur anantissement ventuel est li la survenance de l'vnement ; la vente estassortie, cette fois, d'une condition rsolutoire (V. Condition).

    75 . Dans la mesure o la condition n'est, par dfinition, qu'une modalit affectant les effets de la vente, elle ne doit pasporter sur un lment constitutif de celle-ci (PLANIOL et RIPERT, Trait pratique de droit civil franais, t. 7, par P. ESMEIN,no 1024 ; MARTY, RAYNAUD et JESTAZ, Droit civil. Les obligations, t. 2, Le rgime, 2 e d., 1989, Sirey, n o 70). C'est pourquoi lajurisprudence sanctionnant, sur le fondement de l'article 1174 du code civil, la clause qui consiste abandonner une partiela dtermination du prix apparat critiquable (V. Vente [2o formation]).

    7 6 . Pour affecter les effets de la vente, la condition doit satisfaire des rgles de validit qu'il convient de rappelerbrivement, avant d'exposer les mcanismes respectifs de la condition suspensive et de la condition rsolutoire.

  • 1 - Validit de la condition

    77. La condition doit d'abord, conformment l'article 1172 du code civil, tre morale, possible et licite (V. Condition). Ainsi, ila t jug qu'au cas de vente d'un terrain pour construire, charge de livrer gratuitement aux vendeurs des appartements,s'il est impossible de construire, la dation en paiement devient impossible et la vente est nulle (Cass. 3e civ. 3 fvr. 1982,D. 1982, IR 228).

    78. L'exigence pose l'article 1172 concerne aussi bien la condition suspensive que la condition rsolutoire. Sa sanction nerside pas forcment, contrairement la lettre de ce texte, dans la nullit de la vente : selon que, dans l'esprit des parties, lacondition illicite, immorale ou impossible tait dterminante ou non du consentement, le contrat tout entier, ou simplement laclause irrgulire, est nul (V. Condition).

    79. En prsence d'une condition suspensive, s'ajoute l'exigence de l'article 1172, une autre exigence. L'article 1174 du codecivil dispose, en effet : Toute obligation est nulle lorsqu'elle a t contracte sous une condition potestative de la part decelui qui s'oblige . Bien que ce texte ne distingue pas suivant que la condition est suspensive ou rsolutoire, il ne concernepas, semble-t-il, la condition rsolutoire ; l'article 1659 consacre, en effet, la validit de la vente rmr, qui n'est riend'autre qu'une vente sous condition rsolutoire potestative (contra : J. GHESTIN, L'indtermination du prix de vente et lacondition potestative, D. 1973, chron. 293).

    Lire la mise jour79, 128, 140 s., 177 s. Simplification du droit. Rmr. - Le terme de rmr a t supprim par la loi no 2009-526 du12 mai 2009 de simplification du droit : l'article 1659, les mots : ou de rmr sont supprims ; l'article 1662, les mots : de rmr sont remplacs par les mots : en rachat ; aux articles 1664, 1667 et 1668, au premier alina de l'article1671 et aux premier et deuxime alinas de l'article 1672, le mot : rmr est remplac par le mot : rachat .80. Pour que la condition stipule tombe sous le coup de l'article 1174, il faut, dit-on classiquement, qu'elle soit purementpotestative, c'est--dire qu'elle revienne abandonner l'excution de l'obligation la volont arbitraire du dbiteur. Paropposition, la condition simplement potestative, dite encore condition mixte , dans la mesure o son accomplissementdpend la fois de la volont du dbiteur et de circonstances extrieures, est, quant elle, pleinement valable.

    81. La frontire entre la condition purement potestative et la condition simplement potestative est souvent tnue. C'est auxjuges du fond qu'il revient d'apprcier, la lecture des stipulations du contrat, si la condition stipule est ou non rgulire auregard de l'article 1174 du code civil (Cass. req. 2 juin 1856, DP 1856. 1. 457 ; Cass. 3e civ. 8 oct. 1980, Bull. civ. III, n o 154).Cependant, la Cour de cassation exerce un contrle sur la qualification opre par eux partir des faits (Cass. 1re civ. 28 mai1974, D. 1975. 144, note A. Ponsard, JCP 1975. II. 17911, note H. Thuillier).

    82. La mise en oeuvre du critre de distinction ci-dessus expos conduit des solutions qui ne se prtent pas aisment unesystmatisation. Tout juste peut-on prtendre l'illustrer. Il a t jug, par exemple, que la condition suspensive, stipule enfaveur des acqureurs et subordonnant la ralisation dfinitive de la vente l'obtention d'un prt bancaire par ces derniers,n'tait pas purement potestative, ds lors qu'il tait certain que les acqureurs avaient l'obligation de solliciter le prt (Cass.com. 22 nov. 1976, JCP 1978. II. 18903, note B. Stemmer).

    83. En revanche, a t juge purement potestative la condition, figurant dans la vente d'une maison d'habitation, et auxtermes de laquelle l'acqureur pouvait, de sa seule volont, accepter ou refuser de passer l'acte authentique et de payer leprix (Cass. 3e civ. 7 juin 1983, Bull. civ. III, n o 132, Defrnois 1984. 805, obs. J.-L. Aubert, D. 1983, IR 481, obs. B. Audit ;comp. Cass. req. 8 janv. 1947, JCP 1947. IV. 38). La ritration de l'acte sous seing priv en la forme authentique devrait,d'ailleurs, toujours avoir la nature d'un terme, et jamais celle d'une condition ; car faire de cette formalit un vnementincertain, c'est laisser l'excution de la vente la discrtion de l'une ou l'autre des parties, et donc infecter l'engagement deritration du vice de potestativit (rappr. F. COLLART DUTILLEUL et P. DELEBECQUE, op. cit., no 198).

    84 . La clause suspendant les effets de la vente l'acquisition d'un autre bien par le vendeur a t galement dclarecontraire l'article 1174, ds lors qu'au regard des circonstances de fait, elle avait pour consquence de placer la cessiondans le seul pouvoir du cdant qui pouvait, son seul gr, dcider ou non d'acqurir sans tre, de surcrot, contraint parune quelconque date limite (Cass. 3e civ. 13 oct. 1993, Bull. civ. III, n o 121, JCP 1994. II. 22280, note Y. Dagorne-Labbe ;rappr. Cass. 3 e civ. 8 oct. 1980, Bull. civ. III, n o 154 ; comp. Cass. 3e civ. 27 nov. 1969, Bull. civ. III, n o 772). En revanche, laclause suspendant le transfert de la proprit la vente d'autres biens appartenant au vendeur n'est pas potestative dslors que la circonstance relative cette vente reprsente plutt un vnement venir, mais certain, convenu entre lescontractants quoiqu' chance indtermine (Cass. 3e civ. 27 nov. 1969, Bull. civ. III, n o 777 ; 22 nov. 1995, Bull. civ. III,no 243, D. 1996. 604, note P. Malaurie , Defrnois 1996. 348, obs. D. Mazeaud ; mais comp. Cass. 3e civ. 8 oct. 1980, prc.).

    2 - Condition suspensive

    85. La vente est conclue sous condition suspensive lorsque ses effets sont subordonns la survenance d'un vnementfutur et incertain, ou d'un vnement actuellement arriv, mais encore inconnu des parties (C. civ., art. 1181). Le second casde figure est rare. Un arrt rendu propos d'une vente immobilire conclue sous la condition suspensive de la purge de tousles droits de premption, alors qu'aucun droit de premption n'avait t institu dans la commune, permet cependant del'illustrer (Cass. 3e civ. 12 avr. 1995, Bull. civ. III, no 110, D. 1996, somm. 120, obs. D. Mazeaud , Defrnois 1995. 1402, obs.P. Delebecque) ; l'article 1181, alina 3, du code civil dispose qu'alors l'obligation a son effet du jour o elle a tcontracte . Autrement dit, le transfert de la proprit et les autres effets de la vente oprent alors la date de laconclusion de celle-ci.

    86. Le plus souvent, la condition suspensive a trait un vnement futur et incertain. Le caractre incertain de l'vnement venir permet de distinguer la condition suspensive et le terme (V. supra, no 64) ; le fait que la vente ne produise pas ses

  • effets - spcialement, le transfert de la proprit et des risques - tant que l'vnement ne s'est pas ralis permet dedistinguer la condition suspensive et la condition rsolutoire : lorsque la vente est conclue sous condition rsolutoire, elleemporte immdiatement les effets de la vente, ceux-ci tant rtroactivement anantis si la condition s'accomplit (V. infra, nos 114 et s.).

    87. Dans les ventes immobilires, la condition suspensive est presque toujours stipule. Elle peut alors porter sur l'obtentiond'un prt, tant observ qu'elle donne lieu une rglementation spcifique dans le droit du crdit immobilier auconsommateur, rglementation qui figure aujourd'hui aux articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation (V. Crditimmobilier) ; la condition suspensive stipule dans une vente immobilire peut aussi avoir trait la ritration de l'acte sousseing priv en la forme authentique (Cass. 3e civ. 9 juin 1971, Bull. civ. III, n o 364), au dfaut d'exercice d'un droit depremption, l'absence de servitude conventionnelle ou administrative grevant l'immeuble, la dlivrance d'un certificatd'urbanisme, par exemple.

    88. Elle offre, au plan fiscal, l'avantage de soustraire, jusqu' sa ralisation, la vente aux droits de mutation. L'article 676 ducode gnral des impts dispose : En ce qui concerne les mutations et conventions affectes d'une condition suspensive, lergime fiscal applicable et les valeurs imposables sont dtermins en se plaant la date de ralisation de la condition . Lasolution est logique puisque, tant que la condition suspensive n'a pas t accomplie, celle-ci empche le transfert de laproprit.

    8 9 . Cette considration fiscale n'est videmment pas trangre la stipulation presque systmatique de conditionssuspensives dans les ventes immobilires. Mais une telle condition se rencontre aussi dans les ventes de biens meubles,comme le montre, spcialement, le cas de la vente l'essai (V. Vente [2o formation]). Pour en mesurer les effets, il importede les examiner d'abord, tant que la condition est pendante, c'est--dire tant qu'on ignore si elle se ralisera ou non ; aprsquoi, il conviendra d'envisager successivement le cas o la condition est accomplie et celui o la condition est dfaillie.

    a. - Condition pendante

    90 . Tant que la condition est pendante, le vendeur demeure propritaire, et il conserve la charge des risques, ainsi quel'nonce l'article 1182 du code civil. Si, ds lors, la chose est entirement prie par cas fortuit, le contrat est caduc. Si elle l'estpartiellement, et pour la mme cause, l'acqureur a le choix entre la caducit de la vente ou l'excution de celle-ci, mais sansdiminution du prix (pour une application au cas de destruction partielle par un incendie de l'immeuble objet d'une venteassortie d'une telle condition, V. Cass. 1re civ. 20 nov. 1990, D. 1990, IR 294 , JCP 1992. II. 21841, note M. Dagot).

    91. Pendente conditione, le contrat est form, et aucune des parties ne peut se dlier sans l'accord de l'autre. D'ailleurs, lavente a fait natre des obligations la charge de chacune d'entre elles, en mme temps que des droits sur la chose pourl'acqureur.

    9 2 . Au titre des obligations, tout d'abord, chacun des contractants doit s'employer favoriser l'accomplissement de lacondition, dans la mesure o il en a le pouvoir (pour le vendeur, V. Cass. 1 re civ. 13 nov. 1950, Bull. civ. I, n o 221 ; pourl'acqureur, V. infra, nos 98 et s.). La sanction de la mconnaissance de cette obligation par le vendeur ne peut consister,selon la jurisprudence, que dans une crance mobilire d'indemnit au profit de l'acqureur (Cass. 1re civ. 30 avr. 1970, Bull.civ. I, no 148, JCP 1971. II. 16674, note L. Mourgeon). En outre, le vendeur ne doit rien faire qui soit de nature contrarier ledroit de l'acqureur si la condition vient se raliser (Cass. 1re civ. 13 nov. 1950, prc.). Ainsi, par exemple, il ne saurait, sansl'accord de son cocontractant, constituer une sret sur ce bien, ni le louer. Cependant, si la condition vient s'accomplir,l'acqureur ne sera protg contre de tels actes que dans la mesure o la vente conclue sous condition suspensive taitopposable aux tiers au moment o ils ont t passs (V. infra, no 175).

    93. Au titre des droits sur la chose, l'acqureur se voit reconnatre, par l'article 1180 du code civil, le droit de faire tous actesconservatoires ; et l'article 2414 de ce code, substitu l'ancien article 2125 par l'ordonnance no 2006-346 du 23 mars 2006relative aux srets, l'autorise, lorsque la vente porte sur un immeuble, constituer une hypothque sur celui-ci, laquelle seravidemment suspendue la mme condition que la vente. De faon gnrale, la jurisprudence admet que les droits dont laralisation est soumise une condition suspensive peuvent tre valablement cds sous la mme condition (Cass. 3e civ.20 juin 1973, Bull. civ. III, no 433).

    b. - Condition accomplie

    94 . Relativement l'accomplissement de la condition, il convient d'examiner deux questions : celle de la constatation del'accomplissement et celle de l'effet rtroactif qui en dcoule.

    95. La constatation de l'accomplissement de la condition, tout d'abord, doit, en cas de difficult, tre opre suivant la directivenonce par l'article 1175 du code civil ; ce texte dispose : Toute condition doit tre accomplie de la manire que les partiesont vraisemblablement voulu et entendu qu'elle le ft . C'est donc la recherche de la commune intention des parties qui doitguider la dmarche des juges du fond, dont l'apprciation est souveraine en la matire. Par exemple, ceux-ci sont fonds dcider, sur le fondement de l'article 1175, que des contractants n'ont pas pu envisager que les conditions suspensivesrelatives l'obtention d'un prt et la dlivrance d'un permis de construire auxquelles tait subordonne la vente d'uneproprit, puissent s'accomplir plus de six ans aprs la signature du contrat, ds lors qu'aucune indexation, ni aucuncoefficient de revalorisation du prix n'a t prvu (Cass. 3e civ. 3 fvr. 1982, Bull. civ. III, no 37).

    96. Cependant, il importe de complter le principe de solution pos par l'article 1175 l'aide de deux directives particulires.La premire, dicte par la jurisprudence, intresse la vente immobilire crdit. L'article L. 312-16 du code de la consommationprvoit que, lorsqu' l'occasion d'une opration relevant de la rglementation du crdit immobilier au consommateur (V.

  • Crdit immobilier), l'acqureur a indiqu qu'il entendait recourir un prt pour financer son achat, la vente (ou la promessede vente) est conclue sous la condition suspensive de l'obtention du ou des prts qui en assurent le financement . Lacondition suspensive vise par l'article L. 312-16 est donc accomplie lorsque le prt est obtenu. Mais, la loi n'ayant pas dfini lanotion d'obtention du prt, celle-ci a t longtemps controverse. La Cour de cassation a marqu sa volont de clore ladiscussion la faveur, spcialement, de deux arrts rendus par la premire chambre civile. Le premier a nonc que lacondition d'obtention du prt, au sens du texte, est rpute ralise ds la prsentation par un organisme de crdit d'uneoffre rgulire correspondant aux caractristiques du financement de l'opration stipules par l'emprunteur dans l'acte [devente ou de promesse de vente] (Cass. 1re civ. 9 dc. 1992, Bull. civ. I, n o 309, D. 1993, somm. 210, obs. A. Penneau ,JCP, d. N, 1993. II. 121, note A. Gourio). Le second est venu prciser que l'offre rpondant aux exigences prcdemmentnonces ne doit pas, en outre, avoir t rtracte, par exemple, l'annonce du licenciement de l'acqureur-emprunteur,avant la date ultime prvue pour la ralisation de la vente (Cass. 1re civ. 20 janv. 1993, Bull. civ. I, n o 30, JCP, d. N, 1993. II.121, note A. Gourio ; adde : Cass. 1re civ. 17 nov. 1998, Bull. civ. I, n o 324 ; 9 fvr. 1999, Dalloz Affaires 1999. 587). De cesdcisions, il ressort que le prt doit tre considr comme obtenu, et donc la condition suspensive accomplie, ds lors quel'emprunteur a reu, dans le dlai fix par les parties, une offre de prt rgulire et conforme aux stipulations du contrat de vente(ou de promesse de vente).

    97. La jurisprudence se montre trs rigoureuse dans l'apprciation de la conformit de l'offre de prt aux stipulations de lavente. Ainsi, au cas o le prt n'a pas t acquis de l'organisme auprs duquel il tait sollicit et o une offre de financementest faite par le vendeur aux mmes conditions que celles qui ont t refuses par ledit organisme, le destinataire est libre dela dcliner si les parties ne sont pas convenues, l'avance, d'un financement de substitution (Cass. 3e civ. 9 nov. 1988,D. 1989, somm. 340, obs. J.-L. Aubert). De mme, lorsque le dlai dont la condition d'obtention du prt tait assortie estexpir au moment o l'offre de prt parvient son destinataire, celui-ci est en droit d'opposer que la condition suspensive nes'est pas ralise ; la solution vaut alors mme que ledit destinataire aurait t inform en temps utile par l'organismeprteur auquel il s'est adress, de l'accord mis sur sa demande (Cass. 3e civ. 18 nov. 1992, Bull. civ. III, no 303).

    98. La seconde directive relative la constatation de l'accomplissement de la condition est, quant elle, pose par la loi. Elleconcerne le cas o le dfaut d'accomplissement de la condition est d une faute du dbiteur. Aux termes de l'article 1178 ducode civil : La condition est rpute accomplie lorsque c'est le dbiteur, oblig sous cette condition, qui en a empchl'accomplissement . La jurisprudence a fait application de cette disposition, notamment, propos de la condition suspensivede l'obtention de prt assortissant la vente ou la promesse de vente immobilire : lorsque, par exemple, l'acqureur n'a pasobtenu le prt conditionnant son achat en raison de dmarches insuffisantes (Cass. 3e civ. 25 avr. 1978, JCP 1979. II. 19056,note S. Galle), ou de l'absence de toute demande de prt en temps utile (Cass. 1re civ. 19 juin 1990, Bull. civ. I, n o 175,D. 1990, IR 175 ), ou du retrait des pices dposes l'appui de sa demande sans attendre la rponse de l'organisme decrdit (Cass. 3e civ. 4 fvr. 1987, Bull. civ. III, no 22), ou encore d'une demande incomplte, imprcise ou inexacte, dpose desurcrot la hte en sachant qu'elle est voue l'chec (Cass. 1re civ. 25 oct. 1994, Defrnois 1995. 755, obs. D. Mazeaud), lacondition d'obtention du prt est rpute accomplie en vertu de l'article 1178.

    Lire la mise jour98 . Illustration d'une condition suspensive dont l'accomplissement est empch par le dbiteur. - Cession d'un office notarialconclue sous condition suspensive de l'obtention d'un prt et d'une garantie : le cessionnaire avait commis l'erreur d'adresserlui-mme une copie de la lettre destine au cdant faisant part de ses inquitudes la chambre dpartementale des notaires,et il n'avait ni sign ni communiqu aux instances professionnelles la convention que le cdant tait prt signer pour faireface ses inquitudes (Civ. 1re, 6 mai 2010, no 09-14.690 , Dalloz actualit, 25 mai 2010, obs. Guiomard).Demande de prt non conforme au contrat : condition rpute accomplie. - Les particuliers qui s'engagent acqurir un bienimmobilier sous condition suspensive d'obtention d'un prt et effectuent une demande au nom d'une socit civile immobilireen cours de constitution, sans avoir exerc la facult de substitution prvue l'acte, ne justifient pas d'une demande de prtconforme aux caractristiques stipules dans l'acte sous seing priv. Ds lors, en application de l'article 1178 du code civil, lacondition est rpute accomplie (Civ. 3e, 27 fvr. 2013, no 12-13.796 , Dalloz actualit, 2 avr. 2013, obs. Garcia).

    99. La jurisprudence a prcis, de surcrot, que, si l'emprunteur n'obtient pas le prt, c'est lui qu'il revient de prouver qu'il asollicit, dans le dlai convenu, un financement conforme aux caractristiques dfinies dans la promesse ou dans la vente(Cass. 1re civ. 13 nov. 1997, Bull. civ. I, no 310 ; 9 fvr. 1999, Dalloz Affaires 1999. 587 ; 13 fvr. 2001, Bull. civ. I, n o 33 ; 7 mai2002, JCP 2002. IV. 2030) ; dfaut de quoi la condition est rpute accomplie.

    100. Enfin, il convient de rappeler que, selon l'article 1178 du code civil, pour que la condition soit rpute accomplie, il fautque sa ralisation ait t empche par le contractant oblig sous cette condition . La Cour de cassation en a dduit, dansune affaire o deux poux avaient acquis une proprit rurale sous la condition suspensive de l'obtention de prts, et o lerefus du pre de l'pouse de se porter caution solidaire des intresss avait empch l'obtention de ces prts, quel'article 1178 n'tait pas applicable (Cass. 1re civ. 23 nov. 1983, Bull. civ. I, no 279).

    101 . Une fois l'accomplissement de la condition constat, il convient, ensuite, d'en mesurer l'effet. Abstraction faite desdifficults ventuellement suscites par son opposabilit aux tiers (V. infra, no 175), la condition a, en principe, un effetrtroactif. L'article 1179 du code civil dispose en ce sens : La condition accomplie a un effet rtroactif au jour auquell'engagement a t contract . Il en dcoule que, lorsque la condition suspensive est ralise, elle rtroagit la date ducontrat.

    102. Appliqu la vente, le principe de rtroactivit de la condition signifie que l'acqureur est rput propritaire depuis lejour o le contrat a t conclu, et non la date de ralisation de la condition. Ainsi s'explique notamment que, pour savoir s'ily a eu ou non lsion, il faille se placer au moment de la conclusion de la vente et non au jour de l'accomplissement de lacondition (V. Vente [2o formation]). Surtout, le jeu de la rtroactivit de la condition a pour effet de valider dfinitivement lesactes accomplis par l'acqureur sur le bien pendant la priode d'incertitude. Par exemple, il a t jug que le cong dlivr au

  • actes accomplis par l'acqureur sur le bien pendant la priode d'incertitude. Par exemple, il a t jug que le cong dlivr aupreneur par l'acqureur d'un domaine rural durant la priode o la condition de non-exercice du droit de premption taitpendante, devait tre regard comme valable ds lors que la condition s'tait accomplie (Cass. 3e civ. 3 fvr. 1982, Bull.civ. III, no 35).

    103. Le principe de la rtroactivit attache l'accomplissement de la condition n'a pas, toutefois, une porte absolue. Enpremier lieu, les parties sont libres de l'carter, puisque l'article 1179 du code civil n'est pas un texte d'ordre public. Par l'effetd'une telle renonciation la rtroactivit, la vente ne produira ses pleins effets qu' partir du jour de la ralisation de lacondition. Par exemple, les contractants sont en droit d'inclure, dans une promesse synallagmatique de vente immobilireconclue sous la condition suspensive de la ritration du compromis en la forme d'un acte authentique, une clause stipulantque le transfert de la proprit aura lieu, si la condition se ralise, non au jour de la promesse, mais la date de la rdactiondudit acte authentique (Cass. 1re civ. 30 avr. 1970, JCP 1971. II. 16674, note L. Mourgeon). De mme, l'acte de vente peutstipuler que l'acqureur n'aura la jouissance de l'immeuble (en l'occurrence, le droit de percevoir les loyers) qu' compter de laralisation de la condition ; en ce cas, le mme acqureur ne saurait invoquer le caractre rtroactif du transfert de proprit,li la survenance de la condition, pour prtendre la perception des loyers ds la conclusion de l'acte de vente (Cass. 3e civ.19 juill. 1995, Defrnois 1996. 346, obs. P. Delebecque).

    104. En second lieu, le jeu de la rtroactivit de la condition est contrari par deux tempraments importants. L'un, qui est desource lgale, a trait la question des risques de la chose. L'article 1182 du code civil dispose cet gard : Lorsquel'obligation a t contracte sous une condition suspensive, la chose qui fait la matire de la convention demeure aux risquesdu dbiteur qui ne s'est oblig de la livrer que dans le cas de l'vnement de la condition . Il ressort de ce texte que, durantla priode o la condition suspensive est pendante, le vendeur conserve la charge des risques, et que cette solution estmaintenue mme aprs que la condition se soit ralise. Par l, la loi opre une dissociation entre le transfert de la proprit,qui rtroagit la date de la conclusion du contrat, et le transfert des risques qui, quant lui, n'intervient qu' compter de laralisation de la condition. Il s'ensuit, spcialement, qu'au cas de perte partielle de l'immeuble vendu, conscutive unincendie survenu avant l'accomplissement de la condition, c'est le vendeur qui conserve le bnfice de l'indemnit d'assurance(Cass. 1re civ. 20 nov. 1990, JCP 1992. II. 21841, note M. Dagot).

    105. L'autre temprament apport au jeu de la rtroactivit de la condition est de source prtorienne : la lecture dedcisions anciennes, il semble que la restitution des fruits perus par le vendeur pendant la priode d'incertitude soit carte,alors que la rtroactivit devrait logiquement permettre l'acqureur de prtendre aux fruits ds le jour du contrat (CA Paris,28 oct. 1893, DP 1894. 2. 104).

    c. - Condition dfaillie

    106. La constatation de la dfaillance de la condition peut susciter des difficults. Selon l'article 1176 du code civil : Lorsqu'uneobligation est contracte sous la condition qu'un vnement arrivera dans un temps fixe, cette condition est cense dfaillielorsque le temps est expir sans que l'vnement soit arriv . Ainsi, la seule survenance du terme du dlai prvu par lecontrat pour la ralisation de la condition emporte la dfaillance de celle-ci (pour un cas o la ralisation d'un acte sous seingpriv en la forme authentique, laquelle taient suspendus les effets de la vente, n'tait pas intervenue dans le dlaiconvenu, V. Cass. 3e civ. 11 oct. 1978, D. 1979, IR 60).

    107. Si les parties n'ont soumis l'accomplissement de la condition aucun dlai, le mme texte nonce : la condition peuttoujours tre accomplie ; et elle n'est cense dfaillie que lorsqu'il est devenu certain que l'vnement n'arrivera pas . Lajurisprudence veille, de faon gnrale, l'application scrupuleuse de ce texte. Ainsi, par exemple, elle a censur, pourviolation de l'article 1176 du code civil, une cour d'appel qui avait dclar caduque la promesse synallagmatique de vente d'unlocal commercial conclue en dcembre 1967 sous la condition suspensive que l'acqureur obtiendrait la licence d'exploitationd'une pharmacie, au seul motif que cette licence avait t obtenue seulement en janvier 1973 (Cass. 3e civ. 4 mars 1975, JCP1976. II. 18510, note M.-F. Nicolas). Plus rcemment, et toujours propos d'une vente immobilire, la mme juridiction arappel que la stipulation d'une condition suspensive sans terme ne confre pas l'obligation un caractre perptuel , etdonc que le contrat subsiste aussi longtemps que la condition n'est pas dfaillie (Cass. 1re civ. 4 juin 1991, D. 1992. 170, noteM.-O. Gain , RTD civ. 1991. 737, obs. J. Mestre , Defrnois 1992. 322, obs. J.-L. Aubert ; adde : Cass. 3e civ. 24 juin 1998,Bull. civ. III, no 139, D. 1999. 403, note H. Kenfack , Defrnois 1998. 1411, obs. D. Mazeaud ; 4 mai 2000, Bull. civ. III, no 99,RD imm. 2000. 585, obs. J.-C. Groslire ; 19 dc. 2001, Bull. civ. III, no 158, D. 2002. 1586, note H. Kenfack , Contrats,conc., consom. 2002, comm. 57, obs. L. Leveneur).

    108. La solution est rigoureuse pour le vendeur dont le bien risque, de la sorte, d'tre immobilis durant un temps trs long.Aussi, un arrt de la Cour de cassation parat de nature la temprer par le recours, semble-t-il, la notion de dlaitacitement convenu. Il approuve une cour d'appel d'avoir jug caduque une vente immobilire conclue sous la conditionsuspensive de l'obtention d'un permis de construire, bien que la condition, qui n'tait enferme dans aucun dlai, se soitralise, ds lors que ladite cour d'appel a, par une recherche de la commune intention des parties, retenu souverainementque celles-ci n'avaient pu envisager que les conditions suspensives prvues puissent s'accomplir plus de six ans aprs laconvention, alors qu'il n'avait t stipul aucune indexation du prix de vente ni aucun coefficient de revalorisation (Cass. 3eciv. 3 fvr. 1982, Bull. civ. III, n o 37). la lecture de cet arrt, il apparat qu'en se fondant sur la commune intention desparties, le juge peut dcider qu'une condition non accomplie est cense dfaillie , bien que le contrat n'ait enferm dansaucun dlai la ralisation de cette condition.

    109. La consquence de la dfaillance de la condition est, en principe, la caducit de la vente. Cela signifie que, si la condition nese ralise pas, la vente est de plein droit anantie. Ainsi, par exemple, il a t jug que, dans le cas d'une vente immobilireconclue sous la condition suspensive de non-exercice par le preneur de son droit de prfrence, la volont manifesteexpressment par le mme preneur, dans le dlai fix, de prempter rend la vente au tiers caduque par dfaillance de la

  • condition et, en l'espce, parfaite entre le vendeur et le preneur (Cass. 3e civ. 16 juin 1999, Bull. civ. III, n o 142). La caducitpeut tre invoque aussi bien par le vendeur que par l'acqureur, ds lors que la condition n'a pas t stipule dans l'intrtexclusif d'une partie (Cass. 3e civ. 13 juill. 1999, Bull. civ. III, n o 179, Dalloz Affaires 1999. 1461, obs. J. F., RD imm. 1999. 666,obs. J.-C. Groslire ).

    110. Du fait de l'anantissement de la vente conditionnelle, les choses sont remises dans l'tat antrieur. Le vendeur n'estdonc pas tenu de livrer le bien ; et il doit restituer les arrhes et acompte que l'acqureur lui a ventuellement verss (Cass. 3eciv. 6 mars 1973, Bull. civ. III, n o 176). La loi fait application expresse de ce principe dans le cadre de la rglementation de lavente immobilire crdit au consommateur : l'article L. 312-16, alina 2, du code de la consommation nonce que, lorsque lacondition d'obtention du prt n'est pas ralise, toute somme verse d'avance par l'acqureur l'autre partie ou pour lecompte de cette dernire est immdiatement et intgralement remboursable sans retenue ni indemnit quelque titre que cesoit . Par sa gnralit, le texte intresse l'ensemble des sommes ventuellement verses d'avance par le bnficiaire, quece soit titre d'arrhes ou de ddit, de clause pnale ou d'indemnit d'immobilisation. Il en ressort expressment que le droit restitution nat, au profit de l'acqureur-emprunteur, ds l'instant o la condition d'obtention du prt est dfaillie, c'est--direlorsque le prt est refus ou l'expiration du dlai dans lequel le prt devait tre accord, si, ce moment, l'acqureur n'apas reu une offre rgulire et conforme aux stipulations du contrat de vente (ou de promesse de vente). Le remboursementdoit donc tre immdiat.

    111. Afin d'inciter le vendeur (ou le promettant) faire diligence, l'article L. 312-16, alina 2, prcise que : compter duquinzime jour suivant la demande de remboursement, [la crance de restitution] est productive d'intrts au taux lgalmajor de moiti . Au surplus, le dfaut de remboursement des sommes dues l'acqureur-emprunteur expose lecontrevenant une peine d'amende de 30 000 (C. consom., art. L. 312-35).

    112. Le principe de caducit de la vente, au cas de dfaillance de la condition suspensive dont le contrat tait assorti, souffredeux exceptions. La premire concerne le cas, dj rencontr, o cette dfaillance est due la faute de la partie quis'oblige ; la condition est alors rpute accomplie (C. civ., art. 1178 ; V. supra, no 98).

    113. La seconde exception rside dans la renonciation la condition. Lorsque la condition a t stipule au profit d'une seulepartie, celle-ci est en droit d'y renoncer unilatralement, et, du mme coup, de contraindre l'autre partie raliser la ventemalgr la dfaillance de la condition (Cass. 3e civ. 5 fvr. 1971, D. 1971. 281 ; adde : Cass. 3e civ. 26 juin 1996, Bull. civ. III,no 163, Defrnois 1996. 1359, obs. P. Delebecque). Au cas o la condition rpond l' intrt des deux contractants, ceux-cipeuvent convenir de renoncer se prvaloir des consquences juridiques de sa dfaillance (Cass. 1re civ. 24 oct. 1978, Bull.civ. I, no 321, Defrnois 1979. 870, obs. J.-L. Aubert). La renonciation n'est soumise aucune formalit particulire ; elle peutrsulter de l'excution du contrat malgr la dfaillance de la condition (mme arrt).

    3 - Condition rsolutoire

    114 . Aux termes de l'article 1183 du code civil : La condition rsolutoire est celle qui, lorsqu'elle s'accomplit, opre larvocation de l'obligation, et qui remet les choses au mme tat que si l'obligation n'avait pas exist . Il ressort de cettedfinition que, lorsqu'une vente est assortie d'une telle condition, si celle-ci survient, la vente est rsolue, c'est--dirertroactivement anantie.

    115. la diffrence de la condition suspensive, la condition rsolutoire est rarement stipule dans la vente immobilire,qu'elle a pour effet de soumettre un rgime fiscal trs dsavantageux (V. infra, no 122). Elle se rencontre cependant mmeen cette matire, ainsi que l'attestent diverses illustrations jurisprudentielles : il t jug, par exemple, qu'est contracte souscondition rsolutoire la vente qui prvoit qu'en cas de non-paiement du prix l'poque convenue, le vendeur se rserve lafacult de faire prononcer la rsolution du contrat (Cass. req. 7 avr. 1874, DP 1874. 1. 289) ; de mme, l'adjudicataire d'unimmeuble saisi est considr comme propritaire sous condition rsolutoire d'une dclaration de surenchre (Cass. civ.18 nov. 1924, DP 1925. 1. 25, note P. Matter) ; de mme encore, la stipulation, enferme dans un acte sous seing priv, etsuivant laquelle la ritration en la forme authentique devra intervenir avant une date limite, a t interprte commenonant une condition rsolutoire (Cass. 3e civ. 31 janv. 1978, D. 1978. 348).

    116 . La loi organise, d'ailleurs, avec la vente rmr, une vente sous condition rsolutoire qui n'est pas totalementdlaisse par la pratique dans le domaine immobilier (V. infra, no 143). Mais, pour la raison fiscale prcdemment voque,les ventes qui sont assorties d'une condition rsolutoire sont surtout des ventes mobilires : la vente rmr estfrquemment utilise dans le cadre des cessions de valeurs mobilires (V. infra, no 143) ; et la vente de marchandises avecfacult de restitution, lorsqu'elle a la nature d'un contrat estimatoire, est, en principe, une vente sous condition rsolutoire(V. Vente [2o formation]).

    117 . L'tude de l'incidence de la condition rsolutoire sur la vente commande de distinguer selon que la condition estpendante, dfaillie ou accomplie. Tant que la condition est pendante, il ressort de l'article 1183 du code civil que la venteproduit tous ses effets, et ce, ds sa conclusion. Spcialement, elle emporte, au jour de l'accord des volonts, le transfertimmdiat de la proprit et des risques, du vendeur vers l'acheteur, sauf stipulation contraire des parties. Conformment ceprincipe, au cas de vente de marchandises avec facult de restitution, puisque les risques de la chose sont la charge del'acheteur ds la conclusion du contrat, celui-ci doit payer le prix desdites marchandises si elles prissent par cas fortuit ou sielles lui ont t voles (CA Chambry, 8 juin 1897, DP 1898. 2. 246) ; de mme, dans l'ventualit o la marchandise a tdtriore, le vendeur a le droit de la refuser lors de la restitution.

    118. La constatation de la dfaillance de la condition rsolutoire peut susciter les mmes difficults que celle de la conditionsuspensive (V. supra, nos 106 et s. ; V. aussi Condition). Dans une vente assortie d'une facult de restitution, on considreque la condition est dfaillie lorsque, l'intrieur du dlai dtermin par le contrat ou par les usages, l'acqureur a revendu la

  • que la condition est dfaillie lorsque, l'intrieur du dlai dtermin par le contrat ou par les usages, l'acqureur a revendu lamarchandise, ou lorsqu'il a manifest son intention de conserver celle-ci. La vente est alors consolide ; et l'acqureur doitpayer le prix desdites marchandises (CA Paris, 12 dc. 1980, D. 1981, IR 447, obs. C. Larroumet).

    119. Si l'vnement incertain qui constitue la condition vient s'accomplir, le contrat est, en vertu de l'article 1183 du codecivil, rsolu, autrement dit rtroactivement ananti. Le vendeur recouvre la proprit de son bien comme si la vente n'avait paseu lieu ; et l'acqureur est cens n'avoir jamais t propritaire. Cela signifie, par exemple, que, toujours dans le cas d'unevente de marchandise avec facult de restitution, si, au terme du dlai convenu ou prvu par les usages, l'acqureur n'a pasrevendu la marchandise et n'a pas manifest son intention de la conserver, la vente devient caduque ; l'acqureur peut doncrestituer la chose.

    120. Pour mesurer la vritable porte de l'anantissement rtroactif de la vente, conscutif la ralisation de la condition, ilimporte d'examiner successivement le sort rserv aux actes accomplis sur le bien durant la priode o la condition taitpendante, et les consquences attaches la rtrocession de celui-ci. Quant aux actes accomplis sur le bien, la jurisprudencetablit une distinction entre, d'une part, les actes constitutifs de droits rels, et, d'autre part, les actes conservatoires, lesactes d'administration et de jouissance : les premiers sont anantis ; par consquent, les droits rels constitus sur le bienpendente conditione par l'acqureur disparaissent, sous rserve que la condition rsolutoire ait t opposable leurs titulairesau moment o ces droits leur ont t consentis (V. infra, nos 168 et s.). Les seconds, spcialement les actes d'administrationet de jouissance, ne sont pas affects par la rtroactivit ds lors qu'ils ont t accomplis sans fraude (Cass. civ. 18 nov.1924, DP 1925. 1. 25, note P. Matter) ; de mme, l'acqureur conserve les fruits (mme arrt ; adde : Cass. req. 26 fvr. 1908,S. 1909. 1. 461 ; Cass. 1re civ. 18 fvr. 1975, Bull. civ. I, no 67, D. 1975, somm. 71).

    121. Quant aux consquences attaches la rtrocession, le jeu de la condition rsolutoire conduit, comme celui de la conditionsuspensive, dissocier la question des risques et celle de la proprit. Les risques de la chose, survenus pendente conditione,devraient a priori, sauf stipulation contraire, demeurer la charge de l'acqureur, la rtroactivit de la condition rsolutoiresouffrant, cet gard et par analogie, le mme temprament que la rtroactivit attache la condition suspensive (V. supra,no 104). Pourtant, propos d'une vente de marchandises assortie d'une facult de restitution, il a t jug que, parce qu'ilest tenu d'une obligation qui s'apparente celle d'un dpositaire, le dtaillant qui doit garder et restituer son fournisseurles marchandises invendues peut, en cas de perte de celles-ci, s'exonrer de toute responsabilit en dmontrant que cedommage n'tait pas imputable sa faute (Cass. 1re civ. 22 janv. 1991, Bull. civ. I, no 28).

    122. S'agissant de la proprit, la rtroactivit de la condition rsolutoire est assortie d'une limite importante, dans la mesureo, en matire de vente immobilire, l'administration fiscale refuse d'en tenir compte ; cette administration considre qu'enralit, le jeu de la condition rsolutoire entrane un second transfert de la proprit : aprs celui opr du vendeur versl'acheteur lors de la conclusion de la vente, s'opre un nouveau transfert de la proprit, de l'acheteur vers le vendeur cettefois. En raison de ce double transfert, l'impt de mutation est d deux fois : d'une part, lors de la conclusion de la vente ;d'autre part, lors de la ralisation de la condition, tant observ que l'article 1961 du code gnral des impts interdit alors derestituer l'acqureur l'impt vers une premire fois. Ces considrations d'ordre fiscal expliquent que la condition rsolutoirene soit gure stipule dans la vente immobilire.

    C. - Dissociation du transfert de la proprit et des risques

    123. La rgle de l'article 1138, alina 2, du code civil, qui lie les risques la proprit est, comme celle du transfert immdiatde la proprit, une rgle suppltive de volont ; les parties sont donc libres d'y droger. cet gard, il y a lieu de rappeler,tout d'abord, que la dissociation du transfert de la proprit et du transfert des risques dcoule normalement, mme si ellen'a pas t recherche, de la stipulation, dans le contrat de vente, d'une condition suspensive ou rsolutoire. En effet,l'accomplissement de la condition suspensive, s'il investit rtroactivement l'acqureur de la proprit du bien durant la priodeo la condition tait pendante, n'en laisse pas moins les