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DéjàparusdanslasérieMarkedMen:RULEJET

ROME

Titredel’éditionoriginale:Nash©2014,JenniferM.Voorhees

Laprésenteéditionaétépubliéeenaccordavecl’éditeuraméricain:©2014,HarpersCollinsPublishers,NewYork

Couverture:©AndreaCappelli/GettyImages©Fotoliapourletataouage

CollectiondirigéeparHuguesdeSaintVincentOuvragedirigéparAudreyMessiaen

©HugoRomanDépartementdeHugoPublishing

34/36,rueLaPérouse75116Paris

www.hugoetcie.fr

Dépôtlégal:février2017

ISBN:9782755630046

CedocumentnumériqueaétéréaliséparNordCompo.

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Dédiéàtousceuxd’entrevousquiavezbesoinqu’onvousrappelle

quevousêtesgéniaux,exactementcommevousêtes!

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SOMMAIRE

Titre

Copyright

Dédicace

INTRODUCTION

SAINT

Chapitre1-NASH

Chapitre2-SAINT

Chapitre3-NASH

Chapitre4-SAINT

Chapitre5-NASH

Chapitre6-SAINT

Chapitre7-NASH

Chapitre8-SAINT

Chapitre9-NASH

Chapitre10-SAINT

Chapitre11-NASH

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Chapitre12-SAINT

Chapitre13-NASH

Chapitre14-SAINT

Chapitre15-NASH

Chapitre16-SAINT

Chapitre17-NASH

Chapitre18-SAINT

Épilogue-NASH

REMERCIEMENTS

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INTRODUCTION

J’aigrandidansuneassezpetiteville,ici,danslesmontagnesduColorado.C’étaitunbel

endroit,maisjefaisaistache,cequin’apastoujoursétéfacileàgérer.J’aitoujourseumonstyle àmoi, je n’en ai toujours fait qu’àma tête, écritmes propres règles, et globalementtracémapropreroute.J’aidurcimacarapaceetaieutrèsviteconsciencedequij’étaisetdumondequim’allait. J’yétaisobligée, sinon j’aurais finiparcroirequ’il yavaituneoncedevéritédanscequelesautresdisaientoupensaientdemoi.Celafaitdesannéesetpourtant,cettepériode,cessentiments,mesontrestés.

Jesaisquecen’estpas lecaspour tout lemonde,quecertainsn’ont jamaisété jugésinjustement.Maisbeaucoupd’entrenousl’ontétéetilssaventquelesmotsméchantsetlesacteshaineuxvonttellementplusloinmaintenantquelemondeentierestconnectépardesclaviersetdesécrans.Ilestdeplusenplusdurd’ignorerlanégativitéetlepessimisme.

Essayerdes’aimersoi-même,dereconnaîtresaproprevaleur,cesontdeschosesaveclesquelles beaucoup de jeunes filles se débattent, et cela peut évidemment durer jusqu’àl’âgeadulte.Chacundenousadeschosesquinousfontsortirdulot,nousrendentspécial,font de nous qui nous sommes, et j’adorerais que l’on célèbre ces choses et qu’on lesapprécie pleinement. Portez fièrement vos drapeaux d’anormaux ! (Ou votre équivalentpersonnel.)

Je pense qu’au cours du voyage pour trouver l’amour dont on a besoin, l’amour quel’onméritevraiment,lapremièreétapedoitêtrel’amourquel’onapoursoi.C’estunamourquinepeut jamais êtreperdu et nepeut quegrandir et se renforcer, plus il est nourri etdéveloppé. Soyez heureux de qui vous êtes. Aimez ce qui vous rend différent. Racontezvotrehistoirecommevouslevoulez.Appréciezleschosesquivousrendentbeauendehorsetendedans,etsachezqu’unefoisquec’estfait,pluspersonnenepeutignorercesqualités.Réjouissez-vousdesbizarreriesquivousrendentvous,etsoyez-enfiers.

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Vouspouvezchercherdanstoutl’universquelqu’unquimériteplusvotreamouretvotreaffectionquevous-même,etvousnetrouverezpascettepersonne.

Vous-même,autantquen’importequidanstoutl’univers,méritezvotreamouretvotreaffection.

BOUDDHA

Personnenepeutvousfairevoussentirinférieursansvotreconsentement.

ELEANORROOSEVELT

L’hommedevientsouventcequ’ilcroitêtre.

Sijemerépètequejenepeuxpasfaireunechose,ilestpossiblequejedevienneréellementincapabledelefaire.

Àl’inverse,sij’ailaconvictionquejepeuxlefaire,j’acquerraisûrementlacapacitédelefaire,mêmesijenel’aipeut-êtrepasaudépart.

MAHATMAGANDHI

Lesyeuxdesautresnosprisons;leurspenséesnoscages.

VIRGINIAWOOLF

S’aimerestledébutd’uneromancepourlavie.

OSCARWILDE

Jemefête,etjemechante.

WALTWHITMAN

Aime-toid’abordettoutlerestesuit.

Ilfauts’aimervraimentpouraccomplirquoiquecesoitdanscemonde.LUCILEBALL

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PrologueSAINT

Lelycée…Paslesmeilleuresannéesdemavie

Ilyaunmomentdanslaviedechaquepersonne,uninstantprécisquimodifiesaroute,lecheminqu’ellesuit,etcepourtoujours.Lesoirde la fêted’anniversaired’AshleyMaxwell,pendantmadernièreannéedelycée,aétélemien.

Jen’étaispaslegenred’adoquiallaitauxfêtesdefolie.Jenebuvaispasetnefaisaispasdebêtisesavecladroguenilesgarçons,doncenréalité,iln’yavaitaucunintérêtàceque j’yaille. J’étaisaussidouloureusement timide,en surpoids,etmaldansmapeau,unepeauquiavaitdestendancesboutonneusesetviraitaurougevifdèsquequiconqueessayaitd’engagerlaconversationavecmoi.Lescouloirsdulycéeétaientunetorturepourunefillecommemoi,maisj’aitenulecoupsanstropdedégâtscarjesavaisquandresterdansmoncoinetnepasm’intéresseràdespersonnesquin’étaientpasdansmacatégorie.Entoutcas,c’estceque j’ai fait jusqu’àmadernièreannée, j’aihéritéducasier justeàcôtédeceluideNashDonovan.

Lespremièressemainesaprèslarentrée,j’étaisdiscrèteetl’ignorais,commejelefaisaisavec tous les gamins populaires et beaux. Si je ne me faisais pas remarquer, alors il nepouvaitpassemoquerdemoiou,encorepire,meregarderavecde lapitiédanssesyeuxvioletsspectaculairesquibrillaientsursonbeauvisage.Celaamarchéjusqu’aujouroùj’aifait tomber mon livre de maths sur son pied, et qu’il l’a ramassé pour me le rendre. Jen’oublierai jamais ce que j’ai ressenti lorsque mon cœur s’est arrêté, puis a commencé às’affoler à la secondeoù ces yeux spectaculairesont scintillédansmadirection. Jen’avaisjamaisrienvécudesemblable.

Nashm’a souri, a lancéune remarque sarcastique etdésinvolte, faisant chavirermonpauvre cœur solitaire. Il est parti en me faisant un clin d’œil… Et j’avais le béguin. Unbéguinquimeconsumait,m’enveloppaitetgrandissaitdejourenjourcaraprèscetincidentridicule,Nashafaitl’effortdemedirebonjourquandnousétionsànoscasiers,etilpartait

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toujoursenmefaisantunsourireouunsignedetête.Chaquejour, j’étaisplusobsédée, jem’enfonçaisunpeuplus,etjemeconstruisaisunfantasmeselonlequelnousétionsdestinésàêtrenonpasdevaguesconnaissances,maisquelquechosedegrandioseetromantique.

J’étaisunefilleintelligente,etjesavaisquemonaffectionn’étaitpasréciproque,maisilavaitl’airgentil,charmant,etcelameréchauffaitdel’intérieurqu’ilnem’embêtejamais,nesemoquepasdemonpoidsoudemonapparence, comme le faisaient régulièrement tantd’autres.Nosinteractionstoutessimplesfaisaientdubienàmonamour-propre,medonnaitl’impression d’être plus proche du reste des adolescentes qui rôdaient dans les couloirs ettombaient en pâmoison devant lui et sa bande d’amis perturbateurs. J’avais mêmerassembléassezdecourage,aprèsenvironunmois,pour lui rendresesbonjours sansquemapeaupâle ne s’enflamme. J’arrivais à lui répondre et je ne bégayais plus quand ilmeparlait, etde tempsàautre, j’arrivaismêmeàm’arracherun sourire. J’étaisassez fièredemoi, alorsquandunvendredi, ilm’avaitdemandé si je comptais aller à la soiréed’AshleyMaxwell, j’avais été aussi pétrifiée qu’excitée. Un frisson d’appréhension m’avait secouéetouteentièreetjen’aipaspum’empêcherdetomberlatêtelapremièredansunerêverieoùceci était ledébutdequelque chosedeplusqu’unéchangedepolitessesdansun couloir.J’ai dû me retenir de virevolter de ravissement en tapant dans mes mains comme unefanatiquedéchaînée.

C’était plus que cequ’ilmedisait habituellement, et il était tellement sympathique etadorable que j’ai répondu que j’essaierais de venir. Je ne voulais pas avoir l’air tropintéressée.Lorsqu’ilm’asourietm’aditquec’étaitsuperetquel’onpourraitsevoir,jen’aipaspu ignorer le sentimentqu’unesoirée lycéennebordéliqueet sauvageétait lachose laplusimportantequej’aiejamaisfaitedemacourtevie.

Ma grande sœur, Faith, jolie et populaire, s’intégrait naturellement dans les eauxinfestées de requins que sont les groupes d’adolescents. Ellem’a posémille questions surmonenviesoudainedefréquenterdesgensdemonâge,m’aprévenuequelesgaminsfroidsetméchantsentempsnormalpouvaientdevenircruelsethargneuxavecde l’alcool ;maisj’ai décidé de ne pas l’écouter. Jeme suis dit que la pire chose qui puisse se passer étaitqu’en arrivant, je ne voie pas Nash, ou qu’il ne me voie pas, et dans ce cas je pourraissimplement faire demi-tour, rentrer chezmoi etme pelotonner avec un livre comme je lefaisaispresquetous lesweek-ends.J’ignoraisvolontairementceque jesavaisêtre lavérité,maismondésirquecegarçonenparticuliermevoiedifféremmentétaitplusfortquetout.Ilmefaisaitperdretoutbonsensetmonpropreinstinctdeprotection,pourtantaiguisé.

J’ai laissé Faith me chouchouter pendant des heures. Elle a joué avec mes cheveuxroux, aussi voyants qu’un camion de pompiers, jusqu’à ce qu’ils soient tous bouclés, biencoiffésetféminins.Jel’ailaisséemechoisirunetenue,quinemeferaitjamaisressembleràune pom-pom girl qui rentre dans du trente-six, mais était tendance et sympa, et je l’aimêmeautoriséeàpasseruntasdeproduitssurmonvisagemêmesijesavaisquecelaallait

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encore empirer l’état demapeau. Le résultat était plutôt pasmal, en réalité. J’avais l’airplussoignéequed’habitude.Jemesuisditquej’allaispouvoirmefondredanslamasse,etcelam’allait trèsbien, tantquecesyeuxviolets saisissantsmeremarquaient. Jenem’étaisjamaissentieaussiconfianteetsûredemoi,aussiloinqueremontentmessouvenirs.

Faith m’a dit de ne pas arriver à la soirée avant 23 heures, alors j’ai attendunerveusement, jouant avec mes cheveux, et me repassant tous les scénarios que monimaginationdébordantepouvaitconcevoir.Peut-êtrequ’ilmeproposeraitdedanser.Peut-être qu’il m’emmènerait dehors et me donnerait mon premier baiser. Peut-être qu’il mediraitqu’ilvoyaittoutesleschosesmerveilleusestapiessouslasurfaceetqu’ilvoulaitquejesois sa copine. Rétrospectivement, bien sûr, je savais bien que rien de tout cela n’allaitarriver et que je n’avais aucune idée du mec qu’était Nash, mais quand on craque, oncraqueetlebonsenspeuts’enfuirtrèsvite.

J’ai donc débarqué à la grosse soirée d’Ashley Maxwell en retard, comme il se doit,arméedupetitrelookingdeFaithetd’uncœurrempliexcitationquibattaitlachamade.

En entrant dans la maison, j’ai été frappée par une explosion de musique, etl’optimismequim’avait envahiea commencéà faiblir.Ungroupede troisgarsquiavaientcoursde chimieavecmoim’adépassépour rejoindre ledésordredu salon. Jene trouvaisaucunlieusûroùposermonregard;oùquejeregarde,lesgensfaisaientdeschosesquimefaisaientrougir.Jefaisaisdemonmieuxpournepasresterbouchebée,maisjesentaiscettesaletédechaleurrévélatricemontersournoisementdansmoncoutandisque jemefrayaisunchemindansunocéande corps.C’étaitperturbantet je commençaisàmedirequ’unenouvellecoiffureetuncoupdemascaranesuffiraient jamaisàm’intégrerdansunendroitcommecelui-ci.

La cuisine avait l’air un peu moins bondée, donc je me suis avancée dans cettedirection, en ouvrant l’œil pour repérer Nash. J’étais certaine que si je le trouvais, cettesoiréechangeraitdutoutautout.J’avaisdespapillonsdansleventreàl’idéedecroiserceregard incroyableà l’autreboutde lapièce. J’imaginais sesyeuxétinceleret seplisser surlescôtés,commeilslefontlorsqu’ilsourit,etjemevoyaissoudainàl’aiseàsescôtéstandisque le reste du chaos s’effaçait. Il ferait disparaître toute la gêne qui se glissait sous mapeau.

Audétourd’uncouloir,quelqu’unm’estrentrédedansetarenverséunliquiderougeetpoisseux sur tout le devant de mon haut soigneusement choisi. J’ai laissé échapper uneexclamationdesurprisemaislepetitconacontinuésoncheminsansmêmes’excuser.J’étaistoutetremblanteet, intérieurement,officiellementenpanique.C’étaitparfaitementévidentque je n’avais rien à faire là, peu importe à quel point NashDonovan étaitmignon.Mesmains se sont mises à trembler et j’ai dû garder tout mon sang-froid pour retenir meslarmes.

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En fait, la cuisine était tout aussi atroce que le reste de la fête. Même pire, carvisiblement l’alcool était rassemblé ici et le groupe dans cette pièce semblait être le plusbourrédetous.C’étaitcommemarchersurunterrainminéderemarquesméchantesetderegardsmal intentionnéspour aller jusqu’à l’évier et essayerdemenettoyer. J’ai entenduquelques ricanements, vuquelques regards flous versmoi, et celam’a suffi. J’ai décidéderincermonhautetderentrerchezmoi.Cetendroitetcesgensn’étaientpaspourmoi,etjelesavaisbien.

–Quit’ainvitée?Laquestionétaitposéesuruntontraînantetsuivied’unemainposéelourdementsur

monépaule.Lavoix–commelamain–appartenaitànulleautrequelareinedelafête,etelleétaitsaoule.Trèssaoule,etassoifféedesang.Ashleyetmoin’étionspasamies,maisellenem’avaitjamaisrienditnifaitd’ouvertementméchantmalgrétouteslesannéesquenousavionspasséesensembleàl’école…J’avaisunpeul’impressionquej’allaisvomir.

–Quoi?–Quit’ainvitée?Ilyavaitunsourireméprisantsursesjolieslèvres,etsesgrandsyeuxmarronsétaient

vitreux.–Pourquoitueslà,toi?JevoulaisdirequeNashm’avaitdemandédevenir,qu’ilm’avaitditqu’onpourraitse

voircesoir,maisjen’arrivaispasàfairesortirlesmots…carilvenaitd’arriver.Ilestentrédanslacuisine,suividesjumeauxArcheretdeJetKeller.Onnepouvaitpas

s’y tromper : ces gars-làmettaient l’ambiance partout où ils allaient. Nash avait son lookdébrailléhabituel,jeandéchiré,chaussuresdeskate,etT-shirtd’ungroupe.Ilportaitaussiunecasquettebaisséesursonfront,quineparvenaitpasàcamouflersonvisagerouginilebrouillarddans ses yeux.C’était évidentqu’il était déjà cuit, voiredéfoncé, et j’ai senti lesdébuts de la déception serrer mon cœur qui se brisait. J’ai vu son regard parcourir lacuisine,glisser surmoi, et continuer.Celam’a faitprendreune inspirationdouloureuseetj’aidûmemordrel’intérieurdelajoue,trèsfort,pournepaspleurer.

C’étaitcommes’ilnem’avaitmêmepasvue. Iln’avaitpassouri,pas faitdeclind’œil,mêmepasfaitunsignedetêteversmoi.C’étaitcommesijen’existaispas.J’étaisparalysée.J’avais l’impression quemon sang s’était glacé et que tout l’intérieur dema poitrine avaitcessé de fonctionner. J’ai serré mes poings tremblotants et ai essayé désespérément detrouveruneissuedesecoursquim’éviteraittoutehonteoupeinesupplémentaire.

Ashley, qui avait apparemment tout oublié de ma grosseur et de ma laideur quidéfiguraientsafête,s’estdirigéeverslesnouveauxarrivants.Simonpetitcœurs’étaitremplidesensationsterriblesfaceàsondésintérêtflagrant,ilaensuitequasiexploséquandNashl’asoulevéedanssesbrasetqu’ellel’aembrassépendantqu’illuipelotaitlecul.Jevoulaism’étouffer de honte en sortant de la cuisine à reculons. Je ne pensais plus à ma propre

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protection,maisseulementàm’enfuir.J’avaisunbesoin fouetdésespérédemettreautantdedistancequepossibleentremoietcettefête–maissurtoutentremoietNash.

Heureusement, mes larmes n’ont pas coulé avant que je sois en sécurité dans mavoiture.Àcemoment,affaléesurlesiègeconducteuravecdestraînéesnoiressurlevisageàcausedumascaraque j’avais laisséFaithmemettre, j’ai reconnulavérité : lesgensbeauxrestaient entre eux, peu importe ce qu’il y avait à l’intérieur. Nash était peut-être sympaquand nous n’étions que tous les deux devant nos casiers,mais dans une pièce pleine demonde, avecune jolie fille touteminceprêteà sedéshabiller, jedevenais invisible. J’avaisététellementbêtedecroirequ’ilyavaitquoiquecesoitdeplus.

Alors j’ai fait cequemon instinctmedisaitet j’ai fait ressusciter lebouclierautourdemoncœur.Àpartirdecejour,jel’aiignoréchaquefoisqu’ilessayaitdemedirebonjour.Jeregardais ailleurs quand il me souriait. J’évitais d’aller à mon casier autant que possiblequand je savais qu’il y serait, et j’essayais de me concentrer sur le fait que le lycée étaitbientôtfinietquej’allaislaisserderrièremoicettepetitevilledanslesmontagnes,ainsiquecegarçonnulquim’avaitsiprofondémentblessée.Objectivement,jesavaisqueNashn’avaitpasidéedecequejeressentais,ilnesavaitpasquej’avaiscruqu’ilétaitdifférentetunique,maiscelanecalmaitpaslabrûluredesondésintérêtetdemonhumiliation.

Danslatiédeurdecedébutdeprintemps,avecmoninscriptionàlafacenpochepourl’automneetladouleurdemonbéguincommençantenfinàguérir,jesuistombéesurNashet ses amis qui fumaient dehors après les cours… Mon cœur a fait une embardée, maisaucund’entreeuxnem’avaitvueetjemesuiscarapatée,enespérantarriveràmavoituretrès vite et avec l’intention de l’ignorer comme je le faisais depuis la fête, quand sa voixgravem’aagressélesoreilles.

–C’estunecatastrophe,cettefille.Sielleveutbaiserunjour,ilfautqu’elleseregardedanslemiroiretqu’ellefassequelquechose.

Un des autres gars a ricané en réponse à cette sale remarque et j’ai cru que j’allaism’évaporerenunnuagedefuméehorrifiée.Ilparlaitforcémentdemoietjen’arrivaisplusàbougeraprèsavoirentenducequ’ilavaitdit.

J’aientenduNashpouffertandisquej’essayaisdefilerpourqu’ilsnenousremarquentpas,moi etmes larmes. Jen’avais jamais autantpleurépourpersonne, et celam’a fait ledétesterunpeu–oubeaucoup–alorsqu’ilcontinuaitàparler.

–Franchement,jenesuispasdifficile,jelajetteraispasdemonlit.Ilfaudraitpeut-êtrequejeluimetteunsacsurlatêteavant,ouquelquechosecommeça.

Celaafaitexploserderirelerestedesmecsalorsquelesolsedérobaitsousmespiedsetqu’unsanglotmenouaitlagorge.Commentavais-jepumetromperaussilourdementsurquelqu’un ? Tout espoir, toute idée qu’il était différent, que n’importe quel beau garçonpouvait êtredifférent, s’est retrouvé annihilé à causede cesmotsdurs et pleinsdehaine.Desmotsquiontchangépourdebonlafaçondontjevoyaislesexeopposé.

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NashDonovan était une flamme chaude, belle etmauvaise, quim’a brûlée quand jem’ensuistropapprochée. Iln’étaitquelepremierarrêtd’unerouteseméededéceptions;maisquelquepartsurmonchemin,j’aitrouvémesrepères.Monbut.Seulementjenesavaispas que juste au moment où je l’aurais trouvé, Nash arriverait à mettre mon monde àl’enversunenouvellefois.Etseuleuneidiotesebrûledeuxfoisàlamêmeflamme.N’est-cepas?

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Chapitre1NASH

Thanksgiving…Huitansplustard

MaDodgeChargerentièrementretapéeavalaitl’autoroutetandisquejefonçaisdanslanuitfroide du Colorado. L’énorme moteur grondait méchamment, en rythme avec mon cœurbattant. De légers flocons de neige parsemaient le pare-brise, et je pouvais mettre mesclignements d’yeux répétés sur le compte de lamauvaise visibilité de la route, au lieu del’émotion quimenaçait deme submerger. Je n’assimilais rien de tout ça, ni le fait que jedevais frôler les200à l’heure etque les conducteurs envacances, terrifiés, s’empressaientsansdoutedes’ôterdemonchemin.J’étaisdanslebrouillard,dansuntelétatd’incrédulité,que je me sentais engourdi et à peine conscient de ce qu’il se passait autour de moi. Jevenais de trouver mon oncle Phil, la seule figure paternelle que j’avais dans ma vie,inconscient,parterredanssonchaletdechasse.Ilétaitfroidetimmobile.Ilavaitl’aird’unsquelette, la peau tirée sur ses os qui semblaient bien trop fragiles. J’essayais de suivrel’hélicoptèreque lesgardes forestiersavaientappeléspour le transporterauxurgencesdeDenver.

Pourajouteraudangerde lavitesseà laquelle je roulaisetàmonattentionquiétaitpartout sauf sur la route devantmoi, j’ai passé un coup de téléphone à Cora Lewis, macollègueetamie.C’étaitsongenredes’occuperdetout,etellerassembleraitlestroupesettiendrait au courant tous lesgens importants sansque j’aieàm’en soucier.Elleaiderait àprendresoindemoi;ellel’avaittoujoursfait.

Jesuisarrivéàl’hôpitalenuntempsrecordetaidébouléauxurgencesdansunraz-de-marée d’inquiétude et de peur. Je connaissais mieux cesmurs froids et stériles que je nel’aurais voulu.Undemesamisproches,mongrand frèred’adoption,RomeArcher, s’étaitembrouilléavecuntasdemotardsetavaitprisuntasdeballespeudetempsauparavant,et j’avais passé des heures à faire les cent pas dans cesmêmes couloirs, en attendant desavoirs’ilallaits’ensortir.Maisàcetinstant,j’avaislesentimentquecettevisite-cipourrait

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bien définir le reste de ma vie. L’agent de sécurité m’a lancé un regard appuyé. J’avaisl’habitude.Quandonadesflammesjaunes,orangesetrougestatouéesdechaquecôtéducrâne, et desmotifs du cou au poignet sur chaque bras, les gens ont tendance à penserqu’on n’est pas unmec très sympa. Le pire, c’est que j’étais généralement beaucoup plussympaquelaplupartdesgarsquej’aimaiscommedesfrères,maispasmaintenant,doncsil’infirmièreassisederrière lebureaunemedisaitpasoùétaitmononcledans la seconde,j’allaiscarrémentpéterunplomb.

J’allaiscracherdufeu,pluschaudqueceluiquej’avaistatouépartoutsurmoi,lorsqueje l’aivuemarcherversmoi.Onauraitditunange,mêmesielle s’appelaitSaint.Cela luiallaitbien,SaintFord,guérisseusedesmaladesetdétractricedetoutcequiconcernaitNashDonovan. Elle était belle, à en couper le souffle, et ellememéprisait au plus haut point.Elle n’en faisait pas mystère. Je l’avais croisée plus d’une fois lors de mes passagesmalheureusement fréquents aux urgences, où elle semblait être en permanence parmi lesinfirmièresenservice.

Nousétionsdanslemêmelycéedesannéesplustôt,etmêmesij’auraisadoréfêternosretrouvailles,ellen’étaitpasdutoutpour.Ellefaisaittoutpourm’éviter,oumelançaitderapidesregardsencoin,commesiellenemefaisaitpasconfianceouqu’elleétaitobligéedesupportermacompagnie.Maismaintenant,àcetinstant,ellemeregardaitavecautantdecompassionquedesérieuxdanssesdouxyeuxgrisperle.CelanelaissaitaucundoutequantaufaitquePhiln’étaitvraiment,vraimentpasenforme.

Elle a posé unemain surmon épaule et j’ai cru que j’allais voler en éclats sous songestedélicat.

–Nash…Savoixétaitlégèreetj’yreconnaissaisletondesmauvaisesnouvelles.–Viens,viensmeparleruneminute.Jenevoulaispas.Jenevoulaispasentendrelesmotshorriblesqu’elleavaitàmedire,

maiscommeelleétaitjolie,commeelleavaitlesyeuxlesplusadorablesquej’aiejamaisvus,j’ai fait cequ’ellemedemandait commeunpantin. Il y avait pirequ’elle, pourdonnerdemauvaisesnouvelles.

Nousavonsfaitquelquespaspournouséloignerdubureaudel’accueil,etj’aibaissélesyeuxvers elleavecappréhension.Elle était assezgrandepourune fille,doncnos regardsétaient aumêmeniveau quand ellem’a dit desmots durs comme la pierre avecune voixdoucecommeuneplume.

–Est-cequetusavaisquePhilétaitaussimalade?J’avais l’impression qu’elle me demandait ça comme une amie, ou quelqu’un qui se

souciait vraimentde cequ’il arrivait, pas en tantquemembredu corpsmédical. Je savaisbienqu’ellenefaisaitquesontravail,maiscelamefaisaitdubien.Jen’aitrouvéaucunmot

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qui me paraissaient, ou sonnaient comme il fallait pour lui répondre, alors j’ai secoué latête.

–J’ai reconnu lenomsur lespapiersd’admission,etvousvousressemblezsacrément,touslesdeux.Jemesuisditquejetetrouveraispeut-êtreici.

J’ai tentéde calmermesbattementsde cœur trop rapidesetai faitunhochementdetêterigide.

–Ilestmaseulefamille.Cen’étaitpasentièrementvrai,maisilétaitlaseulefamillequicomptaitpourmoi.Elleasoupiréetj’aiessayédenepastressaillirquandelleaposésamainsurmajoue.

Jesavaisqu’ellenem’aimaitpas,etsonattention,sapréoccupation,m’ontfaitcomprendrequecequ’elles’apprêtaitàmebalancerétaitbienpirequecequej’avaisimaginé.

– Il a un cancer des poumons… Les médecins pensent qu’il est à un stade 4. Sondossiermédicalestbienrempli.Ilestentraitementdepuisunmoment.Onl’ainstalléetmissousperfusion.C’estpossiblequ’ilaitunepneumonie,çaexpliqueraitpourquoiiladumalàrespirer,etsonniveaud’oxygèneestbeaucouptropfaible.Onnesaitpasencorepourquoiilneréagissaitpas,maisonessaiede leréveiller.Lemédecindegardeaappelé l’oncologuequiestnotédansledossierdePhil.C’estsérieux,Nash.Jen’arrivepasàcroirequ’ilnet’apasditàquelpointilétaitmalade.

J’ailaissématêtetombercommesielleétaitsoudaintroplourdeàporter,etsesdoigtsdélicatsontcaressémajoue.C’étaitalarmantetapaisant.

–Ilm’évite.J’avaisl’airpathétique,jem’enrendaiscomptemoi-même.Elleallaitdireautrechosequandunepetite lutineenceinteetun immensegéantont

surgi dans la salle où nous étions. Je ne reconnaissais pas l’homme plus âgé qui lesaccompagnait,maisilavaitunairdéterminéquifaisaitpresquepeur.Ilabalayéduregardla salle d’attente vide et a fait demi-tour d’une façon qui donnait l’impression qu’il allaitchasser les informations, ou quelqu’un qui avait des réponses. La cavalerie était arrivée.Saintavoulureculeret,instinctivement,j’aiattrapésonpoignet.J’avaisbesoindemesamis,j’adoraismabandede rebelles inadaptés,mais à cemoment-là, j’avais encoreplus besoind’elle.Jenepouvaispasmel’expliquer.Ellem’afaitunsouriretristeetalibérésonbras.

–Jevaisallervoircommentilvaetsionaréussiàleréveillerpourquevouspuissiezlevoir.Nash…tudevraispenseràarrêterdefumer.

Sonderniermotaétécoupéquandjemesuisfaitattaquerparunelutinepunkquim’aenveloppédansuncâlindont j’avaisbesoinplusquetout.J’ai laisséCorafairemarchersamagie pour essayer de me réconforter. J’ai aussi laissé la force calme et l’assuranceconstantedumecquejeconsidéraiscommemongrandfrèrem’envahie.RomeArcherétaitunrocetj’avaisbesoindecettestabilitéalorsquelemondes’effondraitautourdemoi.

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Je me reprenais, je regagnais le contrôle des émotions qui tournaient dans tous lessens,jemerentraisdanslecrânecequ’ilétaitentraindesepasser,quandilssontarrivés.Commesicelanesuffisaitpasquemamèresepointe,elleavaiteu leculotderamener letrouduculqu’elleavaitépousé : celadépassait les limitesdupeude self-controlqu’ilmerestait.

Et il a fallu qu’elle m’appelle Nashville… Personne ne m’appelait Nashville et n’ensortaitvivant…Enfin,personnesaufCora.Jecroisquec’estenentendantmonvrainomdela bouche de ma mère que toutes les questions se sont enchaînées et que les pièces dupuzzle se sont emboîtées. Je survolais la limited’unezonede calme, et je suisdevenuunnoyau en fusion, imprévisible, plein d’une colère prête à faire crouler cet hôpital sous lahaineetlarage.

Pourquoiétait-ellelà?Phil l’avait notée comme personne à prévenir dans son dossier, lui avait donné

procuration…Commesielleétaitplusimportantepourluiquemoi.Pourquoi?Ellen’apasrépondu.Est-cequ’ellesavaitqu’ilétaitmalade,etdepuiscombiendetemps?Ellesavait.Philnevoulaitpasquejem’inquiète.Elle a essayé de me convaincre que c’était mieux pour moi et j’ai cru que j’allais

exploser comme une cocotte-minute à chaque question mordante que je lui envoyais,lorsquemonmeilleurami,Rule,estarrivéavecsafiancée.J’aieuunmomentdeluciditéetjecommençaisàvoiràtraverslebrouillarddepeur,decolèreetderancœur,quandlatêtecuivréedeSaintestréapparueaucoinducouloir.Sesparolesm’avaientdéjàchangélavieunefois,cesoir.Jen’enavaispaslamoindreidée,maiselleétaitloind’avoirfini.

Elleapenchélatêtesurlecôté,aclignésesyeuxgrisenmeregardant,commesiellen’étaitpassurlepointdebriserlesfondationsdetoutcequejepensaissavoir,etadit:

–Ilestréveilléetiltedemande.–C’estvrai?–Ilademandésonfils.Çadoitêtretoi,non?Jeveuxdire,vousavezlamêmetête.Lemondes’estécroulé. J’aiarrêtéde respirer,arrêtédesentir,arrêtédevivre.J’étais

plantésurplace,coincédansunmomentoùmononclePhiladorévenaitsoudainementdese transformer enmon père. Lesmensonges, les secrets, le temps perdu, le sentiment devidequej’avaistraînéavecmoicarjenemesentaispasdésiré,nonseulementparunemèreindifférenteetsuperficielle,maisaussiparunpèresansnometsansvisage,onttourbillonnéetj’aieul’impressionquej’allaism’évanouiràcauseduvertigequecelaprovoquait.

–Ohputain.DuRuletoutcraché.Çam’aramenébruyammentàlaréalitédecettesalleblancheet

le sang m’est monté au visage et aux oreilles. J’allais devenir fou, mais comme si elle le

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savait,Coraétaitsoudainlà,justedevantmonnez,toujourslavoixdelaraison.Toujoursàprendresoindesesgars.

–Nash.LetondeCoraétaitgraveetrationnel.–Cen’estpaslemoment.Onpourravoirlesdétailsplustard.Cen’estpasimportant.Il

fautquetuprofitesqu’ilsoitencorelàetquetuteconcentressurleprésent.Sesyeuxbrillantsontdanséjusqu’àsonhommepuissontrevenussurmoi.–Enplus,tunepeuxpaslafrappersansconséquences.Moi,jepeux.Satêteauxcheveuxblondsébouriffésdésignaitmamère,quiseratatinaitàcôtédeson

mari.Jelasavaiscapabledevraimentmettreuncoupàmamère.C’estpourçaquel’aimaisautant.

Cora s’est écartéequandSaint s’est approchéedemoi et aposé samainau creuxdemoncoude,enungestesilencieuxm’indiquantdelasuivre.

–Jesuislà,Nash.Sesyeuxétaientuncielorageuxquejevoulaisregarderpourtoujours.Jenemeserais

jamaisplaintd’êtrecoincédanscettetempête.–Vraiment?J’espéraisdésespérémentqu’ellesoit la seuleàavoirentendumavoixsebriseretque

Cora aille vraiment mettre mamère, menteuse et manipulatrice, par terre sur le sol desurgences.

–Oui.Elleaditcelapresquedansunmurmure,etjevoulaisluidemanderpendantcombien

detempselleallaits’occuperdemoi.Est-cequ’elleseraitlàquandjedevraisenterrermonmodèle, la seulepersonnequim’avaitaccordédu temps,de l’amour,quiavait faitdemoil’hommeque j’étais fier d’êtredevenu ?Et quand j’allais devoir gérer le fait que cemêmehommem’avaitmentipendanttoutemafoutuevie?Jen’avaisaucuneidéedequiétaitPhilDonovan, et du coup, je ne savais plus qui était Nash Donovan. Je ne pouvais pasl’expliquer,jenelaconnaissaispas.Jemesouvenaisàpeined’elle,etjen’avaisaucuneidéede la personne qu’elle était au-delà de son contact professionnel et aimable avec lespatients, mais je voulais qu’elle soit là, j’avais l’impression d’avoir besoin qu’elle soit là…C’étaitvraimentconqu’ellemedéteste.

C’étaitpeut-êtreThanksgiving,maisj’avaisbeaucoupdemalàtrouveruneseulechosepourlaquelleêtrereconnaissant.

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Chapitre2SAINT

Unesemaineplustard…

Je me suis disputée avec moi-même tout le long du court trajet de l’hôpital jusqu’à sonappartement.Jesavaisquej’avaistort.Jenetravaillaisquedepuisseulementtroisans,maisj’étais immergée dans le domainemédical depuis assez longtemps pour savoir que c’étaitidiot de s’impliquer, de rendrepersonnels l’histoire et les soucis des patients. Il nedevraitpas y avoir de lien personnel, pas de cas à prendre plus au sérieux qu’un autre, pas detraitement différent entre deux personnes touchées par la maladie ou l’accident d’unproche. Mais cette logique et cette formation professionnelle ne comptaient pas face aubesoin de savoir pourquoi Nash n’était pas passé à l’hôpital une seule fois depuisThanksgivingpourvoirsonpère.

Phil Donovan avait presque immédiatement été transféré des urgences vers un autreétagede l’hôpital,oùétait situé ledépartementd’oncologie. Ilne faisaitmêmepluspartiede mes patients. Cela ne m’avait pas empêchée de passer, à la fin de mon service, voircomment il allait. Cet homme, le portrait craché de son fils, prenait son pronosticétonnamment bien, et j’appréciais toujours son attitude agréable. Ça ne s’annonçait pasbien, il n’avait pas l’air bien,mais j’avais remarqué qu’il n’était jamais tout seul. Il y avaittoujours quelqu’un avec lui dans la chambre quand je passais la tête par la porte. Ilsemblait avoir un défilé ininterrompu d’hommes et de femmes percés et tatoués quimettaient de côté la gêne que cela provoquait de venir voir et de passer du temps avecquelqu’und’aussimalade,pourluitenircompagnieetlesoutenir.Maisc’étaitévidentquelachairdesachairn’enfaisaitpaspartie.Cen’étaitpasmonrôlededemanderpourquoisonproprefilsnes’étaitpasmontré,et jen’auraispasfaitquelquechosequimeressemblaitsipeusiPhiln’avaiteul’airaussidéçuchaquefoisqu’ilmentionnaitladisparitiondeNash.

Ce n’était pas comme si j’avais particulièrement hâte de croiser à nouveau ce tatouésexyet ténébreux,maisce soir,quand j’avais jetéuncoupd’œildans lachambre,Corase

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disputaitavecPhil.Jesavaisqu’elleétaitbruyanteethonnête,depuislafoisoùsoncopains’était fait tirerdessusetavait faillimourirauxurgences.Elleétaitentraindedonnertrèsclairement son opinion à propos du comportement actuel de Nash. Phil lui disait de lelaissertranquille,qu’ilassimileraitleschosesàsonproprerythme,etqu’iln’envoulaitpasàson fils de ne pas être venu une seule fois depuis Thanksgiving. Elle, elle était vraimentremontée,criantquecen’étaitpasnormal,queNashagissaitcommeungrosbébéetqu’ilallait regretterd’avoirgâché le tempsqu’il leur restait ensemble, sachantque lepronosticdePhiln’étaitpasbon.Elleavaitpeut-êtrel’airunpeufolleetsesparolesmordantes,maisjedevaisadmettrequ’elleavaitdebonsarguments.

J’ai culpabilisé d’avoir écouté aux portes et j’allais m’éloigner et rentrer chez moilorsquelaphrasesuivanteafaitcourirunfrissonrebellelelongdemonéchine.

–IlneveutmêmepasparleràRule. Ilnerépondpasautéléphone. Iln’estpasvenuauboulotdetoutelasemaine.Romeestalléàl’appartetafrappéàlaportejusqu’àcequedesvoisinsviennentetmenacentd’appeler les flics.Je luiaiditqu’ilauraitdûenfoncer laporte.Jecroisqu’ilaététenté,parcequ’iln’aeuaucuneréponse.L’idéequeNashsoittoutseul dans cet appartement, en train de souffrir et d’essayer de digérer ça complètementseul,çamebriselecœur,Phil.Jenesaisplusquoifaire.

Phil a chuchoté une réponse, trop doucement pour que je puisse entendre, et j’aisursautélorsqu’uneautreinfirmièreestarrivéedanslecouloir.Jel’aivuemejeterundrôlederegardcarjen’étaispasdutoutàmonétage,alorsquejequittaisrarementlesurgences.Avantdepouvoirmeconvaincredenepaslefaire,jesuisredescendueàmonétage,j’aijetéunœilaudossierquenousavionssurPhilDonovanetdanslequellescoordonnéesdeNashétaient inscritesencasd’urgenceaprèscellesd’unecertaineRubyLoften,et suispartieenmission.Jenesavaispaspourquoi j’étaisaussi investiepour lesdeuxDonovan, surtoutauvudugoûtamerquemonhistoireavecNashm’avaitlaissédanslabouche.

J’adoraismonmétier. Je voulais être infirmièredepuis toujours.Réparer les bobosdemespoupéesetdemanderàmasœurdemepermettredelarecouvrirdepansementsetdebandages, avaient été mes jeux préférés étant petite, et j’avais travaillé dur, je m’étaisdéfoncée pour être la meilleure infirmière, la meilleure soignante. À 25 ans, j’étais uneinfirmière diplômée et je songeais à reprendre les études pour avoir un master. J’avaisterminémajordepromoà laCaliforniaStateUniversityàLosAngeles, et j’avais choisi lesurgencespour ladifficulté, la rapidité, etparceque je savaisque jevoulaisaider lesgensquand ils avaient le plus besoin de moi. C’était un environnement différent, des patientsdifférents, et des problèmes différents chaque jour. J’étais extrêmement douée pour ça,complètement investie pour tout donner chaque jour. Je savais aussi que l’effet que cedossieretcesgensavaientsurmoiétaitquelquechosequejen’avaisjamaisconnuavecunpatientousesprochesauparavant.

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J’aurais dû savoir, à l’instant où ces yeux violets reconnaissables entre tous se sontposés surmoi, en essayantde se souvenir d’où ilsme connaissaient, ce4 juillet il y adesmois, que Nash Donovan allait de nouveau renverser mon petit monde bien ordonné.Malgré tout le temps qui avait passé,malgré la rancœur accumulée depuis des lustres etl’aversion que je nourrissais pour ce jeune homme à la beauté sombre – qui, pour êtrehonnête,n’avaitfaitquesebonifieravecletemps–,ilyavaitencorequelquechosechezluiqui m’atteignait. Rien qu’avec un regard, il faisait chauffer mon sang et déclenchait unsentiment longtemps réprimé d’envie et de désir qui murmurait dans mon oreille de mesouvenir.Ilsemblaitquejeseraistoujoursemportéedansuncycleturbulentdedésiretdehaine lorsqu’il s’agissaitdeNash,et jen’aimaispasquecelamedonneunsentimentaussiextrêmeet incontrôlable.En l’espacedequelquessemaines,ces sentimentset l’hommequimelesinspiraitmefaisaientfairequelquechosequinemeressemblaitpasetquiallaitnonseulementàl’encontredemesrèglesprofessionnelles,maisaussicontremonpropreinstinctdeprotection.

Lesembouteillagesdanslecentre-villeétaientaffreux.Iln’yavaitmêmepasencoredeneigeparterre,maisilfaisaitfroidetl’agitationdeDenverquisepréparaitpourNoëlavaitprovoqué un méchant bouchon. Sans compter qu’on était samedi soir et la foule deguerriersduweek-endsortisprofiterde leur libertéa transforméun trajetde5kilomètresenunedemi-heurederoute.

Côtoyerquelqu’undemonpassé,quelqu’unquisesouvenaitdelamoid’avant,faisaitremonter tousmesdoutes.Surtoutquandcequelqu’unn’étaitautreque laversionadultede l’ado inaccessible dont j’avais été secrètement et douloureusement amoureuse. Celan’avait jamaisété facilequand lesautres semoquaientdemoietque je lesentendaisdiredesméchancetés surmoi.Celame faisaitmal etdémolissait lepeud’estimeque j’avaisdemoi-même.Jesavaisquelelycéen’étaitquetemporaire,etquequelquesannéesplustard,touscesgensn’auraientplusaucuneimportancepourmoi,queNashpourraitserésumeràunepassade.Mais ceque j’avais ressenti lorsqu’ilm’avait ignorée, etpire, quand je l’avaisentendu dire des choses horribles sur moi, m’avait appris une leçon, à laquelle jem’accrochaisencoreaujourd’hui.Lesgensnepeuventnousblesserounousdécevoirquesion les laisse faire. Ils n’ont le pouvoir de nous faire dumal que si on les prend pour desêtres à part et au-dessus des autres. Je ne laissais personne se rapprocher assez, je nelaissais personne touchermon cœur oumes émotions d’assez près pour prendre le risqueque cela se reproduise… Jamais. Je pense que celam’avait aidée à surmonter le fait quemoncopainde facm’ait trompéemaisaussiquemonpèreétaituncoureurde jupons.Defaçongénérale,leshommesdansmaviem’avaientdéçue,etNashn’avaitétéquelepremierd’unelongueliste.

Ce qui rendait ce besoin, cette urgence de savoir comment il allait, lui,mon ennemijuré,moncauchemaradolescent,encoreplusdifficileàcomprendre.Pourtant,mêmepleine

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d’appréhension et de doute, j’ai garé ma nouvelle Jetta dans la rue devant un bâtimentvictorien,quiavaitvisiblementététransforméenplusieursappartements,etjesuissortiedela voiture. J’ai observé la façade quelques secondes, en essayant deme convaincre dememêlerdemesaffairesetderentrerchezmoi.Jeportaistoujoursmablouse,meschaussuresdetravailtoutesmoches,etmescheveuxàlacouleurdefeuétaienttressésjusqu’aumilieudemondos. Il neme restait plus qu’un semblantdemaquillage aprèsma journéededixheures,etjenesavaispluspourquoij’aicruqu’ilm’ouvriraitlaportes’ilignoraitsesamisetlesgenslesplusprochesdelui.

J’aifrissonnécarjen’avaispasprisdemanteau;ilfallaitmedécider,yallerourentrerchezmoi.MonregardaglisséversuneDodgeChargergaréedevant,et j’aisoupiré.J’étaisconfrontéeà lamortetàd’horriblesblessuresquotidiennement.Jepouvaisbiensurvivreàunebrèverencontreavecunfantômedupassé.J’étaisplussolidemaintenant.Enplus,voirPhil si malade et la réaction de Nash le soir de Thanksgiving m’inquiétait pour tous lesdeux.Etmêmesijesavaisquecen’étaitpasbon,jesavaisaussiquemoninquiétuden’allaitpasdisparaître.

Je suis entrée dans le joli bâtiment ancien et j’ai cherché les numéros sur les portes.Apparemment, le rez-de-chaussée comptait deux appartements et celui de Nash était àgauche. Je m’apprêtais à frapper quand la porte d’en face s’est ouverte et qu’une fille apassé la tête par l’ouverture. Son regard est passé sur moi et a atterri sur mon visagesurpris.

–Tuessacopine?Elle parlait sur un ton amical, presque trop, et à la regarder, elle aurait pu faire la

couvertured’unmagazinedefitness.Jen’étaisplusensurpoids,maintenantj’étaisdanslamoyenne,enbonnesanté,maiscette filleavaitdesabdos impressionnantsetdesseinsquiméritaient une médaille. Merde, si j’étais elle, moi aussi je me baladerais en legging etbrassièredesportennovembre.

–Euh…Non.– Je viens d’emménager.On tambourine à cette porte toutes les cinqminutes depuis

unesemaine.Çamerendfolle.J’aivu lemecquihabite là.C’estunbeaugosse.J’attendsjustequ’unefilledébarqueetdisequ’ilestàelle.Jemesuisditqueçapouvaitêtretoi.Jem’appelleRoyal,aufait.

Je lui ai fait un signe de tête puis ai penché la tête sur le côté. Tous les hommescélibataires se trouveraient bien chanceux d’avoir une nouvelle voisine comme elle. J’étaissûrequeNashallaitl’adorer…Enfin,unefoisqu’ilseraitsortidesadéprime.

–Jesuisjusteuneamie.Jevoulaisvoircommentilallait.Jem’appelleSaint.Ellearigoléunpeuetasecouélatête,enfaisantglisserseslongscheveuxauburnsur

sonépaulecommeseuleslesmannequinsdanslespubspourshampooingsaventlefaire.–Nosparentsdevaientfumerlamêmechosequandilsontchoisinosprénoms.

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Elleafaitunsignedetêteverslaporteferméeetsonregardmarronfoncéaeuunairamusé tandis que jem’efforçais de faire comme si je n’étais pas totalement intimidée parcettescène.Faceauxtrèsjoliesfillescommeelles,c’étaittoujoursplusdurd’essayerd’avoirl’airnormaletindifférente.

–Jecroisquec’estlethème,cettesemaine:voircommentvalebeaumecd’àcôté.Ça,etlesmecsextrasexy.Jetejure,toussespotessontmagnifiques.Iln’yenapasundeceuxque j’ai vus que je laisserais dormir dans la baignoire. Même le super baraqué avec lemauvaiscaractèreetlacicatrice.Ilétaitflippantmaistropsexy.

Jecommençaisàêtremalàl’aise.Jem’ensortaistrèsbienaveclesinconnusquandilsétaientensangetavaientbesoindemonaide,maiscegenred’interactionn’étaitpasdansmescordes,mêmesi j’étaisbiend’accordavecelleconcernant leniveaud’attractivitédelabanded’amisdeNash.

Le mec avec la cicatrice est l’ancien coloc de Nash, Rome Archer. Il était sexy à enmourir dans le style guerrier qui sait ce qu’il fait. J’étais bien placée pour le savoir, car ilavaitétémonpatientpeudetempsauparavant.Àl’hôpital,l’autresoir,j’avaisaperçuRuleArcher,quiétaitlemeilleuramideNash,ettoujoursàtomberavecunairdangereux.Plustard, JetKellerétaitarrivéavecunblondqui semblait s’êtreenfuidesannées1950,etunautregarsquiétaitsiindéniablementbeauqu’ilfallaityregarderàdeuxfoispourêtresûrquevosyeuxnevousjouaientpasdestours.Touslestroisétaientsexyetavecuneaurademec à problèmes chacun à leur façon.Mais je ne connaissais pas assez cette femmepourpartagerces impressionsavecelle ;nonpasque j’eusétéplusà l’aisesiçan’avaitpasétéuneinconnue.

J’aifrappéàlaporte,plusparenviedeluiéchapper,àelleetsonregardcurieux,quepourvoirsiNashallaitrépondre.Évidemment,iln’apasréponduetjemesuissentiebête.J’aipiétinémaladroitementetaiessayédefrapperànouveau.

–Bonnechance.Iln’apasouvertauxautres.Elleavaituntonamuséetj’airougicommeunetomate.Jenemedébarrasseraisjamais

de ce sentiment d’être toujours le dindon de la farce. Celame donnaitmal au ventre, etencoreplusàcausedesonphysique.

Je levais la main pour frapper une dernière fois quand la porte s’est brusquementouverte, et jeme suis retrouvée faceau torsedeNashDonovannu, au regardnoir, etdetoute évidence en état d’ébriété. Ces yeux incroyables, coincés entre violet et bleus, ontlentement cligné enme voyant et j’ai laissé échapper un petit cri de surprise quand il aattrapémamain,quiétaittoujoursenl’airprêteàfrapperàlaporte,etm’atiréeverslui.

–Tudoisavoirdelaveine,Saint.Tantmieuxpourtoi.Lavoixrieusede lavoisinem’asuiviedans l’appartementtandisqueNashreculaitde

façontrèsinstable,enm’emmenantaveclui.

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Il a claqué laportederrièremoiavecunbruit sourdetaessayéde se concentrer surmoi avec ses yeux injectés de sang. Il sentait l’alcool et la cigarette, et je n’ai pas pum’empêcherdeplisserlenezdedégoût.Physiquement,jepouvaismedéfendre.C’étaituneobligationpourtravaillerauxurgences,maisàcetinstant,ilavaitl’airunpeusauvageetjedois admettre que sa présence, son regard et ses marmonnements étaient un peuinquiétants.

Il était plus grand que la moyenne, mais moi aussi, ce qui veut dire qu’il ne mesurplombaitpasvraimentmaisrestaitmenaçant,carilétaitétrangeetdéséquilibrédanscetétat. Ce serait un mensonge complet si je disais que je n’avais pas remarqué que mêmedébrailléetsaoul,ilétaitmégasexy.Onvoyaitqu’ilprenaitsoindelui,misàpartsonfoienoyéetsamauvaisehabitudedefumer.Ilavaittoujoursétéd’unebeautésombre,avecsessourcilsnoirsetunetouchemystérieuse.Sesyeuxvioletsétaientsurréalistesetinoubliables.Ilsétaientvraimenttropbeauxetdélicatspourfairepartied’unvisagesimasculin.

Jecroisquec’estlefaitqu’ilneportequ’unboxernoir,révélantquelaquasitotalitédesa peaumate était recouverte d’un tatouage, qui me donnait le sentiment d’être un peudépassée. J’aimais bien les tatouages, j’en avais moi-même quelques-uns, maisl’acharnement deNash à décorer son corps était à un tout autre niveau. Je veux dire, jen’étaispassurpriseparlaquantitéd’encrequ’ilavaitsurlui,sachantqu’ilavaitcesflammesvivessurlecrâneetunanneauaumilieudunez.Toutcelaétaitlàpourdirequelquechose,pour proclamer qu’il ne devait suivre les règles de personne sauf les siennes, ce qui, jesuppose,étaittrèsbienetmarchaitpourlui.Maiscelafaisaitbeaucoupàemmagasinerpourmoi,quileconsidéraitdéjàcommeundangeretunpetitcon.

Jerefusaisd’admettrequejelemataisouvertement.Jenepouvaispasm’enempêcher.Iln’avaitpasdevêtements,étaitbaraquéetmagnifique.

–J’aicommandéunepizza.J’ailevélesyeuxversluietaidemandécommeuneidiote:–Quoi?–J’aicruquetuétaislelivreurdepizza,maisenfait,non.Ilafaitquelquespastrébuchantsenarrière,s’estagrippéaudossierducanapé,ets’est

laissé glisser jusqu’à finir assis par terre en face de moi. Il a déplié ses grandes jambesdevantluietafrottésesyeuxhumidesavecsespoings.Maisqu’est-cequ’ilétaitentraindesepasser?C’étaitcommes’ilvenaitdesereplierendeuxsousmesyeux. Ildisparaissaitàl’intérieurdelui-même.

–Est-cequeçava,Nash?Ilyabeaucoupdegensquis’inquiètentpourtoi.Ila lancéun rirequi sonnait tellementcassé,haché,que je l’ai senti râpercontrema

peauenlaissantlachairdepoulesursonpassage.–Non.

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Je ne l’écoutais plus, peut-être parce que j’étais trop déconcentrée par son torse nu.J’avaisvuquelquesbeauxmecsensous-vêtementsdansmavie,certainsautravail,d’autresnon.Dansmes souvenirs, aucund’entre euxn’arrivait à la cheville deNash. Il fallait quequelqu’un lui dise que son corps dans un boxer noir était une arme fatale pour la santémentaled’unefemme.

–Non,quoi?Jedevaisfaireunréeleffortpoursuivresescontributionshachéesànotreconversation

intermittente.Ilapenchélatêteenarrièrepourpouvoirmeregarder.Lesflammesau-dessusdeses

oreilles étaient attachées à d’autres flammes tatouées, qui s’enroulaient autour de sesépaulesmassivesetsursapoitrine.Jemesentaiscoupable,maisjevoulaisvoiràquoiellesétaientattachéesdanssondos.Ilavaitaussicequisemblaitêtredesailestrèsdétailléesquis’étendaient sur ses côtes, descendaient de chaque côté de ses abdos fermes, etdisparaissaient dans son boxer de chaque côté de son nombril. Je n’imaginais même pascombienunteltatouageavaitdûfairemal,maisilétaitimpressionnantparsonénormitéetsonniveaudedétail,etlecorpsdurcommelapierreen-dessousl’étaittoutautant.

–Non,çanevapas.J’ai échappé un soupir etme suis accroupie pour être à son niveau. Son regardm’a

suivietandisquejedescendais.Lesgensmedisaientsouventquej’avaisdetrèsbeauxyeux,et cela me faisait rougir et bégayer. Ils n’étaient pas mal, gris et clairs, et mes patientssemblaientlestrouverrassurants.Maisjemesuisdit,quandmonregardaplongédanslestristesprofondeursdusien,quetousceuxquipensaientquej’avaisdebeauxyeuxn’avaientclairement jamais vus ceux de Nash. Je n’avais jamais vu une couleur plus frappante ouuniquequelebleuancoliedessiens.Placéssouscessourcilsnoirscommedescorbeaux,ilsétaienttoutsimplementmagnétiques.

– Il faut que tu parles à quelqu’un, ta famille, tes amis, ou peut-être une copine. Cen’estunebonnesituationpourpersonne,Nash ;boireet fumerunecartouchepar journevarienarranger.Ilfautquetusoisfortpourtonpère,maisilfautaussiquetusoisfortpourtoi. On dirait que tu as beaucoup de gens sur qui tu peux compter, ils n’ont pas arrêtéd’aller et venir dans cette chambre d’hôpital toute la semaine. Crois-moi, ce n’est pas uncombatquetuveuxmenerseul.

Il a laissé tomber sa tête en arrière en la faisant taper contre le cuir du canapé. Il afermé lesyeux. Ila relevéses longues jambesetaserrésespoingssursesgenoux. Ilavaitmêmedesœuvrestatouéesdepuislacouturedesonboxerjusqu’augenousurunejambe,etjusqu’aupiedsurl’autre.Ilyenavaitsimplementtroppourarriveràtoutbiendifférencier.Toutceque jesavaisétaitqu’ilsétaienttousvoyants,dynamiques,etpleinsdecouleursetqu’ilsavaientétémislàparquelqu’unavecuntalentincroyable.

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–Jusqu’à ilyaquelques jours, jepensaisquemonpères’était tiréquand j’étaisbébé.Mamèrem’aditquec’étaitunbonàrien,qu’iln’étaitpasintéresséparlaviedemarioudepère,alorsàchaquefoisquececonnarddeLoftenmeparlaitmal,medisaitquej’étaisnul,essayaitdeprendrelecontrôlesurmoi,jemedisaisquecen’étaitpasgraveparcequemamèreméritait de belles choses,méritait un gars qui prenne soin d’elle puisquemon pèreétaituntrouducul.SaufqueLoftenestuncon,condescendantetsuperficiel,etill’aforcéeàchoisirentreluietmoi.Ellel’achoisilui.Maistoutcelan’aaucunsens,carmonpèreétaitlà,danslemêmeÉtatdepuisledébut,etn’avaitjamaisabandonnépersonne.

Ilaeucerirequimefaisaitànouveaumalpour lui,et jen’aipaspum’empêcherdetendre la main pour la poser sur l’un de ses poings serrés. Je sentais la tension quil’envahissait.

–Et en réalité, le seul adulteque j’aie jamais admiré, le seul quim’aitmontréque jevalaisquelquechoseexactementcommej’étais,m’amentitoutemaputaindevie.Phils’estoccupédemoiquandmamèrem’afoutuàlaporte.C’estplusoumoinsluiquim’aélevé,m’aapprisàtatouer,m’adonnéunavenir,etm’amontrécommentêtreunhomme.Jesuisrentrédanssachambred’hôpital, je luiai jetéunregard,et jemesuisdemandécommentj’avaispunepasvoircequiétaitjustesousmonnez,toutcetemps.

Il a grogné et a laissé ses yeux se refermer. Je faisais demonmieux pour suivre sonhistoire,mais j’étaisunpeuperdue.J’avais l’impressionqu’ilauraitdûracontertoutcelaàquelqu’und’autre ;mais pour une raison obscure, c’étaitmoi qu’il avait laissée entrer, auproprecommeaufiguré.IlnesavaitpasquePhilétaitsonpèreavantl’autresoir?C’étaittrès lourd, et très dur à traverser, tout autant que le fait qu’il était en phase terminale.Normalqu’ildéconne.Jenepouvaispasluienvouloir.

–Ondiraitqu’ilestentraindemourir…Ilesttropmalade,etilm’aappelé«fils».Jel’ai appelé Tonton Phil pendant 25 ans, et maintenant qu’il ne lui reste peut-être plusbeaucoup de temps, il a le culot de m’appeler « fils ». En grandissant, je pensais que jen’étaisassezbienpourpersonne.Paspourmamère,etcettetêtedeconavecquielles’estmariée,nipourmonpèrequinevoulaitmêmepasprendrelapeinedesavoirquelgenredegaminjedevenais…Iln’yaquePhilquim’adonnél’impressiondevaloirquoiquecesoit.Etmaintenant jenesaismêmeplusquoipenserdetoutça.Pourquoiest-cequ’ilnemel’apasdit?Ilétaitdéjàplusmonpèrequemononcle,detoutefaçon.

J’ai soupiré car il tournait en ronddans sa têteet je voyaisqueplus ça tournait vite,plusilsesentaitmal.J’aiposémonautremainsurlasienneetmesuispenchéeenavant.

–Jenesaispas,Nash.Cequejesais,c’estquelaseulepersonnequipeutrépondreàces questions estmalade et souffre tout autant que toi. Et je sais que tous les deux, vousavez besoin l’un de l’autre en cemoment. C’est du temps perdu que vous ne rattraperezjamais.Jevoisçatous les jours,et tufiniraspar leregrettersi tunedépassespasçapourallerlevoir.

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Il était bourré, désemparé et incapable de penser clairement. Je doutais qu’il soitcapabledeserappelerdecetteconversationàcœurouvertunefoisqu’ilauraitcuvé,maisunepetitepartiedemoi,tenace,voulaitessayerdeluirendrecettesituationdéchiranteplusvivable.Jepensaisquejeledétestaisencore,quejeletenaistoujourspourresponsabledel’explosion de tous mes rêves de romance d’adolescentes, mais à cet instant, j’étais justetriste pour lui. Peu importe combien il était imposant et fort, ou à quel point il avait l’aird’un bad boy au premier abord, ne pas arriver à se battre contre une chose aussidévastatrice que le cancer était dur, surtout quand il touchait quelqu’un qu’on aime siclairement. Je savais qu’il devait se sentir impuissant et inutile, et pour l’instant, cela luifaisaitvisiblementtellementpeurqu’ilpensaitquesecacherétaituneoptionviable.

J’ai lâché une exclamation surprise quand ses deux grandesmains ont saisi les deuxcôtés demon visage. Sesmains étaient un peu rêchesmais son toucher était doux et sesyeuxsontsoudainpassésd’unbleupervencheàunindigofoncéetintense.Sespaupièressesont baissées paresseusement, et sa respiration irrégulière a soudain ralenti, donnantl’impressionquelesflammesquidansaientsursesépaulesetsespectorauxétaientvivantes.

–Tuesvraimenttrèsbelle,Saint.J’aiplissélesyeuxenleregardantetai levélesmainspourprendresespoignets.Mes

doigtsneparvenaientpasàen faire le tour.C’était sur leboutdema langue,mais jemesuisretenuedeluirappelerqu’iln’avaitpastoujourspensécela,d’ailleurssimessouvenirsétaient exacts, il avait dit qu’il lui faudrait une quantité d’argent indécente et un sac àmettresurmatêtepoursongeràpasserdutempsenprivéavecmaprésencerepoussante.Jesentaisencorelabrûlureenrevivantcesouvenir.

–Jeveuxjustet’aider.–Tum’aides.Non,jenel’aidaispas.Jen’auraispasdûallerlà-bas.Iln’étaitpasmonproblème.Ce

avec quoi il luttait, et ses histoires de famille compliquées, n’avaient rien à voir avecmoi.Maisc’étaitcommesij’avaisànouveau17ansetjenepouvaispasnierqu’ilyavaitquelquechosechezluiquim’accrochait,quifaisaitvibrerlescordestropsensiblesdemoncœur.

J’aisoupiréetluiaifaitunsouriretiré.–Non,jenet’aidepas.Ilfautquetut’ouvresauxgensquit’aiment,quisesoucientde

toi,pourqu’ils t’aident.C’estunpoids trop lourdpourque tu leportes tout seul.Surtoutavectoutlereste,avectesparents.Çavaaller,Nash.Tuverras.

Sesyeuxsesontencoreassombris,etc’étaitcommeregarderlanuittomberdansleciel.J’étaisenéquilibresurlapointedespieds,etiltenaittoujoursfermementmonvisage.Alorsquandilabrusquementtirématêtevers lui, j’aiétéà lafoisalarméeetdéséquilibrée.J’aidûlâchersespoignetspourmerattrapercarjetombaisenavant,et jejurequelachaleurémanantdesapeaunuelorsquelespaumesdemesmainsontatterrisurladouceurdesontorsenuasuffiàmelieràluipourtoujours.

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J’allais lui demander ce qu’il croyait être en train de faire. J’allais lui dire que j’étaisvenuepluspoursonpèrequepourlui.J’allaisluibalancerqu’ilétaitledernierhommesurTerre que j’autoriserais à poser sesmains surmoi après les lourds dégâts que ses actionsinutilementcruellesavaientprovoquésdansuneautrevie.Jen’enaipaseul’occasion.

Unedesesmainsaprisleboutdemalonguetresseetl’aenrouléeautourdesesdoigtscomme une corde. L’autre a glissé sur ma nuque et m’a tirée en avant sans cérémoniejusqu’à nous retrouver torse contre poitrine, bouche contre bouche. J’ai poussé en vaincontresesépaulesdurescommede laroche, j’aiessayédegigoterpourmelibérer,mais ilétait trop fort, avait une trop bonne prise sur mes cheveux. Et pour être parfaitementhonnête, même bourré et paumé, il embrassait franchement bien, donc mes efforts pourpartirn’étaientpeut-êtrepastrèspoussés.

J’avaispasséunebonnepartiedemadernièreannéede lycéeàmedemandercequecela ferait d’embrasser Nash Donovan. Certes, dans mes fantasmes il était généralementquestiondebougies,demusiquedouceetdesonamouréperdupourmoi,tandisquejememoquaisdeluienluidisantqu’iln’avaitpaslamoindrechanceavecmoi.Quelcrueldestindemerendrecompteque,mêmesi jen’enavaispasgrand-choseà fairede lui,que jenepensaispasqu’ilpût seprésenterune situationoù je le laisseraisposer lesmains surmoi,dès que ces convictions ont étémises à l’épreuve, jeme suis effondrée comme leMur deBerlin.

Ses lèvres étaient un peu sèches, sa peauun peu rugueuse à cause dumanque d’unrasoir, et lorsqu’il a bougé un tantinet sa tête pour passer sa langue sur mes lèvres, j’airefusé de les ouvrir et j’ai senti un frôlement de métal contre ma lèvre supérieure, cetanneauà sonnez. Jepensaisqueçam’aurait faitbizarre,mais celam’a fait frissonner, etlorsqu’il a tiré mes cheveux assez fort pour m’extorquer un souffle de douleur, il a eul’entréequ’ilvoulaitetjesuisrapidementpasséed’indignéeàunsentimentinconnuetcuculquiaaccélérémonrythmecardiaque.

Putain, ce qu’il embrassait bien ! Il s’appliquait, comme si ce qu’il passait entre maboucheetlasienneétaitlaseulechoseaumondequicomptaitpourluiàcemoment.Ilseservaitdesalangue,desesdents,etestparvenuàm’attirerencoreplusprès.Jesentaislerythmerapidedesoncœurquibattaitcontreleplatdelapaumedemamain,poséesurlasurfacebrûlanted’undesespectorauximpressionnants.Jesentaislegoûtdetoussesvicesalors que sa talentueuse langue dansait sur la mienne, avant de dévier sur la courbesensibledemalèvresupérieure. Ilyavait lepiquantde latequila, l’âpretéde lacigarette,une touche de chagrin, et l’immanquable résidu de blessures auto-infligées par sonentêtementetsapeur.

L’un de nous a grogné, et l’autre a lâché un profond soupir, et à l’instant où j’allaism’oublier, oublier pourquoi j’étais là et qui était ce garçon tatoué inconsolable, et fairequelquechosed’idiotetd’impardonnable,quelqu’unafrappéàgrandscoupsàlaportequi

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nousatouslesdeuxfaitsursauter.Sonregardétaitsauvageetflou,unmélangedepassionetdeconfusion.J’aireculéetj’aisautésurmespiedscommesileufeutatouépartoutsurluiétaitréeletpouvaitvraimentmegriller.

Jerespiraisfortetj’avaislesentimentdepeut-êtrevouloirluimettreuncoupdepied,oubienretombersur luiet recommencercebaiserdepuis ledébut.Lescoupssur laporteont redoublé d’intensité et jeme suis raclé la gorge et ai repousséma tressemaintenantdéfaiteetemmêléepar-dessusmonépaule.

–Tapizzaestlà.Ilalevélesyeuxversmoicommesijevenaisd’atterrird’uneautreplanète.Ilapassésa

langue sur la courbe humide de sa lèvre inférieure et a levé un sourcil enme regardant,commes’ilmedéfiaitdedirequelquechose, commes’il savourait legoûtque j’avais laissésurlui.

Je lui ai lancé un regard noir et ai tourné les talons pour me diriger vers la porte.J’auraisdûécoutermoninstinct,quim’avaithurléaussifortqu’ilpouvaitquejeferaismieuxdenepasmemêlerdesavie.LepassédevaitresterdanslaboîtedePandoredessouvenirsdouloureux, là où je l’avais laissé. Il n’y avait pas de place pour Nash dans mon ici etmaintenant.Peuimportaitquejeletrouvemagnifique,qu’ilembrassedivinementbien,quema libidome crie qu’il fallait absolument que je sache exactement où disparaissaient cesailes sur son ventre et ses reins…Je savais qu’il y avait autre chose sous la surface, et cen’étaitpastrèsbeauàvoir.

–Tuaslemêmegoûtquelesold’unbarquin’apasétélavédepuisunmois.J’ai chopé la demi-cartouche de cigarettes posée sur le bar qui séparait la cuisine du

salonetl’airemuéeenl’air.– Je t’ai dit qu’il fallait que tu arrêtes. Arrête de faire le gamin pourri gâté.Oui, des

gens que tu aimes n’ont pas été honnêtes avec toi et c’est nul, mais tu es un adultemaintenant.Alorsoccupe-toideçacommeilfaut.Tuasditquetononclet’aaccueilli,acruentoi,t’aapprisunartquetuadoresvisiblement,alorsconcentre-toisurtoutcequ’ilafaitaulieudecequ’iln’apasfait,parcequetunesaispascombiendetempsilteresteaveclui.Grandis,Nash.C’estnotrefaçondegérerleschosesdifficilesquinousdéfinit.

J’ai ouvert la porte juste à l’instant où le livreur de pizza s’apprêtait à frapper ànouveau et jeme suis faufiléedans le couloir. J’ai entendudes bruits demouvement, desvoix masculines marmonner, et j’étais en train de passer la porte d’entrée quand j’aientendulavoixsensuelledelavoisineflotterdanslecouloir.

–Mongrand,s’ilyaautantdecirculationtouslesjours,ilvafalloirquetuinvestissesdansunesonnette.

Jemesuisarrêtéejusteassezlongtempspourjeteruncoupd’œilderrièremoi.Nashetle livreur la regardait,dans toutesabeautémuscléeetglorieuse.J’ai levé lesyeuxauciel

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devantsonpetitnuméro.Nasharegardédansmadirectionpuisaramenésesyeuxsur lareinedebeauté.

–Ettuesqui,exactement?Savoixsonnaitmoinsdécontenancée,moinséparpillée.–Jesuistanouvellevoisine.Je l’ai entendu lancer un petit rire et celam’a fait grincer des dents en poussant la

porte.–Bienvenuedanslequartier.Je n’avais pas besoin de voir sa tête pour savoir qu’il lui faisait un grand sourire, et

qu’elle était probablement envoûtée par toute cette peau foncée et ces tatouages à peinedissimulésparsonboxer.

Cela ne devrait pasme tordre le ventre. Cela ne devrait pasme donner envie de luiarrachersescheveuxauburnfantastiques,etdedonneruncoupdegenoudanslesboulesdeNashsifortquesesfuturspetits-enfantsenboiteraientencore,maisc’étaitcequej’avaisenviedefaireetjenevoulaisabsolumentpasypenser.Pasmaintenant,nijamais.

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Chapitre3NASH

I lm’a falluune journéeetdemiedepluspourme sortir la têtedu cul et arrêterdeme

comporter comme un taré. J’étais une catastrophe. J’étais en morceaux d’avoir embrasséSaint, principalement parce que je ne le regrettais pas du tout, mais aussi parce que jesavais que ce n’était pas une bonne idée. Dans mon nuage de tequila et de chagrin, jesentais encore son goût, je la sentais encore collée contre moi, et c’était la seule chosepositivedontjesemblaismesouvenirdepuisdessemaines.

J’auraisadorépouvoirdirequelavisiteinattenduedeSaintm’avaitmislaclaquedontj’avaisbienbesoin,maiscen’étaitpas lecas.Après sondépartprécipité,dûau faitque jel’avais tripotée comme un abruti mal dégrossi, j’avais terminé la bouteille de tequila quej’avaisdéjàbienattaquéeavantqu’ellem’interrompe,etm’étaisendormipar terredans lesalon.Lelendemain,rebelote,maisàunmomentj’airéussiàmetraînerjusqu’aucanapéetà m’effondrer avec le carton de pizza en guise d’oreiller. Ah ouais, je me comportaisvraimentenadulteresponsable…

J’aientrouvertunœilquandlaported’entréedel’appartements’estouverteetquedeslourds bruits de pas se sont dirigés vers l’endroit où jememorfondais dansmes propreschoixmisérables.Laseulepersonnequiavaitencorelesclésdel’appartementétaitRule.Detouteévidence,ilenavaitassezdemelaisserm’apitoyersurmonsorttoutseul,et ignorersescoupsdetéléphone.J’avais l’impressionquematêteétaitrempliedecotonet ila falluplusd’uneminuteàmesyeuxpourredevenirnetsetaffrontersonregardbleupâlepleindecolère.

Ruleme connaissaitmieux que n’importe qui. Nous n’étions pasmeilleurs amis pourrien. Il n’y avait pas de jugement, pas de censure, et pas dedéception entre nous,mêmequand la situationauraitdûs’yprêter.Nousétionsuneéquipequoiqu’ilarrive,et le rôlequenousavionschacundanslaviedel’autreétaitceluid’unsoutienimmuable,laplupartdu temps ; botteur de cul officiel de l’autre quand on en avait besoin, ce qui était

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évidemmentlaraisonpourlaquelleilmeregardaitaveclesbrascroisésetsonsourcilpercélevé.

–Tuasunesalegueule.–Çameparaîtnormal,vucommentjemesens.–Çafaitunesemaine.Jenesupporteraipastesconneriespluslongtemps.Prendsune

douche,vatelaverlesdents,metunputaindepantalonetonvavoirPhil.Çasuffit,mec.Oui, c’étaitunebellebombedemerdequi t’est tombéedessus,mais çane change rienaufait qu’on doit tous à Phil plus qu’on ne pourra jamais lui rendre durant toute notre vie.Alorspenseàautrechosequ’àtoi,etbougetoncul.

Jeluiairéponduparungrognementetmesuisdécolléducartonhuileux.Ouais,j’étaisun vrai gagnant. J’ai frottémesmains sur la surface demes cheveux rasés et j’ai attenduque lapiècearrêtede tanguer.Jenesavaispasquoidireà l’hommequim’avaitélevé.Enfait j’étais passé dans sa chambre d’hôpital la veille, j’avais jeté un regard dans ses yeuxexactementde lamême couleur que lesmiens, l’avais écoutém’appeler « fils » d’une voixsans aucune force, et je m’étais retourné pour ressortir aussi sec. C’était une réaction delâche,etplusencore insensibleet superficielle,maisma tête tournaitet jen’arrivaispasàretrouver l’équilibre.Philméritaitmieuxquecelademapart,quiqu’ilsoitdésormaisdansmavie;ilavaittoujoursétélàpourmoi,m’avaittoujourssoutenuquandpersonned’autrenelefaisait.

Jemesuislevéetsuisrapidementretombésurmesfesses.Ruleatendulebrasetposésamain,celleaveclatêtedecobraetsonnomtatouésursesdoigts,surmonépaulepourmestabiliser.Ilasecouélatête,etavecsescheveuxbleusenpétard,j’avaisunpeudemalàprendresonregardpleindereprochesausérieux.

–Donne-moivingtminutes.Il me faudrait aumoins ça pourme débarrasser de l’alcool croupi et de la cigarette

dansmabouche.Saintnementaitpas,j’avaisvraimentungoûtdeparquetdebar.Cettehistoireétaitun

autrebordelque j’allaisdevoiressayerderemettreenordre.Jesavaisqu’ellen’étaitpasséqueparobligationprofessionnelle,parcequ’elleétaitprofondémentgentilleetqu’elleavaitvisiblementun cœur énorme. Je savais qu’elle nem’appréciait pas spécialement,mais elleavaitdépassécelaetm’avaitoffertduréconfortetdesmotsrassurantsaumomentoù j’enavais le plus besoin, et en retour, j’avais joué à l’abruti. Il fallait que je lui présentemesexcusesetquej’essaiedelimiterlesdégâts.Jevoulaisqu’ellem’aimebien,jevoulaisqu’ellepense que j’étais unmec correct, et pas seulement parce que c’était la plus belle fille quej’avais jamais vue.Celaallaitplus loinque ses cheveux superbes, son corpsde folie et sesyeuxd’undoux gris. Je voulais qu’ellem’aimebien car il y avait quelque chose chez elle,une sorte de douceur délicate dans laquelle je voulais m’enrouler. Cela n’avait pasbeaucoupdesens,unpeucommetoutlerestedemavieencemoment.

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J’avaisdevaguessouvenirsdeSaintquiremontaientaulycée,elleétaitdéjàjoliemaisun peu plus ronde et d’une timidité maladive. Elle était intelligente et faisait partie desmeilleursélèvesdeBrooksideHigh,doncnoscheminsnesecroisaientjamaisengénéral.Ilya eu une période où je me rappelle que nos casiers étaient côte à côte, et j’avais essayéd’entrerencontactavecelle,m’étaitefforcédesourireetdeluidirebonjour,maisàpartça,nousn’étionspasdanslesmêmesgroupeset jenecroispasqu’ellevoulaittraîneraveclesgens commemoi.Mais jeme souvenais de ses cheveux, et ces yeux…Même leur couleurgriseétaitpleinedegentillesseetdecompréhension.Ellen’étaitpas legenrede filleavecqui l’adolescent que j’étais tentait sa chance, principalement parce qu’elle était bien au-dessusdemoiintellectuellement,maisaussiparcequedéjààl’époque,ilémanaitd’elleuneclasse que je ne comprenais pas. Rule et moi avions passé la majeure partie de notreadolescenceàsautertoutcequibougeaitetàfairelafêteàunpointquinousémerveillaitmaintenantquenousavionsvieilli.Nousétionsdeuxboulesd’excitationsans scrupules,etles filles commeSaint Ford, avant commemaintenant, n’étaient pas le genre de filles quivoulaienttraîneravecdesgarscommenous.

Pourtant, à la grande surprise de tous, Rule s’était casé, il allait se marier dansquelques semaines à une vraie princesse de la bonne société. Elle était tout aussiintelligente,classeetbellequeSaint,etelleaimaitRuledetoutessesforces.ShawLandonétait la fille de rêve pour n’importe quel mec et Rule était le petit veinard qui l’avaitattrapée.Maintenant, il allait s’assurerde lagarderpour toujours, luipasser labagueaudoigtetremplacersonnomparlesien.

Aprèsunedouchebouillantequialaissémapeaurougeetm’aassezréveillépourmefairetenirdebout,j’airéussiàrentrerdansunjeanetunT-shirtchaudàmancheslongues,avec le logo du salon de tatouage oùRule etmoi travaillions. Jeme suis aperçu dans lemiroirau-dessusdemacommode,etj’aidûplisserlenez.Monvisageétaitrecouvertd’unebarbe d’une semaine et mes yeux normalement clairs étaient zébrés de veines rouges.Malgré mon apparence extérieure, j’étais généralement un mec plutôt tranquille. J’avaisapprisàsuivrelecourantetprendreleschosescommeellesvenaient.Ilavaitbienfalluquejesoisleplusraisonnable,avecRulecommecomplice.Ilavaittellementdecaractèreetunteldésirdefoutrelamerdequejen’avaisjamaispuêtrecegenredegars,letypeexplosifetimprévisible.Etpuis,quandonades flammes tatouéesdechaquecôtéducrâne, lesgenspartentduprincipequ’onn’estpasquelqu’unqu’ilfautemmerder.Pourtant,lerefletquimeregardait à cet instant était complètement « ce genre de gars ». J’avais l’air en colère,paumé,prêtàpéterunplombsansraison,etderrièretoutcelaj’avaisl’airtriste…très,trèstriste.

J’ai soupiré et ai posé une casquette noire surmon crâne rasé. J’ai pris un sweat aupassage et ai rejoint Rule dans le salon. Il avait jeté les cartons de pizza et les boîtes debouffe chinoise qui traînaient et avait entassé les bouteilles vides de Patrón au recyclage.

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Nous avions habité ensemble pendant longtemps, avant qu’il achète une maison etemménageavecShaw.Ilsavaitoùtoutétaitrangéetm’a lancéunregardquivoulaitdire«Sérieux!?»quandj’aihaussélesépaules.

–J’avaissoif.–Visiblement,oui.EntreAydenettoi,jedevraisacheterdestitreschezPatrón.Ayden était la meilleure amie de Shaw et la femme d’un autre de nos copains

d’enfance. Elle était belle dans le genre mannequin, avait des jambes qui faisaient bavertous les mecs, un léger accent du sud, et une meilleure descente que la plupart d’entrenous.JetKellerétaitunautredemesamisquiavaittrouvélafillederêveetavaitdécidédelagarder jusqu’à la findes temps. Il semblaitquecelaarrivaità tout lemondeautourdemoiencemoment.

MêmeRome,legrandfrèredeRulequej’admirais,avaittrouvécellequ’illuifallait.JenesaispassibeaucoupdegensverraientCoraLewiscommeunefillederêve.Elleétaittropautoritaire,unpeutropgrandegueule,ettrèstêtue,letoutemballédansunpetitensemblecoloré, mais Rome semblait la trouver géniale. Ils étaient très différents, mais ilsfonctionnaientbienensemble,sibienqueCoraattendaitleurpremierbébépourlemoisdemars.Touslesgensquej’aimaisétaiententraindetomberamoureuxetdes’installer.Celamerendaitheureuxmaisaussi inquiet,car j’avaisvucequ’ilsepassaitaunomde l’amourlorsqu’onbasaitdeschoixmajeursdessus.J’étaisunenfantquiavaitétémisdecôtéparunemèreindifférente,etceaunomdel’amour.

Noussommessortisdel’appartementetjemesuisretournépourfermerlaporteàclé.La porte de l’autre côté du couloir s’est ouverte, et la déesse qui vivait là est sortietranquillementavecunsacdesportà lamain.Elleétait jolie, très jolie,c’enétaitpresqueexagéré. Si jen’avais pas euautantde soucis en tête et si jenem’étais pas senti toujoursaussimalàcausedelamanièredont j’avaistraitéSaint laveille, ilyauraiteudegrandeschancesquejeluisouhaitelabienvenuedansl’immeubled’unefaçonbienpluspersonnelleettactile.Enl’étatactueldeschoses,jen’aipuluioffrirqu’unsignedetêtetandisquesonregardglissaitdescheveuxfluodeRuleauboutdesesvieillesbottesnoires.

–Pasmal.Elleavaituntonsympathiqueetséducteuretsesyeuxfoncésétaientblagueurs.–L’agencedevraitmettredans l’annonceque lameilleurevueest laporteen face,et

nonparlafenêtresurlesmontagnes.Ilspourraientfacilementajouter100$auloyer.Rulea levé le sourcilquiétait traversépardeuxanneauxetm’a regardédecôté.J’ai

simplementhaussélesépaulesetmesuisdirigéverslaported’entrée.Jel’aitenueouvertepourelletandisqu’ellesortaitdevantnous.

–Jem’appelleRoyalHastings,aufait.JeluiaiserrélamainetRuleafaitpareil.J’aivusonregards’attardersurlenomde

Shawqu’ilavaittatouésurlesdoigtsdesonautremain.C’étaitplusefficacequetoutesles

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alliancesdumonde.Unebague,ças’enlève,untatouage,jamais.– Nash, et voici Rule. Désolé pour le bruit et le bordel la semaine dernière.

Normalement,c’estunimmeublecalmeetchacunrestedanssoncoin.Ellea rigoléeta relevé lacapuchedesonsweatsursescheveuxroux foncés.Putain,

c’étaitvraimentunebombeetentempsnormalj’auraisdûêtreàfondsurelle,maisl’envien’étaitpaslà.

– Ça a été intéressant, c’est sûr. Tu as un groupe d’amis intéressant, voisin. La filled’hier soir étaitmapréférée.Lablondeavec tous les tatouagesestbruyante, labrunen’apasl’airtrèssympa,etl’autreblondeétaitgentillemaisellearéagicommesijen’avaispasledroitdedemandercequ’il sepassait.La rousseétait supersympa,unpeu timide,maisvraiment,c’étaitmapréférée.Sitoutescesfillessontassociéesaudéfilédemecssexyquiainondélecouloir,jedoisdirequecesontdepetitesveinardes.

J’ailevélesyeuxaucieletRuleari,etnousnoussommesarrêtéssurletrottoir.– La blonde impatiente, c’est la mienne. Elle est en plein dans les préparatifs du

mariage,et trèsprotectriceavecsesamis,doncelleestunpeusauvageencemoment.Labrune est une des personnes les plus gentilles que je connaisse en réalité, elle est justeinquiète à cause de ce crétin qui avait disparu de la circulation toute la semaine. Elle estmariéeaveclemecquiportedesjeansslim.

Lavoisinecanonaacquiescéetacontinuéàrire.–Jevois.– La blonde enceinte et tatouée est avec mon frère, le grand qui a l’air de pouvoir

arracher une porte àmains nues. Le blond qui ressemble à Johnny Bravo et l’autre petitblondquiestencoreplusjoliquetoisonttouslesdeuxlibres…Justepourinfo.

Ilalancéunregardbleuglacéversmoi.–Jenesaispasquiestlarousse.Jen’avaispasenvied’avoircetteconversationsuruntrottoiretdevantune inconnue,

niailleursenfait,maisilsmefixaienttouslesdeux,alorsj’aigrognéetaienfoncémesmainsdanslespochesdemonsweat.

–L’infirmièredesurgences,Saint,elleestpasséepourvoircommentj’allais.J’étaisbienentamé,bourréetdanslesvapes.Engros,ellem’aditlamêmechosequevoustous.Ilfautque jemettemesmerdes de côté et que j’aille faire la paix avec Phil avant qu’il soit troptard.

Lavoisineahaussélesépaulesets’esttournéeversune4Runnerquiavaitl’airneuve,garéedel’autrecôtédelaCharger.

– C’était sympa de sa part. En général, les infirmières sont un peu impersonnelles etaseptisées,doncc’estgentild’êtrevenueverstoi.Passezunebonnejournée,lesgars.

Nousl’avonsregardéesortirduparkingetRules’estretournéversmoiavecunsourcilen l’air. J’aiprisunregardnoiretai tapotémespochesà la recherchedemonpaquetde

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clopes.J’ailancéunegrossièretéenmerappelantqueSaintétaitpartieavec.–Quoi?–Nouvellevoisine.–Et?–Et?J’aifaitletourverslecôtépassagerdesonpick-upgéantetj’aiattenduqu’ilouvreles

portes pour grimper dedans. Une fois sur le siège, jeme suis affalé et ai appuyéma têtecontrelavitrefraîcheetaifermélesyeux.Jesavaisquejedevaisalleràl’hôpital,maisjenelevoulaisvraimentpas.Qu’est-cequej’étaiscensédireàPhil?

Un truc du genre… ah, donc c’est toimon père disparu… c’est bon à savoir, et au fait,mercid’avoirattendudechoperuncanceretd’êtrepeut-êtreentraindemourirpourmeledire…

Aucunmotn’avaitdesens.–Ben, il y aune semaine, je serais rentrédans cet appart et iln’yauraitpas euune

chancesurunmillionquetusoistoutseul.Lavoisineauraitétéavectoietvousauriezététouslesdeuxtousnus.

J’aiaboyéderireetouvertunœilpourleregarder.–J’étaistropmort.J’étaistellementimbibécettesemainequ’iln’yauraitaucunechance

quej’arriveàbander,encoremoinsàviser.Mais ce n’était pas entièrement vrai. Quand j’avais tiré Saint contre moi, quand elle

m’avaitlaisséentrerdanslecreuxchaudetmouillédesabouche,j’étaisdevenudurcommelapierreetlarivièredetequiladansmesveinesn’ypouvaitrien.Commes’illisaitdansmespensées,Ruleademandé:

–Alors,c’estquoil’histoireavecl’infirmière?–Onétaitdans lemême lycéequ’elle.Elle était super intelligente, timide, elle restait

danssoncoinengénéral.Ellenesortaitpas,nefaisaitpaslafête,jenepensepasquetutesouviennesd’elle.Jel’aireconnuelesoiroùjesuisalléchercherRomeauxurgencesaprèsqu’ilsesoitfaitécraserlatête.Soncasierétaitàcôtédumienenterminale.Elleaunpeuchangédetêtemaintenant,perdudupoids,jecrois,etsescheveuxsontpluslongs.Ellen’apas l’air de beaucoup m’apprécier, mais elle a été super le soir où on a amené Phil àl’hôpital,etc’étaitgentildevenirmevoirhier.

–Maispourquoiellefaitçasiellenet’aimepas?–Jenesaispastrop.Jecroisqu’elleestjustetrèsgentille.Rulearicané.–Elleestbonne.J’aihochélatête.–C’estvrai.–Dommagequetunel’intéressespas.

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J’aisoufflédanslevide.–Jesuppose.C’estpascommesij’étaisàlarecherched’unecopine,detoutefaçon.–Etpourquoipas,s’ilteplaît?C’était une engueulade récurrente, maintenant. Depuis qu’il avait décidé que Shaw

était toutcequ’ilvoulait, ilnemelâchaitpluspourque jem’installe,que jetrouvelafillequi me ferait croire que l’amour avait une chance et que cela valait le coup d’essayer lamonogamie. J’étais content pour lui, pour tousmes amis qui avaient trouvé « la bonne »,mais je ne m’imaginais pas emprunter ce chemin-là. Quand ma mère m’avait jeté enéchangedesonidiotdemarisousleprétextedel’amour,jesavais,déjààcejeuneâge,quec’étaitunechosequejenevoulaisjamaisfaire.Aimerquelqu’unaupointdesacrifierlerestede ma vie pour elle. J’aimais bien être célibataire, j’aimais avoir la chance de pouvoirconnaîtreplusieurs femmes,plusieursmomentsavecplusieurspersonnes,quand j’enavaisenvie. Je n’avais pas besoin d’une copine pour me sentir bien, et je n’en voulais pasvraiment.

–Mec, jeviensd’apprendrequemononcleesten faitmonpère,qu’ilauncancer,etmonmeilleurpote va semarierdansmoinsd’unmois. Sansparlerdemonpseudograndfrèrequivaavoir sonpremierenfant.Dis-moi,aumilieude toutça,oùest-ceque jepeuxtrouverletempsoulacapacitémentaled’êtrelecopaind’unemeuf.

Ilagrognéetentra sur leparkingde l’hôpital. J’ai sentimoncœur s’accéléreretunesueur froideperlerdansmanuque.Nous sommessortisdupick-upetennous rejoignant,Rulem’apousséavecsamainetaencoregrognéquandje luiaidonnéuncoupdecoudedanslescôtespourmevenger.

–C’estçaletruc,Nash,tun’espaslecopaind’unemeuf,tueslecopaindeLAmeufetquandc’estLAmeuf,tutrouvesletemps,ettutelerentresdanslatêtetrèsviteparcequel’idéed’êtresanselleestlapirechosequetupuissesimaginer.

Jenesavaispasquoirépondreàça,alorsj’aifermémaboucheetjel’aisuivi,àtraverslesportesvitréesetdansl’ascenseur.Inconsciemment,monregardcherchaitdansleslongscouloirsblancsunechevelureenflammée.Jenel’aipasvue,etjen’arrivaispasàdécidersijemesentaissoulagéouagacé.

Nous sommes arrivés au dernier étage de l’hôpital, là où était le départementd’oncologie,etj’aidûsuivreRulecarjenesavaispasdansquellechambreétaitPhil.Putain,j’étaisvraimentnuletj’avaistellementenvied’unecigarettequecelatiraitsurmapeau.LaporteétaitàpeineentrouverteetRuleafaitunpasdecôté.

–Entre là-dedansetpasseunpeude tempsavec lemecqui t’aélevé. Il t’apeut-êtretoujoursappelésonneveu,Nash,maisilt’atoujourstraité–commenoustous,d’ailleurs–commeunfils.Jevouslaissequelquesminutesavantd’entrer.

J’aihochélatêtemaladroitement.J’aiprisunegrandeinspirationetaiouvertlaporte.Les rideaux étaient un peu ouverts et la lumière hivernale projetait des ombres

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surnaturelles sur la silhouette fragile de Phil. Il avait toujours été un grand mec biencharpenté,etmaintenantque jesavaisqu’ilétaitmonpère, jevoyais toutes les similitudesentrenous.Ilyavaittellementplusquelacouleurinhabituelledenosyeux.Ilaouvertlespaupières etm’a regardé. J’avais enviedepiétiner etde toussoter,mais jene l’aipas fait.J’ai marché jusqu’au bout du lit et nous nous sommes juste regardés. Il était tellementmaigreetsonteintblafardfaisaitpeuràvoir.

J’aipassémonpoucelelongdemamâchoireetaitentéunsourire.–Tum’asfoutulatrouilledemavie,monvieux.Ilagrognéetalevéunemain,cellequiportaitunesorted’appareilauboutd’undoigt,

attachéeauxkilomètresdecâblesetdetubesquisortaientdelui.– J’en avais marre de me faire tester et tripoter. Je n’avais pas l’intention de passer

Thanksgivingdansunputaind’hôpital.Ilfallaitjustequejeparteunpeu.Jenesavaispasquej’étaismalade,jepensaisquec’étaitjusteunemauvaisetoux.

–Unemauvaisetoux?Jen’aipaspuretenirl’amertumequis’estglisséedansmavoix.–J’aicruquetuétaismortquandjet’aivuallongéparterre.Tuimaginescequeçaa

pumefaire?–Jesuisdésolé,Nash.Pourtout.J’aiprisdesmauvaisesdécisions,faitdeschosesqueje

regrette,maistoi,fils…tun’enasjamaisfaitpartie.Etvoilà:fils.Cequej’avaistoujoursvouluêtreetcequejen’auraisjamaiscruêtreun

jour.J’aipassémamainàl’arrièredemoncou.–Jenesaismêmepasquoifairedeça,Phil.Jenesaismêmepluscommentt’appeler.–Commetum’astoujoursappelé.JesuistoujoursPhil,Nash.Cequ’ils’estpasséentre

tamère etmoi, ça fait très longtemps et ça n’avait rien à voir avec toi.Qui tu es devenuaujourd’hui,c’estunhommedonttudevraisêtrefier…Unhommedontjesuisfierentantquepère,oncle,patronettoutcequetuveux.Jepensaisteprotéger,jepensaisquelefaitquejesoismaladeétaitpeut-êtreunsigne.Jepensaisqueçaallaitpasser,honnêtement.

– Le cancer ?Tupensais que le cancer allait disparaître commeparmagie et que tupouvaiscontinueràlefuirindéfiniment?Ànousfuir?

–Jecroisquec’estdefamille.Ilt’afalluunebonnesemainepourramenertesfessesici,non?

C’était un bon argument, donc jeme suis contenté de soupirer et jeme suis appuyécontrelecôtédulit.J’aienroulémesmainsautourdelabarreetl’aifixéduregard.Ilétaitmalade,c’étaitévident,mais il semblaitaussiyavoirune légèretéen luiquin’avait jamaisétélàavant.Jemesuisdemandécombiencelaavaitétédifficilepourluidefairesemblanttout ce temps, de m’écouter gueuler contre mon père imaginaire et tout ce que je luireprochais,l’enferavecmamèreetsonmari.Peut-êtrequec’étaitvrai,quelavéritélibéraitvraiment.

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–Ilfallaitquejemeremetteunpeulatêteàl’endroit.Jedevaisfaireçaseul.Jesavaisquej’auraisdûêtresurlepointdeluidemanderpourquoiiln’avaitpasrévélé

qu’ilétaitmonpèreavantaujourd’hui,pourquoiilavaitgardédeschosessecrètestoutemavie, mais je crois que j’étais terrifié par la réponse. Ma mère ne m’avait jamais donnél’impressionquej’étaisdignedeportersonsang.Jecroisquejenel’auraispassupportés’ilyavaitquoiquecesoitdecegenrederrièrelaréflexiondePhil.

–Tuenesoùavectoutça,maintenant?Savoixétaithésitanteet j’avaisl’impressiond’êtreunconnarddel’avoirlaissédansle

flou,sanssavoircequejepensaisdelui.–Jenesaispastrop,maistunem’asjamaisdéçudemavie,etjenepourraisplusme

regarderdanslaglaces’ilt’arrivaitquelquechoseetquej’avaislaisséleschosesenl’état.Jetedoistoutcequej’ai,ettoutcequejesuis.Jenevaispastelaissertebattretoutseul.

Ilafaitunepetitegrimaceetaregardéailleurs.Leboucquiencadraitsabouches’esttiréverslebasetj’aisentimonestomactomber.

–Iln’yaplusdecombat,Nash.LecanceraofficiellementmismonorganismeK.-O.Ils’estmétastasé,ils’estdéplacédansmesganglionslymphatiques.Onpeutplusfairegrand-choseàpartattendre.

J’ai avaléma salive et ai sentides larmes commenceràbrûlerderrièremesyeux. J’aibaissélavisièredemacasquettesurmonfrontetaiclignédesyeuxtrèsfortpourgarderlecontrôledemesémotions.

– Et la chimio, les rayons… putain, pourquoi pas une cérémonie vaudou ? Aucunealternative?

Ilasecouélatête,etalorsquej’avaisl’impressionqu’ilm’annonçaitlapirenouvelledumonde, on aurait dit que Phil avait eu bien assez de temps pour accepter son sort et lemanquederéponsesatisfaisante.

–Jesaisquec’estnouveaupourtoi,etquetun’aspaseuassezdetempspourvraimentte faireà tout ça,mais ça faitunmomentque je suismaladeet cen’estpasmapremièrefois.Letempsquej’aieuavectoi,aveclerestedelabande,c’étaitunechanceincroyable.

J’ai senti lacolèremonterdansmes tripeset j’aidûmeconcentrersurmarespirationpournepasmedéfoulersurlui.

–Tuasdéjàétémalade?Ilaémisunsonaffirmatifetatenduunemaintremblanteversunverred’eau.J’aifait

le tour du lit pour pouvoir le lui donner. Nos regards assortis se sont croisés et j’ai dûravaler tous les sentiments au goût amer que cette conversation avait laissés dans mabouche.

– Ouais. Même chose. Juste avant d’acheter le salon. C’était une tumeur dans unpoumon, j’ai eu une opération pour la retirer et j’ai été sous traitement pendant un anaprès. C’était une des raisons pour lesquelles je voulais tellement vous prendre comme

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apprentis,Rule et toi. Il y a beaucoupde tatouages pourris, les gensneprennent pas ausérieux l’art et le travail du tatouage. Je savais que si je vousmontrais labonne façondefaireà tous lesdeux,que jevousapprenaisà respecter le talentet la techniquedans leurensemble,quoiqu’ilm’arrive,monhéritageseraitentredebonnesmains.Jem’ensuis sorticettefois-là,jemesuisditquejepouvaislebattreencore.

–Pourquoitun’aspasarrêtédefumer?–Parcequec’estdur,d’arrêter.Parcequejemecroyaisinvincible.Jenesaispas,Nash.

Jen’aipasdebonneraison.Jeregrettedenepasavoirarrêté,etj’espèrequetuvaslefaire.Tun’asabsolumentaucuneraisondetenterlesort.

J’aiouvert labouchepourdireautrechosemais jemesuis fait couper l’herbesous lepiedparRule,quiaouvertlaporteetestentré.

–Toutsepassebien,ici?–Onytravaille,gamin.Vienslàvitefait,jeveuxvousparlerdequelquechose,àtous

lesdeux.Rule a refermé la porte et est allé de l’autre côté du lit. Phil a ouvert la bouche, et

avant de pouvoir commencer à parler, il a été pris d’une terrible crise de toux. Cela mefaisaitmaldevoircommesatouxsèchesecouaittoutsoncorpsfrêle.Illuiafalluquelquesminutes pour reprendre son souffle et Rule etmoi avons échangé un regard inquiet par-dessuslelit.

–Bordel,çafaitmal.Ils’estéclaircilagorgeetaposésonregardsurnousdeux,chacunnotretour.–Jevouslaisselesalon,lesgars.Onestpropriétairesdulieu,doncl’actedepropriété

sera au nom deNash. Tous les deux, vous avez été une équipe de folie depuis que vousavez l’âgedemedonnerdescheveuxblancs,etvousêtesaussi lesmeilleursartistesde laville.Vous avez fait connaître leMarked, vous lui avezdonné son style et une réputationcommejen’auraisjamaispulefaire.Vousl’avezfaitvôtre,etjecroisqu’envousassociant,vousavezbeaucoupàoffriràcetteville.

Rule etmoi avons échangé un regard interloqué puis regardé Phil comme s’il parlaitchinoisetquenousnecomprenionsrien.Onsavaittatouer,travailleraveclesclients,maisni l’unni l’autrenousn’avions lamoindre idéede commentgérerou faire fonctionneruncommerce.

– Je cherchais un nouveau lieu, un deuxième salon dans LoDo. Je voulais nousagrandir, exporter notre réputation et notre travail vers un autre genre de clientèle. J’aitrouvé l’endroit parfait. J’ai signé un bail de cinq ans, mais maintenant… Eh bien,maintenantçavaêtreàvousdelelancer.

LoDodésignaitlesudducentre-villedeDenver.C’étaitpleindebars,derestaurants,etle loyer de n’importe quelle boutique devait être mirobolant. Rule a été le premier àdemander:

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–Euh…Tuesaucourantqu’onne saitpasdu tout comment faire tournerun salon,hein?

Philalevélesyeuxaucieletapouffé.–Évidemment,jesuisaucourant.J’enaidéjàparléàCora.Elleseravotreresponsable

commerciale.Vouspensezvraimentqu’unefoisquelebébéseralà,ellevoudracontinueràrépondreautéléphoneetprendredesrendez-voustoutelajournéepourdeuxidiotscommevous?Non,non, cettepetite têtedecochonestnéepourprendre soindequelqu’un,ellevoudra passer le plus de temps possible avec le bébé. Donnez-lui un bureau dans lesnouveaux locaux, elle pourra s’occuper des aspects techniques pour vous, et si elle veuttoujours percer, elle pourra choisir quand elle veut le faire. Tout ce qu’il vous faut, c’esttrouverunnouveaugérantdesalonetembaucherdumondepourlenouveaushop.J’aifoienvousdeux.Vousmerendrezfier.

–Tuasplanifiétoutçasanst’embêterànousdemandercequ’onenpensait,nil’unnil’autre?

Jen’arrivaispasàretenirtoutelacolèrebouillonnantequejesentaisàl’intérieur.–Nash…LavoixdePhilabaisséd’unton.–Jen’aiplusassezdetempspourmedisputer.Jeveuxquemafamillesoittranquille,

jeveuxquecepourquoijemesuisbattusifortperdure.Avant, je lui faisais confiance sans me poser la question… Les récents événements

rendaientcelaunpeuplusdifficile.–Oùest-cequ’onestcenséstrouverunnouveaugérant?Etcommenttucroisqu’onva

engagertouteuneéquipedenouveauxartistes?Onn’apaslamoindreidéedecomments’yprendre,Ruleetmoi.

J’avaisuntonunpeuacerbe,jem’enrendaiscomptemoi-même.–Vousvousdébrouillerez.J’aiquelquespersonnesquimedoiventdesfaveurs,quelques

contactsquejemesuisfaitaufildesannées.Jenevaispasvouslaisserenplancommeça.Nousavionstouslesdeuxunmilliondequestionsàposer,maisPhilaétéreprisd’une

quinte de toux qui ne semblait pas avoir de fin. On voyait qu’il n’était pas bien et qu’ilsouffraiténormément.Ruleestpartichercherune infirmière,quiadonnéquelquechoseàPhiletilarapidementfermélesyeux.Sapoitrinemontaitetredescendaitàunrythmeplusrégulier. Ila sombréetRulea faitunsignede têtevers laporte,alors je l’ai suividans lecouloir.

–Putaindemerde.–Ouais,c’estàpeuprèsça.J’aienlevémacasquettepuisl’airemised’unseulgeste.–Maisqu’est-cequ’onvafoutre?–Sedébrouiller,j’imagine.C’estcequ’onfaittoujours.

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–C’estdelafolie,toutecettehistoire.– Pas de doute là-dessus, mais on va y aller par étapes. On est avec toi, Nash.

Souviens-toideça laprochainefoisquetuveux jouerà l’autrucheetenterrertatêtedansunebouteilledetequilapendantunesemaine.

Jelesavais.– Merci, Rule. Eh, tu me donnes une minute ? Je veux essayer de trouver Saint et

m’excuser.–T’excuserpourquoi?–Aupointoùj’ensuis,jecroisqu’ilfautquejem’excused’exister.Mercidem’avoirsorti

dematorpeur.–Pasdeproblème.Je t’attendsdevant lepick-up. Il fautque j’appelleShaw.Ellen’a

toujourspasprévenusesparentspourlemariage.Qu’ilsviennentoupas,jem’enfous,maisjeconnaisassezCasperpoursavoirqu’ellesesentiracoupablesielleneleurdonnepasaumoinsunechancedeprouverqu’ilsnesontpashorribles,mêmesionsaittousqu’ilslesont.

J’ai ricané parce qu’il ne plaisantait pas, et parce que cela me faisait toujours rirequand il appelait Shaw par ce surnom. Ses longs cheveux blonds très clairs s’y prêtaientbien.Sesparolesétaientaussiundurrappelquejen’étaispasleseulàavoirdesrelationsfamilialespourries.Lesblocsquimecomposaiententantquepersonneétaiententraindesemodifier,deseréarrangeretdechangerdeplace.Jen’avaispaspeurduchangement,ilsuffisaitàn’importequidejeteruncoupd’œilsurmoncorpspours’enrendrecompte…Cequi me terrifiait, c’était d’avoir à regarder en arrière et voir que si ma mère m’avaitabandonné,m’avait laissépartir, celan’avait rienà voir avecunpèreminablequi l’auraitlaissée, le cœur brisé,mais avecmoi et avec le fait que je n’étais pas comme elle voulait.Celaavaitàvoiraveclefaitquejen’étaissimplementpasassezbien,etmêmesicelafaisaitbien longtemps que j’avais accepté que je ne correspondrais jamais à ses exigences, celalaissaitquandmêmeunetrace.

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Chapitre4SAINT

M on jeunepatient était juste tropmignon. Ildevait avoir cinqou sixanset la coupure

qu’ilavaitsurlatêten’étaitpasbelleàvoir,maisilsemblaitbientenirlecoup.Samèreétaithystérique,commeellesavaienttoutestendanceàl’êtrequandleurbébésefaisaitmal.Maisquelquespointsde sutureplus tard, avecuneordonnancepourdesantidouleursetordrede porter un casque quand il faisait du vélo, ils étaient repartis. Forcément, j’ai dû allerchercherunesucettepourlejeunepatient.Jen’auraispassupportédelevoirpartirsansunsourire. C’était dur de travailler avec des petits enfants, mais cela me rendait toujourscontentedel’intérieurquandjepouvaislesrépareretlesrenvoyerchezeuxenayantséchéleurslarmes.

J’ai enlevé mes gants avec un claquement et fait un signe de tête à l’urgentiste quipassaitaupatientde lapiècesuivante.C’était lasaisonde lagrippe,doncnousavionsunrythmebiensoutenu,sansparlerdesfaiblestempératuresàcausedesquelleslessans-abrisn’arrêtaientpasdeveniretrepartir,pourtouteunesériedeblessuresetdesymptômesliésau froid.Jedevais toujoursêtreprête, jenesavais jamaiscequim’attendait, cequi faisaitquemes journées passaient vite, et quemon travail restait intéressant et enrichissant. Enrevanche, quand j’ai tourné dans un couloir et que j’ai reconnu une grande silhouettesombreappuyéecontrelebureaudel’accueil,j’aidûfaireunepauseetdécidersijevoulaisme retourner et courir dans l’autre sens avant qu’ilm’aperçoive. Nash n’était pas un défiquej’avaisparticulièrementenvied’affrontercejour-là.

J’étais énervée contre lui à cause de son comportement aussi égoïste alors qu’unepersonne proche de lui souffrait, mais en plus de cela, j’étais furieuse contre moi-mêmed’avoircédéetm’enêtremêléealorsquejesavaisquecen’étaitpasunebonneidée.J’étaisaussiagacéecarmêmes’ilm’irritaitdanstouslessens,lebaiserqu’ilm’avaitimposém’avaitfaittournerdansmonlittoutelanuit,etsijemeconcentraisassez,jesentaisencorelegoût

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qu’il avait laissé surma bouche. Rhaaa… Pourquoi est-ce qu’il était aussimémorable surtouslesplans?

J’aiplissélesyeux,redressélesépaulesetmesuisavancéeverslui.L’infirmièrederrièrele bureau lui lançait un regard que je ne pouvais qualifier que d’émerveillé. Elle avaitsûrement dix ans de plus que moi, quatre enfants, et son mari était flic, mais cela nel’empêchait pas de se faire aspirer par l’aura charismatique que Nash semblait dégagerinconsciemmentverslesexeopposé.

–Qu’est-cequetufaislà?Tonpèreestaudernierétage.Je l’ai vu faire une petite grimace lorsque j’ai utilisé lemot père ,mais je refusais de

m’envouloirpourcela.Jemélangeais lesmots, j’avaisdumalàdireceque jepensaisauxgens,maisjenesaispaspourquoi,riendetoutcelan’étaitunproblèmequandjeluiparlais.

J’aipassélesdossiersquejetenaisàl’infirmièredel’accueiletj’aicroisélesbrastandisqu’ilsetournaitpourmefaireface.Lacasquettequ’ilportait laissait lehautdesonvisagedans l’ombre, mais je voyais qu’il avait des cernes sous les deux yeux et de fines lignesblanchesde tensionde chaque côtéde labouche.Dans l’ensemble, il avait bienmeilleureminequeladernièrefoisquejel’avaisvu.Enfin,meilleure,disonsqu’ilétait intégralementhabillé cette fois. Bien que dansma tête, je pouvais toujours le voir àmoitié nu dans lesmoindres détails. Je voulais vraiment savoir à quoi le devant de son tatouage géant étaitaccrochédanssondos.

–Tuasuneminute?Savoixétaitunpeurauquemaisilaadoucisaquestionavecundemi-sourirequiafait

trébuchermoncœur.– Pas vraiment. On est un peu débordés, aujourd’hui. Le temps rend les gens fous,

donconestsuperoccupés.Ilasoupiréetbougépourmettre lesmainsdans lespochesdesonsweat.Ducoinde

l’œil, j’ai remarqué que les autres infirmières gravitaient autour du bureau, avec unecuriositénondissimulée.

–Çaneprendraqu’uneseconde,s’ilteplaît,Saint.Jenepensaispasquelesgrosdurstatouésutilisaientdesmotscomme«s’ilteplaît»,

mêmesicelanesuffiraitpasàmesubjuguer.Ilavaituneffetindésirablesurmoietjesavaisque c’était une bonne idée de garder mes distances. Alors que je m’apprêtais à refuser,l’autre infirmièrederrière le bureau, celle qui était clairement éprisede sa belle gueule, aproposé:

–Jem’occupedeceuxquiviennentd’arriver.Vasprendrel’aircinqminutes.J’avaisenviederedirigermonregardnoirverselle,maisellevoulaitsimplementaider,

doncjemesuismorduelalèvreetj’aifaitunsignedetêteverslasalled’attente.Ilyavaitdesendroitsplustranquillesdansl’hôpitaloùj’auraispul’amener,maisêtreseuleavecluimerendaitnerveuse.

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–Suis-moiparlà.Ilahochélatêteetfaitcequejeluidemandais.Jesentaissonregardbrûlerdansmon

dos, et j’ai dû prendre plusieurs inspirations pourme calmer et imposer àmon visage unmasque impassibleavantdemeretournerpour lui faire face. Ilasoupiréetaappuyéunede ses largesépaules sur lamachineà caféprèsde laquelle jem’étaisarrêtée.Nousnoussommesregardéspendantunlongmoment.J’étaissurlepointdeleverlesmainsenl’airetm’enallercarcesilenceetsonregardintensemerendaientanxieuse,lorsquesesmotsbasm’ontsurprise.

–Philestvraimentenmauvaisétat.Ilm’aditqu’onnepouvaitplusrienfaire.Ilestentraindemouriretilal’airdesimplements’enaccommoder,jenesaispascomment.J’auraisdûêtrelàplustôt.

Sontonétaitgraveetsesyeux,souslavisièresombredesacasquette,avaientprisuneteinte lilas. Je voyais combien ils étaient humides, toutes les d’émotions qu’il essayait deravaler, et j’aidûmecontrôlerpournepas tendre lamainet le toucher,pouressayerdel’apaiser.Cen’étaitpasunanimal sauvagequiavaitbesoind’être calmé…mêmesi c’étaitunpeul’impressionqu’ildonnait.

–Jesuisdésolée.Lestadequatre,c’estmocheetlepronosticestterrible,pourtouslescancers.

Ilahochélatêterapidementetapenchélatêteenarrièredesortequ’ilmeregardaitpar-dessoussavisière.

–Jesuisdésolépourl’autresoir.J’étaisvraimentbourré,c’estlebordelpartout,etjetejure que je ne suis pas unmec comme ça, normalement. C’était très sympa de venir voircomment j’allais,et j’ai fait lepetitcon.Jevoulais justeteprésentermesexcusesettediremerci.

J’étais bouche bée. Ce n’était pas ce à quoi je m’attendais de sa part, alors je l’aisimplement fixée commeune imbécile. Il adûprendremon silencepourun rejet, car il aretirésacasquetteetfrottéunemainsursoncrânerasé.Sessourcilsfoncésétaientbasau-dessusdesesyeuxfantastiques,etsesnarinesunpeudilatées.Aveccepiercingaumilieudesonnez,celaluidonnaitdesairsdetaureauénervé.

–Essaiedemecomprendre,Saint.Mavies’estécrouléeetcen’estpas faciledegérertoutcebordel.Jesaisquetunem’aimespas,doncc’étaitencoreplusgentildepasser.Cequejenesaispas,c’estpourquoitunem’aimespas.

J’aifaitunsursautenarrièreetailaissétombermapositiondéfensive.Biensûr,j’avaismes raisons pour rester froide et garder une distance par rapport à lui, mais je n’avaisjamais voulu quemonmalaise etmamaladresse soit palpable, et surtout pas par lui. Ladernièrechosequejevoulaisétaitderevivrecemoment,cesdeuxmoments.Jamaisjeneluidiraisquesonrejet,sesmotsdurs,m’avaientchangéepourtoujours,etchangéàjamaislafaçondont jevoyais lesexeopposé.C’étaithumiliantetévidemment,bienplusmémorable

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pourmoiquepourquiquecesoitd’autre.S’iln’enavaitpasdesouvenir, jen’allaispas lelui rappeler. Il a secoué la tête et a remis sa casquette. Il s’estdécolléde lamachineet ahausséseslargesépaules.

–OK,bon. J’essaieraid’éviter lesurgences si jepeux,parceque jevoisque je temetsmalàl’aise.Jevoulaisjustequetusachesquejetesuisreconnaissantd’êtrevenueversmoi,alorsquec’estclairquetupréféreraistecreverunœilavecunecuillère.Tuesvraimentunefillesympa,Saint.Jel’aitoujourspensé.

Ila relevé lacapuchede sonsweat-shirtpar-dessus sacasquette, s’est retournéetestparti.Unefoisqu’ilaétéhorsdevue,j’aidûposermamaincontremoncœur,quibattaitàtoutealluredansmapoitrine,etmeconcentrerpournepasfaired’hyperventilation.Ilavaittoujourspenséquej’étaissympa?Alorscommentavait-ilpumepousser,meforceràsortirdemazonedeconfort,pourensuitefairecommesi jen’existaispas?Commentavait-ilpuembrasseruneautrefillejusteenfacedemoitandisquejepensaisqu’ilétaitlàpourmoi?Comment avait-il pu dire ces choses horribles qui m’avaient fait me sentir laide et sansvaleur, encore aujourd’hui ? Les beaux garçons ne devraient pas essayer de faire dumalauxfillessympas…Entouscasdansunmondeparfait,ilsnedevraientpas.

Jen’aipaseulapossibilitédem’attardersurlaquestion,caruneinfirmièreadéboulédanslecouloirencourant,àmarecherche.

– Accident sur l’autoroute. Quatre voitures, plusieurs blessés arrivent. Il leur faut aumoinsquatrechambresprêtes,peut-êtreplus.Lesambulancessontàtroisminutes,doncilnousfautdesbras.

Je n’avais plus le temps deme soucier de Nash, du passé ou du déséquilibre que jesentais à chaque fois que je le croisais. J’ai tout repoussé au fonddemoi et ai fermementrepris le rôle dans lequel je me sentais le mieux. Ici, je n’avais pas de questions, pas dedoutes, jen’étaispas timidenihésitante, j’étaisconfianteetsûredemoi.J’allaisau travailpourfairecequejefaisaisdemieux…aiderlesautres.

Celaaétéunservicelongetéreintant.J’aidûresterplustardcar,unefoislesvictimesde l’accident prises en charge, nous avons euun incendie, un autre accident, et pas une,maisdeuxblessuresparballe.C’étaitmouvementéetchaotique,etj’étaiscontentequecelame donne l’occasion de laisser de côté toutes les émotions provoquées par mes récentesrencontresavecNash,delesmettredanslacatégoriedeschosestrivialesetpassagères.

Jesortaisdel’hôpital,entraînantdespiedsetdétachantmeslongscheveuxjusque-làenroulés en un chignon serré sur le dessus de mon crâne, lorsque j’ai croisé la seulepersonne,àpartmasœur,quejeconsidéraiscommeuneamieiciàDenver.SunshineParkerétait directrice du staf infirmier, ma supérieure, et probablement la personne la plushonnête et la plus franche que j’aie jamais rencontrée. Elle était toute petite, avait desoriginesphilippines,descheveuxnoirsdejaisetunsourirequis’étendaitsurdeskilomètres.Elle avait rendu supportablemamutationdans ce servicedesurgences, sachant que tous

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mescomplexessociauxbizarresmecompliquaientsouventlaviequandilfallaits’intégreràunnouvelenvironnement.Elleavaitquelquesannéesdeplusquemoi,étaitcomplètementdévouéeàsacarrièrepouraiderlespersonnesdanslebesoin.Jevoulaisvraimentsuivresestraces. Elle était exactement commemoi, sauf qu’elle n’avait aucun problème pour parlerauxgensouinteragircommeunepersonnenormale.Etellenedevenaitpasmuetteàcaused’unesimpleconversation.

–Salut,toi.Durejournée?Jefrottaismesdoigtscontremoncrânelàoùmescheveuxavaientétéemprisonnés,et

je devais bien admettre que j’étais épuisée. Aujourd’hui, j’avais vu une quantité bien tropimportantedesangetdeboyaux,mêmepourlesurgences,etmacourteconversationavecNashm’avaitexténuée.Jemesentaisterriblementmalpourluietcelam’agaçaitd’enavoirquelque choseà faire. Je voulais lui être indifférente.Seulement celane semblaitpas êtreuneoptionautoriséeparmeshormones.

–J’aiconnumieux.Onaeuduboulot.Elleajetésacouverturedecheveuxbrillantspar-dessussonépauleetapenchélatête

enmeregardant.–Tuesunesuperinfirmière,Saint.Cetypedecompliments, je lesacceptais.Je luiaisouridetoutesmesdentsetaisorti

montéléphonequis’étaitmisàsonner.L’écranaffichaitlevisagedemasœur,doncj’aimisl’appelensilencieuxetairemisletéléphonedansmapoche.J’adoraisFaith,vraiment,maiscesderniers temps, ellenem’appelait que lorsqu’il y avaitunproblèmeavecnosparents,plusprécisémentnotremère,etledernierrebondissementpouvaitattendreuneminute.

–Merci,Sunny.C’esttoujoursagréableàentendre,etvenantdetoi,cen’estpasrien.Elle m’a souri et a posé une main sur mon épaule, ce qui devait être comique à

regardercarelleétaitbeaucouppluspetitequemoi.–Exactement.Alors crois-moi quand je tedis qu’il faut que tu te trouves autre chose

dans la vie que ce service d’urgences, ou quen’importe quel service.C’est un travail, unecarrière et oui, elle est importante, elle demande de l’acharnement et des sacrifices,maisellenenécessitepasquel’ons’yperde.Tuesunefemmeadorableetintelligente,quiaungrandavenirdevantelle.Jevoisbeaucoupdepointscommunsentrenous.Crois-moiquandjetedisqueriendetoutcelan’adesenssitun’asriend’autre.

J’aifaitunegrimaceconfuseetaibougéunpeupourqu’elleenlèvesamain.–D’oùçasort,Sunny?Elleaeuunpetitrireetaànouveaulancéseslongscheveuxpar-dessussonépaule.–J’aientenduunerumeur,queledocteurBennett’avaitinvitéeàprendreunverreet

que tu lui avais mis une douche froide. Pourquoi tu as fait ça ? Vous avez le travail encommun,doncjesaisquevoustrouverieztoujoursunsujetdeconversation.Pourquoitun’yasmêmepas réfléchi? Jem’inquiètepour toi.Tues làdepuispresquedeuxans,et tune

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sorsjamaisavecnous,tunet’ouvrespas.Jet’aimebien.Jeveuxquetuaieslameilleureviepossible.

LedocteurBennettétait lebeaupartidel’hôpital.Ilavaitvingt-huitans,unphysiquedemannequinsportif,descheveuxnoirsondulésetdesyeuxvertsde rêvequi faisaient seliquéfiertouteslesinfirmières,commetouteslesfemmesquicroisaientsonchemin.C’étaitledonJuanparfait,maisilavaitl’aird’êtreunmecsympa,etcelafaisaitsixmoisqu’ilessayaitdeme faire comprendre qu’il aimerait bienmieuxme connaître en dehors du travail. Engénéral, j’ignorais son attention. Je n’étais pas le genre de fille avec qui les docteursvoulaientsortir,etjen’étaispasdutoutàlarecherched’unplanculautravail;j’avaisdéjàtellementdemalàmecomporternormalement.Maisilm’avaitcarrémentinvitéeàsortir,àThanksgiving.Aulieuderépondre,oudebalbutieruneexcuse,j’étaispartieàtoutevitesseau moment où les infos étaient arrivées sur l’hélicoptère qui transportait Phil Donovan.J’avais vu son nom sur le dossier, et je m’étais mis en tête l’idée fixe de trouver Nash etsavoir cequ’il sepassait. Jen’avaispasvraimentditnonaudocteur,mais l’attractionqueNash semblait toujours avoir sur moi était simplement plus puissante que mon envied’apprendreàconnaîtrelebeaumédecin.

–Attends,Sunny. Je crois que jene suispas le genredeBennet, et si jene sorspas,c’est parce que je n’ai pas vraiment le temps. Je travaille, et tu sais combien c’est la folieavecmamère.Maisj’aiunebellevie.

–Unebellevie,c’estdifférentd’uneviecomblée,Saint.Silemect’ainvitéeàsortir,onpeutdirequetuesclairementsongenre.Ilfautquetut’achètesunnouveaumiroir,unquite montre exactement ce que tous les autres voient quand ils te regardent. Je necomprendraijamaisquetun’arrivespasàvoirquetueslegenred’àpeuprèstouslesmecs.

Jevoulaisluidirequ’elleavaittort,quejevoyaisbiencequetoutlemondevoyait.Maisque jamaisundécolleté incroyable,une joliesilhouetteensablier,etdebeauxcheveuxnepourraient compenser le fait que j’avaisdumal à créerune connexionavec les gens.Quefaire assez confiance à quelqu’un pour lâcher prise etme détendre était quasi impossiblepourmoi,ouquelefaitd’essayerdeparlerdelapluieetdubeautempsetsimplementagircommeunefillenormaleétaitunetâcheinsurmontablepourmoi.J’avaistoujourstellementpeurdedireoudefairecequ’ilnefallaitpas.Jen’aipaseuàluifournird’autresexcuses,d’autre justification, grâce à mon téléphone qui s’est remis à sonner. Je visualisaisparfaitementlatêtedemasœurénervéeàl’autreboutdufil.

–Ilfautquejeréponde,Sunny,maissérieusement,mercidefaireattentionàmoi.–Pasdeproblème,chérie.Ilfautbienquequelqu’unlefasse…Tupassestropdetemps

àt’occuperdesautresetpasassezdetoi.Commepourappuyersonpropos,dèsquej’aipassélesportescoulissantesdel’hôpital,

lavoixdeFaitharésonné,stridentedansmonoreille.–Tufiltresmesappels?

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Faithetmoiétionsproches.Commenousn’avionsqu’unandedifférence,nousavionsétéensembleàl’écolejusqu’àcequ’ellefinisselelycée.Partirétudiersurlacôteouestavaitété une nécessité pour moi, mais cela avait aussi été difficile de la laisser derrière moi.Maintenant, elle était mariée avec son amoureux de la fac. Ils avaient quatre enfants demoinsdeseptans,etattendaientlecinquième.Elleétaitlaprincipaleraisonpourlaquellej’étaisrevenueàDenver,mêmesij’adoraislaplage,quel’hôpitaletlesgensdemonboulotenCaliforniememanquaient,etque j’avaiseubeaucoupdemalà revenirdanscettevillequimerappelaitlafillequej’étaisplusjeune.

– Non. J’ai dû travailler plus tard que prévu et j’ai discuté avecma chef en sortant.Qu’est-cequ’ilya?

Jel’aientendusoupirerdanssontéléphonetandisqu’undesgaminshurlaitderrière.–TuasparléàMamancettesemaine?Sachantque j’avaispasséune folle semaine,àalternerentremepuniretmegronder

parcequejepensaisàNash,non,mamèren’avaitpasfaitpartiedespriorités.–Non.J’aiétéoccupée.Pourquoi,illuiestarrivéquelquechose?Mesparentsavaientétémariéspendantplusdetrenteans,etheureuxpendantvingt-

cinq.Àuncertainmoment,alorsque j’habitais loinetqueFaith fondait sapropre famille,monpèreavaitdécidéqu’êtretoutseulàlamaisonavecmamèren’étaitpasdrôle.Ànotreinsu, il avait commencé à fréquenter sa très jeune assistante dentaire, qui travaillait danssoncabinet.Leurmariageavaitsurvécujusqu’àcequemamèrenesupporteplusl’infidélitéetl’insulte.Résultat,undivorceparticulièrementviolentetmocheavaitcommencédeuxansplus tôt. Il n’en finissait pas, rempli de haine et de chamailleries, et avait non seulementopposé mes parents, mais en avait presque fait des inconnus pour Faith et moi. C’étaitl’autreraisonpourlaquellej’étaisrentrée.Jevoulaisrécupérermamère.

Mamèrevoulaitquenousn’ayonsplusdutoutaffaireànotrepère.Elleétaitencolère,irrationnelle, et elle ne se concentrait que sur Faith et les petits. Cela rendait ma sœurdingue,etaprèsuncoupde téléphonede tropdesapart,enpleursetdésespérée, j’avaispostulé au Denver HealthMedical Center et j’étais venue donner un coup demain pouressayer de limiter les dégâts.Mamère était au bord de la crise. Je le voyais arriver droitdevantcomme le radarattenduà la sortied’un tunnel,mais il semblaitque jenepouvaisrien faire pour l’empêcher. Elle s’auto-médicamentait, prenait des cachets et buvait sonpoidsenvinpouressayerdesurvivreàladouleur.C’étaithorriblepourtoutlemonde,carmêmesilesactionsdemonpèrenousavaientfaitdumalàtous,cen’étaitpaspossibledecomplètementlefairesortirdenosvies,etcelarendaitmamèrefolle.

– Oui, il est arrivé quelque chose. Un des voisins m’a appelée pour me dire que lespompiersétaientàlamaison.Apparemment,elleestsortiedanslejardinetajetétouteslesvieillesphotosdefamilledanslebarbecuepourlesbrûler.

J’aigrognéetaimarchéjusqu’auparkingoùétaitgaréemavoiture.

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–Sérieux?Faithasouffléetj’entendaiscombienelleétaitfatiguée.–Ouais.Lefeuestdevenuincontrôlableàcauseduventetdelaquantitéd’essenceà

briquetqu’elleautilisé.Unepartiedujardinaprisfeu.Jesupposequeçan’auraitpasététrès grave siMaman avait réagi, essayé de jeter de l’eaudessus ou j’en sais rien,mais lesvoisinsm’ont dit qu’elle était restée là debout à regarder le feu en riant commeune follejusqu’àcequelespompiersarrivent.Elleauraitpufairebrûlertoutlequartier.L’associationdepropriétairesn’estpasravie.

Elleacriéquelquechoseàundesenfantsetmarmonnéautrechoseàsonmaritandisquejemontaisdanslavoitureetchauffaislemoteur.

–Elles’enfonce,Saint,etjenesaispascommentl’arrêter.Ellevafinirdansunservicepsychiatrique ou en prison si on ne trouve pas de solution. Elle est passé d’embêtante àinquiétante.Etsielleessaiedesefairedumal?

J’ai dû baisser l’autoradio car une chanson de Band of Skulls s’est lancée à pleinvolumequandj’aidémarré.J’aimontélechauffageetaitapotémesdoigtssurlevolant.

–Jenetravaillepasjeudi.J’irailuiparler.– Oh, Saint, non. Ça va juste vous énerver toutes les deux. J’avais juste besoin d’en

parleràquelqu’un.Ilsmefatiguent,touslesdeux.– C’est tellement triste, Faith. Il faut que quelqu’un essaie de lui faire retrouver la

raison.Elles’estfaitlarguer,cen’estpaslafindumonde.Jesaisquel’infidélitédePapaluia fait beaucoup demal, et qu’elle n’accepte pas du tout sa nouvelle copine,mais il fautvraimentqu’ellearrêteça,etqu’elleavance.Onl’afait,nous.

Je croisque celaavait étéplus facilepourmoi car jen’avais jamaisvraiment imaginéqu’unhommepuisseêtrefidèleàunefemme.

Faith a émisungrognement et j’ai entendudes bruissements tandis qu’elle passait letéléphoned’uneépauleàl’autre.

–Dit la fille qui a laissé unméchant garçon gâcher son idée de l’amour pendant leshuitdernièresannées.Admets-le,Saint,lesfemmesnesaventpasgérerlespeinesdecœurdanscettefamille.

J’aidûfaireunbruitsansm’enrendrecomptecarsavoixétaitplusaigüequandelleademandé:

–Tul’asrevu?J’ai lâché un souffle entre mes dents, ai fermé les yeux et laissé ma tête tomber en

arrièrecontreledossier.Jen’auraisjamaisdûluidirequej’avaiscroiséNashquandilétaitvenu chercherRome après cette baston dans un bar il y a quelquesmois. Tout ce que jevoulais était rentrer chez moi, prendre une douche chaude, et laisser toute la journéedisparaîtredanslesiphon.

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–Ilaquelqu’undesafamilleauserviced’oncologiedel’hôpital.Jel’aicroiséquelquesfois.

Elleafaitunbruitcommeungrognementdanslefonddesagorgequim’afaitrigolerdeceréflexeprotecteur.

–Tuluiasditd’allersefairefoutre?Faith pensait, depuis longtemps, qu’il fallait que j’envoie chier Nash, que je lui dise

combiensesparolesirréfléchiesm’avaientfaitdumal,etmedechargerdupoidsdesdégâtsqu’ilavaitfaitsdevantsaporte.Ellepensaitqu’ilétaituneépinedansmonpied,quidevaitêtrearrachée,vitefaitbienfait.

–Non.Engros,jemetransformeenmimeaveclui.Jeleregarde,boucheouverte,etjelefixebizarrementjusqu’àcequ’ilsoittropmalàl’aiseetqu’ilparte.

Elleariunpeuetj’aientendusonmariluiposerunequestion.– C’est vraiment dommage qu’il n’ait pas pris beaucoup de poids, ou qu’il n’ait pas

chopéunemaladiequirongelapeauetquil’auraitrenduhideux.Del’index,j’aidessinéuncœursurlavitrecouvertedebuée.–Non.Ilesttoujourstrèsbeau,encoreplusqu’aulycée,justebeaucoupplustatoué…

et,tuvois,bienfoutu.Il était ridiculement beau, et ces yeux… Mon Dieu, ces yeux faisaient tomber des

culottes.– Ça fait chier et tu ne devrais même pas remarquer ça. Tu devrais lui dire d’aller

creverdansuncoin.Ne t’approchepasde lui,Saint.Pour tonbien.Écoute, il fautque j’yaille.Justinmedemandedesurveillerlespetitspendantqu’ilfaitàmanger.

–Jetepasseraiuncoupdefilquandj’auraiparléàMaman.–Rho,d’accord.Mais,jepensetoujoursquec’estundésastreassuré.Sonmanquedeconfianceétaitaccablant,mais il fallaitque jem’assurequemamère

n’étaitpasalléetroploindanssonchagrind’amour.–Sûrement,maisilfautquejelefasse.Faisunbisouauxenfantspourmoi.– D’accord. Sérieusement, Saint, évite Nash Donovan. Je crois que ton cœur ne s’est

jamaisremisdelapremièrefoisqu’ill’apiétiné.Jeluiaiditaurevoiretaijetémontéléphonesurlesiègepassageràcôtédemoi.Elleavaitraison.Moncœurn’avaitplusjamaisétélemêmeaprèstoutcequ’illuiavait

fait subir. Même s’il ne savait pas que j’avais des sentiments pour lui, même s’il m’avaitsembléêtreunmecsympaàquelquesoccasionsrapides, lafaçondont ilavaitdétruit toutcelasanss’enrendrecompteétaitimpardonnable,encoreaujourd’hui.

Unefoispartieà l’universitétouteseule, leschosesavaientcommencéàchangerpourmoi.LestyledeviesaindelaCalifornieavaitchangémonphysique,etparcequepersonnelà-basnesavaitquij’étais–unegrossenazesansamis–,ilavaitétéplusfaciledeparlerauxgens. Cela avait rendu aussi le fait de recevoir de l’attention des garçons… pas vraiment

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facile, mais gérable. Et j’avais donc commencé à sortir avec des mecs, pas sérieusement.J’aimaiscertainsgarsmieuxqued’autres,aveccertainsjemedétendaisassezpourpasserlapremièreétape,puisladeuxième,maiscen’estquelorsquej’aieumonpremieremploidansunhôpitalàLosAngelesetquej’airencontréuninfirmiernomméDerekquej’aiétéassezàl’aise,faitassezconfianceàquelqu’un,pourm’allongerdanssonlit.

Nousétionsensembledepuis troismois, ilétaitgentil,avait lamêmepassionquemoipourlamédecineetledomainedelasanté,etaiderlesautres.Ilétaitvraimentmignonetilsemblaitbienm’aimer,vraimentbeaucoup.Ilmerépétaitencoreetencorequ’ilmetrouvaitdrôle, intelligente, jolie, et qu’il aimait être avec moi, et il n’insistait jamais. Les chosesavaientévoluénaturellement…Unechoseenentraînantuneautre,nousavions finiau litensemble.C’estàcemomentquelaseuleetuniquerelationque j’avaisessayéd’avoirs’estécroulée. L’idée d’être nue, à découvert et exposée à quelqu’unme terrifiait. L’idée d’êtrejugée et trouvée pas assez bienmedonnait des boutons et des sueurs froides. Il n’y avaitrienderomantiquenidesexychezunefillepourquilesexeestuneépreuve,quipleureetcourtverslaportedèsquec’estfini.

MaisDerekétaitunmec superet il voulait resteravecmoi, voulaitqu’on travaille là-dessus, et avait fini par me convaincre, à l’usure, de donner une autre chance à notrerelation.Seulementlesexen’avait jamaismarchécommejelevoulais,commeil levoulait,et il n’a pas fallu longtemps avant que je le trouve dans les bras d’une autre infirmière.Évidemment,ellen’étaitpasenpleursetn’avaitpas l’airdeseforceràsupporter lachoselorsque je les ai surpris chez lui. Cette trahison m’avait blessée, et avait complètementrenforcé ma conviction que je ne pouvais faire confiance à aucunmec, qu’ils choisiraienttoujourslafacilitéplutôtqu’unefillepleinedecomplexesetsansaucuneconfianceenelle.Mais Derek avait toujours été beaucoup plus intéressé par moi que moi par lui, ethonnêtement,avoiruneexcusepourm’enalleralorsqu’ilsemblaittoutgentiletattentionnéavaitétéunsoulagement.C’étaitépuisantdeforcerleschoses,d’essayerdefairecommesile sexe devenait meilleur et que j’appréciais de plus en plus… Je ne lui en voulais pasd’avoireuenviedecoucheravecunefillequisecomportaitnormalementaulit.

Ensuite, il y avait eu un mec ou deux que j’avais trouvés assez intéressants pourréessayer, en pensant que j’auraismoins de pression avec un coupd’un soir. Jemedisaisque si le gars ne me connaissait pas, ne savait pas comment je fonctionnais, je pourraispeut-êtregardermapeur irrationnelledu rejetetdesmauvais jugementsàdistance.Celan’a jamaismarché. Jeme sentais toujoursmal et je voulais juste que cela se finisse, alorsaprèsladeuxièmefoisoùl’onm’atraitéed’allumeusefrigide,j’aidécidéd’arrêterd’essayerdeprovoquerleschoses.J’aicessédepenserquedeshistoiresnormalesallaientm’arriver.

JenemettaispasabsolumenttousmescomplexessurledosdeNashetdecequ’ilavaitfait. Un bon nombre d’entre eux étaient ancrés enmoi simplement parce que j’étaismoi.J’étais la fillebizarre, cellequine s’intégraitpasvraiment.Faithétaitgrandecommemoi,

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ellearboraitaussidescheveuxd’unrouxflamboyant,maislessiensétaientcontrôlablesetjecrois qu’elle n’a jamais eu un seul bouton de sa vie. Elle était joyeuse et populaire, ellejouaitauvolleyball,et faisaitpartiedetoutessortesd’associationsetdeclubs.Elleétait lemélange parfait demes deux parents et pourtant, arrivait tout demême à être une fillegentilleetcharmante.Personnenesemblaitsavoirquoifairedemoi,mêmeàlamaison,oùjesavaisquel’onm’aimaitinconditionnellement.Malgrécela,pouressayerdem’aider,mesparents m’avaient fait suivre régime après régime, m’avaient traînée de dermatologue endermatologue, et inscrite d’activité en activité, et tout cela s’était avéré être une perted’argent. Je savais que celapartait d’unebonne intention, qu’ils voulaient que je sortedemacoquilleetquejevivemavie,maistoutcequ’ilssontparvenusàfaireétaitdemefairesentirinférieureetmaldansmapeau.

Bien sûr, cela n’avait rien arrangé à mes soucis lorsque, pile au moment où Derekm’avaitconfirméqu’ilnefallaitpasfaireconfianceauxhommes,monpèreavaitdécidéqu’ilen avaitmarre demamère et qu’il voulait l’échanger contre unmodèle plus récent. Peuimportait que nous soyons une famille aimante, attentionnée et solide, que nous nousaidionsetnoussoutenionslesunslesautres.Non,cequicomptait,c’étaitunepairedeseinsbienfermesetunsourirepleindedentsquiluifaisaientperdredixans.Iln’apasréfléchiàdeux fois avant de briser notre famille, et j’en ai gardé une profonde conviction que leshommeschoisissaient toujours la facilité.Si l’onmetune jolieet/ou jeune filledevanteux,leurpénisallaitfinirparfairelechoixpoureux,etc’étaitnul.

Mêmesi je savaisqu’iln’étaitpaspourmoi, j’avais construitun fantasmeextravagantautour de Nash, ou de celui que je pensais qu’il était à l’époque. J’aimais le fait qu’ils’intéresse à l’art, je trouvais un charme dangereux et cool dans le fait qu’il peigne desgraffitisetqu’ilaime les tatouageset lespiercings.Comme laplupartdesadolescentes. Jepensaisqu’ilétaitdifférent,jepensaisquesafaçond’interagiravecmoidevantnoscasiersleplaçaitau-dessusdel’attitudedetouslesautresadostypiquesdulycéeenversmoi.Quandj’aidécouvertàquelpointjemetrompais,celam’avaitdétruiteetavaitcreuséencoreplusprofondletroudanslequelmoietmaconfianceenmoiétionstombés.Ilavaitfalluquejedevienne infirmière, que je trouve un sens plus grand àma vie, pour arriver à descendredans ce trou profond et sombre pour en sortir tous ces fragments demoi. Je n’étais pasencorecomplètemententière,maisj’étaisbienmieuxqu’àl’époque.

Faithavaitraison.LesfemmesFordavaientdumalavecleschagrinsd’amour,etcelamerépugnaitd’admettrequ’unbaiseralcoolisédeNashavaiteuplusd’effetsurmoi,avaitprovoquéuneplusgrande réactionchezmoique les troismoisdecourdélicatedeDerek.J’étais assezmaligne pour savoir que ce n’était pas bon signe, et qu’il fallait que je suivel’avertissement sévèredeFaithetque jene l’approchepas.NashDonovann’étaitpasbonpourmaperceptiondemoioupourmesobjectifs :garder le contrôle surmavieactuelle,propreetnette.

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Chapitre5NASH

J ’étais épuiséet jem’énervaisdeplusenplus facilement.Au lieude travaillerdemidià

19h,ilfallaitquej’arriveà9hetquejerestejusqu’à20h,voireplustard,pourrattrapertousmesrendez-vousaveclesgensquej’avaisplantésàcausedemonpétagedeplombdela semaine passée.Mon carnet de rendez-vous était quasi toujours plein, alors essayer dereplanifiertouteunesemainedetravailn’étaitpasseulementuncauchemarpourmoi,maisaussipourCora,quiétaitprêteàm’étrangler.

J’essayaisaussiderendrevisiteàPhilàchaquepausedéjeuner,cequiveutdirequejen’avaisaucunmomentderepos.Iln’étaitpasenforme.Ilavaitdel’eaudanslespoumonsetlesantidouleursqu’onluidonnaitpassaientmalauniveaudel’estomac,doncilavaitdumalàgarderquoiquecesoit.C’étaitduretilmaigrissaitàvued’œil.Levoirs’effacerfaisaitremonter des centaines de questions qui tournaient dans ma tête. Je voulais vraiment leprendre entre quatre yeux et lui demander de raconter toute l’histoire. Le choc s’était unpeuatténué,etmaintenantjevoulaisdesréponses.Jen’avaispluspeurdesaréaction.Cen’étaitpaspossiblequePhilaithonteousoitdéçuquejesoisdesonsang.

J’aurais pu simplement harceler ma mère jusqu’à ce qu’elle cède et me donne desdétails, mais traiter avec elle avait toujours été un cauchemar et je ne savais pas si ellefiniraitparmedirelavérité.Coram’avaitditquesonpèresemblaitêtreauparfum,etelleétaitparfaitementprêteà lui tirer lesversdunez si je levoulais.SonpèreetPhil étaientensembledanslaMarineilyadesannées,etavaientgardéunlientrèsfortdepuis.

Je lui avais demandé d’attendre car je devais donner aux personnes concernées, quim’avaientlaissévivredanslemensongesilongtemps,ledroitd’expliquerleursdécisions.Enrevanche,siPhilnesedécidaitpastrèsvite,j’allaisaccepterlapropositiondeCoraetjenemesentiraipascoupablepourunsou.

J’étaistoutseuldanslesalon.JedevaisfinirunHelloKittyzombiesurlajambed’unefille. J’en avais tellement marre, des zombies. Tous les jours, je voyais des Elvis zombie,

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Marilyn zombie, Harry Potter zombie… des zombies partout, tout le temps. Jem’assuraistoujoursdedonner100%demonattentionetdemonapplicationàchaquetatouagequejefaisaissurunclient.Jeleurdevaisaumoinscela,sachantqu’ilsallaientexhibermontravailpour toujours, mais en réalité, je me demandais si certains de mes plus jeunes clientsréfléchissaient au caractère passager des tendances. Dans cinq ans, le zombie Elvis neparaîtrait plus du tout aussi cool qu’il l’était aujourd’hui, donc je devais m’assurer qu’aumoins,c’étaituntatouagesuperbienfait,mêmesilesujetneresteraitpasàlamode.

J’étais en train de finir et j’ai regardé l’horloge sur le bureaude l’accueil pour voir sij’avais letempsdepasserà l’hôpital.J’aialorsétésurprisdevoir laported’entrées’ouvrirsurRowdy,quientra tranquillement.RowdySt. James ressemblaitàuneversionmodernedeJamesDean.Ilavaitunairrétrocoolbienàluietétaitundesgarslesplusdrôlesquejeconnaisse.Ilrendaitl’ambiancedanslesalonpluslégère,carRulepouvaitvraimentêtreuncon et Cora aimait bien provoquer des mélodrames et se mêler des affaires de tout lemonde.J’ailevéunsourcilenlevoyantetaifinideplastifierlafilleetsonzombie.

–Quoideneuf,mec?Laclienteapayéetm’aditàquelpointelleétaitfolledejoieavecsonchatonzombifié

tandisquejelaraccompagnaisjusqu’àlaporte,quej’aiferméederrièreelle.–Tufaisdeshorairesdefoucesdernierstemps,mec.Pourappuyersonpropos,j’aibâilléetaidûfairecraquermanuque.–C’estmafaute.Jen’auraispasdûfairel’enfoirécommeçalasemainedernière.–C’étaitunpeulourdd’encaissertoutça.–Ouais,maisjesuisungrandgarçon.Jemesuiscomportécommeunbébé.–Personnenet’enveut.Non,c’étaitvrai,maisilsauraientdû.IlavaitfalluqueSaintsepointeetmedisedeme

sortirlatêteduculpourdépassermonmélanged’émotionsetqueRulemeforceàfairecequ’ilfallait.

–Qu’est-cequetufaislà,sitard?luiai-jedemandéencommençantàdébarrassermastation.

– Je te cherchais. Je suis passé voir Phil à l’hôpital et ilm’aparlédunouveau salon.C’estplutôtcool.

–Ouais…mêmesijen’aiaucuneidéedecequejedoisfaire.Ilaeuunpetitrireets’estappuyécontrelebureautandisquejenettoyaistoutavecun

antiseptiquepuissant.–Ehbien,jenesaispasdutoutcommentembaucheruneéquipe,etcroirequetuvas

trouverquelqu’uncapablederemplacerCora,c’estuneutopie.Onn’enfaitplusdescommeelle,d’ailleursonenafaitqu’uneseule,jecrois.Lemonden’auraitpaspuensupporteruneautre.

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J’airicarc’étaitvrai,etjemesuislevépourfairecraquermondos.Onauraitditquejemecassaisdepartout.

–Certes.–Jeconnaisunmec,ilfaitdesrénovationssurmesureetdestrucscommeça.C’estun

mec bien, un demes clients, en fait. Je voulais juste te dire que j’avais quelqu’un sous lecoudepourlemomentoùilfaudratransformerlelocalensalondetatouage.

–C’estqui?–ZebFuller.J’avais déjà entendu ce nom. Zeb était dans les voitures aussi. Il avait une vieille

Internationalqu’ilamenaitchezlemêmemécanoquandlabêteavaitunproblèmequejenepouvaispasréglertoutseul.

–Cool.J’ypenserai.Jen’ysuismêmepasencoreallé.EntrerattrapermesheuresicietpasserdutempsavecPhil,jecoursconstamment.

Sansparlerdu faitque,mêmesi je savaisqu’ellevoulaitque je la laisse tranquille, jecherchais toujours Saint discrètement chaque fois que je passais les portes de l’hôpital.Jusqu’ici,jen’avaispaseudechance,maiscelanem’empêchaitpasdelachercherdesyeux.

– Ouais, j’ai remarqué ça, et Rule est en mode super marié. Comme les choses ontchangédans le coin en quelques années…! Jeme souviens quandonne voulait tous ques’amuseretboiredespintes.

–Eh,jesuistoujourscommeça!Je ne croyais en mon argument qu’à moitié, au mieux. J’étais trop fatigué pour

m’amuser.Ilm’ariaunezetalevéaucielsesyeuxdelacouleurdel’océan.–Non,non,Nash.Toutenotrebandeestentraindesemarieretd’avoirdesbébés,on

grandittousetonsepose.Rowdy était le plus jeune de notre bande de frères d’armes, donc c’était drôle

d’entendrecelavenantde lui.J’aiéteint les lumièreset tiréunbonnetnoirsurmoncrânerasé.

–Ilfallaitbienqueçaarrive,j’imagine,maislemariageetlesbébés…paspourmoi,ai-jeditenfaisantunegrimace.

–Onverra,frère.Onverra.Honnêtement,cen’estpasvraimentpourtoutçaquejetecherchais.J’aiuneidéedontjevoulaisteparlerpourlenouveausalon.

Rowdy était un gars intéressant. Il était drôle, le blagueurdu groupe,mais il y avaitaussibeaucoupd’autres choses sous la surface. Jepensequec’estpour celaqueJetet luiétaientsiproches:ilyavaitbeaucoupplusàdécouvrirchezluiquecequelesgensvoyaientaupremierabord. Il étaitbienpluspassionnépar sonartque le restedenotrebande. Jepense que sous ses cheveux phénoménaux, ses rouflaquettes parfaitement taillées et sonpersonnagejovial,ilyavaitl’âmed’unvraiartiste.Jerespectaiscela,etjelerespectais,lui,donc s’il avait une idée, j’étais plus que disposé à lui donner une chance. En plus, cela

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devait vraiment être importantpour lui s’il venaitm’enparlerune foisque tout lemondeétaitparti.

–Vas-y.J’étaissurprisdevoirqu’ilavaitl’airunpeustressé.Jevoyaisunpeuderosederrièrele

grandtatouaged’ancrequ’ilportaitsurlecôtéducou.–Coram’aditqu’ilyavaitunespacevideàl’étagedunouveaulocal,oùilyavaitdes

bureaux et tout ça. Je crois que tu devrais en faire une boutique. Garder le salon detatouageetlepiercingenbas,maisenhauttudevraispenseràvendredestrucs…Genre,notre propre marque. Autre chose que des T-shirts et des conneries comme on faitmaintenant.Jepenseaussiqueçaseraitunebonneidéed’exposerdesœuvresoriginalesdesartistes.CommeRulequia faitune fresquepour lesmecsriches,et l’arrièredurestaurantque tuas refait engraffiti surBroadway.Lesgensachèteraient, et vuoùc’estplacé, vouspourriezvendreçaunefortune.

Jen’aipuqueleregarderfixement.Iladûprendremaminestupéfaitedetravers,carilahaussélesépaulesetlevésamaintatouéepoursefrotterlanuque.

–Oupas.C’estjusteuneidée.J’aiclignédesyeuxetailevélebraspourpoussersursontorseavecmamain.–Uneputaindebonneidée.Merde,mec,c’estàtoiquePhilauraitdûconfierleprojet.

Jenesavaispasquetuavaislesensdesaffairescommeça!Nous sommes sortis par la porte d’entrée dans l’air froid duColorado. Le frais a fait

sortirtoutl’airdemespoumonsetm’afaitfrissonnersousmonsweat.–J’aijusteobservécequeRomeetAsaontfaitdecevieuxbarqu’ilsgèrentetjemesuis

dit qu’on devrait essayer de passer au niveau supérieur nous aussi. J’adore cet endroit,j’adorecequ’onfait,alorspourquoinepasallerplusloin?

– Ça veut dire que la personne qu’on va embaucher pour gérer les deux salons à laplacedeCoradevraêtreparfaite.Tuneconnaîtraispasquelqu’unquipourraitfaireça,parhasard?

J’ai tapoté la poche demon sweat par réflexe pour trouvermes cigarettes et ai faillipiquer une crise quand jeme suis rendu compte qu’elle était vide. Arrêter, c’était nul, etj’étaisnulpourarrêter,maisj’essayaisvraiment,etchaquefoisquejevoyaisPhildanscelit,celadevenaitunpeuplus facile.Rowdyasecouésa têteblondeeta remonté lecoldesachemiseenflanelleautourdesoncou.

– Nan,mais tu trouveras quelqu’un. Tu as un bon instinct avec les gens et Rule estcommelegardiendesenfers.EnpluslapersonnequetuprendrasdevrapasserletestCora.Il faut que tu reconnaisses tes talents, Nash. C’est la vie de Phil, c’est son héritage…Évidemment,c’estàtoiqu’ilvavouloirfaireconfiancepourça.Onestunefamille,ilvoulaitque tu fassesperdurer la traditionetque cet endroit resteunemaison.Tuvas t’en sortir,frangin.Aiesunpeudefoi.

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JemesuiscontentédegrogneretaitournépourmedirigerverslaCharger.Delégersfloconsdeneigecommençaientàrecouvrirlesol.

Jeluiaijetéuncoupd’œilquandilademandé:–Eh,j’aientenduquetanouvellevoisineétaitunbon10/10.C’estquoi,l’histoire?J’aisoulevéuneépauleetl’ailaisséeretomber.L’histoire,c’étaitquesescheveuxétaient

delamauvaisenuancederouxetsesyeuxétaientfoncés,pasd’ungrisapaisantetdélicat.– Trop occupé, trop énervé avec Phil… Je ne sais pas. Passe boire une bière et tu

pourrasteprésenter.Il n’a pas répondu,m’a seulement lancéun regard.Un regardqui voulait clairement

direque si jen’essayaispasde faire tomber laculottede lavoisine sexy, c’estqu’il yavaitautrechose.Parchance,on segelait,doncaucundenousdeuxnevoulait traînerdehorssur le trottoir, et j’ai pum’échapper proprement sans avoir à patauger pour trouver uneexcusebidonquantauxvraiesraisonspourlesquellesjenedéversaispasmoncharmesurlabelleplanted’enface.

Quand je suisarrivéà l’hôpital, il étaitpresque21h. J’ai essayédemegarerprèsdel’entréepournepasavoiràcouriretme lesgelerencoursderoute,mais ledestinn’étaitpasdemoncôtéet ilm’afallucinqbonnesminutespourfaire le tourdubâtiment jusqu’àl’entrée après avoir trouvé une place. Jemarmonnais dansma barbe qu’ilme fallait unecigarette et je me frottais les mains pour les réchauffer en passant le coin du bâtimentprincipal,quandjemesuissoudainarrêté,hésitant.

Saintfaisaitlescentpassurletrottoir.Dubâtimenttombaitunelumièresurnaturelleetétincelante, comme si les cieux l’illuminaient de leurs lueurs, faisant briller chaque floconcoincédanssescheveuxmagnifiques.Saintn’étaitpasque sonprénom…C’était commesiune force invisible me poussait à voir tellement plus en elle. Ses cheveux normalementattachésvolaientdanstouslessensautourdesonvisagepâle,commedufeuetducuivre.Les flocons s’accrochaient dans sesmèches follesmais elle ne semblait pas le remarquer.Elleportaitsabloused’infirmière,pasdemanteaunidegants,etlefroidnesemblaitavoiraucun effet sur elle tandis qu’elle déambulait et tournait en rond. Elle se déplaçait sanslogique,lesbrascroisésautourdesontorsecommesielleessayaitdesefaireuncâlin.

Jesavaisqu’ellenevoulaitrienavoiràfaireavecmoi,qu’ellevoulaitfairecommesijen’existais pas,mais je ne pouvais pas passer devant elle sansmême lui demander ce quin’allait pas. Je n’étais pas ce genre de personne, et surtout, je voulais vraiment savoirpourquoielleétaitlàdehors,visiblementperturbée,etpourquoiellen’avaitpasdemanteaualorsqu’ilfaisaitsifroid.

–Saint?J’aiditsonnomdoucementetmesuisapprochéd’elle.Quandelles’estretournée, j’ai

vudeuxtracesdelarmesgeléessursesjouesetjesentaispresquelatensionquiémanaitde

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soncorps.J’étaissurprisquelaneigequitombaitsursonvisageets’accrochaitàsescilsnefondepasimmédiatement,avectoutelachaleuretl’énergiequ’elledégageait.

–Çava?Elleaclignédesyeuxcommesiellenemereconnaissaitpas,etjemesuisditquec’était

peut-êtreàcausedubonnetquej’avaissurlatête.Elleaouvert laboucheet l’a laisséeserefermer comme si les mots ne voulaient pas sortir. Ses bras sont tombés le long de soncorpsetellem’afixé,sansriendirenibouger,pendantunlongmoment.J’allaism’excuserdel’avoirdérangée,unefoisdeplus,quandelles’estbrusquementavancéeversmoi…Elles’est élancée comme si elle avait été arrachée de terre. Je ne savais pas ce qu’elle faisait,maisl’expressiondesonvisageétaitdéterminéeetconcentrée,alorsjemesuispréparéàcequ’ellememetteuneclaquesur la têteouuncoupdegenouentre les jambes.Aveccettefille,jenesavaisjamaisdequelcôtéleventallaittourner.

Jen’étaispasprêtàcequ’ellesejettecontremontorse.J’aiétésiprisdecourtquej’aimêmedûfaireunpasenarrièreenpassantlesbrasautourdesataille.Ellealevélesbrasetpassésesmainsautourdemesépaulesetaenroulésesdoigtsglacéssouslecoldemonsweatetlesaenfoncésdansmanuque.Sesseinssesontécraséssurmontorseetseslongscheveuxsesontemmêlésdansmesdoigtsquitenaientlebasdesondos.Ilsétaientsoyeuxet froids, comme si je touchais du givre sur une vitre. J’étais abasourdi, j’essayais decomprendrecequ’elleétaitentraindefaire, lorsqu’elleajetésabouchecontrelamienne.Heureusementqu’elleétaitgrandeetqu’ellen’avaitpasbeaucoupdecheminàfaire,cars’ilavaitfalluquejelaporte,ilyauraiteudeforteschancesquejelalaissetomberparterre,d’étonnement.

Saboucheétaitchaude,frénétique,sauvageetdésespérée.Elleavaitungoûtd’hiveretd’agrumeacidulé.Jelesavaiscarellen’hésitaitpasàfaireroulersalanguedansmabouchesurprise. J’avais été embrassé par beaucoup de filles, sûrement trop depuis toutes cesannées,maispasune seulenem’avait fait passerd’un état confortable à l’impressionquemon boxer était dix fois trop petit en une fraction de seconde, commeSaint le faisait. Cen’était même pas parce que c’était un super baiser. Il y avait quelque chose derrière,quelque chose avec plus demordant, plus de sens que tous les autres baisers dont jemesouvenais. La façon dont ses lèvres douces appuyaient fermement sur les miennes, celledontelleutilisaitsesdentsenmordantjusteassezouquandsesonglescourtss’enfonçaientdanslestendonsdechaquecôtédemoncou,celameretournait.

Sinousn’avionspasétédebout,dehors,souslaneige,enpleinmilieud’untrottoir, jel’auraisplaquéecontreunmur…Putain, j’auraistrouvéuncoinconfortableparterreet jel’auraislaisséeévacuercequilatravaillaitdelamanièrelaplussexyetcochonnequisoit.Sielle avait besoind’un exutoirephysiquepour exprimer ses émotions, je ne serais que tropheureux de donner de mon temps et de mon corps. J’avais le drôle de sentiment que si

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jamais j’avais un jour la chancede la déshabiller, je ne la laisserais plus jamais porter devêtementsenmaprésence.

Elleaglissésesmainsjusqu’àmonvisageetaprismesdeuxjoues.Elleacommencéàfrissonner, et quand elle a reculé, j’étais prisonnier de l’orage tournoyant qu’étaient sesyeux.J’ailevéunemainetaiessuyéunelarmesolitaireetcristallinecoincéesursoncilavecledessusdemondoigt.Elleasouffléunsoupirhachéetafermélesyeux.

–Jesuisdésolée.Jenevoulaispast’attaqueravecmabouche.Elle avait l’air gênée et triste en même temps. J’ai explosé de rire et fait un pas en

arrière lorsqu’ellea laissétombersesmains.Elleavaitdûreprendreunpeusesespritscarelle s’est mise à trembler. J’ai soupiré et ai ouvert la fermeture de mon sweat-shirt pourpouvoir le lui donner. Ellem’a regardé sans rien dire pendant une seconde, puis elle l’apris.

–Saint,tupeuxm’attaqueravecn’importequellepartiedetoncorpsquandtuveux.Jenem’enplaindraipas…Jamais.

Ellearigoléunpeuentremblant.–Merci.–Tuveuxparlerdecequit’afaitsortirfairelescentpassouslaneige?C’étaitrisqué.Ellen’avaitjamaisvraimentsembléavoireuenviedemeparler,maiselle

avaitencorel’airsipréoccupéqu’ilfallaitquejeluidemande.Elleafaitnondelatêteetapasséunemaindanssescheveux.Desmèchesroussesflottaientcommeunhaloautourdesonvisage.

– J’ai été occupée toute la semaine. Ce temps fout le bordel et c’est la saison desgrippes.Engénéral,jepeuxmedébrouilleravectouslescasquipassentlaporte.Parfoisçamedépasseetçamebriselecœur,maisjefaismonboulotetjepeuxgénéralementattendrederentrerchezmoipourtoutdigéreroum’écrouler.

Jenepouvaismêmepas imaginercequ’elledevaitvoirauquotidien.Le frère jumeaudeRule,Remy,avaitétéamenédanscesmêmesurgencesquandilavaitexplosésavoituredans un accident horrible sur l’autoroute. Il ne s’en était pas sorti, et je me suis dit quec’étaitquelquechosequ’elledevaitvoirtoutletemps.

– Aujourd’hui, il y a une ado qui a été amenée. Ses parents l’ont trouvée dans sachambre,overdose.Cen’étaitqu’unbébé,vraiment,elleavaittoutesaviedevantelle,maiselleaavalétoutunflacondepilulesparcequedesgaminssemoquaientd’elleàl’école,laharcelaient.Ilsétaientméchantsavecelle,latraitaientdetouslesnomssurInternet,etellenepouvaitpluslesupporter.

J’aivusalèvreinférieuretrembleravantqu’ellel’attrapeentresesdents.Sesyeuxsontremontés vers les miens et le gris était devenu ardoise. Je me suis demandé si elle seretrouvait,elle,ado,danscettepatiente,etj’aisentiunepointederemordsdenepasavoirfaitplusattentionàelleàl’époque.

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– Je vois desmorts et des tragédies tout le temps, et rien n’est pire que quand c’estcomplètement absurde. Tout ce qu’il lui fallait, c’était un peu de gentillesse, de la bontéhumaine,etelleneseraitpasàlamorgue,sesparentsneseraientpasdévastés.Çamebriselecœuretc’esttellementinsensé.

Ellearemontésesmainsdanslesmanchesdemonsweatetalevélesyeuxversmoi.– Et il faut que j’aille parler à ma mère demain, ce qui est l’équivalent de se faire

dévitaliserunecentainededentsenmêmetemps.Cettejournéeétaitbrutaleetjecroisquej’aiunpeudéraillépendantuneminute.

C’étaitmontourdefrissonner.–Jesuisdésolé,Saint.Çaal’airterrible.Elleaplissélesyeuxenmeregardantetafaitunsignedetêteverslebâtiment.– Comment tu le sais ? Tu as déjà eu quelqu’un qui se moquait de toi, t’insultait,

quelqu’un qui t’a donné l’impression que tu ne méritais pas de vivre juste parce que tun’étaispasexactementcommetoutlemonde?

J’aifaitunegrimacefaceàsontonduretj’aiessayédecomprendrecommentelleavaitpupasserd’adorableàhostileenversmoiaussivite.Lefildesespenséescouraitaussivitequ’unlièvreapeuré.J’aitendulebrasetprissoncoude,etl’aifaitseretournerpourmefaireface.

–Écoute,jenesaispascequej’aifaitouditquitefaitpenserquejesuisunesortedemonstre.Enrevanche,jesaisexactementcequeçafait,Saint.J’aivécuavecPhillaplupartdemonenfanceparcequemamèrenem’aimaitpas,elle trouvaitque jen’étaispasassezbienpourmegarderavecelle.Jen’étaispascommeellenicommesonmari,doncellenevoulait pas demoi. Elle a épousé unmec quimeméprisait avantmême que je sois assezvieuxpourmedemanderpourquoi.Jelesaientendusenpermanencetouslesjoursdemonenfance, les insultes, lespiques, lesmoqueriessimplementparceque j’étaisvivant.Donc jesais.C’estvrai,pourmoiçanevenaitpasdesgensdemonâge,maisest-cequeçafaitunedifférence?Lahainefaitmal,peuimportedequiellevient.

Quelquechoseestpassésursonbeauvisageetj’airemarquéqu’envraieroussequ’elleétait,elleavaitquelques toutespetites tachesde rousseur sur ledessusdesonnez.Elleaplisséceneztachetéetamarchéjusqu’àl’ascenseuravecmoi.Jepouvaitquasivisualisersaréflexion,entraind’essayerdedécortiquermesmotstandisquenousavancionsensemble.

–Lesheuresdevisite sont finies,mais jevais te faireentrer,puisquec’estmoiqui t’airetardé,làdehors.

–Merci,etqu’est-cequ’ilsepasseavectamère?Pourquoiluiparlerestcomparableàunpassagechezledentiste?

Elleafaitunbruitdegorgeets’estappuyéedel’autrecôtédel’ascenseur.J’avaisenvied’appuyer sur le boutond’urgence pour nous emprisonner tous les deux ici, pendant uneheureoudeux,pourvoirsij’arriveraisàluifaireremettresabouchesurlamienne.

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– Elle a toujours été une femme compliquée, même aux meilleurs moments, maismaintenantqu’elleetmonpèredivorcent,celaaprisunetoutautredimensionetj’enviensàregretterlesjourscompliqués.

Ellenem’enavaitjamaisautantditsurelle.–Ilsétaientmariésdepuiscombiendetemps?–Assezlongtempspourdéciderqu’ilsnes’appréciaientplusbeaucoup.–Çacraint,maisest-cequetouslesmariagesnefinissentpascommeça?Ellealevéunsourcilenmeregardant.–Tamèreesttoujoursmariée.EtRule?Iln’apasdemandésacopineenmariagejuste

icidanscethôpital?EtJetKellers’estmarié,non?–MamèreestobsédéeparGrant.Elles’effondreraitsicetterelationnemarchaitpas,et

pourmoi, ce n’est pas ça, unmariage. Rule et Shaw sont faits l’un pour l’autre, et Jet acarrémentépousélabonnefille.Jepeuximaginerquecesunions-làrésistentàl’épreuvedutemps,maisqui sait ?Lesgens changent, et les trucsque tupensaisbienaimer chezunepersonnepeuventsoudaint’agacerauplushautpointvingtansplustard.

Jen’avaissûrement jamaisétéaussihonnêteavecunefilleparqui j’étaisattiré,sur lesujetducoupleetdes«pourtoujours».Engénéral,jepassaisdutempsavecdesfillesquinevoulaientpasparlerdulongtermeousavaientquesielleslefaisaient,j’allaism’enfuirencourant.

–Donctunepensespastemarierunjour,niavoird’enfants?Elle avait l’air curieuse, mais pas seulement. J’ai haussé les épaules et ai enlevé ma

casquettedematêtepourlaplierendeuxdansmapochearrière.–J’endoute.Elle amarmonnéquelque choseque jen’ai pas compris et amarché jusqu’aubureau

avecmoi.Elleaparléàl’infirmièredenuit,asignéquelquechose,etestrevenueversmoiquiétaisrestésurlecôté.

–C’estbon.Tunepeuxresterqu’unedemi-heure,maisc’estmieuxquerien.–Merci,vraiment.Elleapenchélatêtesurlecôtéetaclignésesyeuxnuageuxenmeregardantcommesi

elle cherchait quoi dire. Je la trouvais supermignonne quand elle était hésitante, commecela. Ellem’a fait un sourire très triste et a enlevémon sweat pourme le rendre. J’avaisenviedelecollercontremonvisagepourvoirs’ilsentaitlesorangesmaintenant,aulieudelafuméedecigarette.

–C’estbouleversant,quandquelqu’unquetupensesaimerfinitpartedécevoir,doncjecomprendsta logique.Mercipour,euh,toutcesoir, jesuppose.Jesuiscontentedet’avoircroisé.

Elles’enallait.J’avaisl’impressiondenejamaisarriveràmettrelamainsurcettefille,ni comprendre pourquoi je voulais mettre la main sur elle. Peut-être parce que nous

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parlionsdemariage,oupeut-êtreparceque j’avaisenviede l’embrasseretbeaucoupplus,maisjen’aipaspum’empêcherdelancer:

–ViensaumariagedeRuleavecmoi.Elles’estarrêtéeetestrestéecomplètementimmobile.Ellem’ajetéunregardenarrière

etjelavoyaisessayerdedirenonsansprononcerlemotexact.J’ailevéunsourciletluiaifaitunsourire.

– C’est la veille deNoël, dans une semaine.Ne dis pas non tout de suite, tu peux yréfléchir.

J’aifaitsigneverslaportedelachambredePhilavecmonpouce.– Viens me chercher si tu décides de tenter le coup. Ça sera marrant… Enfin aussi

marrantqu’unmariagepuissel’êtrequandlamariéen’enapasparléeàsesparentsetquelemariéestaussiimprévisiblequeRule.Maisréfléchis-y.

Avantqu’ellepuisserejeterl’idéeenbloc,jemesuisglissédanslachambresombredePhiletaifermélaportederrièremoi.J’étaissurprisqu’ilsoittoujourséveillé,maissesyeuxquiressemblaienttellementauxmiensétaientgrandouvertsetmeregardaient,assurémentamusés.

–L’infirmièrerousse?J’aigrognéetmesuisassisprèsdulit.–Ouais.– Elle est vraiment jolie et c’est un amour. Elle est venue voir comment j’allais il y a

quelques jours,etquand je luiaiditque jem’ennuyaisàmourir,elleest revenueavecça.J’auraispul’embrasser.

Ilm’amontréuntasdemagazinessurlecôté,avecdesphotosdemotosetdefemmesenpetitetenuesurlacouverture.Ouais,elleétaitvraimentgentille.Ellen’étaitpasobligéedefaireçapourlui.

–Elleestdifférente,c’estclair.Jen’aijamaisrencontréunefillequipasseduchaudaufroidaussivite.Onétaitdanslamêmeécolequandj’étaisplusjeune.

Ilahaussésesdeuxsourcilsetabougélesjambessouslacouverture.– Tu crois que ça a un rapport avec ton époque ado casse-couilles ? Tu sortais des

conneries sans y penser en permanence, et tu avais tendance à agir comme un petit conquand tu n’étais pas d’humeur. Toi commeRule. Peut-être que tu paies les erreurs de tajeunesse.

J’airéfléchiàcelaetluiaifaitunsignedumenton.–Tuasl’airunpeumieux.–Mieux,c’est relatif.Lapneumonies’estcalmée,et ilsmedisentque jepourraipeut-

être sortir d’ici la fin de la semaine. Je vais devoir chercher quelqu’un à embaucher àdomicile, en revanchecar lepireestàvenir, et jeneveuxpas resterdans cethôpital, aumilieudesmachines,àattendremadernièreheure.

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J’aifroncélessourcils,croisélesmains,etappuyémesavant-brassurmesgenoux.–Commentpeux-tuêtreaussidétachéàproposdufaitquetuesentraindemourir?

Çamedéchirelebideettuenparlescommesiondécidaitquoifaireàmanger.–J’aieuplusdetempspourmefaireàl’idéequetoi,fils.Jesuisdésoléedenejamais

avoirtrouvélesbonsmotspourt’enparleravant.Lapremièrefois,tuétaisunpetitgamin,etjemecroyaisinvincible.Cettefois,jesaisquejenetiendraipas.

Celanem’apasaidéàmesentirmieux,maisjecroisquerienn’auraitpu.–Quand est-ce que tu vasmedire comment tout ça est arrivé ? Pourquoi est-ce que

personnen’ajamaispenséquejedevaissavoirlavéritésurMamanettoi?Ilasoupiré,cequiadéclenchéunetouxquiafaitsetordretoutsoncorps.J’auraisdû

m’envouloird’avoirdemandé,maisj’avaisbesoindesavoir.–C’estunelonguehistoire,pasàraconterniicinimaintenant.Vraiment,jecroisquetu

devraisdemanderàtamère.J’ailaissétombermalargecarrureenarrièrecontreledossieretluiailancéunregard

noir.–Jeveuxlavérité,etjedoutequ’ellesachecequeçaveutdire.Il a claqué la langue contre son palais et a encore bougé dans le lit. Il paraissait

tellementfragile,tellementloindel’hommequej’avaistoujoursvouluimiter.Celamefaisaitpeur.

–Onestautantresponsablesl’unquel’autredenerient’avoirditplustôt.Elleafaitdemauvaischoix,elleadécidéquesonavenirallaitêtred’unecertainefaçon,peuimportecequ’elletrouveraitsursonchemin:moi,toi,ettoutlereste.J’étaisreconnaissantd’avoirdutemps avec toi, et les autres gars. Est-ce que j’aurais voulu que tu saches plus tôt que tuétaismongosse?Oui,mais jecomprendsaussipourquoitamèreavoulugarderçasecretpendantsilongtemps.J’aifaitdemauvaischoixencoursderouteaussi,Nash.

–Pourquoitul’aslaisséenousfaireça?Mefaireça?Monenfanceétaituncauchemaravantquetut’enmêles.

Ilm’a jeté un regard que je ne connaissais que trop bien. Je l’avais vu chezRule. Jel’avaisvuchezJet.JelevoyaischezRome.Chaquefoisqu’ilsregardaientlafemmequiavaitcapturéleurcœurpourtoujours.Alorsj’airéponduàsaplace.

–Tul’aimais.Ilafermélesyeuxets’estaffalédanslescoussinsentassésderrièrelui.– L’amour n’est pas quelque chose qu’on peut négocier, Nash. Quand ça arrive, ça

dépassetoutlereste.–Oh,crois-moi,jesais.J’aiétédumauvaiscôtédel’amourtoutemavie.– Tu ne peux pas baser ton idée de l’amour sur l’expérience que tu as eu en

grandissant. Aimer quelqu’un que tu veux faire tien, c’est un autre sentiment, un autre

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pouvoir que l’amour qu’on a pour sa famille. C’est différent et les chaînes qui le créentpeuventêtreincassables.

Savoixs’estbriséeetsesyeuxsesontfermés.Ilsombraitvite,alorsjemesuislevéetj’aiavancé pour laisser tombermamain sur son épaule. J’ai dû rassembler toutema volontépournepasreculerquandj’aisenticombienilétaitfragilesoussonpullnoir.

–J’imagine.C’estjustequejenesaispasquipourraitaimerunmecquesapropremèrea jeté.Çaneprésage riendebon selonmoi.SiMamannepouvaitpasm’aimer, commentquelqu’und’autrepourraitlefaire?

Il avait peut-être un argument quim’aurait aidé àme sentirmieuxmais il a plongédanslesommeilavantdepouvoirmeledonner.

Jen’avais jamaispenséàun« toujours»avecpersonne.Jepensaisquecen’étaitpaspourmoi,maisquand jepensaisauxyeuxdeSaintquipassaientdugris clairà l’étain,etque jeme rappelaisdecequecelame faisaitquandelleétaitpresséecontremoidansunmélangedenosdeuxdésespoirs, je commençaisàmedemander si jenedevaispas revoirmapositionsurcertaineschoses.

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Chapitre6SAINT

Lamétéoétaitpasséededégoûtanteàinquiétante,tandisquejeroulaissurlaroutevers

les montagnes et la banlieue chic de Brookside, où mes deux parents vivaient encore.Maman avait gardé la grande maison dans ce quartier. Papa avait emménagé dans unappartement branché, plus près du centre-ville, avec sa copine. Il y avait des kilomètresentre eux,mais à en croiremamère, la distance de la Terre à la Lune n’aurait pas suffipours’éloignerdemonpèreetdesatrahison.Jemesentaisvraimentmalpourelle,maisàun moment, il allait falloir qu’elle commence à guérir ou elle allait perdre plus que sonmariageet la raison.Faithne tenaitplusqu’àun fil, etmoi… j’aimaismamère,mais j’enavaisassez.Leshommesétaientunedéception,c’étaitcommeça.

Je n’étais pas réellement enchantée par les choix que mon père avait faits. Je necomprenais pas comment il avait pu si facilement quittermamère et laisser sa famille enplan,maislesreprochesnefaisaientpastout.J’auraispuledétesterjusqu’àlafindemavieparcequ’ilétaittombéamoureuxdequelqu’und’autre, lefairesortirdemavieàcausedesesdécisions,quiavaientconduitmamèreaubordde la folie,maispourmoi, c’étaitplusimportant de garder une famille unie. J’acceptais simplement qu’il n’était pas infaillible.Faithetmoin’accueillerionsjamaissanouvellecopineàbrasouverts,maisjemeforçaisàlatoléreret je faisaisdemonmieuxpourcommuniqueravecmonpèresansrancunechaquefoisquejelevoyais.Jecroisqu’unepetitepartiedemoin’attendaitriendemieuxdesapartsimplementparcequec’étaitunhomme,etquej’avaiscettecroyancequetousleshommesfiniraienttoujourspartournerautourdelafillelapluspétillante,laplusjolie,etdanssoncas,laplusjeunedèsqu’ilspensaientaveccequisetrouvaitdansleurpantalon.

Jedevaisroulerdoucementetmeconcentrer,cequiétaitplusdifficilequed’habitudecar j’étaisépuiséeémotionnellement. Jenepouvaispasmesortir la jeune filled’hierde latête,cettepertehorrible.Hiersoir,jen’arrêtaispasderevoirenbouclelascèneoùjem’étaisjetéesurNashchaquefoisquejefermaislesyeux,cequim’acauséuneinsomnie.Deuxfois

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maintenant,nousavionséchangédesbaisersaumilieud’unbouleversementémotionnel,etles deux fois, cela avait rendu la situation plus supportable, une ombre plutôt qu’unbrouillardétouffantdedouleur.Jenevoulaispasdonnerdenomàcequecelavoulaitdire,maisjenepouvaispasnierquel’embrasserm’avaitremisesurpiedetramenéesurlaterreferme.Lefaitqu’ilnem’aitpasrepoussée,qu’ilnem’aitpasposémillequestions,m’aforcéeà remettre en question tous ces souvenirs qui devaientme faire penser queNash était unconnardsanscœur.

Ils’enétaitfalludepeupourquej’acceptesoninvitationaumariage,mêmesil’idéedepasser du temps avec lui, avec ses amis et un tas d’inconnus, me faisait presquehyperventiler. Dieumerci, ilm’avait dit d’y réfléchir. Il y avait une sorte de tension entrenousen cemomentquinem’inspiraitpas confiance,que jen’aimaispasparticulièrement,maiselleétaitforte,etlacombattremefatiguait.Enfait,jevoulaispasserdutempsaveclui.

Quand ilm’avaitparlédesamère,quand ilavaitdit lesmots«Jesaiscequeça fait,Saint»…Celaavaitentièrementmodifié l’idéeque jemefaisaisde lui,etdequi ilpouvaitréellementêtre.S’entendredireque l’onestgrosseetmoche,quepersonnenenousaime,qu’onn’aurajamaisd’amisoudecopain,c’étaitdurvenantdegaminsdesonâge,maislesenfants peuvent êtreméchants, et avec un peu de chance, ils se calment en grandissant.Mais se sentir rejeté et bonà rien à caused’unparent…Celadevait être terrible et quasiimpossibledes’enremettre.Jenepouvaismêmepasmefaireàl’idée.Jenevoulaispastropm’attarder sur la raisonpour laquellecelaprovoquait chezmoiunserrementducœur,etpuissonaversionpourlemariageetlamonogamiemedonnaitunpeulanausée.

Le tempsque jemegaredans l’allée chezmamère, le trajet avaitprisuneheuredeplusquecequ’ilauraitdû,etunevraietempêtedeneigearrivaitdepuislesmontagnes.J’aitrottiné jusqu’à laported’entréeet appuyé sur la sonnette. J’aidûy regarderàdeux foislorsquemamèreaouvertlaporte.Ilétait13h,elleétaitencoreenpyjamaetavaitunverrede vin à moitié vide à la main. D’après sa façon de vaciller et de me regarder d’un œilmauvais, je ne pouvais pas croire une seule seconde que c’était son premier verre de lajournée,etcelam’afaitmalauventre.

–Qu’est-cequetufaislà,Saint?Iln’yavaitpasd’invitationdanssavoix,alors jemesuis faufiléepour rentrerdans la

maison.Avant la séparation, ellem’aurait attiréedans ses bras etm’aurait fait un câlin àm’enétouffer,quej’enaiebesoinoupas.Ellem’auraitposédesquestionssurmontravailetma vie sentimentale. Maintenant, elle avait l’air agacée que j’aie débarqué pendant saséanced’apitoiementsursontristesort.

–Faithm’aappelée.Ellem’aditpour l’incendie,et jemesuisditque jedevraisvenirvoircommenttuallais.Ons’inquiètepourtoi,Maman.

J’airetenul’enviedeluiarrachersonverredesmainspourlevider.Elleaémisunsond’exaspération et a claqué la porte. J’ai fait une grimace quand un peu de vin dans son

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verreaéclaboussésamain.–C’estpourtoiquetudevraist’inquiéter,Saint.Nousn’avionspeut-êtrepaslegenrederelationsmère-fillemeilleurescopines,maisma

mèren’avaitencorejamaisdéfoulésacolèresurmoiintentionnellement,entoutcasjusqu’àprésent. J’ai tendu le bras pour prendre le verre dans samain, j’ai foncé vers la cuisine,blesséeeténervéeparsontonetsonattitude.

– Tu ne devrais pas boire d’alcool avec tous les médicaments que tu prends. C’estridicule,Maman.Tuveuxm’éloigneren faisantexprèsd’êtreméchante,et tudemandesàFaith de choisir entre toi et Papa. Tu rends la situation encore plus difficile pour tout lemonde.Lecoupdufeu…

J’aisecouélatête.–Est-cequec’estunedemanded’attentiondésespérée?Tucroyaisquequelqu’unallait

arriverpour te sauver si tu te faisaisarrêterpour incendievolontaire?Papa?Ehbien, jesuisdésoléedetel’apprendre,maisilestpasséàautrechoseettudevraisfairepareil.Faithetmoi,ont’aime,Maman.Çadevraitsuffire.

Elleagrincédesdentsetm’alancéunregardnoir.Sesyeuxétaientvitreuxetelleétaitencore plus instable sur ses pieds que je le pensais. C’était dur de la voir ainsi, et celarenforçaitmon idée que s’ouvrir à quelqu’un d’autre simplement pour qu’il nous fasse dumalàlafin,étaitunetrèsmauvaiseidée.

–Qu’est-cequetuconnaisdetoutça,Saint?Onnet’ajamaisarrachél’amour,tun’asjamaiseuunhommeàtoi.Jemesensvide.

J’aiinspiréentremesdentsetaiessayédemerappelerquec’étaitlevinetlesmédocsquiparlaient,maisellepoussaitleslimitesdecequejepouvaistolérer.J’allaisluidiretrèsclairement de calmer le jeu quand elle a brusquement explosé en sanglots et a chanceléjusqu’àl’îlotaumilieudelacuisine.Elleaserrélesmainsautourd’untasdepapiersquejen’avais pas remarqué plus tôt et les a secoués en l’air entre nous. J’ai vu des larmesbrillantesemplirsesyeuxfurieux.

– J’ai reçu les papiers définitifs du divorce le week-end dernier, et en plus de ça, tasœuralaissélesenfantspasserleweek-endavecluietcette…cettefemme.Commentest-cequ’elle apume faire ça ?Elle sait ceque çame fait de savoir que sanouvelle copine estavecmafamille.J’aijustepétéunplomb.Jesuisdevenueunpeufolle.

Elle respiraitbruyammentetelleavait l’air tellementécorchéeetàboutdenerfsquej’ai été obligée demarcher jusqu’à elle et de passermes bras autour de ses épaules tropminces. J’ai senti une nouvelle poussée d’inquiétude. Elle tremblait très fort et j’avaisl’impressiondepouvoir littéralementtouchersatristesse.C’étaitcommecelaqu’onfinissaitlorsqu’onaimaitquelqu’uninconditionnellement.Jenevoulaisjamaisenarriverlà.

– Ça a dû être très dur,Maman. Et je comprends que tu souffres,maismanquer debrûler lamaison,çan’ychangerarien. Ildoitbienyavoirunmoyenplussaindegérerce

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queturessens.Ellem’ajetéunregardentresesdoigtsetj’aigrimacéenvoyantlemaquillageétalésur

son visage, joli en tempsnormal. Elle ressemblait à un clown saoul et dément. Je voulaisrécupérermamère,jevoulaisquemafamilleredeviennecequ’elleétait.Malheureusement,cen’étaitplusunepossibilité.

–Qu’est-cequejedevraisfaire,Saint?Fairecommesitonpèren’existaitpasalorsqu’ilvitdans lamêmeville avec sanouvelle, jeuneet jolie copinequ’ilm’agite sous lenezdèsqu’ilena l’occasion?Dis-moi,madame lamaligne,qu’est-ceque jedevrais faire,qu’est-cequiestplussainquecequejefaisencemoment?

Je l’ai lâchéeet suis retournéede l’autre côtéde l’îlotdecuisine. Ilme fallaitunpeud’espace,surtoutpouréviterdeluitordrelecou.Jedétestaislefaitquec’étaitsifacilepourelled’êtreméchante,maintenant.

–Jen’aipasvraimentréponseàça,Maman.Peut-êtrequ’ilfautquetuprennesunpeudedistanceavectoutça,aveceux.

Ellearenifléetapenchélatêteenarrièrepouressuyerseslarmessursesjouesavecledos de sa main. Tout ce qu’elle a réussi à faire fut d’en mettre partout. Elle avait l’airridiculeetmalheureuse.

–Tut’esenfuiequandçat’estarrivé,Saint.Tunerevenaispaspendantlesvacancesoupournousvoir, riendu tout.Toutçaparceque tuvoulais t’éloignerdugarçonqui t’avaitvexée.Quandtuasfinilafac,tuasprislepremierboulotquetuastrouvélà-basalorsquetoutetafamilleétaitici.MêmequandFaithacommencéàavoirsesenfants,çan’apassuffià te ramener à la maison. Essaie de me parler de toutes les bonnes façons de gérer leschoses,Saint,vas-y,jet’enprie.

J’aisoupiréetaiserrélespoingssurledessusenmarbredel’îlot.C’étaituncoupbas.Elleétaitlancéeetjenepouvaispascommuniqueravecelle;sijecontinuaisd’essayerdelaraisonneralorsqu’elleétaitdanscetétat,celaallaitcauserdesdégâtsirréparablesànotrerelation.Etmêmesij’étaistrèsénervéeparsoncomportementpuéril,jenevoulaispasquecelaarrive.Unedesraisonspourlesquelles j’étaisrevenuedansleColoradoétaitderéglerdeschosesavecmamère,paspournouséloignerencoreplus.

–Maman, les fêtes arrivent bientôt. Essaiede reprendre ledessus oupersonnene vavouloirpasserdetempsenfamille.Jesaisqueçaaétédurpourtoi,quePapat’adéçueett’abrisélecœur,maislaviecontinue.Çavafairedeuxans,ilvafalloirlâcher.

J’avaisétéhabituéeàcequemafamillesoitunezonesûre,pasunezonedeguerre,etcechangementétaithorrible.

Elle a soufflé etm’a lancé un regard dur avec ses yeux humides. Les deux dernièresannées,nousavionspasséleréveillonavecPapaetlejourdeNoëlavecelle.Celasemblaitbien fonctionner,mêmesipersonnen’étaità l’aiseavec lanouvellecopinedePapaetqueMamanpassaittoutela journéeànousdescendrepouravoirpassédutempsaveceux .Je

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n’avais pas hâte de réitérer l’expérience et je doutais que Faith le soit. Mais une petiteréuniondefamillesympathiquen’étaitpasuneoption.

– Essaie de te souvenir que l’important devrait être la famille et les enfants, cetteannée. Écoute, la route va êtremauvaise. Je voulais te voir et prendre des nouvelles. Jem’inquiètevraimentpourtoi,Maman,lefeuauraitdûêtreunsignald’alarme.Ilfautquetute rendes vraiment compte de ce que tu es en train de faire de ta vie, et au reste de lafamille.Jeneveuxvraimentpasêtreobligéedetesortirdeprison,ouencorepire.

Je lui ai fait undernier câlin et je suis repartie vers la ported’entrée.Tout ce que jepouvaisespérerétaitqued’unemanièreoud’uneautre,mesmotssoientpassés,quelefaitque Faith etmoi l’aimions toujours compenserait le fait que ce n’était plus le cas demonpère.Peut-êtrequ’au lieude luidiredeprendreunpeudedistance, jedevraisessayerdefaireensortequecelaarrive.J’avaispleindecongésenréserve;jedevraispeut-êtreessayerdelatraînerauxsourceschaudespourunweek-end,ouquelquechosecommeça.J’avaislesentimentqu’elleavaitbesoind’unpeudeclartépourreveniràcellequ’elleétaitavantquemon père ne la détruise. Je suis remontée dans la Jetta, qui étaitmaintenant recouverted’unebonnecouchedeneige,etj’aidémarrélemoteurpourqu’ilseréchauffe.Pendantquej’attendais, j’ai trouvéunechansondesPixiesque j’aimaisbiensurmon iPodet j’aiappelémasœur.

Ilafalluquelquessonneriesavantqu’elleréponde,avecunevoixstresséeetessoufflée.–Commentelleallait?Je frottais mes mains l’une contre l’autre pour les réchauffer et j’ai répondu par un

grommellement.–Àcepoint-là?J’ai soupiré longuement et j’ai mis les essuie-glaces pour faire tomber la couverture

blancheetaériennequirecouvraitlepare-brise.–C’estunbeaumélangedemédocsetdevin.Elleestméchanteetdétestable.Ellem’a

ditquejen’yconnaissaisrienparcequej’étaislâche,quej’étaispartieaprèslelycéeetquejen’étaispasrevenueàlamaisonjusteaprèslafac.

AvecFaith,jelaissaislesarcasmes’accumulerautantquelaneige.–Elleaperdulespédales,maislespapiersdéfinitifsdudivorcesontarrivés,doncc’est

officiellementfini.C’estdelàqu’estpartilefeudejoie.Honnêtement,jesuisunpeuinquiètepourelle,maisjenesaispasquoifaire.

–Merde.–C’estàpeuprèsça,oui.Onvas’amuseràNoëlcetteannée.Letrèslongsilenceàl’autreboutdufilm’afaitfroncerlessourcils.–Qu’est-cequ’ilya,Faith?Elleaànouveaumarmonnéquelquechoseetalâchéunprofondsoupir.

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– Je suis fatiguée, Saint. Je suis enceinte, j’ai un tas de petits bouts qui méritent unsuper Noël pour une fois, et unmari qui vit un calvaire et a atteint ses limites avecmeshistoiresdefamille.AvecJustin,onemmènelesenfantsàAspenpourNoël.MamanetPapavontdevoirl’accepter,c’esttout.Tueslabienvenuedansnotreescapadesituveux,maisona loué un tout petit chalet donc il faudra que tu prennes un sac de couchage et que tudormesparterreavecOwen.

J’ai serrémesmains autour du volant. Je ne pouvais pas dire que cette nouvellemesurprenait, mais cela m’a quand même piquée. Faith était la seule personne sur qui jepouvaistoujourscompter,quiétaittoujourslàpourmoimêmequandjevivaisàl’autreboutdu pays. Elle méritait de belles fêtes en famille loin de toute cette absurdité, mais celavoulait dire que je serais toute seule…Car il n’y avait pasmoyenque jem’attaqueàmesparentsettousleursreprochesetleurfolietouteseule.Pasmoyen.

–Non, ça ira.Allezvousamuser. Jepasseraidéposer les cadeauxdespetits ceweek-endpourquevouspuissiezlesprendreavecvous.

–Tuessûre?Tuasl’airdéçue.Tusaisqu’onseraitcontentsquetuviennes.J’aipassémesdoigtssurmonfrontetailâchéunriresansjoie.–Jesupposequeçaprouvejustequ’ilestplusquetempsquej’aieunevie.–Oh,Saint…Arrête.–Sérieusement,Faith.J’ai25ans,tuesmaseuleamie,lerestedemafamilleesttaré,

et il ne faut surtout pas qu’unmec me parle, ou encore pire, qu’il semble véritablementintéresséparmoi.Jedeviensmuette.Ilfautquejem’occupedemamerdetoutautantqueMaman.

–Arrêteça.Tuestropdureavectoi-même.–Peut-être.Bon,onsevoitceweek-end,d’accord?–Tuessûrequeçava?Çan’allaitpas,maiscen’étaitpassonproblème.Soudain,l’idéed’êtretouteseulepour

Noël, l’idée de rester dans mon appartement, seule et déprimée, a eu raison de monhésitationhabituelleetdemoninstinctdesurvie.JerentraisàDenveravecunplanentête,etjen’allaispasmedéfiler.Enfin…sijerentraisenvilleenunseulmorceau!Lesconditionsde circulation étaient atroces et ce qui tournait dans ma tête me faisait perdre touteconcentrationalorsqu’elleauraitdûêtrefixéesurlaroute.

Onavançait àunevitessed’escargotmalgré lesdéneigeuses, et il semblait y avoirunaccidentouunevoiture folle tous leskilomètres. Ilm’a falluprèsde troisheuresetdemiepour arriver à Denver, et une demi-heure de plus jusqu’à l’hôpital car le trafic étaittotalement à l’arrêt. Quand je suis enfin arrivée devant le bâtiment géant au bord ducentre-ville,jemesuisgaréeetaicouruàl’intérieur.Jemesentaisunpeuàboutdesouffle,commesij’avaisperdulecontrôle,etjedevaisadmettrequec’étaitassezgrisant.

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J’espéraisquepersonneneremarqueraitquej’étais làpendantmonjourdecongé,ouque j’étaisaniméeparunmélangedangereuxdepaniqueetd’adrénaline.Évidemment, jen’aipaseucettechance.Sunnypassaitpiledevantl’entréedesurgencesets’estarrêtéenetquandellem’avue.

–Tun’étaispascenséenepastravailler,aujourd’hui?J’ai haussé les épaules et ai dansé maladroitement d’un pied sur l’autre. Je n’avais

qu’une idée en tête et je n’avais pas le tempsdem’arrêter pour bavarder. J’avais peur, sij’attendais, que toutemonénergie retombe et je finissepar rationaliser assezpournepasfairecequej’étaisvenuefaire.

–Si.–Qu’est-cequetufaislà?Jenevienspasdetediredetetrouverunevieendehorsdu

travail ?Tuvas t’épuiser,Saint. Je saisque tuaseudumalavec ledossierd’hier,mais ilfautquetulaissesçaicietquetunel’emmènespasavectoiensortant.

Jeluiaifaitunpetitsourireetaipassémeslongscheveuxderrièremesoreilles.Quandils étaient détachés, ils faisaient des boucles et des frisottis dans tous les sens et avaienttendanceàêtreincontrôlables,alorsjeleslaissaisfairecequ’ilsvoulaient.

–Enfait,jecherchequelqu’un.Ellealevéundesessourcilsnoirsetabougélespapiersqu’elletenaitentresesmains.–LedocteurBennet?Ilaencoreparlédetoicettesemaine.J’ouvrais la bouche pour lui dire non quand la personne que je cherchais a passé la

porte. Il portait sonbonnetnoir en laineetun caban foncépar-dessus sonéternel sweat-shirt.Sesyeuxsesontposéssurmoietilm’afaitunsourire.Ilyavaitquelquechosechezluide si magnétique. Chaque fois que nous étions dans la même pièce, je ne pouvais meconcentrerquesurlui,etcen’étaitpasseulementparcequ’ilétaitimposantetintéressantàregarder…Ilyavaitquelquechosedepolarisantquivenaitdeprofondenlui.

–Salut.SunnyafaitunbruitdegorgeetsonregardécarquillésautaitdemoiàNash.Jenelui

aipasrépondu,jenelesaipasprésentés,j’aisimplementsorti:–Oui,j’yvaisavectoi!Àtoutevitesse,commesilesmotsétaientpressésdesortirdemabouche.J’avaisl’airbêteetjemesentaisrougiretbrûler,surmoncouetmonvisage.Ilahaussé

sessourcilsnoirsmaisn’ariendit,niposédequestionsquim’auraientmiseencoreplusmalàl’aise.Ilajustesortisonportefeuilledesapochearrièreetm’atenduunecartedevisite.Elleétaitcouverted’encrerougevifetressemblaitauxgraffitisquel’onvoyaitsurlestrainsetlesbâtimentsenville.Elleétaitbienplusintéressanteetfascinantequetouteslesautrescartesdevisitequej’avaisvuesjusque-là.Ilyavaitsonnomsurl’avant,etlenomd’unsalonde tatouage. Bien sûr qu’il était tatoueur. Quel autre boulot aurait-il pu faire, avec desflammesorangeetjaunetatouéessurlecrâne?Celaluiallaitbien.

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–Lenumérodusalonestceluiduhaut.Monportableestendessous.Appelle-moieton verra comment faire. Ils se marient à la tour de l’Horloge, dans le centre-ville, surArapahoe.Jesuiscontent,Saint,vraimentcontentquetuaiesdécidédeveniravecmoi.

Iln’apasfaittraînerlemoment,nem’apasforcéeàchercheruneexplicationàmonairunpeufouquandj’avaisaccepté.Ilm’ajustefaitunpetitclind’œiletacontinuésaroutejusqu’àl’ascenseur.Jel’airegardépartiretaiserrélacartedansmamaincommesimavieendépendait.

Sunnymeregardaitavecdegrandsyeuxetapenchélatêtesurlecôté.–Donc,tuasunbeaudocteuràquitoutréussitquiveutsortiravectoiettufaistout

pour éviter ses invitations, mais quand un gars avec des airs de malfrat débarque, tu tejettespresquesurlui.Tuveuxm’expliquerpourquoi,Saint?

Je ne pouvais pas lui expliquer. Le désir dene pas être seule pourNoël avait écrasétoutes les réserves que j’avais quant à passer du temps avec Nash. En plus, c’était mapatronne ; je pense que ce n’aurait pas été correct de lui dire qu’embrasser Nashtransformaitmon cerveau en bouillie, et qu’être près de lui faisait fondre les barrières deglacequiétaientgénéralementenplacequandjecommuniquaisaveclesexeopposé.

–C’est un artiste tatoueur, pasunmalfrat.On était dans lemême lycée. Et il nemerendpasnerveuseetanxieusecommeledocteurBennet.

Ohnon,Nashmerendaitnerveuseetanxieuse,maisd’unetouteautrefaçon,quifaisaitquetousmespetitsmorceauxmerappelaientquej’étaisunefemmeetqu’ilétaitunhomme.

Elleaclaquélalangue.–Jecroisque leproblème,c’estplutôtquetupensesquetunepeuxpasavoirmieux

quecegenredemec.Çacolleaveccettehistoirede«jenesuispaslegenredeBennet».Ehbiensi,tuessontypeettul’esbienplusquetuneveuxlereconnaître.Tun’espasobligéedetelimiteràunmecquiaunanneaudanslenez.

Jevoulaisrétorquerquej’aimaisbienl’anneaudanssonnez,celarendaitsontropjolivisageplusmasculin,maiselleacontinuéàparler.

– Promets-moi, Saint. Promets-moi que si le docteur Bennet t’invite à sortir, tuaccepteras et tuarrêterasdedouterde toi-même.S’il teplaît, en tantqu’amie, j’ai besoinquetuacceptes.

Jen’avaispaslecœurnilesbonsmotspouressayerdeluiexpliquerqueNashétaitunbienplusgrandobstaclesurmaroutevers laconfianceet l’estimedemoiquenepourraitl’êtren’importequelricheetbeaudocteur.Maiscommejel’admirais,quejevoulaisqu’ellecontinueàm’apprécier,j’aihochélatête.

–D’accord,Sunny,jepromets.Elleacouinéunpeuetm’afaituncâlinavecunbras.–Super.L’autregarssentlesennuisàpleinnez.

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J’aisecouélatêteetaiglissélacartequeNashm’avaitdonnéedansunepocheavantdemonjean.Maintenant,jen’avaisplusqueleweek-endetledébutdelasemaineàpassersansmedéfiler.

–Tun’asmêmepasidée.Ilsentaitlesennuis,maisilétaitaussiintéressantetbeau,etjevoulaistoujourssavoirà

quoiressemblaitlerestedecetatouagequirecouvraitunesigrandepartiedelui.Jedisaisau revoir à Sunny, lui souhaitais bon courage pour le reste de sa journée car les routesétaient impraticables et les voitures se retournaientpartout, lorsque ledocteurBennet estapparu au coin du bâtiment. J’ai vu les yeux de Sunny s’allumer et j’ai eu envie de mefrapperdenepasêtrepartiecinqsecondesplustôt.Ilamarchéjusqu’ànous,toutélégantet assuré, et j’ai senti comme un caillou d’appréhension tomber dans mon ventre. S’ilm’invitaitàsortirdevantSunny,jen’auraisaucunmoyendem’ensortir.J’avaispromis.

Ilétaitvraimentbeau.Ilauraitfacilementpujouerlerôledumédecincanondansunesérietéléenprime-time.Jecroisquecequibrisaitsonattiranceétaitqu’ilavaitparfaitementconsciencequ’ilétaitbeaugosseetsecomportaitcommesicelaluidonnaitdroitàcertaineschoses,etunpouvoirsurlesgens.

–Ehbien,bonjour, lesfilles.Sunny, j’aibesoindetoidanslachambre313B.Saint,tupartais?

J’aiouvertlaboucheetl’airefermée.J’aiclignédesyeuxenleregardantpendantunebonneminuteavantqueSunnyintervienne.

–C’estsonjourdecongé.Jen’arrêtepasdeluidirequ’elleabesoindefaireunepauseetdesortird’ici.Tun’espasd’accord?

Il a lancéunpetit rire et il était grave et agréable,mais ilm’a fait retrousser le nez.Qu’est-cequin’allaitpaschezmoi?Jemesuiséclaircilagorge.

–J’avaisdespetiteschosesàfaire,etc’étaitmondernierarrêt.Contentedevousavoirvu,docteur.

Super.C’étaitunephraseplutôtnormaleetsocialementacceptable.Ilariànouveau,exhibantsesdents toutesblancheset tropbienalignées.Toutchez luiétaitparfaitàm’enaveugler,alorspourquoiest-cequemoncœurnes’emballaitpascommeil lefaisaitquandlesyeuxdeNashetleurcouleuruniqueseposaientsurmoi?

–Andrew,appelle-moiAndrew.Jeseraisravidet’occuperlorsdetonprochainjourdecongé,Saint.Ceseraquand?

J’avais envie d’aller chercher un brancard ou un bureau sous lequel ramper et mecacher.Sunnynem’apaslaisséletempsdesortird’excuseetelleditsanshésitation:

– Elle ne travaille pas le 31 décembre, puisqu’elle sera là le jour de Noël. C’est ça,Saint?

Jesavaisqu’elleessayaitsimplementdem’aider,maisj’auraispul’étrangler.

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–Oui,mais si tu as déjà quelque chose de prévu, je suis sûre qu’on peut trouver unmomentuneautrefois.

J’aieuunmouvementdereculquand il s’estapprochépourposerunemainsurmonépaule.J’aipresquesursautémaisj’airetenumaréactionauderniermoment.Jenevoulaisvraimentpasquecemecposelesmainssurmoi.C’étaitquoi,monproblème?

–J’adoreraisqu’onsortepourleréveillondu31.J’aidesamisd’amisquifontunefête,etceseraitgénialquetum’accompagnes.

J’allais faire une embolie. J’avais à peine assez confiance enmoi pour survivre à unesoiréeavecNashetsesamis,alorsalleràunefêtechicaubrasd’undocteur…J’allaisfaireunecrisedenerfs.Jevoulaisdirenon,jevoulaisluidirequejen’étaispasintéressée,maisSunny me regardait avec une jubilation non dissimulée. J’ai passé mes doigts dans mescheveuxetaihochélatêteàcontrecœur.

–Pasdeproblème,docteur…Jeveuxdire,Andrew.Çameparaîttrèsbien.Si«trèsbien»voulaitdireatroceetcauchemardesque.Sonsourires’estagrandietils’estpenchéetm’afaitunbisousurlajoue.Cettefois,je

n’aipaspum’empêcherdereculerenfaisantunegrimaceinvolontaire.S’il l’aremarqué,iln’ariendit.Ilm’asimplementtendusacartedevisite,exactementcommeNash,etm’aditdeluipasseruncoupdefil.Quandilestparti, jen’avaisaucuneenviedeleregarders’enaller et j’avais un goût désagréabledans la bouche. J’ai eu le souffle coupéquandSunnys’estlancéecontremapoitrineavecsapetitecarrure,etm’afaituncâlinavecunbras.

–Teeeeellementcontentepourtoi.Tuvaspasserunesupersoiréeaveclui.Jelesais.J’airegardélacarteblanchetoutesimpledansmamain.Ilyavait lelogodel’hôpital

dessus,etlenometlescoordonnéesdeBennet.Elleétaitennuyeuse.Elleétaitbasique.ElleétaittoutlecontrairedecellequeNashn’avaitdonnéequelquesminutesauparavant.L’uneétait bien rangée dansma poche, je la sentais presque comme si ellem’appelait. L’autre,j’avais envie de la jeter à la poubelle. Dommage, Sunny neme le pardonnerait jamais sij’envoyaisvalserlablanchetoutesimple.

–Onverra.Je n’avais pas de grands espoirs pour l’un ou l’autre des événements, mais je me

forceraisàallerauxdeux.L’un,parpeurdepasser lesfêtestouteseuleetpouruneautreraisonsur laquelle jenevoulaispasm’attarder, l’autre simplementpour faireplaisiràmacheffe.Cen’étaientpasdetrèsbonnesraisonsdesortiravecquelqu’un,maispourmoi,celadevraitsuffire.

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Chapitre7NASH

J e crois que j’étais encore plus stressé queRule.Quelqu’un avait amené une flasque de

Crown Royal pour l’aider à se calmer, mais il n’en voulait pas et Rome ne buvait plusbeaucoup,donccelane laissaitquemoi,Asa,RowdyetJetpoursedévouer.Romeetmoiétions les témoins.Legrandbonhommedescendait l’alléeavecCora,évidemment,donc jeme retrouvais avec Ayden. Je n’arrêtais pas de provoquer Jet avec cela, car je l’avais vuedans la jolie robebleupâlequeShawavaitchoisieetonnepouvaitnierqu’elleétaitplusquebelle.C’étaitdrôlemaiscelaluidonnaitunetropbelleoccasiondem’embêterparcequej’avais débarqué avec Saint. Je n’étais pas le genre de mec qui venait accompagné à unévénementcommecelui-là,etsachantquelenombred’invitésaumariagenedépassaitpasles cinquante, on ne pouvait pas la louper, ni les regards interrogateurs qui venaient detouslescôtés.

Lelieuétaitsomptueuxetunique.Ils’élevaitbienau-dessusdesimmeublesdelaville,et l’on voyait les lumières et le paysage hivernal des Rocheuses sur des kilomètres. Shawvoulait que tout soit dans des tons pâles et froids : elle disait qu’elle voulait avoirl’impression d’être aumilieu d’un blizzard. Quiconque connaissait les futursmariés savaitquelamariéeavaitunsérieuxfaiblepourlesyeuxtrèspâles,couleurglace,deRule.C’étaitclairement le thème autour duquel tournait tout le mariage. Rome et moi portions despantalonsnoirsetchemisesblanchesassortis,avecdescravatesdelamêmecouleurquelesrobes d’Ayden et Cora. Rule portait la même chose, mais avec une veste noire à finesrayures.Onavait la classe, bienmieuxqu’avecdes ensemblesdemariage classiques, et jen’arrivaispasàcroireàquelpointmonmeilleuramiavaitl’airsûrdelui.Jen’avaisjamaispensé qu’il se poserait et maintenant, cela semblait être la seule chose qu’il voulait. Jel’enviaisunpeu,cequimesurprenaitbeaucoup.

–Alors,l’infirmière?

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Jetm’ajetéunregardetm’atendulaflasque.Jeluiairéponduparungrognementetaiprisunegorgéeduliquideambréetbrûlant.

–Ellenem’aimepastrop.J’essaiedelafairechangerd’avisRome jouait avec sa cravate et envoyait des textos àCora. Plus elle approchait de la

dateprévuepourl’accouchement,plusildevenaitparanoïaquepoursonbien-être.Jecroisqu’ill’auraitgardéecolléecontreluiouattachéeàunlitsilapetitefuriel’avaitlaisséfaire.

–Elleestvenueavectoi.Ellenedoitpastedétestertantqueça.Ouais,elleétaitvenue,maiselleavaitunpeul’aird’avoirenviedevomiroud’êtreun

train demanger un citron, depuis quenous étionsmontés en voiture.Nonpas qu’elle nesoitpasmagnifique,mêmeaveccemalaiseévidentsursonjolivisage.C’étaitlapremièrefoisquejelavoyaisporterautrechosequesatenuedetravail,etbonsang,ellesavaitmanierlapetite robenoire et les talons hauts commeunepro.C’était simple, sans prétention,maisavecsescheveuxspectaculairesetsapeauparfaite,elleavaitunairroyaletélégant,commepeudejeunesfemmesdenosjours.C’étaitunefemmeclassique.Unpeucommemavoiture,et j’avais le pressentiment que la piloter serait tout aussi sympa si elleme laissait un jouralleraussiloin.

Ellen’avaitpasvouluquejepasselachercher,elleavaitinsistépourmerejoindrechezmoi.J’avaisdû lui forcer lamainpresque littéralementpourqu’elledescendeenvilleavecmoi,etaprèsquej’aigagnécettediscussion,ellem’apeut-êtreadressécinqmots.Jel’avaislaisséeavecPhil,quim’avaitlancéunregardentenduetluiavaitsouri.Iltenaitplutôtbienle coup, étant donné la situation, et il n’y avait pas moyen qu’il manque le passage debagueaudoigtdeRule.

RuleetShawfaisaientleschosesdefaçontrèsinformelle.Iln’yauraitpasdediscourssentimental, pas de première danse, juste une cérémonie rapide, un dîner avec tous ceuxqu’ils aimaient puis Rule l’emmenait à la Nouvelle-Orléans pour une semaine de lune demieletunNouvelAnàfairelafêtedansBourbonStreet.Enfin,s’ilsarrivaientàsortirdelachambred’hôtel.Connaissantmonmeilleurami, j’endoutais.Personnellement, j’étaisbiencontentqu’ilsne fassentpas traîner la cérémonie en longueur. Ilsn’avaientpasbesoindefaireleschosesengrandepompepourofficialiserleuramour.

–Elleestvenueavecmoicontrainteet forcée,ai-je réponduavecunsourire.Jene lacaptepasvraiment.

Asaarigoléetarepoussésescheveuxdorésdedevantsesyeux.–Maistuveux?Lacapter,jeveuxdire.– Tu l’as vue ? Évidemment que je veux,mais ellem’envoie très fort des signaux qui

veulentdire«certainementpas»,doncjen’aipasenvied’abuserdemachance.Cen’étaitpasentièrementvrai.J’avaisbienenvied’abuser,mêmesijepensaisquecela

nememèneraitnullepart.Enfaitj’aimaisbiencemystèrequimepousseràdeviner.Jesuis

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sûrque laconversationauraitcontinué,mais lepèredeRuleapassé latêtedans lapièceoùnousétionstousrassemblésetafaitunsigneetungrandsourireàsonfils.

–Lesfillessontprêtesàlancerlespectacle.Jesuisbienfierdevous,lesgarçons.Ruleahochélatêteet j’aivusontorsegonfleretredescendre.Lesautresgarsluiont

donnédestapesdansledos,etnousontlaissétouslestroisdanslapièce.–Çava?Romeadonnéunetapesurl’épauledesonfrère.–Çavamieuxquebien!Nousavonstousrigoléetj’aitapémonpoingcontrelesien.–Tuesmieuxquebien,etelleaussi,donctoutvarouler.Ilalevésonsourcilpercéenréactionàmonjeudemotsetjeluiaisouri.Nousn’étions

pasprochespourrien.–Allez,onyva.Allonstemarier.J’ai été surpris d’entendreune émotion assez forte dansma voix.Rome jouait encore

avecsacravate.Jesupposequequandonaunenuquederugbyman,lescravatesnesontpastrèsconfortables.IlaregardéRuleetluiademandé:

–Est-cequelamèredeShawestvenue?Ruleafaitnondelatête.–Nan.Jel’aiappeléeetjeluiaiditcequejepensaisdetoutecettesituation,etjeme

suisrapidementfaitenvoyerbalader.ÇanesemblepasdérangerShaw.Sonpèreestvenuavec une fille qui n’a pas l’air d’avoir plus de dix-huit ans. Il voulait conduire Casper àl’autel,maiselleluiaditnon.C’estPapaquilefait.

Celame paraissait logique. Les Archer avaient toujours été la vraie famille de Shaw.CommeRomel’avaitditàRulelorsqu’ilpensaitàlademanderenmariage,luidonnerleurnomdefamillen’étaitqu’uneformalité.

Nous sommes restés dans le fondde la salle le temps queRule prenne le bras de samère,quiattendait,etdescende jusque làoùse tenait lecélébrantordonné. Il se trouvaitqueBriteWalker,lementordeRomeetancienMarine,étaitministreordonné.Ilressemblaità un membre de gang de motard, mais c’était l’un des hommes les plus équilibrés etréfléchisquenousayonstousrencontré.IlavaitjouéunrôleimportantpourramenerRomeaupaysdesvivants,etniRuleniShawn’auraientputrouverunemeilleurepersonnepourlesguidervers leurnouvelleviedemariet femme.ToutcommeilavaitoffertunnouveaudépartàRome,ilétaitlemieuxplacépourleslancerdansleurviedecouplemarié.

Les filles sont sorties de l’ascenseur etRome etmoi avons tous les deux eu le soufflecoupé.Coraressemblaitàuneféeprincessesortied’unDisney–certes,avecunbrascouvertde tatouages etunventrebienproéminent.Rome s’estpenchéet l’a embrassée jusqu’à ceque cela endeviennepresque gênant pour nous.Ayden était éblouissantemêmedans les

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mauvais jours. Lebleu faisait ressortir ses cheveux sombres et, en réponseau sourirebêtesursonvisage,jeluienairenvoyéuntoutaussiidiot.

–Jetesttropjalouxdemoi,là.Elleapoufféetamissamaindanslecreuxdemoncoude.–Çaluifaitdubien.Ilétaitpartitoutelasemaine.Çaveutdirequ’ilnepourrapasme

résister,après.–Çaarrive?Qu’ilterésiste?Parcequesioui,ilfautpeut-êtrequejeluidisequ’iln’a

pasbiencompriscommentçamarched’êtremarié.Ellem’afaitunegrimaceetaenfoncésesonglesdansmonavant-bras,cequim’afait

rire.JesavaisqueJetetellenepouvaientpasselâcher,jevoulaisjustel’embêter.Quandmonregardaatterri surShaw,qui sortaitde lapièceoùelle s’étaitpréparée,

j’aiétésurprisparlatonned’émotionsquej’airessentieenlavoyant.Elleétaitmagnifique.Comme si elle sortait d’un fantasme ou d’un rêve que tout le monde a de la « mariéeparfaite».Sescheveuxblondsblancsetnoirsétaienttoutenrouléssursatête.Sarobeétaitlongue et bouffante, comme celle d’une ballerine, et une large ceinture bleu clair luientouraitlataille.ElletenaitMr.ArcherpèreparlebrasetDaleavaitl’expressionquetoutpère fierauraiteue.Romeacontournésonpèreet s’estpenchépour faireunbisousur lajoueàlasplendidemariée.C’étaitunebonnejournéepourtouslesArcher…etpourlerested’entrenousaussi.

Jeluiaidit,sincèrement:–Tuesparfaite.EllearougidefaçoncharmanteetajetéunregardàRome.Ilasoulevélesourcilsouslacicatricedesonfrontetluialancébrusquement:–Ruleestunputaindeveinard,c’estsûr.Shawajusterigolédoucement,elleavaitl’airimpatiente.–Allez,onyva.Nous étions tous face à l’avant, l’horloge était derrière Rule et Brite et révélait le

paysagedeDenver,nousoffrantuneveilledeNoëldesplusmémorables.Jetetsongroupeontcommencéàjouer«SilverMountains»desDeadstringBrothersetjecroisquepersonnedanslasallen’avaitencorelesyeuxsecsàlafindelachanson.Jetétaitdansungroupedemétal, il pouvait hurler comme les plus grands,mais quand il se servait de sa voix pourchanterde façonmélodieuse,celaprovoquaitquelquechosedemagiquechez lesgensquiavaientlachancedel’entendre.

Nous avons avancé dans l’allée centrale. J’ai vuAyden tourner la tête pour regarderJet. Il luiaenvoyéunbaiserqui l’a fait soupirer,et j’aipromenémesyeuxsur l’assistancejusqu’à trouver le regardorageuxque je cherchais. Saintme regardait. Elle avait toute lalèvre inférieure coincée entre les dents, et lesmains serrées ensemble sur ses genoux. Sesyeuxétaientvifsetbrillants.Ilyavaitdurosesursesjouespâles,etmêmeàcettedistance,

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je voyais son pouls battre sur sa gorge. Si je ne la connaissais pas, j’aurais dit qu’ellemeregardaitcommeCoraregardaitRome,commeAydenregardaitJet. Jenepouvaispasmefaireàl’idée,mefaireàsonidée,maismerde,j’enavaisvraimentenvie.Elleétaitfascinante.Jemesuisdemandésij’arriveraisunjouràsavoircequifaisaitréagirlajolierousse.

Jen’aipaseuplusde tempspourypensercarnousétionsarrivésauboutde l’allée.J’aifaitunbisousurlajoueàAyden,puisàCora,cequim’avaluunregardappuyédelapartdeRome.Ruleetmoiavonsrigolé,etj’aiprisplaceprèsdesfrèresArcher.C’étaituneplacedontonpouvaitêtrefier.Jetetlegroupesontpassésà«EverybodyNeedsLove»,laversiondesDrive-ByTruckers,quiétait lapréféréedeShaw,etelleetDalesontarrivésaufond de la salle au décor élégant. J’ai entendu quelques exclamations, vu quelquesmâchoirestomber,etducoindel’œil,j’aivuRulephysiquementtressaillir.

–Putain.Le mot était à peine un souffle, et avant que Rome ou moi ayons pu réagir, Rule

remontaitl’alléeverssafuturefemmeetsonpère,quis’étaientarrêtésenlevoyantarriver.Romeetmoiavonséchangéunregardentenduetavonsjustehaussélesépaulesquandlesfillesnousontlancédesregardsinterrogateurs.

RuleaprislevisagedeShawentresesdeuxmainsetl’aembrasséecommeilétaitcensélefaireàlafindelacérémonie.DaleafaitunpasdecôtéetMargot,lamatriarcheArcher,alancélenomdesonfils,énervée.C’étaitbienlegenredeRule,defaireunechosepareille.Il était impulsif, un peu fou,mais rien aumonde ne pouvait l’empêcher d’être avec cettefille,doncévidemment,c’estluiquiluiafaitdescendrel’alléejusqu’àsaplacedevantBrite.Jenepouvaispasm’empêcherdefaireungrandsourire,etlorsquej’aiaperçuSaint,j’aiétécontent de voir qu’elle souriait aussi. C’était difficile de ne pas être touché par un amourcommecelui-là.

Britesouriaitaussi.C’étaitàpeinevisiblederrièresalonguebarbegrise.AvecsesairsdeHell’sAngelenjouéetsympathique,Briteaensuitemariémonmeilleuramietlafilledesesrêves.C’étaitsuperbe,touchant,toutcequec’étaitcenséêtre,etleursvœuxaussi.

Shawajuréd’aimerRulecommeilétait,denejamaisluidemanderd’êtreautrechosequel’hommequ’ilétait.Elleapromisd’êtrepatienteavecsonmauvaiscaractèreetlescrisesdecolèreauxquellesilétaitenclin,etdenejamaisquestionnerlacouleurdecheveuxqu’ilavait choisie pour la semaine. Elle a juré de l’aimer comme elle l’avait aimé depuis lapremière foisqu’elle l’avait vu, et juréqu’il serait toujours le seul et l’uniquehommepourelle.Elle luiaditqu’ilétait toutcequ’elleavait toujoursvoulu.Toutétaitvraietcelam’arenduheureuxdel’entendrepromettrecelapourl’éternité,àmonami.

Ruleavaitlagorgenouéeetil luiafalluunepetiteminuteavantderécitersesvœux,mais quand il l’a fait, je sais que l’impactde sesmots, qui venaientdu cœur, nous a toussonnés.Cen’étaitpasungarsqui savaitgérer sesémotions,mêmeaumieuxde sa forme,

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bienqueShawl’aitaidéàcesujet.Maisaujourd’hui,ilmettaitsoncœurànudevanttoutlemonde.

Il luiaditqu’iln’avait jamaiscruquequelqu’unseraitcapabledecomblerlevidequeRemyavait laissédans saviequand il étaitmort,maisque sansqu’il sachecomment,elleétait rentréeen lui etqu’iln’yavaitplusdeplacepourquoiquece soitd’autre.Bien sûr,toutlemondeenavaitleslarmesauxyeuxetnombreuxontdûs’éclaircirlagorge.

Ilapromisdetoujoursprendresoind’elle,defaireensortequetoutlemondelatraiteavec tout l’amour et la gentillesse qu’elleméritait. Il lui adit qu’il l’aimeraitmêmequandelleseraitmédecinetqu’ellegagneraittroisfoisplusd’argentqueluietajurédefairetoutcequ’ilpourraitpourluidonnertoutcequ’ellevoudraitettoutcedontelleauraitbesoinàpartir de ce jour. Il amurmuré, pour que seuls ceux qui se tenaient près de lui puissentl’entendre:

–Tuestoutpourmoi,Casper.Unsoupir collectifestmontéde l’assembléequandShaw luia faitunsourirederrière

leslarmesquicoulaientsursonvisageetasimplementdit:–Toutcequejeveuxettoutcequ’ilmefaut,c’esttoi.Briteaditquec’étaitpasmal,ilsontéchangéleursalliances,nouslesavonsacclamés

et avons échangé des embrassades et des tapes dans les mains, et voilà, Rule et Shawétaientmarietfemme.

Nous nous sommes tous rassemblés à l’arrière de la tour, et nous avions passéquarante-cinqminutesàbavarder,seféliciteretprendredesphotos,quandPhils’estglisséjusqu’àmoietm’amurmuréàl’oreille:

–Tuferaismieuxdesortiruntourdemagie,sinontacopinevasetirer.Elleesttoutemignonne,maiselleestaussinerveusequ’unejeunepouliche.

J’ai lancéun juronetmesuis faufiléà travers la foule,ai repousséRowdyquand ilaessayédem’arrêter,etj’aidûprendrel’ascenseuretdescendrelesvingtétagesjusqu’auhalld’entréepourlatrouver.Elleavaitsonportabledanslamainetavait l’aird’êtreenpleineconversationavecelle-même.

–Saint?Elleasursautéetalevélesyeuxversmoi.L’expressionsursonvisagenepouvaitêtre

décritequecommecoupable.Commesijevenaisdelasurprendreenflagrantdélit,commesiellefaisaitquelquechosedemal.Ellealevésonportableentrenouscommeunbouclier.

–Jevaisjusteappeleruntaxipourmerameneràmavoiture.Retourneavectesamis.Savoixétaitaiguëetvoilée.J’aifroncélessourcils.Jen’avaispaslamoindreidéedece

qu’ilsepassait.–Situveuxrentrer,jepeuxteraccompagneràtavoiture.J’ai passé un doigt dans le nœud de ma cravate et l’ai desserrée. J’aurais donné

n’importequoipourliredanslespenséesdecettefille.

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–Non,non…Reste.Çava.C’étaitvraimentsuper.Mercidem’avoirinvitée.J’enavais finidemebattreavecelle.Elleavaitdéjàsonmanteausur ledos,alors j’ai

saisi son poignet, celui qu’elle tendait devant elle, et l’ai tirée jusqu’à la porte. Ses hautstalonsclaquaientfrénétiquementtandisqu’elleessayaitdesuivremonrythme.

–Viens.Elle a soufflé en protestation et a essayé de dégager son poignet,mais je ne l’ai pas

laisséefaire.Jel’aitiréerésolumentjusqu’àl’endroitoùlaChargerétaitgaréedanslarue.J’étais agacé et frustré,mais surtout, je ne comprenais pas pourquoi elle avait acceptédeveniravecmoisiellen’avaitpasenvied’êtrelà.

Nous n’avons pas parlé de tout le trajet jusqu’à l’appartement. Sa respiration étaitrapideetoppressée,ellejouaitavecsesmainsetregardaitdroitdevantelleparlafenêtre.Quand nous sommes arrivés devant la maison, nous sommes descendus de la voiture enmêmetempsetj’aiclaquélaportièreplusfortquenécessaire.Jel’airegardéepar-dessusletoitdelavoitureetelleaouvertlabouchecommesielleallaitdirequelquechose,maisj’ailevé la main pour l’interrompre. Je n’arrivais pas à comprendre pourquoi il y en avaittoujoursundenousdeuxpourrepousserl’autre.

–Juste…Bonnesoirée,Saint.J’ai trottiné le longdu trottoir jusqu’à la façadedubâtiment sans regarderenarrière

pourvoirsielleétaitmontéedanssapetitevoitureoupas.C’étaitmalpolidemapartetjene faisais jamais ce genre de chose,mais cette filleme prenait la tête et je ne savais pascommentfairefaceàcelaenplusdetoutleresteencemoment.Lacléétaitdanslaserrureet j’étais en train d’ouvrir la porte quand j’ai senti de petitesmains dansmon dos. Avantd’avoir pu me retourner pour voir ce qu’il se passait, j’ai été poussé en avant dans monappartement et ai entendu la porte claquer derrière moi. Je me suis retourné pour meretrouver face àSaint et ellem’a regardé commeuneValkyrie sauvage. Ses cheveux rouxtombaient autour de son visage en une masse bouclée et incontrôlable, ses yeux d’acierétaient écarquillés et sa poitrinemontait et descendait avec un rythme effréné. Une bienbelleimageenréalité,maisj’étaistoujoursénervéaprèselle.

–C’estlamerde,Nash.Jenesaispasdutoutcequejesuisentraindefaire.Je ne savais pas quoi répondre à cela et n’ai pas pu dire quoi que ce soit car tout à

coup, elle était juste devant moi et ses mains, tremblantes et nerveuses, tiraient sur lesboutonsdemachemiseetretiraientlacravatedemoncou.

–Quoi?J’avais l’air perplexe, parce que je l’étais, mais rien au monde ne me pousserait à

l’interrompre.Pasalorsqu’elletiraitlebasdemachemisehorsdemonpantalonetquesesmainspassaient,séduisantes,surmesabdosetlebasdemondosavecprécipitation.

–Toutecequipourmoidoitêtre logiquemeditque jesuissûredetoutcontrôler,etaprèsmoncorpssemoquedemoi,etj’ail’impressiondeneplusriensavoir.Jenesaisplus

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où jevais.Quand je t’aivu là-bas, tuétais tellementbeau,parfait,monDieu, j’avaisenviede te sauter dessus, et ça neme ressemble vraiment pas. Et puis j’ai vu combien tout lemondeavait l’air heureux, amoureux, et j’ai presque euune crisedepanique. Jenepeuxmêmepasm’expliquerpourquoi.Ilfallaitjustequejesortedelà.Jesuisdésolée.

J’ai posémesmains sur ses épaules pour l’éloigner un peu, car tout cela était de lafolie.Maiselleavaitlesdoigtssouslaboucledemaceintureetmabraguetteestdescenduesansrésistance.

–Saint, arrête. Je t’aurais ramenée chez toi si tum’avaisdit que tune te sentais pasbien.Çapeutarriveràtoutlemonde,dansunepiècepleinedegensaussiémus.Etc’étaitintense,parcequeRuleetShawsont intenses.J’auraiscompris,etpersonnenet’enauraitvoulusituavaisbesoind’unpeud’espace.Merde,j’étaisdéjàcontentquetuaiesacceptédeveniravecmoi.

Elle a suspendu son geste, alors qu’elle était en train de retirer ma chemise demesépaulesetvenaitdemepousserenarrièrejusqu’àcequemesfessess’appuientsurledossierducanapé.Lorsquejen’aipluseunullepartoùaller,elleaposésamainàplataucentredemontorseetm’aregardédecesyeuxcouleurd’orage.

–Jesais,c’estçaquim’afaitpéteruncâble.–Jenecomprendspas.J’essayaisderestercohérentetraisonnable,maismabitecommençaitàfairebienplus

attentionàcequ’ellefaisaitquemoncerveau.–Jenesaispasquitues,Nash.– Jene sais pas vraiment qui tu esnonplus, Saint,mais si tudonnaisunemoitiéde

chanceàcequicommenceentrenous,onpourraitchangerça.Elleasecouélatêteets’estappuyéecontremoi,etnousnoussommesretrouvésserrés

l’uncontrel’autre.–Jenesaispassitum’aimeraissitumeconnaissaisvraiment,etleNashquejepensais

connaître…Elleavaitl’airsiperduequejevoulaisjusteluifaireuncâlin.–Jeledétestais,maistoi…CeNash-là…Jeleveux,c’esttout.C’étaitalambiquéetpasclair.J’auraissûrementdûtrouverquelquechosed’intelligent

à lui répondre,uneréflexionprofondepourprendredurecul.J’auraispeut-êtremêmedûêtre capable de lire entre les lignes subtiles de ses paroles et de sa voix,mais elle a vitefermésaboucheenlacollantcontrelamienne.Puiselleaenfoncésamaindansl’avantdemon pantalon, et j’ai perdu non seulement toute volonté de résistance mais aussil’équilibre;etnousavonsculbutédel’autrecôtéducanapé.C’étaitplusqu’unechutelibresurlescoussins…C’étaitunechutelibrel’undansl’autre.

Ses cheveux étaient partout. Elle avait un goût d’orange et de feu. Sa main tenaitfermement ma queue dure comme de la pierre, et je l’ai sentie faire une pause d’une

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secondequandsapaumeaglissécontre leglandetya trouvé lesdifférentsmorceauxdemétalquiyvivaient. J’avaisunPrinceAlbertauboutetun toutpetitbarbell juste sous lacourbedugland,qu’onappelaitunpiercingdufrein.Engénéral, jeprévenaislesgensquis’apprêtaientàmevoir toutnuque lespiercingsétaient là,maisellenem’enapas laissél’occasionetellen’avaitapparemmentnullementl’intentionderalentirlerythme.

Elleavaitatterrisurmoi,sesjambesdechaquecôtédemataille.Ellepassaitsesmainspartout sur moi, et celle dans mon boxer rendait impossible toute pensée lucide. Elleembrassaitmoncou,revenaitsucermabouche,etsescheveuxétaientcommedestentaculesde soie desquelles je ne pourrais jamaism’échapper. Je ne sais pas comment,malgré desmouvements limitésetunespaceminimal,ellea réussiàdescendremonpantalondemeshanches et a ôté le boxer de son chemin, et j’étais là, fièrement en érection. Sa mainparaissaitencorepluspâlecontremachairdureetrouge,etlorsqu’elleatouchéduboutdudoigtlepiercingjusteendessousdemongland, j’aiexpiréentremesdentsserrées.Putaindemerde,jamaisunsimplecontactnem’avaitrenduprêtàjouircommecelui-ci.

–Forcément,tuespercé.Elle avait un ton amusé, et je ne savais pas quoi répondre, surtout lorsqu’elle s’est

penchéeetapassésalanguesurmontéton.Jesentaismespulsationsdanssamain.J’étaiscomplètementretournéetperduavecelle.J’essayaisdésespérémentdecomprendrecequenousétionsentraindefaire,oùcelanousmenait,et jen’étaispassûrqu’unecartepuissenousmontrercommentallerlàoùellevoulaitquejesois.

–Saintttt…Son nom a fini en un gargouillis perdu lorsqu’elle s’est relevée juste assez pour se

tortilleretenleversaculottenoiresoussapetiterobenoire.J’aialorsremarquéqu’elleétaittoujours complètement habillée, qu’elle avait même encore ses chaussures, et que j’étaisdéshabilléetexposétandisqu’ellefaisaitcequ’ellevoulait,prenaitcequ’illuifallaitdemoi.Il yavaitquelquechose là-dedansquin’allaitpas, et jevoulais le luidire, lorsqu’elle s’estpenchée,m’adenouveauembrassé,etm’ademandécontremeslèvres:

–Préservatif?D’accord, j’étaisunmeccorrect, j’avaisunensembledeprincipesmorauxassezsolide,

maisquandune filleétaitaussi sexy, rendaitma têteaussi embrouillée, faisaitbattremoncœur si fort que j’étais sûr qu’elle pouvait l’entendre, et qu’elle exigeait quasi de coucheravecmoi,quiétais-jepourrefuser?J’ailevéleshanchesetelleenaeulesoufflecoupécariln’yavaitdésormaisplusrienentrenouslàoùelleétaitàchevalsurmoietj’aivusesyeuxpasserdecetadorablegrisàunecouleurardoisequitiraitsurlenoir.Jeluiaitendumonportefeuille, luiaiditd’enchercherun,aienrouléunemaindanssamassedecheveux,etl’aiattiréeversmoipourpouvoirl’embrassercommejelevoulais.Ilfallaitquej’aiemonmotà dire là-dedans après tout,même si j’avais atterri en-dessous de Saint et qu’elle avait lecontrôle,avectoutesachaleurhumidepresséecontremoi.

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Je l’aiembrassée sansaucunrestedecolère, sans tristesse, sansdésespoirnimorositépesantentrenous,pourlapremièrefois.Jevoulaissimplementsavourersongoûtpiquant,medélecterdesafaçonderoulersalanguecontrelamienne,m’émerveillerdelamanièredontelle juraitetprononçaitmonnomenmêmetemps.C’étaitcommecelaqu’elledevraitêtreembrassée,àchaquefois…Parmoi,etrienquemoi.

Je l’ai sentie sedéplacer et samainglisserdehaut enbas le longdemon sexe, avecunedoucepressionetun toucherdélicat. Jenevoyaispas cequ’elle faisait à causede sarobe.Bordel, jenepouvaismêmepasvoirsielleavaitdestachesderousseursurcesseinssublimes, car même aussi près l’un de l’autre, elle maintenait visiblement des frontièresmentalesetphysiquesenplace.

–Saint?Je sentais le latex glisser sur moi. Heureusement qu’elle était infirmière, elle n’a eu

aucunloupéenlepassantautourdumétalquidécoraitmesbijouxdefamilles.–Nash?Sesyeuxétaientfixéssurlesmiensquandelles’estredressée,aposésesdeuxmainsen

plein milieu de mon torse, et s’est assise sur moi, entièrement jusqu’au bout. Elle étaitétroite, à s’en étouffer. Elle était chaude etmouillée, et comme elle était au-dessus, àmechevaucher dans un mouvement de torture, tout ce que je voulais était me regarderdisparaîtreenelle.Toutchezcettefillesedevaitd’êtreenveloppédesecrets,mêmel’imagedenousdeuxjointsensemble.J’adoraisetdétestaiscelaenmêmetemps.UnpeucommecequejecommençaisàressentirpourSaintFord.

J’oubliaiscequejem’apprêtaisàluidire,celas’étaitévaporé.C’étaitétrange.Jen’avaisjamais couché avec une partenaire entièrement habillée alors que j’étais moi-mêmecomplètementexposé. Jen’avais jamaisnonpluseude relation intimeavecquelqu’unquisemblait essayer désespérément, furieusement, d’arriver à la fin, peu importe ce que jefaisais ou non. Comme si elle se servait de moi pour se satisfaire mais n’était pas dansl’actionavecmoi.J’aiposémesmainssurelle,aiessayédedescendrelabretelledesarobesursonépaulepouraccéderàtoutecettepeaucrémeuseetblancheetj’aifroncélessourcilsquandelleafaitunpetitmouvementpourm’éviter.

Satêteétaitenarrière,sescheveuxformaientunecouvertureenflamméesurledessusdemescuissesnues,etsesmainsdevenaientdesserressurmontorse.Sesyeuxnelâchaientpas lesmiens lorsque je l’aivueêtredébordée ; j’aivu la surprise, l’émerveillementpasserdans l’orage lorsqu’elle s’est désintégrée. J’ai aussi vu des larmes emplir son regard et lafaçondontsapoitrines’estmiseàsesoulevercommesielleallaitsemettreàhyperventilerdèsledernierspasmedel’orgasme.

Je veux bien croire que je suis assez bon au lit – ou sur le canapé, en l’occurrence –maisc’étaitl’orgasmeleplusrapidequej’aiejamaisprovoquéchezunefemme.Etpourmoi,nousn’enétionsmêmepasarrivésàlapartieintéressante.J’étaistoujoursdouloureusement

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dur,crevanttoujoursd’enviede ladéshabilleretdeposermabouchesurn’importequellepartiedesoncorpsqu’ellem’autoriseraitàdévoiler,maisSaintavaitautrechosedeprévu.

Elleabaissélesyeuxversmoicommesielles’étaitsoudainsouvenuequej’étaislà,unepersonnevivanteenchairetenos,etpasunvibromasseur.Elleabrusquementenlevésesmainsdemontorse,estdescenduedemoid’unemanièremaladroiteetarassemblétoussessomptueuxcheveuxdanssesmainstremblantes.Leslarmesquibrillaientdanssesyeuxontcommencéàcouler,etavantquej’aieletempsdemereleverpourluidemandercequ’ilsepassait,ellecouraitpratiquementjusqu’àlaporte.

–Jesuisvraimentdésolée,Nash.Mêmesi lameilleurepartiedemajournéen’étaitpascelleoùl’onmelaissaitenplan

avecuneérectionàsonapogée,j’étaissurtoutinquietcaronauraitditqu’elleallaitsebrisercomme une stalactite de glace au bord d’un toit en pente. Elle tremblait de partout, sesyeuxétaient tropgrandssursonvisagepâle,et ses tachesderousseurressortaientencoreplusnettement.Lesmarquesquelaissaientses larmesluidonnaient l’airdequelquechosequiallaitvolerenéclats.

–Saint,attendsuneseconde.J’aidûmebattreavecmonpantalonpour le remettre,pas facileavecmabiteencore

prêteetnedemandantqu’àyaller;maiselleafaitnondelatêteetafoncéverslaported’entrée.

–Non,non…Je t’aiditque jenesavaispascomment faireçaavec toi. Il fautque j’yaille.

Laportea claquéderrièreelledans sahâtedepartir, et le tempsque jeme rendeàmoitié présentable, me couvre un peu, et que j’arrive dans le couloir en ne boitant qu’àmoitié,elleétaitpartiedepuislongtemps.

L’autreroussequejeconnaissais,enrevanche,arrivaitparlaported’entrée.Elleétaittouteemmitoufléeetafaitglissersonregardsurmonétatlamentableetdébrailléetalaissésortirunsifflemententresesdents.

–Lerendez-vouss’estmalterminé?J’airicanéetmesuisappuyécontrel’encadrementdelaporte,aveclesbrasau-dessus

delatête.Royalnes’estpasgênéepouradmirerlespectacle.Dommage,riendetoutcelan’étaitpourelle.

–Çaacommencéunpeubof,c’estdevenudifficile,ilyaeuunbonmoment,etças’estterminésurungémissement.

Ellea laissésonregardsebaladersanscomplexesurmontorsenu,mesbrastatoués,et mon pantalon encore ouvert. Pourquoi ce n’était pas elle qui m’attirait ? Elle étaitadorable,audacieuse,etj’aimaisbiensonattitudeassuréeetimperturbable.Maisiln’yavaitaucun doute, elle ne pouvait pas remplacer Saint. Rien que d’y penser, cela a calmé leproblèmegênantdansmonpantalon.

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–Ilfautl’admettre,tuesmieuxquelatélé,commedivertissement.J’aipouffé.–Jesuiscontentquetuarrivesàriredemoneffroyableviesentimentale.Elle est allée jusqu’à la porte de chez elle et m’a lancé un sourire par-dessus son

épaule.–Tuesunbeaugosse,unpeubrutetdangereux,elleesttimideetréservée.Jel’aivue

enarrivant.Elledoitêtredépasséepar toietellea l’impressiondeperdrepied.Donne-luiuneminutepour comprendreque tune seraispasà fond sur elle si tune la trouvaispasaussigénialequ’elletetrouvegénial.Ça,c’estunejoliefillequiacraqué,pasdedoute.Lesgarçonsdoiventfaireattentionaveclesjoliesfillesquiontlebéguin.

J’aihausséunsourcilenlaregardant.–Commentest-cequetusaistoutça?Tuesvoyante,ouquoi?Elleaouvertlaporteetarigolé.–Loindelà.J’aiuntrèsboninstinctaveclesgens.Çam’estutile,avecleboulotqueje

fais.Elle ressemblait à une prof de yoga ou une strip-teaseuse de luxe, surtout avec un

prénomcommeRoyal!Jen’arrivaispasàimaginercequesonvraitravailpouvaitêtre.–Tufaisquoi?Ellem’aréponduenlevantunsourcil.–Tunemecroiraispassijeteledisais.Nelalaissepastomber,voisin.Jecroisqu’ellea

besoind’unmeccommetoi,ungarsquilasecoue,quilaforceàs’amuser.Bonnesoirée.Elleafermélaportesansmedonnerdevraieréponsesurletravailqu’ellefaisait,etje

suisretournédansmonappart.Ilmefallaitunepetiteminutepourmeviderlatêteet,plusurgent,medébarrasserdema frustration sousunedouchebrûlante. Jen’avais jamais étéaussiembrouillé,aussiremontéparunefilleavant.Saintdemandaitdesefforts,unetouchededouceurquejen’étaispassûrdeposséder.Jeveuxdire,jen’avaisjamaisétélegenredemecquidébarquedans lavied’une filleetmet tout sensdessusdessous. Jen’étais jamaisassez intéressé pour cela. Avec Saint, je commençais non seulement à vouloir toutmettresensdessusdessous,maisaussiàlemettredansunbocal,ouuneboîte,etàsecouerletoutjusqu’à obtenir quelque chose de totalement différent à la sortie. Un Nash et une Saintdifférents,quipourraienttrouverunesolutionàcettemerde.

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Chapitre8SAINT

J’aitournéenronddansmonappartementcommeunenévroséependanttoutelanuit.Je

n’arrivais pas à croire ce que j’avais fait, ni comment je l’avais fait. J’étais mortifiée etstupéfiée, non seulement par mes actes, mais aussi parce que j’avais vraiment réussi àprendreduplaisiraveclui.Celanem’étaitjamaisarrivéavant,ettoutelavoluptéinconnueetlaconsciencedéstabilisantequec’étaitluiquiavaitpum’yamenerm’aveuglaientpresquedepanique.

J’ai passé toute la journée suivante à faire leménage et à chercher des choses pouroccupermonespritquitournaitenrondjusqu’aumomentd’allertravailler.J’aiàpeinetenule coup pour aller prendre mon service, mais vu que mon téléphone était sur le pointd’exploserentrelesmessagesénervésdemamèreetceuxdéçusdemonpère,ilfallaitquejesortedemonappartement.J’aiappeléFaithpourluisouhaiter,àelleetàsamarmaille,un joyeuxNoël,etmêmesi j’aiessayédefairebref, jecroisqu’elleacomprisque jen’étaispasbienetqu’ilyavaitungrosproblème.

Ellenepouvaitriendirenifairepourm’empêcherdemesentirfolle.Jenesavaispascequ’il m’arrivait avec Nash, mais quand lui et moi étions dans la même pièce, je metransformaisencatastropheimprévisible.

Les choses avaient plutôt bien démarré. C’est vrai que je n’étais pas ravie de ne pasavoirmavoitureaucasoùj’auraisvouluquitterlemariageetéchapperàmonstress,maissesamisettoutlemariageétaienttrèssympas.Sonpère–Phil,commelevieilhommerieurm’avait demandé de l’appeler – était charmant. Si je n’avais rien su, j’aurais pensé qu’ilrespirait la santé. L’infirmière en moi n’était pas sûre que voir autant de gens était trèsmalindanssonétatfragile,maisjevoyaisquecelaauraitétéinconcevablepourluideraterl’événement. Ce groupe était plus proche que toutes les bandes d’amis que j’avais jamaisrencontrées.

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Tous les amis de Nash étaient magnifiques et couverts de signes distinctifs qui enfaisaient un groupe inoubliable. Ce n’était pas tant les tatouages ni lemohawk violet dumariéquiavaientcausémonhyperventilation;non,c’était l’amourpalpable, l’affection, lerespect et l’admiration sincères qu’ils avaient les uns pour les autres quim’avaient donnél’impressiond’êtrecoincéedansmapeau,quiavaientfaitnaîtreenmoiuneconvoitisequejen’avaisjamaisressentieauparavantetquiétouffaittoutleresteenmoi.

Laseulepersonneavecquij’avaiseucegenredelienétaitFaith,etmaintenantqu’elledevaits’occuperdesafamilleetdesonmari,jemesentaisdeplusenplusseule.Regarderce groupe d’hommes et femmes mal assortis, voir les mariés clairement décidés à toutsurmonter pour être ensemble, m’a fait me sentir mal, douloureusement jalouse, et alorsquecelapulsaitdansmonsang, j’aieubesoindepartir.EttoutcommeNashl’avaitdit, jesavais,jen’avaisaucundoutesurlefaitqu’ilmeramèneraitàlamaisonsansbroncher.Maisje n’arrivais pas àmettrema tête etmon cœur d’accord. D’un côté, je voulais croire à safaçadedemecsympa,mais j’avaisdéjàsouffertde la fausse idéeque jem’étais faitede luiparlepassé,etjecroisquec’étaitunrisquequejenevoulaispasprendreunesecondefois.Jen’étaispassûredepouvoirencaisserunedeuxièmedéceptiondesapart.

Enleregardantdescendrel’allée,grandetélégant,coloréetunique,iln’yavaitpasdedoute, je le voulais. Je ressentais du désir, j’étais excitée sans hésitation dès qu’il metouchait,dèsqu’ilmeregardaitavecsesyeuxmagnifiques.Jen’étaispashabituéeàcela,nià toute lachaleuret laconfusionqueNashavaitamenées,une foisdeplus,dansmavie.L’accumulation s’était tellement tendue en moi que j’étais comme un ressort prêt àcraquer…Etcrac,ilm’avaitembarquéeaveclui.

Comme si ma panique colossale au mariage n’avait pas suffi, ma réactionincompréhensible quelques secondes après le seul orgasme que quelqu’unm’ait offertmedonnait envie de changer de nom et de déménager sur une île lointaine dont personnen’avaitjamaisentenduparler.Fondreenlarmesaprèslesexen’avaitriendenouveaupourmoi,mêmesicettefois,ils’agissaitdelarmesdegratitude.Maislamanièredontj’avaispétéunplomb,prismes jambesàmoncou,etpeut-être leplushonteux,durementabandonnéNash avec une érection ostensiblement insatisfaite, me faisait sérieusement douter de masantémentale.

Évidemment,lesautresmecsavaienttort.Jen’avaisaucunproblème,sexuellement.Jen’étais pas frigide ni froide…SiNashm’avait chauffée encore un peu plus hier soir, nousaurionsfondutouslesdeux.Apparemment,ilfallaitjustequelegarssoitrecouvertd’encre,percéàdesendroitsinhabituels,aitunlienavecmonpasséetmonmanquedeconfianceenmoid’une façondévastatrice,pourque j’aieunorgasme. Ilétaitbeau,avecsapeaumate,ses blocs demuscles tendus, parfait et sexy.Cen’était pasunpetit gabarit, nulle part, etalors que je pensais qu’il serait intimidant, cela m’a seulement donné l’impression d’être

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toutemenueetincroyablementféminineàcôtédelui.Celam’adonnéencoreplusenviedelui.

Enplusdetoutcepourquoijem’auto-flagellais,jen’avaistoujourspasréussiàvoirlerestedeson tatouage.Je savaisquemon indexetmonpoucearrivaientàpeineà faire lacirconférencedesonérectionquandilétaitexcité,quelemétalqu’ilportaitétaitbrûlantcaril était si proche de son corps, que les boxers blancs lui allaient bienmieux que le noir àcausedesapeaufoncée,etquesesyeuxnedevenaientpasvioletsuniquementlorsqu’ilétaiten colère, mais aussi lorsqu’il était excité. Pourtant, ce foutu tatouage demeurait unmystère, et tout en me traitant intérieurement de tous les noms, j’essayais toujours decompléterlepuzzlepourtrouveràquoiilpouvaitbienressembler.

J’airéussiàfinirmonservicedeNoëlsansincident,etàpartSunnyquimedemandaitcequin’allaitpastouteslescinqminutes,jepréféraiscelaplutôtqu’entendremamèrecrieretgeindrecontresavieetleNoëldesFord.J’évitaissoigneusementleDrBennet,carmêmesij’avaispromisdesortiravecluietnevoulaispasdécevoirSunny,moninstinctmehurlaitd’annuler ce rendez-vous. J’étais trop perturbée, décalée après ce qu’il s’était passé avecNash,pourcroirequejesortiraisdurencardindemne.Quandestvenuel’heurederentrerchezmoi, j’ai regardémon téléphoneetai fait lagrimaceenvoyantunappelmanquédeNash.Iln’avaitpaslaissédemessage,maism’avaitenvoyéuntextoquidisaitsimplement:JoyeuxNoël,Saint.

Jeluidevaisdesexplications.Jelesavais,maisjenem’enpensaispascapable.J’avaisdéjà du mal à m’exprimer clairement sur des sujets qui n’étaient pas gênants. Alorscommentétais-jecenséeluidirequ’ilétaitlepremiermecavecquij’avaisétéquim’avaitfaitme sentir aussi bien et dont j’avais réellement eu envie ? Comment étais-je censée luiexpliquer que je ne voulais pas qu’il soit le gars qui rendrait le sexe agréable, à cause dechoseshorriblesqu’ilavaitditesdansuneautrevieetdecequej’avaisressentiàl’époque?Commentpouvais-jem’yprendrepourexpliquerquejenevoulaispasl’apprécier,quejenevoulais rien ressentir pour lui après le sentiment atroce que j’avais gardé depuis sa totaleindifférenceaulycée?Est-cequ’ilcomprendraitseulementqu’àcausedujeunelui,àcausede ces moments douloureux liés directement à ses actes, je détestais généralement l’idéed’êtrenueavecuneautrepersonne, jenesupportaispasd’êtreàdécouvertetvulnérable,desortequelesexeétaittoujoursincompréhensibleetterriblepourmoi?Jenepouvaispasle luiexpliqueralorsque jen’arrivaispasà trouverunsensà toutcelamoi-même.Quandest-ce que toute ma détestation de lui s’était soudain transformée en envie de lui sauterdessus à lamoindre occasion ? Et cela voulait-il dire que j’étais prête à lui pardonner lesfautesdupassé?Jen’avaispas laréponseàcesquestions,etypensermefaisaitmalà latête.

Jen’ai pas réponduà sonmessage ce jour-là,ni le suivant, quand ilm’ademandé sij’allais bien, ni le suivant quand il a demandé si nous pouvions parler. Je l’ai carrément

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ignoré. Phil avait décidé que s’il était assez en formepour assister aumariage deRule etShaw,ilétaitassezenformepourtenterderéemménagerchezluiavecuneaidemédicale,doncjen’avaisplusàm’inquiéterdecroiserNashàl’hôpital.Cetteidéemedonnaitenviedesauterauplafondetdemeroulerenbouleenmêmetemps.Mais lorsque leweek-endestarrivé, il ne m’envoya plus de textos, et je me suis résignée au fait que la symphonied’autodestructionquej’avaiscomposéeavaitfaitretentirsadernièrenote.Commej’enétaislacréatrice,jenepouvaisaccuserpersonned’autre.

Le temps a filé et tout à coup, nous étions au début de la semaine suivante etmonrendez-vous avec le beaudocteur était arrivé. Je voulais encoremoins y allermaintenantquelorsqu’ilm’avaitinvitée.J’auraisbienannulé,trouvéuneexcuseetfaitlamortesiSunnynem’avaitpaspris la têteaveccelaàchaquefoisqu’ellepouvait.J’avaisaussi fait l’erreurd’enparleràFaith,pluspouravoirsonsoutienqu’autrechose,maiselleétaittoutefolleàl’idéequejefréquentequiquecesoit,doncelleétaitsurmondos,elleaussi.J’étaiscoincée,ettoutcequejepouvaisfaireétaittenirlecoupjusqu’àcequecelasoitpassé.

J’aieulemêmedébatavecledocteurqueceluiquej’avaiseuavecNashcarjevoulaisprendremavoiture,saufqu’aulieudelagentillepersuasionetdelalogiqueimplacablequeNashavait fait valoirpourme convaincre, luim’a lancéun regarddésapprobateur etm’afaitremarquerquesesamistrouveraienttrèsétrangequenousn’arrivionspasensemble.Jene voulais pas revivre cette dispute avec quelqu’un pour qui les apparences semblaient siimportantes,alorsj’aiacceptéàcontrecœur,etilm’aditqu’ilviendraitmechercheràmonappartement. Je lui ai dit que nous devrions partir de l’hôpital, puisque la fête était àCherryCreeketc’étaitplusprès,maislàencore,ilm’ajetéunregardcommesij’étaisbêteetquejenesavaispascommentmarchaitunrencard.

Etj’étaislàà21hlaveilleduPremierdel’An,exactementseptjourss’étaientécoulésdepuismon rendez-vousdésastreuxavecNash, et au lieud’essayerd’engagerpoliment laconversation,etdetrouverunmoyendeprofiterdemontempsavecleDrBennet–Andrew–jemesuisretrouvéesurlesiègepassagerdesontrèsbelSUV,àmedemandercequeNashfaisaitencemoment.Aprèstout,c’étaitleréveillonetcelavoulaitdirebisouàminuit.

J’ailâchéunlourdsoupiretaisursautéquandAndrewacoupéleflotdeparolesqu’ildébitaitsurlui-même,etàlui-même.Aucundoute:ledocteurétaitsonplusgrandfan.

–Toutvabien?Jemesuisforcéeàsourireetaijouéavecleboutdemescheveux,quej’avaisdétachés

etcoiffésenbouclessouplesetgéantes.–Oui,oui.J’aieubeaucoupdetravailetaveclesfêtes,jesuisunpeucrevée.Etjesuisobsédéeparunmecauqueljenedevraispaspenser,maisjemesuisditqu’il

nevoudraitpasêtreaucourantdecettepartie.–Tuastoujoursvouluêtreinfirmière?

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–Ouaip.J’aimebiença,j’aimebienl’activitédesurgences,maissurtout,jevoulaisaiderlesgens.

–Ahh,tufaispartiedecesgens-là.J’ailevéunsourciletl’airegardéducoindel’œil.Nousnousétionsarrêtésdevantune

maisondeville luxuriantedansl’unedesbanlieues lespluschicsdelaville.J’aisentimonestomactomberdansmonventre.Jesavaisdéjàquecelaallaitêtreinvivable.Nousnousensortionstrèsbienavantqu’ilmedemandedeprendrepartàsonbavardage.

–Quelsgens,exactement?–Lesgensquiontfaitdesétudesd’infirmieroudemédecinepourleursidéauxouleurs

bonssentiments,vouloirprendresoindesautres.Quoi?Ilexistaitdesgensquiselançaientdanscescarrièrespourd’autresraisonsque

lacompassionetl’intérêtpourlebien-êtredesautres?Depuisquand?J’étaisbouchebée,alorsj’aidûdemander:

–Ettoi,pourquoitul’asfait?Ilaémisunpetitrireetestsortidelavoiturepourm’ouvrirlaportière.Ilm’aoffertsa

main, que j’ai prise à contrecœur. Je n’aimais pas qu’elle soit douce, parfaitementmanucurée, comparée à lamienne.C’étaientdesmainsqui tendaientdes cartesde visitestoutesblanchesàlongueurdejournée.

– Parce que je voulais un bon boulot, quelque chose de stable, quelque chose quidonnaitun statut etduprestige.Enfin, comprends-moibien : j’adore lamédecine, j’adoreguérir, j’adore être à l’hôpital toute la journée, mais honnêtement, si je pouvais faire lamême chose sans avoir autant d’interactions avec les patients, je le ferais. On se lasse àforce, tu vois ? Soigner des gens qui, souvent, ne souffrent de rien d’autre que de leurspropresmauvais choix. À long terme, je voudrais avoirmon propre cabinet. Je crois quec’estlameilleurechoseàfaire,pourpouvoirchoisirletypedepatientsquejeveuxsoigner.Finipourmoi, lesmaris infidèlesavecdes femmesagressiveset lesgaminsqui tombentdevélo.

Cetteattitudeétaitridicule,etsij’avaisétéquelqu’und’autre,j’auraispeut-êtretrouvélesbonsmotspour le luidire.Au lieudecela, j’aiattenduqu’il se retournepour lever lesyeux au ciel endirectionde l’arrièrede sa tête soigneusement coiffée.Heureusement qu’ilavait sonboulot et sabellegueule, car ilmeparaissait évidentque cethommeétait aussiprofondqu’uneflaquedepluie.Ilétaitpeut-êtreagréableàregarderdel’extérieur,maisjecommençais à voir que l’intérieur était beaucoupmoins attirant, ce qui m’a fait penser àNashunefoisdeplus.

Son apparence était tellement accrocheuse. Oui, il était beau, mais d’une façonvraimentcompliquée;ilfallaitvoirau-delàdetoutesleschoses,àl’extérieur,quilefaisaientsortir de la norme, pour voir combien il était réellement magnifique. Son intérieur, enrevanche,jel’avaislongtempscrutorduetméchant,maiscequibrillaitdanssesyeuxbleu

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pervenchen’étaitriend’autrequede l’honnêtetéetde lasincérité…C’étaitcequ’ilyavaitde plus beau chez lui. Si quelqu’un voyait les deux hommes avec qui j’avais accepté desortir,jesavaisd’instinctquelamajoritéregarderaitAndrewetsedemanderaitpourquoijen’essayais pas de lemettre dansma poche,maisNash…Pourmoi, c’était lui, lemeilleurparti… Il était unique et spécial, au point que j’avais dumal àm’en détacher, même enétantaussitirailléeparlepassé.

–J’espèrequeçane temettrapasmalà l’aise,mais j’ai étéaveccertainesdes jeunesfemmes à cette soirée.Généralement, les relations se sont bien terminées,mais onne saitjamaiscequecelapeutprovoquerdemevoirarriveravecunenouvellebellefemmeàmonbras.

J’avaisenviede luimettreuncoupdepieddans letibia,oupeut-êtrededécoiffersescheveuxpleinsdegel.Sérieusement,nonseulementj’allaisdevoirpasserlasoiréedansunepièceremplied’inconnus,maisenplus,j’allaisaussiservird’appâthumainqu’ilallaitagitersouslenezdesesex.Ohlala,j’allaisbienm’amuser!

–Jesuisassezdiscrète.Jenesuispasvraimentbonnepourmemêlerauxgens.–Tupeuxjustesourireetêtrejolie.Ilm’afaitunclind’œiletj’aidûserrermalangueentremesdentspournepasluidire

que je le trouvaissuperficieletglobalementdégoûtant. Ilmedonnait lachairdepoule,etquand je me souvenais de ma peau qui brûlait et tressaillait avec Nash, j’avais envie detrouverlasortielaplusprochepourtracerjusqu’àlamaisonsurCapitolHill.

Dès que nous avons passé la porte, il devint évident que ce soir, mon rôle était deparaderavecBennet.Iln’aditàpersonnequej’étaisinfirmière,n’apasparlédemesétudesnimêmedecommentnousnousconnaissions.Ilsecontentaitdem’exhiberetn’arrêtaitpasde me dire de prendre un verre et de sourire. En gros, tout le monde à cette réceptionluxueuseétaittoutaussifauxquenotrebondocteur,alorsmonseulsoulagementétaitquepersonnenes’attendaitàcequejeparlebeaucoup.Jehochaislatêteetjefaisaisdesbruitsmarmonnésquidonnaientl’impressionquej’étaisintéressée,etj’essayaisdemesouvenirquece n’était qu’un rendez-vous et que cela serait bientôt fini. Sunny serait contente, et jepourraiscontinuermavie.

Auboutd’uneheureenviron, j’étaisnonseulement fatiguéedesonspectacleetdesafrime, mais je m’ennuyais surtout à mourir. J’avais bu deux coupes d’un champagnecertainement très chermais imbuvable et j’aidécidéde chercher les toilettes.Personnenesemblait enclinàmedireoùaller,alors jeme suiséloignée toute seule.Lamaisonn’étaitpas immensemais il y avait beaucoup de pièces, et j’avançais dans un couloir quand j’aientenduunrirefémininaigusortirdel’uned’elles.J’allaispasserlatêteparlaportepourdemandersij’allaisdanslabonnedirection,lorsqu’unsentimentdedéjà-vum’abottéleculetrenvoyéedroitversmesannéeslycée.

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–C’estquoileproblèmeaveclafillequ’Andrewaramenée?Jecroisqu’ellen’apasditunseulmotdetoutelasoirée.

D’autres rires ont retenti et j’ai senti quelque chose se coincer dansma gorge etmespoingsseserrer.

–Peut-êtrequ’elleestunpeu lente…Tuvois, spéciale.C’est clairqu’ilne l’aamenéeque parce qu’elle est jeune et jolie. Il voulait rendre Heather jalouse, je suis sûre, parcequ’elles’estfiancéeetqueTommyluiaoffertcecaillougigantesque.JecroisqueTommynesaitpasqu’HeatherestalléeàAspenavecAndrewilyaquelquessemaines.

–Commesionpouvaitêtrejaloused’elle.ElleaautantdeconversationetdeQIqu’unhérisson.Qu’est-cequ’ilacru?

Unricanementféminindélicatasuivi.–Elleestsûrementfacile,iladûsedirequec’étaitleréveillonetilveuttirersoncoup.

Ellen’estpasdureàconvaincre,jesuissûre.Je n’arrivais pas à décider si j’étais plus furieuse ou blessée. Les personnes adultes

n’étaientpascenséessecomportercommeça.C’étaitpuéril,c’étaitbientropsemblableàcequim’avait renduesidiscrèteet réservéeaudépart,et simonrencardavait fait l’effortdeme traiter comme une personne plutôt qu’un accessoire, peut-être que ces inconnusn’auraientpaseuderaisondecommérercommedesadolescentesattardées.

J’avaisatteintleslimitesdematoléranceàl’absurdité.J’aicontinuéàmarcherjusqu’auboutducouloiretaisortimonportabledemonsoutien-gorge,oùjel’avaiscoincé.Certes,laréactionplus saine etplusmatureaurait étéde confronter ces femmes,dedire àAndrewquec’étaitunpauvreconprétentieux,maisj’enavaisjustemarre.Jen’allaispaslaisserdesinconnusmedonnerl’impressiond’êtrenulle.J’aipasséunappelquej’auraisdûpasserplusd’unesemaineavant.

Letéléphoneasonnéencoreetencoreetjemesuissouvenuequec’étaitunsoirdefêteet qu’il était probablement sorti. Sorti avec quelqu’unqui n’était pasmoi. J’ai retenumonsouffleetjem’apprêtaisàraccrocheretappeleruntaxilorsquej’aientendusagrossevoixàl’autreboutdufil.C’étaitlesondelasalvationetdelatentation,enunseulmot.

–Saint?Ilétaitapparemmentdansunbar,ouunautreendroitbruyant. Ilyavaitdubruitet

des festivitésderrière lui.Des voixqui criaient,desgensqui faisaient la fête,mais lebruitfaiblissaitdoucementcarils’enéloignait.

–J’ai…J’aibesoinqu’onmeramène.Tupeuxvenirmechercher?Il ne disait rien, à l’autre bout du fil. Putain, si j’étais lui, je dirais non à la folle qui

m’avait laissé en plan puis m’avait ignoré toute la semaine, mais encore une fois, Nashsemblaitmeprouverquecequejepensaissavoiretlaréalitén’avaientrienencommun.

–Tuesoù?

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–Je suisàune fêtepourriepleinedegensatrocesàCherryCreek. Je suisdésolée, jen’aimepasdemanderça,maisjen’aipasmavoitureetjesuisunpeubloquée.Ilfautquejesortedelà…S’ilteplaît.

Il a soupiré et je le voyais passer sesmains sur ses cheveux tout courts, comme il lefaisaitquandilétaitexaspéré.Sesyeuxdevaientaussidanserentrebleuetlilas.J’aisoupirésanslevouloirdevantcetteimagementale.

–Envoie-moil’adressepartextoetjesuislàdansunquartd’heure.J’ailâchéunsoufflesoulagéetairepoussémescheveuxdemonvisage.–Merci.Ilamarmonnéungrosmotquim’afaitgrimaceretasoupiréànouveau.–Toutcequetuveux,Saint.Quandtuveux.La communication a été coupée et je lui ai envoyé l’adresse. Je comptais bien rester

cachéedanslasalledebainsjusqu’àl’arrivéedemonsauveur,seulementmonplanpastrèsbrillantaétécontrariéparuncoupàlaporte,etmonrencardsansintérêtquiappelaitmonnomsuruntoninterrogateuràtraverslepanneau.

–Saint?Tueslà-dedans?Jesupposequej’étaispartieassezlongtempspourqu’il leremarque,oupeut-êtreque

tous les autres en avaient eumarrede sondiscoursmonotone vantant ses vertus, et qu’ilavaitbesoinquejesoislàpourfairesemblantd’êtreintéressée.Quellefouine!

–Euh,ouais,donne-moiuneseconde.Jeme suis lavé lesmains etme suis regardée rapidement dans lemiroir. J’étais plus

pâle que d’habitude, mais on ne pouvait pas nier que mes yeux brillaient d’excitation.Merde.JevoulaisvoirNash.Jevoulaisêtreprèsdelui,jevoulaisletoucher,etilnem’avaitmêmepasdemandépourquoij’avaisbesoindelui,alorsjevoulaisaussisimplementleserrerdansmesbras,parpuregratitude.

J’aiouvertlaporteetsuistombéesurleregardinterrogateurd’Andrew.–Toutvabien?Jemesuiséclaircilagorge.– En fait, non. Je ne me sens pas super bien. Je crois qu’il faut que je rentre me

coucher.Depréférenceavecunmecsexyetténébreuxauxyeuxdelamêmecouleurquelafleur

duColoradoet auxabdosquidevraient être surunepubde sous-vêtementsaux côtésdeceuxdeBeckham.

–Quoi?Non,non.Onestencoreloindeminuit.Onnepeutpaspartirmaintenant.J’aigrincédesmolaires.–Tun’espasobligédepartir,Andrew,maisjenevaispasrester.Ilaplissélesyeuxetsonattitudeestpasséedel’agacementàundébutdemenace.

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–Qu’est-cequejevaisdireàmesamis?Tusaisdequoiçavaavoir l’air,situparsetque jereste ici?Etminuit? Iln’yaquedescouples ici,Saint.Quiest-ceque jesuiscenséembrasseràminuit?

Quoi? Jeme suis raidieetaiplissé lesyeuxàmon tour. Jen’aimaispas le conflit, jedétestais essayerd’exprimer auprèsd’uneautrepersonne cequ’il sepassait dansma tête,maiscecrétinetsesamisélitistesavaientsecouéquelquechoseenmoi.Jen’étaisplusuneado.J’étaisintelligente.J’avaisréussietj’avaisledroitd’êtretraitéecommeuneégale,peuimportelasituation.

–Çavaavoirl’airdecequec’est,précisément.Jen’aiplusenvied’êtrelà.Jenet’aimepas. Jen’aimepas tesamis,et franchement, jem’en fousdeceque tu leurdiras.Cen’estpas comme s’ils allaient écouter, de toute façon. Ils sont tous trop occupés à expliquercombien ils sont géniaux… Personne ne peut en placer une. Et pour ce qui est dem’embrasser…

Je suispasséedevant lui et j’ai repoussé samainquand il a essayédemeprendre lepoignet.

– Certainement pas. Pas à minuit, pas sous le gui… Nulle part, jamais. Au revoir,Andrew.

Ilalancémonnompuism’ainsultéetrèssalement.–Quand lesautres infirmièresentendront çaau travail, tune t’en sortiras jamais.Tu

saisquelaplupartauraientvouluêtreàtaplacecesoir?C’étaitladernièrechosequejevoulais,quel’onrépandedesrumeurssurmoi,quel’on

parledemoiderrièremondos,maisentrecelaetpasserunesecondedeplusaveclui,celamesemblaitêtreunmoindremal.

J’aihaussélesépaulesetmesuisdirigéeverslaported’entrée.–J’ail’habitude.J’aiattrapémonmanteauquiétaitaccrochéàunepatèreprèsdelaporteetluiaijeté

undernierregard.–Aufait,disàtesamisquemonQIestplusprochedeceluideStephenHawkingque

d’unhérisson.J’aifinimajordepromoàCalStateLosAngeles.Peut-êtrequesituavaispristroissecondesetarrêtédemevantercombientuétaistropcool,tulesaurais.

Laportes’estferméederrièremoiavecunbruitsecetj’aifrissonnédansmonmanteau,autant à cause de l’adrénaline que de l’air glacé du Colorado. Je portais une jupe quidescendaitjusqu’augenouetunepairedebottesquimontaientjusqu’augenou,quiallaienttrès bien avec mon haut sans manches pailleté. C’était correct, mignon, et pas du toutprovocant,maiscen’étaitpasunetenuepourfairelescentpassuruntrottoirenattendantmavoitured’évasionaumilieudel’hiver.

J’ai entendu sa voiture bien avant de la voir arriver au coin de la rue. Elle étaitbruyante, reconnaissable, résonnait dans mes oreilles, et on ne pouvait pas louper le

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monstrenoiretchrome,toutcommeonnepouvaitpasloupersonpropriétaire.J’aiàpeineattenduqu’ils’arrêtepoursautersurlesiègepassager.Mesdoigtsétaientparalysésetmesjoues congelées, mais l’intérieur de la voiture était chaud et confortable et sentait unmélange du parfum de Nash, de polish et de fumée de cigarette. J’ai avancémes doigtsdevant le chauffage au-dessus du tableau de bord et il a fait demi-tour pour sortir de cequartierriche.

–Merci.J’espèrequejenet’aipastropdérangé.Il m’a lancé un regard en coin et a pianoté sur le volant. Les Dropkick Murphys

passaientàbasvolumedansl’autoradioetjemesuisditquec’étaitunchoixmusicalquiluiallaitbien.

–Nan.J’étais justeaubard’unpote.Rulen’estpas làetJetaemmenéAydenàNewYorkavecluipourunconcertqu’ildonnelà-bas.Romeattendunbébé,doncilfaitdesonmieuxpoursecomporterenadulteresponsable;Rowdyestleseulamicélibatairequ’ilmereste, donc on est juste allés au bar. Asa, il s’occupe du bar de Rome, c’est le seul autremembredenotrepetitebandesansattaches,etRowdyetluiavaientlamêmepetitebruneenlignedemire.Tuasappelépileaumomentoùilsfaisaientunconcoursdebeautétouslesdeux.Çadevenaitridicule,doncjeseraissûrementrentrétôtdetoutefaçon.

Ilm’aregardéeetj’aivusesyeuxseposersurmesjambes,làoùlebasdemajupeétaitremontéetquemapeauétaitexposéeau-dessusdemesbottes.

–Tuestrèsjolie.–Tun’aspastoujourspenséça…Quej’étaisjolie,jeveuxdire.J’aidétestémavoix,qui s’est fêléeetbrisée. Ila tournébrusquement la têtepourme

regarderetleslumièresdutableaudebordsesontreflétéesdanslesdisques,delatailledepiècesd’uncentime,aulobedesesoreilles.J’aimarmonnémonadressequandils’estarrêtéàunfeurouge,meregardanttoujours.

–Sérieusement?Dequoitumeparles,là?J’ai regardé par la fenêtre et ai dessiné un petit bonhomme bâton sur la buée de la

vitre.Jeluiaifaitunhaut-de-formeetunnœudpapillon.–Aulycée,tuasdit:«Ilfaudraitluimettreunsacsurlatêtesielleveutbaiser.»Jemesuistournéeverslui.Ilavaitl’airébahietincrédule.–Toietungroupedemecsavecquitutraînais,vousétiezentraindefumeretjevous

ai entendus en passant. J’entendais tout le temps des trucs comme ça, parce que j’étaisgrosse et que j’avais plein de boutons, mais ça m’a fait mal venant de toi, parce que jepensais que tu étais différent. Tu as dit que j’étais une catastrophe, qu’il fallait que jemeregardedansunmiroiretquejememetteauboulot.

J’aifermélesyeuxetmesuisrepassécemomentdansmatête.Encoreaujourd’hui,celamefaisaitmaldanslapoitrineetcelafaisaitremontermesvieuxcomplexes.

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–Etavantça…Avantça,jecroyaisquetuétaissympa.Chaquefoisquetumesouriais,chaque fois que tu me disais bonjour, je pensais que tu étais différent. Je suis allée àl’anniversaired’AshleyMaxwellparcequetum’avaisdemandésij’yallais.

Jerevoyaistoutcommesicelasepassaitdevantmesyeux,etsij’avaisprislapeinedele regarder, j’aurais vu la confusion hébétée sur son beau visage, comme il essayait dereplacerlespiècesdupuzzledenotrehistoiredanssamémoire.

–C’étaitbêtedemapart.Jemesuissentiestupide.Tunem’asmêmepasregardéeettu as embrassé Ashley comme si elle était exceptionnelle. Tu ne savais même pas quej’existais, et après il a fallu que tu dises ces saloperies sur moi. Je pensais que tu étaismerveilleux,etaprèsjet’aidétesté.Cequetum’asfaitressentir…

Mavoixabaissé,etj’entendaisl’anciennedouleur,lavieilledéceptiondansmavoix.–C’estrestéenmoilongtemps,Nash.Toutétaitsilencieux,misàpartlesguitaresetlescornemusesdanslesenceintes,etj’ai

penséqu’ilsesentaitpeut-êtrecoupableougêné,maislorsquenoussommesarrivésdevantmon immeuble et que je me suis tournée pour lui dire merci de m’avoir ramenée, il m’asurpriseensetournantcomplètementsursonsiègeetmehurlantdessuscommesic’étaitluiquiétaitblessédepuistoutcetemps.

–NomdeDieu,maistuescomplètementtarée!J’aireculéunpeuetaifroncélessourcils,alarméeparsontonvéhément.–Quoi?–Jen’aijamaisditçaàproposdetoi.Impossible!Etsijet’aiignoréeàjenesaisquelle

fête, jenel’aipasfaitexprès.J’étaisunpauvreidiotquandj’étaisado,Saint.Mesprioritésétaientstrictementdansmonpantalon.Àcetteépoque,si jepouvaisavoirunefilleàcoupsûrtucroisquelemecdedix-huitansquej’étaisluidisaitnon?

Jeluiaifaitunsouriretristeetaivouluouvrirlaportière.–Maisjet’aientendulasemained’après,Nash.Jet’aivudemespropresyeux.Çafait

longtemps,maismes souvenirs sont clairs. Etmême si c’était juste un exemple de garçonimmature,çam’aquandmêmefaittrès,trèsmal.

Il a secoué la tête et levé lesmains aussi haut qu’il le pouvait dans l’habitacle de lavoiture.

– N’importe quoi. Je n’ai même jamais pensé ça de toi, Saint, jamais. Donc c’estimpossible que je l’aie dit. Je trouvais que tu étais timide… Et oui, peut-être assezmaladroiteetunpeutropstudieuseàmongoût,maisjet’aitoujourstrouvéejolie.Pourquoitucroisquejetedisaisbonjourtouslesjours,quej’essayaisdetepousseràmeparler?Jetrouvais que tu avais un très beau sourire, et quand tu t’es enfin assez détendue pour lesortirrégulièrement,j’étaiscommeunouf.Tescheveuxsontsupersetsauvages,j’adoreça…Ettesyeux.Putain,tesyeuxpourraientinspirerdeshommesàpartiràlaguerre,àpeindredesœuvres d’art, à s’arracher le cœur de la poitrine pour te l’offrir sans hésiter…Déjà à

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l’époque,etmaintenantaussi.Riendetoutçan’achangéaveclesannées,donccen’estpaspossible que j’aie dit çade toi…Paspossible, putain !Tum’as entendudire « Saint Forddoitsemettreunsacsurlatêtepourbaiser»?Jenecroispas.

Ilétaitvraiment,vraimenténervé.Jesentaisunecolèrebrûlanteémanerdeluietjenesavais pas comment réagir. Pendant si longtemps, je m’étais sentie victime, j’avais utilisécette situation pour justifier mon comportement avec les autres, mais maintenant qu’il ledisait,aussiclairquesoitmonsouvenir,jenel’avaispasentenduprononcermonnom.

–Je…J’aisursautésurlesiègequandilatapédupoingsurletableaudeborddevantlui.–Jequoi?Tuveuxuneexcusepournepasm’aimerparcequetusaisquejesuisattiré

partoiettun’arrivespasàlegérer?J’aientendudestrucsnégatifssurmoitouslesjoursdepuismonenfance,Saint.Jen’étaispasassezintelligent,pasassezpropre,pasassezpoli,et Dieu sait que la couleur de ma peau et de mes yeux n’allait pas du tout. Tu croisvraimentque j’aurais faitçaàquelqu’und’autre?Ouais,peut-êtrequec’estmafautesi jenet’aipasvueclairementalorsquetuétaisjusteenfacedemoi;etjet’aipeut-êtrevexéesanslevouloirenfaisantlepetitconpleind’hormonesàcettesoirée;maissitum’avaisditquelquechose,si tum’avaisditquetuyallaispourmevoir, jepeuxtegarantirqueçaneseraitpasarrivé.Etpeut-êtreque jeparlais tropetque jedisaisdes conneries,mais jeneparlaispasdetoi.

Sesyeuxétaientpresquenoirs.Jenesavaispasdutoutquoifaire.Toutemavie,j’avaiscrusavoir,j’étaistellementsûre,etmaintenantj’avaisl’impressiondeneplusriensavoir.

J’airepoussémescheveuxderrièremesépaulesetl’airegardé.–Sicen’étaitpasmoi,alorsqui,Nash?Dequid’autretuauraispuparler?Jesaisque

tu l’as dit. Je t’ai entendu et je t’ai vu.Même si tuneparlais pasdemoi, diredes chosespareilles,cen’estpasnormal.

Ilaabattulesmainssurlevolantetm’agrognédessus,littéralement.–Quisait?Uneprofquejen’aimaispas,unefilleavecquij’avaiscouché,unefillequi

m’avaitditnon…Jenem’ensouvienspasparceque j’étaisunadopleind’hormonesetdecolèreàl’époque.Ondisaittousdesconneriesrégulièrement,maisjenememoquaisjamaisdesgensparcequejesavaisexactementcequeçafaisait.Àl’époque,toutcequejevoulais,c’était tirer mon coup, faire la fête avec mes potes, et oublier que ma mère était uneconnassesanspitié. J’avaisuneviedemerde,et ilyaeubeaucoupdemomentsoù j’étaisunemerde.Laplupartdu temps, je tenais àpeine le coup. Jenevaispasnierque jemecomportaiscommeunidiot,parcequej’étaisprobablementunidiot.Maisjesaisquecen’estpaspossiblequejet’aieattaquéeverbalementcommeça.

–Mais…–Maisriendutout.Jen’auraisjamaisdituntruccommeçasurtoi,parcequejenele

pensais pas. Je te trouvais jolie, je te trouve incroyablement magnifique maintenant, et

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depuisledébutjesaisquelesfillescommetoines’intéressentpasauxmecscommemoi.LesfillescommeAshleyMaxwell,oui.

J’ai tendu le bras et posé mamain sur la sienne, qui était serrée autour du volant.J’avaistoujoursétéintéresséeparunmeccommelui,c’étaitpourcelaquecesmotsterriblesmehantaientencore.

–Nash…Jevoulaistellementlecroire,luifaireconfiance,etjedevaisadmettrequ’ilavaitunbon

argument, j’auraisdûluidirequej’allaisàlafêtepourlevoir.Maissurtout, jecédaiset jemedisaisquecequ’ils’étaitpasséàl’époqueétaitpeut-êtrepluscompliqué,parcequecelam’aidaitsurlemomentàaccepterdeledésirerautant.

Ilaregardémamain,puism’aregardéedanslesyeux.–Mêmesiunconavaitditçadetoi,tudoissavoirquec’étaitdesgaminsetqueriende

toutçan’étaitvrai.Etjejurequejen’auraisjamaisgaspilléunechancedepasserdutempsavectoisij’avaissuquec’étaitçaquetumeproposais.Àl’époque,unesoiréecommeçanevoulaitdirequ’une chose : baiser. J’avaisunesprit à sensunique.Desphrases commeça,l’opiniondesautres,çanedevraitpasavoirautantdepouvoirsurtoi,Saint.

Mais elles avaient ce pouvoir, et là était le problème. Je faisais toujours l’erreur delaisserlesparolesetlesactesdesgensmeblesser,etdictercequejepensaisdemoi-même,etcelamecoûtaitplusencemoment,quejenel’auraisjamaiscru.Jevoulaisqueceluiqu’ilétait avec moi, en ce moment, soit le vrai Nash, pas le Nash qui hantait encore messouvenirsdesonindifférenceetdesesparolesinsensibles.

Il aplongé lamaindans sapoche et ena sorti unpaquetde cigarettes. Il l’a secouépour en sortir une et l’a placée dans sa bouche. J’ai poussé une exclamation et la lui aiarrachéedeslèvres,cequiadurciencoreplussonregardsurmoi.

–Non!Jecroyaisquetuavaisarrêté!–J’avaisarrêté,jusqu’àlasemainedernière.Iln’avaitpasbesoind’endireplus.Jesavaiscequ’il s’étaitpassé lasemainedernière,

qui avait pu le pousser à recommencer. C’était ma faute, mais je pouvais corriger leproblèmes’ilm’endonnaitlachance.

J’aiouvertlaporteetmesuistournéeverslui.–Viensavecmoi,Nash.Ilalaissésatêtetomberenarrièrecontrel’appui-têteetafaitnondelatête.–Çanes’estpastrèsbienfinipourmoiladernièrefois,Saint.Non,c’estvrai,maisj’enavaisassezdem’accrocheràcequej’avaiscruqueNashétait,

alorsque leNashd’aujourd’huiétait toutbeauetadorabledevantmoi. Ilavait tout laissétomberpourvenirmecherchersansposerdequestions.J’aijetésacigarettequ’iln’avaitpasencorealluméepar terre,à côtédemoi,et j’aihaussé les sourcilsen le regardant. Il étaittempsdesefabriquerdenouveauxsouvenirspourremplacerceuxquimetourmentaient.

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–Jen’aijamaisvoulucoucheravecunmecàcepointavant.Jenepouvaispasarrêter,jenevoulaispasarrêter.J’avaisenviedetoi,detetoucher,detesentir,etc’étaitincroyablepourmoi.Aucunmec,jamais,nem’avaitfaitjouiravant,Nash.Nonpasquej’enaieconnubeaucoup,maistuesleseulquiaiesfaitça.Jenepeuxpastepromettrequejenevaispasencorepéteruncâble. Il yade fortes chancesque jememetteàpleurerparceque jenecontrôlepastoutcequetumefaisressentir,lebonetlemauvais,maisjeveuxquetuentresavecmoi.Jeneveuxpasquelepassésemetteentrenous,paslà.

Jevoulaisqueplusriennesemetteentrenous. Ilavait l’airdeseprépareràmedirenon. Je ne sais pas comment j’aurais pu gérer cela, un refus clair, indéniable, dans magueule,mais heureusement, je n’ai pas eu à le découvrir car il a ouvert sa portière et estsortide lavoiture,puism’a regardéepar-dessus le toit. Iln’allaitpasmedécevoir.Celaafaitvirevoltermoncœuretmonventreestdevenutoutmouetchaud.

–Onsedonnedixminutes.Dixminutes,etsiçanefonctionnepas,onarrêtelesdégâtsetpersonnen’estblesséni…

Undesessourcilsnoirss’estlevéetunsourired’autodérisionaétirésabouche.–…frustré.–Dixminutes?Celamesemblaitloind’êtreassezlongpourtouchertoutecettepeaudouceetbrune.–Dixminutes.Jepouvaistenirdixminutessanspéterlesplombs.Putain,lapremièrefoisqu’ilm’avait

embrassée,celaavaitduréplusdedixminutes.Jepouvais lefaire, jevoulais lefaire,maispourautant,mesmainsn’ontpasarrêtédetrembleretl’idéedemeretrouvernueavecluim’anouél’estomacetdeshésitationssonttoutdemêmeremontéesdesprofondeurs.Jemerépétais qu’il ne fallait pas réveiller le chat qui dort,mais en réalité je le sentais toujoursprésent,entraindemegrifferlespieds.

Pour voir le bon côté des choses, me retrouver à nouveau avec lui voulait dire quej’allaisenfinvoirlerestedesontatouage.

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Chapitre9NASH

Dixminutes.Pasgrand-chose,maisunpressentimentmedisaitquecelaallaitêtrelesdix

minuteslesplusimportantesdemavie.Surtoutaprèscequ’ellevenaitdemerévélersurlepassé et pourquoi elle était aussi changeante avec moi. C’était une histoire lourde, et jecomprenais beaucoup mieux pourquoi je devais toujours prendre des pincettes avec elle.Elleétaitattiréeparmoi,maisellemedétestaitaussi.Jen’avaisjamaisvécucelajusqu’alors.

Jemesouvenaismêmedesdeuxmomentsdontelleparlait.Ilsétaientdevenusunpeuflousetembrumésavecletemps,maisjemerappelaisdel’essentiel.Lasoiréeenétaituneparmi tant d’autres. Je suis quasi certain que j’étais déjà bourré avant d’arriver. AshleyMaxwell et moi avions un truc sans prise de tête, et si je venais tout seul, je terminaisgénéralementlanuitdanssonlit.Jenesaismêmeplusàquoielleressemblaitet jenemesouvienscertainementpasd’avoirdemandéàSaintsielleyserait.Ellevalaitmieuxquecegenre de fêtes, et je le savais. Après avoir entendu sa version de la situation, j’avaisl’impressiond’êtreunconnard,etcelaexpliquaitpourquoielles’étaitsoudainementmiseàmetraitercommeunlépreuxaprèscela.

Lejouroùellem’avaitentendudiredesconneries,c’étaitmoinsclairdansmamémoire.Je ne me rappelais pas de quoi je parlais, ni les mots que j’avais utilisés, mais je mesouvenaisde l’avoirvuepasserenpleurantàchaudes larmesetcommesielleallaitvomirpartout.Jem’étaisditquesinousavionsétévraimentamis,ousiellen’avaitpasétéaussitimide, je lui aurais demandé ce qu’il n’allait pas. Elle était trop jolie pour avoir l’air sidévastée.

Jen’étaispasunsaint.J’étaisunadoencolère,misdecôtéetquiessayaitdetrouverquelle sorte de jeune homme il allait finalement devenir. Le chemin avait été difficilependant unmoment et j’avais dit des trucs très cons, desmots blessants quand je parlaissansréfléchir,mais jen’avais jamaisété,etneserais jamais,niunecommèreniunebrute.

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Certes,cequ’elleavaitentendun’étaitpascorrectetprishorsdesoncontexte,quelqu’ilaitété,celam’avaitsûrementfaitpasserpourleplusgrostrouduculdelaplanète.

Cequimedérangeaitn’étaitpasqueSaintsoittombésurmoialorsquejefaisaisleconet qu’elle me l’ait reproché tout ce temps, mais qu’elle ait automatiquement pensé quec’était forcémentelleque j’insultais.Celaendisaitbeaucoupsursesproblèmesd’estimedesoietdemanquedeconfiance,etjen’étaispassûrd’êtrecapabledegérercela.Sansparlerdu fait que je ne savais pas vraiment comment luimontrer lemec que j’étaismaintenant,paroppositionaugaminénervéd’avant.

Je l’ai suivie chez elle et l’ai imitée quand elle a posé sonmanteau sur le dossier ducanapé. Je n’aimême pas jeté un coup d’œil à l’appartement.Quand elle s’est retournéepourmefaireface, jemesuis immédiatementavancé jusqu’àelle.Jen’allaispas lui laisserl’occasion de s’enfuir une seconde fois. Elle était presque aussi grande quemoi, avec cesbottesdemalade.J’aipris sescheveuxdansunemainetaienroulé sesbouclesautourdemonpoing,etaiutilisél’autremainpourprendresonmenton.Elleétaitcoincée.

–Onpeutfairebeaucoupdechosesendixminutes,Saint.Oùesttachambre?Elle a eu l’air un peu hésitant et a fait un signe de tête vers une porte derrière une

petite cuisine en couloir. Comme lesminutes étaient comptées, je n’avais pas de temps àperdre.Jel’aiembrasséetoutenlafaisantreculerverslaporte.Ellebougeaitavecmoi,cequiaprovoquéunpetitsoupird’appréciationcontreseslèvres.ElleapassésesmainssousleborddemonT-shirtetacommencéàleremonterdansmondosetsurmescôtes.

Pasmoyenquecelaarriveencore.Jesuisarrivéàlaporteetl’aicolléecontre,cequil’afaitsursauterunpeuetécarquillerlesyeux.Jedoisavouerquej’aimaiscombiennousétionsbienalignés.Ceseraitfacilecommetoutdel’enroulertoutautourdemoietdepasserauxchoses sérieuses… Peut-être qu’après ces dix minutes, je lui montrerais que dix de plusseraientunebonne idée…Etencoredixautresaprès. J’ai lentementdémêlé sesdoigtsdutissudemonhaut,etaiposédoucementmesmainssursataillefinesoussondébardeuràpaillettes.

–Àmontour.Je croisqu’elle était sonnée,mais elleaavancé légèrement sa lèvre inférieureenune

petitemoueetjen’aipaspurésisteraudésirdel’attraperentremesdents.–Maisjeveuxvoirtontatouage.Savoixétaitessouffléeetavaitunpetitquelquechosequirendaitmabitefolledejoie.

J’ai levéun sourcil et l’ai regardéeattentivementen faisantpasser sonhautpar-dessus satête. Elle respirait rapidement et je voyais qu’elle était anxieuse, mais jusqu’ici tout allaitbien,et j’avaisencoredutempsdevantmoi.J’ai tournélapoignéederrièreelleet laportes’estouvertefacilementalorsqu’elles’appuyaitdessus.Toutencontinuantàlafairedanseren arrière, j’ai trouvé la toute petite fermeture derrière sa jupe et ai commencé à ladescendre.

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Jel’aiembrasséeencorepourladistrairedufaitquejem’avançaisprogressivementverslelitaumilieudelapièce,etjeluiaiditd’unevoixrauque:

–Plustard.Ilnevapass’envoler.Je voulais allumer la lumière pour voir toute cette belle peau blanche que je

découvrais, ainsi que le contraste de ses cheveux roux cuivré dessus.Mais je crois qu’ellen’étaitpasencoreprêtepourcela.Ellemerendaitmesbaisers,etsesbrasétaientautourdemoncou,maiselleétaitencoretendueetnesemblaitpaspresséedemelaisserpasserauxchoses sérieuses tandis que je faisais descendre la jupe sur ses hanches jusqu’à la fairetomberautourdesesbottesdepirate.

–Nash…J’entendaisundoutedanssavoix,et j’aisentique jen’avaisplusbeaucoupdetemps.

Jemesuismisàgenouxdevantelle,devantleborddulit.Elleavait l’airdevouloirpartiren courant, mais elle a pris une grande inspiration et a baissé les yeux vers moi. Ilstourbillonnaient, comme un ouragan. Dans ce regard, je voyais un mélange de désir,d’appréhension et de questionnement. La façon dont ses seinsmontaient et descendaientétaitcaptivante.Elleaposésesmainsdechaquecôtédemoncrâne,commesiellesetenaitauxflammesmarquéesdansmapeau.

–Çava?J’aipasséleboutdemalanguedanssonnombriletelleagémilégèrement.–Non.Maisjeneveuxpasquetuarrêtes.J’ailevélesyeuxverselle.–Tantmieux,parcequejenevaispasarrêter.Je voyais qu’elle n’avait pas la moindre idée de ce dont je parlais, et j’ai pensé que

l’effet de surprise jouerait en ma faveur. Les bottes allaient devoir rester en place ; celaauraitpristroplongtempsdelesenlever,maislajolieculottenoireallaitdevoirpartir.J’aipriéensilencepourquecenesoitpassapréféréeetj’aicassél’élastiquedesdeuxcôtés,lalaissant complètement nue et exposée, juste devant ma tête. Elle était indéniablementexcitée, mais à la façon dont son ventre tressaillait, je voyais qu’elle était tout aussinerveuse.

Elle a dit mon nom sur un ton paniqué et j’ai senti ses ongles appuyer contre moncrâne,jesavaisdoncqu’ilfallaitquejeladistraie.Pasdeproblème.Elletremblaittellementetlestalonsdesesbottesétaientsihautsqu’ilasuffid’unepichenettepourqu’elletombeenarrièresurlelit.Elleacommencéàsetortillersurlematelas,maisj’étaisplusgrandet,jepense,plusdéterminéquesapeur.J’aipassémesdoigtscontrel’intérieurdesacuisseetl’aisoulevée au-dessus de mon épaule. J’écoutais bien, car si elle me disait non, me disaitd’arrêter, jene lapousserais pas,mais jen’entendais qu’une respiration essoufflée etmonnom,répétécommeunemalédiction.

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NomdeDieu,sasaveurétaitaussidoucequ’elle.Jecroisquejen’avaisjamaisposéleslèvresetlalanguesurquelquechosed’aussibonqu’elle.Jenesaispasquelleproportiondetremblementsetde spasmesétaitdueà sapaniqueet ceux liésàmabouche surelle. J’aiprissonclitorisentremesdentsetaisucé, fort,cequiaprovoquéunchocsi fortqu’elleasoulevé seshanchesdu lit. J’ai profité de sonmouvement soudainpour glissermesmainssouselleetlatenircontremonvisage.

–Qu’est-cequetumefais?Cen’étaitpasunequestion,maisplutôtuneprière,alors j’ai fredonnécontresachair

emprisonnéejusqu’àsentirlerestedesoncorpsréagir.Sescuissessesontmisesàtrembler,sonsexeestdevenuhumideettellementaccueillant,etj’aipriscelacommeuneinvitationàajoutermesmainsà l’action. J’ai lâchéunemainet l’ai laissée sebaladerpourpouvoir latoucher, la caresser, la lécher jusqu’à cequ’elle secoueviolemment la têted’uncôtéetdel’autreetquejevoiesesmainsagripperlesdrapssurlelit.C’étaitlachoselaplusbelleetincontrôléequej’aievuedemavie.Songoûtétaitsauvage,spécialetlégèrementillicite,etjesavaisquec’étaitlesdixmeilleuresminutesquequiconquem’aitjamaisoffertes.Mêmesinousn’arrivionspasauboutcettefois,aumoinsj’avaispulavoirainsi,sentircequejeluifaisaisetcombienelleaimaitcela.

J’aisentilepicdesonorgasmecontremalangue,sonvaginseserrercontremesdoigtsquilacaressaient,etlesmusclestendusdesescuissesserelâcherlorsqu’elleaémisunbruitdegorgeaiguetqu’elleavibrétoutautourdemoi.J’aidonnéunderniercoupduboutdelalangueetmesuisremissurmespiedsd’unseulmouvementfluide.

J’aiposémesmainsdechaquecôtédeseshanchesetairegardésasilhouettesatisfaite.Lesrépliquessecouaientsonventre;sapeaupâlebrillaitd’un jolirosedouxque jevoyaismêmedanslenoir,etsesyeuxouverts,abasourdis,regardaientdroitdanslesmiens.Oui,ilyavaitdeslarmesquiétincelaientdanssesyeux,maisellesnetombaientpasetellen’avaitpasdutoutl’airaussitraumatiséequeladernièrefoisquenousavionsessayédefairecela.Elleavaitl’airémerveilléeetunpeubouchebée.Monegoétaitravidurésultat.

–Lesdixminutessontpassées,Saint.Àtoidedéciderdecequ’ilsepasse,àpartirdemaintenant.

Ellealentementclignédesyeux.–Cequim’inquiète,cen’estpasquetumefassesjouir,Nash.Tuasdéjàprouvéquetu

pouvaislefaireavectrèspeud’efforts.C’estl’inversequimefaitpaniqueretmedonneenviedeprendremesjambesàmoncou.

Sa voix était à peine unmurmure et cela serra quelque chose dansma poitrine. Elleétait tellementdouce, jolie, je ne comprenais pas comment elle pouvait nepas savoir quen’importequelmec feraitdespiedsetdesmainspouravoir la chancede lavénérer.Pourtout homme digne de ce nom, Saint nue était une opportunité à ne pas manquer et àapprécieravecsesmains,sabouche,avectoutcequ’ilaetplusencore.

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–Jenesaispascommenttefairecomprendrequecen’estpasuneoption.Riencheztoinepourraitdécevoirunhomme,Saint.

Elles’estrassisesur le litetafrémiunpeu.Ellem’aregardédroitdans lesyeux,etapassélesbrasdanssondospourdégrafersonsoutien-gorgequ’elleportaitencore.Elleétaitparfaite. Je veux dire vraiment parfaite, des seins rebondis, une peau lisse, et des tétonsrosesetpointus.Detoutesleschosesaumondesurlesquellesj’avaispuposerlesyeux,elleétaitmapréférée,etjen’avaispaslamoindreidéedequoifaireavecelle.

Elles’estavancée jusqu’auboutdulit,avecses jambesdechaquecôtédesmiennesetsonvisageauniveaudemonventre.Elleaposélesmainssurmesabdosetacommencéàremontermon T-shirt. Je l’ai pris par le col et l’ai tiré au-dessus dema tête d’une seulemain.Pendantquejefaisaiscela,ellesebattaitavecmaboucledeceinture.Ellem’ajetéunregardetj’aivuquesesdoigtss’étaientremisàtrembler.

– Tu as quelque chose ? Je n’ai pas de quoi me protéger ici, parce que… Enfin, tuimaginesbienpourquoi.

J’avaisenviederire,maiselleétait tropprèsdemabiteet j’avaisbeaucoupdemalàgarderdel’ordredanslesidées.J’aisortimonportefeuilleetl’aijetésurlelitàcôtéd’elle.

–Là-dedans.J’avaisl’impressionquesijelalaissaisprendrelesrênes,ilyavaitmoinsderisquesque

jeterminefrustrétoutseulsousladouche.Elle amarmonné quelque chose que je n’ai pas compris et a fait glisser ses doigts le

longdes ailes tatouées surmes flancs etmon ventre. Le boutde chaque aile se terminaitjuste à mon entrejambe et cela avait sûrement été l’expérience de tatouage la plusépouvantabledemavie.Jepensaisqu’elleallaits’arrêterenarrivantauhautdemonboxer,mais non. Elle l’a baissé, a libéré ma queue et a continué à passer ses doigts jusqu’àl’extrémitédesailes.

–Çaadûfairemal.Jen’avaispasvraimentenviedeparler,maissicelalamettaitàl’aise,j’allaismeforcer.–Ohqueoui.ElleamisundoigtsurlePrinceAlbertquidécoraitleboutdemonérectionetalevéles

yeuxversmoi.–Çaaussi?J’airicané.–Letatouageétaitpire.–Ohhh…Elleabaissélavoixetatenduunemainhésitanteversmonportefeuillepouryprendre

unpréservatif.Jem’attendaisàcequ’ellestoppetout,j’appréhendais,maisellem’asurprisunefoisdeplus.

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–Tuessuperbe,etvraimentsympaàregarder.Jecroisquec’estencoremieuxquandtutedébarrassesdetesvêtements.

Jene savaispasvraimentquoi répondreàcela,puis jen’aipluseu l’occasionde riendire, car elle avait enroulé sa main autour de la base de ma queue tendue et l’a serréefermement. J’ai lâchéune grossièreté et ellem’a regardé. J’ai haussé les épaules et elle arefait lamêmechose,cequia faitperlerunegoutteaubout.Jenesavaispascombiendetemps mon self-control allait tenir tandis qu’elle explorait tout ce que j’avais à offrir. Jevoulaisluidiredeselaisseraller,quesiellemelaissaitfaire,jepouvaism’enservirpourluifairebeaucoupdebien,maisc’étaitellequidécidaitpour l’instant,alors jemesuismordul’intérieur de la joue et je l’ai laissée caresser le métal avec ses doigts et faire rouler lebarbell.C’étaitlesprésentationslespluspéniblesquej’aiejamaisendurées.

J’aimarmonnésonnom,emmêlémesdoigtsdansseskilomètresdecheveux,etagrippésa têteassez fortpour remontersonvisageversmoi,pourqu’ellemeregarde,moi,etpasmaqueuedressée.

–Bonneannée,Saint.Sesdeux sourcils enflammés se sont soulevéset ellea regardé son réveil électronique

surlequelonlisaiteffectivementminuit.Ellealâchéunpetitsoupiretaprislepréservatif.–Bonneannée,Nash.Elleainstallélelatextoutaussiefficacementqueladernièrefois,ets’estreculéesurle

litpourquejepuisserampersurelle.Elleaenroulésesjambes,encoreprisonnièresdesesbottes,autourdematailleetj’aisoulevéseshanchespourpouvoirmeglisserenelleenunlongmouvement fluide. Je n’allais pas perdre plus de temps. J’avais la sensation d’avoirattenducettefille,attenducemoment,depuistoujours.

Je gardais mes yeux sur son visage et elle faisait la même chose. Elle a battu despaupières et sa poitrine s’est mise à monter et descendre, pressée fermement contre lamienne,maiselleaenroulésesmainsautourdemesbicepset s’est remontéeunpeuplushaut,cequim’afaitgémir.J’aiplacémesbrasdechaquecôtédesatêtequandnousavonstrouvé un rythme qui fonctionnait pour nous deux, et j’ai baissé la tête pour pouvoirembrassersaboucheentrouverte.

Je rentrais en elle vite et fort, en partie car je ne voulais pas lui laisser le temps dechangerd’avis,maissurtoutcarjerêvaisdeceladepuisunesemaine,depuisqu’ellem’avaitabandonnéàNoël, et jenepouvaispasm’arrêter.Elle était chaude, elle était serrée, ellepulsaitetbrûlait le longdemoid’une façonquienroulaitet relâchait leplaisir le longdema colonne vertébrale. J’étais affamé d’elle et je sentais le plaisir et le désir monter àl’intérieur d’elle à nouveau. Avecma langue dans sa bouche, j’imitais ce que je lui faisaisavecmoncorpsetsesmainsmeserraientplusfort,lesbruitsqu’ellefaisaitdanslefonddesa gorge étaient plus déchaînés, et je sentais ses parois intérieures frotter contrema bitedansdesmouvementsgourmandsetexigeants.

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Jevoulaismedégagerpourpouvoirposermabouchesursesseinsàlaformeparfaite,mais jen’enaipaseu letemps.Elleaprisune inspirationbrusque,aremontéses longuesjambesencoreplushautsurmesflancs,etjel’aisentiesebriser,j’aisentiquelquechosequifaisaitdecetinstantquelquechosed’encoreplusgrand.J’aicrié,jel’aitiréeplusprès,etj’airelâché en elle tout ce qu’elle faisait se consumer enmoi. C’était peut-être la seule façondontjepourraisluimontrerqu’elleétaittellementmieuxquetout.Jen’avaisencorejamaiseu d’orgasme qui me vidait, jamais je n’avais joui et n’était venu, juste après le troublechaud,lesentimentquecelaétaitplusimportantquecequim’étaitarrivédetoutemavie.

J’ai risquéun regardvers sonvisage.Sesyeuxétaient fermés,maiselleavaitunpetitsourire doux sur les lèvres. Même si je voyais deux traces humides sur ses joues, elle nesemblaitpasdévastéenihorrifiéecommeladernièrefois.Honnêtement,ilyavaittellementd’émotionsquipoussaientdansmapoitrinequejen’étaispassûrquemesyeuxn’étaientpaseuxaussivitreuxethumides.

Jemesuissentiobligédedemander:–Toutvabien?Je me suis relevé doucement et quand je me suis retiré, le frottement de la chair

sensiblecontresesplisgonflésnousatouslesdeuxfaitgémir.Elleaouvertlesyeuxets’estrassise. Elle s’est essuyé les joues avec le dos de la main et a remonté une jambe pours’attaqueràsesbottes.BonDieu,elleallaitmetuer.Toutedepeaublancheetnue,cheveuxdefeu,etbottesnoiresplussexyquetout.Jemourraisheureuxsic’était ladernièreimagequej’emmenaisdansmatombe.

–Peut-êtrequelaprochainefois,onpourraessayersansautantd’accessoiresquinousencombrent.

J’ai rigolé car j’étais toujours quasi habillé en bas, comme la dernière fois, mais enréalitéj’avaisenviedecriervictoirequ’ellepuisseparlerenblaguantd’uneprochainefois,etqu’ellenesoitpasentraindememettreàlaporte.

–Çameva.Elle est descendue du lit par l’autre côté et a pris une robe de chambre qui était

accrochée à la porte de son placard, et a allumé la lumière. J’ai cligné des yeux pourm’habitueràlalumièretandisqu’elles’installait,jambescroisées,aumilieudulit.Ellejouaitavec le col et je me suis rappelé qu’elle m’avait dit ne pas trop aimer la nudité. C’étaitdommage,avecsonphysique,ellen’auraitjamaisdûporterdevêtements.

–Jeveuxvoirletatouage.J’aipassémesmainssurmatête.–Ilfautquejem’occupedeçaavant,et…J’ailevélesmainsenl’air.– Ilesténorme,et si tuveux levoirenentier, jevaisdevoirmemettrecomplètement

nu.

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Maintenant,jelavoyaisrougirpourdebon.–Lasalledebainsestparlà.Elleafaitungesteendirectiondelàoùnousétionsarrivésentitubant.– Je crois quema curiosité est plus forte quemagêne, aupoint où j’en suis. Je veux

vraimentlevoir.J’aihaussélesépaules.–D’accord.Jerevienstoutdesuite.Je n’étais pas timide. J’aurais pume déshabiller pour elle tout de suite,mais comme

j’avais besoin d’une minute pour comprendre pourquoi mon monde ne tournaitsoudainementplusrond,jemesuisditqu’unepetitepauseluiferaitdubienaussi.

Je me suis occupé du préservatif, ai passé de l’eau glacée sur ma tête, et me suisdébarbouillé le visage. Je n’avais pas changé quand je me suis regardé dans le miroir…Mêmes yeux, même visage, mêmes piercings, mêmes tatouages…Mais je sentais quelquechosededifférent.

J’ailaissétomberlerestedemesvêtementsentasparterredanslasalledebainsaprèsavoirenlevémesVans.J’airamasséletoutetsuisretournédanslachambre.Elleétaitlàoùjel’avaislaissée,assiseaumilieudulitàjoueraveclespointesdesescheveux.Putain,elleallaitme tuer. Elle avait aussi branché son téléphone sur la stationposée sur sa tabledenuitetTheKillsemplissaientlachambredeleurrockmélancolique.

–C’estundragon.J’avais oublié que je n’avais pas de T-shirt en sortant de la chambre. Je me suis

retourné pour que mon dos soit vers elle et qu’elle voit tout en entier. Je l’ai entendueinspirerbrusquementetj’aientendulescouverturesbougercarelleavançaitsurlelit.

–Oui.C’estPhilquime l’a fait.Onacommencé le jourdemesdix-huitans,et fini lejourdemesvingt-et-un.Çaaprisplusde600heuressurlatable.

Beaucoupdegensavaientdestatouagesdedragons.Personnen’avaituntatouagededragon comme le mien. Il avait été fait dans le style japonais traditionnel. Les couleursétaientdesnuancesviolentesderouges,verts,jaunes,etorpartoutsurmapeau.Laqueuecommençait sur le dessus demon pied, s’enroulait autour de monmollet, recouvrait macuisse, prenait toute une fesse, le corps était entortillé surma colonne vertébrale jusqu’àarriver àmon épaule, où la tête féroceme regardait en permanence, ses ailes déployéesrecouvraiententièrementmesflancs,mescôtes,etseterminaientjusteàcôtédemabite,lesserres agrippées fermement à chaque épaule, et le feu qu’il crachait roulait sur mesclavicules des deux côtés, dansait sur ma nuque puis se divisait en deux et marquait lesdeuxcôtésdemoncrâneau-dessusdemesoreilles.

Il était massif, et tellement détaillé qu’on aurait dit qu’il pouvait s’envoler d’unesecondeàl’autre,avecmoientresesgriffesacérées.Jeconnaissaisassezbienmondomaineprofessionnel et le talent nécessaire pour cette pièce, pour savoir que si elle était aussi

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spectaculaire,c’étaitparcequej’étaisimportantpourPhil.J’étaisplusquesonprotégé,plusque sonmôme, j’étais l’héritagevivantd’une formed’artqu’il avaitaiméeetperfectionnéeaufildesannées.MondragonétaitsaJoconde.

–Ilestmagnifique.Sesmainscaressaientdoucementmacolonnevertébrale,etlelongdemesépaules.–C’esttellementplusqu’unsimpletatouage.Quelquechoses’estnouédansmagorgecarellecomprenaitcela,sanstravaillerdans

lemilieuetsansquej’aiebesoindeluiexpliquer.–J’étaisbienpauméquandj’étaisplusjeune.Jenesavaispasquoifaire,doncjefaisais

pleindeconneries.Jemesuisfaitarrêterentraindegrafferunpont, jemesuisbagarréàun concert de Jet et j’ai envoyé un gamin à l’hôpital, j’ai tatoué plein demerdes bêtes etinutilespartoutsurmoncorps.Philavuquejepartaisenvrille,etilaessayédem’arrêter.Ilm’aprisentrequatreyeuxetm’aditclairementquejemecomportaiscommeunbébéquivoulaitattirerl’attentiondesamaman,etc’étaitexactementcequejefaisais.

J’ai soupiré quand sesmains sont passées sur les ailes et ont glissé plus bas surmoncul.Ellecaressaitledragon,maisc’étaitcommesielleessayaitdem’apaiseraussi.

–Ilm’aditqu’ilm’apprendraitàfairecequ’ilfaisait.Letatouagem’avaittoujoursparucool, et quand il a proposédenousmontrer, àRule etmoi, ce que l’art voulait vraimentdire et comment utiliser intelligemment toutes nos frustrations, cela m’a arrêté dans machutelibre.

J’aisecouélatêteenrepensantàcessouvenirsetaifaitunsouriretriste.J’aidûserrerlesdentscarsesmainsavaientcontinué leurchemin jusqu’à l’avantdemoncorpset iln’yavaitqu’unseulendroitoùellespouvaients’arrêter.

– Unmarché que j’ai dû passer avec lui avant de commencer l’apprentissage, c’étaitd’enfiniraveclestatouagespourris.Philneletoléreraitpas,sijelereprésentais,luietsonsalon.Ilm’aditquejedevaisaccepterqu’ilsoit leseulautoriséàmetatouer jusqu’àlafindemon apprentissage. J’ai accepté, et il a commencé le dragondansmondos ce jour-là.Évidemment,avecletemps,ilalaisséRulepassersurmapeaucarils’améliorait,maisiln’yaquasiquePhilquiaitpassé l’aiguille surmoipendantdesannées.Etvoilà le résultat. Ildisaitqu’ilme fallaitquelquechosede fort,quelquechosequime rappelleque j’avaisdesgensquimesoutiendraienttoujoursetmeprotégeraientdeceuxquivoulaientmefairedumal. Il savait que j’avais passé de salesmoments avecmamère, et il essayait de faire ensortequejemesentemoinsseul.

Ma voix s’est éteinte tandis que ses mains remontaient sur mon torse, sur mesclavicules,etmatête.Ellem’ademandéd’unepetitevoix:

–Pourquoiici?–Jesavaisque jeneserais jamais legenredemecquitravailledansunbureauniun

profdematernelle.Jevoulaisquelquechosequiillustreclairementl’idéequejemenaisma

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proprevieetque jen’avaisplusbesoinde courir après l’approbationdemamère,ou sonabsenced’approbation.Quandtu te tatoues lecrâne,ou levisage,oumême lecouou lesmains, ça veutdire quelque chose.Çadéfinit que tu as fait un choix, que cen’est pasunaccessoire demode. J’avais l’habitude qu’onme regarde de haut, qu’onme défonce à lamaison, alors ça ne m’a jamais dérangé que des inconnus restent scotchés devant mestatouages. En plus, c’est un bon sujet pour entamer la conversation. Onme pose tout letemps des questions dessus, donc je réponds toujours en tendant une carte de visite et jeleur dis de passer au salon. J’ai arrêtéde compter le nombredenouveaux clients gagnésgrâceàça.Sijemelaissepousserlescheveux,onnevoitmêmepasqu’ilestlà,c’estpourçaquelefeududragonpartaussisurmesépaules.

–Ilestgénial.Vraimentsuperbe.Jemesuisretournéetl’aiprisedansmesbras.Elleétaitàgenouxsurlelit,doncnous

étionspresqueaumêmeniveau. J’ai embrassé sabouche stupéfaite.Elle avaitungoûtdesexeetdemystère.

–Commetoi.Ellen’arienréponduetjel’aivuerougir.Ellenedisaitjamaisrienquandjeluidisaisà

quelpointelleétaitbelle.Laplupartdesfillesbuvaientcelacommedupetitlait,essayaientdeprendreunairtimide,maisSaintl’ignorait,commesijen’avaisriendit.Jenesavaispascomment réagir à cela. Je n’essayais pas de la flatter, de l’appâter jusqu’àmon lit. Je luidisaissimplementlavérité.

J’aipassémonpoucesurlachouettequ’elleavaittatouéesurlaclavicule.Elleavaitunautretatouagesurlahanche,généralementcachéparsaculotte,unepetitecroix,etdansson dos, pile entre les deux omoplates, une sainte catholique classique dans toute sasplendeurdétaillée.

– Ils sont tous bien fait, et je suppose qu’ils ont beaucoup de sens pour toi. J’arrivetoujoursàlevoir.

Elle a haussé un sourcil et a passé les bras autour de mon cou tandis que je mepenchaisetlaramenaissurlelit,avecmoiétaléau-dessusd’elle.

–Commentpeux-tulesavoir?– Ils sontàdesendroitsquetues laseuleàvoir.Cenesontpasdes flashsquetuas

choisissurunmur,etmêmes’ilssonttousassezpetits,ilsontbeaucoupdedétails.Unpetitsourires’estinvitésursabouche.–Lachouetteestpourlasagesse,jesuissûr;lasainte,pourtonnom?Elle a secoué la tête de gauche à droite, et vu la façon dont nous étions collés l’un

contre l’autre, je sentais soncorpscommencerà se ramolliret fondre sous lepoidsdemacarrureplusgrande. J’aimais le contrastedemapeaumatecontre sacarnationbeaucouppluspâle.

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–SaintAgnès, saintepatronnedes infirmières.Masœur s’appelleFaith, la croix, c’estpourça,etlachouette…

Elleaposésondoigtsurleboutdemonnez.–Tuastrouvé.Ilsn’ontrienàvoiraveccequetuas,maisj’aitoujoursétécontentede

lesavoir.J’ai passéunemainentrenousdeuxet ai commencéàdéfaire lenœudautourde sa

taille.La lumièreétait toujoursallumée,donc jen’étaispas sûrdesavoir jusqu’oùellemelaisserait aller avant que sa timidité ne reprenne le dessus. Putain, je m’estimais déjàheureuxqu’ellenem’aitpasfoutudehorsaprèslafindenosdixpremièresminutes.

–L’artcorporel,cen’estpasunconcours.Laseulepersonnequidoitl’aimer,c’estcellequiestcoincéeavecpour lerestedesavie.Tantque toi, tu l’aimesquandtu levois,c’esttoutcequicompte.

J’aipassémonpoucesurlacroixquandlarobedechambres’estouverte.–C’estuneartistefemmequil’afaite.Elleétaitsympaetellem’avraimentmiseàl’aise.

Tueslaseuleautrepersonnequil’aiesvue.Je l’embrassaisdans le cou,endessinantparesseusementdesarabesquesduboutdes

doigts sur seshanches,mais jeme suis immobilisé en entendant cesmots.Ellem’avaitditque j’étais le seulmec à l’avoir fait jouir,mais je n’en avais pas conclu qu’elle n’avait pasconnubeaucoupd’hommes.Lemondeaarrêtédetournerunenouvellefois.J’adoraisl’idéed’être le seul gars à avoir vu ses marques personnelles, le seul qui la faisait se sentirexceptionnelle,commeseullesexegéniallepouvait.

–Merci.C’estimportant,Saint,j’espèrequetulesais.J’aipassémalanguesursaclaviculeetaumilieudesapoitrine.J’étaissurprisequ’elle

nem’aitpasdemandéd’arrêter,nid’éteindrelalumière.Maisellelaissaitleschosessefaireet j’avais un autre préservatif quelque part dansmon portefeuille, alors pourquoi ne pasvoir jusqu’où elleme laisserait aller ? Elle était douce et sexy, pas du toutmaigrichonnemaisavecdebelles formesetde lachairchaude.Elleavaiteffectivementunpetitvoiledetaches de rousseur sur le dessus de la poitrine, et je n’ai pas été surpris, en prenant sontétondressédansmabouche,qu’elleaitungoûtdeveloursetdebonbonsurma langue.J’ai fait rouler l’une,puis l’autrepointerosecontrema langue, les laissant toutes lesdeuxbrillantes etdressées tandisque ses yeux s’étaient assombris et que sespaupières s’étaientbaissées.

–Qu’est-cequet’enpenses,Saint?Tuveuxmedonnerdixminutesdeplus?Elle a levé son regard versmoi comme si elle essayaitde comprendrequelque chose.

On y voyait de la confusion, mais plus que cela, son visage et ses yeux avaient pris unecouleurfroided’ardoise.

–Quies-tu,NashDonovan?Jeluiaidonnélaréponselaplushonnêtequejepouvaisformuleràcettequestion.

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–Parfoisjenesaispas,maislaplupartdutemps,jesuiscommejesuis,pasdesurprise,Saint.Jesaisquetucroisquej’étaisquelqu’und’autreavant,maisjeteledis,jen’aijamaisétécemec-là.Jenedispasquej’étaisgénialnimêmepotableàl’époque,maisjen’étaispascequetupensesquej’étais.

Ellen’arienditpendantunelongueminuteetnousnoussommesregardés.Jepensaisqu’elleallaitmedemanderdemerhabilleretdepartir,maisàmagrandesurprise,elleaenroulésesjambesautourdemoietm’amurmuréàl’oreille:

–Lesdixminutes,c’étaittonidée,Nash,moijesuisprêteàtedonnertoutelanuit.Ehbien,avecunetellepermission,j’allaisvoirexactementcequejepouvaisfaireavant

qu’elletombed’épuisementoumedemandedepartir.Jenem’étais jamaisautantréjouid’undéfi,et jerefusaisdemedemandersiunenuit

ouuncertaindenombredeminutesmesuffiraientaveccettefille.Elleétaitdifférente,celaémanaitd’elle.Et jen’étaispassûrd’avoirquoiquecesoitdespécial,misàpartd’êtreungarsassezchanceuxpours’accrocheràelle.

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Chapitre10SAINT

Jen’aipaseu le tempsdetrouverbizarrequeNashaitpassé lanuitchezmoi,nideme

poserpourréfléchiràtoutesleschosesquejel’avaislaissémefaire,nicellesquej’avaisosélui faire. Je ne sais pas où étaient passées toutes les peurs et les incertitudes quim’étranglaientgénéralementàproposdusexe,maislorsquemontéléphoneasonnéà6hdumatin lePremierde l’An, j’étaisencore trèsnueet trèsdélicieusementenrouléeautourd’unhommetrèsgrandetlui-mêmetrèsnu.Jen’avaispaseuletempsdepaniquer,carlenuméroquim’appelaitétaitceluide l’hôpital,et le travailserait toujoursmapriorité,plusquelapeaumateettatouéedudosdeNash,aussitentanteetexcitantequ’ellesoit.

Sunnyétaitengalère.Deuxmembresde l’équipenevenaientpas,etelleavaitdûenremplacer un,mais il fallait aussi que j’y aille. Je devais travailler ce soir-là, cela voulaitdoncdirequej’allaisêtreàl’hôpitaltoutelajournée,cequimeparaissaithorriblesachantque Nash m’avait gardée éveillée toute la nuit. Mais cela me donnait une solution facilepouréviterlagênedulendemainmatin,alorsj’aiacceptétoutdesuite.

Quand j’ai raccroché, il s’est levé péniblement, l’air encore tout ensommeillé, s’esthabillé sans me faire de reproches ni me faire culpabiliser, m’a fait un petit bisou sur labouche etm’a dit de l’appeler quand j’aurais le temps. Il est parti sans aucune question,aucunediscussionambiguëdu type « est-cequ’on refait çaun jouroupas ». Il a laissé laballedansmoncamp,etm’amontréquec’étaitàmoidedécidersijevoulaiscontinuerdejouerounon. Ilm’adonné lescommandes,ceàquoi jen’étaispashabituéeendehorsdemontravail,et j’avouequecepouvoir, le faitd’avoir lechoix, rendait toutecettesituationavec lui bien plus facile à assimiler. Cela m’aidait aussi à envisager de lui pardonner leserreursdupassé,cequiétaitmaseuleoptionsi jevoulaiscontinuerce je-ne-sais-quoiquenousfaisionsdésormaisensemble.

Lorsque je suis arrivée au travail, c’était le chaos. Des fêtards blessés de la veillearrivaientenmasse. Ilyavaiteuunterribleaccidentsurunchantier,avecunehistoirede

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tronçonneuse et de main coupée ; un flic amené en urgence qui était intervenu pourviolenceconjugaleetavaitreçuuncoupdecouteaudansleventrecommerécompense;unbébé qui s’était servi dans le nettoyant pour salle de bains sous l’évier ; et deux femmesenceintes, l’une accouchait par le siège, l’autre avait des contractions prématurées. Jen’avais pas le temps de penser à quoi que ce soit d’autre, ni de m’inquiéter des regardscurieuxqueSunnyme lançaitdèsquenousétionsdans lamêmepièce,ouquenousnouscroisionsdansuncouloir.Quandj’aicommencémonvraiserviceenfind’après-midi, jemetraînaisetj’avalaisducafédanslasalledereposcommesic’étaitunélémentvital.C’estlàquematoutepetitechefm’apriseenembuscade.

–Alooooors?J’ai sursautéetai renversédu liquidechaudsurmesdoigts. Je luiai lancéunregard

mauvaisetaiprisuneservietteenpapierpournettoyertoutcela.–Alors,quoi?Ellealevélesyeuxaucieletm’apoussélebrasduboutdudoigt.–Alors, tonrencardavec ledocteur,c’étaitcomment?Tuavais l’airépuiséecematin

quandjet’aiappelée,doncjesupposequeças’estbienpassé.Jesuissûrquevousfaisiezunbeaucouple.

J’ai essayé de rester impassible mais je n’arrivais pas à la regarder dans les yeux,sachantquej’avaisjetél’atrocedocteuretpasséunenuitdesérieusedébaucheavecNash.

–J’aifinilerencardtôt.Elleaouvertdegrandsyeuxetaplissélenez.–Tuluiasdemandédeteramenerenavance?J’aisoupiréetaijetémongobeletencartondecafétièdeàlapoubelle.–C’estuncon, tellement imbude lui-même.Sesamisétaientdétestableset la fête se

résumaitàungroupedegensquiessayaientdesesurpasserlesunslesautres.J’étaismalàl’aise et je m’ennuyais, donc j’ai appelé un ami et je suis partie. On n’est vraiment pascompatibles,leDrBennetetmoi.

Ellem’aobservéelonguement.–Lemecaveclepiercingaunez?–Quoi,lemecaveclepiercingaunez?–C’estlui,l’amiquetuasappelé?Jerefusaisdem’envouloirpourcelaoud’avoirhonte.Iln’yavaitriendemauvaischez

Nash. En fait, il y avait tellement de bonnes choses chez lui que j’avais du mal à merappelerpourquoijedevaisfaireattentionàmoncœurfragile.

–Oui.Elle a fait un petit bruit etm’a suivie tandis que je sortais de la pièce. Un auxiliaire

médicalm’a tenduun nouveau dossier etm’a dit qu’un patientm’attendait dans une dessalles.

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– Je sais qu’aupremier abord, tupeuxpenser que cen’est pasunmecbien,mais enfait,si.

Elleahaussélesépaulesetacommencéàmarcherdansladirectionopposéeàcelleoùj’allais.

–Cequejepenseneveutvraimentriendire,jecrois.Tuterendscomptequetuaseulesouriretoutelajournée?Jenet’aijamaisvuecommeça.Tuastoujoursunairsérieuxetconcentré,maisaujourd’hui…

Ellearemontélescoinsdesaboucheavecsesdeuxindex.–Tuesunegrossebouledejoie.Jesuisheureusepourtoi.Jemefichedequit’adonné

lesourire,Saint,j’espèrejustequ’ilvarester.C’étaitvrai, jesouriais.Jen’yavaispasvraimentfaitattention.J’étaisaussifatiguéeet

j’avaismalpartout, j’avaisunsuçonsur laclaviculeetmaculottenoirepréféréeétaità lapoubelle.EtjeneseraisplusjamaiscapabledemettremesgrandesbottesnoiressansrevoirlessouvenirsclassésXd’hiersoir.Jen’étaistoujourspasentièrementconvaincuedepouvoircontinueravecunmecquim’avaittantdéçueparlepassé,pasconvaincuedepouvoirfaireconfianceàtoutesleschosesqu’ilmefaisaitressentir,maisjenepouvaispasnierquejemesentaispluslégère,plusnormalequ’avectouslesautresgarsréunis.

Il était le seul avecqui j’avais réussi à avoirunmomentnormal, sexy et sensuel et jevoulaiscela, jevoulaismêmeplusquecela,s’ilétaitprêtàm’offrirplus.Nonseulement jedésirais ce Nash,mais je crois que je l’aimais bien aussi, et je devais admettre que jemesouciaisdelui.Nousétionstellementemmêlésdanscebordelépineuxquejenesavaispascommentl’unoul’autrepourrionsnousensortirsanssefairepiqueretfairecoulerunpeudesang.

Jen’ai pas eu le luxede ruminer celadansma tête.Mondeuxième service était toutaussi chargé que le premier, et quand j’ai pu me traîner jusque chez moi, j’étais tropfatiguée pour fonctionner correctement, encoremoins cogiter sur ce que j’allais faire pourNash,pournous.Jetravaillaislesdeuxjourssuivants,etmêmesij’avaisenvied’envoyerunmessageràNashoudeluipasseruncoupdefilpourqu’ilsacheaumoinsquejepensaisàlui, je ne trouvais pas les bonsmots. Le troisième jour, j’ai décidé de faire quelque chosed’inattendu. Je lui ai envoyé des fleurs au salon de tatouage, un joli bouquet de rosesrouges, jaunes et orange qui allaient bien avec les flammes tatouées sur lui. Les couleursétaientaussiappropriéespourd’autresraisons.Lerougesignifiaitlaromancevoirel’amour,le jaune la gentillesse et l’amitié, et l’orange la passion et l’enthousiasme… Nous nemanquions pas de ces derniers, c’est sûr. Je l’avais fait en partie car l’idée d’envoyer desfleursàungrosgarstatouémefaisaitrire,etenpartiecarjevoulaisluimontrerqu’ilétaitdansmespensées.

Jen’aipasprisletempsdemedemanders’ilallaittrouvercelabête,jen’aipasdoutédemoi,jenesuispasinquiétéedesavoircommentilallaitleprendre.Jel’aijustefait,etj’ai

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envoyéenmêmetempsunecartequidisaitsimplement:Merci.Jeleremerciaisd’êtrevenume chercher, et pour la nuit dansmon lit, et surtout je le remerciais d’être lui. J’espéraisqu’ilcomprendraittoutcela.

Àlafindelajournée,j’aireçuparmessageunephotodubouquetgéantposéaumilieudubureaudanslesalontrèsmasculin.Onnevoyaitpersonnesurlaphoto,àpartplusieurspairesdemainstatouéesquifaisaientdescornesdediableapprobatricesderrière.Celam’afaitrire.LaréponsedeNashétaitcourteetadorable:

Onnem’avaitjamaisenvoyédefleurs…Ellessontaussibellesquetoi.Merci.Jenesavaispasquoirépondreàcela,maiscelam’adonnél’impressionquetoutceque

je pensais savoir sur moi-même était faux. Je lui ai répondu par un smiley et je suisretournée travailler.Le travail était toujoursmasolutionquand il yavaitdes chosesdansmaviequejen’arrivaispasàgérer.

Quand jesuis rentréechezmoicesoir-là, j’allaisenfin l’appeler,mais j’aiété retardéeparuncoupdetéléphoneurgentdeFaith.Apparemment,mamèreavaitcroisélanouvellecopinedePapaausupermarchéetungrosscandales’enétaitsuivi.Deschosesavaientétécassées,endommagées,etmamèreavait finiaccuséed’agression.FaithavaitsuppliéPapadeconvaincresacopinedenepasporterplainte,ensachantqueMamanpaieraitpourcequ’elleavaitdétruitdanslemagasin,maisiln’avaitétéd’aucuneaide.IlvoulaitqueMamansefasseaider,pourpasseràautrechose,etàvraidirej’étaisplutôtd’accordaveclui.Toutecettesituationétaitridiculeetcomplètementincontrôlable.Mamèreétaitalléetroploin,etcequej’avaisditausujetdelasortirdeprisonrevenaitmehanter.

SoitFaithdevaitmettretoussesgaminsdanslavoitureetconduire,enceintejusqu’auxoreilles, jusqu’àBrooksidepourpayer lacautiondeMaman,soit jeprenaissurmoiet je lefaisais. Évidemment, c’était la seule solution possible, même si c’était une chose que jen’avais pas lamoindre enviede faire.Alors je suis partiedu travail, j’ai conduit jusqu’auxmontagnes,etjesuisalléepayerpoursortirmamèredutrou.C’étaitgrotesque,onseseraitcrudansunemauvaisesérietélé,etcelam’avraimentfaitregretterdenepasavoirtrouvéle temps de reprendre contact avec Nash. Je ne savais pas pourquoi, mais je me sentaistoujoursmieuxquandjeparlaisaveclui.

Mamèreétaittoutsaufraviedemevoir.Peut-êtrequ’elleavaithonte.Peut-êtreparcequ’elle était couverte d’une substance poisseuse non identifiée, que son maquillage avaitdégouliné et qu’elle avait nettement un œil au beurre noir. Ou peut-être était-ce parcequ’elleavait étéaccompagnéedans la salled’attentedupetit commissariatparunofficierplusjeunequemoi,aveclesmenottesencoreauxpoignetsetunairpitoyable.Oupeut-êtreétait-ceparcequ’illuidisaitcalmementdenepasmanquerladatedel’audience,etqu’elledevraitpenseràchercherdescoursdegestiondelacolère,car le jugeallait forcémentluiordonnerd’enprendre.

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Elleacroisémonregardetaunpeubaissélatête.Jeluiaiprislebrasetjel’aiguidéejusqu’à la porte, et jusqu’àma voiture. Elle nem’a pas dit unmot,mais je voyais qu’ellepleurait en silence. J’étais partagée entre le besoin de lui faire un câlin et celui del’étrangler,maismonénervementenverselle,enverscettesituationetl’étatdemafamille,avaitatteintseslimites.

J’ailâchéunsoupiretl’airegardéeducoindel’œil.– Bon,Maman. Il faut que je sache ce que c’est, ton plan. Tu vas continuer à avaler

touteslespilulesquetupeuxtefaireprescrire,lesfairepasseravecuncubidevintouslesjours,etteservirdeçacommeexcusepourtoutcequetufais?Est-cequetuvasfranchirlalimite et vraiment faire du mal à quelqu’un, peut-être à toi-même ? Est-ce que tu estellement engloutie dans ta souffrance et ta colère que tu ne vas pas faire partie de lagrossessedetafille,parcequ’elleapeurdecequetupourraisfaire?Jesuisdésoléedetel’annoncer,Maman,maispersonne…PERSONNE…nevavouloirvolerà tonsecours si tucontinues.Àunmoment,ilfaudraprendrelaresponsabilitédecequetufais.

Ellen’apasréagi,elleacontinuéàpleurerensilence,assisedanslesiègepassager,enm’ignorant. Je ne savais pas quoi lui dire d’autre. Cela avait tellement dégénéré et je nesavaispascommenttoutremettreenplace.Lorsquenoussommesarrivéeschezelle,jemesuis garée dans l’allée etme suis tournée vers elle. Elle a reniflé un peu etm’a regardéeavecdesyeuxrouges.

–Tonpèreétaitmonamourdelycée.Onestrestésensembletoutesnosannéesdefacet j’ai tout sacrifié pour qu’il puisse aller en chirurgie dentaire. Je lui ai donné unemagnifique famille, et je pensais qu’on était heureux. Çame fait tellement mal quand jepense qu’il n’était tout simplement plus amoureux de moi. Comment est-ce que lessentimentsdequelqu’unpouruneautrepersonnepeuventdisparaître, Saint ?Après toutça?

Moncœurseserraitpourelle.–Jenesaispas,Maman,etjenepeuxpasprétendrecomprendreàquelpointPapat’a

faitdumal.Maisjesaisquecequetufaisnefaitdebienàpersonne,etàtoinonplus.Peut-êtrequePapan’estplusamoureux,maistuastoujoursdeuxfillesquit’aimentetdespetits-enfantsàquiilmanqueunegrand-mèreheureuseetenformeavecquipasserdutemps.Oncompteaussi,Maman,etondétestetousvoircequetut’infliges.

–Jeveuxjustequ’ilsouffreautantqu’ilm’afaitsouffrir.–Ehbien,çan’arriverapas.–Cen’estpasjuste.J’aisecouélatête.– Non, ce n’est vraiment pas juste,mais crois-moi, divorcer et devoir recommencer à

zéro, c’est la plus petite des injustices dans la vie. J’ai dû voir les parents d’une fillebeaucouptropjeuneréaliserqueleurfilleétaitmortesansraison,misàpartlefaitqueles

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autres n’arrivaient pas à être gentils entre eux. Ce n’est pas censé être si dur, il suffiraitd’être sympaet les gensn’auraientpeut-êtrepas à souffrir pour rien.Mais cen’est pas lemondedanslequelonvit,etdesjeunesfillesmeurent.Cen’estpasjuste,Maman.Lesgensqui ne sont plus amoureux, c’est cruel et ça craint.Mais tu pourrais traverser des chosesbienpires.Jesaisqueçapeuttesemblerdur,maisc’estvrai.

Quelquechoseachangédanssesyeuxetellearegardéailleurs.–J’oublieparfoisque tu t’es construitunevie remarquable,Saint.La forceque tuas,

pourfairecequetufais,c’estadmirableetc’estpossiblequej’aieperduçadevue.J’espèrequetusaisquepar-dessustout,jesuistrèsfièredetoi.

Waouh.Jenem’attendaispasàcela.–Merci,Maman.–Maintenant,metsunpeudemaquillageetpeut-êtreunsoutien-gorgepush-up,etvas

metrouverundesdocteursavecquitutravailles.Jeseraisauxanges.Etvoilà…celaressemblaitplusàmamère.–Évitelesennuis,Maman,etessaied’arrêterlespilules.J’essayais de garder un ton léger,mais jeme suis tout demême assurée qu’elle voie

dansmon regard que jem’inquiétais pour elle. Je voulaismieux pour elle,mais je savaisqu’elleallaitdevoirallerdel’avantparelle-mêmepouryarriver.Elleafermélaportièreets’estdirigéeverslaported’entrée.J’aiattenduqu’ellerentreetj’aisortimontéléphone.Jen’ai pas réfléchi, j’ai simplement cherché son nom dansmes contacts et ai appuyé sur leboutonpourl’appeler.Ilaréponduàladeuxièmesonnerie.

–Salut.–Salut.Mavoixétaitunpeuplusgraveetrauquequevoulu.–Commentçava?–Tuesoccupé?–Ouais,làj’aiunclient,etencoreunautreaprès.Pourquoi,qu’est-cequ’ilya?J’aimâchouillémalèvreinférieureettapoténerveusementdesdoigtssurmongenou.–Pasgrand-chose,en fait.J’aipasséune journéebizarreet jemesuisditqueça irait

peut-êtreunpeumieuxentevoyant.Iln’arienditpendantunelongueminuteetj’aicruqu’ilallaitmedirequej’avaisloupé

machanceouquesij’avaisprislapeinedel’appelerplustôt,onauraitpuprévoirdefairequelquechose.Voilàpourquoi j’étais sinulleavec lesgarçons.C’étaitmalpolidepartirduprincipequ’il allait tout laisser tomberet trouverdu tempspourmoi. Je savaisque savieétaitbienremplie,qu’ilavaitbeaucoupd’amisetdegensquiluidemandaientdel’attentionetdutemps.Quiétais-jepourluidemanderd’êtredisponiblepourmoi,quandjemeforçaisenfinàprendredutempspourautrechosequemonboulot?

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–Ouais,onpeutsevoir.Çanet’embêtepassic’estunpeuplustard?JeveuxpasserchezPhil.Iln’étaitpasengrandeformehierquandjel’aivu,etjenesortiraipasd’iciavant20heures,donconseditvers22heurescesoir?

Jenetravaillaispaslelendemain,alorsilpouvaitbienarriveràminuits’illevoulait,dumomentqu’ilvenait.

–Çameva.Tuvoudrasmanger?Ilarigoléetjel’aientenduparleràquelqu’undanslefond.–Non.Onvafaireuntrucmarrant.Trouvedesvêtementsquetupeuxsalir.C’était intrigantet celapiquaitmacuriosité, cequiétait inhabituel car jedétestais les

surprises.–Quelleesttonidéed’untrucmarrant,Nash?–Tuvasdevoirattendrepourlesavoir.Àtoutàl’heure,Saint.Ilaraccrochéetjesuisrestéeàfixerl’écrandemontéléphone,émerveillée.Jenesavais

pasceque je faisais, jenesavaispascequ’ilmefaisait,mais iln’yavaitaucundoutequ’ilamélioraitmajournéeparsasimpleexistence.J’aiparcourumonchoixdemusique,mesuisdécidéepourTheVinesetsuisrepartieverslaville.

J’aiappeléFaithet luiaidonnélesdernièresnouvellesde lasituationdenotremère.Savoixétaittellementstresséeettristequecelamefaisaitmalpourelle.MaisMamanétaituneadultequidevaitfairesespropreschoixetensubirlesconséquences.Nousnepouvionspas y faire grand-chose. Nous avons parlé pendant la majeure partie du trajet. Ellen’arrivaitpasàcroirequej’aielâchéledocteur.Jeneluiavaispasexactementditquiavaitétémonsauveur.Jesavaisquecelaneluiplairaitpas.Pasaprèsquel’adoquej’étaisaitétébriséeparlesparolesetlesactesirréfléchisdeNash,qu’ilsmesoientdestinésoupas.

Je n’arrivais toujours pas à entièrement croire que ce n’était pas demoi qu’il parlait,qu’il déblatérait simplement sans réfléchir. La véhémence de sa voix et la colère dans sesyeux me donnaient envie de le croire, mais je n’étais pas sûre. Honnêtement, même s’ilparlait de quelqu’un d’autre à l’époque, ses mots n’en restaient pas moins cruels ethorribles.Si je laissais filer ce souvenir, si j’admettaisqu’il yavaitunevraiepossibilitéquemapropreestimedemoiabîmée,maconfianceenmoibrisée,aitinventédetoutespiècescequejevoulaisentendre,cequejem’attendaisàentendreàmonproposàcemoment-là,laconséquence logique était d’admettre que tout ce que j’avais fait, tous les obstacles quej’avaisrencontrésdansmesrelations jusqu’àaujourd’huiétaientdemafaute.C’étaitduràavaler.

J’ainettoyéunpeul’appartement,prisunedoucheettressémeslongscheveux,mangéunboldecéréalespourledînercarmonventregargouillait,etaifouillédansmapenderieà larecherchedevêtementsque jepouvaissalirmaisquinemefaisaientpasressembleràunsacàpatates.J’aichoisiunpantalondeyogaetunechemiseenflanellepar-dessusundébardeur blanc.Cela nem’aurait pas fait gagnerLes reines du shopping ,mais je doutais

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que cela fasse fuir Nash à toute allure. Il m’a fallu quelques secondes pour me rendrecomptequejenepaniquaispasàl’idéequ’ilmevoitainsi.Peut-êtreparcequ’ilm’avaitdéjàvue si souvent avecmablouse à l’hôpital, sansmaquillage, quand je travaillais.Oupeut-êtreétait-ceparcequ’aucunepartiedemoin’avaitétéépargnéeparsesmainsousabouche,etqu’ilnes’étaitplaintderien.Sij’avaisétéquelqu’und’autre,jecroisquesonappréciationnon verbale dema nudité aurait été un gros coup de boost pourmon ego,mais commej’étais bizarre, j’étais juste très contente qu’il garde son avis sur le sujet, bon oumauvais,pourlui.

Ilestarrivéà22hetdespoussières,m’aregardéedespiedsàlatête,m’aattiréecontreluipourmedonnerunbaiserquim’alaisséehaletanteetessoufflée,etm’afaitsortirpourm’amener vers sa voiture. Il portait ce qu’il avait sûrementmis pour aller travailler et jevoyaisuneombrefoncéesoussesyeuxetundébutdebarbesursonmentongénéralementbien rasé. Il avait les traits tirés et semblait épuisé. Je me sentais coupable de lui avoirdemandédem’accorderunpeudesontemps.

Jeluiaidemandétimidement:–Tuaseuunesemainedifficile?Il m’a ouvert la portière et m’a fait entrer dans la voiture. Il faisait encore chaud à

l’intérieuretilécoutaitTheTossers.Chaquefoisquej’étaisdanscemonstredevoiture,dupunkceltiquesortaitdeshaut-parleurs.

Lorsqu’il s’est installé derrière le volant, il m’a regardée et m’a fait un sourire detravers.

–Ehbien,avoirdetesnouvellesaétélameilleurepartie,c’estsûr…Etlesfleurs!Toutlesalonaadoré.Jevaisenentendreparlerjusqu’àlafindemavie.MaisPhiln’estpastrèsbienetjen’arrêtepasdeluidemanderpourquoij’aipassétoutemaviesanssavoirqu’ilétaiten réalitémonpère,et iln’adecessedemediredeparleràmamère.Plutôtmangerduverrepilé.Enplus,maintenantqueRuleestrentrédesa lunedemiel, il fautqu’onessaiedesavoircequ’onveutfairedunouveausalon.Çacommenceàs’accumuler.

–JesuisdésoléepourPhil,etjecomprendstrèsbienleproblèmeavectamère.J’aidûsortirlamiennedeprisonaujourd’hui.

Ilaexploséderireetm’aregardée.–Turigoles?–Nan.Je lui ai ensuite tout raconté, ce qui voulait dire que c’est moi qui ai mené la

conversation pendant quinze bonnes minutes, tandis que nous traversions la ville pourarriver au quartier des entrepôts derrière le Coors Field. Il m’a posé des questions parmoments,maisnem’a jamais interrompue, et jen’en revenaispasdevoirque jediscutaisnaturellement avec lui. Cela ne m’était jamais arrivé. Il s’est arrêté devant un garageimmense, a tapé un code sur le grand portail en métal et est entré. Je n’avais pas la

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moindre idée de ce quenous faisions dans cette partie de la ville ou à cet endroit précis,alorsjeluiailancéunregardinterrogateur.

–Lesréparationsdevoitures,c’estmarrant?Il a sifflé entre ses dents et a fait avancer la Charger jusqu’à l’une des portes

industriellesfermées.–J’aireconstruitcettebêteenpartantdezéro.C’estcequim’asauvéàl’époque.Cette

voitureetPhil,c’étaitàpeuprèslesseuleschosesquim’ontempêchédefinirentaule.C’estcommeçaquejemesuisrenducomptequ’ilyavaitdeschosesplusproductivesàfairequedepassermontempsàmemettredanslamerdepouressayerdefaireréagirmamère.Philm’adit qu’ilme fallaitungrandclassique,qui tiendrait sur ladurée. Ilm’adit que si j’enprenais soin, que je la chouchoutais, que je l’aimais, elle ferait lamême chose pourmoi.Maintenant, je me rends compte qu’il essayait de m’apprendre quelque chose sur autrechose que les voitures. Il m’a aidé à la récupérer dans une fourrière et on a passé desannéesàlatransformerenlabêtequ’elleestmaintenant.

Ilestsortidelavoitureetatapéunautrecodesurunautreclavier,etlegrandrideauacommencéàremonter.Legarageétaitsombreetintimidantaupremiercoupd’œil,maisquand il a fait entrer la voiture, les phares sont passés sur un tas de vieilles voitures àdifférentes étapes de réparation. Ce n’était visiblement pas qu’un garage, mais aussi unatelierpourvoiturespersonnalisées.

– C’estmon poteWheeler qui tient le garage. Ilme donne un coup demain avec laChargerquand j’aibesoin,eton s’échangedu travail. Ilme laisseme servirde l’atelierdepeinturedetempsentemps.

Jen’aipaspum’empêcherdeleverunsourcil.–Unmecdanslebusinessdebagnolesetquis’appelleWheeler 1?Sérieusement?Il a rigoléetest sortide lavoiture. Il apassé lebrasderrière ledossierdu siègeeta

sortiunsacnoiretunrouleauquejen’avaispasremarquésauparavant.–Sonprénom,c’estHudsen,ettuesmalplacéepourparler!Tuesuneinfirmièrequi

s’appelleSaint.Ilm’atendulerouleauetj’aivuquec’étaitdupapier.Jenesavaispasdutoutceque

nous allions faire, et je le lui ai dit. Il s’est contenté de prendremon autremain et noussommes passés entre les voitures et les boîtes à outils jusqu’à l’arrière de l’atelier, où setrouvaitune salle fermée. Il a allumé les lumières etm’a faitun sourire en coin.Dans sesyeux scintillaient des traits violets de joie. J’ai retenu un soupir. J’aurais pu le regarder àlongueurdejournéeetêtreheureuse.

–Avant, jeprenaispleindebombesdepeintureet j’allais taguern’importequoipourrelâcher la pression. Je trouvais ça cool de ne pas respecter la loi, de laisser ma tracepartout en ville, jusqu’à ce que je me fasse choper et que Phil doive payer une amendeénormepourquejen’aillepasenprison.C’estcommeçaquejemesuisintéresséàl’art,àla

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création.Enréalité,jecroisquejevoulaismefaireprendreàfaireuntrucillégalpourquemamèresoitobligéedes’occuperdemoi,maisonn’enestpluslà,etc’esttoujoursdrôledepeindreavecdesbombes.

Nous sommes entrés dans la salle toute blanche, avec un système de ventilationimpressionnant, et des respirateurs accrochés au mur et plein de choses qui servaientvisiblementàpeindredesvoitures.Nasha laissétomberlesacparterreet j’aientendulesbombes de peintures s’entrechoquer à l’intérieur. Il m’a pris le papier des mains et s’estavancéjusqu’àl’undesmurs,oùuncâbleétaitaccrochéavecpleindepincesenmétal.

–Jenepeuxplusallerpeindredesmurs,desbâtiments,oudestrains,enfinsaufsionme paie pour ça,mais j’aime bien le graffiti. C’est coloré et fou, il n’y a pas de règles, etaprèsavoirtatouédeschosespourlesautrestoutelajournée,parfoisj’aibesoindechangerd’air.Çafaitdubiend’allerfairemontrucàmoi,degardermonproprestyle.Wheelermelaissem’installerici.Pasdebordel,pasd’accusationdevandalisme,etc’estplutôtmarrant.

Jel’airegardéaccrocherdeuxmorceauxdepapierquiétaientpresqueaussigrandsquemoi et aussi larges qu’une porte. Il s’est accroupi pour sortir du sac le tas de bombes depeinture, de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Jamais personne ne m’avait laissée fairepartiedesespetitsrituelsavant,jen’avaisjamaisétéassezprochedequelqu’unpourcela.Voilàquel’attirancequ’ilprovoquaitchezmoirevenait.

–Jenepeuxmêmepasdessinerunbonhommebâton,Nash.C’étaitunartisteprofessionnel,nomdeDieu,commentest-cequejepouvaisoserfaire

quoi que ce soit, avec son talent et son expérience qui me jugeaient ? Il a marmonnéquelquechosedanssabarbeetavisséunecasquette,quitraînaitdanslesac,àl’enverssursatête.Celaluiallaitbien.

–Saint,toutn’estpasunconcours.Onn’estpasencompétitionl’uncontrel’autre,onest là pour s’amuser et passer du temps ensemble sans avoir plein de bruit et le mondeextérieurquinousembête.Détends-toi,laisse-toialler.

J’aidécidédeleprendreaupieddelalettre.Jen’avaispaslechoix.Ilm’avaitmanquécettesemaine,etjevoulaispasserdutempsaveclui.J’avaisl’impressionqu’ilmedonnaitunaperçudesrouagesàl’intérieurdesoncrâne.Nousétionsdeboutcôteàcôte,observantlestoilesgéantes.Ilacommencélepremier,etavantmêmequej’aiepuramasserunebombe,ilavaitdéjàremplilefonddecouleursprimairesvivesettourbillonnantes,quiattiraientl’œil.Je ne pouvais pas deviner ce qu’il dessinait, mais c’était fascinant et hypnotisant de leregarder.

Jeme suismordu le boutde la langue et ai commencé àdessinerdepetits arbres etnuagescommeonapprenaitauxenfants.Avantmêmedem’enrendrecompte,jenepensaisplus à Nash, j’avais oublié que j’étais dans un garage, et j’ai vraiment commencé àm’amuser. J’ai rajouté un arc-en-ciel, donc ilme fallait un chaudrond’or. Évidemment, sij’avaisunchaudrond’ortorduetdégoulinant,ilfallaitl’accompagnerd’unleprechaun.Une

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foisquej’aieuterminé,jeriaistellementquejedevaismetenirlescôtes,maislepapierétaitcouvertd’unchaosgribouilléetsuintantdontpersonnenevoudrait.Maispourmoi,c’étaithilarant. Et quand Nash s’est mis derrièremoi pour regarder par-dessusmon épaule, enplissantlesyeuxetpenchantlatêtesurlecôtépouressayerdecomprendrecequec’était,j’ai ri encore plus fort. Voilà pourquoi les gens me disaient qu’il fallait que je sorte plussouvent. Je ne me souvenais pas de la dernière fois que j’avais rigolé autant, sans meretenir.

Je suis passée devant lui pour voir ce sur quoi il avait travaillé etmon rire est restécoincédansmespoumons.Lesbrasm’ensonttombésetjemesuistournéeversluiavecdegrandsyeux.

–C’estmoi?Onauraitcruquejemefaisaisétrangler.–Vraiment?Tuesobligéededemander?Iladitcelasuruntonblagueur,maisilyavaitautrechosedanssavoix.L’imagequ’il

avaitcrééeétaitunpersonnagedecartoon,exagéréetexcentrique.Lescouleurssemblaientbondirdupapier.C’étaituneinfirmièreenuniformescandaleusementsexy,dugenredecequelesfillesportaientàHalloweenquandellespartaientenchasse.Elleavaitdescheveuxroux en bataille et tenait une seringue de dessin animé dans unemain, et un cœur dansl’autre. Malgré les proportions exagérées et les améliorations évidentes pour la rendreincroyablementsexy,c’étaitmoi.Lescheveux,lesyeux,levisage…Toutétaitmoi.Commentest-ce qu’il avait bien pu faire ça en l’espace des vingt minutes que nous avions passé àdéconner?

–C’estincroyable.–Jen’arrêtepasdetedirequetoiaussi.Maistunem’écoutespas.Ilaavancépourdécrocherlapeintureetj’aitendulebraspourl’arrêter.–Jepeuxlegarder?Ilalevéunsourcil.–Biensûr.Ilétaitimmense,etjenesavaispascequej’allaisbienpouvoirenfaire,maisl’idéeque

c’étaitainsiqu’ilmevoyait…Sexy,belleetauxcommandes…Jenevoulaispaslâchercela.–Nash,onvaquelquepart?–Commentça?Jecomptaisrentreravectoi,siçateva.J’aiprislapeinturequ’ilmedonnaitetl’aicolléecontremapoitrine.–Jen’aijamaiseuderencardaulycée,aucunmecn’ariententéavecmoiniessayéde

me tripoter pour que je lui dise d’arrêter. La première fois que j’ai embrassé un garçon,j’avais presque vingt ans. Je veux que tum’emmènes à un endroit où vont les ados pourbatifoler.C’étaitmarrant,cequ’onvientdefaire,etjen’aijamaisétédugenreàmelaisser

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aller et m’amuser. Je pense que me garer quelque part avec toi dans la voiture, ça vam’éclater.

Celamesemblaitaussiexcitant,sexyetcombleraittouslesfantasmesd’adoquej’avaisélaborésàproposdelui.

–Saint,ilfaitfroiddehors,onatouslesdeuxdesappartementsvides,onestgrands,etjesuisloind’êtreaussimincequejel’étaisaulycée.Çaparaîtpeut-êtrecool,maisenréalitéonaurajustefroidetonseratropserrés.

Pourtantilsouriaitàmoitiéendisantcela,etjesavaisqu’iln’avaitbesoinqued’unpeude persuasion. J’ai mis une main au milieu de son torse, et j’ai senti son cœur battrerégulièrementetsolidementsousmesdoigts,etjel’airegardéavecdesyeuxsuppliants.

–S’ilteplaît,Nash.Ilasoupiréetaposéunemainsousmatresse,dansmanuque.–Tant que tu sais que jene vais probablementpasm’arrêter au tripotage, et que ça

veutdirequec’esttonculquiseratoutnuetgelé,çameva.J’aigloussé,unvraigloussement,commejecroisquejen’enavaisjamaisfaitjusqu’àce

soir,etj’aiembrassésonmentonpiquant.–Deal.Il a mis les affaires de peinture dans le coffre, peut-être pour garder la banquette

arrièrelibre…Tantmieux…Etnousavonscommencéàsortirdelaville,dansladirectiongénéraledeBrookside.

–Onvaoù?–LookoutMountain.C’était justeàcôtédeGolden,etdelatombedeBuffaloBillCody.J’enavaisentendu

parlermaisjen’yétaisjamaisallée.Onétaitcensévoirtoutelavilledelà-haut.–C’estlàquetuemmenaislesfilles?–Euh,non.Aumomentoùj’aicomprisqu’ilyavaitunautreintérêtauxfillesquelefait

qu’ellessententbonetqu’ellesfaisaientmesdevoirssijeleurdisaisqu’ellesétaientjolies,jevivais avec Phil quasi à plein temps. C’est un gros dragueur, bien pire que Rule et moil’avons jamaisété.J’avais lamaisonpourmoi toutseulpresquetous lessoirs,doncquandj’avaisunechance,jelesramenaisjustechezmoi.

–Commentça,«quandtuavaisunechance»?Jemesouvenaisdesfillesquis’agglutinaientautourdeluiaulycée. Iln’avaitpas l’air

d’avoirbeaucoupd’effortsàfairepourtrouverunepartenaireconsentante.– Je traînais avec un mec qui jouait dans un groupe, la personnification du rebelle

parfait selon toutes les filles, et le capitaine de l’équipe de foot. Je n’étais qu’unmec aumauvais caractère àqui, chez lui, on répétait enpermanencequ’il était une erreur. Jenesavaispascommentparlerauxfillesintéressantes.J’avaisdesfillesquigravitaientautourdemoi,facilesetprêtesàsedéshabiller…Ellessefichaientunpeudequiétaitlegars.Çaveut

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dire qu’elles auraient pu être intéressées par Rule pour un soir, ou Jet. Donc il y avaitclairementunepartdechance.

C’était tellement bizarre. Ma perception et la réalité de tout ce qu’il se passait àl’époque semblaient tellement différentes. Je voulais lui en demander plus, mais noussommesarrivéssurunaffleurementrocheuxplatettoutjusteassezlongetlargepourgarersa voiture. Il a éteint les phares et a passé un bras sur le dossier de mon siège et m’aregardéedansl’habitaclemaintenantsombre.

–Onpeutretournerenville.Tun’asqu’unmotàdire.Je n’ai pas répondu. Je me suis soulevée et me suis tortillée pour passer sur la

banquette arrière. J’ai enlevé ma chemise en flanelle au passage. Il a laissé le moteurtourner,maisnousétionstoutdemêmeenjanvierdansleColorado,etnousétionssurlescontrefortsdesmontagnes,donc il faisait fraisdans lavoitureet les fenêtres secouvraientdéjàdebuée.Ilm’aregardéependantuneseconde,puisestsortidelavoiture.Iln’yavaitpasmoyen qu’il passe par-dessus les sièges commemoi. Il a pris son portefeuille dans sapoche, m’a tendu le petit paquet brillant et est monté sur la banquette, en fermant laportièrederrièrelui.Ilaretirésonsweatshirtetsonbonnet,etnousnoussommesretrouvésassisfaceàface.

Jepensaisqu’ilallaitm’attraperetmetirercontrelui,maisunsemblantdesourires’estdessiné sur sa bouche et il a laissé tomber ses larges épaules en arrière pour s’installerconfortablementsurlesiègeencuir.

–C’esttonjeu,Saint.Commentveux-tujouer?Ilmemettait toujoursderrière levolant, repoussaitmes limites,me faisaitdireceque

j’attendaisdelui.Peut-êtrequec’étaitpourcelaquejenebloquaispas,pourquoijen’avaisjamaisàquestionnercequ’ilsepassaitentrenous,cartoutcequ’ilsepassaitétaitcequejedemandais.Ainsi,iln’yavaitpasdeplacepourlerejetoulejugement.

J’aifrissonné,etcen’étaitpasdutoutàcausedufroid.–Jeveuxquetum’embrasses.Ils’estpenchéetaprismatressedanssamain,ets’enestservipourmetirerverslui.

Quandnosbouches se sont touchées, c’était tellementplusqu’un simplebaiser. Il avait legoûtdupasséetdufutur,d’avantetdemaintenant.Jelesentaissifortetsolide,maisseslèvres étaient douces et inquisitrices. Sa peau était moins douce que d’habitude, maislorsqu’ilm’atiréeplusprèsetquenosnezsesonttouchés,lecontactdecepetitmorceaudemétalqu’ilportaitétaitlisse.Ilaenroulésalangueaveclamienne,ets’estservidesesdentssurlacourberebondiedel’intérieurdemalèvre.J’aiprisuneinspirationbrusquedurantlebaiseretjel’aisentirigoler.Avant,j’auraisautomatiquementpenséqu’ilsemoquaitdemoi.Maintenant,jesavaisqu’ilétaitjusteamuséparcequec’étaitbon,etqu’illesavait.

Mesmainsétaientsursontorseetjem’ensuisserviepourcommenceràreleversonT-shirtsursonventreplat.Ilm’aaidéeenlevantlesbrasautantqu’il lepouvait.Àcausede

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l’espace restreint et de son large physique, se débarrasser de ce tissu a demandé un peud’adresse.Lachairdepoule s’est répanduesur sapeaudoréeet j’aipenchéma têtepourpassersursaclaviculeleboutdemalangue,cequil’afaitgémir.

–Maintenant,jeveuxt’embrasser.Il tenait toujours mes cheveux comme si c’était une corde, alors il a dû les relâcher

quandj’aipassémalangue,àplat,surl’undesestétons,puissurl’autre.Ilajurépuismarmonné:–Tuvasdanslamauvaisedirectionpourça,majolie.J’ai dessiné les contours de ses abdos avec mes doigts et ai regardé avec régal ses

musclessetendreetsecontractersouscettecaresse.Celadonnaitl’impressionquelesailessursesabdosvoletaientdansl’airnocturne.

–Non.J’aiunpeupeurdumétallàenbas,maisiln’yaaucundoutequejevaisdanslabonnedirection.

Ilajuréànouveauetjemesuisattaquéeàsaboucledeceinture.C’étaitquelquechosequejen’avaispasfaitplusd’unefoisetNashétaitplutôtbienéquipé,maiscelamefascinaitetjevoulaisluidonnerautantdesensationsqu’ilm’enavaitdonnées.

–Faiscommesicen’étaitpaslà.–Pourquoi?C’estpeut-êtrebienmapartiepréférée.Ilaencoreri,maissonrires’esttransforméengrognementquandilesttombé,duret

chaud,entremesmains impatientes. Ilétaitgonflé,épaiset fébrile,alorsque jeme tenaisau-dessusdelui.J’aipassémonpoucesurl’anneauaubout,ettoutsoncorpsasursautéenréaction. J’ai laissé sortir un souffle que je retenais sans m’en rendre compte, et il amarmonnémonnomdoucement,tandisquel’airhumidecaressaitsachairdésireuse.

J’aibaissé la têteetaipris leglandpercédansmabouche.C’étaitundéferlementdetextureetdesensation,etceladevaitl’êtrepourluiaussi,carils’estarquéetsamains’estserréedansmescheveux,justeassezpourmefaireunpeumal.

–BonDieu.Non,pasexactement,justeSaint,maisjel’aipriscommeunsignequ’ilaimaitcela.J’ai

faitrouler l’anneausurmalangue,glissésurcebarbellcachépuisplusbasle longdesonsexe jusqu’à sentir que je ne pouvais pas aller plus loin. Je suis remontée et j’ai répété lemêmemouvementtrèsexactement,maisenajoutantcettefoismamainautourdelabase,que j’ai serrée enmême temps quemonmouvement de la tête car c’était trop à prendred’un coup. Il a encore dit mon nom, et j’ai senti ses jambes, dont je me servais pourm’appuyer,setendre,etsonventredevenirdurcommelapierre,maisjusteaumomentoùje commençais à sentir qu’il allait jouir, ilm’a tiré les cheveux si fort que j’ai vraiment eumal.

Ilrespiraitfortetsesyeuxétaientindigo.–Situcontinuesça,undenousdeuxvafinirfrustré,etpetitindice,ceneserapasmoi.

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Il a commencéà tirer surmonpantalondeyogaextensible. J’étais vraiment contented’avoirmisquelquechosed’aussifacileàretirerenayantpeud’espaceetdegrandesmainsimpatientesquimegênaient.Ilaabandonnélebasdematenueets’estatteléàfairepassermonhautpar-dessusmatête.Jedevaisadmettrequec’étaitgratifiantdesentiràquelpointil était prêt, à quel point il avait besoin de moi. C’était un remède puissant contre lamauvaisehumeur,etdèsquej’aienlevémaculottepar-dessusmeschaussuresetqu’ils’estprotégé, ilm’a tirée sur lui et nous avons tous les deux fait un bruit qui ne pouvait êtredécrit que comme « animal ». Il était guttural, profond, et nous l’avons tous les deuxressentisennousjoignantensemble.

Jemesuispenchéeunpeuenavantetilaprofitédemanouvellepositionpoursaisirmon téton dans sa bouche. Je l’ai senti s’enfoncer en moi, je sentais aussi le métal qu’ilportaitpresseravec insistancecontremonpointG. Jebougeaisdehautenbas, jeprenaisunrythmerapideetpressécar il faisait froidetque jesavaisqu’ilyétaitdéjàpresque.Cequejeressentaisétaitgénial–ilsavaittoujoursquoifairepourfairemonterleplaisir,pourmefairesortirdemoi-même–maisaveclepetitespaceetnotremobilité limitée, jesentaisqu’il se retenait, je voyais les tendons tirés sur son cou tandis qu’il attendait que je lerattrape.

–Nash…–Putain,Saint,ilvafalloirquetum’aides.Donne-moiuncoupdemain.Sesdeuxmainsétaientoccupéesàmaintenirlachevauchéesexysansquejemecogne

latêtecontreleplafonddelavoiture.J’aibaissélesyeuxversluietcequ’ilvoulaitdireétaitclair.Illefaisaitencore,repousserleslimites.

Je n’aimaismême pasm’avouer que jeme touchais, et il voulait que je le fasse, nonseulementdevant lui,maisau-dessusde lui,colléeà lui.C’étaitundéfi,et j’auraisdûêtreénervéequ’ilmele lanceenpleinmilieud’unerelationquiétaitcenséeêtrenostalgiqueetdrôle,maisjevoulaisjouir,jevoulaisqu’ilserelâche.J’adoraiscombienilétaitrigideetdur,làoùilétaitenfouienmoi,etlefaitqu’iltenaitqu’àunfil,meforçantàfaireunpasdeplushorsdemazonedeconfort,essayantd’effacertoutcequejecroyaissavoir.

Jen’aipasréfléchi, j’aisimplementlaissélamainquines’accrochaitpasàl’arrièredusiège avant pour garder l’équilibre plonger entre nos corps qui ondulaient, entremes plismouillésetécartés,jusqu’àtoucherlecœurdemonplaisir,déjàsensibiliséettendu.

–Ohwaouh.C’était à peine un chuchotement, étouffé par son rugissement quand il a joui,

simplement enme regardant faire cequ’ilm’avaitdemandé. Iln’enapas fallubeaucoup,justeun effleurement, un toucherduboutdudoigt, pour que je sois propulséede l’autrecôté justeaprès lui. Ilm’aensuitetiréesursontorsehaletantetascellénosbouchesdansunbaiseraugoûtdesatisfactionetdetoujours.

–C’étaitpeut-êtrelachoselaplussexyetlaplusbellequej’aiejamaisvue.

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Ilavaitlavoixrauqueetunpeuessoufflée.Jenesavaispasquoirépondreàcela,jenesavaisjamais,alorsj’aiposémajouesurlacourbefermedesonpectoraletluiaidit:

–Ondevientvraimentbonspourcoucheralorsquetuportestoujourstonpantalon.Il a lancé un rire sec et a passé doucement sesmains de haut en bas le long dema

colonnevertébrale.Ilnemedisaitrien,maisjesavaisquecelal’embêtaitquejeneréagissejamaisàsescompliments.Jen’étaispassûred’arriverunjouràsavoircommentréagir,passûredevoireunjourlamêmepersonnequecellequ’ilvoyaitquandilmeregardait.

1..NdT:wheelsignifie«roue»ou«volant»enanglais.

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Chapitre11NASH

–Waouh,mec,cetendroit…C’estmagique.

Rulealâchéunsifflementgravetandisquenousvisitionsl’espacevidequiallaitaccueillirlenouveau salon. Le temps continuait à filer, et avant que jem’en rende compte, desmoisétaient passés et je n’y étais toujours pas allé.Maintenant, jeme sentais très con car cetendroitétaiteffectivementmagiqueetcoincéentredeuxdesrestaurantslesplusfréquentésdeLoDo,enfaced’unbarsportifpopulaire.Etaucoindelarue,onavaittouslescafésetlesboutiquesquiattiraientdumondeàLoDo.C’étaitenpleincœurdelavilleetbienplusstyléetbranchéqueleMarked.

Jeme suis frotté la nuque et j’ai regardéRule du coin de l’œil.Nous ne collions pasvraiment dans le paysage, et je me demandais bien comment nous, deuxmecs du genre«bièreetwingsdepoulet»,étionscenséslancerunbusinessdanscetendroitàl’ambiance«œufsmimosaetcaviar».J’avais l’impressionquenousfaisionspeurauxhabitants locauxrienqu’enpassantparlà,etilyavaittellementdetravailàfaire.Toutcelamedépassait.

Avant que Phil récupère les locaux, c’était une sorte de boutique de thés et cafésexotiques.Cen’étaitpasdutoutarrangépourdevenirunsalondetatouage,c’estpourquoiRuleetmoiavionsprisnotreaprès-midi,poursefaireuneidéeetrencontrerl’amideRowdyafin qu’il nous dise ce qu’il en pensait. Je me disais que ce n’était pas gagné, mais celaintriguait Rule et il était complètement convaincu par l’idée de Rowdy d’élargir notreactivité,etdefaireuneboutiqueàl’étage.Enplus,jedevaisaumoinsçaàPhil,fairedesonrêveuneréalité.

–Onvafaireunsalontellementclasse,ici.Ruleavait l’airsisûr.J’auraisvouluavoirsonenthousiasme,et j’admetsqu’unepartie

demonhésitationvenaitdufaitquelasantédePhilsedétérioraitàvued’œil.Jeregardaislamaladielerongeretjenepouvaisrienyfaire.Alorsinvestirdanscesalon,mepassionnercommeRule,m’auraitdonnél’impressiondenemêmepasattendrequePhilsoitpartipour

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réalisersesdernièresvolontés.Etpuis,ilinsistaitencorepourquejedemandeàmamèrederépondreàtoutesmesquestions,etjenevoulaispaspasserletempsqu’ilmerestaitavecluiàmedisputeràcausedecela.

–Jecroisqu’onvadevoirproposerànosclientsdesinfusionsetdesservietteschaudes,avecunemplacementaussichic.

Rulearietestalléjusqu’àlaportevitrée,pourlaisserentrerlegarsquiavaitfrappé.Ilssesontserrélamain,etmaintenantquejepouvaismettreunvisagesursonnom,jemerappelais l’avoir vu dans le fauteuil de Rowdy plus d’une fois. Zeb Fuller était un grandmec, avec des cheveux bruns et un visage sérieux qui ne souriait pas. C’était un gars quisemblaitn’avoirjamaiseuuneviefacileetinsouciante.LasignaturedeRowdy,sonstyledetatouageoldschool,s’étendaitdesdeuxcôtésdesoncouetsortaitdesonT-shirtàmancheslongues.

Il est venu jusqu’à moi et m’a serré la main aussi, et a laissé son regard parcourirl’espaceprincipalementvide. Il ressemblait carrémentaugenredemecquipeut tout fairetomberàmainsnueset toutreconstruire.JecomprenaispourquoiRowdym’avaitconseillédelevoir.

–Chicos,lapiaule.J’airicanéenl’entendantexprimermespenséesàvoixhaute.–Ouais.–Doncvousvoulezqu’onvire toutetqu’on le fasse ressemblerà l’autre salon?C’est

quoi,l’idée,exactement?Ruleetmoiavonséchangéunregardperduetj’aihaussélesépaules.–Aucuneidée.Ilfautquecesoitunsalonpratique.Ildoityavoirassezdeplacepour

aumoinssixartistes,etunesalledepiercingferméeàpart.Ilnousfautunbureaud’accueiletunespaced’attente,etenhaut,c’estdesbureauxmaisonpensaitenfaireunesortedeboutique.

Il ne disait rien, continuait simplement à observer l’espace. J’ai regardéRule, quimeregardaitaussietasecouélatête.J’aipouffé.

–Est-cequeçasevoit,qu’onnesaitpasdutoutcequ’onfait?Jemesentaisobligédedemander.Zebasortiunpetitsourire,cequi l’arendumoins

intimidant.– Eh bien, avec un emplacement parfait comme ça, vous n’avez pas besoin de faire

grand-chose. Les gens entreront pour voir, juste parce que c’est ici, et si vous ajoutezdestrucsàvendre…

Ilasiffléentresesdents.–Vousallezvousfairedelathune.Nousavonsparcourulerestedulocalaveclui,etj’aiétéimpressionnéparl’espaceque

nousavions.LeMarkedétaitunassezgrandsalon.Jeveuxdire,onnesemarchait jamais

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dessusetl’espaced’attentepouvaitaccueillirjusqu’àdixpersonnesenmêmetemps,maiscetendroit faisaitaumoins ledouble.Jenesavaispasdu toutcomment j’allaispouvoirgérerune affaire pareille, encore moins la réaménager et trouver des employés. J’ai senti unebrûluremonter lentement dansma nuque. À la fin de la visite, nous sommes revenus aurez-de-chaussée,etZebs’estmisàprendredesnotessurunblocdepapierqu’ilavaitsortidenullepart.Rule luiposaitdesquestions et je restais là, àme sentir inutile etpaniqué.Zebalevélesyeuxetavumonexpression.

–Jevaisfairequelquesdessins,voussortirdesdevis.Queldélaiona?J’aisoupiré.–Ehbien,Coradevra être làpour le recrutement et la vraie installation, et elledoit

accoucherbientôt,doncpeut-êtreverslemoisdemai?Je ne savais même pas quand est-ce que je devais ouvrir. J’étais un très mauvais

entrepreneur.–Çaluidonneletempsderesteràlamaisonaveclebébépendantlesrénovations.Ruleahochélatête.– Ouais, je pense quemai, ce serait bien, comme ça on sera ouvert pour une bonne

partiedestouristesdel’été.Zeb a encore pris quelques notes et a marmonné quelque chose dans sa barbe. Il a

hochélatêterapidementetacoincélestyloqu’ilutilisaitderrièresonoreille.– Il vayavoirduboulot, jenevous le cachepas,mais c’estun superendroitetavec

peud’efforts,jepeuxvousfairequelquechosequireflètequivousêtes,maisquicolleaussiaveccequerecherchentlesgensdanslecoin.

–Çam’al’airparfait.Ruleetmoiétionsd’accord.–Jevousrecontactequandj’auraiposédesidéessurpapier,etonpourraparlerdélais

etbudgetplusprécisément.JesaisqueRowdyvousadonnémonnom,alorsmercidemedonnermachance.

Rulealevélesourciloùétaitsonclouenmétaletapassélalanguesursonanneauàlalèvre.

–SituesunamideRowdy…Zebalancéunriredépourvud’humour.–Ouais,Rowdyestunmecbienetjesuisreconnaissantqu’ilnemereprochepasmon

passé.Wheelernonplus.Il adonné lenomdumécanicien et j’ai penché la têtepour confirmer le contact que

nouspartagions.–Lepassé?ai-jedûdemander.Il a soupiréet son torsemassif,qui laissait supposerqu’il soulevait régulièrementune

Buickpoursemuscler,s’estgonflépuisestretombé.

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–Jenedevrais riendireparcequeçam’acoutéplusd’unboulot,maission travailleensemble,autantquevoussachiezquej’aifaitdelaprison.Jesuissortiilyaplusdedeuxans,maisj’aiuncasier.

–Condamnépourquoi?LetondeRuleétaitsec,maisnoussavionstouslesdeuxqueRowdynenousauraitpas

envoyéquelqu’undedangereuxpourlesalonoupourlasécuritédesautres.–Agression.J’aifaitdemauvaischoix,etj’aipayépourça.Bon,cen’étaitpasgénial,maisaucund’entrenousn’étaittoujoursrestéduboncôtéde

la loi.Merde, il y amoins d’un an, Jet s’était fait enfermer une journée parce qu’il avaittabassé sonpère. Il fautdireque ce vieux connard l’avaitmérité.Quoi qu’il en soit, notrebandeavaittendanceànepasjugerlesgenssurleurserreurspassées.

Jeluiaisimplementdit:–Tantque tu fais tonboulot etque leprix esthonnête, jeme fichedequi est arrivé

danslepassé.Notrerelationdetravailneconcernequecequ’ilsepasseicietmaintenant.Ilasembléprendremesmotspourargentcomptantetnousavonséchangénoscartes

devisite.Lorsqu’ilfutparti,Ruleetmoisommessortisparl’avantpourquejepuissefermerlaporte.

–Qu’est-cequetuenpenses?LetondeRuleétaitcurieux.–J’enpensequejeveuxuneclope.Ilm’alancéunregardmauvaisetm’asuiviverslaChargeretsonpick-up,garésdans

larue.–Sérieusement?–J’enpensequejenesaispascequejefais.Jeregardecetespaceet jenem’imagine

pasdu tout tatouer ici,ni legenredeclientsqu’onpourraitavoir. Jepenseque jene saispascommentfairetourneruncommerce,nicommentconvaincrePhildemedirelavérité.Et en plus je crois que je craque pour une fille qui ne semble pas me faire pleinementconfiance,etau finalneme laissepasêtreaussiprocheque je levoudrais.Tusaisàquelpointc’estnul,ça?Jen’aijamaisvouluêtreaussiproched’unefille,jamais.

–Woouah…Il a un peu rigolé et a tendu le bras pour exercer une pression de lamain surmon

épaule.–Détends-toi,frère.J’ai lancé un juron et ai appuyémahanche sur l’aile de laCharger, et ai croisémes

brastatoués.–Sérieux,Rule.J’ail’impressiondeperdrelecontrôledetout.Letourdemanègepeut

s’arrêtern’importequandetmelaissertomber.Çacraintd’avoirlatêtequitourne.

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Il a haussé les deux sourcils et il s’est installé à côté de moi, adoptant presqueexactementlamêmepose.

–Écoute,Nash,ilfautqueturespires.Ilsepassebeaucoupdechosesdanstavieencemoment,etessayerdet’occuperdetoutenmêmetemps,çavatefairepartirenvrille.Philne te dira pas ce que tu veux savoir, alors va parler à ta mère. Sérieusement, c’est lasolution la plus facile, et si la grande Ruby ne veut pas te dire ce que tu as besoind’entendre,attendsquelepèredeCoraarrivepourlanaissancedubébé,etdemande-luiàcemoment-là.

Cela se tenait. J’aurais simplement voulu pouvoir le faire sans la partie où je devaisparleràmamère.

–Etpourlesalon,etlefaitdeteniruncommerce,tun’espastoutseul.Jesuislà,Coraaussi, Rowdy est de ton côté, et on a encore Phil. La réussite ou l’échec de ce salon nedépendrapasuniquementde toi,Nash.Onveut tousqueçamarche,onveut tousrendrePhilfier,qu’ilsoitlàpourlevoiroupas.

Ilavaitraison…Ilyavaitpasquemonavenirenjeu,etilnefallaitpasquejel’oublie.–Quantàlafille…Ilm’aappuyésurlebrasavecsonpoing.–Tun’espasen traindecraquer.Tuascraqué.Elle t’aeuet tunepourraspas t’en

échapper.Etsielleestfermée,sielleestdureàcomprendre…Est-cequetut’esdéjàditquelaraisonpourlaquelletul’aimesbien,pourlaquelleellecomptepourtoi,c’estparcequ’ellen’estpasaussisimplequelesautres?Lafacilité,ças’oublievite,monami;compliquéeetdifficile,çat’accompagnetoutetavie.Crois-moi,jemesuismariéavec.

Je l’airegardéetaicherchéquelquechoseàdirepourréfutercesaffirmations.Jen’airientrouvé.

– On était une bande de petits cons à l’époque ; il a fallu que je trouve la bonnepersonne pour ne plus vouloir être un gars comme ça. Toi, eh bien, tu as toujours été leplus sympa,maismême les gentils peuvent passer demauvaises journées. Elle finira parsurpassersescomplexes,et siellen’yarrivepas,passeàautrechoseparcequeçavoudradirequ’ellenes’intéressepasaumecquetuesmaintenant.

J’ai laissé échapper un soupir et l’ai regardé se transformer en vapeur dans le froiddevantmoi.

–Quandest-cequetut’estransforméengourouducouple?–Tousmesamisetmafamilletombentamoureuxtoutautourdemoi,j’essaiejustede

lesempêcherdefaire lesmêmesbêtisesquemoiavecShaw.Si jepouvaisrecommencer, jenegâcheraispastoutletempsqueçam’aprispourfiniravecelle.

Je me serais bien moqué de lui, fleur bleue et sentimental, mais j’avais assisté auparcoursducombattantqueledébutdeleurrelationavaitété.Cen’avaitpastoujoursété

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trèsjolietilsavaienttouslesdeuxsouffertplusquenécessaireencoursderoute,alorscelanemesemblaitpastrèsmalind’ignorersesconseilsdesagesse.

–D’accord.Jecroisquejevaismonterdanslesmontagnesetvoirsi jepeuxavoiruneconversationavecmamèresansl’étranglerouessayerdem’étouffermoi-même.

–Boncourage.Eh,tuvienstoujoursauBaravecl’infirmière,ceweek-end?Ilm’avaitfalluunesemainedepersuasion,aumoyendemotsetd’appâtssexuels,pour

que Saint accepte de sortir et de rencontrer mes amis. Ayden et Shaw mouraientd’impatiencedelarencontrerendehorsdel’hôpital.

– Si elle neme fait pas faux bond. Elle est vraiment timide et réservée avec les gensqu’elleneconnaîtpas.

–Tuas intérêtà luidireque siellea l’intentionde resterdans le coin, il fautqu’ellesurmonte ça, sinonCora vamonter une embuscade et les filles vont débarquer devant saportesansquetusoislàpouratténuerlechoc.

C’était exactement cequi allait arriver,donc j’ai notédansma têtequ’il fallait que jepousseSaintunpeuplusfort,laprochainefoisquejelaverrais.Celanemedérangeaitpasdelapousser:engénéral,lerésultatétaitqu’onfinissaitnusetenroulésl’uncontrel’autre,mais j’avais toujourspeurde lapousser trop loincar jenesavaispasoùétait sa limite.Ethonnêtement, je ne savais pas non plus où était la mienne. Je l’aimais bien, je l’aimaisvraimentbeaucoup,aulitetendehors,maisilyavaittoujoursunmystèrechezellequimerendait nerveux. C’était une fille forte, elle y était obligée pour faire son travail.Mais endehorsde sonboulotetde l’hôpital,unvoiledevulnérabilitéetdemalaise l’entourait. Jevoyaislecombatintérieurqu’ellemenaitquandnousétionsensemble.Ellevoulaitêtreavecmoi,ellevoulaitquenouspassionsdutempsensemble,maislesengrenagesdanssatêtesemettaientàtourneret jelavoyaisessayerdedécidercombiend’elle-mêmeellepouvaitmedonner,toutensemaintenantensécurité.

Jefaisaisaussidemonmieuxpourqu’ellepassedesbonsmoments.Depuislasoiréesurmabanquettearrière,jegardaisàl’espritqu’elleavaitloupétouteslesbêtisesd’ado.Doncjel’aiemmenéeaucinémaetaiessayédepassermesmainssoussonhaut.Noussommesallésmanger une pizza et je l’ai embrassée devant la porte de chez elle en la déposant. J’aiessayé de la convaincre de faire un rencard à quatre avec Rule et Shaw,mais elle avaitrechigné.Ellen’étaitpasencoreprêteàavoirunetelleplacedansmavie,cequiposait laquestion de ce que nous faisions réellement ensemble. Je n’avais jamais passé plus d’unenuitouunweek-endaveclamêmefille,doncpourmoi,cequenousfaisionsressemblaitàun début de relation. Pour elle, en revanche, je n’en étais pas sûr. Elle m’envoyait desmessages,m’appelaitquandelleavaitletemps,maisellenepassaitjamaislanuitchezmoiquandellevenait,etnemedemandait jamaisderesterquandj’étaischezelle.Certes,ellenemedemandaitjamaisdepartirnonplus,maisilyavaitunegrandezonegriseetj’avaisl’impression de m’y déplacer à l’aveugle car je n’avais jamais vraiment eu envie de

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commencerquoiquecesoitavecquelqu’unavant.Jesavaisqu’elleétaitàpart.Mais jenesavaispascommentleluimontrerautrementqu’enfaisantcequejefaisaisdéjà.

Le trajet jusqu’àBrookside est passé vite, en grandepartie carmon cerveau ruminaittoutcelaetnemelaissaitpasuneminutederépit.Jemesuisgarédansl’alléeetj’ailâchéun soupir, soulagédenepas voir leSUVdeGrant,mon idiotdebeau-père, àmoinsqu’ilsoitdanslegarage.C’étaittrèspeuprobable;àquoibonlelaisserdanslegarage?Aucunvoisin n’aurait pu le voir, s’extasier sur son excellence, et mourir de jalousie devant larichesseetleprestigeévidentsdeGrantLoften.Enfoiré!Jenedétesteraisjamaispersonneautantquecemec,etsiDieulevoulait,unjourviendraitoùmonpoingallaitrencontrersaface.

J’avaispassétoutemonenfancesoussesyeuxdésapprobateurs.Jenefaisaisjamaisriencomme il fallait, il me traitait toujours comme un fardeau. Un demes souvenirs les plusclairsdesaconnerieremontaitàmesquatreoucinqans.Jevenaisdedécouvrirlescrayonsgras. J’adorais les couleurs, j’adorais dessiner des motifs sur tout ce sur quoi je pouvaismettre lamain,ma petitemain turbulente, y compris lesmurs. Ce n’était que du crayongras,etexiste-t-ilunenfantquin’ajamaisdessinésurunmur?MaispourGrant,c’étaituncrime, comparable à unmeurtre. Encore aujourd’hui, je le revoyais casser les crayons endeux,unparun,etmeforceràregarder.Jemesouvenaisdel’odeurâcredel’eaudejavelavec laquelle il m’avait fait nettoyer non seulement le mur de ma chambre, où j’avaisdéployémonart,mais tous lesmursde lamaison.Jen’étaisqu’unpetitmôme,maispourlui, ça n’avait aucune importance. Tout comme maintenant, il ne pensait jamais que jefaisaisleschosesbien.

Lefaitestqu’ilaimaitvisiblementmamère,latraitaitcommeunereine,etluidonnaittoutcequ’ellevoulait.Iln’avaitsimplementpasletempspourmoi,jeneservaisàrien.Etjene luipardonnerais jamais, jamaisde l’avoir faitchoisirentrenousdeux.Évidemment,mamère aurait dû me choisir, j’étais son enfant, c’était son boulot de m’aimerinconditionnellement,mais ellene l’avait pas fait, et c’était à causedeGrant qu’elle avaitétéobligéedefairecechoix.

Cet homme s’était toujours soucié des apparences, de son prestige et de son image.Alorsaveclatêtequej’avais,etlefaitquejefaisaiscequejevoulais,monpassagesoussontoitn’avaitjamaisétéagréable.Etàl’âgeadulte,chaquefoisqu’ilmeprenaitdehaut,qu’ilpinçaitseslèvresdedédainàcausedecequejeportaisoucequejedisais,ilmefallaittoutmonsang-froidpournepasluifaireavalertoutessesdentsbienblanchesàcoupsdepoing.

J’airemontélapetitealléeencorerecouverted’unefinecouchedeneigeentrottinant,et j’ai frappéà laporte.Commec’était triste,d’êtreunétranger à l’endroit oùma familleétaitcenséevivre.J’aivulatêtesombredemamèrejeteruncoupd’œilparlafenêtre,puisilafalluaumoinsquatreminutespourqu’ellesedécideàouvrirlaporte.Nousétionsfaceà face, avec lepanneauvitréde ladoubleporte entrenous, et jen’aipaspumanquer le

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regarddéçuquiestpassédans sesyeuxquandelleavumonsweatnoir,macasquetteetmon jean. J’étaishabillé comme tous les autres joursde l’année, et cen’était jamais assezbienà ses yeux.Celan’aurait plusdûme fairemal. J’étais adulte, jemedébrouillais toutseuldepuislongtemps,pluslongtempsquelapériodequ’elleavaitpasséeàfairesemblantdem’éduquer. Et pourtant, il y avait toujours une petite partie demoi qui voulait qu’ellevoiedelavaleurenmoi,mêmesijefinissaistoujoursparavoirl’impressionqu’elleavaitjouéaurugbyavecmoncœur.

–Qu’est-cequetufaislà?Tun’aspasappelé,Nashville.Bordel, le prénom entier. Je crois qu’elle l’utilisait principalement car elle savait

combiencelam’agaçait.–Non,jen’aipasappelé,maisjevoulaisteparleruneminuteetjemesuisditquejete

trouveraispeut-êtreàlamaison.Elle a joué avec le collier en rubis qui pendait à son cou et a posé unemain sur la

porte.Mamèreétaitunefemmeassezpetite.J’avaishéritémapeaumateetmescheveuxdesoncôtéde lafamille.Jesupposaisquetout lerestequi faisaitdemoiqui j’étaisvenaitdePhil.J’avaisdelachancedansmonmalheur.

– Grant ne va pas tarder à rentrer. Ça ne va pas lui plaire, que tu sois passé àl’improviste.

Etcommetoujours,cequiplaisaitàGrantgagnaitforcémentsurcequiétaitcorrectetdécent.

–Çaneprendrapaslongtemps,Maman.Sérieusement,donne-moijustecinqminutes.–Tuasfaitdeuxheuresderoutepourparlercinqminutes,Nashville?Çan’apasde

sens.Encoredescritiquesetdesreproches.C’étaitunmiraclequej’aifiniaussinormal.–Maman…J’aisoupiréetaiplissélesyeux.–Philestdeplusenplusmalade.Ilauneassistanceàdomicilevingt-quatreheuressur

vingt-quatre, mais il mange à peine et il dort tout le temps. Je le vois tous les jours, etchaque fois, je lui demande de m’expliquer ce qu’il s’est passé. Il faut que quelqu’unmedonnedes réponses,Maman, et jenepartirai pas tant que jene les aurai pas eues. Si tuveux que je sois parti avant que Grant revienne, tu feraismieux de commencer à parler,sinonjevaisresterdansl’alléeetjemeferaiunplaisirdem’expliqueraveclui.Personneneveutqueçasepassecommeça,j’imagine.Qu’est-cequediraientlesvoisins?

Elleasemblépeserlepouretlecontre,etlorsqu’undesvoisinsestsortidesongarageenvoitureetapenchélatêtepourvoircequ’ilsepassait,j’airidel’ironiedelasituation,etelleaenfincédé,ouvrantlaportepourmelaisserentrer.

Jel’aisuiviedanslacuisine,oùellem’aproposéuncaféàcontrecœur.J’airefuséetmesuisappuyécontreleplandetravailtandisqu’elleseservaitunetasse.

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–Jeveuxsavoirpourquoitunem’asjamaisditquiétaitPhil.Jeveuxsavoirpourquoitum’aslaissécroirequemonpèreétaitunbonàrienquinousavaitlaisséstomber.J’aipassétoutemonenfanceàcroirequetunepouvaispast’occuperdemoi,quetunem’aimaispasparcequejetefaisaispenseràuninconnuquit’avaitdéçu.

Je lui ai lancé un regard noir pour toutes les années de reproche et de culpabilitéqu’ellem’avaitlaisséportersurmestropjeunesépaules,sansraison.

–Philétaitlà,ils’estoccupédemoi,etdetouteévidenceilsesouciaitdetoietauraitvoulufairepartiedenosvies.Jecroisquejeméritedesavoircequ’ils’estpasséetpourquoiilafalluqu’ilsoitauxportesdelamortpourquelavéritésorte.

Ses mains se sont serrées autour de la tasse et je l’ai vue pâlir un peu sous sonmaquillage.

–Qu’est-cequeçachange,maintenant,Nashville?Àquoiçaserviraitderemuertoutça?

– Arrête de m’appeler comme ça. C’est Nash, juste Nash, et tu le sais. À quoi çaservirait ? Je veux savoir pourquoi je n’ai jamais été assez bien, pourquoi tume regardesencore comme si j’étaisunedéceptionambulante.Phil ne vapaspartir, ne vapasmourirsansquejecomprennepourquoic’étaitsiimportantpourluidegardertessecrets.

Elleaémisunlongsoupir,commesi je l’ennuyaisplusqu’autrechose,etm’aregardépar-dessusleborddesatasse.

–J’airencontréPhilquandilétaitenpermission,danslaMarine.J’étaisenvacancesàNewYork,etluiyétaitpourlaFleetWeek.Ilétaitbeau,ungrandjeunehommedangereuxenuniforme.Jemesuisditqueçaneferaitdemalàpersonnesionavaitunehistoiresansconséquence.Jepensaisquecen’étaitquepassager,justeunejeunefillequifaitlesquatre-centscoups,maisc’estdevenuplusqueça.Jesuisrentréeàlamaison,ici,etquandPhilafinisonserviceiladéménagéicipourêtreavecmoi.Ilatoujoursétédévouéetgalant,maisiln’avaitpascequejecherchaischezunpartenaireàlongterme.

Elles’estéclairci lavoixetaposé la tassesur leplande travail.Ellenemeregardaitpasdanslesyeux.

– J’aimais bien Phil, on s’amusait bien, et pendant un moment notre relation a étésuper.Maisquandilafallus’installer,jevoulaisuneviequinecollaitpasavecungarsquifait de lamoto et pense que le tatouage est une carrière viable ; ce n’était pas dansmesprojetsdevie.J’airompuavecPhilquandj’airencontréGrant.Grantestlegenred’hommequi pouvait m’offrir un avenir, qui pouvait m’offrir le genre de foyer que j’avais toujoursvoulu.Jesavaisqu’ilétaitlemeilleurchoixpourmoi,sanshésitation.

Je lui ai lancéun regardmauvais car l’entendreparler de la vie et des choixdePhilrevenaità l’entendredénigrermavieune foisdeplus.Sesmains sont retournées seposersurlecollierqu’elleavaitaucouetelles’estmiseàtournerlerubisdanstouslessens.

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–Jenesavaispasquej’étaisenceintequandj’aicommencéàvoirGrant.Quandjem’ensuisrenduecompte,j’aisupposéquelebébéétaitlesien.

Jemesuisunpeuétouffé.–Merde,Maman,tucouchaisaveclesdeuxenmêmetemps?Je n’avais pas besoin d’en savoir autant, c’est sûr. Elle a plissé les yeux en me

regardant.–J’étais jeuneet j’essayaisdemedébrouillerdanslavie,Nashville.Bref,Grantetmoi

noussommesfiancésetmariésavantquetunaisses.Onétait tous lesdeuxtrèscontentsàl’idéed’avoirunpetitgarçon;etPhilavaitouvertlesalonetentaméunautrestyledevie.Toutallaitêtreparfait.

Elle a marché jusqu’à l’autre côté de la cuisine et je me suis aperçu qu’elle s’étaitéloignéelepluspossibledemoi,sansquitterlapièce.

–C’étaitévident,àlasecondeoùtuesné,quetuétaislefilsdePhiletpasdeGrant.Tuavais lapeaumatecommemoi,mais tuavais lescheveuxdePhil,etcesyeux…Mêmebébé, ils étaient trop vifs et reconnaissables. C’étaient des yeux de Donovan. Grant étaitfurieux,ilm’aaccusédel’avoirtrompé,ilm’aditdechoisirentreluietmonbébébâtard.IlnepouvaitpasassumerquetoutlemondeàBrooksidesachequelebébén’étaitpasdelui.J’étaissûrequ’ilallaitmequitter.

Jedétestaisdéjàcemecavant,maismaintenant,j’avaisenviedeluiarrachertouteslesdentsavecunepincerouillée.

– Je ne voulais pas le perdre, alors je lui ai expliqué pour Phil, pour notre relation.Grant a fini par comprendrequepersonnene le jugerait s’il élevait un enfant abandonnéparsonpère.Enrevanche,ilarefuséd’êtresurl’actedenaissanceoudetedonnersonnomdefamille.

Jesentaislittéralementmatempérature.J’aiserrélespoings.–MaisPhiln’étaitpartinullepart.Ilnesavaitsimplementpasquej’existais.–Non,ilnesavaitpas,etdansunmondeparfait,iln’auraitjamaissu.Grants’occupait

denous,subvenaitànosbesoins,etont’aditquetonpèrenousavaitabandonnés.Maisàmesureque le tempspassait, tu ressemblaisdeplus enplus àPhil.Unde ses amis t’a vuavecmoiaucentrecommercialdeCherryCreekquandtudevaisavoirquatreans,et il l’aditàPhil. Ilétait furieux,amenacédemetraînerautribunal,desebattrepourlagarde.Grantnevoulaitpasdecegenredechoses, ilnevoulaitquetoute l’histoiresordideéclateau grand jour, et nous n’avions pas besoin de pension alimentaire, alors on a passé unmarché. J’ai supplié Phil, lui ai demandé de garder secrète sa véritable identité et le lienqu’ilavaitavectoi,deneriendiretantquetuneseraispasplusvieux.Ilafiniparaccepter,maisseulements’ilpouvait fairepartiedetavieetsi j’acceptaisquetuportessonnom.Jen’avais jamais mis de père sur l’acte de naissance, donc faire officiellement de toi unDonovann’apasétécompliqué.

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Elle jouaitavecsesmainsetaeuleculotdemeregardercommesitoutcelaétaitmafaute.

–Quandtuasgrandi,tuétaistrop…tropsauvage,tropbruyant,tropduràgérer.Tunevoulaispasbient’habillernijoueraveclesbonsenfants.Grantétaitdéjàaigriparcequ’ilélevaitlefilsdePhil,maistafaçond’être,etàquelpointturessemblaisàPhil,çaaétésalimite.C’étaitplussimpledelaisserPhils’occuperdetoi,essayerdetemettresurunevoie,carcellequetuempruntais,c’étaitunechosedontniGrantnimoinevoulionsfairepartie.TuastoujoursététellementpluslefilsdePhilquelemien.

Mesmolairesontclaquéentreelles,etj’aisentimonsang-froiddisparaîtreetuntorrentdecolèremontersousmapeau.

–J’étaisungosse.Peut-êtrequesitunem’avaispasconstammentfaitchieràcausedetrucsquejenepouvaispaschanger,commelacouleurdemesyeux,j’auraischoisiunevoieplus acceptable pour toi. Tu ne m’as jamais donné ma chance. Tu étais trop occupée àessayerderendreGrantheureuxpourt’inquiéterdecequecevitriolfaisaitàtongamin.

–Tuastoujourstropressembléàtonpère,mêmesitunesavaispasquic’était.–Ilt’aimait,etilt’aimeencore.Sabouches’estpincéeetestdevenueblancheauxcoins.–Ilaimaituneidéedemoi.Iln’ajamaisvraimentconnulavraiemoi.– Pourquoi tu nem’as rien dit, quand j’étais plus vieux, quand je suis allé vivre avec

lui?–Ilnevoulaitpas.–Tutefousdemagueule.–D’accord,ilvoulaitquecesoitmoiquitelediseetj’airefusé.JepensaisqueniGrant

nimoin’avionsàsubir les retombées.Tuasavancé,Philétaitunmeilleurparentpour toiquej’auraisjamaispul’être.Voilàtout.

J’avais envie de lui jeter un truc lourd au visage. Je voulais casser chaque pièce duserviceWilliams-Sonomadesabellecuisine.Mespoingssesontserrés.

–Maisjesuistoujourslà,Maman.J’essaieencoredevivremavie,etmaintenantleseulpèreque j’auraidetoutemavieestentraindemourir,et jenepeuxrieny faire.Tum’asvolécette relationparceque tunevoulaispasensubir lesconséquences,parceque tunevoulaispasembêtercettetêtedeconquitesertdemari?Commentest-cequetoutçapeuttesemblernormal?

–Cequiestnormalpourmoinel’ajamaisétépourtoi,Nashville.Tunetesersmêmepasduprénomquejet’aidonné.

–Parcequ’il est ridicule…Tout çaest ridicule.Si cequi estnormalpourmoine l’estpaspourtoi,c’estparcequejesuisunvraiêtrehumainavecdessentimentsetdesémotions,ettoi,Maman…tuesunputaindemonstre.

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J’avais toujours désiré son attention, toujours eu soif de son amour et de sonapprobation,maisenlaregardantmaintenant,envoyantl’absencetotalederemordsdanssesyeux,j’étaiscontentqu’ellem’aitsimplementlaissépartir.Sij’avaisessayéencoreplus,sij’avaisplusforcépourqu’ellem’aime,quisaitquelgenrederobotmalheureuxetinsensibleelleauraitfaitdemoi.Adulte,j’étaistoujoursencolèrecontreelle,jeluienvoulaistoujoursdem’avoir si facilement laissé tomber,mais j’étaisaussi immensément reconnaissantdenepasêtrecommeelleetcegenredepersonnes.

–Jenesuispasunmonstre,Nash.Enfin,monnom.– Je ne suis simplement pas la mère que tu voulais ou dont tu avais besoin, et

honnêtement,tun’asjamaisétélefilsquejevoulaisoudontj’avaisbesoin.Quandjet’aieu,çaaclairementprouvéquejen’étaispasfaitepourêtrelamèredequiquecesoit.Pourquoicrois-tuqu’onn’apaseud’autreenfant,avecGrant?Onvoulaitêtretouslesdeux.

–Dieumerci.Jemesuisdécolléduplandetravailetmesuisdirigéverslaporte.Jesavaisqu’unefois

quejeseraissorti,jen’auraisplusaucuneraisonderevenir.Celamarquaitlafindequelquechosepourmoi.C’étaitpourcelaquePhilm’avaitpoussé,encoreetencore,pourcequecesoit elle quime raconte toute l’histoire glauque. J’étais enfin libéré des chaînes du passé,qu’elle avait détenues. Je n’avais pas besoin de son acceptation. J’étais un homme bien,j’avaisunebonnevie,lesmeilleursamisdumondeentier,etjetravaillaisdurpourtrouvercommentgardercettefemmebienàmescôtés.Jen’avaispasbesoinquemamèresoitfièredemoi ou trouve une valeur à ce que je faisais, car j’étais fier demoi, et c’était Phil quim’avaitoffertcela.

Peuimportaitquejen’aieaucuneidéedecequejedevaisfairedusalon,ouqueSaintmefassetournerenbourrique.Jefiniraipartrouverunesolutionàtoutcela,etiln’yavaitpasmoyenque je ledéçoive,ni luinipersonned’autre, en coursde route.Pasparcequej’avais besoin d’être validé ou apprécié par quelqu’un,mais parce que j’étais ce genre demec.Legenredemecquemonpèrem’avaitapprisàêtre.

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Chapitre12SAINT

J e savais que sa visite chez sa mère l’aurait rendu morose. Il ne parlait pas beaucoup

d’elle,nidepourquoic’étaitprincipalementPhilqui l’avaitélevé,et le faitqu’il se taiseendisaitplusquedesmots,pourmoi.Ilm’avaitditplusd’unefoisques’ils’énervaitsivite,s’ildisaitautantdeconneriesplusjeune,c’étaitparcequ’ilétaitmalheureuxavecsamère,qu’ilfaisaitleconpourattirersonattentionetpourlaprovoquer,alorsjesavaisqu’àcausedesavisite, il allait se sentir à vif et déphasé. Je voulais faire quelque chosepourqu’il se sentemieux.

Ilavait faitdeseffortspourmefairepasserdebonsmoments,pour faireensortequeles choses restent sympas et ludiques entre nous, mais toujours en gardant un côté sexypourquejesachequ’ilavaitenviedemoi.Jemedisaisquec’étaitlemomentdeluirendrelapareille.

Il est arrivé àmonappartement enmodeboudeur, orageux,d’unemauvaisehumeurtotale.Sesyeuxétaientsombresettourbillonnants,etpeuimportaitcombienj’essayaisdelefaireparler,ilnemegrognaitquedesréponsesmonosyllabiquesetlançaitdesregardsnoirsà rien ni personne en particulier. Je ne pouvais pas vraiment l’extraire de son humeursombre,etquandjeluiaiproposédesortir, ilm’aregardéecommesi j’étaisdevenuefolle.C’estvrai, iln’étaitpasenétatdevoird’autrespersonnes,mais jenesupportaispasde levoiraussimal,alors j’allais lemettredemeilleurehumeur,en le traînantpar lapeaudesfessess’illefallait.

Celaprouvaitcombienilvoulaitmefaireplaisir,voulaitquejepasseunbonmoment,qu’ilacceptedequitterl’appartementavecmoialorsqu’ilauraitévidemmentétécontentderesterassisàs’apitoyersursonsortetsecomplairedanssonhumeuratrocetoutelasoirée.Rienquepourcela,j’auraispul’embrasserpartoutsursoncrânerasé.QuandnoussommesmontésdanslaJettaetquenousnoussommesdirigésverslecentre-ville,iln’aposéaucune

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questionet jenepouvaisqu’espérerquemonplann’allaitpas se retourner contremoi, etqu’iln’allaitpasfinirdansunétatd’espritencoreplusamer.

J’aidûtrouverunendroitoùmegarer,etilm’alancéunregardinterrogateurquandjeluiaiprislamainetl’aitiréverslapatinoiresituéeaucœurducentre-villedeDenver,dansleSkylinePark.Ellen’étaitouvertequequelquesmoisdansl’année,enhiver,etl’onpouvaitpatinergratuitementsil’onapportaitsesproprespatins.Celaavaittoujoursétéunedemeschosespréféréesdans le faitdegrandirdansunendroitoùil fait froid.Riendetelquedeglissersurlaglacedanslenoir,avecdeslumièresblanchesquiclignotentau-dessussatête.C’était tellement drôle de faire quelque chose d’aussi désuet au beau milieu d’unemétropole…J’espéraisqueNashseraitd’accordavecmoi.

Ilm’aregardéeetalevéunsourcilnoircommeunenuitsanslune.–Tuessérieuse?J’aihaussélesépaulesetmesuismordulalèvre.–Quoi?Çavaêtremarrant.–Sipar«marrant», tuveuxdirequejevaispassermontempsleculparterre,alors

oui,çavaêtremarrant.Jeluiaidonnéuncoupd’épauleetilapassésonbrasautoursurmesépaules.–Tufaisaisduskate.Jesuissûrequetupeuxgarderl’équilibreassezlongtempspour

faireunoudeuxtourssanstomber.Je me souvenais l'avoir vu rouler au lycée, donc j’étais sûre que cela irait malgré le

regardpensifsursonvisage.–Çafaitlongtemps,Saint.Jel’aiobligéàmelaisserpayerlalocationdespatinsetj’étaisintérieurementsurexcitée

quandnousnoussommesassispourlesenfiler,etqu’ils’estmisàgenouxdevantmoipourm’aideràfaireleslacets.Jen’aipaspurésisteràl’enviedemepencheretdel’embrassersurle dessus de la tête. J’aimais comment ses cheveux super courts chatouillaientmes lèvres.J’ai levé les yeux en entendant les gloussements d’un groupe de petites jeunes qui nousregardaient.

–Tuvasteconcentrerpouressayerdenepastomber,etçatechangeralesidées.Il a à nouveau grogné et s’est relevé dans unmouvement gracieux qui a serré mon

ventre et a fait soupirer les filles à côté de nous. Il amis ses patins à contrecœur etmesurplombaitcommenousmontionsd’unpaslourdsurlaglace.

Les dix premières minutes, c’était dur. Nash était un grand modèle, et bien qu’il sedéplacegénéralementavecbeaucoupdegrâceetdefacilité,quandonlemettaitsurdeuxfineslamesposéessurdel’eaugelée,ilperdaitlecontrôlecommeuntraindemarchandisesquidéraille.

Jevoulaiscompatiravecluiet l’aider,mais jen’étaispasassezfortepourlemaintenirdebout,etsonlangagedecharretieretsonexpressionrenfrognéemefaisaientrire,tantetsi

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bienquejefaillistombermoiaussi.Despetitsgaminsfourmillaientautourdenous.Desadolescentestournaientautourde

nouset le frôlaient,essayantgrossièrementd’attirer sonattention.Desgars surdespatinsdehockeynousdépassaientà toutevitesse,essayantdes’impressionner lesuns lesautres,maisNashseconcentraitsurmoi,etsurlefaitdenepastomber.Ilafinipartrouverassezd’équilibrepourfaireuntourdepatinoire,etj’aitendulamainpourprendrelasienne.Ilalâchéunpetitriremoqueuretaserrémesdoigtsfroids.

–Jen’avaisjamaisfaitdepatinàglaceavecunefille.Celam’adonnélachairdepouletoutlelongdemesbras.Ilavaitreprésentébeaucoup

depremièresfoispourmoi,etjen’avaisjamaispenséquelasituationpourraits’inverser.–Tantmieux.J’aiglisséàcôtédeluietl’airegardéducoindel’œil.Latensionautourdesabouche

etlanoirceurdesesyeuxs’étaientunpeuallégées.– Tu sais que tu peux m’en parler, hein ? De ce qu’il s’est passé avec ta mère

aujourd’hui.Je me débrouillais pas mal pour que ce qu’il se passait entre nous ne dépasse pas

certaines frontières avec lesquelles j’étais à l’aise,mais jene voulaispasqu’il penseque jen’étais pas prête à l’écouter s’il avait besoin de parler.Oui, nous avions une compatibilitésexuelle du tonnerre, et une attraction vraiment intime qui nous liait,mais il fallait aussique nous nous appréciions assez pour partager des choses, si nous voulions continuer ànousvoir.

Ilm’acaresséledosdelamainavecsonpouceetj’aitrébuché,manquantdenousfairetomber tous les deux sur la surface dure de la glace. Il était tellement doué pour medéconcentrer.

– Iln’ya rienàdire.Elleétaitaussidésagréableque toujours, et çame rendmaladechaquefoisquejeluiparle.Quandjesuispartiaujourd’hui,jesavaisquej’enavaisfiniavecelle.Ellenefaitpaspartiedemafamille,ellen’enajamaisfaitpartie.

J’aiprisuneinspirationrapideetl’airfroidm’afaitmalauxdents.–C’estvraimenttriste.–Oui,jesuppose.Maisc’estcommeça.J’avais une bonne quantité d’amertume enversmonpère, à causede la façondont il

s’étaitcomportéetdontilavaitchoisidequittermamère.Maismêmesijen’approuvaispascequ’ilavaitfait,si jen’appréciaispaslemélodrameet lechagrinqu’ilavaitprovoqués, jene pouvais pas m’imaginer couper les ponts avec lui pour toujours. Je neme voyais pasdéclarer purement et simplement qu’il ne faisait plus partie dema vie ou dema famille.Monventres’esttorduenpensantqueNashavaitdûfaireunchoixcommecelui-là,enplusdedevoirgérerlefaitquesonpèreétaitgravementmalade.

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J’aicouinédesurpriselorsquelegrandcorpsprèsdumienasoudainbasculéenavanten une chute spectaculaire, ses gros bras et jambes écartés. Nash a réussi à se retourneravantdefrapperlaglaceetj’aiatterricontresontorseavecunbruitsourdquinousatousles deux coupé le souffle. Il a enroulé ses bras autour de ma taille, secoué par un riresilencieux.

–OK,Saint,tuasgagné.C’estridicule.Jenepeuxpascontinueràfairelagueulealorsquejeviensdemecasserlecul.

J’aifrottémonnezfroidlelongdesamâchoire.–Ehbien,jesuisinfirmière,aprèstout.Quandonseraàlamaison,jepourraisprendre

soindetesbobosdelameilleurefaçonpossible.Jel’aientendusoupirer.–Tupourraislefairetoutenue?J’ai ri car il faisait vraiment le mec, et quand je lui ai répondu qu’évidemment, je

pouvais le faire toute nue, cela a marqué la fin de notre aventure sur la glace. C’étaitsympa, jemesentaisbienavecmoi-mêmeetavec lui, carnonseulement je l’avais sortidesonhumeursombre,mais j’avaismêmeréussià lefairerireetpenseràautrechose.Jemeplaisais à croire que tout le monde n’aurait pas pu y parvenir, et lorsque nous sommesarrivés à l’appartement et qu’il s’est attelé à nous rendre tous les deux très nus et de lameilleure humeur possible, je me suis demandé si être avecmoi, comme cela, était aussiparticulieretdifférentpourluiquecelal’étaitpourmoi.Entouscasj’avaisl’impressionqueoui.

Lelendemainmatin,jefaisaisducafédanslapetitecuisinedemonappartementetmepeignant les cheveux encore mouillés de la douche avec les doigts. Je me sentais plutôtsereine, alanguie et satisfaite. Jen’avais pas prismadouche seule et que jemeprélassaisencoredans lehalopost-orgasme, lorsque laported’entrée s’est ouverte engrandet quema sœuradébarquéà l’improviste.Elle avait l’air àbout et stressée, fatiguéeet très, trèsenceinte.Ellen’avaitaucundesenfantsavecelleetsesjouesétaientbienrouges.

–Mamanvientdem’appeler.Elleatraversélesalonàgrandspasetj’aijetéunregardnerveuxverslachambre,où

j’avaislaisséNashs’habilleraveclapromessed’avoirlecaféprêtquandilauraitfini.JenevoulaispasqueFaithlevoieici,jenevoulaisavoiràluiexpliquercequejefaisaisaveclui,carjenelesavaispasvraimentmoi-mêmeetquelesmotsn’avaientjamaisétémonfort.

–D’accord.Ilyaunproblème?Ellealâchéunsoupiragacéetalaissétombersasilhouetterondesurunedeschaises

demapetitetabledesalleàmanger.–Elledéménage.J’aitirésurmarobedechambreengardantunœilsurlecouloir.–OK.

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J’auraisdûdemanderoùest-cequeMamanpartait,maisj’avaistroppeurqueNashsepointe,toutnuettouttatoué,pourêtrecapabledemeconcentrersurcequemasœurmedisait.

Faithm’alancéunregardmauvaisets’estpassélamaindanslescheveux.–Commentça,«OK»?EllequitteleColorado.C’esttoujours«OK»?–Honnêtement, c’est une adulte qui se comporte commeune tarée depuis deux ans.

Peut-êtrequec’estcequ’ilyademieuxpourelledepartirdeBrookside,des’éloignerd’unendroitoùellepeutcroiserPapaetlesombresdesonpassé.

–Maisnous,onestlà.Lesenfantssontlà.Ellenedevraitpasavoiràfairesescartonset déménager sa vie entière dans un autre État… Ça devrait être Papa. C’est lui qui amerdé.

Elle avait raison. Papa avaitmerdé, c’était entièrement sa faute si notre famille étaitdivisée.Mamann’auraitjamaispétéunplombcommecela,faitdeschoixaussiextrêmes,s’ilne l’avait pas fait partir en vrille.Mais en toute franchise, j’étais fière queMamanprenneunedécision,qu’ellereprennelesrênesdesavieetqu’ellefassequelquechoseuniquementpourelle.EnvouloiràPapad’avoirétéunconnard,nepasseremettredufaitqu’ilsoitallévoirailleurs,celan’allaitpasaiderMaman,etjepensaisvraimentquechangerdepaysageetavoirunpeud’airpourrespirer,celapouvaitmarcher.Celaavaitfaitdesmerveillespourmoi, lorsque j’en avais eu le plus grand besoin, à la sortie du lycée. Faith avait raison,Mamann’auraitpasdûavoiràdéménager,maislefaitqu’elleaccepteenfindeprendrelaresponsabilité de ses actions me rendait heureuse. Notre famille ressemblait à celadésormais, etnousallions toutes lesdeuxdevoir faireavec. Je voulaisdireàFaithqu’elleaurait réagi de la même façon si Papa était parti, qu’il manquerait aussi du temps avecnous,aveclesenfants.Mais…

J’aisoupiré…MoinsàcausedecequeFaithm’avaitditquedufaitquedeNashvenaitd’émerger de la chambre. Il allait rejoindre Rome à la salle de sport, donc il ne portaitqu’unhautnoirsansmanchesetunpantalondesurvêtementnoiretblancennylon.Satêteétaitcouverteparcebonnetnoirqu’ilaimaittant,etj’aivraimentdûmeretenirpournepaslaisser échapper un soupir rêveur. Il était sexy,mais vraiment sexy, on ne pouvait pas lenier. Il tenait son sweat noir et envoyait un texto sur son téléphone, et je crois qu’il n’amêmepasvuFaithenmarchantdroitversmoipourpasserunbrasautourdemataille.Ilm’aattiréecontresontorsemassifetadéposéunbaiserfermesurmabouche.Ilsentait lepropreetl’odeurfloraledemongeldouche,cequim’auraitfaitsouriresijen’avaispasvuFaithmefairedegrosyeuxpar-dessussonépaule.

–N’oubliepasdevenirvers21hcesoir.LeBar,c’estunpeuuntrouàratet iln’yapas d’enseigne, mais c’est sur Broadway et la Charger sera sur le parking, donc tu nepourraspaslelouper.

Undesessourcilssombress’estlevéd’uncoup.

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–Situtedébines,jedéclinetouteresponsabilitépourcequeferontlesfilles.Sesamisvoulaientmerencontrerpourdevrai,passeulementencoupdeventdansles

couloirsde l’hôpital,et jepaniquais rienqued’ypenser.Celamedonnait l’impressionquenotrerelationétaitplusimportantequejelevoulais,maisjenetrouvaispasdemoyend’yéchapperdiscrètement,etsincèrementvoyantqu’ilytenait,jenevoulaispasledécevoir.

Jemesuiséclaircilagorgeetj’aiposédélicatementlamainsursonventre.Ilétaitdurcommelapierreetj’avaisenviedelecaresser.

–Nash…Sonautresourcils’estsoulevé.–Jeteprésentemasœur,Faith.Jenesaispassitutesouviensd’elle.Elleétaitunan

au-dessusdenousaulycée.Lesous-entenduétaitlà,elleconnaissaittoutdescicatricesqu’ilm’avaitlaisséesquand

nousétionsjeunes.Masœurleregardaitcommesiellevoulaitluiplanterunpoignarddanslecœur,maisNashluiasimplementfaitunpetitsourireencoinets’estavancéverslaported’entrée.

–Salut,Faith.Ravideterencontrerofficiellement.Sérieusement,Saint.Savoixabaisséunpeu.–Situnevienspas,çavameplomberlemoral.J’aiencoresoupiréetaiposélesmainsàplatsurlecomptoirdevantmoi.–Jeserailà.Promis.Ilm’a souri pour de vrai et a disparu derrière la porte. J’ai levé lamain lorsquema

sœuraouvertlabouche.–Necommencemêmepas.Elles’estsoulevéedelachaiseetamarchéjusqu’àêtredel’autrecôtéducomptoir,face

àmoi.–Est-cequetuascomplètementperdulatête?J’auraispréféréqu’ellemehurlecelaauvisage, le faitqu’elle ledisepresquedansun

murmurem’aserrélecœur.–Probablement.J’aiprismoncafé,principalementpouravoirquelquechoseàfairedemesmains.– Ilestdifférent,et jeveuxdire,passeulementdifférentdequi ilétaitau lycée. Ilest

sympa,drôle, etmagnifique, et jeme sensbienavec lui…Vraimentbien. J’aimebien êtreavecluietilvitdesmomentstrèsdursavecsonpère,doncjeveuxluirendreleschosesplusfaciles.Jecroisqu’ilabesoindemoiencemoment.

–C’estbienlemêmemecquit’afaitfuirjusqu’àlacôteouest,Saint.Ilt’afaitassezmalpourquetutecachesdetoutlemonde,quetufuiestouteslesrelationsquetuaseuestoutetavie.C’estunetrèsmauvaiseidée.

J’ailevéuneépaule,etl’ailaisséeretomber.

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–Je sais. Je faisbeaucoupd’effortspouroublier ça– lepassé, jeveuxdire. Ilditquec’étaitunmalentendu.Qu’ilneparlaitpasdemoi,etjeveuxvraimentlecroire,etl’histoiredelasoirée…

J’aihaussélesépaules.–Peut-êtrequej’aiimaginéplusdechosesquejen’auraisdû.Lesadossontdesboules

d’hormones.Jenecroispasqu’ilm’auraitignorées’ilavaitsuquej’yallaispourlevoir.Ilnesesouvientmêmepasdem’yavoirvue.

Elleachiffonnésonvisageenunegrimacelaide.–Évidemment,qu’ilt’aditça!Commentest-cequ’ilauraitpufinirdanstonlit,s’ilne

t’avaitpasditça?Sers-toidetatête,Saint.Cen’estpaslegarsqu’iltefaut.Ilesttempsdeteremettredetonstupidecoupdecœursurlebadboyoujenesaisquoi.Grandisunpeu.

–Iln’estpascommeça,Faith.C’estvraimentunmecbien.Ilfaitattentionàsesamis,iltravaillepresqueautantquemoi,etilaétévraiment,vraimentsupercesderniersmoisavectoutesmesbizarreries.Ilsefichequejesoismalàl’aiseetquejen’arrivepasàm’exprimeravecdesmots,iln’insistepasquandjepèteuncâbleetquejelelâche,etil…

Je l’ai forcée àme regarder dans les yeux pour qu’elle comprenne à quel point cettedernièrechoseétaitimportante.

–Ilmefaitmesentirnormale,aulitetendehors.–Tupeuxtrouvertellementmieux,Saint.Celam’amiseencolère,alorsj’aiposélatasseetaicroisélesbras.–Mieuxselonqui?C’estlepremiermecquej’aibienaimé.C’estlepremiermecquej’ai

enviedecroirequandilmeditquejesuisjolie.C’estaussilepremiermecquej’aienviededéshabilleretd’attacheràmonlit.Jen’aijamaisconnuçaavecpersonned’autre,Faith.

Elleaeuunpetitrireetm’alancéunregardnoir.–Biensûrqu’il te trouve jolie, tuessuperbe,et toutepersonneéquipéededeuxyeux

peutlevoir.Etavant?Quandilnetetrouvaitpassiéblouissante?Tuveuxvraimentêtreavecquelqu’und’aussisuperficiel?Etcevolte-facesoudain…Lecôtégentil…Sic’étaitunemascaradecalculéepourquetucraquespourlui,justementparcequ’ilabesoindetoiencemoment?Qu’est-cequ’ilsepasseraquandiln’auraplusbesoindesereposersurtoi,Saint?

Jemesuismordulalèvrecarc’étaitaucentredemespeurs,concernantNash.Jesavaisqu’elleessayait simplementdemeprotégerd’unautrechagrind’amour,mais laduretédesesmotsm’aprofondémenttouchéecarj’avaisdesérieusesréservesquantàcettechosequisetissaitentreNashetmoi.

– Il m’a dit qu’il m’avait toujours trouvée jolie. Que j’étais trop intelligente et timidepourvraimentm’envisager,maisqu’ilm’avaittoujourstrouvéejolie.

– Peu importe, Saint. Même s’il n’a pas dit ces saloperies sur toi, il parlait bien dequelqu’un,etçafaitdeluiuntrouduculdepremierordre.

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Voilà ce qui me posait problème. Les rares soirs où j’étais chez lui, c’était cela quim’empêchait d’y passer la nuit,m’empêchait de lui demander ouvertement de rester avecmoi,etenréalité,c’étaitcequim’empêchaitdeluifairepleinementconfiance.J’avaisencorel’impressiondenepasvraimentsavoirqui ilétait.LeNashavecqui jecouchais,celuiaveclesyeuxvioletstristesquandilrevenaitdechezsonpère,avecquij’étaisàl’aiseaulit,celui-là, j’étaisbienpartiepouren tomberamoureuse.Mais ilyavaitcedoutequimerongeait,cesquestionsquimepiquaientsouslapeau:ilyavaittoujoursunepartiedeluiquipouvaitêtreméchanteet cruelle,et jene lui faisaispasconfiance. J’avais la certitudeabsoluequeles hommes,même les hommes dont je pensais qu’ils étaient incapables de faire dumal,commemonpère,pouvaient laisser tomberunerelation,mêmesielleétaitgéniale,contrequelquechosequi leursemblaitmieux.Aveccette idéequi sebaladaitdansmatête, jenepouvaispasmepermettredeluifaireentièrementconfiance,surtoutquej’étaissûreques’ilmedécevaitànouveau,si jeperdaisencoremes illusions, jenem’enremettrais jamais.Lapremière fois, quand il n’était qu’un fantasme, cela avait été assez dur comme cela ;maintenantqu’ilétaituneréalité,celametueraits’ils’avéraitêtrequelqu’undemauvais.

–Jenesaispasquoitedire,Faith.J’essaiedefaireattention,jeneprendsaucunrisqueavecmoncœur,maisj’aimebienêtreaveclui.Est-cequ’onpeutreveniràMaman,pourquejenesoispasobligéedem’engueuleravectoi?

Ellen’avaitpasl’airdevouloirlâcherlesujet,maisj’avaisvingt-cinqans,pasdix-sept,etilfallaitquejeviveavecmeschoix,pasceuxdesautres.

–EllevamettrelamaisonenventeetelleadéjàlouéunappartementàPhoenix.Elleauneamielà-bas,quivientdedivorceraussi.Jeluiaidemandéderéfléchiretdepeut-êtrerester jusqu’à ceque lebébéarrive,mais elle adéjàunagent immobilier sur le coupet aengagédesdéménageurs.Lamaisonvasevendrevite.

–Jecroisvraimentqueceseramieuxpourelle.Jelepensaissincèrement.Enrestantdanscettemaison,danscetteville,ellenepouvait

paséchapperauxsouvenirsdePapa,deleurmariageratéetdesoncœurenmiettes.Peut-êtrequ’àPhoenix,ellepourraitunpeuredevenirelle-même.

– Tu es revenue ici pour l’aider, pour être plus près d’elle et de nous. Elle ne pensemêmepasàça,etmaintenant,aveccequ’ilsepasse,jeregrettepresquequetunesoispasrestéeenCalifornie.

Elleafaitunepetitemoueetj’ailevélesyeuxaucielenentendantsontondramatique.–Tuestoujourslà.Lesenfantssontlà.J’adoremonboulotetj’adoremasupérieure.Si

je veux reprendreunMaster, je peux fairemon choix parmi plein d’écoles. Je ne regrettepasd’êtrerevenueàDenver.Jesuiscontentedemavie,Faith.

C’étaitvrai.J’étaisvraimentcontente,etavecNashetsafaçongrisantedemepoussergentiment hors de ma zone de confort, je commençais même à apprécier toutes lesnouvelleschosesdansmavie.

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–Tuauraisditlamêmechoseilyaquelquesmois?Avantlui?Cen’étaitpasunequestion facile.Jenem’étais jamaisplaintedemavie.Je faisaisce

que j’étais censée faire, ceque j’avais toujours voulu faire, j’étais épanouie,mais jene saispassij’étaisvraimentheureuse.

–Jenesuispassûre.Jenepouvaispasêtreplushonnête.–Bon,ilfautquej’aillesecourirJustinquiestaveclespetits.Iltravaillecesoir.Elle avait l’air en rogne etmécontente. J’ai fait le tour du comptoir pour la prendre

dansmesbras,etellem’arendumoncâlinfroidement.–Net’inquiètepaspourmoi,nipourMaman.Çavaallerpournoustous.Ellem’afaitunsouriretristeetestpartieverslaporte.–J’aimeraispouvoirycroire.Maisj’aivucequefontleschagrinsd’amourauxfemmes

decettefamille,etçaneseterminejamaisbien.Ellen’avaitpastort,etj’aigardélesyeuxfixéssurlaportelongtempsaprèsqu’ellel’a

referméederrièreelle.Jenetravaillaispascejour-làetjenesavaispasquoifaire.Cesdernierstemps,quand

j’étaisencongé,j’étaisavecNash.Avant,j’enprofitaispourlireoubricoler,ouvoirFaithetlesgamins.Commec’étaitennuyeux!Jen’avaispasd’amis,nullepartoùaller,nipersonneàquijemanquais.Peut-êtrequeSunnyavaitraisonetquejecommençaisseulementàvoircequecelavoulaitdiredevivresaviepleinement.

Je me suis habillée et ai décidé, au lieu de rester ruminer dans mon appartement,d’aller faire les magasins pour trouver un truc mignon et original à porter ce soir, pourrencontrer la bande de Nash avec autant de confiance et d’assurance que possible. Jen’allaispaslaissermescomplexesetmonstressgâchercequipouvaitêtreunesoiréesympa,mêmesijesavaisquej’allaisêtreaucentredel’attention.Sesamisvoulaientmerencontrercarnouspassionsbeaucoupdetempsensembleencemoment,etjesavaisquecen’étaitpasdans ses habitudes de s’intéresser aussi longtemps à la même fille. J’espérais simplementqu’ils n’auraient pas la même réaction que Faith. Je ne voulais pas qu’ils lui disent qu’ilpouvait trouvermieux car, au fond demoi, je voulais être lameilleure chose qui lui soitarrivé.

–Çanetedérangepas?J’étaisunpeusaoule,peut-êtreunpeudésordonnée,et jeparlaisbeaucoupplusqu’à

monhabitude.Quelqu’un faisait passerdes shotsde tequila, etdans lebutde calmermanervosité,j’enavaispeut-êtrebuplusqueprévu.

Shaw était adorable et vraiment jolie. Elle avait fait une superbemariée,mais face àface comme cela, c’était difficile de ne pas fondre devant la douceur et la gentillesse quiémanaientd’elle.Elleétaitenprépamédecine,etlesexamensarrivaientàgrandspasdoncelleavaitunmilliondequestionsàmeposersurcequec’étaitdetravaillerauxurgences,ce

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quivoulaitdireque jepouvaisparlerdeceque jepréférais,monboulot.Ça, jepouvais lefaireavecousanstequila.

Elleasecouélatêteetafaitunpetitsouriregoguenard.–Sijem’énervaischaquefoisqu’unefilleledrague,ouessaiedeleramenerchezelle,

ou lui lancedes regards sexuels, jen’aurais le tempsde rien faired’autre. Il faut s’y faire,quandonestavecunmeccommelui.

RuleetNashétaientallés joueraubillardau fonddubaravec lemaridemonautrevoisinedetable, lerockeur,ainsiqueleblondavecpleindecheveuxetuneancretatouéesurlecôtéducou.Aydenétaitsûrementlaplusbellefemmequej’aievue.Sesyeuxétaientspectaculaires, et même si je la trouvais intimidante, son accent était charmant et sonrépondantcontagieux.Alorsmalgrémonhésitation innéeetmonagacementqueNashaitfaitexprèsdeme laisser touteseulepourme fairecuisinerpar les filles, jenem’ensortaispassimal.

–Maisellesnesonttellementpasdiscrètes.Jeparlaisdugroupedefilles,toutesenâged’alleràlafac,quis’étaientrassembléesen

ungroupeclairseméautourdesgarsetdelatabledebillard.Unsoupircollectifs’estélevéquand Jet, le mari d’Ayden, s’est penché sur la table pour jouer. Bon, c’est vrai qu’il nepouvaitpascachergrand-chosedanslepantalontrèsserréqu’ilportait,maistoutdemême,sicelaavaitétémamoitié,celam’auraithérissé lepoil.C’étaitdéjà lecas,alorsque jenesavaismêmepascequeNashreprésentaitpourmoi.Enfin,jecommençaisàlecomprendre,maisjen’étaispasassezcourageuseetjen’avaispasassezconfianceenmoi,nienlui,pourmettreunmotdessus.

Aydenariunpeuetaléchéleselqu’ilrestaitsursamainaprèsladernièretournéedeshots.

–Ellesnelesontjamais.Ilfautjustesavoirquemêmesilesfilleslesregardent,lesmecsne les regardent jamais. Tu ne peux pas être avec quelqu’un si tu ne lui fais pascomplètementconfiance.Çanemarcherajamais.

Sachant que Jet était non seulement magnifique, mais qu’il faisait aussi partie d’ungroupeetpartaitsouventendéplacement,jesupposequecelavoulaitdirequ’elleluifaisaitvraiment, totalement confiance. J’ai fait une grimace et j’ai lancé, avec le courage quem’avaitdonnélatequila:

–Maisjemesouviensd’euxaulycée.Ilscouchaientavectoutcequibougeait.Commentvouspouvezêtresûresqu’ilsontchangémaintenant?

J’aiclignédesyeux,choquée,carcen’étaitpascorrect,cen’étaitpasquelquechosequej’auraisditentempsnormal.J’aisentimonvisagerougir,maisShawatendusapetitemainetl’aposéesurmonbras.J’avaisenviedemerecroquevilleretdemecachersouslatable.

– J’étais quelques années derrière vous à l’école, Saint, donc je sais. Je sais commentétaitRule,jemesouvienstrèsbienàquelpointilsétaientmauvais.Lesgenschangent.On

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grandit. Il se passe des choses dans nos vies, du bon et dumauvais, et c’est la personneentièrequetuaimes,l’hommeàl’intérieur,sansquitunepeuxpasvivre,paslasommedecequ’ila faitoun’apas faitquand ilétaitplus jeunealorsqu’ilessayaitde sedébrouilleravecsavie.

Aydenaprissabièreetahochélatêtesolennellement.–J’aipassédesannéesàessayerd’enterrerunpassévraimentmoche,enpensantque

cepassémerendaitvraimentmocheaussi.Lapersonnejesuismaintenant,cen’estpluslamême,maisjen’existeraispassanscesexpériences.

Je me suis mordu la lèvre. Elle piquait, avait un goût de citron vert et d’alcool. Unsoufflehachéest sorti demespoumonset j’ai laissémon regardpasserde l’uneà l’autre.C’étaient deux jeunes femmes adorables.Assez fortes pour supporter toute l’attention queleurshommesattiraient,assezgentillespourm’accueillirdans labandesans jugementcarelles voulaient que Nash soit heureux. Je n’étais simplement pas sûre d’arriver un jour àfaire une différence aussi nette entre le passé et le présent, comme elles le faisaient. J’aiposémoncoudesurlatable,etmonmentondansmamain.

–J’étaisgrosse.Ellesonttoutes lesdeuxfaitunepauseetontéchangéunregard.Aydenademandé,

avecsonpetitaccent:–Et?–Çam’arenduetimideetmaladroite,etjenemesuisjamaisdébarrasséedeça.Onse

moquaitbeaucoupdemoiàl’école.Lesgensétaientméchants,çam’afaitdumal,etmêmemaintenantquejenesuispluscettefilled’unpointdevueextérieur,jesuistoujourscommeçaàl’intérieur.Çamerendbizarre.

Shaw a repoussé ses longs cheveux derrière son épaule et m’a lancé un regardinterrogateur.

–Qu’est-cequeçaaàvoiravecNash?J’aifaitunsignedemainapproximatif.–TufaisconfianceàRule,AydenfaitconfianceàJet…Maispourmoi,pourquoiest-ce

quejeferaisconfianceàquelqu’unalorsqu’ilyadesfillescommeçaquisejettentsurlui?Lesgarçonsaimentlesjoliesfillesquinedemandentpasd’efforts.

J’ai dit cela comme si j’étais une experte. Elles ont échangéun autre regard et Shawm’adit,debutenblanc:

–Nashn’estpascommeça.Déjà,c’estlemecquialemoinsdepréjugésaumonde,etdeuxièmement,iln’ajamais,etjedisbienjamais,passéautantdetempsavecaucunefille.Saufavectoi.

Aydenafaitunpetitbruitetm’atapotélegenou.–Désoléedetedireça,mabelle,maiscesgars-làontl’embarrasduchoixentermesde

filles avec qui passer du temps : mince, ronde, blonde, brune… Tout ce que tu peux

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imaginer, ils peuvent l’obtenir. Je crois que ce que tu loupes peut-être, c’est que notrehommeaclairementfaitlechoixdepasserdutempsavectoi,encoreetencore.

Elle a repoussé quelques cheveux bruns de son visage et a levé un sourcil en meregardant.

–Etcrois-moi,aucund’entreeuxn’apeurdefaireunpeud’efforts.J’écoutais ce qu’elles me disaient, mais en même temps, une des étudiantes s’est

éloignéedutroupeauetasautilléjusqu’àlatable.Nashs’appuyaitsurlaqueuedebillard,etmêmesiellesedirigeaitdroitverslui,sonregardnelâchaitpaslemien.Ilmeregardaitattentivement et tout ce que je pouvais faire était de le regarder aussi. Je ne pouvais pasimaginer faire assez confiance à quelqu’un, aimer quelqu’un de manière aussiinconditionnelle, pour simplement savoir que j’étais la seule personne à qui il pensait, laseulepersonnequ’il voulait.C’étaitun rêvepourmoi.Celanepouvaitpasexisterdans lavraievie…Si?

–Jenesaispassijemesensmieuxoupire.Ellessesonttouteslesdeuxmisesàparlerenmêmetemps,essayantdemerassureren

medisantqueNashétaitloyal,quec’étaitunmecsuper,qu’ilétaitlegentildugroupe,qu’ilétaitsouventlavoixdelaraisoncarRuleétaitcolériqueetqueJetétaitlunatiqueetémotif.J’écoutaistoutcelad’uneoreilletoutenregardantlapetitejeuneposersamainsurletorsedeNashetluifaireunsouriretimide.Jenesavaispascequimedérangeaitleplus:lefaitqu’elleflirteouvertementaveclui,oulefaitquecelamegêneautant.Celamemettaittrèsmalàl’aisedevoircelaarriver.

Nashasecouésatêtetatouée,afaitunpasenarrière,etatendusaqueuedebillardàRowdypourpouvoir se faufilerà travers lahordede filles.Sesyeux restaient fixés sur lesmiens.Jecroisqu’ilvoyaitque jen’étaispasbien,etpasàcausedequelquechosequelesfillesauraientdit,maisparl’attentionévidentequ’ilattirait.Iln’étaitpasàmoi,entouscaspasdefaçonexpliciteetofficielle,donccelan’auraitpasdûavoird’importance,maiscelaenavait.

Ilaposésesmainssurmesépaulesetjel’aisentiposerunlégerbaisersurledessusdema tête.C’était cela, ces petits gestes simples qui essayaient de dénouer les choses que jecroyaisavoirenfouies.

–Toutvabien?Shaw et Ayden ont hoché la tête et j’ai pris une inspiration de surprise lorsqu’il a

retournémontabouretpourquejemeretrouvefaceàlui.Ilamisunemaindechaquecôtédutabouret,etj’étaispiégéeetforcéedeleregarder.

–Sérieusement,çava?Onpeutyallersituveux.J’avais l’impression de ne plus pouvoir respirer. Cela aurait été la deuxième fois qu’il

quittaitsesamisenavanceàcausedemoi,parcequejenepouvaispasgardermesesprits.J’ai ouvert la bouche pour répondre, et lui dire que cela allait. Ses amis étaient vraiment

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formidablesenréalité.J’étaisassezpompettepourfairesemblantd’êtresociableencoreunebonne heure,mais je n’ai pas eu le temps de parler carRule est apparu soudainement ànotretable,sesyeuxclairsécarquillés.

–Romevientdem’appeler.Coraestentraind’accoucher.Toutlemondes’estagité,brusquement.JetetAyden,RuleetShaw,ilssonttouspartis

encourantsansmêmepenseràpayer.J’airegardéNash,surprise,tandisqu’ilfaisaitsigneaubarmanbientropbeauenclaquantdesdoigts.

–Pourquoiest-cequetoutlemondepanique?Jenecomprenaispasl’effervescencesoudaineetlesdépartsprécipités.Rowdyestsorti

denullepart,asortiuntasdebilletsdesonportefeuille,quiétaitattachéàsapocheparunechaîne,etl’atenduaubarman.Nashaposélamainsurmonpoignetetm’aaidéeàmelever.J’étaisunpeuchancelante,alorsj’aipasséunbrasautourdesataille.

–Elleestenavance,lapetite.Coran’étaitpascenséeaccoucheravantlafindumois.Merde,ellevaêtretristequesonpèrenesoitpaslà.

Ilasortisontéléphoneetacommencéàenvoyerdestextos.–Elleestàcombiendesemaines?J’ai vite repris le rôle dans lequel je me sentais bien. La presque-copine jalouse et

légèrementsaoule,c’étaitterminéepourlemoment.Ilm’aregardéecommesijeparlaisuneautrelangue.

–Çadevraitaller.C’est justequ’elleestpetite,et lebébédoitêtreassezgrand,vu latailledupère.Si ta copineestaumoinsà trente-sept semaines,onconsidèrequ’elleestàterme;lebébéetellen’aurontaucunproblème.

Ilm’a poussée hors du bar en vitesse et je suis restée clouée sur place quand il s’estarrêtédevantlaCharger,etpasdevantlaJetta.

–TuasbudesshotsavecAyden,c’estplusquecedonttuasl’habitude.Jeneveuxpasque tu conduises, donc je te ramène chez toi et on pourra revenir chercher la voituredemain.

Ilamislaclédanslaserrureetj’ailevélesyeuxversluiavecunmélangedegratitudeetdepeur.J’auraisvraimentvouluqu’ilnesoitaussifaciledebienl’aimer…Del’aimerplusquebien,enfait.

–Jesaisquetut’inquiètespourtesamis.Jepeuxappeleruntaxi.Sesyeuxsesontassombris,commeilslefaisaientquandiléprouvaitunsentimentfort.–Saint…Savoixétaitérailléeet rauque. Ilapassé sonpouce surmonmenton, cequim’a fait

frémir.– Jem’inquiète toutautantpour toi. Jene saispasquandçaa commencé,mais c’est

commeça.Jevaisterameneràlamaisonetj’iraiàl’hôpitalaprès.

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J’aiavalémasaliveethochélatêtesansriendire.Ilm’aaidéeàmonterdanslavoitureetnousavonsfilédanslanuit.Ilétaittendu,jelesentais,etmêmesijepouvaisdébiterunetonnederaisonsmédicalesdisantquecelaallaitprobablementbiensepasser,jesavaisquecela ne suffirait pas à le rassurer. Une personne qu’il aimait était déjà en train de luiéchapper ; l’idée d’en perdre une autre était sûrement une torture. J’ai tendu une maintremblante et l’ai posée sur la sienne, qui tenait le levier de vitesses. Sesmuscles étaientdursetunlégertremblementcouraitdanssonbras.

–Nash.Ilm’aregardéeetj’aivulesfineslignesd’inquiétudesautourdesabouche.–Est-ceque,euh,tuveuxquejevienneàl’hôpitalavectoi?Ils étaient une famille, ils s’aimaient tous, comptaient les uns sur les autres. J’étais

extérieure à cela. Mais, l’hôpital était ma deuxièmemaison, j’y étais bien plus dans monélément que dans cette voiture, à essayer de réconforter cet homme sombre. Je l’ai vuquandsesyeuxsontrevenusaubleupervenche,etquelebrasquejetouchaiss’estàpeinedétendu.

–Oui.J’aimeraisvraiment.–D’accord.Onyva,alors.Lespneusdelapuissantevoitureontcrissé,etj’aiétépropulséesurlecôtéquandila

faitdemi-touraubeaumilieudelarueets’estdirigéversl’hôpital,àtraverslaville.C’étaitune façon infaillibledeme fairedessaoulerbienplusvitequesi j’étais rentréechezmoietquej’avaislaisséfairelesommeil.

Il s’est garé et j’avais du mal à le suivre tandis qu’il avançait vers les portes.Heureusement que j’étais grande, sinon je crois qu’ilm’aurait simplement traînée derrièrelui.Samain serrait fort lamienneet je sentais lamoiteurde son stressdans sapaume. Ilallaitverslesurgences,doncj’aidûplantermestalonsparterreetluitirersurlebraspourqu’ils’arrête.

–Lamaternité,c’estparlà.Ilsl’ontsûrementdéjàtransféréelà-bas.Il a grogné etm’a laissé passer devant à contrecœur. Jen’ai pasmanqué les regards

interrogateursde l’équipedenuitenpassant,mamaindans la sienne.C’était legenredemec sur qui l’on se retournait de toute façon, et sachant qu’ils jacassaient encore tous àpropos demon rendez-vous avec le docteur Bennet, cela n’augurait rien de bon quant àmonobjectifdefaireprofilbas.

La bande était rassemblée dans la salle d’attente, saufRule.Nash a fait un signe detêteauxgars,quifaisaientlescentpas,maisestalléverslesfillespouravoirdesinfos.

–Qu’est-cequ’ilsepasse?Shawenroulaitsescheveuxautourdesondoigtetsesyeuxvertsétaientécarquillés.–Elleestprématurée,maispastrop.Trente-sixsemaines.Romeafaitpaniquertoutle

monde.Jecroisqu’ilfaitunepetitecrise,doncsamèreestvenueetademandéàRuledele

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gérer.Lemédecinavaitpeurdelui.Nasharicané.Jen’avaisaucunmalàimaginerlascèneentreRomeetlemédecin,car

jesavaisprécisémentcombiencetanciensoldatimmensepouvaitêtreimpressionnant.–Quelqu’unaappeléJoe?Ilm’aregardéeetm’aexpliqué:–C’estlepèredeCora.Shawahochélatête.–Romel’aappeléenvenant.Tupeuxpeut-êtreappelerPhil.Nashs’esttenduàcôtédemoietsesyeuxsontredevenusfoncés.Jesavaisquesonpère

était un parent de substitution pour eux tous. Le salon qu’il avait créé était devenu leurmaison. L’idée d’une nouvelle vie qui démarrait alors qu’il s’apprêtait à quitter la siennedevaitprovoquer chez luiuneviveamertume. J’ai serré lamaindeNashet il abaissé lesyeuxversmoi.

–Jevaisparleràl’équipeetvoirsijepeuxavoirplusd’infosdel’intérieur.OK?Ilaavalésasaliveetsabouches’esttournéeverslebas.–Jevaispasseruncoupdefil.Ilavait l’air si triste, sidéchiré,quecelam’a tiraillé lecœurplus fortquedevoirune

fillesejeterdanssesbras.J’ailevéunemainetl’aiposéesursajoue.Ilavaitunticnerveuxquiaréveilléplusquemesinstinctsd’infirmière.Cen’étaitpasbon,j’auraisdûmettredeladistance,entoutcasassezd’espacepourqu’iln’yaitaucunrisquequecethommemeblesseencore,etjesentaiscetteprotections’éloignerdeplusenplus.

Je suis allée demander comment allaient la patiente et le bébé. J’ai profité de monstatutd’employéepouravoirplusdedétailsqu’ilsn’enauraientdonnésàladrôledebandedanslasalled’attente.LetempsquejeretourneauprèsdeNash,toutlemondeavaitunairgrave et préoccupé. Les bébésmettaient longtemps à venir aumonde, et ils allaient touspasserunelonguenuit.

– Elle s’en sort très bien. Elle a encore unmoment avant d’atteindre le plus gros dutravail.Lesfonctionsvitalesdubébésontbonnes,doncjecroisquetoutvabiensepasser.Jepensequ’ilfautquetoutlemondes’installeetpatiente.Lapetiteaclairementtoutprévuetellen’estpasaucourantqu’ilyadesrèglesàrespecter.

–Elleressembleàsononcle;ellemontredéjàsoncôtéArcher.LapetitephrasedeShawafaitretombercequ’ilrestaitdetension,etmonintervention

a recueillides regards reconnaissantsetdes sourires soulagés. J’aiunpeusursautéquandNashm’aprisedans sesbrasetm’acolléecontre son torsepourpouvoirme tenir toutens’appuyantcontrelemur.

Ilaposéseslèvrescontrematempe,etj’aisentisontorsesegonfleretsevider.–Jesuistellementcontentquetusoislà.J’enaivraimentmarredecethôpital,maisau

moinsturendsçasupportable.

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Je ne savais pas quoi répondre à cela, alors j’ai passé mes bras autour de sa tailleétroite et je l’ai laissé s’accrocheràmoi. Il fallait que jedécidevite jusqu’où j’étaisprêteàplongeraveclui.Ilvoulaitquejesoisici,etpasparcequejesavaismerepérerdansl’hôpitalmais parce qu’il voulait être avecmoi : c’était une chose que j’allaismettre unmoment àassimiler.Jenevoulaispasêtreblessée,mais jen’avais jamaisréfléchiaufaitqu’engérantmalleschoses,jepourraistoutaussibienfinirparluifairedumal,àlui.Cetteidéenemeplaisaitpasdutout.

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Chapitre13NASH

–Coraestpasséeaveclebébé.Jen’arrivepasàcroirequ’ellesoitsiminuscule.

J’aiacquiescéetaidonnéunverred’eauàPhil.Ilavaitvraimentmauvaisemine.Celamefaisaitsouffrirdelevoirainsidépériràvued’œil,danslachambredesonappartementqui avait été quasi transformée en chambre d’hôpital. Plus le temps passait, plus il étaitmaigre,pâle,etj’entendaislesonsifflantdechaquesouffle,chaqueinspirationetexpirationpourlaquelleilluttait.J’aibaissélatêteetairegardéletapisentremesVans.Jenevoulaispasqu’ilvoiecombienceladevenaitdifficilepourmoideluirendrevisite.

–OndiraitunepetitepoupéequandRome laporte.Elle rentreraitpresquedansunedesesgrandespattesd’ours.Elleesttroppetitepourlesavoir,maiselleadéjàmistousleshommesquil’entourentdanssapoche.

Jeledisaisenblaguant,maisc’étaitvrai.Remy Josephine Archer était une parfaite réplique de sa mère en miniature, toute

douce et blonde. Ses yeux étaient encore foncés comme ceux de tous les bébés, mais aumilieuondistinguaitbienlebleuclairetvifdesArcher.ElleallaitavoirlesyeuxdeRule,lesyeux de Remy. Elle allait faire honneur à son prénom, et le père de Cora était déjàtellement amoureux de sa petite-fille qu’il pensait déménager de Brooklyn pour venir àDenver. La petite R.J. était le premier bébé dans notre famille patchwork, et il ne faisaitaucun doute qu’elle allait être affreusement surprotégée et adorée. Elle n’enméritait pasmoins.

–Commentvousvousensortezausalon,sansCora?Phil s’est mis à tousser, et je l’ai regardé par-dessous mes sourcils. Ce bruit était si

atrocequecelameserraitlecœur,sifortqu’ilasautéunbattement.–Peutmieuxfaire.Jenepeuxpasprendreautantdeclients,parcequ’ilyavaitplein

de choses qu’elle gérait. La première moitié de ma journée, je m’occupe des nouveauxclients, je fais des trucs sur Internet, je paie les factures. Ça craint. Les travaux ont

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commencédanslenouveausalon,doncquandjenem’occupepasdeçaauMarked,jesuislà-bas.RuleetRowdyonttrouvéquelquesbonsartistesqu’onvafairevenirpourgarderlerythmeetvoirs’ilsiraientpourlenouveausalon,maispourcequiestdetrouverquelqu’unpourgérerlebureauetl’accueil…

J’aisecouélatêtededroiteàgauche.Ilaencoretoussé,faisantremuerettremblertoutsoncorpsamaigri.

–Vousne trouverezpasdedeuxièmeCora.Elleestuniquedanssongenre,etquandelleseraprête,elle reviendra.Jeveuxque tuappellesune filleque j’aicroisée ladernièrefoisque jesuisalléàVegas.Je faisaisuneconventionetc’étaitundesmannequinspin-upquisontlàpourprendredesphotosaveclesgars.

J’ailâchéunpetitrire.–Ilmefautquelqu’unavecundiplômedecommerce,pasunmannequin.– Il te faut quelqu’un qui peut supporter vosmauvais caractères et qui colle avec le

reste du salon. Quelqu’un qui a du cœur, et une certaine classe. Elle était intelligente etbelle. Je n’ai pas pris ses coordonnées pour rien. Appelle-la et vois si ça l’intéresserait devenirpasserunentretien.

Jevoulaisluifaireplaisir,doncj’aiaccepté.–Situledis.– Je le dis. Je suis peut-êtremalade,mais je sais toujours comment fairemarcher ce

salon.Enplus,jecroisqu’elleserapeut-êtreplusmotivéequen’importequid’autreàvenirvousdonneruncoupdemainpourfairetournerlesalon.

–Pourquoitupensesça?–Parcequelepassénouslietous,Nash.Aucund’entrenousn’enseraitlàaujourd’hui

sansleschosesquinoussontarrivéesparlepassé.Elles’appelleSalemCruz.Dis-luiquejet’ai donné son nom et dis-lui peut-être de regarder le site du salon pour qu’elle voie letravaildestatoueurs.

Il restait trèsvagueetmystérieux,maisc’étaitassez typiquevenantde lui,donc jenemesuispasposédequestions.Enplusilachangédesujet.

–Commentvatabelleinfirmière?C’étaitunebonnequestion.Jen’enavaispaslamoindreidée.Depuisqu’elleavaitpassé

lanuitàl’hôpitalavecmoialorsquenousattendionstousCoraetlebébé,ellemeparaissaitfuyante. Nous nous voyions encore, passions toujours les nuits ensemble dès que nouspouvions le faire avec nos emplois du temps chargés, mais il y avait quelque chose dedifférent,unesortededistance,unesortedebouclierqu’elleavaitrelevé,etmêmesi jenevoulaispasmel’avouer,j’avaisl’impressionqu’elles’éloignaitdemoi.

Jevoulais luiposer laquestion, jevoulais lafaireavouerquenousnousaimionsbien,quecette choseentrenousétait sérieuse, et aprèspresque troismois, elledevaitbienvoirquejem’étaisengagéàêtreavecelleetpersonned’autre.Maisaulieud’êtreplusproche,

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ellesemblaitvouloirplusd’espaceentrenous.Ellenem’avaitmêmepaslaisséfairequoiquece soit pour elle à la Saint-Valentin. C’était une situation difficile, et même si je n’avaisaucunproblèmeàlaconvaincred’allerdanslachambre,àluifairevoiretsentircombienjela trouvaisparfaite, j’avaisvraimentpeurque,si j’essayaisdenousmettreuneétiquette,sij’essayaisdelaforceràadmettrequej’étaisplusimportantpourellequesimplementcequejeluifaisaissentirdanslenoir,elleparte.

Jecomprenaisqu’elleveuillefaireattention,qu’ellenesoitpasentièrementcertainedepouvoirmefaireconfiance…defaireconfianceàn’importequelmec,enfait.Jenepouvaispasluienvouloir.Ellem’avaitparlédesonpèreetdesacopine,etd’unmecavecquielleavait été à l’université, et expliqué que ces deux exemples d’infidélité avaient laissé destracesprofondeschezelleetdanssonâmedéjàpeuconfiante.Jevoulaisluifaireentendreraison.J’avaistravaillésidurpourmerapprocherd’elle,iln’yavaitpasmoyenquejefoutetoutenl’airenmettantmabitedanslapremièrevenue,maisjen’arrivaisvisiblementpasluifairecomprendrecela.

Ellenem’avaitfaitqu’unrésumédelasituationaveclemecdelafac,maisquandelleavaitparlédesonpère,desafamillequiétaitsiprocheavant,desamèrequiétaitpartieenvrilleàlasuitedesatrahison,j’entendaisdanssavoixcombiencelaavaitétédurpourelle.L’infidélité de son père n’avait pas seulement blessé sa mère, mais toutes les femmes dufoyer Ford, assez profondément pour laisser des cicatrices pendant longtemps. Elle avaitbeauparlerdeletolérer,luietsesmauvaisesdécisions,pourmaintenirlapaixetqu’ilrestedanssavie,lesreprochesétaientlà,derrièrechaquemotqu’elleprononçait.Jenepouvaispasluienvouloirpourcela:mêmed’unpointdevueextérieur,jevoyaisbienquesonpèreavait vraiment fait de la merde et avait laissé sa famille en plan. Mais je ne savais pascommentSaintallaitpouvoirunjouravancerassezpourlâcherpriseetcroirequejen’étaispascommeça…Elledevaitaccepter le faitque lesgensne sontpas infaillibles,même lesgensquel’onadmiretoutesavie.Larancœuràlaquelleelles’accrochaitétaitjustifiée,maissiellenetrouvaitpasquoienfaire,jenesavaispascequecelavoulaitdirepourlasuitedenotrehistoire.

Son père l’avait déçue, avait renforcé ce manque de confiance que j’avais initié desannéesauparavant,etjenesavaispascommentluimontrerquejeferaistoutcequiétaitenmonpouvoirpourneplusjamaisladécevoirainsi.Jen’étaispassonpère,etjenevoudraisjamaisêtrelegenred’hommequilaissetomberunefamilleaimantepourtirersoncoup.

–Elleestcompliquée.Phila ri,d’unvrai rire,et celam’a fait sourire. Je l’ai senti tendre lebrasetposer sa

maintoutemincesurledessusdematêtebaissée.J’aifermélesyeuxetaisentimonsoufflesecoincerdansmapoitrine.

–C’estlerésumédetavieencemoment,Nash.«Compliquée».Tuesunhommefort,unhommebien, et tupeuxencaisser tout ceque la vie te fera subir, aussidifficile que ce

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soit.Jeveuxquetusachesquecethomme,l’hommequetuesmaintenant,c’estunhommedonttupeuxêtrefier.Tueslameilleurechosequej’aicréée.N’endoutepas.

Eh bien,merde, celame donnait envie deme répandre en larmes. J’ai dû serrer lespoingstrèsfortpourfaireredescendremesémotions.

– Tout ce que je voulais, c’était que ma mère me dise ça. Maintenant je sais quel’entendredetabouche, toiquim’aguidé jusqu’ici,c’estunmilliondefoisplus important.Merci,Phil.

J’avaistoujoursdumalàleconsidérercommemon«papa».Sesdoigtsonttapotématêterasée.

– J’aurais dû être plus courageux. Je n’aurais pas dû avoir aussi peur que tu medétestesparcequejenetel’avaispasdit.Jevoulaisquetamèreassume,maisquandtuesvenut’installeravecmoipourdebon,j’auraisdûtedirelavérité.

–C’estvraiquej’auraisvoululesavoirplustôt,j’auraisvouluavoirletempsdeprofiterd’avoirunparentfierdemoi.Aveclesdécisionsqu’elleaprises,ilestplutôtclairpourmoique,mêmesiellem’amisaumonde,ellen’ajamaisvraimentétémamère.

–J’étais fierdetoibienavantquetuaies lamoindre idéequetuétaismonfils,Nash.Tamèreestunefemmecompliquée,elleatoujourseuuneidéetrèsclairedelaviequ’ellevoulait.Nimoinitoin’avionsdeplacedanscetteimage.

Ilabougélamainetj’aienfinlevélesyeuxverslui.– Elle aurait dû te laisser me prendre dès le départ. Ça aurait évité beaucoup de

souffranceàtoutlemonde.–Onne peut pas remonter le temps, fils, tout ce qu’onpeut faire, c’est continuer en

étantplusintelligentetenfaisantbeaucoupplusattention.Ilaétéprisd’unequintedetouxquinesemblaitpasvouloirs’arrêter,etilaeubesoin

d’oxygèneetd’unantidouleur.Jel’aiaidépourcesdeuxchoses,etjemesuisrenducompteque j’allais devoir écourter ma visite. Je l’ai aidé à bien s’installer et ai essayé de ne pasm’inquiéter car chaque fois que je le voyais, j’avais l’impression que cela pouvait être ladernière.

– Appelle Salem. C’est exactement la personne qu’il vous faut, et je pense que vousallezl’adorer.

–Pourquoiest-cequej’ail’impressionquetunemeracontespastoutel’histoire?Ilm’aadresséunfaiblesourireetsesyeuxsesontfermés.–Tumeconnais, j’aimebiendonneruncoupdemainquand jepeux : toi,Rule, Jet,

Rowdy,Cora.Jemesuisfabriquémapetitefamilleavecdesâmesenpeine.J’espèrequ’avecletemps,vousentretiendrezlatradition.Jet’aienseignétoutcequetuasbesoindesavoirpouravoirunebonnevie,monfils.

C’étaitvrai.Touteslesleçonsdeviedontj’avaisbesoin,ilmelesavaitapprisesavecsapropretechnique.JemesuisinstalléedanslaChargeretj’aimontélevolumedel’autoradio

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pour écouter lamusique à fond. Flatfoot 56 résonnait dans la voiture et j’ai pensé que sij’inondais tous mes autres sens, je ne sentirais peut-être plus la douleur de voir Phildisparaître sousmesyeux. J’aienvoyéunmessageàSaint carelleétait la seulechosequiallaitmefairemesentirmieux.

Bien sûr, j’auraispumebourrer lagueuleavecAsaauBar,ouappelerRomeetallersoulever des poids à la salle de sport, et Rule aurait tout lâché pour venirm’écoutermeplaindre,Rowdyaurait quitté la fille avecqui il était ce soir-làpour venirme changer lesidées et Jet… Bon, Jet était toujours en voyage, mais je savais que je pouvais toujoursl’appelerpourrâler.J’avaisdesamis,desgensquim’aimaient,quisouffraientdecetteperteavec moi, et pourtant, elle était la seule à pouvoir apaiser la brûlure, le sentiment dedéchirementquej’avaisaprèschacunedecesvisites.

JEVAISCOMMANDERUNEPIZZA.TUVEUXPASSERAPRÈSLEBOULOT?

Elle:JEVAISFINIRTARD.PASGRAVE…TUPOURRAISDORMIRICI,POURUNEFOIS.C’était un coup bas, une réaction de chochotte, et passif-agressif. Mais je me sentais

tropmal,alorsj’aiessayéd’êtreunpeuplusmûrdansmonmessagesuivant.J’AIRENDUVISITEÀPHIL,ETC’ÉTAITDUR.ILS’ACCROCHEPÉNIBLEMENT,ONDIRAIT.J’AIMERAISBIEN

TEVOIR,ETJ’AIMERAISBIENQUETURESTESAVECMOICETTENUIT.Jen’aipaseuderéponsetoutdesuite,doncj’aidémarrélavoitureetairouléverschez

moi.Monventreétaittoutemmêléetungoûtamerrestaitsurmalangue.J’avaisenviedefrapperquelquechose,oudelaisserquelquechosemefrapper.

Je me garais en face de la maison quand elle m’a enfin renvoyé un message. Celam’exaspérait. Je n’avais jamais eu à patienter pour avoir des nouvelles d’une fille avant,surtoutunefilledontjen’étaispassûrqu’ellesoitaussiintéresséeparmoiquejel’étaisparelleJ’avaisarrêtédedouterdemoi-même,et jedétestais lefaitqu’ellefasseremontercelaenmoi.

Elle:DÉSOLÉE,UNMECESTARRIVÉ,BLESSÉAVECUNPISTOLETÀCLOUS .S IÇANETEDÉRANGEPAS

QUEJ’ARRIVE

UNPEUTARD,JEVIENS.NEM’ATTENDSPASPOURMANGER.ETPOURCEQUIESTDEPASSERLANUITCHEZMOI?Ilfallaitquejetentemachance.Jemesentaiscommeuneplaieouverte,toutcequeje

ressentais se déversait comme du sang sur ce qui m’entourait et je n’avais aucun moyend’arrêterl’inondation.

ONPEUTENPARLERPLUSTARD?JEVIENSD’AVOIRDEUXNOUVEAUXPATIENTS.VATRAVAILLER.ÀCESOIR.J’aisoupiré,etjemesentaisentièrementdéchiréetinsatisfaitquandelleaenvoyé:JESUISVRAIMENTDÉSOLÉEPOURPHIL.CEN’ESTPASJUSTEETJESUISDÉSOLÉEQUETUSOUFFRES.

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C’était commeçaavecelle,peu importecombienelle semblait loin, ilyavait toujoursquelquechose,unlienquimefaisaitcroirequ’aufinal,ellechangeraitetserendraitcomptequenouspouvionsfairequelquechosed’incroyableetuniqueensemble.

Jesuissortidelavoitureetaiappelélapizzeriaoùonm’appelaitparmonprénom.J’aicommandéàmangeretjeremettaismontéléphonedansmapochelorsqu’unevoixfémininequicriaitdesgrossièretés,etdegrandsbruitssourds,ontattirémonattention.

Ma voisine était devant la porte fermée de son appartement et lui donnait de francscoupsdepiedavecseschaussuresàtalonsplusrosesqueroses.Elleutilisaitunniveaudelangagequim’afaitsourire,etellem’alancéunregardnoirquandjeluiaidemandésielleavaitbesoind’aide.Elleapoussésescheveuxrouxfoncésderrièresonépauleetaposélesmainssurseshanches.Aujourd’hui,onauraitditqu’ellesortaitd’undéfilédemode,miseàpartl’expressiongrognonnesursonvisage.

–Je fermetoujours laportederrièremoi.Toujours, toutes lesportes,etnormalementc’est une bonne chose, sauf quandmes clés sont de l’autre côté. J’ai laissémon portabledansma voiture, et je n’avais fait que deux pas dans le couloir quand jeme suis renduecomptequejen’avaispasprismesfichuesclés.

Ellealancéungrognementdramatiqueetalevélesmainsenl’air.–Doncmontéléphoneestcoincédansmavoitureetmescléssontcoincéesdansmon

appartetjesuisuneidiote.J’ai levé un sourcil tandis qu’elle grognait à nouveau et passait la main dans ses

cheveux.–Tupeuxappeler lepropriétaireavecmontéléphone,maisça irapeut-êtreplusvite

d’appelerunserrurier.J’aicommandéunepizza,tupeuxvenirchezmoienattendant.Elleahaussélessourcilspuislesafroncésenmedemandant:–Çanevapasfairepéteruncâbleàtacopine?Jen’enavaispaslamoindreidée.–Jenesaispas.–Pourlepétagedecâbleoupourlacopine?–Lesdeux.Tuveuxutilisermontéléphone,oupas?Elleasoupiréetm’asuividansmonappartement.Jeluiaitendumontéléphoneetelle

acherchéunserruriersurInternetquipourraitvenirdansl’heure.Elles’estaffaléesurmoncanapéetaregardéleplafond.

–Siseulement jepouvaisouvrirmoncoffre, j’aiunkitpourouvrir lesserrures.Jesuissûrequejepourraisentrer.

Jeluiaiproposéunebièreetmesuisassisàl’autreboutducanapé.–Pourquoiest-cequetuasça?Elleacontinuécommesiellenem’avaitmêmepasentendu.

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–Etmonéquipier…Putain,quandilvaentendreparlerdeça,ilnevaplusmelâcher.Jenousaienferméshorsdelavoitureilyadeuxsemaines.

Quoi?–Royal?Elles’esttournéeversmoietjevoyaisqu’elleétaitagacée.–Ouais?–Qu’est-cequetufais,commeboulot?Ellealâchéunsoupiretafaitroulerlabièreentresesmains.–Jesuisflic.Unefoisdeplus,quoi?–Sérieux?Jen’arrivaispasàmasquerl’incrédulitédansmavoix.–Ouais.Jet’avaisditquetunemecroiraispassijetedisaiscequejefaisais.Personne

nemecroit.Jesuissortiedel’écolel’annéedernière,doncjesuisunebleue,maisjesuisflic.J’ai laissé mon regard dubitatif descendre sur ces chaussures invraisemblables et sa

tenuevoyante.–Vraiment?Impossibledel’imagineravecsonbadgeetsonflingue.– Je suis toujours une fille,mais oui, je suis flic de terrain. C’est pour ça que j’ai des

horairesdébilesetquejepensesavoirbienlirelesgens.Onafrappéàlaporteetjesuisalléchercherlapizza.Jel’aiposéedevantellesurla

tablebasseetnemesuispasembêtéàsortirdesassiettes.Cen’étaitpascommesij’essayaisdel’impressionner.Ellealevélesyeuxaucieletaprisunepart.

–Ehbien,cequetoninstinctt’aditsurSaintétaitàcôtédelaplaque.Tum’asditqueje l’intéressais,qu’elleavaitcraqué,maiscesderniers temps j’ai l’impressionqu’elleme faittournerenbourrique.

Royalarigoléunpeuet jemesuisditquelefaitquejenesoispasdutoutattiréparelledevaitvraimentvouloirdirequelquechose.J’étaistellementaccrochéàSaintquemêmesi je savais que ma voisine était indéniablement magnifique et marrante, elle n’étaitsimplementpascellequ’ilmefallait.

– Nash, je l’ai vue. Quand elle vient et quand elle repart, elle a toujours la mêmeexpression sur le visage.Elle est contentede te voir, d’être avec toi,mais au fondelle estterrifiée. Je ne connais pas toute l’histoire, mais si elle te fait tourner en rond, crois-moiquandjetedisqu’elletourneaumoinsdeuxfoisplusvitequetoi.

BonDieu,j’espéraisbien,carsij’étaisleseulàavoirlevertigeetlanausée,celarendaitletourdemanègebeaucoupmoinsdrôle.

– On était dans lemême lycée,mais on ne traînait pas avec lesmêmes gens. Je l’aicroiséeauxurgencesl’annéedernière,quandunpotes’estbattudansunbar.Elleavaitun

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faiblepourmoiàl’époqueetapparemment,elleacruquejedisaisdeshorreurssurelleetça l’a marquée. Je disais de grosses conneries parce que j’étais un petit con, mais je neparlais pas d’elle. Etmaintenant, je crois qu’elle n’arrive pas à s’en remettre,même si j’ail’impressionquec’étaitdansuneautrevie.

Ellem’alancéunregardduretareprisunepartdepizza.–Lepremieramour,pourunefille,c’estpasrien.Onnes’enremetjamaisvraiment.–Jenecroispasquec’étaitdel’amour.Elleadirigélehautdesabièreversmoietaplissésesyeuxfoncés.–Jecroisquetutetrompes.Sielles’yaccrocheautant,sielleaencorepeurquetut’en

prennesàelle,quetulablessesencoremêmesic’estévidentquetuaschangéetquetutesouciesd’elle,c’estquec’étaitsonpremieramour.

Je voulais la contredire, mais j’avais vu combien un premier amour pouvait êtrepuissant. Shaw aimait Rule depuis la première fois qu’elle l’avait vu, et même si cela luiavait pris des années pour le voir, sa dévotion pour lui n’avait jamais faibli. Le premieramourdeCoraluiavaitbrisélecœurenlatrompantetl’abandonnant,etcelaavaitfailliluicoûter le parfait amour qu’elle cherchait quand Rome avait débarqué dans sa vie. Lepremieramourétaitpuissant,eneffet,etsijel’avaisvraimentgâchépourSaint,ilyavaitdefortes chances qu’elle ne s’ouvre jamais complètement à moi, qu’elle ne me fasse jamaisassezconfiance.

J’allais dire à ma jolie voisine combien je trouvais cela nul lorsque j’ai entenduquelqu’unfrapperdoucementàlaporte.Pensantquec’étaitleserrurier,jemesuislevéetaiouvertlaporteengrand.J’aisentimamâchoiretomberdesurpriseenmeretrouvantfaceàfaceaveclafillequejenepouvaispasmesortirdelatête.Ellesemblaitsortirtoutdroitdel’hôpital. Ses cheveux étaient attachés en un chignon sur sa tête et elle portait encore sablouse.J’allaisluidemandercommentelleavaitpusortirsitôtmaissonregardétaitfixésurRoyaletsaboucheétaittiréeenuneligneserrée.Ellenem’amêmepasadresséunregard.

–Salut.Sesyeuxàlacouleurd’oragesesontlevésverslesmiensetsonvisagearosi.–Salut.–Tuessortieduboulotplustôt.SonregardestrepartisurRoyal,quis’étaitlevéeetsedirigeaitverslaporte.–Oui.Unedesautresfillesestarrivéeenavance,etjem’inquiétaispourtoi.Ilyavaitunetouchedereprochetrèsnettedansletondesavoix.Jel’airegardéeen

fronçant les sourcils, blessé à l’idée qu’elle puisse croire que j’aurais substitué du tempspasséavecelleparn’importequelleremplaçante.Elleétait laseuleavecqui jemesentaismieux après avoir rendu visite à Phil. J’aurais voulu arriver à lui faire comprendre cela.Royalapassélatêteparlaportederrièrenousdeuxquandlagrandeportes’estouverteetqu’unmecenbleudetravail,uneboîteàoutilsàlamain,estentrétimidement.

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–Quelqu’uns’estenfermédehors?Saintabougénerveusementdevantmoi lorsqueRoyals’estglissédans lecouloir.Elle

m’a faitunclind’œiletaposé lamainsur l’épauledeSaintenavançantvers laportedesonappartement.

–Mercipourlesauvetage,Nash.C’estunbon,cocotte,nelelaissepass’échapper.J’aifaitunpasenarrièreetj’ailittéralementregardéSaintsedébattreavecelle-même

poursavoirsielleallaitmesuivreàl’intérieur.Jelevoyaissursonvisagetoutpâle,etsonindécision m’a donné la gerbe. J’ai décidé que si elle n’entrait pas, c’était fini. Je n’enpouvaisplus.Jel’aimaisbien–merde,plusquebien–maiscettecoursesansfinenterritoireinconnu,c’étaitunechosedeplusdansmaviequiaccumulaitlescomplications.Jevoulaisvraiment que cela fonctionne, et je la voulais vraiment, elle,mais à unmoment ou à unautre,ilallaitfalloirqu’ellemedonnequelquechosedetangibleàquoimeraccrocher.

Ellealevélebrasetacommencéàtirersurl’élastiquequimaintenaittoussescheveuxcuivrés.Ellem’alâchédesyeuxets’estfaufiléepourquenosbustessefrôlentàpeine.J’aifermélaporteetl’airejointelàoùelles’étaitassise,surl’accoudoirducanapé.

–Mercid’êtrevenue.Ellealégèrementhochélatêteenbaissantlementon.–Çadoitêtredeplusenplusdur.LepronosticdePhiln’étaitpastrèsbonquandila

quittél’hôpital.Jemesuisarrêtéàcôtéd’elleetailevélamainpourposerundoigtsoussonmenton.

Je l’ai forcée à lever les yeux vers moi, à croiser mon regard. Je voyais des ombres plusfoncées,couleurardoise,derrièrelegrisperlequimeregardait.

–Jedonnaisjusteuncoupdemainàunevoisine,tulesais,hein?Ellea laissé sespaupières tomberpourque jenevoispasvraiment cequ’il sepassait

danssonespritcomplexe.–Peuimporte.Onn’apascegenrederevendicationsl’unenversl’autre.Etvoilà.Jevoulaisplus,etellenevoulaitrien.J’aisentimonventresenoueretj’aifait

unpasenarrière.Elleasuivilemouvementdesyeuxetafroncélessourcils.–C’estdommage,Saint.Jevoudraiscegenrederevendications.Jenesaispasceque

c’est…J’aifaitunaller-retourdelamainentrenousdeux.–…ça.Maisc’estimportantpourmoi,etsitunepeuxpasendireautant,alorsjene

veux pas être simplement lemec que tu te tapes parce que je te donne du plaisir et quepersonned’autren’yarrive.Çanemesuffitplus,ethonnêtementçamedonnel’impressiond’êtreunemerde.

J’aimarché jusqu’à la porte d’entrée, prêt à l’ouvrir et la laisser partir pour de bon.J’étaisénervéet jen’essayaispasde le cacher. Jen’étaispasenmesure,dansma tête,defaireladistinctionentrecequ’ellecausaitetmadouleurfaceàl’étatdePhil.

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– Je voulais passer la soirée avec toi parce que la seule personne qui me donne lesentiment de valoir quelque chose est en train demourir, et je dois regarder ça sans rienpouvoiryfaire.Iln’yarienquipeutaméliorerlasituation.Riennepeutarrangerça,maisquandjesuisavectoi…

J’aipasséunemainsurmonvisagepuisl’aiposéesurmanuque.–…Çafaituntoutpetitpeumoinsmal.Tumedonnesenviedemeconcentrersurles

bonscôtés,surlessouvenirsquej’aietquimerendentheureux.Maisclairement,çan’apasautantd’importancepourtoi.Tuneveuxmêmepast’embêteràpassertouteunenuitavecmoi, Saint. Je comprends, tu n’es pas à fond dedans, donc tu peux y aller. Merci d’êtrepassée.

J’avais lamain sur la poignée et une chaleur suffocante battait sousma peau. Je nevoulaispas lavoirpartir,maispourmasantémentaleetmatranquillitéd’esprit,c’était lameilleure chose à faire. Je me préparais à ouvrir grand la porte lorsqu’elle s’estbrusquementretrouvéeentremoietlebois.Elleamissesmainsaucentredemontorseetaécartélesdoigts.Moncœurs’estaccéléré,acommencéàtambourinerplusfort,commes’ilessayaitdes’enfuirdemapoitrineetd’atterrirdanssesmains.

–Nash.Savoixétaitàpeineunchuchotement.–Jenepeuxplusfaireça,Saint.Jenesaismêmepascequeçaveutdire,«ça».–Jesuisdésolée.Sincèrement.Jenefaispasexprèsdet’éloigner,deminimisercequ’on

a. Mais je ne sais pas comment faire ça avec toi. Je ne veux pas être la fille jalouse etinquiète,mais je suis comme ça. J’ai vuRoyal et j’ai eu envie de faire demi-tour et de nejamaisrevenir.

Ses mains sont remontées sur mon torse et se sont posées de chaque côté de monvisage.

–Jemesensmieuxquandjemedisqueçaneseraitpasgravesi tufaisaisdeschosesavecelleparcequ’onestrienl’unpourl’autre.Jenepeuxpasêtreblesséesionn’apasdevraissentimentsl’unpourl’autre.

Salogiqueétaitridicule.Biensûrquecelapouvaittoujoursfairemal,carmêmesiellesepersuadaitqu’ellen’avaitpasdesentimentspourmoi,sesréactionsmedéchiraientparcequej’étaisfranchementsûrd’avoirdessentimentspourelle.

–Toutcequejevois,c’esttoi.Pourquoiest-cequetunecomprendspasça?Personnenebrilleplusfortquetoidanslecielquejeregarde.Pourmoiiln’yapasdesoleil,pasdelune,etpasd’étoilesdansleciel,seulementdeskilomètresdenuagesd’oraged’unjoli,joligris.

Elleaencoremontésesmainsetasuiviletracédesflammesau-dessusdemesoreillesavec ses doigts. Elle essayait de m’apaiser, de calmer mes nerfs à vif et de suturer lesblessuresqu’ellem’avaitinfligéessanslevouloir.

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–Jeveux tellementcroireça,Nash.Jenepeuxpas te l’expliquer,maisunepartiedemoiveutmevoircommetumevois,seulementuneautrepartiedemoi,plusgrandeetplusforte,refusedecroirequec’estpossible.

J’aimismesmainsautourdesespoignetsdélicats,etjesentaissonpoulsbattresoussapeaupâle.

–Qu’est-cequetuveux,Saint?Qu’est-cequetuveuxvraiment?Elleaenlevé lesmainsdematêteet lesaposéessurmesépaules.Legris tournoyait

danssesyeuxcommeellesebattaitpourgarderlecontrôledesesémotionsquitournaientdansleursprofondeurs.

– Je veux que ton père aille bien et que tu n’aies pas à le regarder souffrir. Je veuxpouvoir profiter du temps qu’on passe ensemble comme une personne normale et ne pasconstamment attendre de voir ce qui va mal tourner. Je veux avoir une promotion auboulot. Je veux que ma mère oublie mon père et arrête de souffrir. Surtout, je veuxm’assurerquecequ’onfaitnevapasnouslaisser,l’unetl’autre,tristesetpleinsderegrets.

Je ne pouvais pas lui reprocher son honnêteté, mais je ne pouvais pas non plus luidonnerunegarantie que ces choses qu’elle voulait étaient possibles. En fait, je savais trèsbienquecertainesnel’étaientpas.

–Qu’est-cequetuveuxdemoi?Ma voix était un peu étranglée. J’avais déjà été écorché jusqu’à mon dernier nerf

central,j’avaisdéjàatteintmalimiteémotionnelleaujourd’hui.Avoircetteconversationavecelleétaitladernièrechosedontj’avaisbesoin,ouenvie.

Elleasoupiré,etenfin,touteslesombresetlebrouillarddanssesyeuxsesontlevésetontdisparuderrièreungriscristallin.

–Je teveux, toi,Nash.Je teveux toujoursetc’est le seulmoyenque j’ai trouvépourêtrelàetmesentiràl’aise.

– Pourquoi est-ce que tu es aussi certaine que je vais te faire du mal ? Que je vaismerderettedécevoir?

Elle m’a fait un demi-sourire et a passé ses mains sous le col de mon T-shirt pourcaresserlabasedemoncou.

–Parcequeçavaforcémentarriver,maisjeveuxvraimentprofiterdecequ’ona,avantça.

Commentpouvais-jecombattrecela?Commentpouvais-je laconvaincre,alorsqu’ellesemblait si sûre, que si elle se laissait aller et faisait confiance aux sentiments qui seconstruisaiententrenous,au lieudes’inquiéterdecequ’ilpouvaitsepasseroudecequ’ils’était passé, nous pouvions faire de l’instant présent quelque chose qui durerait pourtoujours?

Je voulais continuer à me disputer, continuer à la pousser à comprendre que c’étaitplusqu’unepassade,plusquedeuxpersonnescompatiblessexuellement.Jevoulaisqu’elle

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sente, qu’elle sacheque jen’auraispaspuaffronter tout cequ’il sepassait avecPhil et lesalonsanssagentillesse,sadélicatesseetsonattention.Maiselleavaitsesmainssousmesvêtementset sabouche installée contre lamienne,etmêmesi je savaisqu’elleessayaitdemedistrairedenotreconversation,j’aidécidédenepasl’enempêcher.

Si c’était la seule façon dont elleme laissaitme connecter à elle, j’allais devoir faireavecpourl’instant.J’étaisunmec,aprèstout…etilyavaitbienpiredanslaviequed’avoirune fille sublime qui voulait se servir de moi sexuellement. Et puis, elle me désirait, ellel’avaitprouvéàmaintesreprises.Jesupposequej’allaisdevoirfinirpardécidersicequ’ellevoulaitdemoiallaitme suffire,alorsque j’avais le sentimentdedevoir luidonner tout cequej’avais.

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Chapitre14SAINT

J’allaisfichetoutcelaenl’air.Jelesentaisauplusprofonddemoi.

Ilfallaitquejeletouche.Ilfallaitquej’essaied’apaiserlafaçondontjeleblessais.Ilnepouvaitpaslecacher:monhésitation,marésistancefaisaients’assombrirsesyeuxetdurcirsa bouche. Mais malgré sa déception évidente, il ne s’en prenait jamais à moi, ne sedéfoulaitjamaissurmoi,cequirendaittoutencoreplusalambiquédansmatête.J’aifaitlachose dont je savais qu’elle allait faire disparaître tout cela pour un moment ; je l’aiembrassé,j’aicommencéàtirersursesvêtementsetmesuispresséecontresoncorpsferme.Il est resté rigide et sans réaction pendant une demi-seconde, mais comme toujourslorsqu’onnousétionsainsiensemble,soncorpscarréacommencéàsedétendre.

VoirRoyalfairecommechezellesursoncanapéavaitdonnéàtoutes les inquiétudes,tous les soucis, toutes les incertitudes enmoi enviedeme fairepartir en courant sansmeretourner.Toutescesquestions–pourquoiest-cequ’il voudraitdemoi, combiende tempspasseraitavantqu’il trouvequelqu’unsanscomplexes,quelqu’unquin’étaitpasprisonnierdupassé–sebousculaientdansmatêtecommedesrochersdégringolantd’unefalaise.Sijen’avaispasvuuneréelle joie,unevraiegratitude irradierdesesyeuxviolets lorsqu’ilavuque c’étaitmoi à la porte, j’aurais filé et je ne lui aurais plus jamais adressé la parole. Jedétestais le fait que cette chose avec lui me fasse ressentir cela, ramène une faiblesse siridiculesurledevantdelascènedemonesprit.Celamedonnaitl’impressiond’êtrecoincéedans le temps. Jenepouvaispas supporter cela, alors je l’avais envoyépaître tandisqu’ilessayaitdes’expliquer.Jemeprotégeais, j’isolaismoncœur,mais jenesavaispasquemesmots fixaient une limite pour lui, et que son cœur était peut-être bien aussi fragile que lemien.

Quand il m’avait dit de partir, avait marché jusqu’à la porte comme s’il mettaitvraimentfinàtout,j’avaiseulesoufflecoupéetmonsangs’étaitglacédansmesveines.Jene pouvais pas lui donner tout ce qu’il voulait, celam’aurait rendu bien trop vulnérable,

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mais il fallait que je lui fasse comprendre que c’était aussi important pour moi que celal’étaitpourlui.Laseulefaçond’yarriversansbutersurlesmotsétaitdelefaireavecmoncorps. Certes, je le désirais et il le savait, mais je n’étais pas sûre qu’il sache que c’étaitbeaucoupplusquecela.Jenetrouvaispasdemoyendetoutluiexpliquersanspasserpourunecingléeouunegamineindéciseetimmature.

J’ai lâché un son de surprise quand il m’a poussée complètement contre la porte etenroulésesdoigtsdansmescheveux.Sesyeuxmebrûlaientdeleurrivièreinfiniedebleuetviolet.

–C’estuneconversationqu’ilfaudraterminer,Saint.J’aipassé lesmainssous lereborddesonT-shirtpourfaireglisser lespaumesdemes

mainssurlesbossesetlescreuxdesacagethoracique.Sapeauétaittoujourssichaude.Ilétait toujours si fort et vivant, si résistant et sûr.Qu’ilme laisse prendre les décisions,melaisse donner le rythme quand nous étions ensemble, me donnait l’impression d’être lafemmelapluspuissanteetlaplusdésirabledumonde.C’étaitenivrant.Jenepouvaistoutsimplement pas abandonner cela,même si cela aurait été lameilleure chose à faire pournousdeux.

–Maisçapeutattendre,Nash.J’aifrôlélabasedesoncouavecmeslèvresetjel’aisentiavalersasalive.Jedétestais

savoirqu’ildevaitmegérer,moiet tousmessoucis,enplusdeceavecquoi il sedébattaitavecsonpère.

Ilaembrassématempeets’estservidesa languepoursuivre leborddemonoreille.Celam’afaitfrissonnerdepartoutlorsqu’ilachuchoté:

–Oui,pasmaintenant.Maisbientôt.Ils’estcolléencorepluscontremoi,meforçantàécarterlesjambes.Ilalaissésesmains

tombersur laformerebondiedemonculet j’aiprisunerespirationquandilabougé,m’asoulevée, et m’a poussée à enrouler mes jambes autour de sa taille. J’étais grande, loind’être un petit gabarit. Il n’y avait pas grand-chose chez moi que j’aurais décrit commedélicat,maisilétaitunmonstreencomparaison,etiln’amêmepassembléremarquermonpoidsen s’éloignantde laporteetavançantdans le couloirquimenaità sa chambre. J’aienroulé mes bras autour de ses épaules et ai collé ma bouche sur la sienne tandis qu’ilmarchait. J’adorais cemouvement de frottement naturel entre nos corps.Même à traversmablousedetravailetlescouchesen-dessous,jesentaismestétonspointer, jesentaissoncorps réagir à travers le tissu épais de son jean. J’ai fait tournerma langue autour de lasienne,lesaienrouléesensembledansunbaiseraspirant,sansair,quinousatouslesdeuxforcésàensortirpourrespirer,letempsd’arriveràlachambre.

Il s’est penché en avant, m’a posée au milieu du lit et a enlevé son T-shirt en serelevant. Voilà une image dont je neme lasserais jamais. Lesmuscles et la peau dorée sitenduepar-dessusmefaisaienttoujourssaliveretmechatouillaientlesdoigts,medonnaient

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enviedelecaresserpartout,maislesmotifsquiledéfinissaient,ledécoraient,etfaisaientdeluiunegaleried’art vivante, étaient toutaussi sexy.L’encrequi s’enroulait et tournait sursesbras était géniale et attirait le regard,mais c’était ledragon, cette autrepartiede lui,que je voulais toujours toucher. Les ailes, les flammes, les écailles qui recouvraient songrand corps…C’était comme s’il avait une secondepeau, quepeudegenspouvaient voirdanstoutesagrandeur,etjefaisaispartiedesquelqueschanceuxenquestion.

Il a ouvert sa ceinture et a levéun sourcil enme regardant. Jeme suis rassise et j’aienlevémonhaut.La tenuede travailde l’hôpitaln’étaitpasdesplus flatteuses,maiscelanesemblaitpasledéranger.Sonregardafaitcetruc,ilestdevenupresquenoirquandj’aifiniensous-vêtementsdevantluisurlelit.Avecunseuldoigt,ilacaressélecreuxentremesseins.

–J’adoretestachesderousseur.Cela m’a fait frissonner, mais le regard dans ses yeux et l’expression de son visage

rendaientmoncorpsintégralementliquideetchaud.J’aivoulutendrelebrasverslui,pourle tirer versmoi, mais il s’est penché et, avec lemême doigt, a baissé le bonnet demonsoutien-gorge surundemes seins.Lebouta surgi, impatientde rencontrer sa languequidescendait.Jemesuistordueettortilléesousluitandisqu’illeléchait,l’encerclait,l’aspiraitdans sa bouche. Je caressais ses cheveux absents, je jetaisma tête dans tous les sens surl’oreiller car il était si méticuleux, si appliqué dans l’attention qu’il portait à ce qu’il mefaisait. J’ai levé la tête pour lui dire d’arrêter, d’enlever son pantalon et de lancer lespectacle,lorsqu’ilestpasséàl’autresein,etcefutlasuited’unetorturedeplaisir.

Quandilaarrêté,j’étaishaletanteetprêteàexploserrienqu’avecl’attentionqu’ilavaitportéeàmapoitrine.Ilaentièrementenlevémonsoutien-gorgeetm’apousséeplusloinsurlelit.Jepensaisqu’ilallaitsimplementretirermaculotteetpasserauxchosessérieuses.Jele voulais désespérément, mon corps mourait d’impatience, mais Nash n’avait pas l’airpressé,etilnemelaissaitpasprendrelesrênescesoir.Ilalaissétombersonjeanetj’aiprisuneminutepourréellementapprécierlabossequioccupaitl’avantdesonboxer.Iln’yavaitpasuneseulechoseque j’auraisvouluchangerchez lui,et lesailestatouéessursesflancsontsemblévoleter lorsqu’ilaprisunegrande inspirationpuis l’a relâchée lentementensedébarrassantdemesderniersvêtements.

Sesyeuxétaientindigoetsapeaubrunerougissait.Ilsepassaitquelquechosedanssatête,quelquechosequejenesaisispastoutdesuite,maislorsqu’ilarampésurlelitentremesjambesetqu’ilaposéunbaisermordantàl’intérieurdemacuisse,j’aisu.Nousavionsbeaucoupcouchéensemblecesderniersmois,et«beaucoup»estsûrementuneuphémisme.QuandNash se servait de sa langue surmoi, ce n’était plus inconnu ni effrayant. Il étaitdoué, et j’aimais toujours cela. Mais là c’était différent. Il ne me faisait pas seulementl’amour, il n’essayait pas seulement de m’exciter ou de me faire jouir. Il me vénérait. Ilessayaitdememontrer,d’uneautrefaçon,àquelpointj’étaisbelleetparfaiteàsesyeux.

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–Nash?J’ai dit son nom… Enfin, je l’ai plutôt scandé. Je sentais mesmains serrer les draps

tandisqu’ilpassaitleplatdesalanguesurmeslèvres.–Huumm?Il m’a répondu sans parler et cela m’a fait crier car en le faisant, il a attrapé mon

clitorisentresesdentsetlavibrationafaitroulermesyeux.Ses mains étaient de chaque côté de mes hanches, mes deux jambes posées sur ses

larges épaules, et sa tête sombre était assez sérieusement enfouie en moi. Je me sentaisdévergondéeetdébauchée,carilétaitdéterminéàmefaireentendresonargument.Jemesuistendue,j’aisentidepetitstremblementscommencerdanslebasdemondos,etquanddes doigts explorateurs ont remplacé sa bouche pourme caresser, il n’a fallu qu’un petitcontactpourmefairebasculer.Jel’aivaguementsentiembrassermonventrefrémissant,j’aisentisesdoigtsbouger,joueravecmoipourprolongermaréaction,maisc’étaientsesyeux,si foncés, si concentrés surmoi, qui ont fait rendre les armes àmon cœur et taire tout lebruitquis’agitaitdansmatête.

Il a laissémes jambes glisser de chaque côté de son corps et a tracé unmotif sur lapeaudoucejusteen-dessousdemesseins.

–Tuestellementdouce.Dehorsetdedans.Savoixétaitrauque,doncj’aibaissélesbraspourletirersurmoi.Ilmedisaittoujours

des choses commecela.Medisaitque j’étaisbelle,que j’étaisgentilleetdrôle. Ilmedisaitsouventquej’étaissapréféréeaulit.Jenerépondaisjamaisàriendetoutcela,maisjenepouvaisignorercequ’ilvenaitdemedonner.

–Merci.Lemotsonnaitrouilléetpeuutilisé,mêmepourmoi.Celanedevraitpasêtreaussidur

d’accepteruncompliment.La façondontNashmevoyait, le refletdemoi-mêmedanscesyeuxviolets infinis,était laplusbellechosedumonde,et j’avaisdeplusenplusdemalàfairecommesijenevoyaispasexactementcequ’ilvoyaitenmoi.

Cesimplemota faitbougerdesombresdanssesyeuxmagnifiques. Il s’est soulevédemoi dans unmouvement raide pour que je puisse enlever son boxer autour de sa queuedressée.Elles’estlibérée,épaisseetprête,vêtued’unnouveaubijou.J’aiclignédesyeuxenlevoyantpuisjeluiailancéunregardinterrogateur.

–Pourquoiest-cequetonpénisaunebague?Ilapoufféderire,sûrementplusenraisondemonemploiduterme«pénis»pourla

partieducorpsconcernéequ’àcausedemaquestion.–Jevoulaisjustechangerunpeu.Derrière lereborddesongland,unanneaufinencerclait toute lacirconférencedesa

queue.Lepetitanneauargentéétaitfascinant.Jen’étaispasuneexpertedupiercing, loin

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delà,maisjen’avaisjamaisrienvudepareil,surtoutassociéaupiercingqu’ilavaitauboutetdontilutilisaittoutlepotentiel.Jedevaisadmettrequej’enétaisfan.

–Tabiteportedesbijoux.Cela l’a fait rire pour de vrai. Il a passé un bras autour de mes épaules, et nous a

retournéspourquejemeretrouveassisesurlui.Ilacroisélesmainsderrièrelatêteetm’afaitungrandsourire.

–J’aimebienchanger.Çavaêtrebon,fais-moiconfiance.Je n’en doutais pas, et pour la première fois depuis que nous avions commencé à

coucher ensemble, je regrettais vraiment d’être aussimarquée, j’aurais voulu ne pas avoiraussipeurdeluiparlerpoursavoircequ’étaitcettechosequenousfaisions.Sinousétionsencouple,unpartenariatexclusif,jeprendraislapiluleetjepourraissentirsachairdureetchaude,ainsiqueleglissementfroiddumétalsanslatexentrenous.Celasemblaitdivinetj’étaisencolèrecontremoi-mêmecarj’étaismonpropreobstacledansl’avancementdemavie.

Jemesuispenchéeenarrièreetaifouillédanssatabledenuitpourchercherlaboîtedepréservatifsqui yétaitnormalement.Alorsque j’étais touteétirée, il a suivi la lignedemes côtes avec ses pouces, de chaque côté de mon corps. Il est toujours tellementrespectueux, tellement tactilequand ilposait lesmains surmoi.Mêmeune simple caressecommecelle-ciaccéléraitmonrythmecardiaqueetfaisaitchauffermonsangd’impatience.

Avant de le recouvrir, j’ai pris quelques minutes pour jouer avec son nouveléquipement.Latracequ’illaissait,lafaçondontildevenaitchaudcontresapeau,étaientlapromesse d’un bonmoment. Je voulais lemettre dansma bouchemais il m’a arrêtée enmettantlesmainsdansmescheveux.

–Pascettefois.J’ai levé un sourcil tandis qu’ilme prenait le préservatif desmains et l’enfilait. Ilm’a

tiréeplushaut,àgenoux,etm’aplacéesur leboutdesaqueuedressée.J’aicomprisqu’ilessayaitdemefairepasserunmessage.Ilessayaitdememontrerquelquechosequejenevoulaissimplementpasaccepternimêmeentendre.Nousétionstouslesdeuximpliquéslà-dedans et je voulais être sûre qu’il sache ce que je ressentais pour lui aussi. J’étaissimplementperdueàcesujetetj’essayaisd’êtreréaliste,degardertoutceladansuneboîtedontjepouvaisgarderlecontrôle.

Ilm’aabaisséesurluietj’aiperdulacapacitédepenser.Nashétaitbalaise,departout.Il avait déjà une belle queue épaisse, alors après la pénétration initiale, cet anneau qu’ilportaitetquim’étiraitencoreplus,quifrottaitcontremachairintérieuresensible…celam’arendueincapabledefairequoiquecesoitd’autrequeressentir.Leplaisirétaitplusgrandqued’habitude,lafrictiondenoschairsintérieuresétaitplussexy.J’aicruquej’allaisjouiravantmêmequ’ilsoitentièremententréenmoi.

–Ohmon…

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Jesuisquasisûrequemesyeuxsesontcarrémentretournésdansleurorbite.Ilaeuunpetit rire,cequin’a faitquerenforcer lasensation,et j’aiouvert lesyeuxpour leregarderune fois qu’il était complètement installé enmoi. Je crois qu’il préférait quand j’étais au-dessuscarjen’avaisd’autrechoixquedeleregarder.Àcetinstant,ilavaitunairsuffisantetcontentdelui.

–Ilyaencoremieux.Ilfautquetubouges,Saint.Ilalevésesdeuxmainsetaprismesdeuxseins.J’ailancématêteenarrièreetaigrogné.J’aiécoutésonconseiletfaitcequ’ilm’avait

demandé.Jemesuismiseàlechevaucher,dehautenbas,lesmouvementsdecetanneauenplusdesonPrinceAlbert, le longdemachair,étaientsibons.J’aiserrémesmainssursontorseet l’ai regardédans lesyeux.Pourautantquecelasoitpossible, leurcouleurestdevenueencoreplussombreàmesurequej’approchais.J’aibougé,mesuisagrippéeà lui,enécoutantsarespirations’accéléreretmedélectantdelamanièredontsontorsebougeaitplus rapidementdehautenbas. J’étaisproche, tellementproche,et je savaisque si je luidemandais deme toucher ou si j’y allaismoi-même, cela serait fait. J’ai ouvert la bouchepourlesupplier,pourluidemanderdefinir,maisavantquej’aiepudireunseulmot,ils’estbrusquementredresséenpositionassiseetnousaretournés.

Il se tenait au-dessus de moi, ses mains enserrant chaque côté de mon visage. Sonexpressionestdevenueunpeusauvage,etquandj’aivouludemandercequ’ilsepassait,ilaattaquémaboucheets’estmisàbougerenmoi,àsepoussercontremoi,àtaperdansmoncorpscommes’ilétaitpossédé.Toutcequejepouvaisfaireétaitbienm’accrocher,carj’étaisdéjà tropproche.Mesongles se sont tellement enfoncésdans ses épaulesque j’ai senti sapeaus’ouvrir.Àlapremièrecaressedesalanguecontrelamienne,aumordillementdesesdents surma lèvre, jemesuisbrisée sous luidansunorgasmequim’adonné l’impressiond’êtreretournéedel’intérieur.Jemesuisagrippéàlui,jel’ailaissépousseretsecontracterenmoi jusqu’à ce qu’il enfouisse son nez dans le creux demon cou et grogne sa proprejouissance.Cen’étaitpas seulementdu sexe, c’étaitNashquimedonnaitunepartde lui,pourquejelagardepourtoujours.

Sesmainsontglissédemonvisagemaisiln’apasbougé.Sarespirationétaitsaccadéedansmonoreilleetjesentaissoncœurquibattaitrapidementcontrelemien.J’aipasséunemaindoucesurlacolonnevertébraledudragon,etj’aisentilecorpsdeNashfrémirunpeuàcecontact.

–Tumeruines,Saint.–Jesuisdésolée.Ilasoupiréets’estretournépourpouvoirmetirersursontorse.–Essaiejustederemettretouslesmorceauxensemblequandtuenaurasfiniavecmoi,

d’accord?

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Jene savaispasquoi répondreà cela, et jen’étaispas sûredepouvoir lui faire cettepromesse.J’aienroulémesmainssoussesbraset j’ai frottémajouecontresonpectoral. Ilétaitbeaucouptropdurpourfaireunoreillerconfortable,maisjenevoulaispasbouger.

–Est-cequejepeuxpasserlanuitavectoi,Nash?Jenepouvaispasluidonnertoutcequ’ilattendaitdemoi,maiscela,jelepouvais.Ila

soupiréetcelaafaitvolerlescheveuxsurledessusdematête.– Un jour, j’aimerais vraiment qu’on arrive à un stade où tu ne penseras plus avoir

besoindeposerlaquestion.Jen’étais pas certaine que ce stade existe pournous,mais j’avais l’impressionque s’il

existait,ceseraiticiàcetinstantprécis,alorsquenousétionsencoreentremêlésetfaisionstouslesdeuxpartiedel’autre.

Le lendemainmatin,Nashétaitenretard,cequiavaitpeut-êtrequelquechoseàvoiravec le fait que jem’étais réveillée avant lui et que jen’avais paspu résister àmettremaboucheautourdecetanneaueninox.J’étaissûrequ’ilavaitappréciéleréveil,maisilétaitpartienmarmonnantqu’ildevaitappelerunefillequipouvaitl’aiderausalonselonPhil,etqu’ildevaitpasseraunouveausalonpourparlerauresponsabledestravaux.Iljonglaitavectellementdechosesdifférentesquejenesavaispascommentilarrivaitàtoutgardersurlesrails,etàtrouverenplusletempsdesesoucierdemoietdetousmesproblèmes,enplusdecela.

Ilm’adonnéunbaiser ferme,m’adit demepréparerunpetit déjeuner ou ce que jevoulais, et il estparti commeune tornade tatouée. Il avaitpasséplusd’unematinée chezmoi alors que je devais aller travailler, et c’était étrangede se retrouver dans la situationinverse. Je faisaisducafé,dansunde sesT-shirtsbeaucoup tropgrandet trop longpourmoi,lorsquequelqu’unafrappéàlaporte.Jecomptaisl’ignorercarj’avaislesentimentquecen’étaitpasmonrôled’ouvrirlaportechezNash,quandj’aientendumonnomàtraverslaporte.

–Saint?C’estRoyal.Jepeuxteparleruneminute?JesaisquetueslàparcequetaJettaesttoujoursdevant.

Merde. Je ne voulais pas la voir. Je ne voulais pas qu’elle voie à quel point j’étaisjalousequ’elleaitpasséunesoiréenormaleavecNash,maisjemesuisquandmêmedirigéevers la porte pour l’ouvrir. J’ai dû la regarder à deux fois et les bras m’en sont tombésquandjel’aiaperçue.Sescheveuxauburnincroyablesétaientenroulésenunchignonserréderrière sa tête,elleneportaitpasdemaquillage,mais l’uniformeclassiquebleu foncédetous les flics deDenver. Elle avait sa casquette sous le bras et une armeà la ceinture. Jen’arrivaispasàcroirequ’ils’agissaitdelamêmefillequej’avaisvueavecdestalonsrosesetunjeanskinnylaveille.

–Tuesflic?

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Elle est passée devant moi et est allée droit vers la cuisine, où le café avait fini depasser.Elleafaitcommechezelle,aouverttouslesplacardsdeNashjusqu’àtrouverunetasse.J’auraisdûprotesterfaceàsonimpertinence,maisj’étaistoujourssouslechocdevoirqu’elleétaitarmée.

–Ouaip.Elleaprononcéle«p»enleprolongeantetm’aserviunetasseaussi.–Écoute,jeveuxessayerdet’expliqueruntrucàproposdetonmec.J’avais sur leboutde la languedenierqu’ilétaitmonquoiquece soit,maisellem’a

lancéunregardnoir.–Jesuisdemauvaisehumeur,etj’aiunearme.Nem’embêtepas,majolie.Hiersoir,je

mesuisenferméedanslecouloir.Montéléphoneétaitdansmavoiture,doncj’étaisdanslamerde.Nashm’aaidée, ilm’adonnéàmanger,et ilm’aparléde toi.Tu sais combiendeconnardsse seraient servidecetteexcusepour tenter leurchanceavecmoi?Oucombienauraientprofitédelasituationparcequejen’avaisaucunmoyendecommunicationetnullepartoùaller?

C’étaituntrèsbonargument,doncj’aiacquiescéenhochantlatête.–Laplupartdesmecssontdesconnards.Sérieux,Saint,Nashn’en faitpaspartie.Je

saisqu’ilyadevieilleshistoiresentrevousouquelquechosecommeça,maisouvrelesyeux,chérie.Cegarçonestfoudetoietc’estunmecbien.Unmecbien,superbeaugosseetsupersexy.Tusaiscombienc’estrare?Autantqu’uneputaindelicorne.

J’ai prisma tassede café et j’ai continué à la regarder comme si elle était un animalexotiquedansunzoo.

– En plus,mamère était l’autre femme. J’étais la fille du facteur… Enfin, la fille dutrader, mais peu importe. Je ne ferais jamais cela à quelqu’un, m’immiscer dans unerelation,parcequej’aivucommec’étaitdurpourmamèred’attendrequecetenfoiréquittesafemme.Jen’ypeuxriensij’aiundécolletédeoufetdescheveuxfabuleux.Maisjenesuispasunefemmequivoleleshommesdesautres.

Cela avait vraiment l’air d’être un point sensible chez elle, alors jeme suis éclairci lagorgeetj’aiessayédeluidonnerunesorted’explication.

–Lefaitquetusoisbelleetquetuvivesjusteenfacen’arrangerien,maisçapourraitêtren’importequellejoliefille,Royal.Lesmecssontfacilementdistraits,c’estcommeça.

Elleadéverséunekyrielledegrossièretésquim’afaitfaireunpasenarrière.Elleétaitpleinedecontradictions.Unetrèsjoliefilleavecunecartedepoliceetunlangagefleuri.

–C’estdelafolie.Aucunefillenevavenirledistraire.Ilestentièrementconcentrésurtoi.Onn’estpasdesobjetsinterchangeables,desLEGOquis’emboîtentparcequ’ilsontlespartiesqu’ilfaut.S’ilteditqu’ilteveut,toi,alorspersonned’autrenepourrateremplacer.Si tunepeuxpascroirecequ’il teditàcausede jenesaisquelproblèmedupassé,prêteattentionàcequ’iltemontre.Lesactionsparlenttoujoursplusquelesmots.

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Elle a pris sa casquette et l’a calée par-dessus son chignon. J’ai penché la tête sur lecôtéetl’aiobservéependantunelongueminute.

–Pourquoitutesouciesdeça,detoutefaçon?Elleamissatassedansl’évieretl’arincée.–Nashestsympa,tuasl’airsympa.Iln’yapasassezdegensbiendanslemondequi

arriventàsetrouver.Etpuis,j’aienviequetusoismacopine.Jenem’attendaispasàcela.–Quoi?Pourquoi?–Parcequelesfillesnem’aimentpas.Ellespensenttoutesquejesuislàpourleurvoler

leurmecouellesdeviennentsuspicieusesquandellesapprennentquejesuisflic.J’aivingt-troisans,Saint,etjenemesouvienspasdeladernièrefoisquej’aieuuneamie,quinesoitpasunmec.Monmeilleurpotedetoutl’universestmonéquipier,Dominic.Onétaitdanslemême lycée et on en a bavé ensemble à l’école de police. S’il n’était pas là, je seraisvraiment,vraimentseule,etjeneveuxpasqueçaarrive.

J’aicontinuéàlafixerenessayantdetrouvercequejevoulaisluidire.–Quand un gars commeNash est prêt à t’offrir la totale, nemets pas ça en péril à

causedupasséoudecequipourraitarriver.Bon, il fautque j’ailleattraper lesméchants,maintenant.

Quandlaported’entrées’estreferméederrièreelle,j’aiprismatassedecaféetjesuisalléem’affalersur lecanapé.Jevoulaisaller fairedescoursesavantdepartirpourmettredelavraienourrituredanslefrigodeNash.Cepauvregarçonnepouvaitpassurvivreavecdelapizzafroideetdelabière,pasavectoutcequ’ilsepassaitdanssavieencemoment.Enréalité,unbesoinardentd’essayerdeprendresoinde lui fourmillait sous lasurfacedemapeau,etjen’allaispasleremettreenquestionmaintenant.

Cesquelques joursavaientété intenses,etmesémotionspartaientdans tous les sens.Royal avait raison :Nash avait essayé dememontrer, toute la nuit, les choses que je nevoulaispasécouteret ilm’étaitdevenuimpossibledefaire l’autrucheplus longtemps.Nonseulementleseulmecquim’aitjamaisvraimentintéressémedemandaitplusquejen’avaisjamais pensé être capable de donner, mais voilà qu’une flic exubérante et effrontée quiressemblaitàunestardecinémamedisaitqu’ellevoulaitêtremonamie.Jenesavaispasdansqueluniversparallèlej’avaisatterri,niquelleviejevivaissoudainement,maiscelaneressemblaitclairementpasàlamienne.Àcemoment,jenesavaispassic’étaitlameilleureoulapirechosequimesoitjamaisarrivée.

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Chapitre15NASH

L e salon avançait bien mieux que je ne l’aurais imaginé. Zeb était un magicien, et

sincèrement, un visionnaire. Le concept définitif qu’il avait trouvé était une fête foraine àl’ancienne, du genre qu’on trouvait sur les promenades, et commema vie ressemblait entouspoints àungrand cirqueen cemoment, cela collait parfaitement.C’était retro etunpeu kitsch,mais l’idée était géniale et nous aimions tous que cela soit différent du bric-à-brac du salon original. Chacune des stations pour les six artistes était inspirée des standsquel’ontrouvaitdanslesfoiresauxmonstresdesannées1930;nousavionsuncolosse,unefemme à barbe, évidemment une femme tatouée, une diseuse de bonne aventure, undresseurdelion,unavaleurdesabre,etunhomme-loupflippantpeintssur lesmurs.Zebvoulait installerunvieux jeude force,unphotomatonvintage,etunedecesmachinesdevoyance étranges, et je pensais que tout cela allait faire cartonner le salon.Qui plus est,tousnosportfoliosetlesphotosdestatouagesquenousavionsfaitsdéfilaientsurunécranLEDderniercri,tactileetinteractifpourlesclients.

C’étaitunmélangefantastiqued’ancienetdenouveau,etbienqu’ilnerestequ’environtroissemainesdetravailpourrendrelapartiesalondetatouageutilisablecommeespacedetravail, Zebn’avait pas encore attaqué l’étage. L’idée était de garderdans cette partieunespritplusmoderne,plusboutique.Jusqu’ici, le lienentre le salonet l’espacedeventenes’était pas concrétisé, enbonnepartie car c’était une terre inconnuepournous tous, et jecroisquenousavionstouspeurdefaireuneconnerie,alorsquenousavionstravaillésidurpourconstruirenotreréputationdemeilleurs tatoueursde la régiondeDenver.C’étaitunnouveau monde et les choses changeaient vite pour nous, qui considérions le Markedcommenotremaison.

Devantl’insistancedePhil,j’aiappelélafilleàquijedevaisdonnerunechance,.C’étaitunedrôledeconversation.Elleétait indéniablementviveetavaitdurépondant.Quand jeluiaidemandésielleavaitdel’expériencedansunsalondetatouage,elleavaitéclatéd’un

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rirefrancetavaitréponduqu’iln’yavaitrienqu’ellenesachepasfaire.Ellen’avaitpasl’airsi intéressée que cela par ma proposition de venir passer un entretien, jusqu’à ce que jeprécisequelesalonétaitàDenver.JeluiaiditcequePhilm’avaitconseillé,deregarderlesiteInternetdusalonetdemeteniraucourant.Ellearaccrochéenriantetj’aipenséquej’allaisarrêterlàetlaconsidérercommeunmannequinfrivole.

Je traversais la ville car je voulais m’arrêter quelque part avant de commencer majournée de travail. J’avais besoin de conseils sur les ficelles qui maintenaient les gensattachésaupassé,etlafaçondelesdéfaire.Laseulepersonneàquijepensaisquipourraitpeut-êtrem’aideràobtenirdevraiesréponses,unevisionvraimentclaire,étaitAsa.C’étaitunhommequiavaitmenéunevieterrible–untoxicomanipulateur–jusqu’àcequecelaaitfailli luicoûterlavie,ainsiquecelledesasœur.Ilavaitétécontraintderéévaluercequ’ilfaisait,quiilétait.Maintenant,ilfaisaitdegrandspasenavant,etessayaitdeseracheter,etmêmesisarelationavecAydenétaitencoretumultueuseetsouventtendue,pasunjournepassaitsansqu’ilsessaientdefaireavancer leschoses.Asaétaitunhommequiessayaitdenepasêtredéfiniparsonpassé.

JegaraislaChargersurleparkingquandmonportables’estmisàsonner,affichantlenuméroquejevenaisd’appeleràVegas.J’aidécroché,curieux.

–Ouais?–Est-cequetouteslesinfosdusalonsontàjoursurlesite?Alors qu’elle avait semblé ennuyée et un peu amusée tout à l’heure, elle avait

maintenantl’airintriguéeetpresqueessoufflée.Sonimpatienceétaitbienpalpableàtraversletéléphone.

–Oui,ilestàjour.–Genre,touslesartistesdusalonsonttoujourslà?Disdonc,elleétaitunpeulourde.J’aifaitunegrimaceàmontéléphone.–Ouaip.Onesttouslàetonseprépareàaccueillirunetoutenouvelleéquipedansles

prochainsmois.–Philestcinglé.Cemecadorefoutrelebordeldanslaviedesgens.Elle a ri un peu et jeme suis demandé à quoi Phil pensait, avec cette fille. Elleme

semblait un peu décalée,mais le vieux se laisser amadouer par les belles gueules, depuistoujours.

–Écoute,Salem, il fautque j’aiequelqu’un iciquipuisses’occuperde tout,etvite.Lenouveausalonouvre finmai,et l’autreestbondé.Soit tues intéressée, soit tune l’espas,maisjen’aipasletempsdedéconnersituneveuxpasvenir.C’estPhilquiaeucetteidée,pasmoi.

Et je n’allais pas lui dire que je ferais n’importe quoi pour lui faire plaisir et le fairesouriretantqu’ilétaitencorelà.

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–Oh,jesuisbienplusintéresséemaintenant.Écoute,j’aidestrucsdeprévusjusqu’àfinavril.IlfautquejefasseVivaLasVegasleweek-enddePâques,j’aiunshootingphotopourunmagazinedetatouageàNewYorkleweek-endsuivant,etilfautquejepréviennemonsalonquejemetire.IlneigedansleColorado,non?

J’avais dumal à suivre ses changements de sujet rapides. J’en étais toujours à Viva.Étant passionné de voitures, je connaissais bien le week-end d’exposition de bolides quiattirait des amoureuxde vieilles voitures et de groupes de rockabilly dumonde entier. JecommençaisàpenserquePhilavaitomisquelques-unesdesqualificationsdecettefille.

–Ouais,ilfaitfroidiciquandonchangedesaison.–Bondanscecas,ilfautaussiquej’aillefairedushopping.Disonslapremièresemaine

demai.Elleparlaitcommesielleavaitdéjàdécrochélejob.– Il fautque tupassesunentretien.J’aiunassociéetunedirectricecommercialequ’il

fautqueturencontresavantdeprévoirquoiquecesoit.Ellearigolé,d’unrireenrouéetriche.Mêmepartéléphone,jesentaisquecettefemme

étaitexceptionnelle.–JesuisparfaitepourceboulotetjenesuisjamaisalléedansleColorado,çaseraune

aventure.–Pourquoiçat’intéressetoutàcoup?Çaavaitl’airdet’ennuyertoutàl’heure,quand

jet’aiappelée.J’étaiscurieuxetilfallaitquejeposelaquestion.–Lessalonsdetatouageseressemblenttous,maisvousfaitesunboulotdemalade,et

j’aime bien l’idée de participer à l’expansion d’une affaire avec une bonne réputation. Etmonintérêt…

Savoixachangéd’unemanièreindéfinissable.–…monintérêtesttoutsaufsoudain.Onsevoitenmai,NashDonovan.Ellearaccrochéetjesuisrestéàregardermonportableenessayantdecomprendrece

qu’il venait tout juste de se passer. Je ne déconnais pas quand je lui disais qu’elle devaitpasser un entretien, et j’imaginais déjà une conversation entre elle et Cora. Ce seraitdivertissant,pasdedoutelà-dessus.

J’aimismontéléphonedansmapochearrière,puis j’aipoussé lesportesduBaretailaissé mes yeux s’habituer à l’intérieur peu éclairé. Comme il n’était même pas 11 h dumatin,lebarétaitcalmeetlesseulsclientsalignéslelongdubarétaientlesvieuxvétéransgrisonnantsquisesentaientdéjàcommechezeuxdansleslieuxbienavantqueRomeetAsanelereprennent.Personnen’alevélesyeuxversmoi,maisAsam’aaperçu,lesbraschargésdecaissesdebière.

Ilalevéunsourcilblondsableenmevoyant,etj’aiavancépourlelibérerd’unepartiedesonchargement.Asanecollaitpasvraimentavec le restede labande.Sesmotivations

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étaientsuspectes,sapersonnalitéunpeutroplisse,unpeutroppolie,pourquenousallionsvraimentcreuser.MaisAydenl’aimaitetRomes’étaitétrangementattachéaucharmeurduSud,alorsmêmes’ilétaitfuyant,ils’intégraitdoucementmaissûrementdansnotregroupedevoyous.Jetlesurveillaitdesonœildelynxtandisquejepartaisplutôtduprincipequetantqu’ilnemeprouvaitpaslecontraire,c’étaitunmeccorrectetfréquentable.

Etpuis il attirait les filles commepersonne. Jene saispas si c’était lepetit accentduSud des États-Unis, les yeux dorés, l’attitude modeste avec laquelle il jouait à merveille,mais c’était un charmeur de belles gosses certifié, et avant que Saint devienne mon seulsouci,j’avaisbeaucoupadmirésestalentsaveclesexeopposé.

–Qu’est-cequetufaislà,sitôt?Je l’ai aidé à soulever les bières sur le bout du bar et il a fait le tour de la longue

surface en bois queRome avait récemment revernie, et s’est installé face àmoi de l’autrecôté. Rome était peut-être le propriétaire officiel, mais avec le bébé, et le bar qui restaitouvertquasijouretnuit,c’étaitsouventAsaquilefaisaittournerauquotidien.Ilétaitaussiun million de fois plus aimable que l’ancien soldat bourru, donc ils faisaient une assezbonneéquipe.

–Jevoulaistedemanderquelquechoseavantd’allerausalon.Tuasuneminute?Ilapenchélatêtesurlecôtéetm’aregardésansriendire.Cen’étaitpasunsecretque

les récentes décisions d’Asa avaient failli le tuer, et pousser sa sœur à le renier, donc cen’étaitpascommesitoutlemondeseprécipitaitversluipoursasagesse.

–Ouais,j’aiunpeudetemps.J’attendsBrite.Ilm’aappelépourmedirequ’ilpasseraitplustardetqu’ilavaitunegrossefaveuràmedemander.TuveuxquejedemandeàDarcydeteprépareràmanger?

J’aifaitnondelatête.–Peut-êtreenpartant.Jeramèneraiuntrucpourtoutlemondeausalon.Il a acquiescé et a fait un signe de tête vers l’arrière du bar, où étaient installées les

tablesdebillard.–Laisse-moipasserdanslacuisinepourdireàDarcydesurveillerlebar.J’aimarché jusqu’à lasalledufondetmesuisassissur lebordde l’unedes tablesde

billard.J’aicroisélesmainsetairegardéAsavenirversmoiens’essuyantlesmainsdansuntorchon.

–Ellevavouspréparerdessandwichs.J’ai hoché la tête.Darcy était l’ex-femmedeBrite – enfin, l’uned’entre elles – et elle

s’occupait de la cuisine du bar. C’était une femme sympa, plus vieille que nous, et sonsandwichbacon-salade-tomate,ouBLT,étaitparadisiaqued’aprèsmoi.

–Alors,qu’est-cequ’ilya,Nash?J’aisoupiréetgrimacéunpeu.–C’estunpeugênant,maisjecroisquejenepouvaisenparlerqu’àtoi.

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Il a haussé les deux sourcils et croisé ses gros bras sur son torse. Asa ressemblait augenredemecquidressedeschevauxoubalancedesbottesdepailletoutelajournée.Ilnefaisait ni l’un ni l’autre,mais on devinait aisément son enfance à la campagne à la façonqu’ilavaitdeseteniretdesedéplacer.

–Dequoi?–Deschangementsetdesperceptions.Jemesuisfrottélanuque.–J’aiunpasséaveclafillequejevoisencemoment,unpassépasvraimentreluisant,

etjenesaispasvraimentcommentfairepourqu’ondépasseça.Undesessourcilsblonddorés’estsoulevésursonfrontetj’aieul’impressiond’êtreune

vraiemidinette,àessayerdediscuterdecelaaveclui.Lesmecsn’étaientpascensésdiscuterdeleurssentimentsàcœurouvert,maisj’étaispaumé.

–Saintapassédemauvaismomentsaulycée.Elleétaittimideetmaladroite,elleétaitrejetéeetonsemoquaitd’elle.Jesupposequ’elleavaitunpetitfaiblepourmoietjel’aiunpeuenvoyéebouler sans levouloir.C’était il yades lustres,mais ça l’amarquée,etpourempirer les choses, jebalançaisdes conneries comme l’idiotque j’étais et elle a cruque jeparlaisd’elle.Àcausedetoutça,enplusdesonpèrequiestunconnardinfidèleetdesoncopainàlafacquil’atrompéeparcequ’ellenefaisaitpascequ’ilvoulaitaulit,j’aibiendumalàluifaireoublierlepassé.Jesaisquemagrandegueuleetmabêtisen’ontrienarrangéà ses problèmes d’estime de soi, mais je ne sais pas comment faire pour qu’elle croieprofondément que je ne suis pas comme ça. Qu’en réalité, je suis un mec correct qui asimplement été un gamin débile avec une tendance à faire des conneries. Comment as-tufait?Commentas-tuconvaincuAydenque tuétaisdifférentaprès toutcequ’il s’estpasséentrevous?Commentl’as-tufaitlâcherlepasséetcommentluias-tuprouvéquetun’allaisplusladécevoir?

Ilm’a fixépendantunebonneminute,et j’aipenséque je l’avaispeut-êtreblessé. Ilaricané,etasecouétristementsatêteblondeenpassantsespoucesdanslespassantsdesonjean.

–Jene l’aipasconvaincue.Aydenm’aime,elleveutcroireaumeilleurdemoi,cequifaitd’elle lameilleurepersonneaumondeparceque jeme suis servid’elle, j’ai carrémentabusédenotrerelationjusqu’àilyaquelquesannées.Jen’étaispasseulementunsaletype,Nash. J’étais un criminel, un arnaqueur, et je ne prenais pas le temps de réfléchir auxconséquencesdemesactionspourAyden.Elleétaitvraimentunmoyenpourarriveràmesfins, et je ne m’en suis jamais rendu compte jusqu’à ce qu’il soit presque trop tard.Sincèrement,Aydaplusqueledroitdemedétester,etjeneluienauraispasvouludemelaissertoutseulàl’hôpital.Après…

Ilagrimacéetjel’aivuavalerdifficilementsasalive.

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– Je ne pourrais jamais la convaincre à 100%, ni elle ni Jet, que j’ai une autre viemaintenant.Quand lebaraété cambriolé il yaquelquesmois, ellea cruquec’étaitmoi,mêmesij’aimebienRome,quej’aimebienmonboulotici.Elleaautomatiquementsupposéquej’avaisquelquechoseàvoirlà-dedans,etellepenseratoujourscommeça,etjenepeuxpasleluireprocher.Parlepassé,jenefaisaispasattentionauxgensetonnepouvaitpasmefaireconfiance.Laseulepersonnequicomptait,c’étaitmoi,etc’estunsouvenirquejenepourraipaseffacer,jamais.

Jen’étaispasaucourantdufonctionnementcomplexedeleurrelationfraternelle,maisjecomprenaismieuxpourquoiJetétaitaussiméfiantaveclui,etpourquoiilyavaittoujoursautant de tension entre Ayden et lui. Il n’y avait pas de pont assez long aumonde pourqu’assezd’eaucouledessous.

J’ailevélesmainsenl’airetlesailaisséesretomber.–Alorsjenepeuxrienfaire?Ellem’associeratoujoursàcesouveniretellenepourra

jamaismefairevraimentconfiance?Çacraint.–Nash…Sonaccentsemblaitunpeuplusprononcéquandiladitmonnom.–Tuesunmecbien,cequisembleêtreàlamode,icidanslesRocheuses.Tun’asrien

à fairehormisêtrequi tues.Elle finirapasvoirquecen’estpasunpersonnage,quec’estsimplementquitues,etquecequ’ils’estpasséàl’époquen’étaitqu’unmomentisolé.Tueshumain.Ilfautquetuaiesledroitàl’erreur,avantcommemaintenant.Jeneseraismêmepasenviesilesdeuxièmeschancesn’existaientpas.

– Je l’aimebien, plus qu’aucune autre fille. J’ai simplement l’impression qu’elle ne vajamaiss’enremettreetçaveutdirequ’onn’avancerapas.

–Jenevaispastedonnertouslesdétailsglauques,jeneveuxpassortirmeshistoiressordides,mais crois-moi : sima sœurpeutencoreme regarderet trouverunmoyende sesoucierdemoi,alorstutrouverastoncheminjusqu’aucœurdecettefille.

Merde, j’avais peut-être décidé un peu trop vite qu’Asa était un gars correct. Plus ilm’en disait, plus j’avais envie de lui faire tomber les dents à coup de poing, de la partd’Ayden.

–Et toi,alors?Tun’étaispasunmecbien,maismaintenant,si?ai-jedemandéavecunairinterrogateur.Commentest-cequetuconvaincstoutlemondequetuasréellementchangé?

Quandilm’asouri,sonexpressionétaitpleinedemaliceetdesecretsquejenepensaispasvouloirconnaître.

–Jen’aipaschangé.Jenesuispasuneautrepersonne.Tous les jours, il fautencoreque jeme répètedenepasprendre l’issue laplus facile,denepas reprendremesvieilleshabitudes. Je suis qui je suis, et ce n’est pas toujours agréable. La différence, c’est quemaintenant,j’aiuneviequejeveuxvivre.Jeveuxunevraierelationavecmasœur.Jeveux

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qu’unjour,Jetmeregardesanssedemanderquelsalecoupjeprépare.JeveuxaiderRomeàfairetournercebarpourqu’ilvivebienavecsafamille.J’aimebienêtreici,cettevieaunevaleurquejen’aijamaistrouvédansleKentucky,etjemebattraicontremoi-mêmejusqu’àmonderniersoufflepourlamaintenir.Jenelaméritepeut-êtrepas,maisc’estmavie,etjeveuxlaconserver.

Waouh.Jen’avaispasprévuqu’Asasoitsifrancàproposdesonhistoire,maissesmotsont résonné enmoi. J’essayais de convaincre Saint que j’étais une personne différente decelledontellesesouvenaitaulycée.Cen’étaitpastotalementvrai.J’étaismoinsencolère,moinsenmanquedeconsidérationdelapartdemamère,maisjen’avaisjamaisétéunmecméchant. J’étais tellement occupé à essayer de lui montrer la valeur de la personne quej’étais,quej’avaisoubliéquej’avaistoujourseudelavaleur,mêmesi jem’étaisfaitchoperen traindeparler sans réfléchir etde jouerà l’archétypede l’adobête. Il fallaitpeut-êtreque je commence à me demander pourquoi elle n’arrivait pas à voir de valeur etd’importanceenelle-même.

Elleétaitgéniale.Intelligenteetdrôle.Elleétaitgentilleetadorable.Elledéchiraitaulit, et si jepouvais la faire lâcherprise, si ellearrêtaitde s’agripperdesdeuxmainsàdeschosesquinechangeraientjamais,j’étaiscertainquej’allaistomberraidedingueamoureuxd’elle. J’étais déjà assez proche du bord de ce précipice. Peut-être qu’il fallait que j’arrêted’essayerdeluifairevoircombienj’étaisgénial,etquejecommenceàluimontrer,àinsistersurlefaitqu’ellel’était,elle.

Je suis descendu de la table d’un petit bond etmes pieds ont fait un bruit sourd enatterrissantsurleparquet.

–Merci,Asa.Ilariunpeuetjel’aisuivijusqu’aubar.– J’ai fait assez d’erreurs pour que ça serve de leçon à vous tous réunis. Il devrait y

avoirunrésultatpositifàtoutesmesemmerdes.–J’espèrevraimentquetunevaspasretomberdanstesancienstravers.Çaseraitnul,

etpasseulementpourAyden.Songrandsourireétaitderetour,maiscettefois,teintédetristesse.–J’aiunbontrucici,etjelesais.Jen’aipasl’intentiondefoutreçaenl’air.J’aiprislesdeuxboîtesqueDarcyavaitpréparéesetl’ailaisséemefaireunbisousurla

joue. Je sortaisquand je l’ai entenduedemanderàAsa s’il avaitdéjàvu sa fille. J’avais lesentimentquelafaveurqueBriteallaitdemanderauplayboyduSudavaitquelquechoseàvoiravecsafamille.Merde,celapouvaitmalfinircarj’avaisentenduRomedirequelafilledeBriteetDarcyn’étaitpasfacile,unevéritablesauvage.

Jen’aipasvuSaintdurestedelasemaine.Lesalonétaitsubmergédetravail,Rowdyavait un rhume et ne travaillait pas pour quelques jours, et l’état de Phil se détérioraitrapidement.Àtelpointqu’àlafindelasemaine,j’aivoululerameneràl’hôpital,maisila

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refusé. Il ne pouvait rien manger, et l’infirmière qui lui prodiguait les soins palliatifs àdomicile parlait de lui installer une sonde d’alimentation. C’était stressant, j’avaisl’impressiondemarchersurunlacgeléet j’attendaisquetouts’écroulesousmespas.Àlafinde lasemaine, j’aipassétoutesmesnuitsavec lui.Àunmomentdonné,alorsque je leregardais devenir de plus en plus mal sous mes yeux, mon cerveau s’est mis àautomatiquement transformer Phil en Papa dans ma tête. C’était mon père qui mourait,mon père qui tentait de faire bonne figure pour ne pas m’inquiéter, mon père qui meregardait avec ses yeux pervenche tristes car il savait que le temps qu’il nous restaitensembles’amenuisait.

Je voulais quepersonnene le voie comme cela.Toute la bandea voulupasser,maisPhiln’étaitpasenétat. J’aidûannulerceque j’avaisprévuavecSaint levendredi soir,etc’étaitunedéception,maisj’étaislàoùjedevaisêtre.Quandj’aientendufrapperàlaportequelquesheuresplus tard, j’ai failli tomberpar terreenouvrantetvoyantquec’étaitelle.Ellen’apasdemandésiellepouvaitentrer,ellem’asimplementtenduunesortedeboissonprotéinée etm’a dit de voir si Phil arrivait à l’avaler sans vomir. Ellem’a dit qu’elle avaitdemandé à l’équipe d’oncologie s’ils pouvaient trouver une solution pour éviter la sonded’alimentationlepluslongtempspossible.

Jenepouvaisquelafixer.Delagratitudeetbienautrechose,depluspuissant,m’onttraversé.Ellea levé lesbrasetm’aenveloppédansuncâlinqui,pendantune fractiondeseconde,m’aaidéàmesentirmieux.Elleaposéunrapidebaisersurmaboucheetm’aditquesi jeprenaissoindePhil, jenedevaispasoublierdeprendresoindemoiaussi.J’étaisépuisé et vidé émotionnellement,mais cette petite visite de cinqminutes de sa part, cettefaçon qu’elle avait d’être en phase avec ce que les autres traversaient, m’avaient touchéprofondément.

Peut-êtreétait-ceparcequemamèreavaitétésifroideetinsatisfaite,peut-êtreétait-ceparcequej’avaischerchéuneacceptationquin’étaitjamaisarrivée,quelorsquejeregardaisdans les beaux yeux de Saint et que je voyais son empathie et sa compassion, je savaisqu’elleseraittoutpourmoi.Elleétaittoutcequej’avaistoujoursvoulu,toutcedontj’avaiseubesoin.Lorsqu’elleme regardaitainsi, toutes lesquestionsque jepouvaismeposer surl’amourquej’avaispourellepartaientenfumée.Jemedemandaisplutôtcommentj’auraispunepasl’aimer.C’étaitimpossibledenepastomberamoureuxd’elle.

Je lui ai rendu son baiser cent fois plus fort car je voulais qu’elle ressente toutes leschoses qui la feraient paniquer si je les lui disais. Ellem’a dit de l’appeler ceweek-end sij’avaisuneminutedelibre,etelleestpartieenemportantmoncœur.

Quandjesuisretournédanslachambreetquej’aidonnéàPhillapréparationqu’elleavaitapportée,ilm’aregardéavecunelueurentenduedanslesyeux,au-dessusdumasqueàoxygènequicouvrait lamajeurepartiedesonvisage.Jeluiaifaitundoigtd’honneuretmesuislaissétomberdanslefauteuilderelaxationquej’avaisdéplacéàcôtédesonlit.Je

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n’étaispasprêtàenparler.SurtoutensachantqueSaintpartiraitencourantsij’essayaisdeluidireceque je ressentais.Nepasêtreaiméen retourétaitunechosequiavaitpesé surmoitoutemonenfance.Jen’étaispassûredelesupportersicelavenaitd’elle.

Je suis resté avecPhil tout leweek-end. LaboissondeSaint étaitmagique,donc ellem’aenvoyé la listedes ingrédientset j’ai faitdes réservespourpouvoirenprépareràPhildèsqu’ilenavaitbesoin.Iladormiquasitoutelajournéedusamedietlorsquedansl’après-midi, je songeais à aller au travail pour rattrapermon retard tant qu’il dormait, Cora estarrivéeàl’appartement.

Je ne voulais pas qu’elle ait à le voir comme cela, qu’elle ait pitié de lui,mais elle aprofité de son petit corps pour se faufiler et passer derrièremoi, enme disant d’allermefairevoir.Philétaitaussiimportantpourellequ’ill’étaitpourmoi,etRomeétaitàlamaisonavec le bébé ce soir-là. Ellem’a clairement fait comprendre qu’il fallait que je continue àvivremavieetm’amisà laportede l’appartementdemonpère sans cérémonie. J’auraisvoulu être énervée contre elle.Une personne si petite ne devrait pas être si autoritaire etbornée,maisjedevaisavouerquej’avaisbesoind’espacepourrespirer.

Je suis allé au salon et je me suis attaqué à la semaine de paperasse qui s’étaitaccumulée.J’aidéplacétouslesrendez-vousquej’avaisannuléscesdernièressemaines.Aumomentdefermer lesalon,Rulevoulaitque j’ailleaubaroùShawetAydentravaillaient,pourdîner là-bas.Nousn’avionspaspassé beaucoupde temps tous les deux cesdernierstempsàpartautravail,doncj’étaistentédedireoui.Maismêmesij’adoraisvoirRule,Saintme manquait et je voulais passer plus de temps avec elle, donc je lui ai demandé deremettrecelaàplustardetj’aiappeléSaint.

–Allô!Ellehurlaitdansletéléphonepourquejel’entendemalgrélesriresenfantinsetaigus

quej’entendaisenbruitdefond.–Salut.CoraestavecPhil,donc j’aimasoiréede libre.J’espéraisque tune travailles

pasetqu’onpourraitsevoir.–Attendsuneseconde.Elleamarmonnéquelquechoseet j’aientendud’autrescrispendantqu’ellecherchait

unendroitpluscalmepourmeparler.–Désolée,Faithadûallerà l’hôpitaletellem’ademandédegarder lesenfants.Elle

avaitdescontractionsdeBraxtonHicksetelles’est inquiétée.Jenesaispaspourcombiendetempsellevaenavoir.

C’était vraiment dommage, je voulais passer du temps avec elle, et je ne savais pasquandseraitlaprochainefoisquej’enauraisl’occasion.

–J’espèrequeçavaaller.– Ne t’inquiète pas. Tu veux venir ici ? Je leur prépare des toasts au fromage fondu

pourledîner,etpuisjevaisleurmettreLeMondedeNemoenespérantqueçalescalme.

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Jen’avais jamais vraiment été avecdes enfants. Enfin,maintenant queRomeetCoraavaientunbébé,j’allaisdevoirm’yhabituer.Maissincèrement,j’auraismarchépiedsnussurdelalaves’illefallaitpourêtreavecelle,alorspourquoipas?

–Oui,donne-moil’adresse.Ellem’adébitéuneadressedansLittleton,et jesuisparti.Jen’aipasprisletempsde

penserquesasœuravaitclairementmontréqu’ellenem’aimaitpas,ouquejen’avaispaslamoindreidéedecequ’ilfallaitfairequandunebandedemômescouraitdanstouslessens.ToutcequicomptaitétaitqueSaintsoitlà,etc’étaitavecellequejevoulaisêtre.

Quandj’aifrappéàlaporte,Saintaouvertavecunairdébrailléetfroissé,maisdelameilleurefaçonpossible.Elleavaituntoutpetitenfantsurlahanche,etunepetitefilleunpeu plus âgée me regardait, cachée derrière ses jambes. Elle m’a souri et a soufflé pourdégageruneboucleroussedesonvisage.

–Jesuiscontentedetevoir.Ehbien,c’étaitlameilleurenouvellequej’avaisentenduedepuisunmoment.–VoiciZoé.Elleafaitunbisousurlajouedubébé.–Breasecachederrièremoietlesgarçons,OwenetKyle,jouentauxjeuxvidéodansle

salon.Jel’aisuiviedanslamaisonetaifaitunclind’œilàlapetitefillequimeregardaitavec

degrandsyeux.–Tasœurn’apasl’airassezvieillepouravoirautantd’enfants.Elleaeuunpetitrireetm’aamenéverslacuisine,oùl’odeurdesoupeàlatomateen

traindemijoterm’adonnél’eauàlabouche.– Elle a commencé jeune, et elle n’a pas l’intention de s’arrêter là. Avec son mari,

Justin,ilsonttoujoursvouluunefamillenombreuse.Elle a regardé la cuisinière, puismoi, etm’a posé le bébédans les bras sans faire de

manières. Nous nous sommes regardés pendant un bon moment, le temps que le bébédécidesiellevoulaitmehurlerdessus,etque jedécidequelétait lemeilleurmoyende laportersansl’écraser.Jesupposequelapetitefilleadécidéquejen’étaispasmenaçant,etelle a essayédepasser sespetitsdoigtspotelésdans l’anneauque j’avais aunez.Saint semoquaitdemoienpréparantlessandwichs,deboutdevantlacuisinière.

L’autrepetitefille,quinedevaitpasavoirplusdequatreoucinqans,s’estapprochéeets’estarrêtéeàcôtédemongenou, lesyeuxlevésversmoi.Saintafaitungrandsourireenlavoyant.

–C’estNash,l’amideTata.Dis-luibonjour.Lapetitenem’a riendit,donc je luiai faitunsourireetai retenuun juronquand le

bébéa réussiàmettre lamainsurmonpiercing,eta tirédessus.Celam’a faitmonter leslarmesauxyeux,maiscelal’afaitriresifortquejen’aipaspum’énerver.

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–Chaud.L’autrepetiteétaittimide,jelevoyais.ElledevaittenirceladeSaint.J’ailevéunsourcil

enlaregardantetelleatendusonpetitindexversmatêteetarépété:–Chaud.Elleparlaitdesflammesquiornaientmoncrâneetlefeuquidépassaitducoldemon

T-shirt,surlequeltiraitlebébé.Saints’estretournéeetm’aregardéavecuneétincelleargentéedanssesyeuxgris.Elle

aavancéets’estaccroupiedevantlapetitefille,etluiatouchélenez.–Tuasbongoût,Brea.Ilesttrès,trèschaud,eneffet.Les trois fillesont exploséde rire tandisque je regardaisSaint sansbouger.Elle s’est

relevéeeta faitunbisou sur la joueaubébé,m’aembrassé sur laboucheetaappelé lesgarçons pour le dîner. Les garçons, comme ils étaient plus vieux, avaient beaucoup dequestions surmes tatouages, sur les écarteurs que j’avais aux oreilles, surmon travail etcomment je connaissais Saint. Ils avaient tellement d’énergie que cela en faisait presquepeur,maisilsétaientdrôles,etglobalementsympas.

Nousavonsmangénotrerepas,etquandtoutlemondeeutfini,j’aiditàSaintd’allers’occuperd’euxpendant que je nettoyais la cuisinede sa sœur.Quand ellem’a souri, il yavaitdanssesyeuxunechoseque jen’arrivaispasà identifier,maisc’étaitchaud,unpeufondant,et j’aiadoréçamêmesinouspassions le rencard leplus« toutpublic»que j’aiejamaisvécu.

LesdeuxgrandssesontinstallésparterreetSaintmoiavonsprisplacesurlecanapé,avec les deux petites filles entre nous. Je n’avais pas l’intention de rester, je voulais êtreparti avant que la sœur de Saint rentre chez elle,mais après cinqminutes de film, Breas’était endormie la tête surmon bras. La toute petite, Zoé, avait grimpé surmes genoux,s’était rouléeenboulecommeunpetitchat,et s’étaitendormieaussitôt.Jenevoulaispaslesdéranger,donc jemesuiscaléet j’ai regardé lepoissonessayerderentrerchez lui.Envoyant le père de Nemo qui n’abandonnait jamais, ne perdait jamais espoir, j’ai fait leparallèleavecmaproprevieetcelam’afaitpenseràPhil.

QuandjemesuistournéversSaint,ellemeregardaitavecdegrandsyeuxetsesjouesétaientrosevif.

–Quoi?Elleasimplementsecouéunpeulatêteetestretournéeaufilm.–Tumesurprendstoujours,c’esttout.J’ai soupiré car cela faisait écho à la dernière révélation que j’avais eue à propos de

notrerelation,etd’elle.–C’esttoiquiessurprenante,Saint.Crois-moi, lapersonnequetuesestremarquable

etexceptionnelle.Situapprendsàlaconnaître,tavieentièrevachanger.

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Elle m’a regardé comme si je disais absolument n’importe quoi, mais je me sentaismieux maintenant que je l’avais dit. Je lui offrirais mon amour inconditionnel si elle melaissait le faire,mais pour cela, il fallait d’abord que j’arrive à la faire pleinement s’aimerelle-même.

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Chapitre16SAINT

C’étaitdéjàdifficiledegarderlecontrôlesurtoutcequeNashprovoquaitenmoi,maisen

voyant un gros dur tatoué porter une petite fille comme si elle était fragile et précieuse,dites-moicommentj’étaiscenséegardermoncœuràl’abridecela?

QuandFaithetJustinsontrevenusàlamaison,touslesenfantsétaientaulitetNashétaitentraindepartir.Jen’aipasmanquéleregardquemasœurluialancéquandiladitau revoir. Elle était fatiguée, elle devait se reposer, et je suis persuadéeque c’est la seuleraisonpourlaquelleellenem’apasfaitlaleçon.Lelendemain,alorsquej’étaisautravail,ellem’a laisséunmessagevocalquidurait facilementvingtminutespourmeraconterquemaintenant, ses deux garçons insistaient pour avoir des tatouages sur le crâne quand ilsseraientassezvieux.Jen’auraispasdû trouverceladrôle, jevoulaisessayerdeprendreàcœur la réaction de Faith. Je savais qu’elle s’inquiétait simplement pour moi, qu’elles’inquiétaitdecequ’ilsepasseraitsiNashmeblessaitànouveau,maisj’avaisencoreentêtelesmotsqu’ilm’avaitditslaveille.

Une partie demoi ne pourrait jamais croire qu’ilme voyait comme il le disait. Je nem’étais jamais vue commeune créature belle et désirable donc je ne le prenais jamais ausérieuxquandilmedisaitcegenredechoses.J’avaisconfianceenmoiautravail, jesavaiscequejefaisaisetjesavaisquej’étaisfaitepourcela.Maismêmes’ilmeregardaitcommesij’étais ledébutet la findetout, jenepouvaispascroirequeNashDonovanpensecelademoi . Et ce n’était pas juste pour lui car j’étais sur des charbons ardents à attendre qu’ilprouvequ’iln’étaitriendeplusqu’unmeccommelesautres.Alorsquedemoncôté,toutceque je faisais était me servir de mes peurs et de mes faiblesses pour surveiller toutes lespartiesdemoiquin’avaient jamaisvraimentarrêtéde l’aimer,etempêchercequ’ilyavaitentrenousdegrandiretdeprospérer.

Je n’avais jamais regretté mon choix de carrière malgré les horaires prenants desurgences.J’étaistoujoursplusheureuse,plusconcentréeetplusàl’aisequandjem’occupais

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desautres,maiscesdernierstemps,jevoulaisavoirdutempspourNash.Jesavaisquel’étatdePhilne s’amélioraitpas,que la finapprochait,etqueNashétaitpresque tout le tempsauprèsdelui.Ilessayaitdetoutgérer,autravailetailleurs,maisilavaitperdudupoids,etchaquefoisquej’arrivaisàlevoir,ilavaitdesombressursonvisagepresqueaussiviolettesquesesyeux,etsamâchoireforteétaitlaplupartdutempscouverteparunebarbedetroisjours.

Iln’yavaitplusdenuitsàlamaison,plusderencardssympasquimefaisaientrire,etles seulsmoments où nous arrivions à nous voir étaient pour un petit séance de sexe detempsen tempsàmidi, cequi faisaitdubien,mais ilmanquait l’intensitéet l’émotiondesrelationsquej’avaisl’habituded’avoiraveclui.Pourquelqu’unquidétestaitêtrenue,j’avaisaffreusement hâte d’avoir le temps de passer des heures dépourvues de vêtements et en-dessousdelui,ouau-dessusd’ailleurs.

Je sortaisde l’hôpital, aprèsmon service, quandSunnym’ademandédepasserdanssonbureau.Cesdernierstemps,nousavionsététropoccupéespourvraimentavoirletempsdediscuter.Sonattitudeoptimistememanquait,ainsiquesafaçondetoujoursessayerdemeremonterlemoral.Jeluiaisourietmesuisassiseenfaced’elle,del’autrecôtédesonbureauencombré.

–Tuvasessayerdemecaseravecunautremédecin?Depuismonrendez-vousdésastreux,lesrumeursavaientvitecouruparmilepersonnel

de l’hôpital. J’étais lesbienne ; j’avais fait une crise d’épilepsie et j’avais dû partir ; j’étaissecrètementmariéeet j’avaiscinqenfants…Etpersonnenevoulait savoir lavérité.Àmongrand étonnement, être au centre de l’attention et entendre des rumeurs sur moi, aussibêtes soient elles, ne me faisait ni chaud ni froid. J’étais trop occupée avec Nash, tropoccupéeàréfléchirauxchosesquicomptaientvraiment,pourmesoucierdetoutcela.

Sunnyalevéaucielsesyeuxnoirsetm’afaitungrandsourire.– Non. Je crois que tes goûts sont un peu plus colorés que la plupart desmédecins

qu’oncroiseici.C’était vrai. Certes, certains médecins avaient des tatouages sous leurs blouses

blanches, mais rien n’était comparable à ce dragon qui faisait tout ce qu’il pouvait pourgarderNashensécurité.

–Tuassûrementraison.Qu’est-cequ’ilsepasse?Tunemedemandesjamaisdevenirparlerdanstonbureau.Engénéral,tumetendsplutôtdespiègesdanslescouloirs.

Ellesouriaittoujoursens’appuyantsurledossierdesonfauteuil.– Eh bien, c’est une conversation un peu plus officielle que lorsque je te harcèle à

proposdetaviesentimentale.J’ai froncélessourcilsetai immédiatementpasséenrevuetoutceque j’auraispumal

fairedurantlesdernièressemaines.Ilestvraiquej’étaisdistraiteàcausedesévénementsdemaviepersonnelle,cequinemeressemblaitpas.

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–Qu’est-cequej’aifait?Elleasecouélatêteetafaitclaquersalangue.–Pourquoitupensestoutdesuiteaupire?Tuesunesuperinfirmière,jeteledistout

le temps.Commentpeux-tu croireque je te traînerais icipour tegronderparceque tuasfaitunebêtise?Jecroisquec’estinsultant,pourtoicommepourmoi.

J’aiavalémasaliveetlesmotsdeNashsontencoreremontésdansmamémoire.–Désolée.C’estl’habitude.–Unehabitudeque tudevraisperdre.Écoute,Saint,Heidiva se fairemuterdansun

hôpitalenFlorideparcequesonmariaunnouveauboulot.Jeveuxquetularemplacesaupostedechefd’équipe.Jesaisquetupensesretourneràl’écoleunjour,maisc’estunetrèsbonne opportunité pour avancer dans le service où tu es.Dis oui, Saint. Ce poste est faitpourtoi.

–Tuessérieuse?J’étais sous le choc. C’était ce que j’avais toujours voulu. De la considération, du

respect, que lemonde reconnaisse que j’étais bonne dans quelque chose que j’adorais. Jen’auraisrienpudemanderdemieux,maispourtant,mêmesilapropositionmerendaittrèsheureuse, c’était l’idée d’annoncer la nouvelle à Faith et à ma mère, et, plus importantencore,àNash,quimeremplissaitleplusdejoie.

–Bon,ilfaudraqu’onfasseunvraientretienavecladirectriceduservice,maisellesaitdéjàquejeveuxqu’ontedonneleposte.

Mon cœur s’affolait rapidement et j’avais envie d’improviser une petite danse surmachaise.

–C’esttellementmotivant.Mercibeaucoup!–Personnenelemériteautantquetoi.Jemesuis levée,ellea fait le tourdubureau,et jemesuispenchéepour lui faireun

câlin.C’étaitvraiquejeleméritais,peut-êtretoutcommejeméritaisdedonnerunechanceàcequ’ilsepassaitentremoietNash.C’estlapremièrepersonnequej’aiappeléeensortantdel’hôpital.

Ilpleuvait.Unepluie torrentielle,etvu laquantitéd’eauquimontaitdans les rues, iltombaitdescordesdepuisunmoment.J’aisautéentrelesflaquesetj’ailaisséletéléphonesonnerencourant jusqu’àmavoiture.Nashn’apas répondu,monappelaatterri sur sonrépondeur,cequiauntoutpetitpeucalmél’excitationquibouillaitsousmapeau.J’aidûme secouer comme un chien pour dégagermes cheveux trempés demon visage une foisdanslavoiture,etj’aidécidéquecelanecoûteraitriendepasseraubâtimentvictorienpourvoir s’il était chez lui. Je voulais qu’ilme soulève en l’air, qu’ilmedonneungrandbaiserpassionné et qu’il me dise à quel point il était content pour moi. J’étais surprise de tantsouhaitercela.

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J’ai allumé la radio et j’ai écouté Her Space Holiday en tournant dans Colfax pourremonterverschezNash.Lapluieétaitmoins forte,mais le tempsque jecoure jusqu’à laporte, en passant devant la Charger garée à sa place habituelle, j’étais complètementtrempée et je claquais des dents. Il ne faisait pas vraiment encore assez chaud pourcompensermesvêtementshumidesetdégoulinants.Jemesuisarrêtéedevantlaporteetj’aifrappé.

Je défaisais ma tresse, essayant de démêler mes cheveux mouillés avec mes doigts,lorsquelaportes’estouverte…etquelemondes’esteffondré.Moncœurs’estarrêté.Monsangaépaissi,estdevenufroidetjemesuissentiebriséepourlasecondefoisàcausedecebelhomme.

Royal se tenait de l’autre côté de la porte, etme regardait avec lamême expressionsurprisequej’avaisprobablement.Jecroisquej’auraispusupporterqu’ellesoitchezNash;après tout, ellem’avaitbienditqu’ilne l’intéressaitpas.Ceque jenepouvaisabsolumentpassupporter,cequiafaitexplosermoncœurenmorceauxsitranchantsquejelessentaismecouperdel’intérieur,étaitqu’elleétaitvêtued’uneserviette,etderiend’autre.

–Saint…J’ai levéunemain et j’ai eu le souffle coupé quandNash est sorti de sa chambre, ne

portantégalementriend’autrequ’uneservietterougeautourdesataillefine.–J’aientenduquelqu’unfrapper?Il frottait une autre serviette sur sa tête et cette scène était tellement intime,

dévastatrice, que j’ai cru que j’allais peut-être m’évanouir. J’ai dû poser une main surl’encadrement de la porte pour quemes jambes ne se dérobent pas. Lorsqu’il a enlevé laserviettedesa tête, sesyeuxse sont fixés sur lesmiens. Jem’attendaisàde laculpabilité,desremords,oudelahonte,maislebleupervencheasimplementbrilléenmevoyant.

–Euh…On aurait dit que Royal allait m’attraper, alors j’ai reculé avant qu’elle puisse me

toucher.–C’estçaquetufaisàtesamies,hein?Ma douleur, mon incrédulité, ma rage se sont agitées dans mon ventre tandis que

j’aboyaisamèrementlesmotslesplusdursquej’aieputrouver.–Jesupposequeleschiensnefontpasdeschats.J’avais envie de lui mettre un coup de poing dans la gorge, mais ce que je voulais

encore plus, c’était remonter le temps et ne jamais, jamais laisser Nash Donovan revenirdansmavie.Sijepensaisqu’ilm’avaitfaitmalavant,levoirembrasseruneAshleyMaxwelladolescenten’arrivaitpasàlachevilledel’idéequ’ilsesoitcolléàlaRoyalsexyauphysiqueparfait. Ce n’était pas une claque au visage ou une piqûre de trahison. C’était lui quimeprouvaitquej’avaisraisondepuisledébutetqu’onnepouvaitjamais,jamaisfaireconfianceaux garçons, avec une jolie fille dans les parages. C’était moi qui avais raison depuis le

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début. J’allais forcément perdre face à une meilleure option, plus facile, plus disponibleémotionnellement.Ilsemblaitquecefaitallaitm’êtrerenvoyéàlafigureencoreetencore,etcescénariomebrisaitentièrementde l’intérieur,enminuscules fragmentsdedouleuretdesouffrance.

J’ai tourné les talons et je suis ressortie sous la pluie pour retourner à la Jettalorsqu’unemainm’atirélecoudeetm’afaitmeretourner.Ilportaittoujourssaserviette,lapluiecoulaitsursatêteraséeetlelongdeslignesdesonfrontplissé.Ilm’asecouéeunpeuetmesdentssesontentrechoquées.

–Qu’est-cequetufous?Elles’estencoreenferméedehors.Ellerevenaitdelasalledesportetelleétaittrempéeàcausedelapluie.Jeluiaidonnéuneservietteetjeluiaiditdemettresesfringuesdanslesèche-linge.Sij’avaissuquetupassais,jet’auraisappeléepourtedirecequ’ilsepassait,pourtedirequ’elleétaitlà.

Je respirais fort et sa main me brûlait le bras. Mon cœur se brisait, je mourais del’intérieur,etilavaitleculotd’avoirl’airsurlepointdes’écrouler.

–Si tuavais suque jevenais, jene t’auraisprobablementpassurpris lamaindans lesac.Jesavaisquec’étaittropbeaupourêtrevrai.Elleestbelle,etfacile.Pourquoitravaillerpourquelquechosealorsqu’onn’aurapeut-êtrejamaisderésultat?Hein?J’aitoujourssuque quand tu trouverais quelqu’un de plus simple, tu la choisirais au lieu demoi. Tu nepeuxpast’empêcherdemebriserlecœur,hein,Nash?

Lapluiequitombaitcoulaitlentementsursontorseetlelongdeslignesdesesabdos.Safaçonderespirer,detrembler,donnaitl’impressionquecedragonessayaitdesortirdesapeau,essayaitdel’emporterloindemesmotspleinsdehaine.Ilafaitunpasenarrièreetatenu lenœuddesaserviette. Ilasecoué la têteet j’aivusabouchese tordreenunrictusdur.Cen’étaitpasseulementsoncorpsquiétaitànudevantmoi,c’étaittoutleresteaussi,toutcequ’ilavait.Toutcelabrillaitdanssesyeuxmagnifiques,maisjemesuisraidieetj’airefusédelevoir.

– C’est ça le truc, j’aurai travaillé jusqu’à en crever, que ça paie ou pas, si ce qu’il yavaitaubout,c’étaittoi.Etjen’auraispasputebriserlecœurcettefois,Saint,parcequetunemelaissespasm’approcherassezpourposerlesmainsdessus.Jet’aiditquejenevoyaispersonned’autrequetoi,quetuétais laseule,quetusoissimpleoupas,etquepersonnen’étaitcomparable.Est-cequecelasemblecorrect?Oui,cela l’ait.Jenesuisniaveuglenibête,maissitusavais…

Ilalâchéunsoupiretaregardéverslecielcommes’ildétenaittouteslesréponses.–…situsavaiscombienjet’aime,putain,tun’auraisplusaucunequestionàteposer,

et tunecroiraispasque jepeuxneserait-cequepenseràuneautre filleque toi.C’est toiquejeveux,Saint.Jeneferais jamaisrienquipeuttefairedumalcarçameferaitautantsouffrir.

Ilasecouélatête,cequiaenvoyévolerdesgouttesd’eaudanstouteslesdirections.

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–Jenesuispastonpère.Jeneteferaisjamaisrevivreça.J’aieulesoufflecoupéetj’aieuenviedeluimettreuneclaque.–Tun’aspasledroitdemedireça.Tunepeuxpasm’aimeralorsquetuasuneautre

filletoutenuedanstonappart.D’aprèscequejevois,tuluiressemblesbeaucoup,Nash.–Non,jen’aipasledroitdetedirequejet’aimeparcequejenepourraijamaist’aimer

assezpour compenser le faitque tu refusesde t’aimer toi-même.Tuaimes tonboulot.Tuaimestafamille.Etputain,jecroisquetum’aimesprobablementaussimaistantquetuneteseraspasréveilléeetque tune terendraspascompteàquelpoint tuesparfaite, tuesincomparableetfantastique,iln’yaaucunespoirqueçamarche.Jepensaisquejemenaisunebatailleperdued’avancecontreuneversionimaginairedemoiplusjeune,quej’essayaisdemebattrecontretouslesautreshommesquit’ontdéçuedanstavie,maismaintenantjesaisquejemebatscontretoi.Jet’aimeSaint,j’aimetoutdetoi,maissitun’ycroispas,alorsjenesaispascommentonpeutavancer.

Jepleurais,jesanglotais,enfait.Meslarmescoulaienttellementqu’ildevenaitflou,etj’espéraissimplementquelapluieallaitmasquerunpeucela.

– Jem’en vais.C’est comme çaque je vais avancer. Je crois que tune connais rien àl’amour,Nash.

Il a tressailli lorsque je lui ai balancé ces mots, et ses yeux sont passés à un indigofoncé,commetoujoursquandilétaiténervé.

–Peut-êtrequ’avant,non,maisaprèstoietaprèstoutcequ’ils’estpasséavecPhilcesderniers mois, j’en sais quelque chose. Je sais que tu mérites d’être mieux aimée quen’importequid’autreaumonde,pourtoutcequetufaispourlesautres.Jesaisaussiquejesuis unmec correct, Saint. Jemérite qu’onme rende lemeilleur amour aussi, et si tu nepeuxpasêtre lapersonnequi le fera,alors je suiscontentquece soit fini. Je t’aurais toutdonné.

Ilm’a tourné le dos et j’aurais juré que sondragon tatoué avec tant de finesse, cettearmurequ’ilportaitpourseprotéger,mejetaitunregardtorve,accusateur,commes’ilmejugeait.

Jemesuisglisséederrièrelevolantdelavoitureetj’aicontinuéàpleurerencherchantnerveusement mon téléphone. Une partie de moi voulait retourner à l’appartement encourant et me confronter à eux deux, les recouvrir tous les deux dema rage et demonchagrin,maislamajeurepartiedemoi,quiétaitsoudainredevenueuneadoperdueetpassûred’elle,nevoulaitques’enfuiretfairecommesiriendetoutcelan’étaitpasentraindem’arriverànouveau.

Lapremièrepersonnequej’aiappeléeétaitSunny.Elleasentiquejen’étaispasbien,etm’aposéunmilliondequestions,maistoutcequej’aipudireétaitquej’avaisbesoindeprendrequelquesjoursdecongé.J’avaispleindejoursdevacancesenréserve,donccelaneposerait pas de problème, à part le fait que je la laissais en plan et qu’il fallait qu’elle

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prépare l’entretien pourma promotion. Rien de tout cela ne comptait pourmoi. Rien necomptait.J’avaisl’impressiondemetransformerenpierre.

Ensuite, j’ai appelé ma mère. J’aurais dû appeler Faith mais elle allait être furieusequand elle saurait que je fuyais encore à cause de Nash. Je ne suis pas certaine quemamère ait compris un seulmot de ce que j’ai essayé de lui dire entremes sanglots etmestremblements,maisellem’aconfirméqu’elleavaitdelaplacepourmoiàPhoenix.

Àminuit, j’avais traversé lamoitiéduNouveau-Mexique,et lorsque le soleil s’est levé,j’étaispresqueàPhoenix. J’ai roulé toute lanuit. J’avaiséteintmon téléphoneaprèsavoirappeléFaithpourluidirequejequittaislavillequelquesjours.Elleétaitenragéepourmoi,elle voulait demander à son mari d’aller tabasser Nash et le laisser en sang, mais celan’aurait jamais pumarcher car sonmari faisait lamoitié de la taille deNash. Et surtout,mêmesijenevoulaispasleluiavouer,jesavaisqu’ilsouffraitdéjà.

Àuncertainmoment,tandisquelalongueautoroutes’étendaitdevantmoi,moncœura arrêté de souffrir et le goût amer de la trahison a quitté ma langue. J’étais toujoursénervée,vraimentencolère,maiscelle-ciavaitchangédeciblemaintenantque l’imagedeRoyal et Nash en serviette ne dansait plus devant mes yeux. J’étais énervée contre moi-même, j’avais peur d’avoir fait une erreur et d’avoir encore tiré des conclusions hâtives etterribles, à causedemon instinctdeprotection. Jem’étais enfuie avantd’y réfléchir.Maismaintenant,avecriend’autrequelaroutedevantmoi,mespenséesquitournaientàcentàl’heure etSeaWolfdans l’autoradio, lesparties lesplus importantesdenotredisputeontcommencéàm’entourercommeunépaisbrouillard.

Toutcequej’entendais,toutcequejesentaism’envelopper,étaientlesmots«jet’aime ». Le pire dans tout cela n’était pas de lâcherNash, ce n’était pas ce que je ressentais àcausedeRoyal, plus belle quemoi ouplus élégante, non…Lepire, c’était que je voulaisdésespérémentlecroire.Jevoulaisluifaireconfiance,jevoulaisacceptertoutcequ’ildisaitvouloirmedonner,maisj’étaistellementaccrochéeàl’idéequ’ilmelereprendrait,qu’ilmedécevrait comme tant d’autres l’avaient fait avant, que j’avais tiré la conclusion la plussimpliste.JesouhaitaistellementcroiresincèrementqueNashpouvaitm’aimer,qu’ilpouvaits’imagineravecmoi.Mêmeaprèscequ’ils’étaitpasséaujourd’hui,jelevoulaisrienquepourmoietcelamedéchiraitcarcelamefaisaitpeur.

Jenepouvaispasl’atteindresijemefaisaisobstacleàmoi-même,maisj’avaisbesoindetemps,d’espacepourdémêler toutcela. Ilavaitditqu’ilmedonnerait tout. J’espéraisquedu tempspourme remettre la tête sur les épaules et essayer dedéterminer ce que j’étaisprêteàrisquerpourluienfaisaitpartie.

Lorsquejesuisarrivéeàlabellemaisondevilledemamèrelelendemainà6h30,ellem’ajetéuncoupd’œil,m’aserréedanssesbras,etm’amiseaulit.J’aidormiquasitoutelajournée,etjenemesuislevéequelesoirpourqu’ellemedonneunsandwichaubeurredecacahuèteetàlaconfiture.Lelendemainmatin,j’aiprisunedoucheetmoncourageàdeux

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mainspourallumermonportable.Jen’avaisaucunappelmanquénimessagedelapartdeNash,etjenesavaispassijemesentaismieuxouencorepired’avoirlaisséleschosesainsi.

Jesuisdescenduedanslacuisineetj’aiprisunmuffinquemamèreavaitdûlaissersurleplande travailpourmoi.Je l’aivue,assisesur lebalconsurplombant le terraindegolfquijouxtaitsamaison.Jemesuisserviunetassedecaféetjesuisalléelarejoindre.Ellem’aregardéedespiedsàlatêtepar-dessusseslunettes,etm’asouri.

–Tuastrèsmauvaisemine.J’aipousséunlongsoupiretmesuisenfoncéedanslachaiseenfaced’elle.–Jemesuisfaitarracherlecœur.Maminereflèteexactementlafaçondontjemesens.–Jenesavaismêmepasquetuvoyaisquelqu’un.J’airepoussélescheveuxquiétaientsurmonvisageetj’airegardélepaysagedésert.–Jenesuispassûredecequejefaisaisaveclui,maisjesavaisqueçaallaitfinircomme

ça.–Comment?–Commentquoi,Maman?–Commenttusavaisqueçaallaitmalfinir?Je l’ai regardée,vraimentregardée,et j’aiétésurprisedevoirmamère,celled’avant,

qui me regardait. Quitter Brookside avait fait des merveilles pour elle. Elle avait l’air enforme, sainede corps et d’esprit, et j’étais prête à parier que sa tasse de café n’avait plusriend’unIrish.

–Parcequ’ilm’avaitdéjàbrisélecœurunefois.ParcequePapaettoi.Parcequemoi…Jesuistellementbousillée,commentest-cequeçaauraitpusefinirautrement?

–Qu’est-cequ’ils’estpassé,Saint?Jenepensaispasvouloirrevivretoutça,maisavantquejepuisseempêcherlesmotsde

sortir, toute l’histoire, en commençant par le jour où je l’avais vu quandRome s’était faitpoignarder,estsortiedemabouchedansuntorrentincontrôlable.Lorsquej’ensuisarrivéeà lascènede laveille,elle fronça lessourcils.Maisquand je luiairacontéqueNashavaitditqu’ilm’aimait,elle s’estmiseàhocher la têteenmesouriant. J’ai trouvécette réactiontotalementinjustifiéejusqu’àcequ’ellesepencheenavantetposelamainsurmongenou.

–Mapuce,ilfautquetulaissescegarçont’aimersic’estceluiqu’iltefaut.J’aieuunmouvementdereculetaiposématassesurlatableavecunbruitsec.–Tuas loupélemomentoùilyavaitunebelle fille toutenuechez lui?Comment je

suiscenséeignorerça?Ellealevéunsourcil.–Danstoncœur,tupensesvraimentqu’iltetromperait?Qu’ilferaitquelquechosequi

compromettraittoutletravailqu’ilafournipourquetulelaissest’approcher?–Pourquoipas?

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–Saint,tunecomprendspasquelaquestionest«pourquoileferait-il»?Pourquoiest-cequ’il tetromperaitalorsquetuesvisiblementcequ’ilveut?Pourquoiest-cequ’ilauraittravaillésidurpourt’atteindre,tolérétescomplexesettesbizarreries,faitdelaplacepourtoidanssaviechargée,sic’étaitpourtoutfoutreenl’airàlamoindreoccasion?Est-cequ’ilestidiot?

–Non,ilesttrèsintelligent,maisPapaaussi,etilt’atrompée.Elleafaitunepetitegrimaceinvolontaireetj’aiouvertlabouchepourm’excuser,mais

ellem’afaitunsignedelamainpourdirequecen’étaitpasgrave.–Tonpèrem’atrompéeparcequ’ilnem’aimaitplusetqu’ils’ennuyait.Ilm’afallutout

ce tempspour le reconnaître.C’était un lâche, et au lieudemedire qu’il n’avait plus lesmêmessentimentspourmoi,ilatrouvéunemaîtresse.Tonjeunehommenemesemblepasêtrelâche,Saint.Ilm’al’aird’êtreunhommequiestprêtàmettresoncœurendangerpourtoi.

J’ai soufflé d’agacement et me suis laissée tomber en arrière dans le siège, les brascroisés.

–Pourquoituesdesoncôté,Maman?–Parcequejet’aime,etmaintenantjemerendscomptequej’aipuavoirunrôledans

touslesproblèmesquetuasetquit’empêchentd’êtrevraimentheureuse.J’aiétédureavectoi, j’avaisdumalàaccepterque tusois sidiscrète,et je t’embêtaisavec tonapparenceettonmanquedeviesocialequandtuétaisplusjeune,parcequejepensaist’aider.JepensaisquesitutecomportaispluscommeFaith,situavaisl’airunpeuplussoigné,çaterendraitlavieplusfacile.Lesenfantspeuventêtrecruelsetjenevoulaispasquetuvivesça.J’auraisdû reconnaître la fillemerveilleuse que j’avais, au lieu d’essayer de faire de toi ce que tun’étaispas.

–OhmonDieu,Maman.Elleaenlevéseslunettesdesoleiletm’aregardéedroitdanslesyeux.–Écoute,chérie,j’aiaimétonpèretoutemavie.Ilétaittoutpourmoi,etoui,j’aipété

lesplombsquandjel’aiperdu.Jepensaisquemavieétaitfiniequandilm’aquittée,maisjene changerais rien à ce qu’il s’est passé. À un certainmoment, notre amour était la plusbellechoseaumondeàmesyeux;ilvousafaitnaître,toiettasœur,etilm’adonnéuneraisond’êtrecontentedemeleverlematin,touslesjours.Ças’estpeut-êtremalterminé,çam’apeut-êtrefaitplusmalquecequejepensaispossiblequandilestparti,maispourrienau monde je n’échangerais un seul moment de cette histoire. Je n’échangerais pas ladouleurquej’airessentie,pourlafamillequenotreamouracréée,Saint.

J’ai senti des larmes me monter aux yeux et j’ai dû cligner les paupières pour leschasseravantdepouvoirluirépondre.

–Tucroisqu’unjour,tuarriverasàpardonnerPapapourcequ’ilafait?Elleamurmuréquelquechoseetapenchélatêteenmeregardant.

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– Pour avoir abandonné notre famille, pour vous avoir fait du mal… Non, je ne luipardonneraipas.Cequejepeuxfaire,c’estreconnaîtrequenoussommestoushumainsetcapables de prendre demauvaises décisions sans penser aux répercussions à long terme.Saint, tu as dû venirme chercher au poste de police parce que j’avais essayé d’assommerune femme avec un flacon de sirop d’érable.On fait tous des erreurs, certaines pires qued’autres.

–Jeneveuxpassouffrircommeçaàcausedeserreursdequelqu’und’autre,Maman.JeneparlaispasquedeNash,etellelecomprenait.–Saint,c’estquandonsouffrequ’onsaitquec’estréel.S’iln’étaitpasimportant,sice

n’était qu’un mec parmi tant d’autres, même à l’époque, ça ne t’aurait pas poursuiviecommeça.Tunepeuxpaséchapperàcequeturessens,mêmesicertainesémotionssonthorribles,carl’amourt’ouvreàdessentimentsquetun’asjamaisconnusavant.

–C’estleseulquim’afaitressentirquoiquecesoitdecegenre.C’étaitaussi le seulquime faisait ressentirdudésir,de l’espoir, etunchagrinquime

tordait les boyaux quand je l’ai vu se débattre avec la vérité sur son père, puis avec lamaladie.

–Qu’est-cequetupensesmériter,chérie?Sicen’estpascemec,etcequ’ilaàoffrir,alorsqu’est-cequec’est?

–J’aiunsuperboulotetjetravailledur.Jemesouciebeaucoupdesautresetjeméritequelqu’unquiapprécietoutça.

–Etcemecauxtatouagesnelefaitpas?J’aifaitlamouecommeunenfantpriseenfaute.–Si,enfait,beaucoup,même.C’estunedesqualitésqu’ilpréfèreenmoi.Ilm’aditque

jeméritaislemeilleurpourcequej’étaisprêteàfairepourlesautres.–Quoid’autre?–Commentça,quoid’autre?Ellem’a lancéunregard insistantet s’estpenchéepourprendremonvisageentreses

mains.Elleaécrasémamoueaupointquej’étaissûrederessembleràuncanard.–Tuesincroyablementbelle,tuesdésirableetpleinedevie,ettul’astoujoursété.Tu

méritesquelqu’unquitevénère,quiteregardeetsaitquepersonnen’estaussiparfaitquetoi.

Maintenant, je ne pouvais plus retenir mes larmes. Ma mère et moi n’étions pasvraiment sur la même longueur d’ondes, jamais, mais l’entendre me dire cela a libéréquelquechoseenmoiquiétaitcoincédansmonsubconscientdepuistoujours.J’aipassémesmainsrapidementsurmes jouesetaicligné lesyeuxpourchasser les larmesaccrochéesàmescils.

–Ilmedittoutletempsquejesuisparfaite.–Tuesamoureusedelui?

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J’aihochélatêtetristement.–Jeneveuxpasl’être,maisjen’aipaspul’empêcher.–Parcequeçadevaitarriver.Jemesuisétrangléeenriantetaireprismoncafé.–Quiêtes-vousetqu’avez-vousfaitdemamère?Elleatendulebrasetapasséunemèchedecheveuxderrièremonoreille.– Tu es revenue à la maison pour essayer deme sortir dema déprime. Tu nem’as

jamais laissée tomber quand j’étais horrible avec toi et avec ta sœur. Tu es venue mechercherauposteettun’asjamaisarrêtédem’aimer.Mêmeavectoutlechaosquetonpèrenousafaittomberdessus,tun’asjamaisarrêtédetesoucierdelui.Jeveuxcequ’ilyademieuxpourtoi,etmêmesijepréféreraisunmédecinqu’untatoueur,j’accueillerain’importequel homme qui peut te faire sortir de cette petite bulle sécurisée et ennuyante danslaquelle tu vis.Maintenant va t’habiller, et on va faire du shopping comme font les gensnormauxquandleurcœursaigne.

Jenevoulaispasallerfairelesmagasins,niallermangeraucountryclubàmidi.Jenevoulaispasalleràunedégustationdevincesoir-là,niaurestaurantdetapasavecmamèreettoutessescopinesdivorcéeslelendemainsoir.Àlafindelatroisièmejournée,j’auraispum’arracherlescheveux.Jem’ennuyais,masœuretmonboulotmemanquaient,etj’enavaisappris beaucoup trop sur la nouvelle vie sexuelle demamère. Et surtout, tout ce que jevoulaisétaitretournerdanslesmontagneset,entoutehonnêteté,retrouverNash.

Lequatrièmejour, j’aicraquéet jeluiaienvoyéunmessage.Toutcequej’aitrouvéàdireétait:Jesuisdésolée.Ilfautqu’onparle.

Commeiln’apasrépondudetoutelajournée,j’aidécidéquec’enétaitassez.Sij’étaismonpropreobstaclepourêtreaveclui,alorslaseulefaçond’yarriverétaitdelesurmonter.J’avais toujourspeur, j’étais toujours inquiètedenepasêtreassez,denepasêtrecapabledeluirendretoutcequ’ilsemblaitprêtàdéposeràmespieds,maisrentreràlamaisonluifaireface,et fairefaceà lapersonnequ’ilvoyaitenmeregardant,était lapremièreétape.Toutlemondeméritaitdel’amouretdelagentillesse.Voircette jeunefillemettrefinàsavieavaitconfirmécelaplusclairementquen’importequoid’autre.IlfallaitquejeprennecequeNashmedisaitaupieddelalettre.Personnenem’aimeraitjamaismieuxquelui.

Jen’avaiseffectuéquedeuxheuresdu trajetdedouzeheuresquim’attendait,quandj’aireçuunappeld’unnumérodetéléphonequejeneconnaissaispasetcomportaitlecoderégional303.J’aipenséquec’était le travail,quecelaavaitun lienavec lebouloten toutcas,alorsj’airépondu.

–Allô?–Saint.Ilm’afalluunesecondepourreconnaîtrelavoixdeRoyal.–Tuesoù?

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–JequittePhoenix,jerentre.Pourquoi?Commenttuaseumonnuméro?– Je sais que je suis la dernière personne à qui tu veux parler, mais plus vite tu

reviendras,mieuxcesera.Etjesuisflic,àtonavis,commentj’aieutonnuméro?Elleparlaitviteetunfrissondésagréablem’aparcourul’échine.–Qu’est-cequ’ilsepasse?Elleasoupiré.–Tuas étéunevraie connasse, tu sais ?Engénéral, jeneparlepasdemonhistoire

auxgens,demamèreetdutrader,maisj’aipenséquecommetun’aimaispasqu’ontejuge,tucomprendrais.C’étaitvraimentméchantcequetum’asdit.

Bonjour,voilàuneleçondeviedansmagueule.Jel’avaispresquetraitéedepute, luiavait dit qu’elle ne valait pasmieux que samère. Je ne le pensais pas vraiment, je ne laconnaissais pas assez bien pour porter ce genre de jugement. Je m’étais simplementdéfouléecommeuneidioteparcequej’étaisblesséeeténervée.Sij’avaispenséunesecondecontinueràmeservirdecequeNashavaitditparlepassécontrelui,celavenaitdepartiren fumée. Je ne pouvais plus le lui reprocher alors que j’avais fait exactement la mêmechose.Heureusement,contrairementàmoi,Royalsemblaitprêteàacceptermesexcuses.

– Je sais. Je suis désolée. C’était difficile de tomber sur cette scène. J’ai tiré desconclusionshâtivessansécoutervosexplications.

–Bon,c’estvraiquelasituationn’étaitpasgéniale.J’aifaitfaireunetonnededoublesdemesclésetlamoitiédeDenverestprêteàvenirm’ouvrirsijem’enfermeencoredehors,maisbref, il fautque tu ramènes ton joli petit cul ici. L’étatdePhil a empiré très vite. LapetiteblondegrandegueuleaveclebébéestvenurécupérerpleindetrucspourNashparcequ’iln’apasquitté lachambredePhildepuisque tuespartie.Çanesentpasbon.Tunevoudraispasquetonhommetraverseçatoutseul.Ilabesoindetoi.

Et là je crois qu’ai compris ce que j’étais censée retenir de tout ce cauchemar : il nefallaitpasprêterattentionauxremarquesdegensquin’envalentpaslapeineetsurtoutnepassefierauxapparences.Ilfallaitquej’aiefoienlespersonnesconcernées,ycomprisenmoi.Deserreursallaientêtrecommises,celanevoulaitpasdirequejedevaisrenonceràmavieetàmonbonheurpourcela,surtoutalorsqueNashm’avaitmontréàmaintesreprisesqu’ilvalaitlapeinedepasseroutreladouleuretlaconfusion.

–JeneseraiàDenverquetardcesoir.Elleaémisunsonguttural.–J’espèrequelepèredeNashtiendrajusque-là.Jel’espéraisaussi.–Mercidem’avoirprévenue.–Jet’aiditquejevoulaisqu’onsoitamies.– Je crois que je suis enfin prête à te croire. Je suis une fille bizarre et névrosée, en

revanche.Jenesuispassûrequeçafassedemoiunesuperamie.

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Elleariunpeu,mêmesielleavaittoujoursl’airtriste.–Onatousdessoucis,Saint.Deschosesquinouspourrissentlavie,quifontquec’est

durdesevoircommelesautresnousvoient.Partagerceschoses,c’estlaseulefaçondelesdépasser.

Jeneluiaipasditquej’avaisrécemmentcompriscela.SijenerevenaispasàDenveràtemps, c’était une chose de plus que j’allais devoir dépasser. Je ne me le pardonneraisjamaissiNashdevaitfairefaceaudécèsdePhilsansmoi.Certes,ilavaitunepléiaded’amisqui l’aimaient inconditionnellement, qui l’aideraient à vivre son deuil, mais comme Royall’avaitdit,ilavaitbesoindemoi.Personned’autrenemeremplacerait.Etc’estainsiquej’aicompris que l’aimer en retour, lui donner tout ce qu’il me donnait, ne serait pas unproblème,carj’avaisbesoindeluietdepersonned’autre,exactementdelamêmefaçon.

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Chapitre17NASH

R oyal s’est confondue en excuses quand je suis revenu dans l’appartement. J’ai fait un

signedelamainpourluidiredenepass’inquiéteret jesuisallém’habiller.Jesavaisqu’àpremière vue, la situation laissait à désirer,mais celame faisait l’effet d’un coup de pieddanslescouillesqueSaintneprennepasuneseulesecondepourqu’onenparle.Elleavaitautomatiquementprésumélepiredecettesituationetdemoi,etc’étaitnul.C’étaitvraiqueje l’aimais, que je voulais quenous vivions quelque chosede réel, une chose à laquelle jepourraismeraccrochertandisquetoutlerestedemaviepartaitenvrille.Celamebrisaitlecœurqu’ellemeretirecela,maissurtout,celamefaisaitm’étoufferdedéception.

Jeme suishabillé, j’ai attenduque le serrurierarrivepourpermettreàmavoisinederentrerchezelle–unedeuxièmefois–puisj’aiprislaroutedechezPhil.C’étaitcommesisavien’étaitplusquedesgrainsdesablesdansunsablier,etquelesablecoulaitsoudainbeaucoupplusvite, et je levoyais.Alorsenplusd’avoir le sentimentd’avoirétémisK.-O.parSaint,j’avaisl’impressionquePhilmelaissaitenplanaussi.Jesavaisquecen’étaitpasrationnel,maiscelanechangeaitrienàcequejeressentais.

Assisàsonchevet,jerésistaisàl’envied’envoyerdesmessagesàSaint,d’essayerdeluibalancer touteune suited’explications,de la supplierdemedonnerune chance etdenepasabandonnercequenousétionsentraindeconstruire,deluidirecombienj’avaisbesoind’elle, que je ne pouvais pas faire cela, regarder Phil s’éteindre, sans elle. Je m’en suisempêché.Jenepouvaispaslefaire.Jel’aimais,maisjem’aimaisaussi.Celafaisaitmal,maisc’étaitlavéritébrute.

Quelquesjoursaprèslagrossescènedeménage,j’aiétésurprisquandellem’acontactéavecsonmessagetoutsimple.Jenesavaispaspourquoielleétaitdésolée.Peut-êtred’avoirarraché mon cœur et de l’avoir déchiré, d’avoir ignoré mes sentiments, d’avoir tiré desconclusionshâtives,dem’avoir fuipour la seconde fois sansme laisserm’expliquer,denepas croire en moi, en nous, pour tout cela ? Je ne savais pas quoi lui répondre et Phil

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commençait à ne plus être lucide, donc je ne voulais pas passer du temps à essayer deréparercela.Surtoutpasalorsquec’étaitellequil’avaitcassé.

Uninstant,Philsavaitquiilétait,qu’ilétaitàDenver,quij’étais,etlaminutesuivanteilétaitderetourdans laMarine,ousur lacôteouestàrevivreses joursdefêtesendiablées.J’essayaisdefaireensortequ’ilsoitàl’aise,ilyavaitdesinfirmièreschezluipresquevingt-quatre heures sur vingt-quatre, mais le cancer gagnait évidemment du terrain, et sedéplaçaitverssesorganesvitaux.Letempspassaittropvite.Jen’étaispasalléautravaildetoute la semaine, heureusement que j’avais non seulement les meilleurs amis du monde,mais aussi les meilleurs collègues, et qu’ils faisaient tout pour rattraper le bordel que jelaissaisderrièremoi.Jesavaisqu’ilss’inquiétaienttouspourmoi,qu’ilsétaienttristesàcausedecequ’ilarrivaitàPhil,maisàcemoment,nousavionsbesoindecetempsrienqu’ànousdeux,etjepensequ’ilsrespectaienttouscela.

J’étais assis dansmon fidèle fauteuil inclinable, en train de regarder une émissiondesportd’unœilabsent,quandPhilatenduunemaintremblotanteversmoietl’aposéesurmonbras.J’aicoupélesondelatéléet j’aibaissélesyeuxverslui.Sesyeux–mesyeux–étaientchassieuxetteintésd’unetouchedejaune,maisilsétaientfixéssurmoi.

–Faisquelquechosepourmoi,monfils.J’aisentimarespirationsecoinceretmespoumonssefermerdouloureusement.C’était

lachoselaplusdifficilequej’avaiseueàvivre,encomptantlefaitquej’avaisdûenterrerundemesmeilleursamisbeaucouptropjeune.

–Oui,Phil,toutcequetuveux.Ses doigts se sont serrés sur lemuscle demonbras et je l’ai vu tenter deme sourire

derrièresonmasqueàoxygène.–J’aieuunebonnevie,tusais?Ilabougésatête,probablementpouressayerdefaireunsigneaffirmatif.–J’aivoyagéàtraverslemonde,j’aivudeschosesincroyables.J’ailancéuneentreprise

florissanteàmafaçon,etjen’aijamaisdûobéiràunpatron.Jesuistombéamoureux,etj’aiarrêtéd’êtreamoureux,unecentainedefois.J’aiaidéungroupedegaminsfantastiquesàseconstruireleurproprefamille,etjet’aieu,toi.J’aizéroregret,etmonplusgrandespoirestquetuvivestaviedelamêmefaçon.

Ilavaitl’airàboutdesouffle.J’entendaiscombienc’étaitdurpourluidefairesortirlesmots.J’ailâchéunsoupiretmesuisforcéàsourire.

–Ehbien, jen’aiétéamoureuxqu’uneseulefois,etçan’apasvraimentmarché,maispourlereste,jepeuxfairedemonmieuxpouryarriver.

–L’infirmière?–L’infirmière,ai-jeconfirmé.–N’abandonnepastoutdesuite,Nash.Siellecompte,situlaveuxrienquepourtoi,

nelaissepastomber.

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–Etsic’estellequim’alaissétomber?– Alors aime-la assez fort pour qu’elle n’ait pas d’autre choix que de changer d’avis.

Unepartiedemois’esttoujoursdemandésijen’avaisabandonnétropviteavectamère.Rhaaa… Elle était la dernière personne dont je voulais entendre parler. Ma mère

n’avaitpassaplaceici.–Peut-être.C’estcequetuveuxquejefasse,quejevivemaviesansregrets?Sesyeuxsesont fermésetsamains’estdesserréesurmonbras.Moncœurs’estmisà

tambouriner.Chaquefoisqu’ilfermaitlesyeux,jemedemandaiss’ilallaitlesrouvrir.– Je veux que tu m’appelles Papa. Je n’ai jamais eu droit à ça, je n’ai jamais eu le

couragedeledemander,maisjeveuxquetumevoiescommetonpère.C’esttoutcequejeveux.

Putaindemerde.Jen’arrivaispasàréfléchir,jenepouvaispluscontrôlermonrythmecardiaque. Ilme fallait une cartouche de cigarettes et un cubi de tequila pas chère poursurvivreàcela.J’avaisenviedemeleveretdesortirquelquesminutespourmeremettrelesidéesenplace,maisc’étaitdutempsavecluiquejenerattraperaisjamais.

–Phil…Papa.NomdeDieu,c’esttoiquim’asélevé.ToutcequeMamanetcetrouduculontfait,c’étaitessayerdemebriser,demefairerentrerdansunecasetroppetite.Tuesleseulparentquej’aiconnu,etpeuimportecommentjet’appelle.

–Mais«Papa»,c’estjoli.C’étaitlaseulechosequej’aivraimentvouludetoi.Sa respiration saccadée s’est un peu calmée et j’ai remarqué que sa bouche s’était

détenduesoussonmasque.Sontorsemontaitetdescendaittoujours,doncj’aisupposéqu’ils’était simplement rendormi, et jeme suis réinstallé dans le fauteuil. C’était brutal. Je nesavaispascommentj’allaissortirdecelasansêtrefondamentalementtransformé.

Je me suis levé et je suis allé dans la cuisine pour voir si je trouvais une bière ouquelquechosedeplusfort.J’étaisappuyécontreleplandetravail,latêtebaissée,etjenesavaispas si jevoulaispleureroucasser tout cequime tombait sous lamain.C’était tropd’émotion,tropdesentimentsàassimilerpouruneseulepersonne.Ilss’emmêlaienttous,ilsm’engloutissaient,etj’avaisl’impressionquej’allaisétouffersousleurpoids.

Jenesaispascombiendetempsjesuisrestéainsi,combiendetempsj’aidûmerépéterdecontinueràrespirer.Auboutd’unmoment,onafrappéàlaporte;etjemesuisrenducomptequ’ilétaittrèstardetquej’étaisperdudansmespenséesdepuisunbonmoment.

Il étaitautourdeminuit,personnen’auraitdûêtre là,maismesamisne respectaientpasvraimentlesrèglesetRuleavaitunsixièmesenspoursentirquandleschosesn’allaientpas avecmoi, donc je n’aurais pas été surpris qu’il fasse une inspection surprise. J’ai faitroulermesépaulesraidesetpenchémanuquejusqu’àentendreunméchantcrac,etjesuisalléjusqu’àlaported’entrée.Jel’aiouvertesansréfléchiretj’aifaillitomberleculparterrequanduncorpsdouxs’estjetésurlemiendèsqu’elleapusefaufilerparlaporte.

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Mesbrassesontrefermésautourdesafinetailleparréflexe,tandisquelessienssontpassés derrière ma nuque. Elle a enfoui son nez dans mon cou et ses vagues infinies decheveuxrouxsesontenroulésautourdemesbrasetmesmains.J’aisentideslarmessursonvisagequandelleafrottésajouesurmamâchoirepiquante.Ellen’ariendit,ellemeserraitsimplement fortetellepleurait,pourmoi,pourelle,pournous,et jesuisresté là,bouchebéeet indécis. Je savaisunechose : sielleessayaitànouveaudepartir, jene la laisseraispasfaire.Jel’aimeraistropfort,jem’accrocheraistropfort…ToutcommePhill’avaitdit.

–Saint?Ses bras se sont serrés encore plus fort autour de mon cou et elle s’est penchée en

arrièrepourquenoussoyonsfaceàface.Cegrisétaitdel’argentscintillantetclairderrièreunvoiledelarmes.Elleétaitlaplusbellechosequej’aiejamaisvue,etlaplusbienvenue.

–Nash,oh,monDieu…Elles’estmordulalèvreetaprismonvisageentresesmains.–Jesuisvraimentdésolée.J’ai levé un sourcil et ai levé les bras pour passermes doigts autour de ses poignets

délicats.–Jesais,j’aieutonmessage.Maisjenesaispasdequoituesdésolée.Elle m’a regardé sans rien dire et je la voyais lutter pour mettre ses pensées dans

l’ordre.Elleétaitmignonnequandelleétaitgênée.–Jesuisdésoléedenepasavoireufoientoi,etenmoi.Jem’aimevraiment,Nash.Je

croisqu’il a falluque je voieunevie vécue seuleet apeuréepourm’en rendre compte. Jecroisquetuaspeut-êtreouvertlaporteàcoupsdepiedetjenepeuxplusfairecommesijene voyais rien. J’ai beaucoupàoffrir et jemérite carrément lemeilleur amourqui soit. Jeméritetonamour.

Tous cesmorceauxdemon cœurdont je pensais qu’elle les avait emportés avec elle,elleatendulamainetlesaremisenplace,maisenmieux,d’unemanièreplusrésistante.

– Tumérites absolument tout ce que tu veux, tu mérites tout ce que tu as toujoursvoulu,Saint.

Ellem’asouri,maisc’étaitunsouriretimideetunpeuanxieux.–Cequejeveuxdepuistoujours,àpartdevenirinfirmière…c’esttoi.Putain,jet’aime

tellement,NashDonovan.Jel’aisoulevéedansuncâlinàluicasserlescôtesquil’afaitcouiner.Jel’aiembrassée

si fort que j’ai été étonné que cela ne nous fasse pas mal. Je l’ai reposée, je l’ai tirée àl’intérieurdelamaisonetaifermélaporte.

–Maisqu’est-cequetufaisici?Jenesavaispaspourquoielleétaitchezmonpèresi tard.Nonpasquejenesoispas

soulagéde la voir.Rien qu’en étant elle-même, elle avait déjà allégé certaines des chosessouslesquellesj’avaisl’impressiondemenoyer.

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– Je suis allée à Phoenix pour voir Maman. J’étais blessée et j’ai réagi comme unegamine paniquée. Je ne réfléchissais pas, je n’écoutais pas et j’ai pensé que la distancem’aiderait.Onadiscutéàcœurouvert,avecmamère,et jemesuisrenduecompteque jenepouvaispascontinueràmevoirà traversd’autresyeuxque lesmiens.Onfait tousdeserreurs,onditdeschosesblessantessansypenser,maisçanedéfinitpasquionest.J’étaisentrainderentreràlamaisonquandRoyalm’aappelée.ElleacroiséCoraetelleaapprisquePhiln’étaitpasen forme.J’aidépassé toutes les limitationsdevitessequiexistentd’iciauNouveau-Mexique. Je neme le serais jamais pardonné si tu avais dû traverser ça toutseul.

Merde,qu’est-cequejel’aimais.–J’aibesoindetoi.Mavoixs’estbriséelorsquej’aiditcela,etlesémotionsquej’enfouissaispourgarderla

têtehorsdel’eausesontmisesàremonter.–Jesais,etj’aibesoind’êtrelàpourtoi.C’estcommeçaqueçamarche,l’amour.Ellem’aprislamainetl’aserrée.–Commentva-t-il?J’ai secoué la tête et l’ai laissée tomber en avant. Elle a posé unemain derrièrema

nuqueetafrôlélebasdemajouemalraséeavecseslèvres.–Pirechaquejour.Jenel’aipasbeaucouplaisséseul.Ilremonteetreplonge,iloublie

oùilest,etàquellepériodedesavieilest.Lesinfirmièrespensentquec’estunequestiondejours,peut-êtremêmed’heures.

Ellem’aattiréencoreplusprèsd’elleetjemesuiseffondrédanssesbras.Sescheveuxétaient tellementdoux,elle sentait leprintempset le soleilmêmesinousétionsenpleinenuit.

–Jesuisdésolée.Çadoitêtreterrible.Est-cequejepeuxfairequelquechosepourtoi?Jel’aiembrasséederrièrel’oreilleetjel’aisentiefrémircontremoi.–Ça,c’esttout.Àmoinsquetuveuillescéderetallermechercherunpaquetdeclopes

etunebouteilleoudeux.Elleareculéetm’ajetéunregardnoir.Jeluiaifaitungrandsourire.– Je déconne. Rien que de t’avoir ici, ça rend les choses moins difficiles. Je suis

tellementcontentquetuvoiesenfincombientuesformidable.– Bon, il y aura peut-être encore quelquesmoments compliqués de temps en temps,

doncilfaudraquetusoispatient,maisjemedisquesiquelqu’und’aussigénial,talentueuxetattentionnéquetoipeutêtreamoureuxdemoi,alorsjedoisêtreassezexceptionnelle.

La seule réponse que je pouvais apporter était de l’embrasser encore. Dans d’autrescirconstances, j’aurais trouvé le coin leplusprocheoù j’auraispumeperdreenelle,maisaussi content que je sois de l’avoir ici, qu’elle soit officiellement mienne, j’avais toujoursd’autresaffairespressantessurlesbras.J’aisoupirécontreseslèvresetaifermélesyeux.

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–IlfautquejeresteavecPhil.Jenepeuxpasêtreailleurss’ils’enva.Elleasoupiréàsontour,nousrespirionschacunl’airdel’autre.–Jenevaisnullepart,Nash.Situeslà,alorsmoiaussi.Jevoulaislacontredire.Jen’étaispasvraimentfandel’idéequ’ellemevoiedansuntel

état,aussivulnérable,maisjedevaisadmettrequecelamedisaitbiendel’avoirprèsdemoipourmereposer surelle. J’aiavalémasaliveet l’aiamenée jusqu’à lapièceoùétaitPhil.Elle amis unemain sur sa bouche et j’ai vu ses doigts trembler. Une couche brillante delarmesfraîchesarecouvertsesyeuxquimebrisaientlecœur,maiselles’estrepriseets’estéloignéedemoipouralleràsonchevet.Elleregardaitpartoutetatouchésonpoignetavecsesdoigtsdélicats.J’aicomprisavecunpeuderetard,enm’affalantdanslefauteuil,qu’ellefaisaitsestrucsd’infirmière.Elleestrestéelàunebonneminutepuiss’estretournéeversmoiavecuneexpressionanéantie. J’allaisme leverpouraller chercherunautre fauteuil,maiselles’estfermementinstalléesurmesgenouxets’estrecroquevilléepourseretrouvercolléecontremontorse.

–Sonpoulsestvraiment faible,àpeineperceptible ; sa respirationest superficielleetdifficile.

–Ouais.Elleasecouélatête.–Jesuisvraimentdésolée.J’aieuunpetitrireetluiaifaitunbisousurledessusdelatête.–Tun’arrêtespasdedireça.–Parcequejesuisvraiment,vraimentdésolée.Je l’ai attirée aussi près demoi que je le pouvais, et j’ai regardémon père avec une

sensationdevidedansleventre.–Jesais. Ilm’aditdenepasvivremavieavecdesregrets,cesoir. Ilm’aaussiditde

t’aimer si fort que tu ne pourrais pas t’en échapper, et puis il m’a demandé de l’appelerPapa.

Mavoixs’estbrisée,etpourlapremièrefoisdepuisquetoutcelaavaitcommencé,toutcequejeressentaiss’estmisàsortir.Heureusementqu’ilfaisaitnoir,etquelaseulequiaitpus’enrendrecompteétaitSaint.Unelarmes’estéchappéedemonœildroitets’estperduedans ses cheveux vifs. Elle a posé lamain surma poitrine et a tapé des doigts aumêmerythmerapidequeceluidemoncœur.

–Tupeuxfairetoutçapourlui.Savoixétaitdouceetgentillecommesiellecraignaitdemefairepeur.–Maintenantquetueslà,jepeux.Nousnous sommes tus, nous nous tenions dans les bras, dans le noir, et nous avons

attendudevoir cequenous réservait le lendemain.Je savaisquequoiquece soit,nousy

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ferions face ensemble et cela rendait légèrement plus supportable l’idée d’affronterl’inévitable.

Lelendemain,Philseréveillaitetreplongeait.Parfois,ilsavaitexactementquij’étaisetiln’arrêtaitpasdeme fairedegrands souriresetde regarderSaint. Je luiaidemandéderentrerchezelle,jeluiaiditqu’ellen’avaitpasbesoinderester,d’autantqu’elleavaitdéjàmanqué plusieurs jours de travail, mais elle était intraitable. Elle courait partout, faisaitl’infirmière, la petite amie, et je lui étais reconnaissant pour tout ça. Phil la faisait rirelorsqu’il était réveillé et lucide. Il lui racontaitdesanecdotesdema jeunessededébaucheavecJetetlesjumeauxArcher,cequiaconduitàunedescriptiondestatouagesatrocesquej’avaisdepuis recouverts. Ilne tenaitpas longtemps,etelleétait impressionnanteavec lui,mêmequandmoi,jemesentaisinutileetperdu.

C’était très dur pourmoi quand il partait, quand il pensait qu’il était ailleurs, à uneautreépoque.Jevoulaiscasserquelquechosequandjel’entendaismarmonnerdeschosesàproposdemamèreetdecetterelationdésastreuse.Celafaisaitremonteretbouillirtoutleméprisquej’avaispourelle,ainsiquemonsentimentd’infériorité.Saintsedébrouillaitbienpourme rappeler que l’opiniondemamèrene valait plus rienpourmoi, et que les gensimportantsdansmaviem’adoraienttelquej’étaisetnechangeraientrienchezmoi.Qu’ellenevoudraitrienchangerchezmoi.

Il était tôt le lendemain matin, très tôt, le soleil ne s’était pas encore levé, lorsquequelque chose a changé. Je somnolais sur le fauteuil, Saint dormait sur le canapé dansl’autrepièce,maisquelquechosedansl’airachangéetj’aiouvertlesyeuxbrusquement.Jemesuislevé,mesuisavancéjusqu’aucôtédulitdemonpèreetaibaissélesyeuxverslui.Sesyeuxétaientàmoitiéclosetjevoyais,littéralement,qu’ilsebattait,qu’illuttaitàchaqueinspiration.Mon cœur a perdu le rythme et j’ai su, j’ai eu l’intuition, que c’était la fin. Lederniergraindesabletombaitdanslesablier.

–Hey.Jen’aipuquemurmureretsesyeuxsesonttournésversmoi.Jenesavaispas s’ilmevoyaitencore, s’il savaitqui j’étaisàcet instant,mais ila levé

unemain frêle et je l’ai prise dans lamienne. L’émotion a nouéma gorge en voyant sontorse squelettiquequiprenaitdeplusenplusde tempsàmonteretdescendre.Sesdoigtsosseuxsesontenroulésautourdesmiens,etjenesaispass’ill’avraimentditousijevoulaissimplement qu’il le dise, mais j’aurais juré que les mots « avec toi, toujours » flottaientautourdenousavantquesesyeuxsefermentpourladernièrefois.

Jenesaispascombiendetempsjesuisrestélàdebout,jenesaispassij’aifaitdubruit,maisilnerespiraitplustandisquejetenaissamainetjeleregardais,paralysé.J’aientenduunsonétoufféetj’ailevélesyeuxpourvoirSaintdansl’encadrementdelaporte,lesmainssur la bouche et les yeux écarquillés. Elle savait et elle souffrait pourmoi. Elle a avancé

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jusqu’à moi et a enroulé ses bras autour de ma taille en se tenant derrière moi et noussommesrestéslà,silencieuxettristes,endeuiletunpeuperdus.

–Jecroisqu’ilm’aditqu’ilseraittoujoursavecmoi,justeavantdepartir.Mavoixétaitrouilléeetindécise.– Il sera toujours avec toi,Nash. Il fait partie de toi, dans tout ce que tu fais. Il sera

toujourslà,àveillersurtoi.J’ai senti leboutd’unde sesdoigtspasser le longdemacolonnevertébrale,oùmon

dragondormait,tranquille.–Ouais,maisçaneserapluspareilsanslui.Sonsouffledouxafrôlémanuquetandisquejeposaismamainsurlasienne,surmon

ventre.–Non,çaneserapaspareil,maistuferasdetonmieuxpourhonorersonsouvenir.Etpasqu’unpeu.C’était lemoinsque jepuisse faireaprès toutcequePhilavait fait,

nonseulementpourmoi,maispourlerestedesâmesperduesquej’appelaismafamille.Lesjoursquiontsuiviontétéungrandchaos.J’avaisl’impressiond’êtredansl’œild’un

cyclonequi faisait rage tout autourdemoi. Saint s’estmise auboulot avantmêmeque lesoleilselève.Elleafaitlenécessairepourquesoncorpssoitamenéoùilfallaitetpourqu’ilsoit traité selon les dernières volontés de Phil. En quelques heures, l’appartement de Philétaitpleindemonde.Les filles se sont toutes rassembléespours’occuperde l’organisationdes funérailles. J’avais perdu la capacité de parler, d’interagir, et je ne réagissais quelorsqu’onmeparlait,doncc’étaitàSaintdetoutfaire.Mameufquiétaittimide,hésitanteetangoisséeaprisleschosesenmaincommeellelefaisaitauxurgences,etc’étaitimpossiblede l’aimer encore plus,même si je le voulais. Je voyais quemes amis avaient remarqué àquelpointelles’étaitmobiliséepourmoi,combienellemesoutenait,etilssonttousunpetitpeutombésamoureuxd’elleaussi.Jen’auraisrienpufairedetoutcelasanselle.

Les mecs avaient pour mission de prévenir tout le monde du décès de Phil. Lestéléphonesn’arrêtaientpasdesonner,desquestionsetdes réponses fusaient ; les jours sesuccédaient, semélangeaient et j’étais au centre de tout cela, principalement paralysé etsansréaction.Àunmoment,jecroisqueRulearemarquémonétatcomateux,etmêmes’ily avait encore beaucoup de détails à régler, rendre hommage à la vie de Phil et à lapersonne merveilleuse qu’il était devait absolument être en haut de la liste. Il a doncdemandéàRomed’organiseruneveilléeimproviséeauBar.NousétionsdesDonovan,aprèstout,doncc’étaittoutàfaitadapté.

J’en étais à mon troisième Jameson-Coca, avec Saint appuyée contremoi tandis que«WaltzingMatilda»et«If IShouldFallFromGracewithGod»deThePoguespassaientdans le jukeboxetquechacunracontaitdeshistoires surPhilet l’impactqu’ilavaiteusurleur vie, quand ma léthargie glacée a enfin commencé à s’atténuer. J’étais triste, je me

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sentaisseul,j’avaispeur,maisplusquetoutcela,j’étaisdéterminéàrendremonpèrefier,etc’estlà-dessusqu’ilauraitvouluquejemeconcentre.

J’ai tiréSaint contremoi. Je l’ai embrassée sur le boutde sonnez tacheté et je lui aidit:

–Merci.Elleafroncélessourcils.–Dequoi?Detout,maiscelanesuffisaitpas.–D’êtretoi.Ses yeux sont devenus tout brillants et d’un argent vif, comme ils l’étaient souvent

lorsque jedisaisquelquechosequi la touchaitprofondément,etellem’a serré si fortdanssesbrasquejen’arrivaisplusàrespirer.Jel’ailâché,j’aiditaurevoiràPhildansmatête,etj’aiportéuntoastquiafaithurlerethululertoutlemonde.C’étaitdesadieuxpassionnés,unebonnefaçondedireaurevoir.TouteslespersonnesquePhilavaittouchées,lafamillequ’ilavaitaidéàconstruire,faisaienthonneuràsamémoireetàeux-mêmesensesaoulantproprementetvivantleurviesansregrets.

Lacérémonieétaitlelendemain.Lesfillesavaienttrouvéunejoliepetiteégliseprèsducentre-villeetelleétaitpresqueentièrementremplie.Philavaitunelégiond’amisavecquiilavait fait de lamoto, des vieux potes de laMarine, dont le père de Cora, qui portait lapetite Remy, une tonne de clients qu’il avait depuis des années, et aussi beaucoup d’excopinesetamantes.

Toute la bande se tenait à l’entrée et accueillait les gens qui arrivaient. C’était unedrôled’imagedenousvoir tous,d’ordinaire si colorés,habillés toutennuancesdenoiretgris.MêmelescheveuxdeRuleétaientd’unnoirsombreetunipourl’occasion.J’adoraislefaitqu’ilsveuillenttousm’entourer,quej’aieuntasdebrasprêtsàmerattrapersijamaisjetombais,maisjemesentaisassezforttantqueSaintnes’éloignaitpastropdemoi.Elleétaitlerocdontj’avaisbesoinpourresterancrédanslemomentprésent.

Depuis l’intérieurde l’église, laversionde«DannyBoy»deJohnnyCashs’estmiseàpasseretj’aiétésoumisàunetournéed’accoladesd’hommequiontmanquédemecasserledosetdecâlinsdesfillesquiontmanquédemebriserlecœur.Corapleuraitouvertement,elle dont je n’avais vu les larmes que lorsqu’elle était enceinte et quand Rome s’était faittirerdessus.LesyeuxhivernauxdeRuleétaientégalementunpeuvitreuxetaiguisés,maisilaenfouisatêtecontreledessusdelatêtedeShawpourlecacherquandilssontentrésdansl’église.

J’aiserrélamaindeSaintetjel’aiamenéeàmeslèvrespourluiembrasserlesdoigts.–Prête?Elle a ouvert la bouche pour dire quelque chosemais l’a refermée aussitôt quand le

bruitde talonshauts surducimentnousa soudain interrompus. Jen’arrivaispasàcroire

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qu’elleétaitlà,ouqu’elleaiteuleculotdel’amener,lui.Jeleurailancéunregardmauvaisàtouslesdeux.

–Qu’est-cequevousfaiteslà?Jenepouvaispascacherlemordantdemavoix.Mamères’estéclaircielagorge.–Vraiment,Nashville,dequoiaurait-onl’airsionnevenaitpas?Sérieusement?Jemesuissentiserrerlesdentsviolemment.–Jemefousdequoivousavezl’air.C’estunmomentpourlafamilledePhil,pourles

gensquil’aimaient.Tuasfaittonchoixetcen’étaitpasnous,donctupeuxpartir.J’aisentilesdoigtsdeSaintseresserrerautourdemoncoude.–Cequetufaisestridicule.Pour ma mère, j’étais toujours ridicule. J’ai ouvert la bouche pour répliquer lorsque

Grantadécidéquec’étaitlebonmomentpoursejoindreàlaconversation.–Tuastoujoursétéunpetitconégoïste.Pousse-toiavantquequelqu’unsorteetassiste

àcettescène.Essaied’avoirunpeudedignité…situenescapable.J’aivurouge.J’allais luiarracher lagorge.J’allais luicasser lenez.J’allais…tirerma

copine outrée en arrière car elle est passée devantmoi et a posé le bout de sondoigt enpleinmilieude lacravatedeGrant.C’était rarede lavoiraussiagressive,donc j’ai faitunpasenavantpourposerunemainsursonépauleetqu’ellegardelespiedssurterre.

–Commentosez-vous?Elleétait furieusepourmoi, elle fulminait enpleinmilieud’une crisedenerfs rousse.

C’étaittropbien,maisGrantaplissélesyeuxetafaitunpasenavant.– Vous n’êtes rien qu’une petite brute élitiste. Vous aviez la chance immense d’avoir

l’occasion d’élever un enfant heureux et en bonne santé, et vous avez jeté tout ça par lafenêtre. Nash est un million de fois meilleur que vous, vous ne lui arriverez jamais à lacheville.

Ses yeux lançaient des éclairs tandis qu’elle regardait ma mère et Grantalternativement.

–Vousêteségoïstes,affreuxetvousvousméritez,touslesdeux.Maisvousn’avezpasméritéledroitd’avoirunfilscommeNash.

Grantaémisunbruitdegorgeétrangléetafaitunautrepasverselle.J’aipassémonbrasdevantSaintetaiposé lamainaumilieudesontorse,pour lepousserenarrière.Jemesuisassuréque le tonque j’employaisne laissaitaucundoute sur le sérieuxdecequej’allaisluidire.

–Ne serait-ce que si tu la regardes de travers, je te briserai tous les os, et quand ilsserontguéris, je lescasseraiànouveau.Quand j’étaisgamin, tuétaisunconnardet jen’ypouvaisrien.Jenesuisplusungamin,doncjeteconseilledefairegaffe.

–C’estunemenace?

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– Non, je te dis les choses comme elles sont. Je ne veux pas de vous ici, ni l’un nil’autre.Maintenant, sivouspermettez, il fautque j’ailleprononcer l’éloge funèbredemonpère.

Ma mère avait l’air de vouloir dire autre chose, mais comme toujours lorsque Grantcommençaitàlatirer,ellel’asuivisansbroncher.J’aibaissélesyeuxversSaintetluiaifaitundemi-sourire.

–Onyva.Elleaserrémamainetalevéundesourcilscouleurrouille.–Tonvraiprénom,c’estNashville?J’aifaitunechosequejen’auraisjamaispenséfaireunjouraussidur,j’airi.–Ouais,etn’enparleplusjamais.Jesuisentrédans l’égliseet je l’ai fait s’asseoiràcôtédeCora,qui l’a immédiatement

enveloppéedansuncâlin.J’aicontinuéàavancerversl’estradequiétaitinstalléeàcôtédel’urneetdupetitmémorialquelesfillesavaientcréé.IlyavaitdesphotosdePhilàtraverslesannées,sapremièremachineàtatouer,savesteencuir,lesbarrettesdesonuniformedelaMarine…C’était un hommage réfléchi et qui lui ressemblait. Je l’ai regardé du coin del’œil,mesuiséclairciàlavoix,etj’ailaissémonregardpassersurlafouleenfacedemoi.

J’aivuRulemefaireunsignedetête,Jetpencheruntoutpetitpeulatête,Rowdymefaireunpetitsouriretriste,etCoraquicontinuaitàpleurerensilencesurl’épauledeRome.Etc’estsurcesdouxyeuxgrisque j’aiatterri.Ellemeregardait,sereineet tellementbelle.J’aiignorétouslesautresetj’aiconcentrésurelletoutcequej’avaisàdire.

–J’aidonnébeaucoupdenomsàPhilDonovan,toutletempsqu’ilafaitpartiedemavie.Ami,patron,mentor,oncle, et à la fin…Papa. Il était tout cela, etplusencore,pourtellement de gens. Phil accueillait tous ceux qui étaient perdus, et essayait de les guiderdans labonnedirection jusqu’à cequ’ils se retrouvent.En faisant cela, il a rassembléunebanded’âmesencolère,frustrées,errantes,etmaintenantnoussommeslàlesunspourlesautres.NousdevonsnotrefamilleàPhil.

J’aientendudesraclementsdegorgeetvulesgensbougerunpeusurleurssièges.– Plus jeune, je voulais être exactement comme Phil, vous savez « quand je serais

grand».Jeletrouvaistellementcool, ilavait lemeilleurmétierdumonde,et j’admirais lefaitqu’ilvivesaviecommeil l’entendait,toutenfaisanttoutcequ’ilpouvaitpourprendresoin de moi. C’était unmec super, et si l’on m’avait demandé à l’époque ce qu’il voulaitqu’on retienne de lui, j’aurais répondu que c’était son art, son dévouement à la créationd’unlieudédiéàl’épanouissementdelacréativitéetdel’individualité.Maintenant…

J’aidûfaireunepaused’unesecondepourm’éclaircir lavoixet j’aiserrélespoingsetlesaiposéssurlepetitpodiumdevantmoi.

–Maintenant, je croisque je répondraisquec’estmoi. Je suisunhommequia rendusonpèrefier.Jegarderaisonrêveetsonhéritageenvie,etjeleferaienmesouvenantde

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luiàchaquepas.Jepenseaussiqu’ilseraitfierdenous.Malgrélesépreuves,lesluttes,lesobstaclesque lavieadécidédenous imposer,ontombeamoureux,onsemarie,onadesbébés, on lance des entreprises, et on fait ce qui nous rend heureux. Je crois que c’est cequ’il a toujours voulu pour nous tous. Phil Donovan nous manquera, mon père nousmanquera,maisilcontinueraàvivreenchacundenous,tousceuxdontilatouchéetaidéàformerlavie.

Jen’avaisplusriend’autreàdire,alorsj’airemercié,etditàl’assembléequipleuraitensilence, que tous ceux qui voulaient partager quelque chose étaient invités à monter etprendre le micro, et je suis descendu m’asseoir avec ma copine. Elle avait des traces delarmessursonvisagepâle,elles’estblottiecontremoietaposélatêtesurmonépaule.

–Merci,medit-elledansunfiletdevoixrauque.–Dequoi?–D’êtretoi.Nousyétions. J’aipasséunbrasautourde sesépaulesetai écouté lesgens raconter

deshistoiresquimontraient combienmonpèreétait fantastique, l’impactqu’il avait eu, etj’ai pensé que quand tout cela serait fini, j’emmènerais ses cendres quelque part dans lesmontagnes,jerouleraisbeaucouptropviteaveclaCharger,etjelelaisseraispartir.Ilauraitapprouvél’idée.

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Chapitre18SAINT

A près les funérailles, onauraitdit queNashallait s’écroulerde stress etdemanquede

sommeil.SonamieCoraetsonpère,quiétaitamiavecPhildepuisqu’ilsavaientétédanslaMarine, avaient organisé un petit rassemblement chez elle pour tout lemonde. Je savaisque Nash allait essayer de tenir le coup et d’y aller,mais il avait besoin de dormir pourrechargersesbatteries.Jenevoulaisriendire,jen’étaispassûrequecesoitmonrôle,maisquand j’ai fait remarquer à quel point il avait l’air crevé, Rule et Rome étaient tous deuxd’accordavecmoietm’ontditquejedevraislerameneràlamaisonetlemettreaulit.Rulel’aditavecunesortederegardlubrique,cequiluiavaluuneclaquederrièrelatêtedelapart de son frère,maismalgré tout, quandNash s’est éloigné du groupe je l’ai laissémeprendredanssesbrasetluiaidit:

–Ramène-moiàlamaison.Iln’apasdiscuté,n’apasposédequestions,n’amêmepasprisletempsdedireàtout

lemonde ce qu’il faisait,m’a simplement emmenée jusqu’à la Charger et conduite jusquechezlui.Unefoisàl’intérieur,ilacommencéàenleversesvêtementsnoirsunàun,cequiétaitsanshésitationunetrèsbellechoseàvoir,maisaprèsavoirprisunedoucheetmangéunmorceau, ildormaitclairementdebout,cequine laissaitpas lapossibilitédeparler,etencoremoinsdefaireautrechosequiauraitpuêtredansmesintentions.

J’aienlevélestalonsquej’avaisportéstoutelajournée,mesuiscolléecontresongrandcorps tatoué, ai caressé sa tête rasée, et passémesdoigts sur les flammesqui ornaient satêteetsesépaulesjusqu’àcequesongrandtorsemonteetdescendeàunrythmerégulier.Sescilsnoirsfrôlaientlégèrementsesjouestannéeset j’aipassémonpoucedoucementsurses sourcilsnoirde jais. Ilétaitbeau,parfait,etplus fortquen’importequi. Ilétait toutàmoi.Jeneprendraisplusjamaiscelapouracquis.

Une fois qu’il s’est endormi, je me suis glissée hors du lit et je suis allée rangerl’appartementquiavaitéténégligédepuisquelquessemaines.J’aiappeléSunnyetjeluiai

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ditquej’étaisrevenue,etquejeseraisderetourautravaildèsqu’elleauraitbesoindemoi,etjeluiaiditd’organiserl’entretienavecl’infirmièrechefpourlapromotion.Jeluiaidonnéles grandes lignes de ce qu’il s’était passé et mon cœur s’est gonflé en sentant sacompréhension et sa gentillesse. Il fallait vraiment que je laisse cette amitié s’étendre endehorsdutravailcarc’étaitréellementunefemmegénialeetelleétaitrésolumentdemoncôté. J’ai aussi appelé Faith pour lui donner les dernières nouvelles et j’ai eu droit à uneleçonparcequej’étaispartieàPhoenixsansprévenir.

Jecroisqu’elleétaitcontentepourmoidansl’absolu,etelleétaitévidemmentheureusequeMamanailletellementmieux,maisellem’aditclairementqueNashn’auraitpasétésonpremierchoixpourmoi.Àuneépoque, sonopinionet ses sentiments sur le sujetauraientpumeretenir,auraientpumepersuaderquenousn’étionspasfaitsl’unpourl’autre,maisj’étaisplusaviséemaintenant.Commeje l’avaisditàNash, il fallaitque jemevoie,que jeregardemavieàtraversmonpropreobjectifetceluidepersonned’autre,ettoutcequejevoyaisderrièrecetobjectif,c’étaitlui,etlapersonnequ’ilvoyaitquandilmeregardaitavecsesyeuxincroyables.

J’étaisentrainderincerunetonnedetassesabandonnéesetmepréparaisàremplirlelave-vaissellequandquelqu’unafrappédoucementàlaporte.CommetoussesamisétaientchezCoraetRomeetqu’ilavaitététrèsclairsursapositionvis-à-visdesamère,jemesuisditqueceladevaitêtreRoyal.Jemesuisessuyé lesmainsdansuntorchonet jesuisalléeouvrirlaporte.J’aiouvertdegrandsyeuxenlavoyant.

Ses cheveux roux foncés étaient complètement emmêlés. Elle avait une ecchymosejauneetvertequis’étalaitautourdesonœilmarron,etsalèvreinférieureétaitouverte.Elleportait lebasdesonuniformedepoliceetundébardeurblanc. Ilyavaitdusangsursoncoletl’undesesbrasétaitécorché.

–Çava?Elleaeuunpetitriresansjoieetj’aivusalèvretrembloter.–C’est les risquesdumétier. Jeme suispris lebecavecun junkieplusgrandetplus

méchantquemoi.Jevoulaisjustevoircommentvousalliez,touslesdeux.Elleétaitvraimentsympa,et jevoulais luidonnerunechance,àelleetàcetteamitié

naissante.–Çava.Çaaétédurpendantunmoment.Samèreestunesorcièreetsonbeau-père

estnaze,maislacérémonieétaitbelleetNashnousatousbrisélecœuravecsondiscours.Ilpionce, et je pense que c’est ce dont il a le plus besoin pour l’instant. Merci de m’avoirappelée.

Elleapristoussescheveuxébouriffésdanssonpoingetahochélatête.– Tu étais en train de rentrer, de toute façon. C’est tout ce qui compte. J’ai eu une

journéedemerde.Jevaisallerm’allongeraussi.

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Jeluiaiprislebrasalorsqu’elleseretournaitetj’airemarquéquedeslarmesbrillaientdanssesyeuxfoncés.

–Çadevientplusfacile,tusais.–Dequoi?– Faire un boulot comme les nôtres. Ma première nuit aux urgences, il y a eu une

fusillade entre gangs. Ils ont ramené cinq blessés par balle en même temps. J’avais laformation pour, je savais ce que je devais faire, mais une fois que tout a été fini, je suisrentrée, j’ai pleuré pendant trois heures, et j’ai rendu mon déjeuner. On s’habitue, çadevientunesortederoutine.

Elle a hoché la tête et a passé la langue sur laméchante coupure qui lui ouvrait lalèvre.

–C’estpourçaquej’aibesoinquetusoismonamie,Saint.Elleétaitressortiedanslecouloiretétaitdevantsaportequandj’ailancé:–Tuasmonnuméro,tupeuxt’enservir!Elle m’a fait un signe de la main par-dessus son épaule et a disparu dans son

appartement.Jesuisretournéeàmonrangement,etquandj’aieufini,j’aidécidéquec’étaitmontour

de prendre une douche.Nash dormait encore quand jeme suis faufilée dans la chambrepour choperunde sesT-shirts et ilm’a fallume retenirpournepasembrasser toutes leslignes,touteslescourbesdesonvisagejusqu’àcequ’ilseréveille.

Jepassaisuneserviettesurmescheveuxet je repartaisvers le salonpourregarder latélé jusqu’à ce qu’il se réveille lorsque je me suis arrêtée net. Il était bel et bien réveillé,appuyé contre le dossier du canapé et me regardait avec des yeux violets aux paupièreslourdes. Son boxer était bleu marine cette fois, et les muscles de ses bras saillaient demanière séduisante car il avait les bras croisés sur son torse délectable. Comme toujours,monregardasuivilesailesquidisparaissaientsousl’élastiquedesonsous-vêtement.

–Salut.Je n’ai pas pu empêcher ma voix de baisser d’un ton et de devenir rauque. Il m’a

regardée en soulevant un sourcil noir et le coinde sa bouche s’est relevé pour formerunpetitsourire.

–Mercideprendresoindemoi,Saint.J’ai fait quelques pas de plus dans le salon et il a attrapé le bout de la serviette qui

pendaitdansmamainets’enestservipourm’attirerversluijusqu’àcequenousnesoyonsqu’àquelquescentimètresl’undel’autre.

–Àtonservice,Nash.Ilalevélebrasetposéunemainsousmacascadedecheveuxmouillés,autourdemon

cou.Ilarempli l’espacequ’ilrestaitentrenous,et jemesuisretrouvéeplaquéecontresontorsenu.C’étaitlemeilleurendroitaumonde.

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–Etsitumelaissaisprendresoindetoi,pourunpetitmoment?Quelgenred’idioteauraitlaisséfilerunechancecommecelle-là?Bon,ladernièrefois

que nous avions été ensemble sur ce canapé dans une situation un peu sexy, je l’avaisabandonné assez injustement et je voulais me rattraper. Je voulais m’occuper de lui detouteslesfaçonspossiblesàcompterdecetinstant.

–Etsionprenaittouslesdeuxsoindel’autre?Ilahaussé lessourcilsetenfin,aprèsbientrop longtemps,unvraisourireestapparu

sursonbeauvisage.–Çameparaîtêtreunbonplan.Puisilapenchélatêteetm’aembrasséecommesic’étaitlapremièreetdernièrechose

qu’ilvoulaitfairetouslesjoursàpartirdecejour-là.Noslanguess’emmêlaient,nosmainsglissaientavecenviesurnotrepeaunue,ettoutes

les meilleures parties de nous s’alignaient parfaitement. J’ai pris une petite inspirationquandsesmainssontremontéessouslebasduT-shirtquejeluiavaisempruntéetsesontposées sur la courbe demon derrière. Il m’a tirée un peu plus près pour que nos pelvissoientcollésl’uncontrel’autreet j’aisentisonérectionpalpiteravecinsistance,caléedanslecreuxdemesjambes.Ils’estvitedébarrasséduT-shirtetapasséleplatdesalargemainde la base de ma nuque tout le long de ma colonne vertébrale jusqu’au creux juste au-dessusdemoncul.Ilalâchéunsoupird’appréciation.

Jemesuisreculéeetj’aiembrassésagorge,j’aifrémiquandilapassélamainsurmescôtesjusqu’àprendremonsein.Celameparaissaitmaintenantinconcevablequejen’aiepasaimé être touchée ainsi, avant. Je suppose qu’il fallait juste que lesmains, que le touchersavant,luiappartienne.Ilafaittournerleboutdesonpoucesurl’undemestétonsettoutmoncorpss’estcontractéenréaction.Jemesuisreculéeunpeuetjel’aiembrasséaumilieudu torse. J’adorais sentir son corps toujours résistant, ferme et dur sous ma bouche. J’aidéposéunbaiserquialaisséunemarquejusteau-dessusd’oùsoncœurbattait,régulieretsolide, et j’ai laisséma langue tourner et rouler autourdudisqueplat de son téton.Celam’afaitglousserunpeuquandilaréagienpointant.

J’ai chatouillé ses abdos du bout des doigts et ai passé mes mains sur les ailes quirecouvraient ses flancs. Je pensais que le boxer blanc était mon préféré contre sa peauhâlée,mais j’ai décidé instantanément en le lui enlevant qu’à partir demaintenant,monoptionpréféréeseraitpasdeboxerdutout.Saqueuepulsait,quasivibrantedansmamain.Elle était toujours surmontée de l’anneau en métal et du barbell et elle a frémi avecimpatiencedansmamainquandjel’ailégèrementserréeàlabase.

Nashaémisunbruitgravedufonddelagorgequandjesuisdescendueenfacedelui,toujours appuyé contre le dossier du canapé. Ses yeux étaient bleu nuit et ses jouesempourprées.Lepouvoiret lafiertéquejeressentaisdeprovoquerunetelleréactionchezcethommemedonnaientvraimentl’impressiond’êtrelaplusbellefemmedumonde.

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Mesdentsont tapécontre l’anneauenmétal, cequim’adonnéenviede riremais l’afait grogner. Il a pris mes cheveux dans ses deuxmains alors que je commençais à fairerouler, à sucer, à lécher l’anneaud’une façonqui faisait frémir ses abdos et ses cuisses. Ilfallait que je continueàme servirdemesmains, jen’aurais jamaispu lemettre enentierdansmabouche,etjedevaisadmettrequec’étaitbienplusdrôleàfairequandmalanguepouvait jouer avecdepetites choses. Je l’ai entendugrognermonnom, cequi était superexcitant, je l’ai senti tirer surmes cheveux, ce qui voulait dire qu’il y était presque. Je nefaisais pas attention à ce qu’il disait. J’étais trop occupée à penser à l’ivresse de cettesensation,àquelpointc’étaitexquisdelefaireréagirainsi…C’estvrai, ils’agissaitplusdesonplaisirquedumien,maislegoût,lasensation,suffisaitamplementàmefairedémarrer.

J’avais les mains autour de la base de sa queue, je m’en servais en rythme avec lemouvementdesuccionetdetournoiementdemabouche,alorsj’aiétésurpriselorsqu’ilm’alittéralement arrachée de lui, ce qui a provoqué un frottement de dents et une pressionprobablementplusdouloureusequ’agréable.Ilaglapiunjuronetj’allaisexigerdesavoircequ’il était en trainde faire,mais il a retiréma culottedemes jambes sans cérémonie,melaissantnueetouverte.Haletant,ilnousaviolemmentretournésetamismesmainssurledossierdu canapé.Unemainaumilieudemondos, entremesomoplates, ilm’apenchéelégèrementets’estservidesongenoupourouvrirmesjambesjusteassezpourseplacerlàoùilvoulaitêtre.

Iladéposéunbaiserchauddansmanuque,aétendulesbrasenavantetarecouvertmesdeuxseinsdeseslargesmains.Iln’ariendit,s’estsimplementglisséenmoi,etj’aicruque j’allais mourir. Dans cette position, il rentrait plus profond, je le sentais plusintensément, et la friction de ce petit truc en plus qu’il arborait a fait danser des étoilesdevantmes yeux. J’ai dûm’agripper aux coussinsdu canapé, etmemordre la lèvre, fort,pour ne pas hurler chaque fois qu’il entrait et se retirait. Nous avions beaucoup couchéensemble ces derniers mois mais rien nem’avait semblé aussi brut, aussi désinhibé, aussipuissant.

J’avais le sentiment qu’il laissait sa trace indélébile. Le plaisirmontait, son rythme etsontempos’accéléraient,unedesesmainscommençaitàglissersurmonventreendirectionde ce qui me ferait basculer et j’étais prête pour tout cela, prête à exploser. Mais larespiration de Nash a d’un coup changé, ses hanches qui menaient la danse se sontimmobiliséesunefractiondeseconde,etsamains’estarrêtéesurmonventre.

–Ohputain.Nousétionstouslesdeuxsiprochesdelafin,celaflottaitjusteau-dessusdenous,etje

n’avaispaslamoindreidéedecequ’ilétaitentraindefaire,maisj’allaisl’étranglers’ilneseremettait pas à bouger. Il haletait comme s’il avait couru un marathon, et quand je l’airegardé par-dessus mon épaule avec un air interrogateur, il a fait une grimace et m’a

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embrasséefortsurlabouchetoutensortantdemoncorpsaussilentementqu’illepouvait.Celanousatouslesdeuxfaitgrogneretjurerenmêmetemps.

– Tu veux qu’on parle de ce qu’on était en train de faire sans absolument aucuneprotectionoutuveuxjusteallerdansmachambrepourfinir?

J’aicouinéetj’aienfouimonvisagedanssontorse.–Merde,tum’étonnesquec’étaitsibon.Ila laissééchapperunpetit rireet j’aipousséunpetitcriquand ilm’asoulevéedans

sesbrasets’estdirigéverslachambre.–Peut-êtrequ’ilfaudraitajouterlapilulesurtato-do-listbientôt?J’aipassémalanguesursonoreilleetaifaitglissermesdoigtssurlesflammestatouées

sursesépaules,etjeluiaifaitungrandsourire.S’iln’avaitpasaccrochésaboucheàmoncou, et commencé à aspirer et faire tourner sa langue sur les nerfs sensibles qui s’ytrouvaient, je luiauraisditque jem’étaisoccupéedecepetitdétailpeuaprès lanuitquej’avais passée chez lui, simplement par précaution. Si j’avais su que celamettrait une finabrupteà toutes leschosesdélicieusesqu’il faisaitàmoncorpsdans le salon, je luiauraisenvoyéuncourrierenrecommandépourleluidire.

J’aiatterriaumilieudulitavecunpetit«ouf»quandilm’yajetéesansménagement,et jemesuispenchéeenarrièrepour le regardersemettreenposition.Je le regardaisenclignant de grands yeux tandis qu’il rampait au-dessusdemoi et se réinstallait entremesjambes.

–Tuestellementbeau.Il l’étaitvraiment,d’unboutà l’autre. Ila levéunsourciletaposéunpetitbaiserau

boutdemonnez.–Toiaussi.Avant, je l’ignoraiscomplètement, jepensaisquecen’étaientquedesmotsqu’ildisait

carilpensaitqu’ilyétaitobligé.Maintenant,jecomprenaisqu’illepensaitvraimentetpeuimportemonapparence,carc’étaitlapersonnequej’étaisqu’iltrouvaitbelle.

–Merci.Ilaànouveauglisséenmoi,etcommemoncorpsétaitdéjàpréparé,déjàsurlepoint

debasculer,iln’enapasfallubeaucouppourquejehurlesonnomversleplafondetquej’enfoncemestalonsdanssondos.Ilaenroulémesjambeshautau-dessusdesataille,s’estremonté un peu sur un genou, et s’est enfoncé puissamment dans mon corps conciliantjusqu’àselibérerluiaussi,ets’écroulersurmoienuntasmassif.

L’anneau au milieu de son nez répandait un frisson contre mon épaule comme ilembrassaitmaclaviculeetmarmonnait,pince-sans-rire:

–C’est fini, jen’essaieplusde coucher sur ce canapé.Çane se finit jamaisbienpourmoi.

J’airiavecmesbrassurseslargesépaules.

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–Jetrouvequeçanes’estpasmalfini.–Jet’aime,Saint.–Jet’aimeaussi,Nash.Nash voulait vivre sa vie sans regrets, je voulais vivre une vie comblée. Nous avions

besoin l’unde l’autrepouryarriver,etmaintenantquenousnousavions, iln’yavaitplusd’histoires de passé vs. présent. Tout ce qui comptait, c’était cette vie que nous avionsensemble.

J’ai eu la promotion. C’était trop bien et j’étais vraiment fière demoi. Et ce qui étaitencoremieux,c’étaitcombienNashétait fierdemoi.Jen’avaispasbesoinquemonboulotsoit important pour lui, mais c’était une grande part de qui j’étais et le fait qu’il sachespontanémentàquelpointcelacomptaitpourmoimefaisaitl’aimerencoreplus.

Nosemploisdutempsétaienttoujoursultrachargésetingérables,etc’étaitencorepiremaintenantque j’essayaisd’apprendre lesdifférents aspectsdemonnouveauboulot.Maispeuimporte,nousnepassionspasuneseulenuitl’unsansl’autre.Chezmoi,chezlui,nousétionstoujoursl’undanslelitdel’autre,ettantquejemeréveillaisprèsdeluilematin,jemefichaisdel’oreilleroùjeposaislatêtelesoir.

Je diversifiais aussimes compétences sociales. Je sortais avec Sunny, j’essayais demejoindreauxamiesdeNashpourleurssoiréesfillesdujeudisijenetravaillaispas,etj’avaispris l’habitude de boire un café avec Royal tous lesmatins après avoir dormi chez Nash.J’appréciaisletempsquejepassaisavecchacuned’entreelles,maisilyavaitquelquechosechez Royal, peut-être le fait de voir une autre jeune femme se démener dans un travailaltruiste et éprouvant émotionnellement, quim’attirait vers elle. Je n’avais plus besoin defairedeseffortspourêtresonamie,j’étaissimplementsonamie…C’esttout.

J’étaisenretard.Nashm’avaitappeléependantlapausedéjeuneretm’avaitdemandéde le rejoindre au nouveau salon de tatouage à la sortie du travail. J’ai eu un nouveaupatient à ladernièreminute et j’ai dû resterunedemi-heuredeplus en attendant que lemédecin puisse s’en occuper. Je savais que les travaux venaient de se terminer dans lesnouveauxlocauxetquetoutcequ’illeurrestaitàfaireétaitdetrouverlesderniersmembresdel’équipepourouvrir lesalondansquelquessemaines.Celaavaitétéuntravailfaitavecpassion,etquiavaitcoûtécher,maistoute lafamilleduMarkedavaithâtedecommencercettenouvelleaventure.J’aipenséqu’ilvoulaitsimplementmefaireadmirersonbébé,etjem’envoulaisdelefaireattendre.

J’aidûmegareraucoindelarueettracermoncheminàtraverslafoulehabituelledeLoDoàl’heuredesortiedutravailpourarriverausalon.L’emplacementétaitd’enfer.Nashétaitadosséàlavitrinedusalonetparlaitautéléphone.Ilm’aaperçueetm’afaitunclind’œil. Il ne pouvait pas vraiment rester planté à attendre sans faire quelque chose de sesmains.Jecroisquec’estcommeçaqu’ilévitaitdeprendreunecigarette. Ils’ensortait trèsbienetchaquefoisqu’ilétaittenté,jeluirappelaisqu’ilavaitsurmontétoutecetteépreuve

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avec Phil sans en griller une seule, donc il n’y avait pas moyen qu’il en ait besoinmaintenant.

Quandjesuisarrivéeprèsdelui,ilm’asoulevéedansuncâlinàm’enbriserlescôtesetm’a embrassée comme si nous n’avions pas fait sauvagement l’amour sous la douche lematin même. S’il était toujours aussi content de me voir, j’allais être la fille la pluschanceusedumonde.

–Tuaseumontextopourtedirequej’allaisêtreenretard?–Ouaip.Çam’alaisséletempsd’emballertasurprise.Jeluiai lancéunregardcurieuxet j’airemarquéquel’immensepanneaudeverrequi

faisaitladevanturedusalonétaitrecouvertdepapierkraft.–Jecroyaisquetuallaisjustemefairevisiterlenouveausalon.Ilarietatirésurunedemesnattes.–Oui.Ilestgénial,maisjeveuxtemontreruntruc,d’abord.Onatournéenrond,ona

échangéetonarejetépleind’idéespourlenomdunouveausalon.Jecommençaisàm’inquiéterunpeu.J’aiprismalèvreinférieureentremesdentsetj’ai

levélesyeuxversluisousmescilspâles.–Qu’est-cequetuasfait,Nash?–Cenouveausalon, c’est l’avenirduMarked,maismonaveniràmoi, c’est toi. Jeme

suisditque jedevraisassocier lesdeuxensemble,parcequec’est lesdeuxchosesqui fontpartiedemavie.

Ilatendulamainderrièreluietaretirétoutlepapiermarrondelavitre,etj’aidûmecouvrir laboucheavec lesdeuxmains.Jenepouvaisqueleregarder, luiet lavitrepeintetouràtour,dansuneincrédulitésonnée.Dansunlettrageàl’ancienne,commeonenvoyaitsur de vieilles boutiques de souvenirs ou des vitrines d’apothicaire, on lisait le nom dunouveausalon:THESAINTSOFDENVERTATTOO.Jen’enrevenaispasetcelam’adonnéenviedepleurer.

–Coraetlesgarsontadoré.Çachange,etçavabienaveclethèmerétrosurlequelonjoue.

–Nash…Je n’arrivais même pas à trouver de mots. C’était un honneur, mais c’était plus que

cela,c’étaituntémoignagequimontraitcombienjeseraitoujoursimportantepourlui.–J’espèrequeçateva.Iljubilaitetj’avaisautantenviedel’embrasserquedeluimettreuncoupdepied.Jeluiaidemandé:–Tuesincroyable,tuenesconscient,hein?Ilm’asoulevéeetm’afaittournerjusqu’àcequejeriesifortquej’enaileslarmesaux

yeux.Ils’estéclaircilavoixets’estfrottélanuque.–Jeveuxquetuneregrettesjamaisdem’avoirdonnéunedeuxièmechance,Saint.

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– Tu m’as donné une deuxième chance aussi, Nash. Je crois que quand on estamoureux,c’estcequ’onfait,ondonnedeschancesetontentesachance.Allez,onentrepourquetumemontrestonnouveaubébé.

Ilaouvertlaportedusalonauquelilavaitdonnémonnomet jel’aisuividansnotreavenir. Je n’avais plus besoin de regarder en arrière, de m’accrocher à des souvenirsdouloureux. Je pouvaism’appuyer sur Nash pour toujours aller de l’avant, et surtout, jepouvais me reposer sur moi-même, et toutes les choses qui faisaient de moi qui j’étais.J’aimaisunhommebon,et jem’aimaismoi-même,etcelamecomblaitcommeriend’autrene l’aurait pu. Car je savais que jeméritais ce qu’il y avait demeilleur, etNashDonovanétaitcequ’ilyavaitdemieuxpourmoi…Pourtoujours.

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ÉpilogueNASH

Alors,verdict?

Cora a fait sauter son regard entre Rule et moi comme si j’étais complètement stupided’avoirposécettequestion.

–Jecroisquesivousnel’embauchezpas,mesdeuxcrétins, ilestpossiblequejevousassassine.

J’ai ricané et Rule et a levé les yeux du petit paquet rose qu’il portait dans ses brastatoués,lessourcilsfroncés.

–Jesuissononclepréféré,tunepeuxpasm’assassiner.Lebébéafaitunpetitroucoulementcommesielleapprouvaittotalementcequ’ilavait

dit,mêmesiRuleétaitsonseuloncle.Je ne leur avais pas dit que j’allais l’embaucher, peu importait ses qualifications, car

Philme l’avaitdemandé. Ilavaitunplan,et iln’étaitpartiquedepuisquelquessemaines,doncjesentaisencorel’échodelaperteetilmesemblaitindispensabledeprendrelerelaispoursonprojetfou.

Lacandidateenquestionnousavaitsincèrementlaisséstouslestroissurlecul.Bon,jesavaisqu’elleseraitsûrementagréableàregardersachantquec’étaitunmannequinpin-upettoutcela,maisenpersonne,elleétaitirréelle.

SalemCruzétait,sanshésitation, laplus joliefillerockandrollsur laquelle j’aieposélesyeux,et jevoyaisbienqueRuleétaitd’accord.Elleavaitunemanchecomplètetatouéesur les deux bras, l’un avec des symboles catholiques classiquesmélangés à une imageriemexicaine du Día deMuertos et l’autre tout en old-school, d’inspiration Sailor Jerry. Elleavait de longs cheveux châtain foncé avec une mèche rouge sang à l’avant, agrémentésd’une boucle enroulée au-dessus et de longues ondulations dans le dos. Ses yeux étaientnoirscommelecieldeminuit,etj’aimaislafaçondontilsscintillaient,commes’ilyavaitdeschosesqu’elle était la seuleà savoir.Elle étaitde taillemoyenne,mais iln’y avait riende

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moyendanslesformesqu’elleavait,ettoutsonglamourrétroétaitcomplétéparunvisagedu genre à provoquer des guerres dans les classiques littéraires. Elle était un parfaitmélangedepin-updesannées1950,ducoolrockabilly,etdeladéessesexuellelatino.Elleétaittoutbonnementimpressionnantedansl’ensemble.

Si son look n’avait pas suffi à me convaincre qu’elle ferait venir du monde, sonexpérience l’aurait fait.C’était sonCVet sonattitude sarcastiquede lapersonnequine selaissaitpasmarcher sur lespiedsquiavaientemballéCora.Salemn’étaitpasqu’unebellegueule, elle avait traîné dans certains des meilleurs salons de la côte ouest, et le salonqu’ellequittaitàVegasn’étaitpasunpetittrouàrat,c’étaitundesgrandssalons,dirigéparune stardes sports extrêmes.En réalité, cequenous commencionsàDenver étaitpetit ettotalement nouveau comparé à ce qu’elle avait connu, et je crois que Phil le savait. Elletravaillait aussi sur le design et le marketing de sa propre marque de vêtements, doncvraiment,c’étaitévidentluiproposerleboulot.

Nous sommes tous les trois sortis du bureau où Cora nous avait installés et Rule arendulapetiteR.J.àsamaman.Elleaparcouruduregardl’espaceboutiquequin’étaitpasencoreterminéetafaitunpetitbruit.J’étaistotalementd’accordavecelle.S’agrandirétaitbeaucoupplusdurquejenel’avaisimaginéaudépartetj’avaisvraimenthâtequetoutsoitfini.

Lapetitebrunesebaladait,elle inspectait,observait,et jemesuisdemandépourquoielle était prête à venir dans un endroit si différent, qui débutait à peine, alors qu’ellepouvait de toute évidence choisir d’aller où elle voulait dans lemonde du tatouage. Elles’estretournéeetnousaregardésapprocher,avecsesyeuxfoncésquidansaient.

–Commentças’estpassé?CoraarigoléetaembrasséRemysurlefront.–Aupointoùonenest,jeseraisprêteàengageruninconnudanslarue.Onesttrop

occupés, on a besoin de l’aide de quelqu’un, et vu que tu es au-dessus de la mêlée parrapportàtoutes lesautrespersonnesqu’onavues, iln’yapasdequestionsàseposer.Etpuisçaneferaitpasdemald’avoiruneautrefille,ici.

Les lèvres rouge vif de Salem se sont relevées en un sourire. Elle avait un piercingMonroerougerubisquis’estsoulevéenmêmetempsqueseslèvrescharnues.

– Je croisqu’onvapasserdebonsmoments.Le salonest trèsbeau. Jepensequ’avecquelquespetites touches finales, vous tenezunemined’or, ici aumilieudesnuages.Vousavezpleind’opportunitésquivousattendent.

Coraa levé lesyeuxeta remuéunpeu lebébé,quicommençaitàpleurer.Elleallaitsérieusement faire de la concurrence à sa mère dans le genre bruyante et têtue, d’iciquelquesannées.

–Crois-moi, le thèmevieille fête forainecolleparfaitement.Cesmecs,c’estdesclownslamoitiédutempsetonavraimentl’impressiond’êtreaucirque.

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J’ai jetéunregardmauvaisàCora,mais jene l’aipascontredite.J’ai faitunsignedetêteàSalemetaiconfirmélaproposition.

–Tantquelesalairetevaetquetupensessupporterdetravailleravecnous,lejobestàtoi.Jecroisqu’onauraitdelachancedet’avoiravecnous,d’autantquePhilpensaitquetu étais celle qu’il nous fallait, et ça, c’est important pour moi. On est une famille, enrevanche,doncprépare-toiàgérertouteslesabsurditésqueçaengendre.

Ruleagrognéetatendulamain.–Bienvenueàbord.Letrainfoucherchetoujoursdenouveauxpassagers.Ils’estpenchéetaembrassélebébé,commeCoral’avaitfaitplustôt,ets’estredressé.–Ilfautquejerentre.Shawn’estpasenformedepuisquelquesjours.Ilfautquej’aille

voircommentelleva.Elleétaitvertequandjesuisparti.Cora a levé les yeux vers lui, ainsi que son sourcil avec un petit piercing rose

translucide.–Pourtant jene croispasqu’il y aitdevirusqui traîne. Je fais attentionmaintenant,

aveclebébé.Ilahaussélesépaules.–J’saispas.Maisellen’estpasbien,entouscas.Cora avait l’air pensif,mais nous avons tous été interrompus par le bruit de lourdes

bottesdanslesescaliers,montantdurez-de-chaussée.LaseuleautrepersonneàavoirunecléétaitRowdy,doncjen’aipasétésurprisdevoirsabananeblondeapparaîtreàl’étage.

–Eh,Zebaeuunesuperidée,c’estbiendemettredesvieuxmiroirsdefêteforaineenhautquandonouvriralaboutique.Tuvois,pourfaireunlienavecl’ensemble…

Savoixs’estéteinteetsesyeuxcouleurocéansesontouvertssigrandqu’onnevoyaitplusqu’euxsursonvisage.Samâchoireest tombéeet toutcequ’ilapu faireestderesterbéatdevantlabeautéhispaniquequisetenaitlàavecnous.Jelesregardaistouslesdeux.Ellesouriaitcommesiunénormesecretvenaitd’êtrerévélé;quantàlui,onauraitditqu’ilavaitvuunfantôme.

Les talons hauts de Salem tapaient un petit rythme sexy sur le parquet jusqu’auxescaliers.Rowdyétaitscotché,commes’ilétaitcollésurplaceavecdelasuperglue.J’aivuCoralancerunregardinterrogateuràRule,etquandilssesonttouslesdeuxtournésversmoi, tout ce que j’ai pu faire fut hausser les épaules, désarmé. Je n’avais pas nonplus lamoindreidéedecequ’ilsepassait.

–Bonjour,Rowland.çafaisaitlongtemps.Elleapasséleboutdesondoigtàl’onglerougeviflelongdesonnez.–Tuasbiengrandi.Rowdy a avalé sa salive si bruyamment que nous l’avons tous entendu et il est resté

collésurplace.–QuiestdoncRowland?

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C’étaitunequestionlégitime,maispersonnenesemblaitpresséderépondreàRule,quil’avaitposée.Salems’estarrêtéedevantRowdyet ilsétaient faceà face,aumêmeniveau,seulement parce qu’elle portait de très hauts talons et qu’il n’avait pasmonté la dernièremarche. Elle amis unemain sur sa joue et l’a tapotée un peu, ce qui lui a fait avoir unmouvementdereculetclignerlesyeuxcommeunechouette.

–Salem?La question était étranglée et forcée. Je n’avais jamais vu Rowdy aussi abasourdi.

C’étaitlecharmeur,leblagueur.Ilavaittoujoursquelquechoseàdire.Qu’est-cequ’ilétaitentraindesepasser?Etpourquoipensais-jequec’étaitexactementcequemonpèreavaitorchestrédepuisledébut?

Labrunearegardéenarrièrepar-dessussonépaule,etsescheveuxbougeaientcommedans un vieux fil hollywoodien. Elle nous a fait un clin d’œil, un vrai clin d’œil, et acommencéàdescendrelesescaliers.

–Onsevoitauboulotlundi.Envoyez-moicequejedoissignerpare-mail.Seschaussuresontfaitdesclicsetdesclacsendescendantlesescalierstandisquenous

autres restions là en silence.Après une bonneminute,Rowdy a secoué la tête comme s’ilsortaitdesastupéfactionetestentrédanslapièce.

–Rowland?Ilm’ajetéunregardnoir.–Tuesmalplacépourparler,Nashville.Bonargument,maisj’allaistoutdemêmelefairechieràlamoindreoccasion.Lesyeux

dépareillés de Cora étaient étincelant alors qu’elle prenait son bébé sur un seul bras etattrapaitleT-shirtdeRowdyavecsamainlibre.

–Est-cequec’estelle?C’estl’unique?Jene savais pas ce que « l’unique » voulait dire,mais quandRowdy a fait nonde la

tête,Coraaeul’airtrèsdéçue.–Non,paselle…Maisc’estsasœur.Cora a pris une inspiration surprise et Rule et moi avons simplement échangé un

regardconfus.–Quelqu’unveutbiennousdirecequ’ilsepasse?Rowdyasoupiréetalevélamainpoursefrotterlanuque.–Quandj’étaisenfamilled’accueil,dansleTexas,làoùj’aigrandi,SalemetPoppy,sa

petite sœur,habitaientàcôté.Leurpèreétait lepasteurde lavilleoùonhabitait. Ilétaittrès,trèsstrictaveclesdeuxfilles.Ellesétaienttrèsdifférentes.Salemestpartiedèsqu’elleapuetPoppym’abrisélecœurquandj’aiessayédeleluioffrir.Maisqu’est-cequ’ellefaisaitlà?

J’ailancéunregardencoinàRuleetilamordusonpiercingàlalèvre.–C’estlanouvellegérantedusalon.Onvientdel’embaucher.

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J’aicruquelegrandblondallaitsoits’évanouir,soitvomir.–Tuessérieux?Coraahochélatêtegravementetluiamisunemainsurl’épaule.–Nashluiadonnéleboulot.Çaaunevaleurlégale.Çavaallerpourtoi?Ilatouchéunedesesrouflaquettesetnousatousregardésavecunairperdu.–Est-cequej’ailechoix?–Pasvraiment.J’étaisdésolédeleluidire.– Je croisqu’ilme faut justeunmomentpourme remettredu choc. Jene l’avaispas

vuedepuisquej’étaistoutgamin.Jen’arrivepasàcroirequ’ellesoitlà.–Elleesttrèsbelle.LetondeCoraétaitdouxetcalme.LessourcilsblondsdeRowdysesont levéset ila

ditd’unevoixtraînanteetsarcastique:–Jen’avaispasremarqué.Ruleaexploséderire.–Alorstuesaveugle.Jemesuiséclaircilavoixettoutlemondes’estretournépourmeregarder.– Phil voulait qu’elle soit là. C’est lui qui a lancé tout ça. Tu veux parier qu’il savait

depuisledébutquevousvousconnaissiez?Ilnel’apaschoisieparhasard.Rowdyajetéunjuron.–Pourquoiilmeferaitça?–Ilavaitsesraisons.Onnenégociaitpasavecl’amour,jemesouviendraistoujoursdecela.Rowdym’aregardéenfronçantlessourcils.–Qu’est-cequec’estcensévouloirdire?Jen’aipuqueluisourire.Ilcomprendraitbienasseztôt.–Tuverras.Maintenantjeveuxrentrervoirmacopineetlabombarderd’amour.Riennem’avaitjamaisrenduaussiheureuxquedepouvoirdireceladèsquej’enavais

envie.Saintétaitlapersonnequej’allaistoujoursavoirenviedevoirenrentrantlesoir,jelesavais.CoraaretenuR.J.,qui tendait sespetitsbraspouressayerd’attrapermonpiercingaunez.Cefoututrucétaitunaimantàpetitesmains.

–Faisattention,lerésultat,c’estça.EllealancéunregardencoinàRule,quil’acomplètementloupé.–Aufait,disouiàZebpourlesmiroirs.Cemecestunputaindegénie.J’étaisvraimentémerveilléparsonimmensetalent.Rowdyamarmonnésonaccordde

transmettrel’infotandisquenoussortionstousdusalon.Jevoulaisêtremalpourlui,luidirequetoutallaits’arranger,mais,commenoustous,

ilallaitdevoiryarriverpar lui-même.Levoyagequimenaità l’uniquen’étaitpas toujours

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facile. Les histoires du passé pouvaient peser lourd et être encombrantes, et les arrêts etvirages sur la route pouvaient donner envie à un homme de s’évader d’une seconde àl’autre,maisiln’yavaitpasdemeilleuredestination,pasdemeilleurbutquel’amour,etlapersonnequinousattendauboutduvoyage.

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LAPLAYLISTDENASHETSAINT

BloodorWhiskey–NeverBeMeBandofSkulls–Fires;Navigate

ThePixies–HolidaySongDeadstringBrothers–SilverMountain

TheDrive-ByTruckers–EverybodyNeedsLove;LookoutMountainTheDropkickMurphys–Echoeson’A.’Street

TheKills–HeartIsaBeatingDrumTheVines–Outtathaway

TheTossers–AloneFlatfoot56–SonofShame

HerSpaceHoliday–NoMoreGoodIdeasSeaWolf–TheCold,theDark,andtheSilence;SongfortheDead

ThePogues–IfIShouldFallfromGrace;(AndtheBandPlayed)WaltzingMatildaJohnnyCash–DannyBoy

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REMERCIEMENTS

T out d’abord, je dois exprimer tout mon amour pour les deux petites blondes qui

gouvernentmonmondede l’écriture,StaceyDonaghyduDonaghyLiteraryGroup,quiestmon agent sans peur et sans reproches, et Amanda Bergeron, ma brillante éditrice chezHarperCollins. Elles sont toutes deux aussi importantes pour mettre desMarked Men aumondeetsincèrement,jenesaispasàquoiressembleraitmaviesansellesdeux.J’adorelefaitqu’ellesmelaissentfairecequejeveux(aveccequ’il fautdelimites)etquelerésultatsoit toujours bien mieux que ce que j’avais imaginé. Je suis vraiment bénie de pouvoirtravailleravecdesfemmesquej’aime,respecte,etadmireréellement.

L’autrepersonneaucentredemonmonded’écritureestmameilleurecopinedelivres.Oh,vouspouvezl’appelercommevousvoulez,jedistoujoursquec’estunefemmeauxmilletalentsetauxmillenoms.Pourmoi,elleestuneoreillecritique,uneamie,uneamoureusedes livres comme moi, et pour l’histoire de Nash, elle est non seulement la sourced’inspiration de l’un des personnages, mais elle a aussi été mon gourou médical, moninfirmièresanspitié.Merci,Mel,detoujoursêtrelà,detoujoursproposertesconnaissancesettonsoutien,etdemedonnergénéreusementdelaponctuationetdescritiquespourtouslespremiers jetsque j’écris.Mercid’êtreunesibonnepartenaired’écritureetglobalement,uneamiegéniale.Jet’aimetrèsfort,toiettoncerveaugéant.

Je ne me suis jamais trop plainte de tenir un bar. C’était vraiment sympa, commeboulot.J’airencontrédesgenscooletintéressants.Jepouvaisjoueravecdel’alcooltoutelajournée. Les livreurs de bières sont assez mignons et ont de gros muscles, et je pouvaistoujoursmecouchertardsansavoiràmelevertôt.Celadit,monnouveauboulotbotte lecul de l’ancien, et les personnes que j’ai eu la chance de rencontrer au cours de cetteannée… Je ne peux même pas vous dire à quel point cela a été intéressant etenthousiasmant. Des collègues auteurs, des professionnels de l’édition, aux blogueurs,lecteurs,organisateursd’événements,auxgensavecquijesuisdevenueamiesurInternetencours de route. Les gens du livre sont lesmeilleurs. Point à la ligne.Merci à tous d’avoir

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rendu cette dernière année fantastique, et je dois remercier Sophie Jordan, JenniferArmentrout,CoraCarmack,etLisaDesrocherspouravoirmontrélessecretsdumétieràlapetitenouvelleque je suis,etdem’avoir fait sentirque j’étais labienvenue.J’adorepasserdu temps avec ces femmes et c’est toujours un bonmoment quand nous nous retrouvonsdanslamêmepièce.

Biensûr,ilfauttoujoursquejerendehommageàmafamilleparcequ’ilssontgéniauxetqu’iln’yenapasdemeilleure.VoussaviezquemonpèreétaitvenuàmesdédicacesenEuropeavecmoicetteannée?Sivousavezvuunmecsebaladeravecunemoustachedecow-boyetsûrementunvêtementavecunlogoDodgequelquepart,c’étaitlui.Mamèreestmerveilleuse.Elleestmaplusgrande fan,maisaussimaplusprocheconfidente.Je l’aimeénormémentet jesuisreconnaissanted’avoirpuvivreavecelletoutescesopportunitésquisontarrivéesjusqu’àmoi.Elleaimelevinrougeetelleapleindecheveuxblonds.

Jenepeuxpasécrireunehistoiresurlefaitdes’aimersoi-même,desavoirquel’onestfabuleuseexactementcommel’onest,etnepasdireunmerciàmameilleureamie.Elleestincroyablepourça.Ellecomprendvraimentl’importancequeçaa,etlecheminqu’elleadûparcourir pour se rappeler combien elle est formidable et merveilleuse est vraimenttouchant,àenbriser lecœur.Maiselleestrevenue làoùelledevaitêtreet jenepourraispasêtreplusfièreoupluscontentepourelle.Elleesttoujourslapersonnelaplusforte,laplusbellequejeconnaisseàl’intérieuretàl’extérieur.J’ADORESettiePhillipsunmilliondefois.J’aitellementdechanced’avoirl’honneurdel’avoircommemeilleureamie.

Etcommetoujours,mesremerciementslesplusimportants,lesplussincèresetlesplusimpressionnantsvousreviennent…àvouslecteurs.Ohmondieu,oùenserais-jesansvous,lesgars?Jeseraitoujourssurprise,interloquée,ettotalementémueenrecevantune-maildisant qu’un de mes livres est votre préféré, ou que vous vous identifiez à ce qu’un despersonnagestraverse,ouquevousaimezmafaçond’écrire.Jen’aijamaisréfléchibeaucoupplusloinquelapublicationdeRule,alorsmaintenantquenousensommesàquatrelivres,je ne peux pas vous dire à quel point vous avez apporté à ma vie. Je considère chaquelecteurcommeuncadeau,uncompatriote,uncamaradeamoureuxdeslivres,etcommeunami.Merciinfiniment,sincèrement,dufonddemoncœurtatoué.

Cequejeviensd’écrirevautaussipourvoustous,blogueursincroyablesetpassionnés.Mercipourvotresoutien.Mercidevousêtreinvestisdanscemondequej’aicréé.Mercidepartageretdeprendreletemps,defairel’effortd’écriredescritiquesetdedédierdutempsetdel’espaceprécieuxsurvosblogsàmoietauxgars.Mercipourtoutcequevousfaites!

Enfin, je dois vous dire à quel point j’aime les filles de chezhttp://literatiauthorservices.com.Karen,MichelleetRosetteontrendumaviechaotiqueettrépidante beaucoup plus gérable. Elles sont organisées et efficaces,mais surtout, ce sontdes femmesadorableset fantastiques.Elles connaissent tout, le côtécommercialet le côtépromotionnel.Jene laisseraispasmesgarsentre lesmainsden’importequi,et je leurdis

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toutletempsquetravailleravecelleaétélameilleuredécisionquej’aiprise!Sivousavezbesoind’aidepourlemarketingoulapromotion,allezlesvoir,vousneleregretterezpas.

J’aimemeschiens.Voilà,c’esttout.