Dissertation Sur Les Miracles

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Chistianisme

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  • Dissertation sur lesmiracles, pour servird'claircissement au

    sistme del'impuissance des

    causes secondes, parMr. de [...]

    Source gallica.bnf.fr / Bibliothque nationale de France

  • Keranflech, Charles-Hercule de. Dissertation sur les miracles, pour servir d'claircissement au sistme de l'impuissance des causes secondes, par Mr. de Keranflech. 1772.

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  • DISSERTATIONSUR

    LES MIRACLES.

  • jj {>,.1'l,

  • DISSERTATIONSUR

    LES MIRACLES,POURservir d'iciaireijjement

    au sistme de l'Impuissancedes Causes Secondes.

    ParMr. DEKERANFLECH.

    A RENNES,ChezJULIEN-CHARLES VATAR;

    Libraire-Imprimeur ordinaire du Roi,Place Royale, au Parnasse.

    M. DCC. LXXII.AVEC APPROBATION.

  • AVERTISSEMENT.c

    Eux qui ont trait jusqu'ici*de l'impuissance des causes secon-

    ds, & du sistme philosophiquedes causes occasionnelles, se fonttous dispenss de parler des Mira-cles. Ils ont aparemment confi-dr cette partie comme trangre leur objet; ce qui leur a fait lais-ser cette dixcussion des crivainsd'un autre genre. Cependant cettemme discussion entroit naturelle-ment dans leur sujet, puifqu'endpouillant les cratures de touteefficace & de toute force, & enn'attribuant qu'au Crateur la pro-

  • duction immdiate de tous les ef-fets rels, ils donnoient lieu dedemander comment ils conce-voient les Miracles, & peut-trede douter si leur philosophie s'ac-cordoit parfaitement sur l'articleavec les vrits de la Foi. Je fuisdonc surpris qu'ils n'aient parufaire aucune attention ces deuxchoses

    : car de l nat, ce semble,une double obligation, pour qui-conque affichelesistme de l'im-puissance des causes secondes; ib.de montrer que cette thorie sepeut heureusement apliquer auxMiracles, zo. de montrer qu'elles'accorde parfaitement avec lesvrits de la Foi. C'est ce quej'apelle claircir ce sistme *; &

    a

    * Ce sistme est d'ailleurs expliqu dans l'Es-

  • ce que je me propose de fairedans cette Dissertation, dont levolume n'est gures proportionn- la grandeur du sujet que (ytraite.

    -

    sai sur La Raison, livre 3e., section premirepage 147.

    Nota. On trouve l'Essai sur la Raison, chez l'Im-- primeur de cette Dissertation, galement que l'Hy-podJJi des petitsTourbillons in-12. du mme Auteur.

  • DISSERTATIONSUR

    LES MIRACLES.I c'est Dieu seul quifait touteschoses, nous disent quelquesThologiens, il n'y a plus de

    miracles: car tout effet naturel, danscette hypothse, tant l'uvre deDieu, & tout miracle l'tant aussi de

    -

    mme; on n'a plus de quoi distinguerun effet naturel, d'un miracle.

    Mais voyez, je vous prie, de quelil chacun regarde ses propres ides.Nous autres auui, nous objectons ces mmes Thologiens que c'est pr-

  • cifment dans leur opinion qu'on n'apas de quoi distinguerun effet naturel,d'un miracle.

    Dans leur sistme, chaque tre a sapuissance. L'ame en a tant; un d-mon, tant; un bon ange, tant; ainsidu reste. Mais jusqu' quel point enont-ils? C'est ce qui reste deviner.Comment donc pouvoir distinguerl'uvre de Dieu, de celle des causssecondes? Quand peut-on dire pr-cisment que les causes secondes sont bout; qu'il n'y a, ni ange, ni d-mon, ni aucun agent cr, qui foitcapable deteleffet? Et, si l'on nesait o se terminent les forces de laNature, quelle marque reconnotra-t'on si tel effet est un miracle?

    Selon ce mme sistme encore, uneffet peut tre impossible une cra-ture en deux manires; faute de puis-sance dans cette crature, & faute depermission de la part de Dieu. Le

  • premier cas ne se peut reconnotre,

    comme on vient de le dire; le secondest aussi indevinable

    ,

    sans une rv-lation expresse: car fupofant des for-ces aux cratures, comment connotrcles cas que Dieu s'est rservs, & quandprcisment il juge ou ne juge pas -propos de leur lier les mains? Voilun effet singulier qui arrive devantmoi, un prodige clatant: passe-t'illapuissancedes causes secondes? Je n'ensais rien. Dieu s'est-il rserv telseffets lui seul ? Je n'en scais rien.Est-ce donc l un miracle ? Je n'ensais rien. Qui peut donc treplusembarrass

    ,pour le discernement des

    miracles, que les dfenseurs des causesfconds?

    Laissons les s'en tirer, s'ils le peu-vent; & voyons si de nos principesnous dduirons, non -feulement dequoi nous justifier sur cet article, maisde quoi claircir une matire si cl-

  • bre,

    qui n'a t traite jusqu'ici qu'a-vec assez peu de succs.

    On peut dire que ce qui a le pluscontribu embrouiller cette ques-tion, c'est que de tout tems on l'aregarde comme une question tholo-gique;& que quand une fois une ques-tion est dvolue aux Thologiens,elle est sre de n'tre plus traite quepar autorits & par passages. Or lespassages montrent simplement ce queles Auteurs ont dit, & nullement cequ'ils devoient dire. Les autoritsn'clairent point; & en gnral cettemthode n'aprend rien personne.Ainsi ces Messieurs ont beaucoupcrit,beaucoup disput des miracles, & fontnanmoins si peu avancs, que lors-que par fois des incrdules, des fana-tiques ou autres, leur donnent occa-sion d'expoler ce qu'ils en savent,on voit qu'ils n'ont pas encore arrtune dfinition du miracle.

  • Encore un coup, en thologie, onne veut pas communment philoso-pher; & on en est justement puni parles embarras o l'on se trouve. Ontraite la physique d'inutile; on n-glige la mtaphysique ; & il est bienjuste qu'on ignore ce qui doit nces-sairement dpendre d'elles.

    De tout tems les Envoys de Dieuont prouv leur mission par des mira-cles. Cela oblige les curieux troischoses ; chercher ce que c'est qu'unmiracle, chercher une rgle pourdiscerner ce qui est miracle de ce quine l'est pas, chercher une rgle pourjuger de l'efficacit des miracles.Qu'est-ce qu'un miracle? Commentconnotre un miracle? Que prouve unmiracle l Voyons si nous trouverons,dans nos ides, des rponses satis-faisantes ces trois questions. Noustcherons d'y rpondre si distincte-ment, qu'on ne pourra nier que no-

  • tre sistme,

    loin de contrarier la doc-trine des miracles, ne mette cettedoctrine dans tout Ion jour, & ne pr-fente mme l'esprit la feule voie na-turelle de bien dveloper ce qui re*garde cette matire.

    ARTICLE PREMIER.De la Dfinition du Miracle.

    LE mot de miracle signifie,

    mer-veille: miraculum, res mira ou mi*

    randa; comme, spectaculum,res spec-jtata ou sptanda. C'est, parler engnral, un vnement extraordi-nairequisurptend&quifrape. Maiscette dfinition vague, qui est venued'admiration, &, si je puis le dire,de l'tourdissement qu'ont cause, dansles premiers tems, ces vnemens ex-traordinaires, exprime plutt ce que

  • les miracles font par rapport nous,qu'elle n'exprime ce qu'ils font eneux

    -

    mmes.Qu'est-ce donc prcisment qu'un

    miracle,absolument &enlui-mme?La plus ancienne dfinition est de ceuxqui entendent par miracle, un phno-mne suprieur aux forces de la Nature.Nous ne nous effarouchons pas pourun mot; & quoique nous soyons per-fuads que les causes secondes n'ontaucuneforce, nous voulons bien rece-voir cecte expression pour ce qu'ellevaut. Il ne s'agit que de l'valuer.comme le commerce demande quenous rduisions toute forte de mon-noies la ntre. Voici donc, onnotre langue, ce que cela veut dire.C'est qu'un miracle surpasse les forces

    ,facults, puissances & vertus quesemblentavoirles causes secondes. Maisla dfinition est fausse : car il eA: fauxque les miracles surpassent les forces

  • attribues aux tres qui composentlaNature. Il y a plus deforces dans laNature qu'il n'y en eut jamais d'em-ployes faire aucun miracle: & engnral, si la Nature ne peut pas pro-duire certains effets, ce n'est pas fautede forces; c'est qu'elle agit selon cer-taines rgles, qui font que son activitest employe de telle manire, Bequ'elle ne peut pas l'tre de telle autre.C'est quoi il faut bien prendre gar-de. La force qui fait la pesanteur& laconsistance des montagnes, suffiroitpour les transporter ; c'est la feuledireaion qui lui manque. Si la merrouge ne put naturellement s'ouvrirdevant Moyse, ce ne fut pas fautede forces; la force qui faisoit en celieu la pesanteur des eaux, les ettout aussi bien soutenues dans lesairs.Souvent mme il faut moins de forcepour oprer ce qu'on apelle des mira-cles, qu'il n'en faut pour continuer le

    cours

  • cours de la Nature. Pour faire coulerles eaux d'un fleuve avec une cer-taine rapidit, il faut une force im-mense

    : pour les rendre immobiles, iln'en faut point; il ne faut que celierde les mouvoir. Ainsi de mille autreschoses semblables. Le changementd'une pierre en fleur, la multiplicationdes pains, la rsurrection d'un mort,ne demande ni plus depuissance, niune plus grande quantit de forces,qu'il n'en faut pour continuer chaquechose en son tat. Il y a autant depuissance employe conserver la for-me de pierre ou d'air

    ,

    qu' conserverla forme de fleur ou la forme depain,& le reste; & la mme quantit deforces qui est dans les petits tourbil-lons, qui produisent par leur activi-t la corruption d'un cadavre, lertabliroit aisment; & l'ame y re-viendroit aussi facilement qu'elle ytoit venue d'abord,(ce ne seroit

  • qu'une rptition du mme cas, ) sila Nature n'avoit pas ses rgles, quitournassent ses forces d'un autre ct,& la rduisissent agir de telle faonpltt que de telle autre.

    Ici je ne demande point ces Tho-logiens qui disent que les miraclessurpassent les forces de la Nature, qu'ilsfassent voir jusqu'o vont ces forces,sans quoi nanmoins ils ne s'entendentpas, & ils tombent dans les inconv-niens que j'ai reprochs ci-dessus auxdfenseurs des causes secondes. C'estdonner une dfinition qui ne peut avoiraucun usage, qui ne nous clairepoint, & qui ne nous veut rien dire.

    Mais je ne demande pas qu'on l'ex-plique: il est trop visible qu'elle estfausse; & on ne l'et jamais adopte,si, dans les premiers tems, on et econnoissance des loix de la Nature.Mais on ne songeoit alors qu' ses for-ces; & quand on voyoit un effet qu'on

  • ne pouvoit attribuer la Nature, ondisoit qu'elle ne l'avoit pu produire,

    faute de force. Mais depuis qu'on aremarqu que la Nature observoit cer-taines rgies; depuis que l'on a aperuqu'il yavoit des loix gnrales & in-variables pour le mouvement; une loipour l'union de l'ame avec le corps,&c. on a vu qu'il falloit attribuer ces loix l'insuffisancede la Nature pourla production de tels & tels effets. Carla Nature ayant la force de remuertout l'Univers, il n'y a point de fortesde mouvement qu'elle ne pt donner ses parties; ; il n'y a point de jeu,point de figure, qu'elle ne ftit capablede leur faire faire, si elle ne devoitgarder certaines rgies, & si elle n'-toit astreinte par des loix agir de tellemanire, & n'agir pas de telle autre

    Ne disons donc plus qu'un miracleestau-dessus des torces dela Nature:mais disons qu'il est contre sesrgles;

  • qu'il est contraire l manire d'agirque l'on observe dans la Nature

    ,

    &voyons encore si cette notion est lavraie notion du miracle.

    Le Pre Mallebranche a donn lieu une belle question de mtaphysique,qu'on n'agitoit point auparavant, surla conduite du Crateur dans le gou-vernement de ses ouvrages; sur lamanire dont il est plus convenableque la Divinit gouverne ses cratu-res. Il s'agit de savoir s'il convientqu'elle gouverne par des volonts paririculieres, ou, s'il convient qu'elle gou-verne feulement par des volontsg-nrales. Cet Auteur prtend qu'agirpar des voiesgnrales, par des volon-ts gnrales est tellement de l'treinfiniment parfait, & tellement pro-pre de Dieu, qu'il n'y auroit qu'uncas o il pur droger cette manired'agir. Ce feroit le cas o il trouve-roic plus de gloire agir par une vo-

  • lont particulire. Alors l'ordre ter-nelJ sa rgie inviolable, demanderaitqu'il agt de cette forte. La raisonde cet Auteur est, qu'agir constam-ment par des volonts gnrales, estune voie infiniment simple, infinimentmajestueuse, une voie qui porte le ca-ractre d'un Dieu, d'une cause gnra-lej univerfelle ; d'un tre si luprieur,si disproportionn aux autres tres jqu'aucun d'eux ne peut mriter d'gardparticulier de sa part; qu'ils n'ont pasde quoi se.distinguer, dequoi tre in-gaux ses yeux;enfin

    ,d'un tre si ef-

    lentiellemcnt suffisant lui-mme,qu'il n'a besoin ) ni des cratures ni del'honneur qu'elles lui peuvent faire;mais qui aime ncessairement ses attri-butsqui se glorifie d'tre ce qu'il est,& qui ne peut se dpartir d'une con-duite qui exprime sa grandeur

    .,

    & dont

  • Ajoutons que le gouvernement del'Univers entier par des loix gnralessupose une prescience infinie, & quece mme gouvernement par des vo-lonts particulires n'en supose point.Pour savoir que telle loi gnrale ferasuffisante pour tous les cas, il faut pr-voir tous les cas; au lieu qu'en agif-fant tout moment par des volontsparticulires3 &r en se mnageant cetteJeffource pour subvenir tous les be-soinsj on donne entendre qu'on neprvoit rien, & qu'on ne sait ce quipeutarriver. La prescience divine estdonc plus honore par les voies gn-rales, que par les autres; & commec'est une notion commune que Dieun'agit que pour sa gloire, qu'il n'a pro-duit les cratures, ni par ncessit

    ,

    nipar besoin, mais pourhonorer ses attri-buts

    ,pour les exprimer au-dehors,

    &: pour les peindre; il semble qu'enfaisant cette fupofition

    ,que Dieu agit

  • ordinairementpardes volonts particuli-res

    ,on ne le reprsente pas tel qu'il

    cft, qu'on le fait agir humainement,& en tre born; qu'on s'en pourroitformer, consquemment, une bienplus grande ide, & que partant, cellequ'on en a, est fausse.

    S'il arrivoit nanmoins un cas, oil ft plus glorieux pour lui de dro-ger l'uniformit & la confiancede sa marche, il feroit une exception sa rgie ordinaire. L'ordre le de-manderoit ainsi : mais on ne peut sa-voir si ce cas est jamais arriv, ni s'ilarrivera jamais. 11 est peut-tre auflisouventarriv. Ceci s'claircirapar la fuite.

    Aprs avoir montr priori, parl'ide de l'tre infiniment parfait, queDieu doit agir ordinairement par desvoies gnrales, le Pre Mallebran.chs prouve (on opinion par l'exp-riencej & par des faits. On sait que

  • le monde matriel est gouvern pardes loix gnrales; & les Physiciens& lesMchaniciensne craignent pointde les aillgner. Toute l'uniformitj& en mme tems toute la varit dela Nature; l'ordre rel, & le dsordreaparent ; les dvelopemens rguliersdes corps organiss, & les gnrationsmonstrueusesi les utilits

    ,

    & les in-convniens; les beauts, & les diffor-mits; les biens, & les maux physi-ques font des fuites de ces loix. Dureste, elles ont t portes, pour cequ'elles ont d'excellent & de bon,& non pas pour les inconvniens quipeuvent s'ensuivre. Ainsi Dieu veutpositivement l'ordre, la perfection &le bien; &: il permet feulement les d-fordres, les inconvniens, & le mal.

    On sait qu'il y a une loi gnralepour affecter l'ame & le corps, l'un l'occanon de ce qui se passe dans l'au-tre: car tous les hommes prouventgnralement

  • gnralement les mmes affeions dansles mmes cas; & le mme homme,dans les mmescirconftan:es.

    Il y a au moins, par la mme rai-son, une loi ou volont gnrale pourdterminer la manire dont Dieu agitdans l'ame, pour lui donner ses fen-timens, les mouvemens, & ses ides;& ce font les aplications de ces loixgnrales qui forment toute la fuite denos penses, denosaffaires, & de noitre vie.

    Mais c'est surtout dans l'ordre sur-naturel qu'il est vident que Dieu seconduit par des volonts gnrales:car il est clair, par exemple, qu'uneGrace dont Dieu prvoit l'inutilit, 6caprs laquelle consquemment l'hom-me est encore plus mchant, n'a past donne cet homme par une vo-lont particulire. Il en est de mmedes inconvniens) & des vnementfiracftcs qui arrivent dans l'ordre de

  • la Grce. Dieu permet ces malheurs;comme il permet les dsordres phy-siquesdeceMonde. Maisonnepeutlui attribuer de les vouloir par desvolonts spciales.

    Il parot donc par ces exemplest &par une infinit d'autres qu'on pour-roit citer, que l'Univers estgouvernpar des loix gnrales &c qu'ainsi lamarche de la Nature est slon de tel-les loix. Or il ne semble pas difficile,dans une fupofition si plausible dedonner une notion distincte. & unedfinition du miracle. Il n'y a qu'dire que les miracles font des excep-tions aux loix de la Nature.

    Mais tout le monde ne tombe pasd'accord de l'hypothse des voies g-nrales; & quoique les Savans con-viennent des loix gnrales du mouve-ment, qu'ils reconnoissent une mcha-nique, tant des solides que des fluidesj& une loi gnrale encore pour l'union

  • de l'ame & du corps; tous ne convien-nent pas nanmoins que Dieu gouver-ne tout l'Univers par des volonts g-nrales; &legrand nombre est de ceuxqui croient que les phnomnes de laNature, la fant & les maladies, lesdivers accidens, le tonnerre, la pluie,le beau tems, &cf, font des effets ifo*ls, pour ain dire, d'autant de vo-lonts particulires; & qu'en un mocl'Auteur de la Nature

    ,comme pour

    avoir plus de libert dans le gouver-nement du Monde, & de peur de selier les mains, n'est point all s'afiu-jettir des loix gnrales.

    Or,

    si la Nature est gouverne pardes volonts particulires, un miraclen'a rien qui le distingue des autresphnomnes de ce Mondes & il nefaut pas dire qu'il est contraire auxrgles de la Nature: car, en ce cas, laNature n'a point de rgles. Un miraclefera un effet produit par une

    -

    volont

  • particulire,

    & chaque phnomnenaturel le fera tout de mme. Lesvoil donc tous dans le mme rang.

    Il faut donc dtruire le sistme, ouplutt, le prjug commun des vo-lonts particulires> avant qu'il foitpoffihle d'arrter la dfinition dont ils'agit. Par bonheur cette opinioncommune n'est nullement soutenable,&tombe d'elle-mme. Rien de pluspropre le dmontrer que cette ma-tire prsente :car qui ditjmiracle, ditvidemment quelque irrgularit; unedrogation, une exception quelqueloi. Or, il ne peut y avoir ni irrgula-ritj ni drogation aucune loi, dansl'hypothte que Dieugouverne par desvolonts particulires, puisqu'il n'y aalors ni rgle, ni loi. Ce sistmeconduit donc cette sausset, qu'iln'y a point de miracles. Donc ce sisft-men'est qu'un prjug) dont il con-vient de fc dfaire.

  • Peut-tre voudra-t'on dire que lesvolonts particulires par lesquellesDieu gouverne le Monde, font ren-fermes dans une certaine sphre, ocfont toujours conformes une certaineroutine; par exemple, qu'elles fontconstamment descendre les solides

    ,

    monter la flamme, &c. Alors un mi-racle feraVesses d'unevolontparticulirecontraire la routine ou un phnomnehors de lasphre, &c. Et moi, je disqu'alors ilarrivera trois choses.

    1. Il se pourra faire de vrais mi-racles au dedans de cette sphre, quin'auront ni aparence extraordinaire,ci rien de contraire la routine; 8cdslors la dfinition ne leur convien-dra pas. Elle ne conviendra point,par exemple, une pluie miraculeusequi tombera comme une autre pluie.Ainsi cette pluie fera un miracle dansl'intention de Dieu; & slon la dfi-nition

    ,ce n'en fera pas un; parce

  • qu'elle fera l'effet d'une volont par-ticulire, slon la routine naturelle,& que tous les effets naturels feronttout--fait dans le mme cas.

    11. Personne ne fera capable d'as-signer les bornes prcises de cette m.me sphre, ni par consquent de direnettement ce que sa dfinition voudradire.

    111. En dernier lieu, cette certainesphre & cette certaine routine neferont que des expressions vagues, quibienvalues ne signifieront que lecours ordinaire de la Nature. C'est--dire, qu'on a devant l'esprit une airlure gnrale qu'on ne veut pas re-connotre, & qu'on se fait un pointd'honneur de ne pas apeller par sonnom.

    On en vient donc ncessairementau sistme des loix gnrales. Voyonss'il nous conduira mieux la dfinitiondu miracle.

  • Si toute la Nature est gouverne pardes volonts gnrales ; ce qui se pr-sente d'abord l'esprit, est de direqu'un miracle est une exception a ces loixgnrales. Mais une telle dfinition aencore ses dfauts : car, s'il y a desloix gnrales subordonnes les unesaux autres, ce qui fera une exception l'une, pourra n'tre qu'une fuite del'autre. On en peut donner pourexemples divers mouvemens libresde notre corps, qui font autant d'ex-ceptions aux loix gnrales du mou-vement, & qui ne font nanmoinsque des fuites de celle de l'union del'ame &: du corps. TelUir? cftecpourra tre contraire toutes les loixque nous connoissons, & ne feraencore qu'une fuite d'une loi sup-rieure que nous ne connoissons pas.Cela supos, comment dfinir le mi-racle? Dirons-noas que c'est un effetcontraire une loi gnrale, ou 4

  • toutes les loix en gnral, ou cellesque nous connoissons pour loix de laNature?

    Le premier ne se peut pas dire: carce qui est contraire une loi naturelle,peut tre une fuite d'une autre, &tre consquemment naturel, puif-qu'il y a des loix naturelles subordon-nes les unes aux autres. Quant auscond &autroisime, il y aune re-marque faire.

    Il est bien sr que l'ide du miracleemporte une drogation aux loix g-nrales qui font connues : car c'est

    , prcisment la drogation ou ropos-tion C-! icx, qui fait crier,Miracle.A plus forte raison un effet indpen-dant de toute loi gnrale, &qui n'estune fuite d'aucune rgie, est-il relle-ment un miracle. Il est mme, si on peutle dire, plus miracle que tout autre.

    Laissons donc les choses commeelles font; & nous en tenant au sis-

  • tme des loix gnrales, qui seul estvrai, distinguons deux fortes de mi-racles: des miracles qui font des es-fets indpendans de toute loi gn-rale ; nous les nommerons, miraclesabsolus: des miracles qui font des ef-fets indpendans de ces loixgnrales,que nous reconnoissons pour loix dela Nature; nous les apellerons, des mi..racles relatifs.

    Il ne s'est peut-tre jamais fait demiracle absolu ; & il ne s'en fera peut-tre jamais. L'Auteur de la Naturen'agit point par des volonts particu-lires, s'il ne trouve plus de gloire le faire, qu' suivre le cours ma-jestueux de les loix gnrales; ce quin'est peut-tre jamais arriv depuisl'existence de ces loix

    ,& n'arrivera

    peut-tre jamais. Mais quand celaarriveroit tous les jours, nous nepourrions pas le savoir ; & il est im-possible que nous discernions un mir

  • racle absolu, d'un miracle relatif ,puisque nous n'avons point une con-noissance complette des loix gnralesqui existent

    ,

    & des effets qui peu-vent s'ensuivre.

    ,Toute notre science,

    sur les mira-cles, est donc ncessairement borneaux miracles relatifs. Ainsi il ne s'a-gira que d'eux dans ce que nous di-rons dans la fuite.

    ARTICLEII.Du DiscernementdesMiracles,

    Q UOIQU'ON n'ait pas toujoursanalys, commeon le faitpr-

    lentement, les loix gnrales de la Na-ture, & qu'on ne s'avist pas mmeanciennement de souponner qu'il yet de ces loix; on a de tout tems tau fait de l'allure naturelle du Monde;

  • & en un sens on a toujours connutoutes ces loix gnrales que les Sca*vans reconnoissent aujourd'hui pourloix de la Nature. Sans en avoir unescience dvelope, on toit tout aci,coutum au cours naturel de chaquechose; & on s'apercevoit, aussi bienqu'- prsent, d'une exception faiteaux loix du mouvement, ou d'unchangement arriv l'union de l'ame& du corps. En un mot, on connut detout tems, d'une connoissance prati-que, ce qu'on connot maintenant deloix dans la Nature. Il ne s'en dcou-vre pas de nouvelles; & de touttems on en a su, comme par infu-sion & par instinct, ni plus, ni moinsque de nos jours.

    Le cours de la Nature est si unifor-me, elle marche avec une immutabi-lit si majestueuse & si gale, qu'ony est accoutum sans le savoir, &qu'on en sft imbu lans qu'on y pense.

  • Un paysan ne s'imagine pas favOvles loix du choc: il n'en souponnepas l'existence ; & il n'a garde cons-quemment de rflchir sur la connois-sance qu'il en peut avoir. Mais,s'ilva jouer la boule, il prvoit ce quirsultera de telle collision, & de telleautre. C'est qu'il est fait cela, dira-t'on. Oui: mais il y est fait naturel-lement. Car, si

    ,avant que de con-

    notre ce jeu, il avoit vu une bouleen mouvement choquer directement&avec vivacit une pareille boule enrepos, sans la mouvoir, ou mme reve-nir en arrire

    ,

    sans pouvoir dplacerl'autre; il auroit aper incontinentl'irrgularit d'un tel effet, & il seferoit dit lui-mme: Cela n'est pasnaturel. Cet homme n'a de notiondistincte, ni de loignrale delaNatu-re, ni de loi de percuffLOn.) ni de rgledu choc: mais il en a une connoissance -d'usage. Un mchanicien s'explique-

  • roit mieux, ayant mieux analyssesides; au lieu que le paysan n'a riendvelop, rien discut

    ,ni rien tir

    au clair: mais il sait implicitement-peu-prs les mmes choses; & ilest, sa guise

    ,au faitdu stile & des

    manires de la Nature.Or, de tous les tems, tous les

    hommes font ainsi au fait de la Na-ture. Le cours naturel leur est fami-lier; & il y et toujours, sur cet ar-ticle, une parfaite ressemblance en-tre tous les hommes. Cette ressem-blance vient de deux causes, qu'il estncessaire de bien remarquer.

    1. La Nature tant gouverne pardes loix gnrales, constantes, uni-formes, universelles; tous les hommesde tous les pays, de toutes les na-tions

    ,

    de tous les sicles, ont tous vala mme chose. Ils n'ont tous vuque la mme routine, la mme con-duite de la Nature, la mme allure

    ,

  • & le mme stile. De forte que latradition n'a jamais pu varier lr cepoint, & qu'on n'a jamais pu se trans-mettre que les mmes mmoires, lesuns aux autres.

    11. Outre que ces loix gnrales,parleuruniversalit, leur uniformit& le reste, ont toujours & partoutprsentla mme Nature, & le mmespectacle; ce qui a donn ncessaire-ment, sur les voies naturelles, lesmmes prjugs tous les hommes:le nombre de ces loix qui n'augmenteni ne diminue, (car il ne se dcou-*vre point de nouvelles loix naturelles,& il ne disparot aucune des pr-mires loix connues) *, ce nombre,dis- je, par sa constance & son im-mutabilit, est une sconde cause dela ressemblance qu'on observeici danstout le Monde. Non feulement lefils n'entend pas dire au pre que lesloix primitives aient vari: mais il ne

  • voit mme, ni survenir de nouvellesloix avec le tems, ni disparotre au-cune de celles qui furent d'abord. Ilest donc ncessaire qu'un homme d'au-jourd'hui pense, sur la Nature, commeles anciens; l'Europen comme l'A-mricain, comme l'Africain & com-me l'Asiatique. Je parle de cette ma-nire de penser qui est comme ma-chinale & inne, qui est une connois-sance comme d'instinct; en un mot,de cette manire de penser qui setrouve dans ceux qui ne pensentpoint, & qui est par consquent uneleon naturlle, un prjug commun toute l'humanit y un prjug quifait un monument de la constancede Dieu dans ses voies

    ,

    & qui nousprouve plus efficacement que tous lesraisonnemens du monde

    ,que les

    loix naturelles, qui rgnent aujour-d'hui, ont toujours t ainsi connues,& ne cesseront pas de l'tre.

  • C'est- -

    dire, que de toutes les loixpar lesquelles Dieu, au commence-ment, rsolut de gouverner le Monde,il se fit d'abord un partage: toutes cel-les qui devoienttre connues pour loixnaturelles chez les hommes, furent,pour ainsi dire, spares de celles qui

    -

    ne devoient pas l'tre ; & on vit ds-lors, de celles

    -

    l, tout ce qu'on endevoit jamais voir; tandis que celles-ci furent caches, autant qu'elles de-voient jamais l'tre.

    Or, de cette galit de connoissan-ce, ou, si vous voulez, d'ignorance,qui se trouve entre nos pres & nous,il suit bien manisestement que ce quitoit un miracle pour eux, l'est auaiparraport nous, & rciproquement.Ce qui est tout--fait conforme autmoignage, & de l'Ecriture fainte, E-Z

    de l'Histoire profane, o nous voyonsles gens prendre pour miracle, ce quenous croyons aujourd'hui miraculeux,

  • & o nous voyons qu' cet gard, lafuite des hommes, depuis la crationjusqu'a nous, ne nous reprsente qu'unseul homme, qui auroit vcu six milleans.

    Revenons maintenant notre sujet.Que nous diroit donc un tel hommesur le discernement des miracles ? Ilnous feroit faire, je m'imagine, l'ob-servation suivante.

    Si nous avions les sens assez subtils, Seassez tendus en mme tems, pour dis-cerner, en toute occasion ,si un effetseroit dpendant des loix naturelles,ou s'il ne le feroit pas; nous dscerne-rions, sur le champ, s'il feroit mi-racle,ounon. Carcequiestunesuitede ces loix gnrales, que nous recon-noissons pour loix de la Nature, est uneffet purement naturel; ce qui n'estpas une fuite de ces loix, est un mi-racle. Voil le principe, en cette ma-tire.

  • Mais, cause des bornes de nosfacults, & cause de notre igno-rance sur une infinit de choses, ilsepeut faire, vingt fois le jour, des mi-racles nos yeux, sans que nous nousen apercevions. Il peut s'enfaire, dontnous doutions. Enfin 3 il peut aussis'en faire, que nous reconnoiffions d'a-bord. C'est -

    -

    dire, que certains mi-racles ont une aparence vidente; d'au-tres, une aparenceambigu; & d'au-tres enfin, une aparence nulle, ou, sil'on veut, nulle aparence.

    Or, c'est par la feule aparence quenous pouvons discerner les miracles.Donc, I. il y en a auxquels person-ne ne pense: ce font tous ceux dontl'aparence est nulle. On ne peut pasdiscerner ceux-l: c'est autant deperdu pour nous.

    Je ne doute pas qu'il n'arrive vri-blement plus de miracles qu'on n'enremarque. La subordination des loix,

  • par lesquelles le Monde se gouverne,peut bien faire qu'une loi gnrale en-jambe quelquefois sur une autre, 8cque surtout celles dont les esprits d..;terminent, comme causes occasion-nelles, les aplications & les fuites, en-rament souvent la continuit du m-chanisme du Monde & des corps.Ajotez cela l'intervention de l'or-dre surnaturel, ou de l'ordre de la Gr-ce, dans lequel les desseins de Notre.Seigneur, les intrts du Christianis-me, tant de prires publiques & par-ticulires pour la conservation desEtats, pour les biens temporels, pourles Princes, &c., peuvent occasion-ner mille drogations aux loix gnra-les de la Nature, qu'il est impossiblede reconnotre, & dont on ne peutrien dire. On ne se lasse point d'attri-buer la fortune certaines victoires

    ,

    certaines prosprts; mais il faudroitpeut- tre les attribuer quelqu'une

  • des causes dont on parle; surtout, s'ils'agissoit d'une vitoire dcisive pourla Religion, ou pour un Etat. Il enest tout de mme de certaines guri-sons, certains dangers, certaines cala-mits publiques, o la main de Dieuagit souvent

    ,

    tandis qu'on n'y voitque celle de l'homme.

    z9,11 y a d'autres miracles desquelson doute: car leur aparence est am^bigu, cause de notre position

    ,qui

    nous drobe la connoissancecomplettedes loix gnrales de la Nature, & parconsquent du dtail de l'excution detoutes ces loix. On ne peut encoredcider sur ceux- l ; & il faut lesngliger

    ,comme les autres.

    3. Mais il y a des miraclesvidents,qu'on voit tre contraires manifeste-ment ces loix gnrales qu'on recon-not pour loix de la Nature; telle estla rsurrection d'un mort, la multipli-cation des pains par Notre Seigneur

  • dans le dsert, & cent mille autres.Il faut bien remarquer ceux-l. Cefont les seuls qui puissent servir.

    ARTICLEIII.De l'Efficace des Miracles.1 L est clair que, pour les miracles

    dont l'aparence est nulle, leur effi-cace est aussi nulle; & qu'il les fautregarder comme non avenus.

    Ceux dont l'aparence est ambigu,font videmment dans le mme cas:car il est clair qu'un miracle ambigun'est bon qu' augmenter la contesta-tion; & s'il n'est bon qu' l'augmen-ter, il ne vaut rien pour la faire finir.) Il ne peut donc y avoir de forceque dans les miracles videns: ce fontlesseuls qui prouvent. Mais cela n'estpas encore fais difficult: car la Rai-

  • son ne nous assurepas qu'il ne se puiflffaire des miracles vidents, pour sou-tenir une mauvaise cause;& l'Histoiredit qu'il s'en est fait.

    Il se peut bien faire que des d-mons aient t autrefois tablis causesoccasionnelles, pour dterminer l'effi-cace de quelques volonts gnrales,selon une certaine sphre; & que, decet tablissement, ils conservent enco-re quelque chose. S'ils ont quelquepuis-sance naturelle., ce n'est qu'en ce fens-l; & ils en ont quelqu'une aparem-ment. Ainsi il n'est pas impossible queces esprits mal-intentionns occasion-nent encore certains effets, qui ferontdes miracles.

    L'Histoire, tant sacreque profane,nous raporte qu'ils l'ont fait. Les ma-giciens de Pharaon, la Pythonisse, lesEnergumnes, qui toient en si grandnombre; Simon le magicien,Apollo-nius de Thyane, & autres semblables;

  • les Ante- Christs qui font dja venus,ceux qui viendront encore, &c. tousces instrumens de l'enfer font clbrs;& leurs uvres ont toujours tourmentles imaginations de nos Doctes. Ceux-ci traitent ces uvres,deprestiges, devaines aparences

    ,de prodiges

    >&,

    quand ils leur ont donn ces noms,ils croient avoir tout fait.

    Mais, comme ils ne nous donnentaucune rgle pour le discernement desprestiges, & comme ils ne peuventpartant distinguer levritable miracle,de l'aparent; il leur est inutile d'all-guer que ces prodiges quelconques nefont que de simples aparences, devaines aparences de miracles, &queles dmons ne peuvent oprer que detelles aparences. C'est parler purementen l'air, & fupofer grossirement toutce qui est en question. D'ailleurs, cesaparences tant relles, ces ralitssont des phnomnes qu'il s'agit d'ex-

  • pliquer, & qui ne font pas moins desexceptions aux loix naturelles, que leseffets qu'on nie. On ne gagne doncrien au change.

    Je ne vois donc pas d'autre parti prendre que d'avouer, avec simplicit,qu'il se peut faire de vritables mira-cles pour soutenir une mauvaise cau-se: mais, en ce cas-l, quelle feradformais l'efficace des miracles? Queprouvent, par exemple, les miraclespour la Religion Chrtienne?

    La Religion se peut considrer, oudans son tablissement, ou dans saconservation. Dans le premier cas,les miracles ont prouv la Religion,non pas prcismentparce qu'ils toientmiracles; mais par leur supriorit surceux qui se faisoient contr'elle. Ilfalloit alors confondre les efforts desdmons, par des uvres suprieures,qui emportaffent le consentement despeuples, & ne leur iaijptjfmt aucundoute.

  • doute. Cela toit de la Providence:aussi lisons

    -nous que cela s'est fait,

    & se fait encore journellement dansles pays o il est question d'tablirla Religion Chrtienne.

    C'est- -

    dire, que quand il s'agitde l'tablissement de la Religion, unmiraclevident quelconque,qu'un mi-racle suprieur ne dment pas, estefficace: car il feroit de la Providen-ce d'en produire un suprieur, vu ladisposition qu'ont les hommes serendre cette forte de preuve.

    Mais, quand il ne s'agit plus quede laconservation du dpt de la Foi,l'efficace des miracles est nulle. Nousavons une rgie infaillible de notrecrance, une rgie sensible pour dis-tinguer ce qui est catholique de cequi ne l'est pas. C'est l'autorit de l'fi-glife. Si un miracle tend tablirce qu'elle ne nous dit pas, son efficaceest nulle. Si ion but est conforme

  • ce qu'elle nous dit, son efficace cftpareillement nulle, en genre de preu-ve : quant l'dification, elle estrelle; car il a toujours un bon effetsur les ames, qu'il porte Dieu deplus en plus.

    En deux mots, les miracles prou-vent la Religion, quand il s'agit del'tablir, par leur supriorit sur ceuxqui se peuvent faire contr'elle. Quandla Religion est tablie, les miraclesn'ont plus d'efficace. ni pour, ni contre.

    Ainsi donc, quand mme aujour-d'hui dans l'Eglise Catholique il s'op-reroit un miracle vident, tendantprouver contre un dogme, ce ne se-roit plus par un miracle contraire queDieu constateroit sa nullit. Il a prisd'autres mesures. Il a une voie beau-coup plus simple, qu'il a prfre toute autre, pour le gouvernementde son peuple, pour la conservationdu dpt de la Foi, pour vuider tous

  • les diffrends, & terminer toutes lesdisputes. C'est l'autorit infailliblete toujours sensiblede l'Eglise.

    Or il est infiniment plus iimple,oCparconsquent plus digne de Dieu,d'avoir tabli cette autorit, qui estUNE VOIE GNRALE

    Vpour

    faire justice des opinions erones, simaintenir la saine doctrine, qu'il n'ett de venir tout moment, pardes volonts particulires, s'oposeraux oeuvres des dmons ; ou, que d'-ter ces dmons leur puissance natu-relle toutes les fois qu'ils eussent d-sir l'employer contre l'Eglise.

    Il est plus simple, sans contredit,& plus digne d'une cause gnrale

    ,d'tablir, par exemple, un Tribunalconfiant & permanent

    ,pour faire

    justice des mauvaises actions,

    Fi- pourmaintenir lebon ordre, qued'ter ,chaque occasion, l'ulage de la puis-sance naturelle chaqueparticulier

  • qui va commettre un crime. Et demme que nous voyons que Dieu arellement prfr cette voie pourremdier au mauvais usage dela puis-sance donne aux hommes, & qu'illeur laiffi pour de bonnes raisons ; demme devons-nous aussi penser qu'ila pris des mesures pareilles, pourobvier aux inconvniens qui naissentdu pouvoir des dmons; pouvoir qu'illeur donna autrefois pour une bonnefin ,& qu'il veut encore leur laisser, parcequ'il sait en tirer sa gloire.

    En rflchissant sur l'Histoire.) on

    voit que les esprits rprouvs ont tautrefoiscauses occasionnelles de plusde choses qu'ils ne le font de nosjours; & de mme que l'on peut bienpenser que l'ame de l'homme a perduun grand empire sur son corps, n'-tant plus cause occasionnelle que dequelques mouvemens qu'on nommelibres, aprs l'avoir t de bien d'au"

  • trs; de mme est-il croyable queles dmons ont t destitus, depuisla

    - venue de Notre-Seigneur, de laqualit de causes occasionnelles, l'gard d'un grand nombre d'effetsqu'ils ne font plus les matres deproduire, l'ordre de la Grace leurayant caus une perte quivalente,ou analogue, celle que lepch acause l'ame du premier homme;& c'est dans cette perte mme queconsiste cet enchanement du Prince duMondet par la venue deJESUSChrist, dont parlent les LivresSaints.

    Il suit de ce qu'on vient d'exposertouchant l'efficace des miracles

    ,qu'il n'est pas si essentiel qu'on se l'i-magine ordinairement de dmontrerque les scnes scandaleuses que don-nent quelquefois les fanatiques, sontdes effets purement naturels. Il vau-dront mieux faire voir que tout leur

  • travail, qu'il soit miraculeux ou non;ell inutile, & ne prouve rien du tout.On rendroit plus simple ladfensedela Religion Catholique. Ces gens sedgoteroient pltt d'une rprsen-tation qui les tue; & on pargneroitdes soins & de l'argent ceux quipayent, fous main, ces vils acteurs.

    Quant aux miracles qui tendent prouver quelque fait particulier,comme la saintet

    ,

    l'innocence, &c.de quelque personne; il faut com-parer ce qu'ils veulent prouver, avecla doctrine de l'Eglise S'il s'y trou-ve la moindre opofition

    ,

    ils ne prou-vent rien. C'est

    -

    -

    dire, qu'onpeut savoir quelquefois quand ilsne prouvent pas: mais on ne peutsavoir de mme quand ils prouvent.Il faut laisser parler l'Eglise.

  • CONCLUSION.~E N donnant une notion dis-

    tincte de la nature, du dis-cernement, 8( de l'efficace desmiracles, sans doute nous avonsclairci, comme nous nous r.tions propos, le sistme de l'im-puissance des causes secondes ; &nous avons-montr, par des rai-sons directes, qu'il est entire-ment conforme la doctrine del'Eglise. Mais nous avons aussiindireaement & insensiblementrfut les dclamations des In-crdules contre les miracles m-mes. Ils en font de plusieurs es-pces. Tantt ils combattent lavrit & l'existence des miracles;tantt, la possibilit; tantt, l'u-tilit & l'efficacit. J. J. Rouf-

  • seau prtend que des miracles se-roient indignes de Dieu;parceque Dieu, dit-il, par tant d'ef-fets d'autant de volonts parti-culires, dshonoreroit sa con-duite, en drogeant la gn-ralit & la majest de ses voies.La marche immuable & unifor-me de la Nature est infinimentplus divine que des miracles.Le Vulgairey ajote-t'il, croit l'Evangile, causedesmiracles;& moi, jy croismalgr eux.Mais tout ce langage est sans fon-dement, dans lafupofition de nosprincipes;c'est

    -

    -

    dire, si l'ontient que les loix gnrales fontsubordonnes entr'elles, & qu'uneexception telle loi est une fuitede telle autre. Car alors Dieu

  • tonferve toujours son caractrede cause gnrale, & ne cessepoint, en faisant des miracles,d'tre uniforme & confiant dansses voies. Il n'y a donc riendans la production des miraclesqui foit indigne de Dieu. Les mi-racles sontpossibles, puisqu'il nerpu gne nullement qu'il arriveune exception une loi gnra-le, ou plusieurs loix, ou mme toutes. Il y aeu des miracles,puifqu'il y a eu de pareilles excep-tions

    ,en trs- grand nombre. Ils

    ont d'ailleurs une utilit, & uneefficacitmanifeste. JO. Ils fontvoir que les loix, que nous apellonsnaturelles, font des loixpositives,& nullement ncessaires, & quela Nature a un Matre. 2. Ils font

  • voir qu'il y a un ordre de cho-ses, diffrent de l'ordre naturel;ou

    ,que ce que nous apellons

    la Naturen'est pas le seul tablis-sement qui existe; qu'il y en aquelque autre, ou dj fait, ouauquel on travaille encore. 3. Ilsfont voir la vrit de la ReligionChrtienne, qui nous prometuneautre vie, & la jouissance d'unautre Monde; lequel est prcis-ment cet autre ouvrage, cet autretablissement divin *, qui occupeactuellement le Sauveur des hom-mes, & pour lequel il a tout pou-

  • APPROBATIONDUCENSEURROYAL.J 'A 1 lu, par ordre de Monseigneur

    le Chancelier, un Manuscrit quia pour litre, Dissertation sur les Mira-cles, par Mr. de Keranflech, & n'yai rien remarqu qui puisse en emp-cher l'Impression. A Paris, le18Avril1771. SiC,,'.:AUBRy CurdeS. Louis

    l'Isle.