· Web viewAh, Ah ! Y a mon pote Francis qui me prête son petit appartement de week-end...

3
Une journée particulière J’habite dans le ch’Nord, près du terril… c’est bien, on peut s’amuser à grimper, puis à se laisser tomber dans des culbutes toujours renouvelées, on a que ça à faire, de toute façon. Un jour, mon père, nous a dit : - On va partir en week-end !… On s’est regardé, on n’avait jamais entendu ce mot-là… - Qu’est-ce que c’est « Vouiquende » ? - Ben ! on va partir de la maison samedi matin, pour revenir le dimanche… - ah bon ! mais comment on va dormir ? - Ah, Ah ! Y a mon pote Francis qui me prête son petit appartement de week-end ! On devra se serrer un peu, mais pour une nuit on peut quand même faire ça, non ! - Dis papa, qu’est-ce qu’on fait en Vouiquende ? - Ben , on se promène ; on voit des choses différentes ; ça vous changera de ce patelin et de toute cette boue ; vous êtes contents ? - Euh, oui ! mais c’est où l’appartement ? - A Berck ! - Quoi ? Berk ! berk, berk, berk !… On se marrait vraiment comme des tarés… - Mais vous êtes cons, ou quoi ? C’est Berck-Plage, on pourra jouer dans le sable, respirer à pleins poumons. - …. Ah ! y a du sable ? comme dans le square de la résidence Waldeck-Rocher, alors ? - … si tu veux .. Et on est parti dans la camionnette, il avait dit que ça mettrait 2 ou 3 heures… A un moment, la route allait faire un virage, en haut d’une côte, et il a dit : - Attention ! vous allez voir … !

Transcript of · Web viewAh, Ah ! Y a mon pote Francis qui me prête son petit appartement de week-end...

Page 1: · Web viewAh, Ah ! Y a mon pote Francis qui me prête son petit appartement de week-end ! On devra se serrer un peu, mais pour une nuit on peut quand même faire ça, non ! Dis papa,

Une journée particulière

J’habite dans le ch’Nord, près du terril… c’est bien, on peut s’amuser à grimper, puis à se laisser tomber dans des culbutes toujours renouvelées, on a que ça à faire, de toute façon.

Un jour, mon père, nous a dit :

- On va partir en week-end ! …

On s’est regardé, on n’avait jamais entendu ce mot-là…

- Qu’est-ce que c’est « Vouiquende » ?- Ben ! on va partir de la maison samedi matin, pour revenir le dimanche…

- ah bon ! mais comment on va dormir ?- Ah, Ah ! Y a mon pote Francis qui me prête son petit appartement de week-end ! On devra se

serrer un peu, mais pour une nuit on peut quand même faire ça, non ! - Dis papa, qu’est-ce qu’on fait en Vouiquende ? - Ben , on se promène ; on voit des choses différentes ; ça vous changera de ce patelin et de

toute cette boue ; vous êtes contents ? - Euh, oui ! mais c’est où l’appartement ? - A Berck !- Quoi ? Berk ! berk, berk, berk !…

On se marrait vraiment comme des tarés…

- Mais vous êtes cons, ou quoi ? C’est Berck-Plage, on pourra jouer dans le sable, respirer à pleins poumons.

- …. Ah ! y a du sable ? comme dans le square de la résidence Waldeck-Rocher, alors ? - … si tu veux ..

Et on est parti dans la camionnette, il avait dit que ça mettrait 2 ou 3 heures… A un moment, la route allait faire un virage, en haut d’une côte, et il a dit :

- Attention ! vous allez voir … !

Alors, on s’est collé à la vitre, et là, …. Tout d’un coup, j’ai eu le souffle coupé ! je ne comprenais plus rien ….

- La mer … la Mer !

Je n’ai plus dit un mot… j’étais paralysé, intimidé … si grand, si plat, si attirant !

On est allé jusqu’à la plage, j’ai vu ce sable… rien à voir avec le bac à sable ! et toute cette eau, qui finalement, quand on s’en approche, s’agite, fait du bruit. Avec mes frères et papa, on a marché longtemps, on a enlevé nos chaussures pour aller la toucher. Je n’en croyais pas mes yeux : des enfants, pas plus grands que moi, couraient dans l’eau, s’éloignaient, nageaient. J’en ai même vus qui

Page 2: · Web viewAh, Ah ! Y a mon pote Francis qui me prête son petit appartement de week-end ! On devra se serrer un peu, mais pour une nuit on peut quand même faire ça, non ! Dis papa,

montaient dans des petits bateaux à voile, ils se débrouillaient pour s’orienter tous seuls… plus loin d’autres bateaux, plus gros, qui passaient … et j’ai compris tout d’un coup que c’était des gens qui les dirigeaient, ils naviguaient …

Tout était en ébullition dans ma tête… Y a des gens qui ne voient toute la journée que de l’eau, des vagues, pas une voiture, pas une maison, et plus cette montagne grise…Pas un bruit de mobylette, ni la télé ou les engueulades des voisins…

Alors, j’ai dit :

- Papa, c’est là-bas que je veux aller, en pointant l’horizon du doigt

Il a souri, puis il m’a regardé avec beaucoup d’attention. Jamais il n’avait fait autant attention à moi, et il m’a bizarrement répondu :

- Tu as de la chance, mon petit ! vas-y, allez, vas-y !

Je n’ai pas immédiatement compris ce qu’il me disait, mais depuis ce jour-là, tout est mieux pour moi : le soir, je lis, je regarde des films, je cherche tout ce qui parle de la mer, et je ne suis jamais déçu. Mais pourquoi ils ne m’avaient pas expliqué tout ça, avant ? Je fais des projets de week-end et de vacances avec mon père : c’est difficile à réaliser, mais il m’écoute toujours sérieusement et on aime bien ça tous les deux. Je joue moins avec mes frères, ils se moquent un peu de moi, mais quand même ils sont intéressés par ma nouvelle passion.

Et puis tout parait léger, je supporte beaucoup mieux le quartier, les voisins, l’école et le mauvais temps, parce que maintenant, je sais ce que je vais devenir.