Distorsions Graphiques

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/ 1 RION GÜRCEL DSAA concepteur créateur, session juin 2012 design graphique lycée lamartinère diderot lyon DISTORSIONS

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Memoire d'arts appliquées DSAA Juin 2012

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RION GÜRCEL

DS

AA

concepteur créateur, session juin 2012design graphique lycée lam

artinère d

idero

t lyon

DISTORSIONS

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RION GÜRCEL

DS

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concepteur créateur, session juin 2012design graphique lycée lam

artinère d

idero

t lyon MA

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Je jure solennellement, qu’aucune image n’a été retouché sur Pho-toshop, qu’elles sont toutes imprimées en mode RVB et rétrécies manuellement sur un Indesign piraté et fourni par un ami.

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Sommaire :

16… Désobéir au client et mettre à mal le marketing.

16… a. Pour bien comprendre les tenants et les aboutissants de la démarche de désobéissance il faut :

24… b. Standardisation par les médias successifs et marketing

38… c. Marketing et immédiateté de la satisfaction du désir, l’urgence de la consommation.

54… II_Redesigner le design

55… a. Le designer-réalisateur.

64… b. Intégrer ou perturber l’individu par le processus de création.

69… c. Antisocial tu perds ton sang froid… le fanzine et l’art du do it yourself

78… d. du do it yourself à l’auto-production il n’y a qu’un pas

81… e. Lorsque le graphiste est s’inscrit dans une critique

93… f. Le graphartiste, aperçut d’une particularité liée au statut de design-auteur.

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100… III_ Désobéissance graphique, démarche personnelle.

100… A. La désobéissance graphique et l’utilisation de l’erreur, comme mise en abîme du message et outil de contestation du marketing et de la rentabilité de l’humain.

100… a. L’erreur, c’est moche.

102… b. La faute d’orthographe

106… c. Le glitch, l’erreur devient l’outil du hackeur.

109… d. L’erreur pour induire en erreur, fausser la représentation du réel.

116… B. La faillite du médium et du message par l’erreur, la tactique de l’erreur.

116… La désobéissance graphique met fin de l’omniprésence de la perfection rentabilisée et de la domination du sujet.

117… a. Dissidence graphique, déformation pouvant mener à la destruction du médium.

117… Vous êtes un terroriste, la violence de vos actes rend impossible toute discussion…

118… b. La déformation de l’unité du corps entraine une perturbation de la lisibilité

119… c. Perturbation de la lisibilité par manipulation des codes graphiques

120… d. Par l’humour et l’auto-critique

121… e. Désormais…

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Ce mémoire n’est pas une observation de la désobéissance appliquée au domaine du design. Ce mémoire questionne le degré de mon engagement dans une pratique, étu-diée depuis six ans. Il est le témoignage d’une inquiétude commune à la génération actuelle de jeunes designers graphiques, qui cherchent à envisager l’avenir de leur métier. Et qui ne trouvent pas dans sa forme actuelle une valeur citoyenne suffisamment engageante.

Ce mémoire est un engagement dans la désobéissance. Comme un outil pour contrer une angoisse face à la constatation de l’état de misère symbolique de nos contemporains. Face à un affadissement de l’esprit critique et à la soumission de l’humain aux stratégies de consommation par la prise de pouvoir du marke-ting, la désobéissance est la seule voie possible.

Ce mémoire dit que désobéir, c’est de ne pas obéir, c’est être hors-la-loi. Du moins, c’est de ne pas faire ce qui est commandé ou de faire ce qui est défendu. Il se demande s’il est possible d’envisager la désobéissance dans le graphisme ? Alors que la conception contemporaine du gra-phisme est justement d’obéir à une commande, à un client, il sert une cible, une idée marketing. Le graphisme c’est communiquer pour vendre dans 90% des cas… C’est bien à ça que sert le gra-phisme ? «Identifier… informer … et promou-

Introduction :

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voir»1 soit en d’autres termes : mettre en forme un contenu, de manière à rendre l’information

claire et accessible, en d’autre terme optimisée, pour une cible donnée.

Manifestement, les 10% restant, ne l’entendent pas du même œil.

Il peut et il doit y avoir déso- béissance graphique. Pour la simple et bonne raison qu’il doit y avoir constamment des gens pour refuser le dog-matisme dominant. Se ranger de l’avis de tout le monde n’est pas une attitude normale, c’est une facilité encouragée par le totalitarisme. Nous sommes dans une ère de totalitarisme consumériste. Où le marketing tend à nous diriger vers une absolue dépendance à l’achat.

La désobéissance graphique, emboite le pas des casseurs de pub (première paru-tion en novembre 1999), mais ne se limite pas à la publicité. Elle questionne la totalité du schéma de la communication, qui essaye encore et encore de nous faire rêver au tra-vers de l’image, via des logiques marketing.

Celui qui est dans une attitude de déso-

1Richard Hollid «His-

toire du graphisme de 1890 à nos jours» p 10

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béissance graphique est logiquement contre un quelque chose en lien avec le graphisme actuelle, il questionne la création.

Ce mémoire est composé en trois par-ties, et tente de répondre à la question : Le principe de désobéissance peut-il être appliqué au graphisme et faire partie inté-grante du processus de création ?

La première partie découle d’une réflexion philosophique interrogeant les relations entre violence, rapports humains et graphisme, menée en amont du mémoire d’arts appli-qués. Il est question au long de cette première partie, de mettre en évidence les mécaniques de violence et de domination intrinsèques aux comportement humains. Puis les procédés de standardisations des médias, par les médias entrainant la standardisation des comporte-ments humains. Elle cherche à comprendre les mécaniques du marketing car c’est aussi ce qui provoque une réaction de désobéissance.

La deuxième partie, recherche dans le champ du design graphique et parfois dans d’autres de-signs, s’il y a des individus qui s’inscrivent dans une démarche qui pourrait être assimilée à la dé-sobéissance. Elle pointe la nécessité du designer

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de s’inscrire dans une démarche d’auteur-réali-sateur. Auteur, certain designer questionnent la place de l’individu face à la création graphique dans le but d’organiser une dé-massification de la communauté (au sens large). Imman-quablement, parler de désobéissance. Amène à considérer la pratique de production «en dehors». Et à considérer la production graphique de mouvements anti-conformistes. Car il s’agit bien là de sortir de la norme et de critiquer le conformisme. Ces attitudes hors-normes, pen-sent la production de manière hors-norme. Hors de la masse. L’auto-publication et l’auto-produc-tion, sont un engagement dans la désobéissance. C’est une posture critique face à une privation du savoir-faire1 par le fordisme et pour une perspective de vente. La posture d’auto-production, témoigne toujours d’une posture critique en amont de la part du designer. C’est par ailleurs souvent cette posture critique qui le pousse à s’auto-produire. Parce qu’il en vient à douter du bien fondé du dogme dominant. Enfin, il arrive que le designer-auteur, parce qu’il est critique, entre dans le champ de l’Art. Et qu’il y trouve un espace d’expérimentations poétiques.

1lorsqu’il est question de

savoir-faire, il est s’agit d’un pratique technique, qui va de la traite d’une vache à la cuisine en pas-sant par l’écriture et la

réflexion

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La troisième est dernière partie du mémoire, témoigne de ma position per-sonnelle dans le champ de la désobéissance, au travers de la déformation de l’erreur. J’y expose l’erreur, et ce pourquoi je la consi-dère comme un outil de désobéissance.

Pour terminer, je rends compte de ma démarche en y intégrant l’erreur comme tactique de désobéissance graphique.

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La désobéissance donc peut être appliquée au graphisme.

Elle doit être motivée par une volonté uto-pique de liberté de créer. Il n’y a pas une mais plusieurs réponses qui ont été longuement expo-sées ici. Elles fonctionnent, et doivent encou-rager les suivantes. Concrètement l’attitude d’Åbake au travers de sa maison d’édition Dent de Léone est une démarche dont il faut assimiler le mécanisme et le diversifier. Le designer est un transformateur, il doit toujours tout remettre en question. L’erreur comme désobéissance graphique est un moyen, qui n’est pas exclusif, de tout remettre en question.

L’analyse des procédés du marketing permet d’identifier ce avec quoi le designer doit être en contradiction. Et pourquoi il doit être dans cette posture. La compréhension des standards de l’image et de la composition graphique, par l’éducation scolaire, est une base à la désobéis-sance, offrant au «désobéissant» un vaste terrain de jeu au service de son anti-conformisme. Cette démarche n’apportera pas de solutions miracles au marketing. C’est la première phase néanmoins nécessaire de désintoxication, et de déprogrammation du désir. Avant de proposer des nouvelles manières de communication, il faut passer par une phase de mise en alerte de

:CONCLUSION

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l’individu. De manière à ce qu’il soit conscient que la standardisation de sa libido n’est pas une chose anodine. Il est nécessaire de «déséduquer» la «cible» pour qu’elle se sorte d’elle-même de sa condition de cible et finisse par enrayer le cercle du consumérisme. L’individu doit devenir acteur de sa consommation, il n’est plus passif. Tant pis pour le confort que lui pro-cure le marketing. L’homme moderne est dans une consommation malheureuse parce qu’il est passif, et que le marketing choisi pour lui.

Le designer dans sa conception actuelle disparait. Il devient soit un artisan et est dans une approche du particulier. Soit un artiste et est dans une production critique. Soit un chercheur et entre dans un ques-tionnement plus ouvert du design et de ses mécaniques. Il doit dans tous les cas être conscient de sa démarche et la revendiquer.

Désormais tous reste à faire. Le graphiste doit mettre en place une action militante et s’inscrire dans les problèmes de notre génération. La crise économique, le chômage, la mise en place d’un mode de cohabitation entre humain et nature, etc. Sont autant de problèmes qui méritent que l’on désobéisse au schéma actuel. Si le graphisme ne s’y intègre pas alors il est voué à sombrer avec

Cette dé-marche est p e r s o n -

nelle.

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le capitalisme de consommation et le marketing.

Ainsi s’ouvre la désobéissance du design…

Cette dé-marche est p e r s o n -

nelle.

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Désobéir au client et mettre à mal le marketing.

a. Pour bien comprendre les tenants et les aboutissants de la dé-marche de désobéissance il faut :

Comprendre que les rapports humains sont basés sur des rapports violents de domination et de recherche de pouvoir. La violence est un rapport de domination destructeur, seulement la violence est une composante inéluctable de la nature une humaine, Hegel1, met en relief cette part de l’humanité, il déconstruit le mythe qui voudrait que l’homme soit un animal social

, surtout qu’il considère cette donnée comme nécessaire à la constitution d’une communauté. C’est la raison pour laquelle G. Labica parle d’un fait culturel et non naturel. En fait c’est lorsque les individus se heurtent les uns aux autres, que leurs règles érigent une culture que

1«Dialectique de la

maitrise et de la servitude»

«le rapport à autrui n’est pas fait de douceur ni de frater-nité mais d’hostilité»

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tous les membres de la communauté intègrent.

Pour comprendre le rôle des médias dans la relation dominant/dominé, Porcher1 consi-dère d’abord les médias comme étant des emboi-tements de champs. Un champ pour Bour-dieu est à la base d’une activité. Il englobe un ensemble d’acteurs (des métiers…) qui lui sont spécifiques. Ces acteurs s’organisent, se déve-loppent, se hiérarchisent, et «occupent une fonction une position qui a ses propres enjeux à l’ intérieur de l’enjeu majeur»2. La relation dominant-dominé est fondamentale au sein du champ. Les domi-nant, pour Porcher, sont dans le champ, au plus proche de l’enjeu majeur, ils ont argent, prestige, liberté de choisir, et cherchent à rester dominant. Plus on va vers les dominés, plus le pouvoir des premiers s’accroit sur le second3. Ainsi le véritable pouvoir des domi-

nants est de faire passer leurs propres idées pour des idées justes intrinsèquement. Ils décrètent telle idée bonne ou

mauvaise. Ils fixent la légitimité. La domination est à son apogée, lorsque les dominés partagent sincèrement l’idée fabriquée par les dominants. Toutefois, la légitimité est fabriquée par les hommes et n’est jamais une valeur intrinsèque.

1 & 2 PORCHER Louis,

«Les médias entre éducation et com-munication», p92-98

3et peut être

soit accepté soit source de

conflit

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Mais elle fonde la validité ou non d’une loi ou d’une autre production humaine, puis convainc d’une majorité provisoire à laquelle tout le monde fini par se rallier. Au final, «toute justice ou justesse, dans quelque domaine que l’on se trouve, est une inven-tion des hommes et ne résulte que de ce que tout champ possède ses propres dominants et décrète la domination.»1 Porcher tempère un propos qui pourrait paraître fataliste et déprimant sur les relations humaines, en soulignant l’importance d’inculquer par l’éducation un propos «défa-talisateur», les sujets sont toujours libres de lutter contre ce qui pourrait apparaître comme un destin et qui n’est qu’une réalité, une pure fabrication humaine. Ce qui a été fait peut être défait selon la même logique2. Ces rapports de

hiérarchisation du champ exposés, on peut aisément comprendre l’importance

que prennent les médias électriques3 au sein d’un second champ. Chaque média constituant un premier champ, sa hiérarchisation peut être utilisée par un champ second comme moyen d’exacerber sa domination et de la rendre plus légitime. Les médias électriques creusent l’écart entre les différentes couches culturelles de la communauté. D’une part parce qu’ils ont

1PORCHER Louis, «Les

médias entre éduca-tion et communica-

tion», p96-98

2PORCHER Louis, «Les

médias entre éduca-tion et communica-

tion», p99

3Mac Luhan,

«pour com-prendre les

médias», p31-33

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une volonté universelle de s’adresser à toute les couches de la population, et d’autre part parce qu’ils ont contribué à la construction du village global qu’a théorisé Marshall Mac Luhan. Les médias sont le centre du pouvoir. Ainsi, plus un sujet aura une culture variée et approfondie, plus il sera a même de comprendre les contenus véhiculés par les médias. Puis d’en comprendre ou d’en faire la critique, d’ingérer et de com-prendre l’information pour la transformer en connaissance1. Porcher souligne ce fait, il n’y

a pas de connaissance véhiculée par les médias, ce sont des informa-tions, la connaissance naît de la capacité du sujet à comprendre cette même information.

Le marketing, ins-trumentalise le rôle des

médias. En spéculant sur ces conflits inter-hu-mains, il créé des rapports de domination entre économie et sujet. Porcher2 fait état la publicité

pour illustrer ce schéma, «la publicité est son propre destinataire, elle diffuse sur les chaines lorsque le second destinataire (le consommateur) est le plus présent {…} Le consommateur est un

destinataire inévitable». Il devient consommateur, et le média lui fait désirer un acte de consom-mation. Le graphiste, notamment mais le

2PORCHER Louis,

«Les médias entre éduca-

tion et commu-nication», p57

1Le savoir naît de l’appropriation du message. Pour que cela arrive il faut tenir compte de chaque individu, chacun ayant sa propre «manière d’apprendre»CRAPEL, centre de recherches et d’applications péda-gogiques en langues

PORCHER Louis, «Les médias entre éducation et

communication» p33

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Ces tatouages sont des signes graphiques intéres-sant pour deux raisons. Primo, les tatouages sont une carte d’identité du porteur, ils indiquent entre autre sa caste sociale. Les mariages de différentes castes étant bien-entendu interdits, ces tatouages sont un moyen de fixer par l’écrit, sur le corps du sujet, son état de domination à l’intérieur de la communauté. Deuxio, ces tatouages déchirent la continuité du visage et lui donnent une nouvelle dimension. De plus, outre les informations identitaires, ces tatouages sont souvent constitués de signes inventés , issue d’une improvisation graphique et propre à chaque individu.

Tatouage caduvéo, Brésil, détail de fiche d’observation de Claude

Lévi-Strauss

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20+1 / 21 «The japanese car the germans wish they’d made» (La voiture japonaise que les allemands auraient aimé faire) Domination, rabaissement et humiliation, mise en doute du savoir-faire automobile… jusqu’à la composition de l’image, on pousse le consomma-teur à choisir un camps : dominant ou dominé ?

pub canadienne pour la marque japonnaise SUbaru

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designer en règle générale, devient le messie de l’avènement du marketing et surtout du capita-lisme, Nicole COLIN1, dans «Le Bauhaus et la Philosophie…», laisse entrevoir la question de l’éthique, dans le schéma actuel du capitalisme et du rapport qu’il tisse avec le design. D’une manière naïve on pourrait comparer ce rapport avec celui qu’entretient la scientologie avec les stars de cinéma hollywoodiennes (faire passer ses idées sous une couverture strass et pail-lettes). Il est constamment question de rapport de domination et de recherche de pouvoir, seulement, aujourd’hui on tente d’étendre une domination qui n’est plus à l’échelle d’un pays mais du monde. Par l’intermédiaire des médias, le capitalisme consumériste étend son schéma au monde, et la majorité du reste du monde cherche à s’y soumettre. Grâce au «metamé-dium»2 qu’est l’ordinateur, et à l’essor d’inter-net, le graphiste plus que tout autre designer joue un rôle dangereux, dans la mise en scène des rapports humains. «Si cela continue», note Keedy3, alors ce sont les graphistes qui créeront «notre environnement humain». Cette surestimation du rôle du designer graphique est quelque peu inquiétante mais elle montre aussi à quel point il est possible de prendre le pouvoir sur les structures sociales humaines, grâce à la standar-disation des mode de vie voulue par les médias.

1«Le Bauhaus et la Phi-

losophie. Critique culturelle et Utopie

sociale»

2 & 3 POYNOR

Rick, «Transgression : graphisme et post-

moderne»p 11O

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--------*transition*-------Les rapports humains sont fondés sur des

schémas de dominations, il faut comprendre que loin d’être un attribut négatif, cette constance permet l’organisation des hommes en commu-nauté. Les médias sont le prolongement de nos rapports internes, ils les formalisent. Les médias actuels vont encore plus loin, le penseur améri-cain Mac Luhan les voit comme prolongement de sens, surtout lorsqu’il s’agit de ce qu’il qualifie des «médias électriques»1. Ce sont la radio, la télé-vision, le téléphone et internet. Mac Luhan dit d’eux qu’ils transforment nos rapports sociaux, parce qu’ils offrent une nouvelle appréhension de la géographie et de la temporalité. Ils sont dits électriques parce qu’ils apparaissent grâce à la maitrise de l’électricité. Ces médias formatent, par la force des choses, nos mœurs, nos modes… «Ce que je dis, c’est que les médias, en tant que prolongements de nos sens, établissent de nouveaux rapports non seulement entre nos sens à nous, mais aussi entre eux-mêmes, quand ils influent les uns sur les autres. La radio a changé la forme du bulletin de nouvelles, tout autant qu’elle a changé la forme de l’ image dans le cinéma parlant. La télévision a provoqué des changements radicaux dans la programmation radiophonique, ainsi que dans la forme du roman documentaire ou descriptif»2.

--------*_*-------

1«Understan-

ding Media : The extensions of man», Mars-hall McLuhan,

p31-33

2 PORCHER Louis, «Les médias entre éducation et communication»

p 101-102

Ce n’est pas la violence le problème, c’est son instru-mentalisation au service de la vente et à l’origine de l a

consommation malheureuse.

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b. Standardisation par les médias successifs et marketing

Le marketing est une tactique commerciale, qui cherche à uniformiser les individus, à les classer dans des cases; ainsi elle rend possible l’émergence de la notion de cible. De fait le designer ne s’adresse pas à des individus mais à un panel répondant à des critères préalables définit sur des habitudes de consommations. Les médias, bien avant l’apparition du marketing, ont contribué à la standardisation des compor-tements humains. Et l’humain a contribué à cette standardisation en corrigeant et transfor-mant le média. C’est un schéma nécessaire.

L’écriture est la première forme de stan-dardisation, en ce qu’elle fixe le signifié dans le signifiant1. Puis l’imprimé a

fixé l’écriture, il a mis en place des

standards pour permettre la reproductibilité des messages. Sans émettre de jugement positif ou négatif sur ce phénomène. Il est intéressant de remarquer que la standardisation permet de rentabiliser une pratique. Et surtout de diffuser largement une pensée. D’«élever» la majorité de la communauté. Mais il y a un pouvoir dans la maitrise de l’écrit. Ce pouvoir segmente et hiérarchise la communauté. Et toute

1 cf Jack goody

et la violence de l’écriture, notion définie

par Ferdinand Saussure

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communauté fonctionne sur une hiérarchie.Porcher1 remarque que le livre évolue et

se standardise par la participation du lecteur et ce grâce à la rapidité de production de ce média lors de l’apparition de l’imprimerie. Elle permet également de fixer (donc de standar-diser) l’orthographe, phase incontournable pour maximiser la compatibilité et permettre une production massive. Toutefois il remarque que cette transformation s’effectue au détri-ment du rapport qu’entretenaient les moines copistes avec le texte. Ces derniers avaient l’habitude de commenter le texte de l’auteur dans la marge (alors conséquente). Le lecteur se retrouvait alors en face d’un «dialogue» entre deux pensées. Bien qu’il faille remar-quer que le dit lecteur était fort rare et fort

cultivé, au regard de la nature des ouvrages2. L’industrialisation du livre, a changé les

rapports entre humains et écrit, mais aussi l’organisation des rapports interhumains, permettant ainsi l’apparition de métiers spécialistes du livre, comme celui d’éditeur.

Elle à également permis de changer le livre dans son intégrité physique. En se rendant plus accessible, le livre s’est aussi offert aux pratiques de ses lecteurs. Ainsi les questions de mania-bilité, de lisibilité, de transport et de stockage ont contribué à la transformation du support. Il faut néanmoins remarquer que la forme extrême

1«Les médias

entre éduca-tion et com-munication»

p 26-27

2 La plus part du temps, ce sont des

traités de philosophie, mathématique et théo-logique en grec et latin

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de standardisation du livre, en partie poussée par des raisons marketing, aboutit au livre de poche. Qui rempli, cependant, absolument sa mission «humaniste», rendre le livre le plus accessible possible. Sans épiloguer sur le livre de poche, ce dernier n’a pourtant pas vocation à la valorisation du médium et ni a créer de réel lien entre le lecteur, le contenu et l’objet. Ce qui n’a pourtant jamais empêché personne de lier un réel attachement à l’objet sus-nommé.

Quant à la croyance qui voudrait que l’émergence d’un nouveau média conduise inéluctablement à la disparition du précédent, Porcher constate que depuis une plus large accessibilité au livre, et de fait de sa démocrati-sation, «on n’a jamais autant écrit à la main depuis…l’in-vention de l’ imprimerie, preuve, qu’une nouvelle technologie de la communication, n‘anéantit pas celle qui la précédait, mais, au contraire, l’augmente en en modifiant les fonctions et en faisant naître d’autres besoins qui la développent.»1

À chaque apparition de nouveau média où l’on a programmé la mort de l’imprimé, on a assisté à une modification de l’imprimé. Parce que chaque nouveau média transformant notre approche de l’information, influe sur la forme et la structure des médias précédents. David Carson et Emigre, ont émergé avec l’appari-tion de l’outil, du médium, informatique. Ils ont révolutionné la pratique de l’imprimé, fait

1p24

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exploser sa composition, ouvert des perspec-tives dans le domaine de la typographie. Parce que justement leur approche de l’image et de l’information a été transformé par l’informa-tique, parce que plus rapide, plus maniable, l’ordinateur à favorisé la pratique de l’expé-rimentation, la rendant moins compliquée à mettre en œuvre et à tester, ou à effacer.

L’apparition d’internet et des micro-tech-nologies change, immanquablement, le rapport à un support imprimé, statique et figé. Notre manière de rechercher l’information et d’abor-der le support en est fortement influencée. Les médias modernes influent sur des dimensions sensorielles alors que l’imprimé véhicule une valeur plus rationnelle. Les médias modernes semblent fonctionner de manière synthétique plus qu’analytique, et peuvent donner l’impres-sion de simplifier ou de schématiser l’informa-tion. En même temps leur approche de l’infor-mation est globale, alors que la seule possibilité de l’imprimé se fait d’un point de vue linéaire. Enfin, les médias modernes semblent ne néces-siter d’aucun apprentissage (complexe) préalable «celui de la lecture par exemple…N’importe qui peut regarder la télévision ou se servir du téléphone»1. Les éditions Vo-lumiques de Philippe Millot jouent sur un rap-port hybride entre technologie et nouveau média avec un médium bien plus ancien, le livre. Ainsi «l’essor d’internet n’a en rien enrayé la production d’imprimé,

1L o u i s

Porcher p32

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Aristote, début de la Physique. Manus-crit médiéval en latin, texte grec original et commentaire du scribe ajoutés dans les marges.

Bibliotheca Apostolica Vaticana

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éditions volumiques de philippe millotle livre qui disparaît

le livre qui tourne ses pages tout seulmeeting zombies

duckettepirates jeu de plateau lié au téléphone

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Le livre, grâce à l’imprimerie, à son acces-sibilité en fait une arme de choix. Lorsqu’elle est récupérée par des enjeux politiques, cette belle utopie de démocratisation, se trans-forme en outil de propagande globalisée.

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bien au contraire»1, il a permit de mettre en évi-dence une autre approche du monde médiatique.

Porcher pousse même la réflexion à l’extrême en supposant que l’évolution rapide d’inter-net pourrait parvenir «à ne plus rendre obligatoire la lecture et l’écriture»2. Actuellement la société Apple nous offre un rapide aperçu de cette possibilité avec la fonction Siri, de son dernier téléphone. Enfin Porcher signale que nos médias modernes fonctionnent sur l’éphémérité, par conséquent

«on oublie leurs messages aussi vite qu’on les a reçus. Alors que l’ imprimé subsiste, fonctionne dans la durée et … sur un mode de changements très lents»3. On pourrait aussi opposer à Porcher qu’il fait remar-

quer que l’écrit est aussi un moyen d’oublier le message, grâce justement à (l’illusion de) sa persistance. Toutefois l’éphémérité de l’écri-ture est contre balancée par une dimension physique de son support. Alors que les médias modernes sont tributaires de leur virtualité.

Les médias «électriques»4, ont ainsi transformé la temporalité du message et la géographie du monde. C’est le village global de Mac Luhan. Il y a une vision positive du message et du médium de Mac Luhan. Le médium parle avant le message, le message c’est le médium5. Il dit je suis la télévision ou internet. Il dit la télévision c’est ça et toutes les valeurs qui y sont rattachées.

1,2 & 3 Louis

P o r c h e r p32

3 Marshall

mac luhan, «la galaxie de guten-

berg»

4 & 5 Marshall

mac luhan, «pour comprendre les médias»

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Auxquelles l’audimat s’identifie. Il est utile qu’il y ait dans un premier temps une identification de «codes». Mais l’usage trop systématique du code des normes, finit par endormir l’esprit. Porcher prédit un futurs où les «hommes ne se serviront plus de leur mémoire (ni dans l’écriture, ni dans l’ imprimerie) puisqu’il disposeront d’autres moyens plus aisés. Leur mémoire va donc s’étioler, et on finira par vivre uniquement dans l’ instant, dans l’ immédiat. Les nouvelles technologies encouragent donc la faiblesse»1 et la passivité. Chaque arrivée d’un nouveau média, affirme ce phénomène. Finalement le sujet au lieu de s’émanciper par la technologie, ne ferait que s’y soumettre, parce qu’elle finit par maitriser le savoir. Le sujet, par facilité, ne fait plus que se référer au savoir du média. Le consommateur délègue, perd son savoir en le transposant dans la machine, dès lors il ne peut plus s’en passer.

Pour couper court à la standardisation systé-matique de l’individu en masse. Stiegler2, insiste sur le rôle alors primordial du designer. Il est celui qui doit

sauvegarder la multitude de cultures3, de micro-culture4, et permettre l’individua-lité et non l’individualisation, du sujet. La

personnalisation du produit est une tactique marketing qui donne l’illusion d’une individua-lité du sujet face au produit. Alors que le sur-mesure est une approche artisanale qui permet un dialogue entre le processus de création, de

1L o u i s

P o r c h e r p26-27

2 entretient

avec Ruedi Baur

3 propre à une civilisation4 propre à un individu

ou à un groupe

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fabrication du produit et son commanditaire.

--------*transition*-------Le marketing se sert et amplifie large-

ment le phénomène de standardisation à des fins marchandes. L’heure est désormais à la tyrannie du cool. Lorsque plus rien ne choque, parce que l’esprit humain est paralysé et incapable de s’extirper de sa soumission aux médias et aux technologies. Son esprit cri-tique finit par s’embourber dans les promesses de réalisation personnelle du marketing.

«La tyrannie du cool», est une expression tirée d’un documentaire de 56 min diffusé sur Arte en décembre 2011, peu de temps après la mort de Steve Jobs, fondateur de la société Apple. La tyrannie du cool vit dans une constante séparation de la violence et de la dou-ceur, est considère une supériorité du premier sur le second. En résumé, elle est dans une véné-ration de la violence comme moteur des rapports humains. Elle fonctionne dans une exagération de la domination et dans une quête perpétuelle du pouvoir, de manière à maintenir l’esprit humain dans l’urgence de la consommation. Le documentaire met en lumière les stratégies marketing d’Apple. Comment un produit réussi à compenser la libido de l’utilisateur, jusqu’à un rapport de vénération tel que le consommateur construit une relation amoureuse entre lui et le

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produit, c’est le paroxysme du consumérisme. --------*_*-------

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c. Marketing et immédiateté de la satisfac-tion du désir, l’urgence de la consommation.

Michel1 Souchon fait une distinction entre

«spectateurs à faible capital culturel», et «spectateur à haut capital culturel»2, les premiers ne comprenant pas toutes les émissions qu’ils regardent, à la diffé-rence des seconds. Cette dichotomie il l’observe, et constate qu’elle est liée à la notion d’audimat. Elle est par ailleurs la conséquence de la volonté du marketing d’organiser les spectateurs en classes repérables. Ainsi une analyse de l’audi-mat permet de se convaincre, que l’audimat n’est autre qu’une dictature. En ce qu’elle assimile et uniformise de force, des êtres dissemblables, aux capacités d’analyse différentes et ayant un temps de réaction personnel… Sous prétexte que la télévision est accessible à tous, on considère les français comme indifférenciables. «Certes l’audi-mat peut être plus raffiné, et il mesure aussi, dans une audience globale, les qualités du destinataire : les âges, les sexes, les métiers, les lieux, etc.{…} mais le chiffre décisif celui qui est régulièrement publié dans les journaux reste cependant la quantité d’audience.»3 Cette globalisation par l’audimat permet de mettre au point des tendances ensuite relayées par les médias et imposées au sujet. Alors il entre dans une cible. Parce qu’il sera plus proche de celle-ci plutôt qu’une autre, et sera

2 & 3 Louis

P o r c h e r p 58

1«La Télévision des adolescents»

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même capable d’en assimiler plusieurs en même temps. C’est le même principe que les sondages politiques par exemple. Ils peuvent donner une tendance d’intention de vote. Mais celui que les sondages désignent comme potentiellement ga-gnant n’a jamais été élu président. Ces tendances sont fausses, et pourtant l’on s’y réfère. Parce qu’elles servent à modeler l’audimat et le marke-ting sert à constituer et à se servir de l’audimat.

Durant cette réflexion il est souvent question de marketing. Il devient désormais nécessaire d’exposer la réflexion sur ses mécaniques. Pour cela le principal penseur qui sert à éclairer un positionnement qui remet en cause le bien fondé du marketing, est Bernard Stiegler. Ce philo-sophe, sociologue contemporain, fonde l’institut Ars industrialis. Composé de penseurs, économiste, juristes,… cet organisme défend la nécessité de la mise en place d’un autre système économique, qui fonctionnerait non sur la base du consumé-risme, mais de la contribution. Et le designer, le créatif et l’artiste sont pour lui des «transfor-

mateurs»1, qui ont un rôle à jouer au sein de ce modèle de contribution. Mais leur définition (aux transformateurs) est aussi à repenser.

Le consumérisme, dont parle beaucoup Stiegler2 n’est pas une notion récente. Au départ, elle désigne les asso-

2 Bernard Stiegler

«la mécanique du marketing», interview

chez Siné Hebdo

1 Bernard Stiegler

« e n t r e t i e n t avec Ruedi Baur »

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ciations et les lois en faveur du consommateur. Elle vient de l’anglais «consumer» et apparait au XIXè siècle. Mais rapidement elle a été détour-née par les intellectuels1. Selon Stiegler, le consumérisme se définit par la croyance en la réalisation de l’Homme par l’acte de consom-mation. La programmation du désir est une notion qui fonctionne grâce au marketing.

Au XXe siècle Henry Ford va être un des hommes par lesquels l’American Way of Life va être possible. Il combine les théories du travail à la chaîne de Frederick Taylor, qui permet de faire d’énormes gains de productivité. Avec des idées qui sont les prémices du consumérisme, théorisées par Edward Bernays, qui est autre que le neveu de Sigmund Freud, qui considère que le modèle consumérisme que Ford cherche à mettre en place ne fonctionnera que si l’on par-vient à capter l’attention du consommateur. Et de faire en sorte que tout leur désir soit orienté vers les marchandises. Bernays est considéré comme le père de la propagande politique institutionnelle, des relations publiques et de la manipulation de l’opinion publique. Il se base sur les analyses du subconscient de son oncle qu’il combine avec les idées de Gustave Lebon et Wilfred Trotter sur la psychologie des foules. De manière à globaliser un comportement suggéré d’un sujet à une foule2. Durant la première

1 cf Perec

«Les Choses»

2 «The century of the self», Adam Curtis,

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guerre mondiale, Bernays, travaille pour le gouvernement américain, qui «cherche à convaincre la population de rentrer dans la boucherie de la première

guerre»1. Bernays constate que si les campagnes d’État ne sont pas un succès, c’est parce qu’elles

s’adressent au conscient du sujet. Il considère que pour convaincre l’opinion publique il faut s’adresser à son subconscient, «c’est plus effi-cace»2. Il met donc en place une méthode qui va poser les bases des relations publiques, et qui va s’adresser à l’inconscient de la population. Il s’appuie sur les théories de «l’appareil psychique»3 de Freud, pour justifier que ce qui motive les comporte-ment humains se passe dans son inconscient, au niveau du désir. Puis à partir de 1929, il se met au service de l’industrie. Il se sert de ses théo-ries pour redresser des entreprises en faillite, comme Phillips Morris. Pour sauver l’entreprise il va faire fumer les femmes. Il change l’image de la fumeuse, en l’associant à celle de l’actrice américaine Lauren Bacall. La femme qui fume est libre, et Bernays de s’appuyer sur le fémi-nisme : si la femme est l’égale de l’homme elle peut fumer. Finalement il «développe l’ idée selon laquelle le vrai problème du capitalisme, c’est le désir»4, donc il capte le désir et le reconduit vers les marchan-dises, parce que «le problème n’est pas de produire, mais de vendre»5. Bernays met en place une méca-

1 à 5 Bernard

Stiegler «la méca-nique du marketing»,

3 «cing leçon sur

la psychnanalyse»

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nique qui passe par des systèmes d’industries culturelles (radio, télévision…) de manière à détourner l’attention. Petit à petit, le marketing court-circuite toutes les structures sociales par exemple la structure familiale qui permettaient de produire ce que Freud appelait la Libido et de faire en sort que le sujet n’ai plus à penser par lui-même. Ce «que Freud appelle la libido, c’est la désexualisation»1, il faut faire une distinction entre pulsion et libido. Le sexe, l’agressivité, la peur, la faim, sont des pulsions, ce sont des réactions de l’être vivant qui ont pour but la conservation du sujet et de l’espèce. «Ce qui fait qu’un être humain a une libido, c’est le fait qu’il économise ses pulsions»2. Stiegler prend l’exemple du comportement amoureux. Le fait que l’homme ait une libido, va le pousser à séduire l’objet de son désir, et non de lui sauter dessus, «cette cour peut lui pendre des années et ne jamais aboutir»3. La sublimation est donc dans la diffusion de la pulsion et l’économie du désir4. Le marketing, à détruit les «appareils de production de l’énergie libidinale»5. Il court-circuite le schéma de construction de l’appareil psychique6 du sujet qui va lui permettre de se repérer dans des notions culturelles comme l’éthique. Le marke-ting prend la place des éducateurs7, si bien qu’au lieu de s’identifier à ces éducateurs «naturels», le sujet s’identifie à ceux que lui offre le marke-ting. Et le marketing, lui inculque l’immédiateté de la satisfaction des désirs par l’acte de d’achat.

4 Freud

6 qui n’est autre qu’une boussole psychique

7 ceux qui vont aider à la construction de l’appareil psychique

1 à 7 B. Stiegler «la

mécanique du marke-ting»,

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Dans le schéma de construction de l’appareil psychique, Françoise Dolto insiste sur la néces-sité du narcissisme primaire, ou l’estime de soi. Par l’intermédiaire des médias, le marketing, détruit l’estime de soi de l’individu. L’individu entre alors dans un schéma de consommation-malheureuse. On lui fait croire qu’il se réalise dans l’achat, donc il lui faut un pouvoir d’achat. Plus ce pouvoir est grand plus on est heureux. L’individu entre dans un cercle infernal où il est malheureux parce qu’on lui dit qu’il ne consomme pas assez pour être heureux. Apparait alors logiquement l’urgence de consommation. Le marketing courcircuitant le phénomène de libido, plonge l’individu dans la pulsion. Et la pulsion se trouve dans l’instant. Donc l’urgence. On satisfait le désir maintenant tout de suite et si l’on continu sur ce schéma, Stiegler prédit un

avenir bien noir d’une «communauté se dirigeant inéluctablement vers le chaos»1. Rappelons nous au passage, que les médias électriques ont

aboli l’espace temps2. Mac Luhan parle du don d’ubiquité de ces médias 3, il n’y a plus d’avant après, ni de lieu de création unique. On n’échappe pas aux médias pas plus que l’on échappe au marketing. Immanquablement,(p30) abolition du temps, entraine une perte de rentabilité de la durée, «on fonctionne dans l’immédiateté»4, le vide et le silence deviennent insup-

1 B. Stiegler «la mé-

canique du marke-ting»,

2 Louis

Porcher p 28

4 Louis Porcher

p 30

3 «la galaxie

de gutenberg»

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portables, et instaurent une dictature du temps court. Ainsi le Concept Store est une mise en scène de cette urgence de consommation et joue avec l’idée d’éphémère. C’est une manière de fabriquer à l’objet de consommation un caractère en créant un souvenir et une situation particulière de vente. Le besoin de maitrise et de fixation de l’éphémère, difficile à accepter pour l’esprit humain, est totalement instrumentalisé.

La nouvelle conception de la temporalité induite par les médias modernes change égale-ment les pratiques du graphiste. Il s’engage dans l’urgence, le rendement. Il faut faire vite plus vite et l’ordinateur rend possible c’est contrainte de temps - «l’ordinateur est … une ardoise magique … qui ouvre une nouvelle ère… la facilité de l’effacement une dimension temporaire… Les créations n’étant plus aussi définitives ni aussi physiques, les décisions à prendre sont bien moins importantes car elles peuvent être annulées immédiate-ment»1. L’incertitude s’installe dans la mesure où la création peut être infiniment transfor-mée sans altération sans trace. Ce qui crée un climat de profond déséquilibre, le marketing lui emboite le pas et se sert du concept pour justifier chaque modification et cadrer la création.

En jouant sur le besoin2 d’identification à

1Rick Poynor p96

2 du consommateur

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l’objet, par la personnalisation, et en provo-quant une situation d’urgence vitale, il devient facile de proposer des produits graphiques en accord avec ces deux caractéristiques. Je veux tout tout de suite, je veux un logo. On met alors en place des entreprises de logo rapide, qui deviennent le fastfood du graphisme (image logorapide.com,…), et participent, soit dit en passant, au discrédit du savoir-faire graphique.

--------*transition Part1*-------

Bernard Stiegler et Ruedi Baur lors d’un entretient organisé par la Maison Euro-péene, pointent la nécessité de l’émergence d’un capitaliste coopératif, et de la mort de l’expert marketing. C’est par l’intermédiaire du processus d’individualité et de recherche que ce modèle pourra émerger. Le capitalisme coopératif envisage des structures ouvertes et évolutives, Stiegler cite en exemple Wikipédia et des logiciels libres. Ces structures encouragent le modelage du savoir, par la participation, et évoluent grâce à l’assimilation et aux modifica-tions apportées par les contributeurs (exemple du scriptographer, l’utilisateur peut ajouter de nouveau script sur la page web du logiciel). La structure coopérative est proche de l’attitude de

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«Liquid to Solid» by Karian Foehr,Jan Abellan & Cyprien Poncet,

workshop ECAL avec Jürg Lehnisource : scriptographer.org

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recherche dont parle porcher : la vérité n’existe pas. C’est une succession d’approximation qui modifient et précise l’étendue d’un savoir.

Bachelard parle dans ce cas de non-dog-matisme et de la primauté de l’erreur1. Selon le philosophe, c’est sur la base de l’erreur et sur une succession de corrections de l’erreur que se forme la connaissance. La connais-sance s’acquière lorsque le sujet rompt avec la perception, car la perception engendre la méprise. Il doit douter, pour Descartes c’est une donnée essentielle vers la connaissance2.

La désobéissance dans le champ du design, est possible par l’accession du designer au statut d’auteur. C’est à cette seule condition, qu’il peut s’engager dans le graphi- sme et ne plus craindre la domination du marketing, et du client.

Avant de parler de l’auteur, on introduira ici la recherche de la mort de l’auteur. Car devenir un auteur en graphisme ne signifie pas, placer le graphiste au centre de la pro-duction. D’en faire une star, ou créatif que l’on viendrait chercher pour son style3.

Le manifeste du Dedrabbit, apparut vers 2006, est l’application de la mort de l’auteur. C’est une publication isolée aux États-Unis. Témoin de la démarche d’un auteur qui par-vient depuis la parution de son roman à rester

2 le doute cartésien, première méditation, deuxième méditation, «ce ne sont pas nos sens qui nous trompent, mais le jugement que nous formulons sur leurs témoignages»

3 antoine et manuel ont souffert de l’amalgame entre style et auteur, leur «pâte» graphique a rapidement créer une mode qui a lassée aussi vite qu’elle est apparue

1 Louis

P o r c h e r p 113

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anonyme. Cette démarche reste encore possible dans la mesure où l’écrivain est aussi le graphiste et l’éditeur de son objet1. La mort de l’auteur, est le titre d’un «article-manifeste»publié par Roland Barthes en 1968, dans lequel le penseur remarque que souvent pour expliquer un texte littéraire on se penche sur la vie de son auteur. Dans sa conception du texte2, Barthes remarque que ce dernier n’est «pas une ligne de mots qui libère une signification «théologique» unique»3. Un texte s’inscrit dans un «tissu» de textes contemporains et antérieurs. Au final sans considération de l’auteur, on replace le lecteur au centre du processus d’écriture. Lui et lui seul, est alors capable de créer l’unité du texte, dans la mesure ou il est « ce quelqu’un qui tient rassem-blées dans un même champ toutes les traces dont est constitué l’écrit »4. La mort de l’auteur au profit de la naissance du lecteur, n’est pas si éloi-gnée de la fin du monopole de l’expert dans la création, lorsque Bernard Stiegler avance l’idée de structure participative de l’ordre du logiciel libre5. Dans le domaine des arts appliqués la notion de l’auteur implique un certain nombre de problèmes. D’autant qu’il pose problème dans le rapport, client et prestataire de service. La mort de l’auteur avant de parler d’auteu-risme, permet d’évacuer la notion de designer «star». Parce qu’elle ne se limite pas à l’ins-cription du designer dans un style graphique.

5 cf «une économie de la contribution», B. Stiegler

3 Poynor p118

4 Barthes p67

1 graphic p42

2 pour l’ image le schéma est aussi applicable

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--------*Part2*------ II_Redesigner le design

Il s’agit ici d’observer et de mettre ainsi en opposition des démarches de design mettant en place une attitude de désobéissance face aux mécaniques d’uniformisation de l’individu génératrice de masse. Redesigner le design est une notion empruntée au contre rendu d’un entretient réalisé à la maison de l’europe entre Bernard Stiegler et Ruedi Bauren 2007. Intitulé «changer le modèle industriel», la discussion aborde des thèmes largement repris au cours de ce mé-moire, et pose la question du modèle culturel et industriel en place au sein de notre civilisation. Lorsqu’il est fait allusion à cette démarche (re-designer le design) les interlocuteurs formulent l’hypothèse selon laquelle le designer n’est plus celui qui «pense à la place des autres, mais celui qui pensent des processus d’individualisation collective». En d’autre terme, le designer doit devenir celui qui donne «les moyen aux autres de penser ensemble». Et donner la parole aux diversités culturelles qui constituent l’Europe. Toutefois redesigner le design ne si-gnifie pas pour autant faire table rase du passer :

«Il ne peut y avoir de changements que si une permanence existe, de même que toute négociation suppose qu’il

(partie de la conférence

de Stiegler et Ruedi Baur)

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y ait du non-négociable», Kant1.

a. Le designer-réalisateur.

Le premier enjeu du design est de se consti-tuer partie prenante, et non simple exécutant d’un problème de communication inter-hu-main. C’est une dérive du marketing de placer le client roi au centre du processus de création. Et de considérer le graphiste comme une machine à créer, se limitant «à accepter le message d’un comman-ditaire et à l’exprimer aussi efficacement que possible dans un esprit totalement neutre»2 est un non-sens de la définition de ce métier. Rick Poynor, note que

l’«acte de création ne peut pas être un processus entièrement neutre»3, le créatif, apporte «toujours

quelque chose de personnel au projet»4. Le graphiste est qu’il le veuille ou non imprégné par ses goûts personnels et culturels. Sa culture, fait que le design graphique au Japon, ne se réfère pas infailliblement aux mêmes codes en court en Iran, ou en Suisse, nous ne sommes pas encore dans une totale globalisation du signe.

La réécriture du brief et la considération du besoin de satisfaction créative, ne suffisent pas à comprendre la notion d’auteurisme. Ils permettent cependant de comprendre en partie le phénomène de starification du graphisme,

1 Louis

P o r c h e r p 9

2, 3 & 4 Rick Poynor

p120

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permit par une médiatisation du «design expérimental». Rick poynor1, semble déplorer ce phénomène, qui confère au design un statut «d’art commercial». Pourtant pour qu’il y ait une naissance du lecteur ou de l’usager il faut qu’il y ait une mort du designer star, ce qui implique une forme d’anonymat du designer graphique2. Ce pendant il est possible qu’une prise de considération du graphisme et de son rôle, lui permettent aujourd’hui de sortir l’individu du consumérisme et de jouer un rôle dans la mise en place du capitalisme de contribution. Et il semble que cela passe par une mise en place de la recherche au sens scientifique du terme. Le design graphique doit réfléchir sa pratique et ses enjeux et faire part de ses recherches pour pouvoir sortir de son dogme actuel3 dans le but devenir le «transformateur» dont parle Stiegler.

La vision de l’auteur comme l’envisage Bruce Mau, peut dans ce cas être une forme de réponse. Bruce Mau, pour définir les enjeux du

«réalisateur-auteur»4, se base sur l’essai du phi-losophe, historien et critique d’art, Walter

Benjamin, «l’auteur comme producteur» publié en 1934. Selon Benjamin5, «l’auteur comme produc-teur» permet «de promouvoir un type d’artiste ou d’écrivain qui, se pensant {eux-mêmes} au sein des rapports de production, témoignent «techniquement» de cette situation et dépasse de la sorte l’opposition entre « qualité » littéraire et « tendance »

1 Rick Poynor

chap. profession auteur P118-133

4 Rick Poynor

P121

2 ce qui est plus ou moins une réalité

dans le design graphique

3qui est fortement basé sur l’acte d’achat

5 «l’artiste comme

théoricien», olivier Mi-gnon, p5-6, édition les

presses du réel

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politique». L’articulation d’une pratique artis-tique et d’une réflexion sociale, est désormais indispensable dans la réflexion de Benjamin.

Bruce Mau précise la notion d’auteurisme en parlant d’auteur-réalisateur, il induit la dimension d’engagement du designer dans sa production. Cette notion d’engagement peut être politique ou dans la production d’objet (littéraire, intellectuelle…). Pour la réalisation, du livre X,M,L,XL1, il entre dans le processus de création du contenu du livre. Il n’y a pas un expert en architecture qui rédige un livre et un expert en graphisme qui le met en place, les schémas sont explosés et les frontières per-méables. Mau se place en opposition au schéma classique qui fait intervenir le graphiste en fin de processus. Il intègre le graphiste au début du projet, il prend part à la recherche et raffine les idées dès le départ, parfois en même temps que l’auteur. Parfois en explorant seul, d’autres possibilités. Il est essentiel qu’il s’engage étroite-ment avec le contenu pour pouvoir revendiquer une quelconque parenté. «Cette nouvelle approche

remplace la division du travail»2 tradition-nellement construite sur un schéma, «Synthèse, Clients et commissions par Collabora-

teurs et associés»3. Dans la réalisation d’X,M,L,XL, Bruce Mau, manquât de ruiner son studio, il fallut cinq années de réalisation pour accoucher d’un livre de 1344 pages, initialement prévu

2 & 3 Rick

Poynor P122

11995, Bruce Mau design

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à 264 pages. Cette démarche est à l’opposé du principe de rentabilité immédiate, qui voudrait que l’on ait fait appel au marketing pour créer un énième livre d’architecture répondant à des codes spécifiques à ce genre de publication. C’est sa démarche qui justifie la présence de Bruce Mau sur la première de couverture du livre.

Selon Bernard Stiegler, le créatif est un transformateur. Ce qui implique que le trans-formateur ne se limite pas au code. Qu’il est dans un principe de digestion constant de ce qui l’entoure. Dans l’absolu, si l’on considère le rôle de digestion du créatif, il ne devrait même plus y avoir de standardisation possible.

Ellen Lupton et J. Abbott Miller (manifeste, design/writing/research) considèrent1 pour leur part que le designer acquière son rôle d’auteur lorsqu’il entre dans un processus de réflexion sur son métier. Ces deux auteurs, par leur pratique démontre aussi que le rôle de penseur du graphiste ne se limite pas à l’écrit, mais passe aussi par l’édition, la publication, l’exposi-tion… ils sont coiffés de plusieurs casquettes, ce qui leur permet d’avoir un regard plus large et extérieur sur leur pratique graphique.

«Qu’il soit initiateur ou associé, le graphiste par-tage avec l’auteur la responsabilité de la production, de la signification, même si leur parité à ce niveau reste discutable», Ellen Burdick va jusqu’a penser que le gra-phiste devrait avoir une «attention plus soutenue2

1 Rick Poynor

P123

2 Rick Poynor

P126

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au contenu écrit». Quoiqu’il en soit cela met en évidence un point important, le graphiste peut s’il le souhaite faire prendre un tout autre sens au texte qu’il manipule. À lui de mettre en œuvre ce pouvoir à des fins critiques.

Dans le processus vers l’auteurisme, le desi-gner doit prendre en considération, la trans-formation qu’il exerce sur le statut du lecteur.

Il doit faire acte et montrer que son statut d’auteur n’est pas qu’une simple agilité du style, mais entre dans une réflexion sur sa démarche personnelle inscrite dans le design graphique. En se définissant, par son engagement dans sa pratique, il doit aller contre une vision «post-moderne» de la discipline qui voudrait que le graphisme prenne plus d’importance. Parce que les post-modernes placent au centre de l’attention la forme et l’apparence du médium, souvent aux dépends du contenu, ils considèrent le graphiste comme le prophète de l’avène-ment d’un nouveau mode de vie bousculé par l’informatique1. Et s’appuient sur une croyance Mc luhan-esque qui considèrerait le médium comme plus important que le message. Le dsigner-auteur doit entrer dans une attitude de questionnement du récepteur, au regard de cette vision égocentrique du médium et de la forme qui se fait au détriment de l’idée.

1 selon Jeffery

Keedy, Trans-gression : gra-phisme et post-

moderne p110

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b. Intégrer ou perturber l’indi-vidu par le processus de création.

La prise en considération de son rôle d’au-teur, emmène le designer sur les territoires du livre d’artiste. Cet objet parce qu’il est protéi-forme, à mi-chemin entre l’art et le graphisme, peut s’octroyer des libertés vis à vis du fonction-nalisme, sans risquer de trop perdre le lecteur puisqu’il s’attend à ne pas lire un livre ordinaire. Par exemple, «French Fries», de Warren Leher, publié en 1984, défie le lecteur, et le pousse à explorer l’acte de lecture. Il rompt «avec le modèle linéaire habituel en changeant de rythme»1, et l’écrit devient un véritable capharnaüm. Il est égale-ment possible de poser au travers de la forme, la question de la nature du récit et d’induire en erreur, ou du moins de poser un doute, dans l’esprit du lecteur. Pour cela Jake Til-son joue avec le récit de voyage, qu’il mêle avec l’univers de la science-fiction. Ainsi il peut questionner le lecteur sur sa manière d’entrer dans un récit. Et indubitablement perturber la confiance du lecteur en son support. Til-son manipule le pacte de vérité autobiogra-phique de Jean-Jacques Rousseau, pourtant en le respectant, ce sont des carnets de voyages,

1 & 2Rick Poynor

p 132

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il se moque de la trop grande confiance en la véracité que le lecteur place dans un livre.

La maison du studio européen Abäke, Dent de Leone, intègre, pour le tirage d’«In alpha-betical order», l’individu dans le processus de création, d’une toute autre manière. La dé-marche, est en réaction face à la «crise du livre»1. Et surtout, elle propose un schéma alternatif à celui en vigueur, au lieu de produire des livres en se basant sur une potentialité d’achat et de se ris-quer à se retrouver avec une quantité d’invendus. La maison d’édition est dans un phénomène d’individualisation du savoir. Elle imprime en fonction du nombre d’acheteurs, le livre est en quelque sorte prévendu. Le lecteur entre dans une diffusion de l’acte d’achat en met temps qu’il participe de la vie d’un projet. La maison d’édi-

tion induit une relation de confiance nécessaire entre le futur acquéreur

du livre, la maison d’édition et l’artiste. C’est une forme de mécénat social à petite échelle2.

La maison d’édition établit une associa-tion particulière à chacune de ses publications. Chacune est une démarche graphique relatant la démarche de son auteur. Pour l’artiste Ryan Gander, Abäke met en place deux volumes marchant ensemble, certaines pages du premier volume renvoient aux pages du second. Le Ryan Gander : catalogue raisonnable, est un livre qui se feuillette sans logique, la logique du livre

1 & 2 Back Cover n°3 p10studio deValence

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«French Fries», de Warren Leher, publié en 1984,

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Aba

ke, Rya

, Ga

nder : c

atalo

gu

e r

ais

on

na

ble

la photocopie de la page XY du livre de M sert aussi de folio au catalogue raisonnable

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n’obéit qu’au fil de la pensée de l’auteur. C’est une forme de déstandardisation de l’objet mais surtout, c’est une manière de perturber le sens logique du lecteur. Formaté, l’interlocuteur ne sait plus que lire un livre de gauche à droite, de manière linéaire. Pour tenter d’expliquer le schéma de lecture du livre, on peut se référer à la construction des livres dont vous êtes le héros. Chaque décision que vous engagez vous conduit à une page précise dans le livre. Vous pouvez aussi bien revenir 5 pages en arrière comme vous retrouvez propulsé quelques pages avant la fin. Ouvrez donc le livre à n’importe quelle page vous verrez bien où cela vous mène. Plutôt que de présenter les collaboration de l’artiste de manière chronologique, le livre fonctionne par association d’idées, de contextes, c’est une lo-gique en «loose association lecture’series»…Vous pouvez commencer à lire un travail pX et ne trouver la fin du projet 15 pages plus tard. Entre ces pages se trouvent d’autres projets. Lorsque Midori Matsui1, parle du travail de Ryan Gander, elle explique, par conséquent la logique de lecture du livre, mise en place par Abäke, «words as constructive materials of the Real», «The last work as a vehicle of mental process. Gander’s form of intervention is restorative, as it releases the creative potentialities of things and ideas imprisoned by restrictive frames of formal representation and functionality. Gander breaks down the structures of existing formulae and encourages the reconstruction of meaning from an unbiased

1Ryan Gander p201

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viewpoint…involves the spectator in a process of association that allows him or her to imagine an alternate vision of reality.»1

Il faut également commenter le système de pagination du livre, qui té-moigne d’un souci de fragmen-tation du schéma de foliotage classique. Parfois la reproduc-tion d’une page X des carnets de recherches de l’artiste ou de livres ayant servit à alimenter sa réflexion est présentée, sa pagination sert également de

pagination au catalogue. Le catalogue produit un espace qui lui est propre, il télescope diffé-rentes pensées d’auteurs, de phase de réflexion et questionne le lecteur dans la relation qu’il entretient avec des livres plus classiques.

c. Antisocial tu perds ton sang froid… le fanzine et l’art du do it yourself

Dans la recherche du processus de dé-massi-fication et de production d’individualité collec-tive (cf Stiegler, le rôle du designer est de créer des situations de dialogue entre les individus). On peut considérer le fanzine, comme territoire de discussion, par sa pluralité de ton et de forme.

1 «Les mots sont un matériau du réel, ce dernier projet fonctionne comme un support du

processus mental (de l’artiste). L’intervention de Gander est réparatrice, dans la mesure où elle

libère les potentialités créatrices des choses et des idées emprisonnées dans des schémas strictes de

la représentation formelle et de la fonctionnalité. Gander décompose les structures des formules

existantes et encourage la reconstruction du sens au travers d’un point de vue impartial… il engage le

spectateur dans un processus d’association lui per-mettant d’imaginer une autre vision de la réalité».

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Le fanzine apparait au début des années qua-rante aux États-Unis. C’est une contraction des mots «fan» et de «magazine», et est à l’origine principalement consacré aux amateurs de super-héros et de sciences fiction. C’est durant les seventies que le terme fanzine sera utilisé pour qualifier «une publication à petit tirage, non-professionnelle et non-commerciale, de format A4, photocopiée et agrafée»1. Dans le fanzine, l’important n’est pas la cible, ni le chiffre d’affaire. C’est la pluralité de connais-sances, d’opinions qui sont diffusées. C’est une tribune qui possède son esthétique. La publica-tion est aléatoire et la distribution sauvage. Dans son esprit le fanzine se soucie «moins de la question des droits d’auteur, de la grammaire, de l’orthographe, de la ponctuation, des protocoles de mise en pages, des grilles ou de la typographie que de la transmission d’un sujet spécifique à une communauté d’individus de même sensibilité»2. Il participe à la bonne santé des micro-cultures. Sans entrer dans les détails, on distingue deux types de fanzines, les premiers ayant attrait à la presse underground, les second constitués de petites revues de tous hori-zons. Wertham considère les premiers comme appartenant aux mouvements contestataire ou «anti-establishement»3, il est aisé d’ailleurs de faire un lien direct entre ces magazines et les publications dadaïstes. Surtout si l’on considère leurs goûts pour l’expérimentation typogra-phique, les logiques extravagantes de mise en

1 Teal

Triggs chap 1

p10

2 Teal

Triggs p7

3cf (Oz, IT et Friendz, 1960-70)

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page et une forte propension à la controverse.Ce qui fait la force du fanzine c’est son indé-

pendance, sa liberté de ton, son «expression libre de toute censure» et surtout une volonté de ne pas faire dans la publication de masse. Toutefois Heller constate une particularité du fanzine under-ground des années 60, le plus souvent ils sont édités, et composés par des graphistes. Il y a donc fanzine amateur et fanzine professionnel, l’un est spontané et le second organisé. Le second est conscient de son action subversive graphique. Les «pros» influençant les «amateurs» et vis et versa. Heller ne remet donc pas en cause l’im-portance «de l’influence de la presse underground sur la «youth culture»», ni même sa dimension politique et polémique. Aux États-Unis, les «organismes gouvernementaux … la (presse underground) comme illégale»1. Parce que diffusant des valeurs anti-confor-mistes, «Paul Kassner rédacteur en chef de «The Realist», magazine précurseur de l’underground fondé à New York en 1958, annonçait dans l’éditorial de janvier 1968 son intention de renverser une société malade»2. En Europe, les hol-landais de Provo, publiaient leur manifeste dès 1965. Leur journal produit de façon artisanale, composé dans un caractère de machine à écrire donnant une impression «d’écriture malhabile», était lui aussi édité (Bernard Holtrop et Roel Van Duyn) et maquetté (et imprimé par Rob Stolk). Bien avant le grenelle de l’environne-ment, Provo réfléchissait à la mise en place

1 de

merz à émigre

p182

2 de merz

à émigre p173

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de moyens de transports doux et partagés. Ils revendiquent un « rejet des disciplines et des hiérarchies de la société industrielle, de l’Est comme de l’Ouest, au profit d’une société dite «ludique», où les virtualités créatrices de chacun pourraient s’exercer dans une sorte de révolution permanente dans le jeu, qui reléguerait au second plan les cloisonnements imposés par la division du travail»1. Des années 1964 à 1973, et le contexte de la guerre du Viet-Nam et des conflits civiques aidant, la presse under-ground, jouissait d’une «large» diffusion. Ma-joritairement nord-americain, elle était témoin du fossé entre la presse dominante «avec sa cohorte de préjugés et d’interdits» et les attentes d’un lectorat d’une autre génération en phase avec «les médias de la contre-culture … rejetaient les principes et les tabous du journalisme objectif, au profit d’une spontanéité chaotique»2.

Le punk(milieu de années 70), s’est largement diffusé au travers du fanzine, et y est presque assimilé. Il a contribué à profiler quelques grands principes du «fanzine punk», dont entre autre, le format A4 agrafé, une mise en page chaotique, production à la photoco-pieuse, mélange des traitements typographiques manuscrits, mécaniques, lettres découpées copier-coller, et le photomontage. Le fanzine punk c’est surtout la musique et la politique pour les anarcho-punk (crass). C’est majori-tairement le mouvement punk qui a encouragé l’auto-édition, l’auto-production, des fanzines de lecteurs. Tout le monde peut jouer du punk,

1 (Niek Pas dans La France des années 1968, Editions Syllepse, 2008)

2 de merz à émigre p182

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bricoler ses «fringues», et faire de fanzine.

Le fanzine, malgré tout reste majoritaire-ment une production qui permet de regrouper sous la «même casquette»1, l’auteur et le graphiste. Libérant ainsi la direction éditoriale, la sensi-bilité graphique et politique de toute censure, «qui bride souvent l’édition grand public»2. Le fanzine est un médium comme un autre. En créant une esthétique très identifiable, il a par là même contribué à sa propre standardisation. Mais, premièrement, le fanzine est un médium qui tend vers le non-médium. En réalité, il n’y a pas de codes fanzines, ni de formats fanzines3. Le sexymachinery emmené par Abäke, est un fanzine qui ne prend jamais la même forme, pourtant il est identifiable comme tel, toutes ses manifestations réelles sont réunies sous un format webzine. Le fanzine est une forme qui doit être libre. C’est aussi la raison pour laquelle il s’adapte à tous les sujets et à tous les supports. Mad a eu une version télévisée, et aujourd’hui on voit émerger des webzines. Epic Exquisite Corpse est un webzine collaboratif, regroupant aujourd’hui près d’un million de dessins d’internautes (epicexquisitecorpse.com). Le web étant encore pour quelques temps un espace absolument non-règlementé.

1 & 2 Teal Triggs p13

3the book that makes my friends smile - things around you and accompanying words p108 graphic n 10, sexy-machinery n°14 p16,

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Fanzine punk

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76+1 / 77 the book that makes my friends smile - things around you and accompanying words

sexymachinery

Sexymachineryécartèle la forme reliée

du magazine, pourtant il s’agit toujours d’un fanzine, composé d’articles et d’images, mais leur

non reliure, pousse le lecteur à organiser la lecture selon sa

propre volonté. Il devient presque son propre rédacteur

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d. du do it yourself à l’auto-production il n’y a qu’un pas

Le fanzine, est fortement lié au phéno-mène d’auto-publication, qui est à rappro-cher finalement de la notion d’auto-produc-tion, très présente en design de produit. La revue Graphic consacre un numéro au self publishing. Loin d’être un mouvement d’ama-teur. Il s’agit pourtant bien ici d’une mouvance rattachable au schéma do it yourself. L’objet est toujours fait main, avec peu de moyens, en tirage limité. La différence, d’avec la concep-tion du fanzine, est donc d’une part qu’il s’agit généralement d’une production artistique. D’autre part, là où le fanzine est une produc-tion collective, les objets du self-publishing ont souvent un caractère individuel. Mais ces objets conservent leur caractère informel et sauvage. Leurs formes sont multiples : jour-nal, roman, magazine, volumes, leaflets…

Le design en auto-production, est une notion a aborder au regard de la désobéissance, bien qu’elle concerne de prime abord le design de produit. L’auto-production questionne l’opposition du producteur et du consomma-teur, induite par la production industrielle. L’industrie «repose sur le fait que le savoir est extrait» du producteur («en particulier de l’ouvrier»)

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et est mise dans une machine. L’ouvrier «devient prolétaire»1, il n’a plus d’autre choix que d’aller travailler pour renouveler son pouvoir d’achat, il devient consommateur.L’auto-pro-duction vise à intégrer le designer, l’artisan et le consommateur, dans un même cycle.

Piet Hein Eek, ancien de droog design, adopte une posture différente. La pièce unique étant trop onéreuse, il se base sur le concept de série diversifiée. Pour Lucas de Stael, c’est un moyen de donner vie à des projets refusés. Le designer-producteur adopte une posture qui diffère d’une pensée critique des post-moder-nistes par une attitude pragmatique. Il favorise la production de biens manufacturés abordables plutôt que de s’imposer sur le marché de l’art. Cette attitude favorise la re-localisation des activités et des savoirs-faire. Cette posture du designer de produit doit pouvoir être transpo-sable au domaine du graphisme. L’auto-publi-cation est réponse graphique, les savoir-faire de l’impression artisanale ont le vent en poupe surtout en ce qui concerne la sérigraphie. Mais c’est une démarche qui est encore trop anecdotique du moins pour ce qui concerne le graphisme. Pourtant si l’on se réfère à la démarche initialement réfléchie par le Bauhaus, le mouvement vise à rapprocher l’industrie et l’Art. Le but était de former des «artisans inspirés» capables de produire par eux-mêmes,

1 cf : redesigner le design de Stiegler et Baur

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des artisans stylistes, maître de la création et de la production. Aujourd’hui, la démarche du designer en auto-production, «design-art», s’exprime par la production de la pièce unique, ou de séries non-standard, et par la recherche de techniques artisanales1. Le designer entre dans

une démarche à contre emploi de celle définie par le capitalisme de masse. Il opère un regroupement du savoir-faire

et de la production, s’implique dans la distribu-tion, là où d’«ordinaire…(il) planifie, conçoit, projette une production soumise à la division du travail». Au final, l’auto-production, assure une liberté du designer face au standard du marketing. Elle met également en place une dialectique de l’in-situ. Les éléments sont travaillés dans l’espace d’un lieu particulier et symbolisent un territoire réel mais aussi social.

L’auto-publication, l’auto-production sont des démarches, qui engage le design, dans une attitude, une posture particulière vis à vis de leur métier. Il y a une remise en question du modèle actuel face au marketing, à la standardisation et plus simplement face à un modèle économique et social en pleine perte de vitesse et qui entraine avec lui le moral de l’individu. Il y a urgence, à penser que le designer n’est pas uniquement un attribut du capitalisme consumériste et qu’il est capable de produire une réflexion engagée

1voir la sauvegarde de savoir-faire en disparition

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artistiquement mais aussi politiquement.

e. Lorsque le graphiste est s’inscrit dans une critique

Pour discréditer le marketing, la stan-dardisation, et la chosification de la pensée de l’individu et de l’image. Le design est, dans certains cas, dans une attitude de cri-tique par rapport au monde qui l’entoure.

La critique est vue ici comme l’expression d’un refus d’obéir à des règles, de suivre un schéma de production classique, ou encore une volonté de remise en question d’une pratique. Pour se faire le designer peut caricaturer, revendiquer ou encore dénoncer, au travers de son travail. Il s’inscrit, de fait, dans une démarche de rupture sociale voire politique et économique. Ces designers ne sont pas des exécutants neutres, ils sont absolument par-tial, et l’assument. C’est parce que ces créa-tifs existent, qu’il est possible de dire, que le design graphique n’est pas un métier neutre et qu’il exerce une réelle influence sur notre vie quotidienne, que le pouvoir de l’image et des médias n’est pas anodin. S’inscrire dans une critique, est une manière de questionner les limites d’une discipline et d’en repousser les

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frontières. Ainsi le collectif NORM, studio suisse et le studio bâlois Müller+Hess, ques-tionnent les limites du standard dans la pratique graphique. Ils remettent en question les normes, la rigueur et l’esthétique du style international.

Le collectif NORM, invente ses propres «lois» pour chaque tâche puis s’en débarrasse au profit de nouvelles une fois le projet ter-miné1. La constance du refus de la norme, de la réinventer à chaque projet, est une démarche folle du studio, qui reviendrait à considérer que la théorisation de la mise en page est un dictat de la norme. NORM envisage au travers de sa démarche manifeste de «renvoyer le graphisme à la case départ», c’est mettre en danger et «prendre des risques» à chaque nouveau projet. Sa critique du standard et particulièrement du standard de l’écrit (the latin script) poussent les deux graphistes à mettre au point «the sign generator»2. «We used this tool to see if there was (and how many) alternatives to the existing signs.»3 «Nous utilisons cet outil pour voir s’il est possible de produire (et en quelle quan-tité) des alternatives au signes existants.». La programmation leur permet de pousser leur réflexion à son paroxysme sans auto-censure. Le générateur, produit, sur une base de neuf point, une combinaison exponentielle de signes potentiellement utiles à la mise en place d’un

1R i c k

Poynor , p116

3abstraction-now.at

2en collaboration avec scriptographer, «a scripting plugin for Adobe Illustrator. It gives the user the possibility to extend Illustrator’s functiona-lity by the use of the JavaScript language» «un plugin de scripts pour Adobe Illustrator. Il donne à l’utilisateur la possibilité d’étendre les fonctionnalités d’Illustrator par l’utilisation du langage JavaScript» de Jürg Lehni.

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alphabet non restreint par la graphie latine. Wendelin Hess, du studio bâlois Müller+Hess, apporte une nouvelle nuance, à la critique. En évoquant la nécessité de «casser les règles», ils montrent un intérêt tout particulier dans l’exploitation de systèmes graphiques défec-tueux. Ils refusent ainsi une «assignation» à un processus sur-efficace et théorisé par les grands noms précurseurs du mouvements suisse. (comme Tschichold). Leur démarche reven-dique une mort du savoir faire de l’expert en temps professionnel de la standardisation.

L’attitude critique des graphistes associés est d’un tout autre registre. Durant dix ans, de 1989 à 2000, les graphistes associés ont mis en place une démarche référante en terme de graphisme culturel, engagée politiquement et sociale-ment. Ils revendiquent un statut de créateur libre, et s’engage dans des causes de salubrité publique. Les graphistes associés ont appliqué une attitude de refus de la commande classique. Leur engagement se fait aussi par le choix projet du commanditaire, «il faut partager le sujet pour pouvoir partager les images, ils nous intéressent à leur domaine et nous les intéressons au notre»1. Certains designers défendent l’idée que pour remplir efficacement son rôle, il faut «remettre en question voire «réécrire» le dossier du commanditaire»2. Parce que, et c’est ce qui justifie la présence du designer, la «compréhen-

2R i c k

Poynor , p120

1m o n o g r a p h i e

des graphistes associés, p7

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84+1 /

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ellen lupton, (haut) the cooper union, 1989(bas)the ABC of ▲■● : the bauhaus and design

theory, 1991

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86+1 /

source : les graphistes associés réaction à leur travail, pour le théatre de Rungis

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86+1 / 87

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88+1 /metahaven

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88+1 / 89metahaven

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90+1 /

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sion (du commanditaire) de ce qu’est la commu-nication est souvent imparfaite». Les graphistes associés fonctionnent sur un rapport différent avec leur commanditaire. D’abord parce que la majorité de leurs interlocuteurs sont dans le domaine culturelle et que les enjeux financiers ne sont pas les même qu’ailleurs. Puis surtout le collectif se définit comme à but non-lucratif, dans leur conception «l’argent d’aujourd’hui est celui de la consommation de masse, des inégalité, des injustices et des frustrations sociales, ce n’est pas un moyen d’échange, c’est une arme pour soumettre»1. Cette volonté d’indépen-dance des associés les poussent à se tenir écarté du schéma économique actuel. Et à considérer leur action comme d’utilité publique plus que comme d’utilité commerçante, de manière à lutter contre «des messages payants.» Leur attitude est critique face au monde, face aux échanges capitalisés. Le graphiste associé est un créateur, «libre de son temps», libre face à l’économie et «raisonne tout en doutant»2, pour faire douter son récepteur. La fin du studio n’est pas un échec réel. Elle montre surtout que la sensibilité et la démarche anti-commerciale n’est pas compatible avec un capitalisme soumis au consumérisme. Toutefois la longévité de la structure laisse penser que cette critique est vivace et a trouvé des interlocuteurs.

Actuellement, plus au nord, des graphistes pensent le rôle critique du graphiste comme

1m o n o g r a p h i e

des graphistes associés, p9

2mono g r a ph i e

des graphistes associés, p6

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90+1 / 91

celui d’un réel commentateur de la relation qu’entretiennent les industriels avec le design. «Je payes donc je sais, et je souhaite faire vendre un maximum» et une stratégie qui est décortiqué par le studio Matehaven. À travers «Uncorporate Identity», les hollandais décortiquent et analysent toutes les stratégies du marketing, appliqué au processus de création graphique, dans le but de vendre et de programmer le désir du consommateur. Ainsi ils en viennent à montrer comment nos rapports à l’humain ont été modelé par les entreprises.

«everything and everyone is a brand»1 «speculative design, ride the hyperbole»2 Dans cet ouvrage les graphistes de Metaha-

ven expriment des critiques et théorisent. Ils y diffusent des réflexions d’auteurs, de penseurs et de spécialistes, accompagnés de leur propre production. Daniel Van Der Velden, consi-dère d’ailleurs son ouvrage comme un livre science-fiction. Leur rôle n’est pas celui d’un économiste, ils sont dans une pluralité propo-sitions anticipant sur le devenir du design.

«small is often non-conformist whereas glo-bally operating large design agencie tend to repro-duce power rather than question it»3

Metahaven, produit un manifeste. L’uti-lisation de l’erreur dans leur démarche, pose la question du beau, et de l’esthétique, voir de la standardisation de l’esthétique. La forme visuelle de l’imprimé est un fatras superpo-

1metahaven p7

2metahaven p521

3metahaven,

texte de regula

stämpfli p569

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92+1 /

sant de manière presque empirique, visuels et pensées. Daniel Van Der Velden et Vinca Kruk ne réalisent pas qu’une simple critique du design sur le design, c’est une critique du schéma d’information1. Ils témoignent d’une prise de conscience du rôle vicieux dans lequel s’est ins-crit le graphisme et la publicité. Il y a une réelle rupture caractéristique et propre aux graphistes nordiques. Ces écrits ne sont pas produit par Bachelard ou Stiegler (ou des philosophes, des sociologues ou des économistes), mais par les graphistes eux même. De la même manière que Wired ou Émigre qui produisaient une réflexion pro mac luhannienne, dans un optimisme total des médias électriques, les designers actuels sont dans une vision plus apocalyptique du média. La génération mac luhanienne a produit des Philippe Stark en puissance, les stiegleriens sont dans un positionnement de piratage du modèle dominant considérant le tier-objet, l’auto-production ou le logiciel libre, comme arme de braconnage. Le médium libre, le message libre.

«Tout le monde doit essayer d’être un artiste ; c’est à cet endroit que l’on perçoit le mieux le sens de la vie et des choses.»2

1 c’est une des

raisons qui les poussent à

travailler avec wikileaks

2mono g r a ph i e

des graphistes associés, p6

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f. Le graphartiste, aperçut d’une par-ticularité liée au statut de design-auteur.

Le terme graphartiste est un néologisme, issu du croisement du designer graphique et de l’artiste. Cette hybridation parle d’elle-même. Elle est témoin d’une ambiguïté récente entre deux pratiques créatives. Et questionne la frontière entre design et Art. Utiliser le terme graphartiste sous-entendrait que le designer n’est pas totalement un artiste. Il combine son savoir-faire avec une démarche plus conceptuelle empruntée à l’artiste. Cela sous-entend égale-ment que le travail du graphiste s’est extrait du monde mercantile, qu’il n’est plus vraiment dans un état de soumission aux exigences du client. Le créatif est dans une relation au client qui dépasse le commanditaire et se rapproche du mécénat. Lorsque le graphisme entre dans le champ de l’Art, il adopte une dimension critique par rapport à lui-même, au graphisme, au schéma de production…Le graphartiste, est un concept ponctuel. Il est témoin d’un questionnement du designer. C’est une posture qui est à mi-chemin, de la notion d’auteur, de penseur, de chercheur, de critique et d’auto-production. Le graphartiste est sorti, le temps d’un projet, des contraintes de son métier. Il s’est affranchi de sa responsa-bilité économique, de manière à entrer dans le

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questionnement humaniste et critique de l’Art.

L’entrée du graphisme dans l’art peut se faire simplement, formellement et de façon complè-tement poétique. Laurent Ungerer et le projet «Pharaon descend à Pyramides»,(dans le cadre de l’exposition «sous les pavés le design», est une tentative de ramener dans l’espace urbain une émotion positive. Le designer (de l’agence c-album) réalise ce travail en collaboration avec les étudiants de l’ESAD de Paris. L’attitude des designers est une recherche poétique d’un univers en lien avec le présent du métropolitain, et l’histoire de la civilisation des pharaons. La mécanique poétique se met en place pour diffé-rentes raisons. Premièrement comme précédem-ment évoqué, le travail met en scène une nostal-gie et un fantasme historique. Deuxièmement, il y a une poésie qui émane de l’ensemble, dans la mesure où il ne fait pas sens, les glyphes ne sont pas traduit ils sont dans un état de fait, ils sont là. Enfin troisièmement, le projet ne cherche pas à justifier un concept, l’image n’entre pas dans une stratégie de vente. Il n’y a pas de slogan, il n’y a rien à vendre, l’image est ouverte à la divagation et renvoie à un imaginaire. La boucle est bouclée. L’environnement urbain, devient le support d’un moment incongru. L’espace publi-citaire est dérentabilisé, il ne vend rien, il est en décalage. La perturbation de l’individu consom-

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mateur est douce et salvatrice. Ce travail n’est pas sans rappeler celui de l’artiste Tania Mouraud, et du détournement du support publicitaire. «Ni» (1977) et «How can you sleep»(2005) sont un mélange de mélancolie latente et d’appel à la critique face à l’omniprésence de l’enjeu publici-taire et marketing. L’artiste utilise des supports d’ordinaire réservés à la production design, et ceci dans un but critique. L’artiste met en pers-pective le médium et le message. L’écrit critique le support et l’attitude du spectateur face à la présence ostentatoire du panneau publicitaire.

C’est une forme de piratage urbain du support médiatique et de la pensée marketing.

Dans la même veine, on trouve le collec-tif Anti Advertising Agency. Le statut de ses membres est difficilement définissable : artistes, designers graphique et web, hackeurs ? Le projet Add-art est une application libre, qui fonctionne comme un plug-in du moteur de recherche Firefox. Il permet de remplacer les annonces publicitaires par des images d’œuvres d’artistes. Non seulement cette démarche est une formidable promotion pour les artistes diffusés mais c’est aussi un moyen de désaturer l’esprit d’annonces marchandes, dont l’omni-présence à rendu banale. On considère d’ordi-naire le hacking comme une pratique néfaste, que l’internaute subit. Ici c’est lui qui décide de «squeezer» l’agression publicitaire, de déjouer

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Fanette melllier, bastard battlele bleu du ciel

le travail de rivière

«Bastard Battle», texte de Céline Minard, 2008, éditions Dissonances, format 12x16 cm, 112 pages

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SOUS LES PAVÉS, LE DESIGN - page 11DU 15 FÉVRIER AU 23 JUIN 2012

Le designer de l’agence c-album a développé un savoir-faire unique grâce à plusieurs interventions inspirées et poétiques, en impliquant les étudiants de l’EnsAD, pour animer les espaces du métro parisien : à l’opération « Pharaon descend à Pyramides » organisée en écho à l’exposition « Pharaon » proposée par l’Institut du monde arabe en 2004, ont succédé trois très belles opérations décrites dans l’ouvrage « Métroh ! (Précis de performances visuelles et d’outresol) » publié en 2011.

L’opération Pharaon a duré deux

semaines, évoluant au fil de quatre « actes » successifs : d’abord ce sont de mystérieux hiéroglyphes qui ap-paraissent sur les carreaux émaillés de la station ; puis des fresques d’or qui investissent les affiches publicitai-

res, avant qu’elles ne soient gravées et découpées pour révéler le béton brut ; et un acte final « réminiscent », préservant quelques éléments de la scénographie malgré le retour des annonceurs publicitaires classiques.

Laurent Ungerer a su, au tra-vers de toutes ses opérations réalisées dans le métro, transfor-mer les contraintes de réalisation en leviers créatifs insoupçonnés, chaque scénographie proposée ayant été conçue pour se déployer la nuit, pendant le court sommeil d’une station de métro. L’évènement « Pha-raon » a tenu toutes ses promesses pour les commanditaires qui ont vu leurs attentes en terme de visites et de couverture médiatique largement comblées.

« la capacité du designerà transformer les contraintes en leviers créatifs »

La RATP, de son côté, a trouvé un créateur inspiré sachant toujours donner aux voyageurs des moments d’émotion positive, trop rares dans la mobilité quotidienne.

1 | réalisation de hiéroglyphes

2 | réalisation de pochoirs

IMA, 2004, Paris. © c-album

www.c-album.fr

Pharaon descend à Pyramides Laurent Ungerer - c-album

B2

1 2

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98+1 /

le spam, qui décide de ne plus être constamment en présence du marketing et du consumérisme1, il désobéit à une constance acquise par la force des choses. On peut également mentionner le travail sur le tier-objet de Jean Sébastien Poncet (développer plus tard), qui mixe dans sa problématique du lieu le travail du desi-gner d’espace, designer d’objet et de l’artiste.

La production graphartistique est un moyen de désamorcer la quête de la perfection du support graphique et de la maitrise du message. C’est une façon de sublimer l’imperfection du corps et de l’esprit humain, de déculpabiliser le consommateur, en lui disant que le médium au-quel il s’identifie n’est pas dieu-parfait. En réa-lité cette une désacralisation du médium, entrai-nant un effondrement du schéma messianique du designer dans l’avènement du marketing et du consumérisme. La dégradation du corps du média par sa destruction ou sa déformation est une manière de le minorer, de la décrédibili-ser. De manière à ce que l’individu relativise le médium. Par l’erreur le graphiste-artiste renoue donc avec le corps. Il introduit dans le corps du papier une temporalité de l’échec. L’échec inter-vient à un moment, puis disparait, il entraine une modification de la perception du support jusqu’à la fin de sa lecture. Fanette Mellier est graphiste, son travail est exposé parmi celui d’artistes en 2009, à l’occasion d’«elle@»2.

1 antiadverti-

singagency.com

2 expo des femmes artistes dans la collection du centre Pompidou

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Les livres bizarres (production dans le cadre du festival de Chaumont)de Fanette Mellier sont dans cette démarche où le graphiste, entre dans une démarche artistique, cesse de répondre à des prérogatives commerciales, et entre dans un questionnement social. Cette attitude permet au travail de Fanette Mellier de renouer avec le corps et la sublimation de ses défauts. Bastard Battle envisage le support comme un organisme vivant capable de devenir fou, exposé lui aussi au risque d’un burn-out. «j’ai travaillé chaque double-page dans l’ idée que le texte était possédé, incarné {…}. Il résulte une curieuse impression d’une énergie plastique étrange partant du cœur du livre, se propageant au rythme du récit et venant lutter avec la structure classique de l’ouvrage (de poche)»1.

L’introduction de l’erreur par le travail graphique et artistique de Fanette Mellier, permet dans un troisième temps, d’observer et d’analyser le phénomène de l’erreur comme moyen particulier de désobéissance graphique. De manière à éclairer les tenants et les abou-tissants d’une démarche personnelle d’expé-rimentations menée au cours de l’année.

1 fanette-

mellier.com

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III_ Désobéissance gra-phique, démarche personnelle.

A. La désobéissance graphique et l’uti-lisation de l’erreur, comme mise en abîme du message et outil de contestation du mar-keting et de la rentabilité de l’humain.

a. L’erreur, c’est moche.

Tschichold, défini le beau. Il est issu d’un rapport de proportions parfaites. Le beau est issu de la maitrise, il n’envisage pas l’erreur, parce que l’erreur est le fruit d’un manque de savoir-faire. La quintessence de la maitrise du savoir-faire est la maitrise de la variation, de l’apparente symétrie. La variation n’est pas identifiable et c’est là tout le génie du graphisme comme le voit tschi-chold, la main du graphiste est invisible. Il n’y a pas d’erreur, car l’erreur est ce que l’on identifie comme une variation visible1.

La beauté de Tschichold est l’utilisation du graphisme au service de la clarté du message. Elle hiérar-chise efficacement l’information. Guide, voir

1 Tschichold

p38

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prend en charge, l’œil du lecteur. Elle prend soin de l’œil, ne le heurte pas et flatte le regard, en cassant la symétrie par exemple qui est source de gène pour le regard1.

Dans ses ouvrages Tschi-chold, prend soin, de réfléchir les erreurs, de les pointer, et d’en expliquer les conséquences visuelles. Ainsi, il peut exposer sa réflexion sur la correction de l’erreur, ou plutôt sur la disparition de l’erreur par la pratique gra-phique. Tschichold, évoque les «lignes creuses»2 et leurs conséquences. Si l’on utilisait ces erreurs en les conservant, en les mettant ostensiblement en avant. On créerait un malaise dans la composition graphique, et il fort possible, même inconsciemment, que cette erreur, perturbe la continuité de la lecture. La forme prendrait le pas sur le fond, interdisant un confort de lecture et obligeant a une gymnastique agaçante si prolongée.

Steven Heller dans «Cult of Ugly»3 pose la question de l’esthétique. Il définit la laideur comme «la superposition de formes graphiques disharmo-nieuses conduisant à la confusion des messages». Ce que pointe Heller, lorsqu’il parle d’une production d’étudiants américains «output», c’est que «le moche» doit servir à redéfinir et faire évoluer la pratique graphique, soit trouver de nouveaux codes et ne pas devenir une fin en soi «By this defi-nition, Output could be considered a prime example of ugliness

1 Tschichold

p37

1 Tschichold

p147

2 les veuves et les orphelines

3 article publié

dans «Eye», n°9 en 1993

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in the service of fashionable experimentation». C’est ce qu’il considère comme de l’expérimentation. Le moche serait un moyen de trouver de nouvelles formes graphiques, mais dans quel optique ? Si Heller considère l’importance de faire émerger de nouvelles formes de langage, c’est dans le but d’enrichir le paysage graphique,«Ugliness is valid, even refreshing, when it is key to an indigenous language representing alternative ideas and cultures.» mais est-ce dans l’optique de développer des cultures alternatives ? On peut répondre par l’affirma-tive. L’esthétique punk a favorisé l’émergence de micro-cultures. Mais lorsque cette culture a été ingérée par le marketing elle est devenu une micro-culture globale et standardisée.

«Ugliness as a tool, a weapon, even as a code is not a problem when it is a result of form following function.»

Si l’on s’en tient strictement à cette idée. L’erreur peut donc être un moyen de discré-dit du marketing et moyen pour faire émerger les micro-cultures nécessaires à l’individua-lité du sujet, surtout si c’est un moyen de lutte contre le précepte form follows function qui est au service du medium is the massage.

b. La faute d’orthographe

Porcher fait remarquer que la standardisa-

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tion de l’écriture apparait avec les techniques d’impressions. Cette standardisation néces-saire pour des raisons et des bénéfices évidents, met cependant fin à une diversité d’expression de la langue et du support écrit. De la même manière, l’écrit est un standard qui a mis fin à une liberté sémantique du mot et à figé la pensée au travers du glyphe1. Sans parler de la dimen-sion politique de l’apprentissage de l’écriture et de la lecture2. Pour Louis XIV, l’école obli-gatoire fut un moyen d’affermir le catholi-cisme et d’enrayer le protestantisme, (P25)

Porcher parle de la faute d’ortho-graphe comme un appauvrissement de la culture, et de la passivité de la mémoire.

La faute d’orthographe peut également être observée comme un révélateur de troubles internes. L’exemple suivant tient de l’anec-dote néanmoins il révèle que, ce qui relève de l’erreur, apparait comme en dehors de la norme et s’autorise une souplesse par rapport à celle-ci. Les gauchers souffrent très souvent de dyslexie-dysorthographique, grave ou mineure. Ces troubles sont «dits spécifiques car non liés à toute la pathologie générale (neurologiques, psychiatriques, consécu-tifs à des anomalies sensoriels, métaboliques ou engendrés par un encadrement socio-culturel perturbant)»3. La dys-lexie-dysorthographique est un trouble dans l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Cela s’explique par une structure différente de

1 Blaquière

Hélène sur Jack Goody

p. 209-212

1 Michel

galobardès p. 163

2justifiant la mise en place des règles d’orthographe

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la grammaire mentale des gauchers par rapport à celle des droitiers. Comme le modèle d’appren-tissage de l’écriture et de la lecture est basé sur une grammaire mentale droitière, le gauche doit s’y adapter. Dans la mesure où ce qui corres-pond à son schéma mental entre en conflit avec le standard dominant créant ainsi une erreur. Elle se traduit sous la forme de fautes orthogra-phiques (orales et écrites), identifiant la dyslexie. En réalité on pourrait considérer cette erreur comme une mutation due à la confrontation vio-lente de deux formes de grammaires mentales.

Il est possible d’instrumentaliser la faute d’orthographe, comme mécanisme. De manière à comprendre l’utilité de l’erreur dans la démarche. La faute d’orthographe est intéres-sante dans la mesure où elle introduit une faille dans la structure de la langue française. C’est une altération d’une structure ordonnée régie par des règles d’orthographe et des codes d’écri-ture. Elle sert la déprogrammation du désir, elle sort l’écrit du standard en lui restituant une forme imprévisible, au sens de non-autorisé. Lorsque le langage texto a fait son apparition, il a posé problème, et opposait intégristes de la langue française et progressistes. Au final le langage texto s’est imposé dans les pratiques de la jeune génération fortement inscrite dans la pratique du texto. La question n’est pas de

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savoir s’il est bien ou non de martyriser la langue française. Il faut surtout remarquer que cette pratique a été un moyen pour une génération de s’affranchir de la domination de son passé, une manière de s’affranchir de l’autorité des parents. Parce qu’il s’agissait d’un détour-nement de code que les parents ne voulaient pas comprendre en totalité. La récupération par le marketing du langage texto, catalogué comme langage jeune, a été un moyen de priver ses utilisateurs d’une possible individualité. Finalement on peut voir l’écrit texto comme une tentative avortée de restructuration de la libido.

Il ne s’agit pas ici de justifier la faute d’orthographe. L’importance de ce phénomène réside dans sa structure. L’erreur graphique, peut être une erreur orthographique, voire même syntaxique, et il s’agirait ici d’un exer-cice de style et de sémantique. L’instrumenta-lisation de la faute d’orthographe, met à jour un phénomène visible de censure de l’erreur. C’est la rature et le gribouillis. L’erreur, graphique peut être une erreur de frappe, une erreur de fabrication, d’impression, de composition,… ce peut être une déforma-tion. Son utilisation, sa provocation, doit être un moyen d’altérer l’accès à l’information.

Ainsi l’erreur, phénomène absolument répréhensible par la standardisation, devient

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un moyen critique. Dans la mesure où elle devient un moyen de tronquer le marketing et la rentabilisation de l’information. La cible perd son sens. Il est impossible raisonner le marketing, puisqu’il tend à tout raison-ner sous un angle spéculatif. Dans la mesure où l’esprit a été sur-standardisé, perturber le standard devient une atteinte à la renta-bilité. L’erreur témoigne d’un mélange des genres et d’un brouillage des identités.

c. Le glitch, l’erreur de-vient l’outil du hackeur.

Le support informatique traduit l’erreur par le bug. Une des tendances actuelle consiste à utilise le bug, comme matériau d’expression. Le glitch est une pratique ouverte, elle regroupe, surtout dans l’univers du jeu vidéo, une commu-nauté qui utilise ces bugs comme des raccourcis dans le déroulement du jeu. C’est ainsi pour eux un moyen de parvenir le plus rapidement à leur fin, zapper les impasses, et terminer le jeu. C’est de la «triche». Ils évitent ainsi tous les obs-tacles qui s’offrent à eux. Il existe d’ailleurs des équipes et des concours de glitch, speedrun. Au final ces joueurs sont dans la même démarche du hackeur. Produire et se servir de l’erreur de ma-

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nière à contourner un système. En 2008, lors de l’expo N-1 de la biennale du design, Simon Ha-fenbradl, alors étudiant à Hochschule Darmstadt – Faculty of design en Allemagne, met au point un système de contournement de la censure sur les moteurs de recherche chinois. À la croisée du hacking et de l’erreur, Simon Hafenbradl, uti-lise la faute de frappe. Le mot mal orthographié n’étant pas repéré par le système de censure, l’internaute peut alors consulter le contenu web auquel il n’aurait normalement pas accès.

Lorsque le glitch est utilisé par des artistes, il peut être un moyen d’expression du mou-vement, proche de la danse contemporaine. Norbert Pfaffenbichler est artiste contemporain, il utilise la programmation et l’outil informa-tique comme un réel moyen d’expression. Lors du projet MAZY1 réalisé en 2003, il combine fragmentation de l’image et corps humain. C’est une installation qui relie le corps d’un danseur à un appareil qui enregistre les sons et les images. Plus le mouvement du danseur est intense plus son image est fragmentée. Pfaffenbichler, dans son installation interroge notre représenta-tion du corps, mais aussi de la temporalité de la représentation, «les surfaces forment un réseau de fragments cinétiques et les interférences affectent la tempora-lité chronologique et fusionnent les mouvements corporels et mécaniques d’une manière fragile»2. Au final, l’artiste se détache de la représentation académique du

1 & 2vidok.

org

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corps, mais aussi des canons de beauté actuels qui tentent d’obtenir une forme linéaire du corps, une forme globale et lisse. Pfaffenbi-chler, met au point une version numérique du «nu descendant l’escalier» de Marcel Duchamp.

En graphisme c’est le moyen pour Mar-tin Woodtli et Norm, de créer de l’inattendu. En combinant des versions anciennes et plus récentes de programmes, ils parviennent à provoquer ces «bugs». Le travail de Martin Woodtli, flirte dangereusement avec un style graphique, qui finirait par perdre tout sens au profit de l’esthétisme pur. Mais son travail rompt avec le style international. Première-ment parce qu’il va à l’encontre des systèmes de hiérarchisation de l’information. Deuxième-ment et de fait il créé un espace de lecture en superposition, chaotique et de fait improbable.

Là où le glitch risque de perdre son rôle critique c’est lorsqu’il est repris à des fins com-merciales, et l’on retombe inlassablement dans l’histoire du serpent qui se mort la queue, contre laquelle Steven Heller nous met en garde1.

Le glitch et le pirate sont de la même veine contestataire, la désobéissance graphique doit viser l’improductivité. Et pour cela rien de plus évident que perturber la cible dans son petit confort psychique2, où le marke-ting prend bien soin de lui ôter de la vue toute

1 pub pour

Karl La-g a r f e l d ,

2012

2 porcher p167,

porcher va jusqu’à parler d’une chosification du sujet

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les petites imperfections qui le ferait douter et mettraient en chambranle sa passivité.

d. L’erreur pour induire en erreur, fausser la représentation du réel. (Ici dans la lecture et par l’intermédiaire du médium imprimé.)

Adrian Frutiger1 fait habillement remar-quer que le sujet ne lit pas un mot mais qu’il le reconnait. Logique puisque les codes de lecture et d’écriture sont enracinés dans notre culture depuis des siècles. L’œil n’éprouve plus une fois l’apprentissage terminé, le besoin de déchiffrer chaque mot et chaque syllabe. Il «photogra-phie» les syllabes et les silhouettes de mots, il les appréhende en groupe. Par ailleurs l’ordre des lettres dans un mot pourrait être perturbé, le sjuet piarvent tujoruos à reconstituer le sens de la phrase sans trop mal, pour peu que la première et la dernière lettre du mot soit à la bonne place. Il faut tout de même souligner que la structure du mot ne doit pas non plus être trop déformée. Et permettre au mécanisme photographique exposé par Adrian Frutiger de fonctionner. Cela sous-entend également que le champ lexical doit être cohérent avec le voca-bulaire du lecteur et lui permettre d’anticiper sur le sens de la phrase2. Si l’on exploite cette

1p172-173

2 Thierry oppillard

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Martin Woodtli

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Lichtecht, «de Solidité à la lumière», affiches pour le Musée du Design, Zurich, 2004

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(haut) glitch(bas) Norbert Pfaffenbichler, mazy

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pub pour la nouvelle collection Lagerfeld

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capacité du regard humain, il peut devenir très aisé de le manipuler, dans le but de l’induire volontairement en erreur. Frutiger propose une expérience. Créer des petites imperfec-tions sur la lettre, comme s’il s’agissait d’erreurs d’impression, dans le but de créer des ambiguité et de semer le doute dans l’esprit du lecteur.

«La plus petite imperfection du «o» en un point sensible détruit immédiatement la clarté du message, suscitant une confusion avec le «c»; de plus, «cn» n’est pas une combinaison ancrée profondément, et n’aide par conséquent pas à établir un pont vers la compréhension.»

Fausser la représentation du réel, peut également un déformation du calibrage de la durée. Bruce Mau est prêt à «maintenir un plan trop longtemps» afin d’encourager le public à regarder de plus près. La temporalité et son optimisation définissent également des sé-quences à faire et induit ce qui ne faut pas faire. De manière capter l’attention de l’individu. Sortir de ces prérogatives, c’est aussi bousculer le sujet, le sortir de son confort avilissant.

Ces phénomènes mis en évidence doivent désormais être exploités non pas pour rendre li-sible l’information d’un texte, ou encore rendre un médium attrayant, ils doivent être utilisés pour mettre en critique le contenu et le médium, jusqu’à son paroxysme, jusqu’à ce que l’on se

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demande si ce que l’on à devant les yeux est une production graphique ou artistique. De toute manière, plus le graphisme ira à l’encontre de la démarche marketing, plus il sera critique, plus la question de l’auteur, rimera avec la question artistique. À moins que s’orientant vers le design global le graphiste parvienne à se fonde dans les autres designs (produit, stylisme…)et l’artisa-nat pour aboutir à la création d’une nouvelle entité, ou l’artisan serait également le designer. Stiegler propose de développer «une politique culturelle de l’ industrie»1, à la condition de réunir artiste (et design) et industrie autour d’un autre modèle de production. Jean Sébastien Poncet et le studio lo posent la question de l’auto-pro-duction du design en lien avec l’artisanat. Il envisage une production, autour de la notion du tier-objet, qui ne rechercherait pas une manipulation des désirs de l’Homme. Le tier-objet, émane du lieu et est à destination du lieu. Il ne rentre pas dans un schéma de domination par le pouvoir. Jean Sébastien Poncet2 est étudiant lorsqu’il rédige ce mani-feste et s’inspire de la notion du tier-paysage du jardinier paysagiste gilles Clément. Il pense l’espace pour ce qu’il est, et le tier est ce qui est à l’état latent dans l’espace et le paysage. C’est par l’observation du lieu qu’il se révèle. On peut dire que son tier-objet n’est pas loin de la poétique d’Aristote, il n’est une imita-

2azimut 33 p89

1Changer le mo-

dèle industriel, un entretient

européenP 1

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tion de la nature mais nait de l’observation déformée de celle-ci par le regard humain.

B. La faillite du médium et du mes-sage par l’erreur, la tactique de l’erreur.

La désobéissance graphique met fin de l’omniprésence de la perfection ren-tabilisée et de la domination du sujet.

La première phase du travail a permis de dégager plusieurs attitudes dans l’erreur.

L’erreur recherche le désordre.Le désordre court-circuite l’efficacitéL’efficacité, c’est la rentabilité, la perte

de temps c’est la fin de toute rentabilitéSi ce n’est pas rentable, le marketing meurtSans marketing plus de cibleLorsque le sujet n’est plus une cible, il est

perdu devant sa propre nature et son désirLe sujet doit être pertur-

ber dans son confort passifIl doit éprouver de l’incompréhen-

sion, de la répulsion et du rejetL’erreur est un témoin de la perte de maitriseC’est la porte d’entrée du dis-

sident et du poil à gratter.Le confort est l’ennemi du

doute et du questionnement.

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Ainsi il est possible de définir, plus ou moins quatre attitudes de désobéis-sance, mettant en scène l’erreur.

a. Dissidence graphique, déformation pouvant mener à la destruction du médium.

Vous êtes un terroriste, la violence de vos actes rend impossible toute discussion, vous détruisez et votre action influe uniquement sur la dimension physique, du médium ou du sujet.

L’apparition de l’erreur en-traine la destruction du support, puisqu’il faut en effacer les traces.

L’erreur de manipulation, entraine un dysfonctionnement du médium. Lorsque l’on est obligé de déchirer un livre pour parvenir à son contenu, c’est qu’il ne rempli plus sa mis-sion. Une erreur est introduite dans le schéma traditionnel de la fonction. Le médium livre finit par ne plus en être un, dans sa conception attendue. L’erreur démontre qu’il est possible d’envisager une autre logique de lecture.

Lorsqu’on produit volontaire une erreur, on envisage une destruction possible.

La maxime, «la forme suit la fonction» de l’architecte américain Louis Sullivan1 selon laquelle la forme doit dire parfaitement ce qu’est

11896, tiré de l’article «The Tall Office Building

Artistically Considered»

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le rôle du médium, devient fausse. L’utilisateur habitué à se fier au médium se retrouve piéger. Il perd son temps, et ne peut plus fonctionner dans l’immédiat. Il va devoir envisager une méthode plus complexe pour accéder à l’infor-mation, il commence à sortir de sa passivité.

Lorsque Marshall Mac Luhan dit «the medium is the message», l’erreur dit : c’est pas sûr que le message soit toujours si accessible. Si la fonction définit une forme et que la forme définit une fonction, une non forme entrainerait une non-fonction et une non-fonction une non-forme.

Alors, il faut envisager une des-truction pure de la forme.

Pratiquer une déformation de la lettre.Détruire le support, pour entrai-

ner une perturbation de la lecture, et enrayer la linéarité de lecture : de haut en bas et de gauche à droite de la lecture.

b. La déformation de l’unité du corps (du support, du texte…) entraine une perturbation de la lisibilité

Perturber la linéarité de la lec-ture par l’action ponctuelle.

L’extrapolation du phénomène se fait en dérogeant aux règles de mise en page.

Il n’y a pas de grilles plus stan-

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dard que la grille suisse.Envisager possibilité de la disparition

d’une lettre par exemple, (le «a»). Il ne faut oublier que le graphiste à la main mise sur le contenu. Il est le maître du jeu. Fort du pouvoir qu’on lui a accordé, il doit en abuser et prou-ver qu’il n’est pas un homme de confiance.

La déformation entrainée par une erreur de la part de l’outil (permettant le réalisation, la production ou la diffusion de l’objet graphique), doit être provoquée, assimilée et maitrisée. Car la machine n’est pas fiable, pas plus que la tech-nologie et ne doit pas nous priver du savoir-faire.

Perturber le temps d’attention confortable, par la boucle, la répétition ou la longueur

L’œil habitué devient aisément manipulable parce qu’il a été soumis à un certain standard. On peut lui mentir pour lui faire prendre conscience de sa naïveté face aux stratégies actuelles d’éducation insidieuses de l’œil.

c. Perturbation de la lisibilité par manipulation des codes graphiques

La décontextualisation du signe, lui fait perdre son sens. Seul, le signe décontextualisé et déplacé perd sa force, il est à la merci de la critique. Il peut être hybridé et mis en danger.

L’hybridation d’univers différents,

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de codes particuliers, conduira à un éga-rement du lecteur. Les codes auxquels il s’était habitué l’induisent en erreur, il ne peut plus s’y fier. Dans l’absolu, il devrait être contraint de devoir mettre en place ses propres codes pour se repérer à nouveau ?

La destruction du médium et de l’organisa-tion du contenu développées en amont peuvent être intégrées dans le détournement des codes.

d. Par l’humour et l’auto-critique

Si le ridicule ne tue pas, le graphiste devrait être capable de se rendre compte des déformations liées à son métier.

Il exagère et caricature l’égocentrisme et la superficialité du médium et du créatif.

Le graphisme doit être mis en danger. Il se risque à ne plus remplir son rôle d’aiguilleur. Il doit envisager sa disparition. Le grossier se rapproche du potache, on doit envisager les choses de la même manière qu’Harakiri et le professeur Choron. Le graphiste doit descendre de son piédestal. Si la Comic sans ms est autant haïe c’est aussi parce que l’ama-teur la sur-utilise et que le graphiste ne veut pas y être assimilé. Il faut accepter l’ambiva-lence de la démarche. Ouvrir l’œil du lecteur peut conduire à la remise en jeu du gra-

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phisme et des stratégies de communication.Des affirmations comme : «je viens de

télécharger photoshop donc je n’ai pas besoin de graphiste» démontrent d’elles-mêmes l’absurdité du raisonnement. Ou engagent la mort programmée du graphisme.

e. Désormais, on ne s’adresse plus à une cible, on ne l’analyse plus, on ne la fait plus rêver, on n’enjolive plus la réalité du produit.

La finalité du propos est de mettre en cri-tique le contenu et sa relation avec la forme.

Tronquer le rapport entre sup-port graphique et cible.

Sortir des rapports humains program-més. C’est envisager le particulier.

Il faut interroger le rapport que l’on entretien avec le graphisme.

On ne peut continuer à envisager des rapports humains viables sur un sys-tème de domination et de programma-tion du désir. La désobéissance cherche à déprogrammer le désir de l’individu.

Pour cela, le designer graphique à tous les droits. Tous les coups sont permis, et les plus vils sont recherchés. Mentir, tricher, cacher. Nous ne sommes et n’avons jamais été bien intentionnés. Aujourd’hui nous sommes

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en opposition avec le fonctionnalisme. Nous sommes en opposition avec le marketing.

Qu’est-ce qui est important, le contenu ou notre relation au contenu ? La violence de ce rapport est-elle une critique de notre relation à la consommation de l’informa-tion ou une violence nécessaire à une création d’un nouveau mode de communication ?

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ABAKE, «Ryan Gander : catalogue raisonnable», 2010, co-édition Westreich/wagner et JPR Ringer, Zurich.

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