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Afrique contemporaine No 183 trimestre 1997 faits et documents a Dix biographies Michel Gaud* et Laurence Porg&s** e Laurent=Desiré Kabila (1 939 ?-) Laurent-Désiré Kabila, chef de la rébel- lion zaïroise, devenu président de la nou- velle République démocratique du Congo, serait le 27 novembre 1939 (1) h Baudouinville (Moba) (2) dans la région d'Albertville (Kalémié), sur les rives du lac Tanganyika (nord de la pro- vince du Katanga, ex-Shaba). II appar- tient à l'ethnie luba. A la fin des années 1950, il va étudier à Paris et en Allemagne de l'Est. I1 revient dans son pays au moment celui-ci va acquérir son indépen- dance. Comme de nombreux jeunes << évolués B, il est militant socialiste tiers-mondiste (3). Responsable régional de la BALUBAKAT, l'association des Balubas du Katanga créée par Jason Sendwé, Kabila lutte contre les séces- sionnistes katangais et devient président national de la JEUBAKAT, l'organisa- tion de la jeunesse BALUBAKAT. Après l'assassinat de Patrice Lumumba, en 1961, il va passer un an en Europe'de l'Est, Belgrade, pour compléter ses études. De retour dans son pays, en février 1962, il devient chef de cabinet h l'information dans le gouvernement de fait du Nord-Katanga, puis, en octobre, après la réforme qui crée les << provin- cettes D, il est chef de cabinet aux tra- vaux publics dans le gouvernement pro- vincial du Haut-Katanga présidé par Sendwé. I1 est également élu conseiller suppléant h l'assemblée provinciale (novembre 1962). Un an plus tard, il s'exile à Braizaville oÙ il retrouve de nombreux lumumbistes qui, choqués par la dissolution du Parlement décidée par Kasa-Vubu, décident de basculer dans l'opposition armée et fondent le Conseil national de libération (CNL). Au sein du CNL, il se situe dans l'orbite de Chris- tophe Gbénye (4). En janvier 1994, alors qu'il est devenu secrétaire gCn6ral aux affaires sociales, h ia jeunesse et aux sports du CNL-Gbénye, il est envoyé par ce dernier à Bujumbura (Burundi), pour préparer une rébellion dans l'est du pays sous la direction de Gaston Soumialot. En février 1964, Kabila rejoint Albertville et devient, en avril, chef de cabinet du ministre de I'informa- tion. I1 participe 'a la première insurrec- tion d'Albertville (mai 1964) et réussit h s'enfuir lorsque l'Armée nationale * Rédacteur en chef. ** ORSTOM. (1) 1941, selon certaines sources (2) Mention la plus frequente. On trouve aussi mentionnés Jadotville (Likasi) et Ankoro. (3) Source principale pour la pCriode 1960-1965 : B. Verhaegen, Rr'hellioris mi Congo, CRISP, Bruxelles. 1966. (4) Les adversaires de GbCnye au sein du CNL sont notnmment A. Gizenga et P. Mulélé. --

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a Dix biographies Michel Gaud* et Laurence Porg&s**

e Laurent=Desiré Kabila (1 939 ?-)

Laurent-Désiré Kabila, chef de la rébel- lion zaïroise, devenu président de la nou- velle République démocratique du Congo, serait né le 27 novembre 1939 (1) h Baudouinville (Moba) (2) dans la région d'Albertville (Kalémié), sur les rives du lac Tanganyika (nord de la pro- vince du Katanga, ex-Shaba). II appar- tient à l'ethnie luba.

A la fin des années 1950, i l va étudier à Paris et en Allemagne de l'Est. I1 revient dans son pays au moment où celui-ci va acquérir son indépen- dance. Comme de nombreux jeunes << évolués B, i l est militant socialiste tiers-mondiste (3). Responsable régional de la BALUBAKAT, l'association des Balubas du Katanga créée par Jason Sendwé, Kabila lutte contre les séces- sionnistes katangais et devient président national de la JEUBAKAT, l'organisa- tion de la jeunesse BALUBAKAT. Après l'assassinat de Patrice Lumumba, en 1961, i l va passer u n an en Europe'de l'Est, iì Belgrade, pour compléter ses études. D e retour dans son pays, en février 1962, i l devient chef de cabinet h l'information dans le gouvernement de

fait du Nord-Katanga, puis, en octobre, après la réforme qui crée les << provin- cettes D, i l est chef de cabinet aux tra- vaux publics dans le gouvernement pro- vincial du Haut-Katanga présidé par Sendwé. I1 est également élu conseiller suppléant h l 'assemblée provinciale (novembre 1962). Un an plus tard, i l s'exile à Braizaville oÙ il retrouve d e nombreux lumumbistes qui, choqués par la dissolution du Parlement décidée par Kasa-Vubu, décident de basculer dans l'opposition armée et fondent le Conseil national de libération (CNL). Au sein du CNL, il se situe dans l'orbite de Chris- tophe Gbénye (4). En janvier 1994, alors qu'il est devenu secrétaire gCn6ral aux affaires sociales, h ia jeunesse e t aux sports du CNL-Gbénye, il est envoyé par ce dernier à Bujumbura (Burundi), pour préparer une rébellion dans l'est du pays sous la direction de Gaston Soumialot.

En février 1964, Kabila rejoint Albertville et devient, en avril, chef de cabinet du ministre de I'informa- tion. I1 participe 'a la première insurrec- tion d'Albertville (mai 1964) et réussit h s ' en fu i r lorsque l 'Armée na t iona le

* Rédacteur en chef. ** ORSTOM. (1) 1941, selon certaines sources (2) Mention la plus frequente. On trouve aussi mentionnés Jadotville (Likasi) et Ankoro. (3) Source principale pour la pCriode 1960- 1965 : B. Verhaegen, Rr'hellioris mi Congo, CRISP, Bruxelles. 1966. (4) Les adversaires de GbCnye au sein du CNL sont notnmment A. Gizenga et P. Mulélé.

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congolaise (ANC) reprend la ville. I1 y revient en juin, lors de la seconde insur- rection, au cours de laquelle Sendwé est assassiné. Lors de la création du gouver- nement provisoire du CNL, section de l’Est, le 21 juillet, il est nommé vice-pré- sident chargé des relations et du com- merce extérieurs (5). L’insurrection ani- mée par le CNL gagne du terrain, les troupes d e I’ANC se débandant sans combattre, et Stanleyville (Kisangani) est conquise le 5 août. La République populaire du Congo >> (RPC), dirigée par Gbénye, y est proclamée le 5 septembre. Kabila en est le secrétaire d’Etat aux affaires étrangères et, à ce titre, effectue diverses missions 2 Nairobi, Dar es- Salam et Paris. Mais la RPC s’effondre le 24 novembre 1964 devant l’attaque de parachutistes belges venus au secours de 1’ANC.

Kabila a donc été mêlé de près, au cours de cette période, à deux des plus sanglants épisodes de l’histoire postcoloniale de l’ancien Congo belge. On ne saurait pour autant en conclure qu’il porte une responsabilité particulière dans les massacres qui jalonnèrent les rébellions du Haut-Katanga de 1960- 1961 et de l’Est en 1964.

I1 est vraisemblable que L.-D. Kabila a tiré les leçons de ces aventures. L a rébellion d e Gbénye s’appuyait sur des mécontents que ne réunissait aucune doctrine, aucune idéo- logie. Elle a rencontré des oppositions parfois violentes de la part des popula- tions locales, révoltées par les exactions commises par l’APL (Armée populaire de libération). Elle ne bénéficiait d’aucun soutien des pays voisins, ne disposait pas d’armement moderne (6), leurs chefs é ta ien t divisés et leur organisation défai I Ian te.

Après la chute de Stanley- ville, alors que la plupart des respon- sables du CNL partent en exil, Kabila participe aux diverses structures e t

réunions qui tentent d e maintenir l a flamme révolutionnaire (Conseil suprême de la révolution, réunion de la Ruzizi en décembre 1965), tout en installant un petit maquis dans le Nord-KatangdSud- Kivu. Il est alors soutenu par Nyerere et la Chine populaire et recevra une aide temporaire Cjuillet-novembre 1965) du révolutionnaire argentino-cubain Ernesto Che Guevara. Le Che cherchait à créer un foyer de déstabilisation dans la forêt au Kivu, qu’il aurait voulu point de départ de la a révolution mondiale D. I1 y renonce cependant, au bout de quelques mois, devant les convictions peu mili- tantes et efficaces dcs Congolais et de Kabila lui-même, qu’il qualifie de G tou- riste >>, toujours en voyage à l’étranger. Ce qui ne l’empêche pas d’écrire : << le seul homme qui ait d’authentiques quali- tés d’un dirigeant de masses me semble être Kabila >> (7). Kabila fonde, en 1967, le Parti de la révolution populaire (PRP), groupuscule à tendance marxisante qui lutte contre le pouvoir central de Mobutu avec ses FAP (Forces armées populaires) basées en Tanzanie et en Zambie.

Le foyer de guérilla entre- tenu par Kabila va tant bien que mal se maintenir, subsistant selon les uns e n complète autarcie, selon les autres grâce à la contrebande d’or et de diamants. Le 19 mai 1975, opérant en Tanzanie, le PRP enlève quatre chercheurs occiden- taux, réclamant une rançon et la libéra- tion de deux des leurs, emprisonnés à Dar es-Salam. Soutenu par le dictateur ougandais Amin Dada, Kabila obtient gain d e cause e t finit par libérer ses otages (8). En 1984, il fait encore parler de lui en s’emparant de Moba, sa ville natale. La révolte est matée par le géné- ral Mahélé, les FAP obtenant une amnis- tie contre leur reddition. Kabila se serait alors installé en Ouganda et en Tanzanie oÙ i l aurait fait des affaires. Mais i l aurait passé aussi beaucoup de temps au sud du Soudan auprès de John Garang,

(5) Ce gouverneineiit est présidé par G. Soumialot. (6) On a beaucoup glosC, i l’époque, sur les pratiques fétichistes auxquelles Etaient soumis les Siinbus (coin- battants de l’APL). (7) Cilé par Jorge Castafieda, Le Moride, 8 avril 1997. (8) CI. Wauthier el S. Smith. (( Le passé retrouvé de Laurent Kabila n, Liliirmiciri, 7 janvier 1997.

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chef de la rébellion, dont il serait même devenu I’émissaire auprès de ... Mobutu en 1988 (9).

Comprend- i l véritable- ment I’évolution des esprits qui se mani- feste au Zaïre, e n particulier dans les villes, qui regroupent désormais plus de la moitié de la population du pays, contre moins de 20 % en 1960 ? I1 ne participe pas à la Conférence nationale de 1991- 1992 qui est le lieu de débats intenses et met en place le gouvernement de la tran- sition démocratique. Et il semble consi- dérer ses travaux avec quelque mépris.

I1 e s t p ropulsé sur le devant de la scène, en novembre 1996, par l’insurrection des Banyamulenges, Tutsis du Kivu, soutenue par le Rwanda et l’Ouganda. Ces deux pays désirent neutraliser les militaires hutus de l’ancien régime rwandais coupables du génocide perpétré contre les Tutsis, en 1994, et réfugiés dans l’est du Zaïre. Pour de nombreux commenta teurs , Kabila devient le prête-nom, voire la marion- nette, des leaders rwandais et ougandais avec, peut être, le soutien des Améri- cains. Sa devise est << démocratie, justice, dignité >).

L’Al l iance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre (AFDL) est constituée offi- ciellement le 18 octobre 1996 i partir de la fusion dc quatre partis : le PRP dc L.-D. Kabila, le Mouvement révolution- naire pour la libération du ZaÏre (MRLZ), l’Alliance démocratique dcs peuples (ADP) et le Conseil national de résis- tance pour la démocratie (CNRD). Une petite armée est constituée, ne compre- nant guère que 8 500 à 10 O00 hommes. Mais elle est bien équipée, et bien enca- drée par des G conseillers )) de I’APR, l’Armée patriotique rwandaise.

I1 est probable que Kabila et ses amis ont été les premiers surpris de leur succès. Le régime de Mobutu se désagrège sans aucune résistance. II suf- fit à l’Alliance de proclamer qu’elle va investir telle v i l le pour que les FAZ

(Forces armées zaïroises) s’enfuient, non s’en s’être préalablement livrées au pillage. Bukavu tombe le 30 octobre 1996, Kisangani l e 18 mars 1997, Lubumbashi le 10 avril. Très vite, Kabila devient le libérateur, l’homme qui, enfin, est en mesure de mettre B bas un régime détesté. Son image est bonne : pendant plus de trente ans, il est resté l’un des rares à ne pas avoir << mangé avec Mobutu n. Petit, trapu, d’apparence bon- homme, il est vêtu avec simplicité et parle plusieurs langues du pays, ainsi que le français et l’anglais. C’est un bon orateur.

Malgré les victoires << par défaut D remportées par l’Alliance, de nombreux commentateurs craignent un bain de sang iì Kinshasa. Kabila lui- même déclare qu’il lui faut constituer u n e armée de 100 O00 hommes. Des pressions internationales s’exercent alors pour que des négociations soient enga- gées avec Mobutu. L’autorité de Nelson Mandela, très engagé dans l’affaire, ne suffit pas, et les médiations échouent. En fait, comme les autres villes du pays, la capitale se livre (17-18 mai) sans com- battre. Les militaires des FAZ et même ceux de la Division spéciale presiden- tielle (DSP) se rendent, ou se fondent dans la foule, ou passent de l’autre côté du fleuve, à Brazzaville.

A Lubumbashi, Kabila se proclame président de la République démocratique du Congo IC 17 mai et s’installe à Kinshasa le 20 mai. Le 22, i l constitue un gouvernement composé de ceux qui l’ont soutenu jusqu’à présent. Dorénavant, chef d’un Etat totalement désintégré, i l a devant l u i u n e tâche immense.

Le passé, comme la per- sonnalité de Laurent-Désiré Kabila sont difficiles à cerner car les sources sont souvent imprécises et contradictoires. I1 entretient lui-même, par ses silences, le mystère sur sa personne. Secret, i l ne se confie pas à ses interlocuteurs étrangers. Ce sont surtout ses proches q u i expli-

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quent les grandes lignes de sa politique. Cons idéré comme l’un des durs des révoltes d e 1964, i l est certainement autoritaire. II ne semble pas s’embarras- ser de sentiments et une partie de I’opi- nion internationale, notamment en France e t en Belgique, l u i reproche d’avoir laissé massacrer les réfugiés hutus qui erraient et errent toujours dans les forêts. Ce serait un homme d’affaires avisé, ayant su s’enrichir par des moyens dont personne ne connaît les tenants et abou- tissants.

Sur le plan politique, i l r e s t e f idè le à certains principes du lumumbisme tout en niant avoir jamais été marxiste. Mais, comme Lumumba, il s’affirme nationaliste et (< unitaire )>. Dans les << séminaires D organisés par l’Alliance pour << rééduquer 1) les cadres d u pays , il es t question d e classes sociales, de colonialisme, d’homme nou- veau. Kabila et ses alliés sont apparem- ment attachés aux valeurs paysannes et ils se méfient de la ville et de ses mœurs. Par dessus tout, ils semblent considérer les années Mobutu comme une paren-

thèse dans l’histoire du pays, qu’il convient d’effacer au plus vite. En témoi- gnent le retour aux anciens noms, mais aussi le fait que les travaux de la Confé- rence nationale et du Haut Conseil de la République-Parlement de transition (HCR-PT) sont tenus pour nuls et non avenus. Sans parler des hommes poli- tiques : ni E. Tshisékédi, ni Mgr Mon- sengwo, qui s e sont dressés à leur manière contre Mobutu, n’ont trouvé grâce aux yeux du nouveau chef d e I’Etat. << Du passé faisons table rase >> : est-ce bien réaliste ?

Mais, d’une certaine façon, Kabila a chaussé les bottes de l’ancien dictateur. Comme Mobutu en 1965, il s’est octroyé des pouvoirs exor- bitants (10). Comme Mobutu en 1967, il impose au pays un système de parti unique, mais promet des élections en 1999. Or les Zaïrois ont pu, durant trente-deux ans, juger à leur juste valeur les fruits de l’arbitraire, du bourrage de crâne et du népotisme. Redevenus Congolais, sont-ils pour autant demeurés des Congolais des années 1960 ?

séminaiie (1928-1937) d’oh i l es’S ren- v o y é pour propos subversifs avant d’avoir été ordonné prêtre.

La participation à des acti- vités politiques étant interdite au Congo belge, les associations culturelles consti- tuaient alors la seule issue aux actions nationalistes. En 1950, quand le groupe cu l ture l ABAKO (Alliance des Bakongo) est créé pour la promotion de la culture et de la langue kongo, Kasa- Vubu en devient un membre actif et l’organise politiquement. II en est élu

O Joseph Kasa-Vubu (I913 OU 1917-1969)

Le premier président du Congo ex-belge après l’indépendance est né en 1913 ou 1917 dans la région du Mayombé. D’abord élève de l’école d’une mission catholiaue. i l étudie ensuite au grand ..

président et utilise cette tribune pour devenir un des porte-parole des droits des Congolais.

En 1956. à la suite de la publication en Belgique du’rapport Van Bilsen, qui préconise un plan de trente ans pour mener le Congo à I’indépen- dance, u n e certaine effervescence se développe parmi les intellectuels congo- lais. L’ABAKO élabore un manifeste qui prône l’indépendance immédiate et défend un nationalisme fondé sur le fait ethnique. Le << séminariste )> Kasa-Vubu est alors le plus radical des leaders poli- tiques congolais, Lumumba lui-même étant favorable à l’époque à une commu- nauté belgo-congolaise.

Afrique contemporaine No 183 3e trimestre 1997

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(10) Par le décret-loi conslitutionne1 n”3 du 28 mai 1997. Voir Document n” 8, p. 117.

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No 183 II 3e trimestre 1997 ih p.:+ I faits et documents

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Aux élections municipales de 1957, première consultation autorisée par le colonisateur belge, I’ABAKO recueille environ 65 % des voix à Léo- poldville et Kasa-Vubu devient bourg- mestre de Dendale.

En janvier 1959, dans l’excitation causée par les initiatives du général de Gaulle 5 I’égard des terri- toires français d’outre-mer, une émeute sanglante éclate, et Kasa-Vubu est arrêté et déporté en Belgique. Mais simultané- ment le roi Baudouin reconnaît le droit des Congolais à l’indépendance. L’ABAKO réclame la libération de son chef, et exige l’indépendance immédiate, avec la création d’une fédération sans allégeance aucune à la Belgique. Cette position distingue I’ABAKO non seule- ment des unitaristes (notamment Lumumba), mais aussi des fédéralistes katangais qui veulent instituer une sorte de communauté avec la Belgique. Un cartel est créé entre I’ABAKO, le Parti solidaire africain (PSA) d’Antoine Gizenga, implanté principalement au Kwilu, et le MNC-K d’Albert Kalonji (Sud-Kasaï). La première Table ronde de Bruxelles (janvier-février 1960) aboutit à l’indépendance du pays le 30 ju in 1960 dans un cadre unitaire, auquel s’est plus ou moins rallié Kasa-Vubu.

La première élection nationale de mai 1960 est gagnée par le Mouvement national congolais de Patrice Lumumba (MNC-L), mais sa majorité n’étant pas suffisante, c’est Kasa-Vubu qui devient président de la République et Lumumba est nommé Premier ministre. Des hommes comme MoCse Tshombé, leader de la province du Katanga, et Albert Kalonji sont écartés du pouvoir et en concevront une grande amertume.

Deux semaines après l’indépendance, l’armée se mutine contre ses chefs belges, la panique se répand dans tout le pays. Les troupes belges interviennent un peu partout pour rétablir l’ordre et permettent notamment à Tshombé de proclamer l’indépendance

du Katanga le I 1 juillet. Kasa-Vubu et Lumumba, en tournée pour tenter d e réduire les mutineries par la négociation, rompent les relations diplomatiques avec la Belgique (le 14). De nombreux Euro- péens quittent brutalement le pays. Les deux leaders demandent l’aide d e s Nations unies qui envoient des forces militaires pour rétablir la paix. En août, le Sud-Kasaï, avec Kalonji, s u i t l’exemple du Katanga.

Lorsque Lumumba, qu i n’a pas obtenu le soutien des Améri- cains, se tourne vers l’URSS, Kasa-Vubu le destitue et nomme Joseph Ilé0 Premier ministre. Lumumba lui rend la pareille, se considérant comme la seule autorité légale du pays. Un conflit de légitimité s’ensuit, qui voit notamment Kasa-Vubu l’emporter aux Nations unies alors que le Parlement soutient le Premier ministre. En septembre, le colonel Joseph-Désiré Mobutu, devenu farouchement hostile à Lumumba après avoir été l’un d e ses proches, neutralise les deux adversaires et met en place un collège de commis- saires généraux, composé de jeunes uni- versitaires, dont un certain Etienne Tshi- sékédi, qui fera reparler de lui.

Une fois le problème Lumumba définitivement réglé p a r l’assassinat de ce dernier en janvier 1961 - avec l’accord au moins tacite de Kasa- Vubu -, Mobutu dissout le Collège des commissaires. Kasa-Vubu iioinme alors Joseph Ilé0 Premier ministre. Le pays est alors en pleine décomposition ( I I). Dès août, J. Ilé0 est remplacé par Cyrille Adoula, qui va rester à la tête du gouver- nement jusqu’en juillet 1964. Durant cette période, le Congo va connaître un certain apaisement, avec le retour (provi- soire) d’A. Gizenga au gouvernement central, la fin des sécessions et la réorga- nisation de l’armée. Mais c’est au prix d’un démantèlement de 1‘Etat central, l’instauration de multiples <( provin- cettes >> en 1962 aboutissant à la création de baronnies incontrôlables où sévissent généralement népotisme et corruption.

( I I ) Sécession katangaise de TshornbC. rébellion anti-Tshornbd au Nord-Katanga (J. Sendwt). U empire >> du Sod-Kasaï (A. Kalonji), gouvernement lutnumbisie d’A. Gizenga B Stanleyville ...

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En 1963, Kasa-Vubu s’efforce d’accélérer les travaux d’élabo- ration de la Constitution. I1 se heurte au Parlement, le dissout, met en place une commission de 127 membres présidée par J. 1160. Pour les lumumbistes, la coupe déborde, et un certain nombre d’entre eux partent 2 Brazzaville où ils fondent le Conseil national de la révolu- tion (CNL), qui opte pour la lutte armée. Alors que les rébellions se dCveloppent au Kwilu et au Kivu, la Constitution est adoptée par référendum fin juin-début juil let 1964, Adoula démissionne et Tshombé est nommé Premier ministre, à l’initiative, semble-t-il, de Mobutu. Dès lors, Kasa-Vubu est marginalisé, le tan-

dem TshombC-Mobutu, qui réussit à réduire les rébellions, occupant le devant de la scène. Aux élections législatives de mai-juin 1965, le nouveau parti de Tshombé, la Convention nationale congolaise (CONACO), remporte une éclatante victoire. Kasa-Vubu, qui compte être candidat à I’élection prési- dentielle prévue par la nouvelle Consti- tution sait qu’il risque d’être battu par Tshombé. I1 le limoge le 13 octobre et le remplace par Evariste Kimba (12). Le 24 novembre, Mobutu prend le pouvoir par u n coup d’Etat. Kasa-Vubu, qui ne tente pas de réagir, se retire définitive- ment de la vie politique. II meurt à Boma en mars 1969.

e Lobitsh Léon Kengo wa Dondo (1 935)

Né le 22 mars (ou mai) 1935 à Libengé, dans la province de I’Equateur, région d’origine d e Mobutu, Lobitsh Léon Kengo wa Dondo est fils d’un juif polo- nais et d’une Africaine (zaïroise tutsie). I1 est adopté, dans son enfance, par une famille zaïroise et effectue ses études primaires et secondaires au Congo belge et étudie ensuite en Belgique le droit et la criminologie (1960-1961), puis à l’université libre de Bruxelles. En 1967, il obtient son doctorat en droit.

Grâce à sa formation de juriste, il occupe des postes importants et devient‘procureur auprès de la Cour d’appel de Léopoldville puis président du Conseil judiciaire. En 1968, i l est nommé conseiller juridique et politique ?i la Présidence et procureur général de la République. A ce dernier poste, i l acquiert une réputation de sévérité à I’égard des (< ennemis de ]’Etat >>, et jouera un rôle majeur dans la condamna- tion pour trahison de Nguza Karl-i-Bond en 1977, puis dans l a persécution des (( Treize D, les parlementaires auteurs en 1980 d’une lettre ouverte 5 Mobutu, dont E. Tshisékédi est le plus connu.

Au sein du Mouvement populaire de la révolution (MPR) de Mobutu, i l est nommé membre perma- nent du bureau politique et du comité central à la fin des années 1970. I1 est ambassadeur du Zaïre en Belgique de 1980 à 1982 où i l se fait de nombreux amis. Du fait de sa réputation de dureté, Mobutu le nomme Premier ministre en novembre 1982, avec pour mission d’éli- miner la corruption et de mettre en ceuvre les mesures d’ajustement structu- rel imposées par le Fonds monétaire international (FMI). Très impopulaire, il e s t él imine en 1986 quand Mobutu décide d’assumer provisoirement les res- ponsabilités d’ordre économique et d’abandonner la politique d’austtrité prônée par le FMI.

En octobre 1986, Mobutu nomme Kengo ministre des Affaires étrangères, puis en janvier 1987, celui-ci devient président de la Cour des comptes tout en restant secrétaire extcutif du MPR.

Premier ministre d e fin 1988 à mai 1990, il le redevient en juin

(12) Qui sera l’un des (‘ conjurés de la Pentecôte s pendus en public le 2 juin 1966.

Afrique Contemporaine N” 183 3n trimestre 1997

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No 183 3’ trimestre 1997

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1994, présenté par l’Union pour la Répu- blique et la démocratie (URD), une des formations importantes i tendance modé- rée de l’Union sacrée d e l’opposition radicale (USOR). Cette élection par le HCR-PT est un camouflet pour le diri- geant de l’opposition radicale, Tshisé- kédi, élu Premier ministre par la Confé- rence nationale en 1992 mais limogé par Mobutu en février 1993. A ce poste, Kengo a su restaurer un climat de confiance auprès des opérateurs écono- miques étrangers. I1 bénéficie du soutien de l’occident e t reste l’interlocuteur légal des chancelleries étrangères qui le soutiennent pour qu’il mène i terme le processus de démocratisation au Zaïre.

En mai 1996, il est inter- pellé par le HCR-PT, ce qui provoque de nouvelles tensions politiques. En février

1997, l’opposition demande son départ et il donne alors sa démission le 24 mars.

Personnage politique dis- cret, homme de contacts internationaux, il est considéré comme un politicien perspicace et dur. Loyal à Mobutu pen- dant de longues années, il est devenu un oppasant modéré i partir de 1990. Sa carrière a été rapide sur le plan profes- sionnel et au niveau de son parti. 11 a la réputation d’être un bon gestionnaire même s’il n’a pas pu enrayer le déclin économique du pays au cours de ses deux premiers mandats. I1 est le << père spirituel n de l’Union des démocrates indépendants (UDI), parti cen t r i s te d’hommes d’affaires et de technocrates. I1 n’a jamais été un véritable concurrent du président de la République puisque partiellement d’origine étrangère.

e Patrice Emery Lumumba ( 1925-1 961 )

Leader de l’indépendance et premier Premier ministre du Congo ex-belge, Patrice Lumumba est né le 2 juillet 1925 i Onalua, sur le territoire de Katako- Kombé dans la province du Kasai. I1 est issu d’une famille catholique pratiquante appartenant à une ethnie minoritaire, les B atetelas.

I1 fréquente tout d’abord l’école des missionnaires méthodistes, au désespoir de son père qui aurait sou- haité qu’il devienne prêtre catholique. Très tôt, i l manifeste un goût très vif pour la lecture, qui le mènera des philo- sophes français des Lumières à Marx et i J.-P. Sartre. I1 fait ensuite des études d’infirmier, puis s’engage comme com- missaire aux écritures pour enfin reprendre ses études à I’école des PTT de Léopoldville. I1 a l’occasion de se rendre à Brazzaville, capitale d e l’Afrique Equatoriale Française (AEF), où le sort des Noirs lui paraît beaucoup plus enviable que dans la colonie belge.

Tout en travaillant pen- ,dant onze ans dans l’administration colo- niale, dont une partie comme comptable aux chèques postaux à Stanleyville, i l se lance activement dans le syndicalisme et fait campagne pour l’indépendance de son pays en publiant des articles dans les journaux et en militant dans les associa- tions culturelles tolérées par le colonisa- teur belge.

I1 n’empêche qu’il séduit, et il rencontre par deux fois le roi des Belges lors des voyages de ce dernier au Congo. C’est l’occasion pour lui de dis- tinguer les élites européennes, qui le fas- cinent et auxquelles il accorde une grande confiance, des << petits Blancs >> de la colonie. Sa doctrine le rapproche de plus en plus des masses congolaises dont i l devient le défenseur. En voyage d’étude en Belgique en 1956, i l y ren- contre des libéraux. A son retour, i l est condamné et emprisonné pour détoume- ment de fonds (13). Pendant son année

(13) 11 a g emprunt6 B I’Cquivalent de 300 dollars dans la caisse des cheques postaux pour subvenir à ses besoins pendant son voyage à Bruxelles, somme qu’il a remboursee après son retour.

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de prison, il écrit Le Congo est-il une terre d’averiir ? (14) oh il plaide pour u n e soc ié té belgo-congolaise dans laquelle les droits et la dignité des Noirs seraient reconnus. Libéré, i l devient directeur commercial d’une brasserie et reprend ses activités politiques où ses talents d’orateur font de lui un agitateur dangereux pour le colonisateur.

En 1958, quand les Belges au tor i sen t les activités politiques, Lumumba devient le leader, avec Cyrille Adoula, d’un petit parti catholique, le Mouvement national congolais (MNC) qui prône un Congo uni, laïc et indépen- dant. Invité h la Conférence de tous les peuples africains à Accra, i l y découvre Kwame Nkrumah et le panafricanisme radical, doctrine à laquelle i l adhère immédiatement et avec un grand enthou- siasme. A son retour au Congo, il pro- nonce u n discours devant u n e foule immense e l demande l’indépendance du pays sans pour autant présenter un pro- gramme politique et économique claire- ment défini. Les troubles qui se multi- plient alors conduisent l’autorité colo- niale à l’arrêter de nouveau pour subver- sion. Mais la France est en pleine guerre d’Algérie, qui a entraîné un changement de régime, et la classe politique belge craint d’être entraînée dans un drame de même nature au Congo. Elle préfère accorder l’indépendance.

A la mi-1959, le MNC, soumis h des tensions très fortes, explose et donne naissance au MNC-L (L pour Lumumba) et ,au MNC-K:(K pour Kalonji). I1 faut voir dans cette scission la conséquence d’opposition de per- sonnes : Lumumba, pour sa part, irrite par son autoritarisme. Le phénomène, malheureusement, se reproduira souvent dans l’histoire politique du Congo ...

Lors de la conférence de l a Tab le ronde h Bruxelles (janvier- février 1960), les autres leaders congo- lais demandent la libération de Lumumba, ce qui leur est accordé. Ce dernier participe donc h cette conférence

qui débouche sur des élections nationales et sur l’indépendance du Congo belge. Le MNC est le grand vainqueur des élec- tions, et Lumumba devient alors le Pre- mier ministre de Kasa-Vubu, président de la République du nouvel Etat. Le jour de la proclamation de l’indépendance, le 30 juin, il prononce un discours nationa- liste en présence du roi Baudouin, qu’il ne remercie pas et où i l déclare que l’indépendance congolaise n’a pas été octroyée mais conquise par les Congo- lais (15). Cela lui aliénera la quasi-tota- lité de l’opinion occidentale, scandaliste par une telle arrogance.

Sans qu’il ait pu y avoir une transition au processus de décoloni- sation, le 5 juil let 1960, l’armée s e mutine contre ses officiers belges. Les troupes belges interviennent partout. Les troubles à Léopoldville, la sécession du Katanga ainsi que d’autres mouvements d e ce type font craindre au Premier ministre la balkanisation du Congo car il est le défenseur d’un système centralisé à l’opposé de M. Tshombé, entre autres. En même temps, l’exode massif des fonctionnaires belges provoque un vide catastrophique puisqu’aucun cadre local n’a été formé pendant la période colo- niale.

Lumumba se tourne alors vers Tshombé qui refuse de le recevoir. I1 prend contact avec les Nations unies pour obtenir la force, militaire capable de ramener le calme dans le pays puisqu’il a demandé le retrait des soldats belges envoyés par Bruxelles pour protéger ses nationaux et que le Katanga fait séces- sion. Au bout de six semaines d’indépen- dance, Lumumba a rompu les relations diplomatiques avec la Belgique et les troupes des Nations unies commencent à arriver. Très vite il accuse ces dernières de vouloir << coloniser N le pays, car les nationalités qui les composent soutien- nent chacune l’une des différentes par- ties en présence.

Cette grave crise politique laisse Lumumba dans une situation

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(14) Qui ne sera publié qu’après sa mort. (15) Voir Document n” 2, p. 110.

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désespérée puisque les pays occidentaux ne lui accordent aucune aide (le voyage qu’il fait fin juillet à Washington pour demander de l’aide est un échec) et qu’il est en froid avec les Nations unies. I1 se tourne alors vers l’URSS et les pays socialistes. Le 28 août, les troupes qu’il a envoyées pour réduire la rébellion du Sud-Kasaï se livrent à un massacre des populations civiles 2 Bakwanga (Mbuji- Mayi), ce qui le discrédite.

Kasa-Vubu met fin à ses fonctions le 5 septembre 1960 et nomme Joseph IlCo Premier ministre. Lumumba ne veut pas céder et démet à son tour le président de la République, puis cherche à obtenir le soutien du Parlement qu’il obtient par des votes les 7 et 8 sep- tembre. Mais à l’ONU, c’est Kasa-Vubu qui est reconnu détenteur de l’autorité légale au Congo. Le 14 septembre, le colonel Mobutu met - apparemment - les deux adversaires d’accord en char- geant un << collège des commissaires >> d’assumer les responsabilités gouverne- mentales. Mais il place Lumumba en résidence surveil lée. Pendant cette période, un débat international s’instaure pour définir le futur du Congo, l’URSS, le Ghana et le bloc afro-asiatique étant favorables à l’ex-Premier ministre, les pays occidentaux 2 Kasa-Vubu et à Mobutu.

Soupçonnant l’existence d’un complot entre la CIA et Kasa-Vubu et pressentant son arrestation pour cause d e trahison, Lumumba s’enfuit le 27 novembre avec sa femme, son enfant et deux collègues tentant de rejoindre Stanleyville oh Antoine Gizenga, son

ancien partisan continue à mener la lutte. Sur son parcours, il s’arrête souvent pour haranguer la foule en vue d’obtenir des soutiens, ce qui retarde sa fuite. Le 2 décembre, quand il essaye de traverser la Sankuru, i l est repris par les troupes de Mobutu, son ancien secrétaire puis adjoint au sein du MNC, ramené à Léo- poldville où i l est sévèrement battu devant des correspondants étrangers. Transféré le 17 janvier 1961 du camp de Thysville (Mbanza-Ngunguj à Elisabeth- ville (Lubumbashi), fief de Tshombé, il y est tué à son arrivée, sans doute par un ministre katangais, Godefroid Munongo, dans des circonstances qui n’ont jamais été élucidées.

Sa mort provoque de nom- breuses manifestations aux Nations unies et dans les capitales européennes. L’Union soviétique donne son nom à l’université qui forme 5 Moscou les étu- diants du tiers-monde. Lumumba reste toujours considéré comme un martyr de l’impérialisme dans la majorité des pays ex-colonisés. Le mythe est tellement fort que Mobutu lui-même n’a pas manqué de vouloir le récupérer en le proclamant héros national : l’anniversaire de sa mort est officiellement fêté depuis 1967.

Mort depuis plus de trente- cinq ans, i l a inspiré des hommes poli- tiques comme Antoine Gizenga, Pierre Mulélé, Gaston Soumialot, Christophe Gbénye, pour n’en citer que quelques uns. II continue encore à marquer la pen- sée de Laurent-Désiré Kabila, ancien commissaire politique lumumbiste (< tombeur de Mobutu D et ilouveau chef de I’Etat congolais.

e Joseph-Désir6 Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu wa za Sanga (1 930-1 997)

J.-D. Mobutu est né à Lisala, dans la province de 1’Equareur le 14 octobre 1930. Après des études primaires et secondaires effectuées dans des écoles religieuses, il entre dans la << Force publique >> de l’armée coloniale congo- laise où i l restera jusqu’en 1957. I1 y

exerce des fonctions administratives et en sort sergent.

Employé comme éditoria- liste à L’Avenir et Actualités africaines à Léopoldville, i l étudie et travaille ensuite à Bruxelles. II y rencontre Patrice Lumumba dont il dirige le bureau du

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Mouvement national congolais (MNC- L). Ses adversaires estiment qu’il fut en même temps agent de la sécurité belge, puis de la CIA américaine. Délégué du MNC-L pour les questions économiques à la conférence d e la Table ronde du début d e l’année 1960 qui traite de l’indépendance du Congo, il sera même le secrétaire particulier de Lumumba à son retour au Congo.

Au sein du gouvernement q u e dirige Lumumba au moment d e l’indépendance, Mobutu est secrétaire d’Etat. I1 est ensuite nommé chef d’état- major de l’armée avec le grade de colo- nel. En juil let et août 1960, lorsque l’armée se rebclle, il se déplace dans tout le pays pour restaurer le moral et la dis- cipline des troupes. I1 en profite égale- ment pour se rendre populaire et favori- ser les hommes et les unités qui lui sont fidèles.

Le 14 septembre, à u n mois de son trentième anniversaire, i l neutralise Kasa-Vubu et Lumumba qui s’entre-déchirent pour le pouvoir et il met en place un collège de commissaires généraux composé d’universitaires. C’est son premier coup d’Etat. Puis i l se débar- rasse de Lumumba en le faisant arrêter et en le livrant aux forces sécessionnistes de Tshombé qui l’assassinent (janvier 1961). I1 est nommé par le président Kasa-Vubu commandant e n chef de l’armée en janvier 1961 et s’emploie à la réorganiser. I1 l u i faudra cependant l’appui de mercenaires et de commandos de parachutistes belges pour mettre fin à la << République populaire du Congo )> de Stanleyville en 1964.

Par le coup d’Eta t du 24 novembre 1965, Mobutu déclare assumer les fonctions de président de la République pour une période cinq ans. En réalité, il restera trente-deux ans à la tête de I’Etat ...

Le coup d’Etat est plutôt bien accueilli par la communauté inter- nationale qui voit dans Mobutu l’homme

(16) Janvier-février 1966. n” 23. D. 7.

capable de mettre fin à l’anarchie san- glante du Congo. Son image est bonne, e t Afrique contemporaine s’en fait l’écho : << I1 y a enfin la réputation d’intégrité personnelle, de modération et de bon sens du général Mobutu )> (16). Mais il ne faut pas plus de six mois pour que le modéré Mobutu montre son vrai visage : le procès bâclé et la pendaison publique des << conjurés d e la Pente- côte D, dont l’ancien Premier ministre Evariste Kimba, scandalise le monde entier.

L e général Mobutu va alors concentrer progressivement le pou- voir entre ses mains. I1 réduit le rôle du Parlement et , en 1967, crée un parti unique, le Mouvement populaire de la révolution (MPR), e t promulgue une nouvelle Constitution. Les deux révoltes des mercenaires, en 1966 et 1967, lui donnent l’occasion d’épurer l’armée. En 1968, il décapite les restes de la rébellion << lumumbiste >> en faisant exécuter Pierre Mulélé, auquel il avait pourtant promis l’amnistie.

Avec la stabilité et le prix élevé du cuivre, suivra une période que l’on peut considérer comme faste pour le pouvoir. La réforme monétaire de 1967 accélère la reprise économique et le taux d’accroissement du PNB est supérieur à 8 % à partir de 1969. Cela ne durera pas.

Ayant atteint I’âge de 40 ans en octobre 1970, Mobutu peut être constitutionnellement élu (17). C’est chose faite dès la fin du mois (31 octobre-lCr novembre). I1 développe alors le culte de sa personnalité, avec une forte connotation religieuse, deve- nant pour ses compatriotes le << Guide de la Révolution )>, voire le << Messie D ou le << Sauveur )> (18). En octobre 197 I , commence la campagne << d’authenti- cité B avec notamment l’africanisation des noms (19) : le Congo devient Zaïre et les Zaïrois, même catholiques, doivent abandonner leurs prénoms chrétiens et se doter d’un << postnom )> africain. Joseph-

(17j Article 21 de la Constitution’de 1967. (18) Voir Document nu 4, p. .I 13. (19) Les noms des grandes villes avaient Cté changés dès 1966.

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Désiré Mobutu devient Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu wa za Banga (20). Une grave crise éclate alors avec 1’Eglise catholique, seule force réelle d’opposi- tion. Le cardinal Joseph Malula est exilé, les mouvements de jeunesse catholiques sont supprimés et, en 1974, les écoles confessionnelles sont nationalisées. Un compromis sera finalement trouvé.

A partir de 1975, la chance commence à échapper à Mobutu quand i l s’engage dans la guerre civile angolaise aux côtés du perdant, Rqberto Holden, que l’économie s’effondre avec la baisse des prix des matières premières et que ses relations avec l’occident se détério- rent gravement.

Malgré la dictature et les répressions brutales, l’opposition se maintient et agit. Le Shaba est envahi à deux reprises en 1977 et 1978 par des Zaïrois exilés et la France se porte au secours du maréchal (21) à Kolwezi. En 1978, une tentative de complot se solde par une centaine d’arrestations et treize exécutions. En 1980, la lettre ouverte des <( Treize >>, dont Etienne Tshisékédi, cri- tique le régime et demande le multipar- tisme (22). L a répression est sévère, même si elle ne donne pas lieu à des exécutions comme précédemment.

E n 1981, Nguza Karl-i- Bond s’exile en Belgique d’oii i l dirige l’opposit ion extérieure iì Mobutu. L’Eglise catholiquc, quant 5 elle, restera toujours critique à I’égard du régime.

L’africanisation, la natio- nalisation de l’industrie (Union minière du Haut-Katanga en 1967) et de la pro- priété foncière renforcent la grave crise économique. La corruption et les détour- nements de fonds sont monnaie courante et le Zaïre finit par détenir la dette la plus élevée d’Afrique. Mobutu fait alors appel au FMI, qui impose une politique économique drastique. Celle-ci ne sera

pas poursuivie longtemps et s’achèvera en novembre 1986, avec le limogeage du Premier ministre Kengo wa Dongo, rendu d’autant plus facilement respon- sable des difficultés que la population le considère comme G étranger >>.

Réélu en 1977 et en 1984 (pour 7 ans), Mobutu se voit contraint, en 1990, à la suite de graves troubles politiques, économiques, sociaux et uni- versitaires, d’accorder un certain nombre de réformes, dont le multipartisme. Une fois de plus, i l tente de couper l’herbe sous les pieds de l’opposition en faisant l’autocritique du régime. A l’occasion d’une large campagne de << consultation populaire >>, i l parcourt le pays en tous sens et prononce, le 24 avril, un discours relativement libéral qui suscite un grand espoir dans la population. Mais i l ne joue pas véritablement le jeu, f re ine les réformes (23), s’efforce de revenir sur ses concessions, divise l’opposition. Mais le (( nerf de la guerre D, l’argent, commence à lui manquer : I’économie minière, principale source de revenus du régime et de son chef, s’effondre (24).

Suivent alors des années troublées, avec pillages et massacres à Kinshasa en 1991 et 1992, révolte d e l’armée en 1993 par suite du paiement des soldes avec une monnaie non accep- tée par les commerçants, chute drama- tique des exportations, déliqucscence de l’autorité gouvernementale au niveau provincial ... Dans ce chaos, la Confé- rence nationale, à laquelle succède le Haut Conseil de la République-Parle- ment de transition (HCR-PT), ne par- vient pas réellement à traduire concrète- ment les aspirations démocratiques de la population. C’est l’époque des imbro- glios, où deux gouvernements rivaux et deux Parlements distincts peuvent se dis- puter le pouvoir ...

(20) De multiples traductions de ce nom ont été doiinCes (a celui qui vole de victoire en victoire et sème la disdation sur son passage >>, (( le coq auquel aucune poule ne résiste n, (( éternité >> ... ). Dans ses entretiens avec J.-L. Remilleux (DignitCpour /‘Afriq!ie, Albin Michel, 1989. p. 1 IS). Mobutu declare que Sese est le synonyme de Mobutu, que Kuku Ngbendu signifie (I poivre vert )) et que Seko est le nom de son grand père. (21) Titre que Mobutu s’est octroyé en 1983. (22) Voir Document ni’ 5. p. 114. (23) C’est ainsi qu’il tente dans u n premier temps d’imposer un tripartisme ICgal. avant d’accepter le multi- partisrne intégral. (24) Voir l’article de Robert Giraudon dans ce numtro.

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La << transition démocra- tique >> est officiellement prolongée pour deux ans en juillet 1995 en vue de I’orga- nisation des élections générales et du référendum constitutionnel prévus pour mai 1997. En novembre de la même année, Mobutu fête le trentième anniver- saire de son accès au pouvoir et semble redevenir l’interlocuteur << incontour- nable P de l’Occident. Mais le temps du << dinausaure >> est en réalité compté.

Gravement malade depuis 1996, souvent absent de son pays, usé politiquement, Mobutu n’est plus que mollement soutenu par ses amis franco- phones. Par contre, i l est devenu le tyran i abattre pour ses voisins de l’Est. L’Ouganda et le Rwanda, en particulier, lui reprochent d’avoir fait preuve de compla isance envers les ex-Forces armées rwandaises qu i encadrent les camps de réfugiés de l’est du Zaïre et menacent la sécurité de leurs frontières. Mobutu ne peut rien faire contre I’avan- cée spectaculaire de Laurent-Désiré Kabila soutenu par la quasi-totalité des Zaïrois, ceci B partir d’octobre. L’armée, peu ou pas payée, fuit devant I’adver- saire, non sans avoir pillé les villes qu’elle abandonne. Par pans entiers, le régime s’effondre, et les ralliements plus ou moins sincères à l’Alliance se multi- plient. Refusant tout d’abord de céder aux injonctions de Kabila ainsi qu’aux efforts diplomatiques du président Man- de la et des puissances occidentales, Mobutu finit cependant par quitter Kin- shasa le 16 mai 1997 pour le Maroc en passant par le Togo. Laurent-Désiré Kabila prend le pouvoir le 28 mai par sa prestation de serment. Mobutu meurt le 7 septembre 1997 i l’hôpital militaire Mohammed V de Rabat.

Le <( mobutisme est une idéologie fondée sur la notion d’authen- ticité, le culte quasi mystique du chef, le sens de la communauté, le féminisme, la modernisation économique, et un natio-

nalisme/anticolonialisme verbal virulent. De tout ceci, découle la mise en place d’un parti unique, la suppression du fédéralisme, la création d’un Etat uni- taire, et surtout la suprématie absolue du << père de la nation D, dont les actes n’ont pas à etre justifiés. Mais cette << daube idéologique P pouvait donner d’étranges résultats, dont l’e abacost D (25) était peut-être le symbole le plus voyant. Mobutu n’hésite pas non plus à revendi- quer l’héritage de Lumumba, qu’il pro- clame héros national en 1966 (26).

Sur le plan politique, Mobutu a profité des nombreuses luttcs intestines qui opposaient les politicieris entre eux (Kasa-Vubu et Lumumba, par exemple) et joué avec les hommes en les favorisant, puis en les excluant et, enfin, en les reprenant iì son service. D’une manière générale, la rotation accélérée des postes, à tous les niveaux élevés de responsabili té, combinée à u n e (< jachère D quasi systématique (entre deux fonctions, les cadres supérieurs res- tent souvent sans affectation pendant de longues périodes) faisait partie du sys- tème : princes, comtes e t barons n e devaient pas avoir le temps de se créer des fiefs (27). En contrepartie, il ne leur était pas interdit de se constituer une.. . << épargne de précaution D. Sans scru- pules, Mobutu n’a pas hésité i faire tor- turer, assassiner ou exécuter ses compa- triotes : Lumumba en 1961, les << conju- rés de la Pentecôte >> en 1966, Mulélé en 1968 ... D’autres ont été condamnés à mort puis graciés. Pour ce genre d’activi- tés, Mobutu avait mis en place des ser- vices ad hoc, dont la fameuse Division spéciale présidentielle (DSP), mais aussi d’autres moins connus : le Service des renseignements militaires et d’action >>, dissous en 1986 B la suite d’un rapport cinglant d’Amnesty International, puis de l’Agence nationale de documentation. On ne prête jamais qu’aux riches : la rumeur attribue à Mobutu la responsabi-

(25) Contraction de (c h.bas le costume occidental s,. I I s’agit d’un vêtement rien moins qu’africain, totaleineut inadapté au climat, que se devaient de porter tous les cadres masculins - et ils le portaient - jusqu’à ce que la Conférence nationale en abolisse l’usage. (26) Un monument, jamais achevé, sera EdifiC en son honneur à Kinshasa. (27) La région de Kisangani a ainsi connu 46 ou 47 gouverneurs successifs entre l’indépendance et 1990.

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lité de nombreux décès jugés suspects, comme celui du cardinal Joseph Malula, qui aurait été empoisonné, et même celui d’Antoinette, la première femme du Pré- sident, qu’il aurait lui-même battue à mort.

Sur le plan économique, i l a exploité, à l’encontre de l’intérêt de ses concitoyens, les richesses de son pays, Pour pouvoir a manger n le gâteau, i l diminua tout d’abord l’importance des holdings internationaux belges pour faire appel aux banques occidentales e’t’aux multinationales qui n’avaient pas été mêlées à la colonisation du pays, les revenus de I’Etat provenant alors de la vente des droits d’exploitation des richesses minières, des aides extérieures et des impôts élevés touchant les sociétés étrangères. En fait, la corruption a tou- jours été telle que très peu d’argent est rentré dans les caisses de I’Etat.

La fortune personnelle de l’ex-président est u n e illustration fla- grante de cette politique. Selon le Firzan- cia1 Tinies (mai I997), cette fortune pla- cée à I’étranger, équivaudrait pratique- ment à la dette extérieure du Zaïre, soit 9 milliards de dollars (28), I8 % (en 199 1) du budget de 1’Etat étant prélevés pour alimenter directement ce qu’on appelle la <( cassette présidentielle s. L’ancien Président serait également propriétaire d’immenses plantations, d e banques, compagnies d’assurances, d’entreprises commerciales. Des quantités variables d’or et de pierres précieuses étaient pré- levées directement dans les exploitations minières en sa faveur. I1 est cependant

probable que cette fortune, dont la source principale s’était tarie avec I’effondre- ment de la Gécamines, a été très large- ment écornée au cours des dernières années, Mobutu devant personnellement faire face à certaines dépenses, comme le paiement de la solde des militaires de sa Division spéciale présidentielle.

Sur le plan international, malgré son mépris des anciens colonisa- teurs, il s’est attiré tout de suite le sou- tien des puissances occidentales, et sur- tout des Etats-Unis, qui le considéraient comme le rempart contre le commu- nisme en Afrique. Quand on l’attaquait su r son non-respect des dro i t s d e l’homme, sans vergogne, il menaçait de se tourner vers l’URSS et les pays satel- lites et s’est rendu même en Chine et en Corée du Nord en 1973. Cette attitude lui a permis d’obtenir de l’aide de tous les côtés jusqu’à recevoir, sous le prési- dent Carter, la moitié de l’aide améri- caine accordée à l’Afrique au sud du Sahara contre des services rendus à la CIA. Malgré de nombreuses c r i s e s graves, l’appui occidental lui restera tou- jours plus ou moins acquis, même dans la période récente où plus personne ne pouvait avoir d’illusions sur sa dictature.

Mobutu laisse donc à son successeur une situation catastrophique dont il est pleinemcnt responsable. On constate, en effet, depuis longtemps au Zaire, l’existence de la faim, du dévelop- pement exponentiel du sida, d’une infla- tion galopante et d’une dette extérieure faramineuse.

e Mgr Laurent Monsengwo Pasynia (1 939-)

Mgr Monsengwo est né le 7 octobre 1939 à Maï-Ndombé, dans la province actuelle du Bandundu. I1 entre au petit séminaire de Kabwe (Kasaï), puis pour- suit ses études religieuses B Rome. II est ordonné prêtre le 21 décembre 1963.

II est nommé professeur à l’université Lovanium de Kinshasa, puis

(28) D’autres évaluations sont plus modestes. donnant le chiffre de 4 milliards de dollars.

à l’université nationale du Zaïre jusqu’en I975 et enfin à la faculté de théologie catholique de la capitale jusqu’en 1980. Pendant la même période, i l représente I’épiscopat auprès de I’Etat zaïrois en 1975-1976, est ensuite nominé secrétaire général de la Conférence épiscopale, puis évêque auxiliaire d’Inongo (1 980)

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par Jean-Paul II. En 1984, il devient archevêque d e Kisangani. A cette époque, il se fait le défenseur auprès de Rome de la zaïrianisation du rituel de la messe, et obtient gain de cause en 1988. Mais comme le cardinal Malula, figure emblématique de I’Eglise zaïroise, i l sait garder ses distances avec le régime. A la mort de celui-ci, on s’attend à ce qu’i l lui succède au cardinalat. Mais c’est à Mgr Etsou, beaucoup moins indépendant d’esprit, qu’échoit cette dignité.

Devenu président de la Conférence épiscopale du Zaïre, i l parti- c ipe à la Conférence nationale que Mobutu a f i n i par convoquer en août 1991, et, devant l’incapacité dc celle-ci à s’organiser, annonce le 20 septembre que I’Eglise catholique s’en retire. Ce coup de semonce produit sans doute ses fruits, puisqu’il est élu le 12 décembre 1991 président du bureau provisoire de la Conférence nationale puis, en avril 1992, président de la Conférence nationale souveraine (CNS) avec l’appui de Tshi- sékédi, et à la grande joie de la popula- tion de Kinshasa. Au terme des assises de la CNS, à l’occasion desquelles i l p rononce u n discours remarqué, i l devient président du Haut Conseil de la République (HCR) en décembre 1992. Quand le HCR et l’Assemblée nationale fusionnent, i l devient président du Haut Conseil de la République-Parlement de transition (HCR-PT). Mais i l est contesté, à la fois par l’opposition radicale menée par E. Tshisékédi et par la mouvance présidentielle, qui votent en juillet 1995 une motion réclamant sa démission, qui

e . Pierre Mulélé (30) (1929-1968)

Né en I929 dans le Kwango-Kwilu (pro- vince actuelle du Bandundu), Pierre Mulélé est u n brillant élève puisqu’il est admis au séminaire de Kinzambi. Vers 1947, i l en est chassé pour son indocilité

devient effective en janvier 1996. Parti- san d’une << troisième voie )> n’excluant pas Mobutu et s’appuyant sur les modé- rés des deux camps, i l ne pouvait que déplaire aux radicaux de tous bords.

Dans leur déclaration dite de Libreville, en mai 1997, les six chefs d’Etat francophones d’Afrique centrale, réunis dans cette ville à l’initiative de Mobutu, demandent aux institutions zaï- roises de nommer un président à la tête du HCR-PT (29) pour assurer l’intérim du chef de 1’Etat en cas de vacance du pouvoir (selon l’Acte constitutionnel de la transition démocratique). Lors de la séance plénière du HCR-PT du 10 mai, Mgr Monsengwo en est élu président, mais sans la participation des partisans de Tshisékédi, absents, devenant ainsi, aux yeux d e certains, notamment la France et la Belgique, un successeur pos- sible du président Mobutu. L.-D. Kabila réagit très négativement. Séjournant alors à Rome, Mgr Monsengwo ne donne pas de réponse dans l’immédiat. Malgré I’écho favorable de cette nomination sur le plan international, l’avancée des troupes de Kabila et sa prise de pouvoir, règlent la question de manière définitive.

Mgr Monsengwo est res- pecté de ses compatriotes et de la com- munauté internationale. Homme d e conviction, bon négociateur, ayant le sens d e I’Etat, i l n’a cependant pas d’ambition polit ique personnelle. I1 aurait donc pu jouer un rôle important dans une phase de transition démocra- tique. Mais sait-on ce que lu i réserve l’avenir ?

et son esprit indépendant. II achève alors ses études dans ce que l’on appelait alors une << école moyenne )> où l’on formait des fonctionnaires et des employés.

(29) Mgr Monsengwo n’avait pas ét6 remplacé après sa démission. (30) Cette notice est largement inspirée de <( Pierre Mulélé (1929-1968). la demière victime des rébellions zaï- roises )>, par Herbert Weiss, iri : Les Africains, Charles-André Julien (dir.), I. VI. Jeune Afrique, Paris, 1983, p. 159-189.

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Après son service militaire dans la force publique, il travaille dans les services des travaux publics à Léopold- ville. I1 consacre ses loisirs à étudier, s’intéressant particulièrement à la littéra- ture marxiste. II milite au syndicat des fonctionnaires, I’ APIC (Association du personnel indigène de la colonie), et repré- sente les travailleurs congolais de son administration à la direction du syndicat. En même temps, il participe aux activités de l’Association d’aide mutuelle des origi- naires de la région de Kwango-Kwilu. Plutôt que d’adhérer à l’un des partis poli- tiques nouvellement créés, I’ABAKO de Kasa-Vubu et le MNC de Lumumba, il fonde à Léopoldville, avec Antoine Gizenga et Sylvain Kama, le Parti soli- daire africain (PSA), en février 1959, tout jus te après les émeutes du début de l’année. Malgré sa vocation nationale affirmée, le PSA restera un parti régional, implanté essentiellement au Kwilu, dont sont originaires ses fondateurs. Malgré les divergences au sein du parti, une alliance est passée avec I’ABAKO pdur un << plan fédéral du Congo s.

Prévoyant une lutte pour l’ indépendance longue e t difficile, Gizenga et Mulélé, les deux principaux responsables du PSA, partent à I’étranger pour obtenir l’aide nécessaire SI l’avenir du mouvement nationaliste ; ils ne reviendront qu’en mars 1960. Mais les événements se sont accélérés. Pendant leur absence, le PSA, représenté par ClCophas Kamitatu, participe efficace- ment à la conférence de la Table ronde d e Bruxelles en janvier 1960. II rompt alors l’alliance conclue précédemment avec I’ABAKO, le PSA se rapprochant des thèses des unitaristes.

Presque dès le départ , Gizenga et Mulélé sont les plus proches alliés d e Lumumba et ils deviennent membres du premier gouvernement national, respectivement aux postes de vice-premier ministre et de ministre de la Culture, alors que Kamitatu prend la présidence de la province de Léopold- ville. On ne sait que peu de choses sur les activités ministérielles d e Mulélé, sauf qu’anticlérical, il envisage de natio-

naliser l’université de Lovanium, véri- table bastion catholique, devenant ainsi l’une des bêtes noires de I’Eglise. I1 apparaît comme un homme secret, froid, bon organisateur et i l est considéré comme le plus ?i gauche du cabinet Lumumba.

Lors de la crise qui oppose Kasa-Vubu et Lumumba, et qui culmine en septembre, le PSA reste fidèle 2 ce dernier et Gizenga quitte Léopoldville pour Stanleyville (Kisangani) oÙ Lumumba, en fuite, tente de se réfugier avant d’être arrêté puis assassiné. Mulélé, qui a rejoint en route le Premier ministre destitué, est témoin de son arrestation.

Très rapidement, Mulélé part au Caire représenter le c gouverne- ment >> que Gizenga a établi à Stanley- ville. II obtient sa reconnaissance par la République arabe unie (février 1961), puis par d’autres pays.

Après l’assassinat d e Lumumba, le MNC, le PSA et le CEREA (Centre de regroupement africain) parti- cipent à un << conclave D organisé à I’uni- versité de Lovanium (22 juillet-:! août 1961) sous les auspices des Nations unies. A. Gizenga et d’autres leaders se rapprochent du gouvernement central, dirigé par Cyrille Adoula, et A. Gizenga redevient même vice-premier ministre. Mulélé, toujours au Caire, désavoue Gizenga. Mais, le << gouvernement >> de Stanleyville s’étant dissous, il ne repré- sente plus guère que lui-même. II part pour la République populaire de Chine où i l séjourne jusqu’au printemps O U l’été 1963 sans qu’on entende parler de lui. Rentré au Zaïre, il s’installe dans sa région natale et commence, de sa propre initiative, à y organiser la révolution.

S’il ne participe pas à la création, par les dirigeants lumumbistes radicaux, du Conseil national de libéra- tion (CNL), en octobre 1963, à Brazza- ville, i l en est toutefois nommé membre. Le CNL prône l’action révolutionnaire, et Mulélé apparaît comme un précurseur à cet égard.

Dans le cadre de ses actions sur le terrain, il établit des camps et des écoles de partisans dans la forêt,

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près de son village natal. On y enseigne une doctrine révolutionnaire visant à ren- verser le gouvernement existant et l’ordre social et en proposant I’autosuffisance, la justice sociale et la perspective d’une << seconde indépendance D. Le mouve- ment rebelle se caractérise par son option rurale et par un goût certain pour I’orga- nisation, c e q u i ne l’empêche pas de jouer sur les croyances traditionnelles.

Le gouvernement provin- cial envoie.la police et des unités de l’armée pour essayer de capturer Mulélé. Celui-ci est alors obligé de se déplacer en permanence, ce qui l’empêche de poursuivre la formation de ses cadres. Par contre, il y gagne la réputation d’être invulnérable et de pouvoir disparaître à volonté. En même temps, la population se mobilise et environ un demi-million d e personnes se trouvent impliquées dans la rébellion.

En quelque sorte débordé par la rapidité de l’extension de la rébel- lion, Mulélé ne parvient pas i contrôler ses partisans, ce qui provoque des exécu- tions arbitraires et des entorses P la stra- tégie envisagée au départ. La discipline se relâche et les préventions ethniques prennent de plus en plus de place dans les sentiments des combattants, ce qui provoque des dissensions graves au sein du mouvement. L?approvisionnement se faisant très difficile, les villageois gagnés par la révolution << vivent sur I’habi- tant D, et leurs exactions n’ont rien à envier à celles de l’armée. Après quelques opérations ponctuelles menées au début de 1964, la rébellion s’essouffle par suite du déclin rapide de l’appui

populaire ; elle prendra totalement fin en 1970.

Mulélé reste avec ses par- tisans jusqu’à l’automne 1968, époque à laquelle i l part pour Brazzaville pour aller chercher un soutien auprès du gou- vernement progressiste d e Marien Ngouabi. Ayant reçu une offre d’amnis- tie du ministre zaïrois des Affaires étran- gères, Justin Bomboko (31), au nom du général Mobutu, i l accepte de se rendre à Kinshasa. I1 y est reçu avec les honneurs, puis après quelques jours est arrêté. Le 8 octobre, la radio officielle annonce qu’il a été condamné pour assassinat, viols, et autres crimes, et exécuté. Une grave crise s’ensuit entre Brazzaville et Kinshasa.

Figure énigmatique, Mulélé a eu un impact très important dans son pays comme l’un des piliers de l’opposition lumumbiste à Kasa-Vubu et en tant que chef de la rébellion rurale du Kwilu, qui aura un effet d’entraînement dans d’autres régions du pays (prise de Stanleyville par les rebelles de Gbénye). On sait fort peu de choses sur lui, sauf ce qui a découlé de ses actes. Considéré comme exceptionnellement dur, scep- tique et pessimiste, il fut un idéologue du socialisme révolutionnaire, apparaissant ainsi en avance sur son temps. Le seul véritable révolutionnaire congolais, selon certains commentateurs. Des mythes se sont développés autour de son nom : invulnérabilité, possibilité de se transfor- mer en animal ... Ils ont longtemps per- duré faisant de Mulélé une personnalité charismatique indéniable.

0 Jean Ngura Karl-¡-Bond (1 938-)

Né en 1938 à Musamba, au Katanga, Jean Nguza Karl-i-Bond est un parent de Moïse Tshombé. II a tout d’abord fré- quenté les écoles des missions à Likasi,

puis 3 Elisabethville (Lubumbashi), et a ensuite travaillé comme speaker à Radio- Elisabethville pendant quatre ans (1957- 1960) avant d’entrer 5 l’université de

(31) Justin Bomboko a été ministre de Lumumba, président du Collège des commissaires installé par Mobutu en septembre 1960. ministre d‘Ilé0 et d’Adoula. Sous Mobutu, entre deux disgrâces, il est h plusieurs reprises ministre des Affaires étrangères, ambassadeur 1 Washington et 1 Bruxelles.

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Louvain en Belgique dont il sort diplômé en relations internationales en 1964. I1 se targuera toujours de sa qualité d’intellec- tuel : << Intellectuel j e suis, intellectuel je demeurerai , avec ou sans fonctions publiques s (32).

De retour au Congo, il fait partie pendant quelques mois du cabinet de M, Tshombé, alors Premier ministre du gouvernement central, avant d’être nommé conseil ler à l’ambassade du Congo à Bruxelles (1964-1966). I1 devient ensuite représentant de son gou- vernement auprès de l’Union minière du Haut-Katanga (1 965-1966), puis conseiller d e la délégation congolaise auprès des Nations unies (1966-1968).

Sa carrière diplomatique se poursuit avec sa nomination comme ambassadeur auprès des Nations unies à Genève (1 970-1972) puis comme ministre des Affaires étrangbres (1972- 1974). Renommé à cette fonction en 1976, i l e s t quelques mois plus tard arrêté, jugé et condamné à mort pour tra- hison, accusé d’avoir été prévenu de la première invasion du Shaba, mais Mobutu commue sa peine en emprison- nement à vie, peut-être sous la pression des Etats-Unis et de la Belgique.

Relâché le 14 juillet 1978, i l est nommé à nouveau ministre des Affaires étrangbres le 6 mars 1979, puis Premier ministre de 1980 i , 1981 . En avril 198 1, ne s’entendant pas avec Mobutu, i l profite d’un voyage en Bel- gique pour démissionner. De Bruxelles, i l mène une campagne virulente contre le président de la République, l’accusant de corruption e t de dictature. Auteur en 1982 d’un ouvrage intitulé Mobutu ou I ’incarnation du nia1 zaïrois, i l y raconte son arrestation, les tortures qu’il a subies et sa détention. Pendant cette période, i l organise et coordonne l’opposition exté- rieure au régime mobutiste.

A la suite d’une amnistie, i l rentre au Zaïre en juin 1985 et parti- cipe à la célébration du 25e anniversaire d e l’ indépendance, ce qui lui aliène

nombre de ses sympathisants, voire une large partie de l’opinion, pour laquelle il devient le << caméléon D. Mobutu en pro- fite pour lui rendre ses faveurs et le nomme à nouveau ambassadeur à Washington (1986 à 1988), puis, pour la quatrième fois, ministre des Affaires étrangères. Ses ennemis le considèrent comme l’homme des Américains.

En juin 1989, i l se rend en Afrique du Sud où il s’entretient avec le président Botha. I1 demande alors 2 I’Organisatio-n de l’unit6 africaine d e revoir la stratégie d’isolement d e la République sud-africaine, mise en œuvre par cette organisation régionale, dont i l estime les résultats catastrophiques.

En septembre 1989, à la suite d’une nouvelle mésentente avec le président Mobutu, i l part vivre à l’étran- ger dont il revient en novembre 1990 pour diriger l’Union des fédéralistes et des républicains indépendants (UFERI). I1 se déclare alors candidat aux élections présidentielles que Mobutu a promises pour décembre 1991 (33). En novembre 1991, i l devient Premier ministre pen- dant six mois et participe activement à la Conférence nationale du mois d’août. En 1993, il devient ministre de la Défense.

Par suite d e ses nom- breuses volte-face vis-à-vis de Mobutu, Nguza Karl-¡-Bond est u n personnage très controversé, généralement considéré comme un opportuniste, son opposition étant considérée comme de façade. A ces reproches, il répond que, pour servir son pays, i l est nécessaire de s’entendre avec le pouvoir en place. Originaire du Shaba, poumon économique du pays, il y est soutenu par de nombreux partisans. Le 13 décembre 1993, il est aux côtés du gouverneur du Shaba lorsque celui-ci proclame l’autonomie totale de la pro- vince. Mais il s’en désolidarise quelques jours plus tard. En juin 1994, i l est hos- pitalisé en Afrique du Sud à la suite d’une attaque cardiaque. Selon certaines informations, i l demeure toujours dans ce pays.

(32) Nguza Karl-¡-Bond, (III clvertir pour le zclïre, Vie ouvrikre, Bruxelles, 1985. p. 149. (33) Elles seront constamment repoussées.

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e Etienne Tshisékédi wa Malumba (1 932-)

D’ethnie luba et fils d e catéchiste, Etienne Tshisékédi est né le 14 décembre 1932 à Luluabourg (Kananga), au Kasaï occidental.

II est scolarisé dans son pays et à la fin des années 1950, étudie à l’université catholique de Lovanium à Léopoldville oÙ i l obtiendra le doctorat en droit en 1961. C’est le premier Congolais titulaire de ce diplôme.

II entre en politique dès 1960 et soutient le Mouvement national congolais de Patrice Lumumba mais s’en sépare pour suivre le leader sud- kasaïen Albert Kalonji. Après le pre- mier c coup d’Etat n d e Mobutu, le 14 septembre 1960, qui vise iì neutrali- s e r Lumumba et Kasa-Vubu, i l e s t nommé membre du Collège des com- missaires - il est responsable de la Jus- tice - qui va exercer les responsabilités gouvernementales jusqu’en février 1961. Certains laissent entendre qu’il pourrait avoir été compromis dans l’arrestation et l’exécution d e Lumumba. Lorsque le Collège des com- missaires laisse la place au second gou- vernement IlCo, i l refuse prudemment un poste au Kasaï où, bientôt (le 8 avril 1961) , Kalonji s e f a i t couronner Mulopwe (chef) d’un éphémère empire. II préfère diriger I’Ecole nationale d’administration (1961-1965). En mai 1965, i l est élu député national dans la circonscription de Mbuji-Mayi, capitale d e l’actuel Kasaï oriental, et sera réélu pendant les trois premières législatures de la IIc République.

SOUS la IIc République qui s’ouvre avec le coup d’Etat du colonel Mobutu, le 24 novembre 1965, il est nommé ministre de l’Intérieur et des Affaires coutumières (1965-1968), puis à la Justice (1968-1969) et enfin ministre d’Etat chargé du Plan, de la Recherche scientifique et de l’Aménagement du Territoire Cjusqu’en juillet 1969).

Membre du bureau poli- tique du Mouvement populaire de la révolution (MPR), le parti unique, de 1967 à 1972, il en est le premier secré-

taire national pendant quelques mois en 1968. Ambassadeur au Maroc de 1969 à 1970, il devient ensuite vice-président de l’Assemblée nationale. Pendant toutes ces années, il j oue un rôle essentiel auprès de Mobutu, dont i l passe pour le confident : i l est l’un des auteurs, sinon le principal, de la réforme constitution- nelle et de la réforme administrative.

II prend ensuite du champ par rapport au régime, redevenant le directeur de 1’Ecole d’administration, En 1980, c’est la rupture. I1 est l’un des << Treize D, ces parlementaires qui, daris une lettre ouverte de plus de cinquante pages au chef de I’Etat, lui demandent de réformer son régime e t d’instaurer le multipartisme. Ces iconoclastes sont déchus de leur qualité de député, empri- sonnés et bannis dans leurs villages. Tshisékédi qui milite pour le multipar- tisme fonde, en 1982, l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) qu’il dirige ensuite.

Pendant cette période, et malgré l’amnistie de 1985, Tshisékédi est arrêté douze fais pour ses activités politiques et même battu par la police alors qu’il essaye de parler à un groupe d e membres du Congrès américain. Après u n e année passée en Belgique, dont il revient avec les garanties d e Mobutu, il est blessé lors de la tenue du premier meeting pacifique de I’UDPS en janvier 1988, manifestation.organisée pour célébrer l’anniversaire de la mort de Lumumba. I1 est alors interné dans un hôpital psychiatrique et la propagande s’efforce de le faire passer pour fou. II en sort, à l’occasion des premibres concessions démocratiques de Mobutu, en avril 1990.

Devant l’état désespéré du pays, Mobutu finit par accepter le prin- cipe d’une conférence nationale qui se tient 2 partir d’août 1991. Chargée d e nommer un nouveau gouvernement, la Conférence nationale souveraine (CNS) nomme Tshisékédi Premier ministre en octobre. 11 est destitué au bout de sept jours par Mobutu car il a refusé de lire

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les passages relatifs au chef de I’Etat, << garant.de la Nation D, un terme qu’il récuse, lors de sa prestation de serment. En novembre, la nomination de Nguza Karl-i-Bond à la primature par Mobutu provoque I’éclatement de l’Union sacrée au sein de la CNS.

En avril 1992, la Confé- rence nationale reprend ses travaux et, en août, l’Union sacrée, composée en majo- rité de religieux, de politiques, de tra- vailleurs et d’étudiants, choisit Tshisé-

. kédi comme Premierministre et Mgr Laurent Monsengwo, l’archevêque de Kisangani, comme président. Lorsque Mobutu nomme à la primature, en mars 1993, Faustin Birindwa, Tshisékédi constitue son propre gouvernement peu après. Le pays << dispose >> alors de deux gouvernements.

Pendant cette période trou- blée, Tshisékédi bénéficie du soutien de ce que l’on appelé la <( troïka >>, c’est-à- dire la Belgique, les Etats-Unis et la France. Mais sa raideur - on le sur- nomme (( Monsieur non >) - finit par lu i aliéner ces sympathies, de même qu’elle agace de plus en plus la classe politique zaïroise, qui l’accuse par ailleurs d’ambi- tion personnelle.

Une << troisième voie >>, idée soutenue par le président du Haut Conseil de la République (HCR-PT), Mgr Monsengwo, est adoptée lorsque Kengo wa Dondo est nommé à la prima- ture en juin 1994. L’UDPS de Tshisé- kédi refuse de participer à ce gouverne- ment.

Tshisékédi, le (( Iider maximo >) comme l’appelle la presse militante n’accepte pas son éviction et se considère toujours comme le Premier ministre légitime, puisqu’élu par les représentants du peuple. Appelé (( Pre- mier ministre B, i l est également connu sous le nom affectueux et respectueux de (( Papa Etienne s . Tous les jeudis, i1 tient un <( conseil des ministres >>, dans la cour de sa résidence de Limete, un quar- tier résidentiel de Kinshasa. Aucune des tentatives destinées à sortir le pays de

l’impasse politique ne trouve grâce iì ses yeux. En mai 1996, l’Union sacrée ne le reconnaît plus comme son leader. En octobre, il rejette le projet de Constitu- tion adopté par le HCR-PT.

Pendant la période d e grande incertitude des derniers mois du mobutisme, i l e s t nommé Premier ministre à deux reprises, en novembre 1996, puis du 2 au 10 avril 1997 (4c nomination à ce poste). Cela lui vaut de sérieux reproches de Kabila, qui l’accuse de se compromettre avec Mobutu.

Lors d e l’avancée éclair de Kabila vers Kinshasa, il est cependant considéré, avec Mgr Monsengwo, comme l’un des hommes capables d e favoriser une sortie du mobutisme en douceur. Mais ses contacts avec I’équipe de Kabila tournent court. Tshisékédi se voit Premier ministre et est ulcéré de ne pas avoir été admis à rencontrer person- nellement le leader de l’Alliance. Tshisé- kédi ne fait donc pas partie du gouverne- ment constitué le 22 mai par le nouvel homme fort du pays. Pourtant, deux membres de I’UDPS, Paul Bandoma et Justine Mpoyo Kasa-Vubu y détiennent respectivement les portefeuilles d e l’Agriculture et de la Fonction publique ; ces personnalités sont tout de suite désa- vouées par Tshisékédi. Sa mise 2 I’écart provoque quelques manifestations à Kin- shasa. II est arrêté plusieurs fois, pour quelques heurcs, par les nouvelles autori- tés.

Plutôt populaire, surtout dans la capitale, qui constitue son fief, i l vit de manière relativement modeste, sans luxe ostentatoire. Peu loquace, il ne s’exprime publiquement qu’en de grandes occasions. Ayant depuis 1980 toujours montré beaucoup de courage et de ténacité dans son combat politique, il a de nombreux fidèles qui l’entourent et le protègent. Représentant l’opposition radicale au régime de Mobutu depuis sa 4 conversion >>, i l est en passe d’incarner l’opposition, voire la résistance, au nou- veau régime de Kabila.

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Q Moïse Tshombé (1 91 9-1 969)

Moïse Tshombé est né en 1919 dans une famille prospère pratiquant le commerce dans le Katanga occidental et il est édu- qué chez les missionnaires méthodistes américains.

Après des études d’institu- teur, seule voie possible à l’époque pour tenir un poste d’importance sous la colo- nisation belge, il se spécialise dans la comptabilité et le droit en vue d’aider son père dans sa maison de commerce. JI pratique ensuite le négoce à Elisabeth- ville (Lubumbashi) puis à Sandoa oh i l se révèlc dépcnsier ct dilettante, ce qui provoque presque la faillite de son sec- teur.

En 1951, i l hérite d e l’entreprise familiale et sa carriere poli- tique commence à cette époque quand il devient président de la Chambre de com- merce africaine et conseiller provincial du Katanga à la place de son père. I1 laisse alors ses intérêts commerciaux entre les mains de ses frères.

Après avoir créé une asso- ciation culturelle des Lundas et une asso- ciation pour la classe moyenne africaine, les << évolués D, Tshombé fonde la Confé- dération des associations tribales du Katanga (CONAKAT) en 1958 qui groupe essentiellement des Lundas e t devient l’un des partis politiques les mieux organisés du Congo. Son objectif est de repousser dans leurs territoires les Balubas du Kasaï qui sont très nombreux iì travailler iì l’Union minière. Les Belges du Katanga - que les anticolonialistes appellent les << Kangaleux )> - le soutien- nent car i l préconise un éclatement eth- nique du Congo, les Etats <( confédérés )) conservant des liens avec la Belgique au sein d’une sorte de Communauté. Ses amitiés avec les dirigeants de l’union minière renforcent sa position, mais lors de la conference de la Table ronde de Bruxelles (janvier-février 1960), qui décide d e l’indépendance, le point de vue d’un état centralisé l’emporte avec Kasa-Vubu et Lumumba.

Les Clections de mai 1960 sont favorables l a CONAKAT qui

l’emporte sur la BALUBAKAT d e Sendwé et Tshombé est nommé prési- dent régional du Katanga. Au niveau fédéral, il soutient Kasa-Vubu contre Lumumba dont il craint les idées centra- lisatrices, mais Kasa-Vubu partage le pouvoir avec Lumumba le laissant en dehors des responsabilités nationales.

L‘armée s’étant mutinée le 5 juillet 1960, la violence atteint le Katanga le 9. Les parachutistes belgcs qui sont restés dans la province aident à restaurer l’ordre au motif de protéger Ics ressortissants étrangers et Tshombé pro- clame l’indépendance du Katanga le 11 juillet. Son autorité n’est cependant pas reconnue par l’ONU et il ne parvient pas à venir à bout de la dissidence des Balubas.

L’assassinat de Lumumba, en janvier 1961, lui est imputé car Gode- froid Munongo, un de ses ministres, en est accusé, même si les circonstances de ce drame n’ont jamais pu être totalement élucidées. 11 réunit ensuite quatorze lea- ders congolais en mars 1961, à Tanana- rive, pour organiser la lutte contre l’inter- vention des forces de l’ONU et mettre en place u n e confédération souple. A la Table ronde de Coquilhatville en avril, il est arrêté, promet d e mettre fin à la sécession, puis, une fois libéré, se ravise. Le gouvernement central d’Adoula et les forces de l’ONU s’emploient alors à le combattre plus efficacement. En janvier 1963, Tshombe doit se soumettre et i l part en exil en France puis en Espagne.

I1 est rappelé au Congo en juillet 1964, à l’initiative semble-t-il de Mobutu, et succède alors, le IO juillet, à Cyrille Adoula, démissionnaire, comme Premier ministre. Le pays est en passe d’être submergé par les rébell ions << lumumbistes D déclenchées par Mulélé au Kwilu, et par Gbénye et Soumaliot au Kivu.

Pour les combattre, il fait appel à des mercenaires étrangers et 2 l’armée belge, qui reprennent Stanley- ville fin novembre. Ces succès lui valent une certaine popularité dans le pays.

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Aux élections législatives d’avril 1965, son nouveau parti , la Convention nationale congolaise (CONACO), remporte la victoire. Mais Kasa-Vubu, qui voit en lui un rival dan- gereux lors des présidentielles prévues par la nouvelle Constitution, le démet de ses fonctions le 13 octobre. Quand Mobutu prend le pouvoir, l e 24 novembre, il ne lui reste plus aucun espoir de jouer un rôle politique. I1 repart en exil en Espagne.

En juillet 1966, une muti- nerie << tshombiste )> a lieu à Elisabeth- ville, Stanleyville et au Kivu, due à des mercenaires et à d’anciens gendarmes katangais intégrés dans l’armée régu- lière.

A Madrid, i l apprend sa condamnation à mort par contumace en mars 1967. A la suite de son enlèvement le 30 juin d e la même année par un détournement d’avion en Méditerranée

(34), il est détenu en Algérie, laquelle refuse son extradition rcclamée par Mobutu. I1 meurt dans sa prison d’une crise cardiaque en 1969.

Partisan d’une confédéra- tion souple au sein du Congo-Zaïre, Tshombé a joué un rôle important dans l’histoire de son pays en faisant séces- sion, voulant sauvegarder le Katanga de l’emprise centralisatrice de Léopoldville- Kinshasa et en s’entourant de Belges, dont les dirigeants de la très riche et puissante Union minière d u Haut- Katanga, soutenu par une armée compo- sée principalement d’officiers belges et de mercenaires. Très puissant sur le plan provincial, il a fait de l’ombre à Mobutu et en a payé les conséquences. Considéré comme l’homme des Belges, Moïse Tshombé a été violemment contesté par l’Afrique nationaliste et progressiste ainsi que par les milieux tiers-mondistes ‘et neutralistes du monde entier.

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e Principales sources utilisées - Afrique contentporairze (articles divers, chronologies et biographies).

- Brockman (Norbert C.), Atz African Biographical Dictionary, ABC-CLIO, Santa Barbara, Denver et Oxford, 1994.

- Dossiers de presse de La Documentation française (CIDIC).

- Encyclopaedia Universalis, Paris, 1990.

- Ndaywel è Nziem (Isidore), Histoire du Zaïre. De l’héritage aricierz à l’âge cotitenzporain, Duculot, Louvain-la-Neuve, 1997.

- Rake (Alan), Who’s Who ìn Africa : Leaders for the 199Os, The Scarecrow Press, Metuchen et Londres, 1992.

(34) Tshomb6 est alors en dCplaceinent ?I Majorque. Son avion est détourni par un certain François Bodeman. un Français au pass6 judiciaire chargd. On n’a jamais pu - ou jarnais voulu - établir pour le compte de qui Ce dernier a agi.

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