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NOVEMBRE 4/2017 DISPONIBILITÉ DES TERRAINS | ANALYSE DE LA VILLE | CONGRÈS | RÉAFFECTATION | ZOOM SUR LE RÔTILLON

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NOVEMBRE 4/2017

DISPONIBILITÉ DES TERRAINS | ANALYSE DE LA VILLE | CONGRÈS | RÉAFFECTATION | ZOOM SUR LE RÔTILLON

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VLP-ASPAN | Novembre 4/20172

ÉDITORIAL

Les latins à l’affiche

Cela m’a toujours fâchée de constater que des associations s’intitulaient «suisses»

alors que leur site internet n’était qu’en allemand, que leurs membres n’étaient issus

que de la Suisse alémanique et qu’ils n’avaient parfois même pas un nom officiel en

français. Bien évidemment, c’est une réaction qui émane d’une représentante d’une

des minorités linguistiques de la Suisse. Que pourraient dire à ce sujet les Tessinois ou

encore les Rhéto-Romans!

Il en va heureusement bien différemment de notre association. Nous tentons

de nous tenir informés et de vous informer, en allemand, en français et – dans une

moindre mesure – en italien sur ce qui se passe en aménagement du territoire dans

toute la Suisse.

C’est une de nos forces, c’est aussi un de nos défis.

Mais cette volonté de prendre réellement en compte les différentes

régions de la Suisse n’est-elle pas aussi un gage de qualité? Je hasarde

ici le parallèle avec l’urbanisation. La prise en compte de la diversité et

de la mixité est une qualité dans l’urbanisme, même si elle constitue

un défi, entre autres financier. C’est du moins un des éléments qui est

ressorti du congrès annuel de notre association en septembre dernier,

dont le résumé vous est offert en page 18.

Ce dialogue exigeant, mais nécessaire, entre régions linguistiques nous arme pour

la discussion complexe, certes, et controversée, mais indispensable pour une densité

et une urbanisation de qualité. Comme le dit Olivier Français dans son interview en

lien avec le quartier du Rôtillon à Lausanne (p. 34), «l’acte de construire doit être un

dialogue entre les uns et les autres».

Par un hasard dû au calendrier du Tribunal fédéral, nous relatons également dans

cet INFORUM deux arrêts issus de deux régions latines de notre pays. Les juges de

Lausanne ont en effet jugé insuffisantes les mesures de lutte contre la thésaurisation

adoptées par le parlement fribourgeois (p. 4) et excessif le seuil à partir duquel une

taxe sur la plus-value peut être prélevée dans le canton du Tessin (p. 8).

S’y ajoute encore celui sur le développement du centre de Bellinzone (p. 10). Avec

notre aide, la ville réalise qu’elle a désormais les moyens d’aller au-delà de son rôle

traditionnel qui consistait à réglementer un développement essentiellement déterminé

par le secteur privé pour devenir elle-même un acteur moteur du développement de

la cité.

Bonne lecture à vous, que vous soyez rhéto-roman-e, tessinois-e, romand-e ou

alémanique.

Christa Perregaux DuPasquier, vice-directrice VLP-ASPAN

ImpressumINFORUM VLP-ASPAN Périodique pour les membres de l‘Association suisse pour l‘aménagement national VLP-ASPAN. Paraît en français et en allemand quatre fois par an.

ÉditriceVLP-ASPANSulgenrain 20CH-3007 Berne

Rédaction Lukas Bühlmann, Annemarie Straumann

Traduction Elisabeth Darbellay, Mario Giacchetta, Virginie Linder, Anne Huber

Photo de couvertureRôtillon, Lausanne (Photo: Alain Beuret)

Traitement d'imageFelix Wyss

Cartoon Jonas Brühwiler

Mise en page Ludwig Zeller

Impression galledia ag, 9442 Berneck

La reproduction des textes et des illustrations est autorisée moyennant indication de la source.

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VLP-ASPAN | Novembre 4/2017 3

SOMMAIRE

Dans ces pages

DISPONIBILITÉ DES TERRAINS ...................... 4Les mesures prévues par la loi fribourgeoise pour lutter

contre la thésaurisation du sol sont insuffisantes.

COMPENSATION DE LA PLUS-VALUE ............ 8Le Tribunal fédéral a annulé la disposition tessinoise

qui ne soumettait à compensation que les plus-values

excédant Fr. 100’000.

VOUS DEMANDEZ – NOUS RÉPONDONS ....... 9Antennes de téléphonie mobile et de radiocommunica-

tion pour radioamateur: mêmes règles?

ANALYSE DE LA VILLE ................................. 10Les experts du Réseau vieille ville ont soumis

Bellinzone à une analyse qui met en évidence les

potentiels de son centre historique.

AGENDA ...................................................... 17

RÉTROSPECTIVE CONGRÈS VLP-ASPAN ...... 18Des exigences élevées en matière de qualité font-elles

obstacle à la rentabilité des projets de densification?

RÉAFFECTATION .......................................... 24Transformer des surfaces commerciales et de bureaux

en logements pour baisser les taux de vacance et

augmenter les rendements?

ZOOM SUR .................................................. 28Le quartier lausannois du Rôtillon était vétuste.

Aujourd’hui, il a retrouvé des couleurs.

LA PAROLE À ............................................... 34L'actuel conseiller aux États, Olivier Français, avait voté

contre le plan de quartier du Rôtillon. Il a dû ensuite le

mettre en œuvre en tant que municipal.

CARTOON ................................................... 40Réaffectation de bureaux en logements

TERRITOIRE & ENVIRONNEMENT NOVEMBRE 4/2017

Détermination de l’espace réservé aux eaux

Le droit fédéral impose aux cantons

de délimiter l’espace réservé aux eaux

superficielles jusqu’à fin 2018. Bien

que cette tâche leur incombe depuis

de longues années déjà, son exécution

se révèle souvent

source de difficultés.

Le présent Territoire &

Environnement expose les

tenants et aboutissants de

la réglementation fédérale

relative à l’espace réservé

aux eaux et décrit la marge de manœuvre

dont disposent les cantons et les communes

pour la mettre en œuvre en droit et en

pratique.

Détermination de l’espace réservé aux eaux

NOVEMBRE 4/2017

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VLP-ASPAN | Novembre 4/20174

DISPONIBILITÉ DES TERRAINS

Tribunal fédéral: le canton de Fribourg peut mieux faire

Christa Perregaux DuPasquiervice-directrice VLP-ASPAN

Le canton de Fribourg doit revoir sa loi sur l’aménagement du territoire et les constructions. Les mesures qu’il a prévues pour lutter contre la thésaurisa-tion des terrains à bâtir ont été jugées insuffisantes par le Tribunal fédéral. Les juges fédéraux ont donné raison à la commune de Villars-sur-Glâne et à des particuliers qui recouraient contre une disposition de la loi. La Haute Cour a estimé que des mesures efficaces pour garantir la construction effec-tive en zone à bâtir ne devaient pas être introduites dans les lois cantonales uniquement, mais qu’elles devaient aussi être prévues au niveau du plan di-recteur cantonal.

Selon le droit fédéral, l’obligation de construire s’applique à toutes les zones à bâtir et non pas uniquement aux zones d’activités comme le prévoyait le canton de Fribourg. En image: zone industrielle non construite à Glovelier JU. Photo: Alain Beuret, VLP-ASPAN

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VLP-ASPAN | Novembre 4/2017 5

DISPONIBILITÉ DES TERRAINS

Tribunal fédéral: le canton de Fribourg peut mieux faire

Christa Perregaux DuPasquiervice-directrice VLP-ASPAN

À l’euphorie du 3 mars 2013 succéda la gueule de

bois. L’issue réjouissante de la votation sur la révision

partielle de la LAT laissait penser qu’une prise de

conscience collective avait eu lieu. Or, cet engouement a

été freiné par la difficulté de densifier et donc d’arrêter de

construire comme on l’avait fait par le passé. Le réflexe

«not in my backyard» a pris le dessus sur le principe

plébiscité de développement vers l’intérieur. Ce réflexe

et la frilosité de certains législatifs se sont heurtés à la

rigueur du Tribunal fédéral. Tout dernièrement, c’est le

canton de Fribourg qui a pu le constater.

«Arrêter de regarder dans le rétroviseur»

Suite à l’entrée en vigueur de la révision partielle de

la LAT, les cantons doivent adapter leur loi cantonale

sur l’aménagement du territoire et les constructions. Ils

doivent principalement introduire des mesures pour

mobiliser les terrains, c’est-à-dire faire en sorte que les

zones à bâtir soient réellement construites, et adopter

des dispositions pour compenser la plus-value (voir

encadré «Ce qu’exige la loi fédérale LAT»).

Le canton de Fribourg s’y est aussi attelé. Après

s’être inspiré d’autres cantons et avoir adapté les me-

sures aux besoins et intérêts du canton et de ses com-

munes, le Conseil d'État a soumis son projet de loi au

parlement. Lors des délibérations au Grand Conseil, le

projet de loi de l’exécutif a été passablement remanié,

enlevant aux communes le moyen de rendre leurs ter-

rains disponibles et de lutter contre la thésaurisation.

Sentant le vent tourner en leur défaveur, les communes

se sont – tardivement – mobilisées pour tenter de

convaincre le Grand Conseil du bien-fondé du projet de

loi de l’exécutif. C’est ainsi que Nadia Savary, présidente

de l’association des communes fribourgeoises, a enjoint

les députés d’«arrêter de regarder dans le rétroviseur»

et de doter les communes des moyens nécessaires pour

pouvoir maîtriser leur développement.

Faisant fi des besoins des communes et des exi-

gences de la loi fédérale, le Grand Conseil a finalement

adopté la mesure de l’art. 46 LATeC (voir encadré «L’ar-

ticle de loi incriminé»). Celle-ci donne au Conseil d’État

la possibilité d’user d’un droit d’emption après un délai

de 10 ans sur des zones d’activités qui auront été délimi-

tées auparavant dans le cadre du plan directeur canto-

nal. Déçus par le projet finalement adopté, la commune

de Villars-sur-Glâne et des particuliers ont recouru

avec succès contre cette disposition auprès du Tribunal

fédéral.

Ce qu’exige la loi fédérale (LAT)

Art. 15a Disponibilité des terrains constructibles1 Les cantons prennent en collaboration avec les communes les

mesures nécessaires pour que les zones à bâtir soient utilisées

conformément à leur affectation, notamment en ordonnant des

mesures d'amélioration foncières telles que le remembrement de

terrains (art. 20).2 Le droit cantonal prévoit que, si l'intérêt public le justifie, l'autorité

compétente peut imposer un délai à la construction et, en cas

d'inexécution, ordonner les mesures prévues par le droit cantonal.

L’article de loi incriminé (art. 46 LATeC/FR)

Art. 46 Gestion des zones à bâtir et spéciales

a) Principes et droit d'emption légal1 Toute mise en zone à bâtir doit être conforme aux orientations

retenues dans la planification directrice cantonale, supracommunale

et communale.2 Si les terrains affectés à des zones d'activités d'importance cantonale

reconnues par le plan directeur cantonal ne sont pas construits et

utilisés conformément à leur affectation dans les dix ans suivant la

date d'entrée en force de la décision d'approbation, l'État dispose

d'un droit d'emption légal à la valeur vénale sur toute la surface

concernée ou une partie de celle-ci, à l'exception des surfaces de

réserve à la disposition d'entreprises en exploitation. Lorsque l'État

souhaite faire usage de son droit, il rend une décision qui doit être

fondée sur un intérêt public prépondérant.3 Si les terrains ne sont pas construits à l'échéance du délai de quinze

ans dès l'entrée en vigueur de la décision d'approbation de leur

classement, la commune réexamine l'opportunité de leur maintien en

zone.

Selon le droit fédéral, l’obligation de construire s’applique à l’ensemble de la zone à bâtir.

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6 VLP-ASPAN | Novembre 4/2017

DISPONIBILITÉ DES TERRAINS

Une mesure insuffisante

Vu l’importance du cas, le Tribunal fédéral a décidé de

rendre ses délibérations publiques. C’est ainsi qu’une

quarantaine de personnes étaient présentes dans la

salle du Tribunal fédéral, à Lausanne, le 5 juillet 2017.

Les cinq juges fédéraux ont été unanimes sur le fait

que le dispositif légal prévu par le droit fribourgeois est

insuffisant. Il ne remplit pas de manière satisfaisante

le mandat législatif donné aux cantons d’adopter des

mesures pour lutter contre la thésaurisation (art. 15a al.

2 LAT, voir encadré). Pour remplir ce mandat, il faudrait

donner à l’autorité compétente (canton ou commune) la

possibilité

� de fixer un délai de construction, quelle que soit la

zone à bâtir concernée, et

� de prendre des mesures en cas de non-respect de ce

délai.

Cette obligation de construire et ces sanctions doivent

reposer sur une base légale, répondre à un intérêt

public et respecter le principe de la proportionnalité. Le

Tribunal fédéral «constate que la disposition litigieuse

[l’art. 46 LATeC-FR] est insuffisante à plusieurs égards

pour réaliser les exigences du droit fédéral».

L’argument principal est le fait que l’article 46 al. 2

LATeC-FR limite l’obligation de construire aux zones

d’activités d’importance cantonale reconnues comme

telles par le plan directeur cantonal, alors qu’il aurait

fallu prévoir une obligation de construire applicable,

au besoin, à toutes les zones à bâtir. Selon les juges de

Mon-Repos, l’art. 46 al. 2 LATeC-FR est aussi lacunaire

dans le sens où il ne confère pas à l’autorité compétente

la faculté de fixer un délai de construction pour les zones

à bâtir existantes. En fin de compte, le Tribunal fédéral

n’annule toutefois pas l'art 46 LATeC. Il décide de ne pas

«priver l’État d’un moyen qui, pour insuffisant qu’il soit

au regard du droit fédéral, lui permettrait d’exercer un

droit d’emption dans certaines situations particulières».

En résumé: c’est déjà mieux que rien.

Conseil fédéral et Tribunal fédéral doivent jouer leur rôle

À un certain moment des délibérations entre juges s’est

posée la question du rôle que doit jouer le Conseil fédéral

lors de l’approbation des plans directeurs cantonaux et

de celui du Tribunal fédéral. Les juges auraient-ils pu

«passer la patate chaude» au Conseil fédéral et décider

qu’il était uniquement du ressort du Conseil fédéral de

juger si la mesure était correcte ou pas?

Selon l’ordonnance sur l’aménagement du territoire

OAT, le plan directeur cantonal doit en effet «donner des

mandats» permettant de «construire et de densifier de

manière efficace et en économisant le sol des zones à

bâtir existantes ou nouvellement créées» (art. 5a al. 3

let. b OAT à lire en lien avec les art. 8, 8a, 15 et 15a

LAT). Ce mandat comprend des mesures qui permettent

de lutter efficacement contre la thésaurisation. Lors de

l’approbation des plans directeurs cantonaux, le Conseil

fédéral est censé contrôler si ce mandat a été rempli ou

non.

Vu que le plan directeur cantonal ne produit aucun

effet contraignant à l’égard du particulier, le mandat

qu’il doit contenir est nécessaire, mais pas suffisant

pour remplir l’injonction de l’art. 15a al. 2 LAT. Un des

juges a opportunément cité Montesquieu: «Les juges

de la nation sont la bouche qui prononce les paroles

de la loi» pour inviter ses collègues à juger le cas et à

ne pas se contenter de remettre cette décision en main

du Conseil fédéral. Il n’en reste pas moins – et les juges

de Mon-Repos ont jugé opportun de l’écrire dans leur

arrêt – qu’en cas «d’inaction du législateur [cantonal]

ou d’insuffisance des mesures adoptées, le Conseil

fédéral pourrait […] être amené à n’approuver que sous

conditions, voire à refuser l’approbation du nouveau

plan directeur cantonal […]» avec pour conséquence un

possible prolongement du moratoire, soit une interdiction

de délimiter de nouvelles zones à bâtir. VLP-ASPAN

avait déjà soulevé ce risque dans un précédent article

(INFORUM 1/2016, p. 13).

«En cas d'inaction du législateur, le Conseil fédéral pourrait être amené à n'approuver que sous conditions, voire à refuser l'approbation du nouveau plan directeur cantonal».

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7VLP-ASPAN | Novembre 4/2017

Incidence sur d’autres cantons

Dans le public venu écouter les délibérations des

juges, il y avait des juristes d’autres cantons et de

la Confédération. Les répercussions de cet arrêt sur

d’autres législations en cours d’adoption sont, en effet,

non négligeables et la Confédération était elle aussi

concernée par ces réflexions en lien avec l’approbation

des plans directeurs cantonaux. La portée du jugement

est « non négligeable » dans le sens où les cantons en train

d’élaborer leur législation seront bien inspirés d’adopter

des mesures efficaces et crédibles applicables à toutes

les zones à bâtir et de bien réfléchir à leur système de

fixation des délais. Ils éviteront ainsi de se retrouver à

leur tour devant les juges de Mon-Repos et n’encourront

pas le risque que leur plan directeur cantonal ne soit pas

approuvé. Une mesure efficace et crédible est le droit

d’emption applicable à toutes les zones à bâtir après un

délai fixé par l’autorité communale ou cantonale.

Les législatifs cantonaux sont amenés à prendre à

cœur le mandat donné début mars 2013 par 63% des vo-

tants suisses pour un développement vers l’intérieur et

la fin d’une urbanisation dispersée.

Arrêts citésArrêt du TF 1C_222/2016 du 5 juillet 2017 (canton

de Fribourg) in RJ VLP-ASPAN nº 5346 (disposition

insuffisante pour contrer la thésaurisation).

UTILISATION MESURÉE DU SOL

Raisons de la lutte contre la thésaurisation des zones à bâtir Par terrain thésaurisé, on entend un terrain affecté à la zone à bâtir,

suffisamment équipé, mais qui n’est pas construit dans un délai

raisonnable (au maximum l’horizon de planification, soit 15 ans). Les

raisons en sont diverses: le terrain est considéré comme un placement,

il a une valeur sentimentale, il permet de préserver la vue ou de tenir

les voisins éloignés, il assure le terrain nécessaire à une éventuelle

extension d’une entreprise ou il est l’objet de divergences entre les

membres d’une hoirie qui ne s’entendent pas sur son utilisation.

Avant la révision de la LAT, la thésaurisation avait pour

conséquence que les communes affectaient de nouveaux terrains

en zones à bâtir pour répondre à la demande. Elle favorisait ainsi la

dispersion des constructions. Après la révision de la LAT, de telles

nouvelles mises en zone ne sont plus possibles. La thésaurisation

a maintenant pour conséquence que la commune ne peut plus se

développer. Sur son plan d’affectation, elle dispose de suffisamment

de zones à bâtir, mais celles-ci ne sont pas disponibles. D’où

l’exigence de l’obligation de construire et de sa sanction (art. 15a

LAT) lorsqu’il y a un intérêt public prépondérant à la construction.

La loi fédérale laisse aux cantons le choix des mesures concrètes

à adopter pour lutter contre la thésaurisation et rendre les zones à

bâtir disponibles. On peut penser à la politique foncière active, au

droit d’emption, à la mise en zone à bâtir limitée dans le temps, à

l’imposition à la valeur vénale de parcelles non construites (au lieu de

l’imposition à la valeur de rendement), à la compensation de la plus-

value, à des règlementations contractuelles ou au remembrement.

Une combinaison de ces mesures est tout à fait envisageable.

Une vue d’ensemble des mesures prises par les cantons ou

en cours d’élaboration pour lutter contre la thésaurisation et rendre

les terrains disponibles est téléchargeable sur notre site internet:

www.vlp-aspan.ch > Thèmes > Disponibilité des zones à bâtir

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VLP-ASPAN | Novembre 4/20178

Le canton du Tessin doit revoir son régime de compensation de la plus-value sur la ques-tion du montant exempté. En août dernier, le Tribunal fédéral a accueilli le recours de deux particuliers qui ont contesté le fait que la loi cantonale ne soumette à compensation que les plus-values supérieures à Fr. 100’000.

En décembre 2014, le Grand Conseil tessinois a adopté

une modification de la loi cantonale sur le développement

territorial (LST) qui introduisait un régime de

compensation des avantages et des inconvénients

résultant de mesures d’aménagement au sens de l’article

5 LAT. Deux particuliers, propriétaires de terrains

dans le canton, ont recouru contre la disposition de la

loi tessinoise (art. 93 LST) qui prévoyait que seules les

modifications entraînant une augmentation de valeur

du terrain d’au moins Fr. 100’000 étaient soumises à

compensation.

Une limite indicative de Fr. 30’000

À noter que dans le cadre de l’élaboration de la

réglementation minimale de la compensation de la

plus-value (art. 5 al. 1bis ss L AT), la première version du

Conseil des États prévoyait d’imposer aux cantons de ne

soumettre à la taxe que les plus-values de plus de 30’000

francs. En effet, les coûts de prélèvement ne doivent

pas excéder le produit escompté (art. 5 al. 1quinquies let. b

LAT). Le Tribunal fédéral a rappelé que même si cette

précision n’a finalement pas été retenue afin de laisser

aux cantons une certaine marge de manœuvre, elle n’en

donne pas moins un ordre de grandeur utile.

Un seuil contraire au droit fédéral

À l’origine, le seuil proposé par le Gouvernement

tessinois était de Fr. 50’000. C’est lors du traitement

parlementaire du projet de loi qu’il a passé à Fr. 100’000,

sans que la nécessité de ce doublement soit expliquée

autrement que comme une solution de compromis

plus facilement acceptable, notamment pour les

propriétaires. La Haute Cour parvient à la conclusion

que, dans la mesure où il fixe le seuil à Fr. 100’000,

l’article 93 LST n’est pas conforme à l’article 5 LAT, dont

l’objectif est de compenser équitablement les avantages

majeurs. Comme le reconnaît la doctrine, l’exemption

doit se limiter aux cas de peu d’importance, alors qu’un

seuil de Fr. 100’000 ne peut en aucun cas être considéré

comme tel. Les juges fédéraux soulignent que la norme

contestée ne reflète en outre ni l’esprit ni la finalité de

l’article 5 alinéa 1quinquies lettre b LAT puisque le produit

escompté est de loin supérieur aux coûts de prélèvement.

Conséquences pour d’autres cantons?

Les législations de Lucerne et de Genève ont elles aussi

établi à Fr. 100’000 le seuil de la plus-value soumise à

compensation. Quant au canton de Schwyz, il envisage

de faire de même dans son projet de loi. Ces cantons

vont devoir repenser leur réglementation.

Ce long arrêt (24 pages), rendu dans une composition

à cinq juges, pose d’autres questions sur lesquelles nous

envisageons de revenir ultérieurement. La distinction

entre montant exempté (la taxe n’est due que sur la

partie de la plus-value qui dépasse le seuil) et limite

d’exonération (une fois le seuil dépassé, la taxe est due

sur l’entier de la plus-value) est un des éléments qui

mériteraient d’être approfondis.

Arrêt cité:

Arrêt du TF 1C_132/2015 du 16 août 2017 (canton du Tessin)

in RJ VLP-ASPAN n°5372.

COMPENSATION DE LA PLUS-VALUE

Pas de compensation équitable au TessinSonia Blindjuriste VLP-ASPAN

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VLP-ASPAN | Novembre 4/2017 9

VOUS DEMANDEZ – NOUS RÉPONDONS

Les antennes de radiocommunication pour radioamateur sont-elles soumises aux mêmes règles que les antennes de téléphonie mobile?

Un couple vient d’emménager dans un quartier de villas de notre commune. Madame est radioamatrice et souhaite monter dans son jardin une antenne de 7 mètres de haut sur un tube porteur de 2 mètres de haut. En a-t-elle le droit? Les règles sur les antennes de télépho-nie mobile s’appliquent-elles dans ces cas-là? Cette personne a obtenu une concession de radioamateur de l’Office fédéral de la communication et pratique la radiocommunication pendant ses loisirs.

Compte tenu des différences entre ces deux sortes d’antennes une

égalité de traitement n’est guère justifiable. Pour la téléphonie mobile,

on utilise un rayonnement électromagnétique situé dans la bande

des micro-ondes pour transmettre des informations. Les antennes de

téléphonie mobile se distinguent en outre souvent par leur forme de

tour relativement massive.

Les radioamateurs emploient en revanche des fréquences situées

dans la bande des ondes radioélectriques pour communiquer entre

eux. La forme et la taille de leurs antennes varient considérablement.

Comme dans le cas en question, il s’agit souvent de perches très fines

en métal léger et de treillis.

Les services d’urgence et les cibistes ont eux aussi besoin d’autres

antennes que celles de la téléphonie mobile. C’est pourquoi l’ordonnance

sur la protection contre le rayonnement non ionisant (ORNI) prévoit des

valeurs limites différenciées selon le type d’antenne.

Le quartier dans lequel vit le couple se trouve dans la zone

d’habitation H2. Selon le règlement sur les constructions de votre

commune, la zone H2 est essentiellement vouée aux logements; des

activités à des fins commerciales y sont autorisées si elles ne produisent

pas plus d’émissions qu’une utilisation purement résidentielle. Cette

radioamatrice a expliqué que son hobby consiste surtout à écouter des

messages radio. Elle ne communique que sporadiquement avec d’autres

radioamateurs et totalise au maximum 200 heures de diffusion par

année. Ceci engendre des émissions plus faibles que le rayonnement

habituel d’un téléphone mobile. Par ailleurs, l’antenne n’est pas destinée

à une activité commerciale, mais récréative; elle est donc conforme à

la zone.

L’installation (tube porteur et antenne) atteint en tout 9 m de haut,

pour un diamètre de 3 à 4 cm, et ne dépasse pas la hauteur maximale de

10 m autorisée pour les bâtiments de la zone d’habitation H2. L’examen

de la jurisprudence montre que des antennes de radiocommunication

amateur sont régulièrement autorisées dans les zones d’habitation,

pour autant qu’elles ne dépassent pas démesurément l’environnement

construit et ne soient pas contraires à la protection des sites et du

paysage. Tel que vous nous le décrivez, ce quartier de villas ne présente

aucun caractère homogène et l’antenne ne se détache pas de façon

dérangeante. À notre avis, elle peut être autorisée.

Barbara Jud, juriste VLP-ASPAN

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10 VLP-ASPAN | Novembre 4/2017

Comme bien d’autres centres urbains du Tessin et du reste de la Suisse, Bellinzone subit les contrecoups des mutations structurelles qui s’opèrent dans le secteur du commerce de détail. Pour y faire face, la Municipalité a demandé aux experts du centre de compétence Réseau vieille ville de VLP-ASPAN d’effectuer une analyse de la ville. Cette analyse a mis en évi-dence les chances qui s’offrent au centre historique de Bellinzone grâce à un noyau médiéval bien conservé, aux impulsions données par le nouveau tunnel de base du Saint-Gothard et à la récente fusion de communes.

ANALYSE DE LA VILLE

Bellinzone sous la loupe du Réseau vieille ville

Fabio Giacomazziarchitecte urbaniste, expert Réseau vieille ville de VLP-ASPAN

La Piazza Collegiata marque la jonction entre le noyau médiéval et le Viale Stazione. La fermeture à la circulation a permis l’aménagement de terrasses très prisées par les résidents, les visiteurs et les touristes. Photos pp. 10-12: Paul Hasler, Réseau vieille ville

Impulsion Développer vers l’intérieur

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11VLP-ASPAN | Novembre 4/2017

Les centres commerciaux en périphérie, les nouveaux

distributeurs «discount» dans les quartiers excentrés et,

surtout, l’avènement de l’achat en ligne soustraient de

nombreux clients aux magasins spécialisés tradition-

nels du centre-ville. Certains de ceux-ci sont contraints

de fermer boutique ou de déménager à l’ombre des nou-

veaux «shopping centers». Les surfaces commerciales

du centre-ville menacent ainsi de rester vacantes ou

voient s’installer des activités moins valorisantes. Dans

les rues, les passants se raréfient, ce qui accentue les

difficultés des commerces et des établissements publics

qui subsistent.

Un centre historique attrayant

Bellinzone peut se targuer d’un centre historique at-

trayant, bien entretenu et adéquatement protégé par

un plan détaillé. Le bourg médiéval s’intègre dans un

ensemble fortifié de châteaux inscrit depuis 2010 au

patrimoine mondial de l’humanité de l’UNESCO. Ce pa-

trimoine bâti représente un bel atout touristique, y com-

pris au niveau international.

Les résidents et les touristes apportent du

mouvement et de l’animation à la ville, tout comme

la présence de l’administration cantonale, du Conseil

d’État et de plusieurs services fédéraux et paraétatiques

ainsi que celle de différents établissements cantonaux

d’enseignement secondaire. Un tel constat vaut en

particulier pour le centre historique, structuré le long

de trois axes qui confluent à la Piazza Nosetto, devant

l’hôtel de ville. Le Viale Stazione, un boulevard rectiligne

bordé de larges trottoirs arborés et en partie piétonnier,

réalisé à la fin du XIXe siècle à l’arrivée du chemin de

fer, relie le cœur médiéval à la gare CFF. Il constitue une

connexion idéale entre le centre historique et les secteurs

dynamiques de la ville. Cet axe d’environ 800 mètres

regroupe de multiples fonctions centrales, du commerce

à la restauration en passant par l’administration et la

culture.

Quelques ombres au tableau

Le centre historique de Bellinzone est toutefois relative-

ment petit et compte peu d’habitants. La topographie et

la morphologie des aires adjacentes font que la densité

de population y est très faible. Les installations ferro-

viaires rendent inaccessibles de vastes zones contiguës

au centre. Entre les installations sportives et scolaires

du secteur du stade s’étendent des aires résiduelles

sous-utilisées. La démolition de certains bâtiments du

centre dans les années 1960 a aussi laissé des brèches

peu attrayantes. Enfin, les loyers ont subi une forte

hausse ces dernières années, surtout ceux des surfaces

commerciales du rez-de-chaussée, alors que les étages

supérieurs à vocation résidentielle sont parfois vétustes,

voire abandonnés.

Une dispersion des usagers potentiels du centre historique

Si les parkings à proximité immédiate du centre his-

torique (Cervia et Piazza del Sole) sont bien situés et

correctement dimensionnés, leurs voies d’accès sont

limitées et rapidement saturées; s’y rendre depuis le

reste de l’agglomération ou les sorties d’autoroute est

souvent une gageure. Malgré une topographie plate, les

Le Viale Stazione est l’artère où bat le pouls de l’activité commerciale de Bellinzone. Le nouveau mobilier urbain favorise la fonction d’espace de rencontre.

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12 VLP-ASPAN | Novembre 4/2017

itinéraires pédestres entre les quartiers extérieurs et le

centre ne sont pas optimaux non plus.

On assiste donc à une dispersion de la clientèle

potentielle des commerces et des établissements publics.

Cette dynamique est aggravée par l’emplacement

périphérique de plusieurs services de l’administration

cantonale, par la concurrence des grands centres

commerciaux, en particulier entre Cadenazzo et

Sant’Antonino, et des chaînes «discount» qui fleurissent

dans les quartiers hors du centre et, plus généralement,

par la forte propension de la population à utiliser la

voiture.

Les chances offertes par les NLFA

Avec l’ouverture du tunnel de base du Saint-Gothard

dans le cadre des nouvelles lignes ferroviaires à travers

les Alpes (NLFA), Bellinzone s’est rapprochée du reste

de la Suisse et voit affluer de nombreux visiteurs et tou-

ristes. En 2020, l’ouverture du tunnel de base du Monte

Ceneri connectera mieux la ville au pôle économique

cantonal de Lugano. Comme le marché immobilier y est

moins tendu que dans les autres agglomérations tessi-

noises, le chef-lieu tessinois présente d’intéressantes

possibilités pour l’habitat et l’implantation de nouvelles

activités économiques, de recherche et de formation.

Le nouvel arrêt TILO (trains régionaux Tessin-

Lombardie) de Piazza Indipendenza sera mis en service

à la même période; il facilitera l’accès par les transports

publics aux quartiers situés au sud du centre historique,

siège de l’administration cantonale et d’autres services

publics importants. On peut s’attendre à ce que le flux

piétonnier s’étende au-delà du secteur compris entre le

Viale Stazione et la Piazza Nosetto, au profit de l’ensemble

des commerçants et des établissements publics et autres

services qui s’y trouvent.

Les opportunités liées à la fusion

Effective depuis ce printemps, la fusion de treize com-

munes de l’agglomération a donné naissance à une

nouvelle ville de taille moyenne de 40 000 habitants.

Cependant, ce ne sont pas seulement les dimensions de

la commune de Bellinzone qui ont changé; les rapports

entre les différentes parties de l’agglomération, deve-

nues de simples quartiers d’une ville unique, se sont vus

chamboulés. En outre, le potentiel de gestion politico-ad-

ministrative du territoire est aussi passé à une échelle

supérieure. Ce nouvel état de fait exige et permet la

mise en place d’une nouvelle politique d’aménagement

du territoire et d’urbanisme, fondée sur des scénarios

plus vastes et complets, et un meilleur pilotage des dy-

namiques spatiales et fonctionnelles de l’agglomération.

Promouvoir un développement tourné vers l’intérieur de qualité

La politique d’aménagement du territoire doit viser un

développement urbain tourné vers l’intérieur qui soit de

qualité. Il convient d’utiliser le potentiel constructible

qui existe dans les zones centrales par des interven-

tions qui en améliorent la qualité spatiale: sur le site des

ateliers CFF à proximité immédiate de la gare, dans le

secteur du stade, dans les brèches laissées par les dé-

molitions à l’intérieur du tissu bâti du centre historique.

Cette stratégie de développement inclut des mesures

censées favoriser l’usage résidentiel des étages supé-

rieurs des bâtiments du noyau historique, en promou-

vant des types de logement en cohérence avec les quali-

tés et les spécificités du tissu bâti traditionnel.

La densification du centre urbain passe par

l’amélioration de certains espaces publics proches du

noyau historique afin de rendre les itinéraires pédestres

plus linéaires, sûrs et attrayants. Les secteurs concernés

sont, par exemple, ceux situés entre le parking de la Via

Tatti et la Piazza Governo et entre le secteur de l’ancien

camp militaire et la Piazza del Sole.

Sur le plan régional, il convient de stopper

l’expansion des centres commerciaux en périphérie, dans

ANALYSE DE LA VILLE

Aux étages supérieurs de maints immeubles du centre, il subsiste un potentiel de logements présentant les caractéristiques et les qualités typiques de l’habitat en centre ancien.

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VLP-ASPAN | Novembre 4/2017 13

Le contexte du centre de Bellinzone est profondément marqué par la présence d’un système de fortifications reliant les trois châteaux. Photo: Annemarie Straumann, VLP-ASPAN

Les centres commerciaux concurrencent fortement le commerce de détail du centre-ville. Photo: Annemarie Straumann, VLP-ASPAN

Grâce au futur arrêt TILO de la Piazza Indipendenza, le parking Cervia pourra être converti en une place conviviale et accueillante. Photo: Paul Hasler

les communes de Cadenazzo, Sant’Antonino et Arbedo-

Castione. Il serait également souhaitable de limiter les

dimensions maximales des nouveaux établissements

commerciaux non spécialisés à l’extérieur du centre

urbain, afin d’éviter le départ des grandes chaînes et

le drainage de la clientèle, y compris celle des petits

magasins, vers la périphérie.

Un rôle plus actif des pouvoirs publics

La fusion du Nouveau Bellinzone – comme on l’a dit

– donne la possibilité d’envisager une nouvelle poli-

tique d’aménagement du territoire et d’urbanisme sur

des bases plus larges et solides. La Ville a désormais

les moyens d’aller au-delà de son rôle traditionnel qui

consistait à réglementer un développement essentielle-

ment déterminé par le secteur privé. Elle peut devenir

elle-même un acteur du développement de la cité.

Cela peut se concrétiser de diverses manières: par

un programme d’aménagement de qualité des espaces

publics; par la promotion de nouvelles utilisations sur

des terrains appartenant à la commune; par la mise

à disposition d’espaces communaux pour la vente

de produits régionaux, bio, ethniques, solidaires par

des organismes à but non lucratif en remplacement

des magasins traditionnels de produits de première

nécessité, lesquels ne peuvent résister à la concurrence

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14 VLP-ASPAN | Novembre 4/2017

des supermarchés; par l’apport de conseils aux

propriétaires d’immeubles dans le centre historique en

matière de qualité des interventions et d’optimisation de

la structure des loyers; par la mise en place d’une table

ronde permanente afin d’orchestrer les stratégies et les

mesures à adopter avec les commerçants, y compris les

représentants des grandes chaînes, dont la présence

dans le centre est un facteur décisif pour la vitalité de la

place commerciale de Bellinzone.

Les recommandations issues de l’analyse menée

par les experts du Réseau vieille ville, en l’occurrence

Paul Hasler et le soussigné, sont en cours d’examen par

la Municipalité du Nouveau Bellinzone. Elles pourront

être approfondies à l’étape suivante, celle de la «stratégie

de valorisation». Cette deuxième phase prévoit une

interaction plus étroite avec les initiatives de marketing

déjà mises en œuvre par la Ville en collaboration avec

l’Association des commerçants. Les deux approches

en question sont complémentaires. Une amorce de

coordination s’observe d’ailleurs déjà.

La collaboration avec le Bureau régional de

développement («Ente regionale di sviluppo del

Bellinzonese e Valli»), qui a également soutenu l’analyse

de la ville, est elle aussi décisive, étant entendu que

l’avenir du centre historique est étroitement lié à ce qui

se passe dans le contexte plus large de l’agglomération.

«Analyse de la ville» et «stratégie de valorisation»

L’«analyse de la ville» est un instrument d’évaluation standardisé

pour les bourgades et centres urbains de petite et moyenne taille

(de 5000 à 50 000 habitants environ). L’analyse est menée par des

experts du Réseau vieille ville et porte sur les thèmes de l’habitat,

du commerce, de la circulation et du contexte d’implantation

(noyau central, aire urbaine, région). L’objectif est d’offrir à l’autorité

communale une vue d’ensemble et une perspective externe à

large échelle sur l’état de la situation, les faiblesses, les risques,

les potentiels et les chances liés aux thèmes susmentionnés, sur

la base de la vaste expérience acquise par le Réseau vieille ville

au fil des conseils prodigués à ce jour à plus de 40 localités. Un

rapport compact et facile à lire résume les problèmes constatés

et énonce des recommandations et des indications pour le futur

développement de la ville.

Ce document est soumis à l’organe exécutif de la commune

et débattu avec lui. Grâce à une procédure standardisée,

l’instrument de l’analyse de la ville peut être proposé à un prix

forfaitaire avantageux de 9’800 francs. Par ce biais, VLP-ASPAN

souhaite encourager les petits et moyens centres à réfléchir à leur

positionnement stratégique.

L’objectif de l’étape suivante, c’est-à-dire la «stratégie de

valorisation», consiste à discuter, partager et affiner les résultats de

l’analyse externe obtenue avec les acteurs concernés (propriétaires

d’immeubles, commerçants, restaurateurs et population). Le

processus participatif comprend des enquêtes, des ateliers et des

réunions de travail avec un groupe d’accompagnement, l’objectif

étant de traduire les différentes idées en des mesures concrètes et

des stratégies de mise en œuvre. Le processus dure entre huit et dix

mois et son coût est d’environ 40'000 francs.

Vous trouverez plus d’informations sur les outils de travail du Réseau

vieille ville sur le site

www.vlp-aspan.ch/fr/conseil/sites-en-dialogue

Dans la cour derrière l’hôtel de ville, il est prévu de construire un hôtel qui devrait insuffler un dynamisme nouveau au centre historique. Photo: Paul Hasler

Moyennant une optimisation du site des ateliers CFF, les surfaces adjacentes à la gare offrent la possibilité d’un développement vers l’intérieur de qualité. Photo: Fabio Giacomazzi

À l’écart des trois axes principaux, le centre historique recèle des lieux attrayants pour l’habitation. Photo: Paul Hasler

ANALYSE DE LA VILLE

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15VLP-ASPAN | Novembre 4/2017

La Piazza Nosetto, avec l’hôtel de ville, est le centre névralgique du noyau médiéval et le pôle institutionnel du Nouveau Bellinzone. Photo: Paul Hasler

ENTRETIEN

Mario Branda: «Saisir au mieux l’occasion historique offerte par les NLFA»

Qu’est-ce qui a incité Bellinzone à mandater une ana-lyse de la ville? Au cours de la législature précédente, le Dicastère

des finances, de l’économie et du tourisme de la Ville

de Bellinzone (devenu le Dicastère des finances, de

l’économie et des sports dans le cadre la commune

fusionnée) a pris acte de divers signaux négatifs émis

par le secteur commercial dans le centre historique,

avec des fermetures de magasins et une détérioration

de l’offre. Dans le cadre d’une vaste stratégie visant à

profiter au mieux de l’occasion historique offerte par

l’avènement des NLFA et du fait que Bellinzone, premier

arrêt au sud des Alpes, représente la Porte du Tessin, la

Municipalité a lancé un projet articulé autour de trois

éléments centraux:

� La création de la table ronde «Bellinzona economia»,

dont le but est d’instaurer un dialogue entre la Ville,

les commerçants, les hôteliers, les restaurateurs, le

Bureau de développement régional et l’Office du

tourisme régional.

� Le lancement d’un projet de marketing territorial,

fondé sur une analyse de la situation commerciale et

la mise en place d’une stratégie de positionnement de

l’image et de l’identité de la ville.

� L’implication de VLP-ASPAN et de son centre de

conseils SITES EN DIALOGUE: les experts du Réseau

vieille ville doivent conduire une analyse de la ville

et, par la suite, élaborer une stratégie de valorisation.

Comment ces différents projets sont-ils coordonnés? Il y a une synergie entre les trois éléments susmentionnés:

la table ronde de dialogue «Bellinzona economia» est

en fait, après la Municipalité, l’organe appelé à suivre

l’évolution des analyses entreprises. Les conseillers du

marketing territorial et VLP-ASPAN sont quant à eux en

relation afin de coordonner tous les efforts déployés.

Ces projets – à l’instar d’autres éléments (nouveau

cadre institutionnel issu de la fusion de communes,

projet de valorisation des châteaux) – ont pour

objectif de donner à Bellinzone un rôle central dans

Mario Branda, syndic de Bellinzone

le développement social et économique du canton du

Tessin, et contribuer ainsi à une croissance qui ne soit

pas centrée autour d’un pôle unique. Bellinzone, en

tant que chef-lieu de référence des Trois Vallées (Blenio,

Léventine et Riviera, n.d.l.r.), doit aussi pouvoir assurer

un rôle de soutien pour la croissance du Haut-Tessin.

Quels défis se posent pour le centre-ville après la fu-sion qui a abouti à la création du Nouveau Bellinzone? Le centre historique de Bellinzone, comme tant d’autres

en Suisse et en Europe, voit sa situation commerciale

souffrir de la concurrence des grandes surfaces en

dehors de la ville et, plus récemment, de la tendance du

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16 VLP-ASPAN | Novembre 4/2017

public à exploiter les possibilités du commerce en ligne.

Du point de vue économique, ce dernier élément est

reconnu comme le plus grand défi auquel la plupart des

centres historiques devront faire face. Les achats sur

Internet croissent à un rythme soutenu et, pour certains

secteurs, se transforment en un concurrent redoutable,

ce même pour les grandes surfaces.

Le premier défi posé au centre historique de

Bellinzone est donc de garantir le maintien d’une offre

commerciale et gastronomique intéressante, à même de

répondre aux besoins des habitants de la région, mais

aussi aux résidents du centre-ville. N’oublions pas non

plus le défi que représente l’afflux accru de touristes

grâce aux NLFA: l’offre commerciale doit identifier

les exigences de cette clientèle et y répondre. Si l’on y

parvient, le tourisme pourra insuffler un dynamisme

nouveau à l’activité commerciale, ce dont profiteront

également les résidents.

En résumé, le défi est de garantir que la ville dans son

ensemble puisse trouver des vocations fortes pour son

propre territoire qui permettent de créer les conditions

d’une croissance sociale et économique. Ces vocations

peuvent s’appuyer sur des éléments traditionnels de

grande valeur culturelle (comme les châteaux, les atouts

du centre historique, les possibilités de valorisation du

patrimoine, etc.), mais aussi sur la qualité de vie élevée

de l’ensemble de la région de Bellinzone, qualité de vie

qui est unanimement reconnue.

Quel scénario souhaitez-vous pour positionner le centre de Bellinzone comme centre de gravité de la région? Il est encore trop tôt pour dévoiler en détail les idées

de positionnement et de développement sur lesquelles

la Ville est en train de plancher, mais il est clair d’ores

et déjà que ce scénario repose sur les éléments que

nous venons en partie d’évoquer: la région de Bellinzone

possède un patrimoine historico-culturel et paysager

d’une grande richesse et une qualité de vie élevée.

C’est sur ces éléments qu’il faut construire l’avenir; ils

peuvent servir de cadre exceptionnel aussi bien pour

le développement social de la population résidente

que pour attirer un tourisme de qualité et susciter de

«nouvelles» vocations, comme l’implantation de centres

de recherche scientifique de niveau international.

Propos recueillis par Fabio Giacomazzi, VLP-ASPAN (l’entretien a été mené par écrit)

L’ouverture du tunnel de base du Saint-Gothard est une occasion idéale pour relancer la place touristique et commerciale de Bellinzone, ce dont profiteront également les résidents. La qualité des nouveaux établissements commerciaux représente un défi important pour le futur centre historique.

Photos ci-dessus: Paul Hasler, Réseau vieille ville

Photo ci-contre: Annemarie Straumann, VLP-ASPAN

ENTRETIEN

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17VLP-ASPAN | Novembre 4/2017

Congrès-anniversaire

Les 75 ans de VLP-ASPAN: save the date!

Soleure, 29 juin 2018

En 2018, nous fêterons nos 75 ans

d’existence. VLP-ASPAN: par tradition

innovante. C’est pourquoi, pour marquer

notre anniversaire, nous ne mettrons

pas uniquement en lumière l’histoire

de notre association ainsi que les

hauts et les bas de l’aménagement du

territoire suisse. Nous sortirons des

sentiers battus et nous intéresserons

à des solutions inédites pour le

futur développement territorial des

communes, des cantons et de la Suisse

en tant que portion de territoire

européen. Hôtes de notre congrès-

anniversaire, nos collègues aménagistes

des pays voisins nous parleront de

leur vision de l’aménagement du

territoire suisse. Une nouvelle source

d’inspiration?

Cours

Introduction à l’aménagement du territoire

Le calendrier de VLP-ASPAN

Inscriptionpar courriel à: [email protected]

ou sur: www.vlp-aspan.ch > formation

COURS GÉNÉRAL: Lausanne, 1-8-15 mars 2018

La nouvelle loi sur l’aménagement du

territoire exhorte la Confédération, les

cantons et les communes à favoriser

l’urbanisation vers l’intérieur et à

privilégier la qualité. Les conseillères

et les conseillers communaux, de

même que les employé-e-s des services

communaux et cantonaux, ont à prendre

des décisions ayant des conséquences

sur la cohabitation, la qualité de vie et

les finances des communes. Notre cours

leur donne les moyens de prendre les

bonnes décisions, de se familiariser

avec les instruments et les acteurs

de l’aménagement et d’étoffer leurs

connaissances par le biais de cas

concrets.

SPÉCIAL CANTON DU JURA: Delémont, 7-14-21 juin 2018

Un même cours d’introduction sera

proposé en juin, axé sur les spécificités

du canton du Jura. Le programme est

en cours d’élaboration, en collaboration

avec le Service du développement

territorial SDT, à Delémont. Il est

possible de s’inscrire dès aujourd’hui.

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18 VLP-ASPAN | Novembre 4/2017

RÉTROSPECTIVE DU CONGRÈS VLP-ASPAN

Densification: qualité et rentabilité vont de pair

Annemarie Straumannjournaliste, historienne / communication VLP-ASPAN

La Suisse veut mettre un frein au mitage du paysage et à la consommation du sol. Ainsi en a décidé le peuple en 2013 en acceptant la loi révisée sur l’aménagement du territoire LAT. Pour y arriver, aucune autre voie que celle de la densification et du développement vers l’intérieur n’est possible. En outre, la LAT ne préconise pas seulement un développement urbain à l’intérieur du milieu bâti, mais aussi une meilleure qualité dans les quartiers, les centres de localité et les sites. Or, cette exigence de qualité, n’est-elle pas un obstacle à la rentabilité d’un projet? Adeptes des compromis et soucieux du respect des règlementa-tions, les aménagistes et les autorités ne manquent-ils pas de courage et de vision? C’est à ces questions que les intervenants et les participants au congrès annuel de VLP-ASPAN ont tenté de répondre. Rétrospective.

Les recettes issues de la plus-value permettent de financer des mesures visant à accroître la qualité. Il peut s’agir de parcs, comme ici le parc Erlenmatt, à Bâle. Photo: Rémy Rieder, VLP-ASPAN

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19VLP-ASPAN | Novembre 4/2017

L’objectif de notre congrès du 8 septembre dernier, à

Soleure, soit créer une interaction entre les promoteurs

immobiliers, les aménagistes et les promoteurs

économiques, a été atteint. Certaines voix critiques

se sont toutefois fait entendre. Markus Mettler, par

exemple, CEO de Halter AG, une entreprise active dans

la construction et l’immobilier, a reproché aux organes

législatifs et exécutifs ainsi qu’aux autorités de manquer

de vision et de courage: «Législatifs et exécutifs se

gardent délibérément de créer des incitations à la

densification ou aux constructions de remplacement»,

a-t-il dit dans sa présentation. On préfère privilégier

l’existant. Il a cité l’exemple du nouveau règlement

des constructions et des zones de la Ville de Zurich. En

outre, certaines communes qualifieraient déjà d’élevé

un indice de densité de 1.0. Pour Markus Mettler, des

prescriptions en matière de protection contre le bruit

ou en faveur du patrimoine, des règles sur l’ombre

portée ou le principe d’«une place de stationnement par

logement» sont autant d’éléments contre-productifs. En

résumé: pour le spécialiste de l’immobilier, des normes

«antédiluviennes» font obstacle à des projets novateurs

de densification. Il n’en ressort que des solutions

«quelconques».

«Il n’y a pas de solutions faciles»

Cette critique, plutôt excessive, n’a pas laissé les

principaux intéressés de marbre. «En matière de

densification, il n’y a pas de solutions faciles», a

rétorqué Daniel Kolb, aménagiste cantonal argovien.

En empruntant la voie de la simplification, on ne règle

pas les problèmes. Ce d’autant plus, a confirmé Eliane

Dévaud-Sciboz, membre du comité d’Agglomération

Fribourg, qu’il faut prendre en compte la diversité des

sensibilités au sein d’une commune. La protection contre

le bruit, par exemple, est une réelle préoccupation de

la population, comme l’a exprimé l’ancien juge fédéral,

Heinz Aemisegger lors d’un séminaire de l’après-midi:

«Allons-nous tous devenir sourds?». Les représentants

des gouvernements de Bâle (Hans-Peter Wessels) et de

Zurich (André Odermatt) ont souligné que, chez eux,

certains endroits stratégiques présentaient déjà une

importante densité bâtie acceptée et bien vécue par la

population.

Les nombreuses facettes d’une urbanisation de qualité

Idéalement, à quoi ressemble un quartier densément bâti? Du point de

vue de l’aménagement du territoire, il doit être le reflet d’une urbanisation

de qualité. Dans le cadre de ses séminaires dédiés à la qualité de

l’urbanisation, VLP-ASPAN a identifié dix aspects. Lorsqu’ils ont été pris

en compte lors de la densification d’un quartier ou d’un site, ils sont

garants d’une qualité élevée:

1. Centre (ou lieu) identifiable, animé (lieu de rencontre)

2. Identité et histoire perceptibles

3. Espaces extérieurs, libres et verts (par ex. places publiques et

parcs)

4. Espaces avec trafic modéré (par ex. zone 30 ou zones de

rencontre)

5. Approvisionnement de proximité (par ex. alimentation, pharmacie,

offres socio-culturelles)

6. Culture du bâti et esthétisme palpables

7. Mixité sociale (par ex. jeunes et personnes âgées, personnes

indigènes et étrangères)

8. Mixité fonctionnelle (c-à-d proximité des espaces destinés à

l’habitat, au travail, aux achats et aux loisirs)

9. Espaces pauvres en immissions (c-à-d peu bruyants et peu pollués)

10. Cheminements piétonniers et pistes cyclables attrayants

© fauser 2017bruno fauser, cartoon illustration grafik live-cartoon, vidmarhallen 3, könizstrasse 161, 3097 liebefeld/be

031 312 64 76, [email protected]

8.9.17VLP-ASPAN / live-cartoon

21

«Plus de qualité SVP» - La densification, entre qualité et rentabilité. Dessin réalisé sur le vif lors du congrès de VLP-ASPAN du 8 septembre 2017. Dessin: © bruno fauser, illustration, caricature, Berne

«Densité et urbanisation de qualité ne sont pas ennemies…»

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20 VLP-ASPAN | Novembre 4/2017

l’ambiance d’un lieu, a précisé Alexander Muhm,

directeur Développement CFF Immobilier. L’ambiance

ne s’exprime pas en chiffres». Ou, comme l’a également

souligné l’aménagiste du canton d’Argovie, Daniel Kolb,

les habitants doivent «se sentir à la maison», même dans

un espace densifié. La densification est mieux acceptée

lorsque les personnes concernées profitent de nouvelles

qualités, comme des places, des espaces verts ou une

diversité fonctionnelle. Andreas Binkert, développeur

immobilier chez Nüesch Development AG, a cité en

exemple le nouveau quartier «Greencity», à Zurich. Avec

une densité de 2.5, il s’agit d’un quartier très vaste et

dense. «Qu’est-ce qui a contribué à son acceptation? Son

parc et ses espaces verts», a affirmé A. Binkert.

Rentabilité et qualité ne sont pas en opposition,

comme l'ont fait ressortir les débats. Au contraire.

Aménagistes, représentants communaux et promoteurs

immobiliers sont unanimes: la qualité est un gage de

rentabilité. Un urbanisme de qualité est la condition

sine qua non d’une bonne rentabilité, selon le spécialiste

de l’immobilier, M. Mettler. Autrement dit: «Une forte

densité associée à une piètre qualité se traduit par un

faible rendement». Voilà déjà une raison suffisante

pour les investisseurs d’améliorer, dans les projets de

densification, la qualité des quartiers densifiés.

RÉTROSPECTIVE DU CONGRÈS VLP-ASPAN

«L’indice d’utilisation du sol est une valeur mathématique, qui ne reflète en rien l’ambiance d’un lieu.»

Alexander Muhm, CFF Immobilier

Ce sont aussi les éléments d’un projet de densification réussi: les espaces verts et libres (ici le parc MFO à Zurich). Photo: Annemarie Straumann, VLP-ASPAN

Densité et urbanisation de qualité ne sont pas ennemies,

mais complexes, certes, et difficiles à mettre en œuvre.

À l’instar de la «boussole IRAP du développement vers

l’intérieur», développée par la haute école de Rapperswil

HSR, il existe des instruments qui aident à évaluer les

efforts de densification dans toutes les phases de la

planification. La boussole définit 8 facteurs-clés pour

une densification réussie, dont la qualité – les sept autres

facteurs étant la densité, l’acceptance, le processus, la

commune, la propriété, la situation et la rentabilité. La

qualité, à elle seule, comporte déjà plusieurs facettes (cf.

encadré «Une urbanisation de qualité»).

La qualité: un atout pour la rentabilité

À l’issue du congrès, il est ressorti que l’ambiance

est un élément encore plus important qu’un indice

de densité élevé: «l’indice d’utilisation du sol est

une valeur mathématique, qui ne reflète en rien

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21VLP-ASPAN | Novembre 4/2017

Plus de logements en location, mais peu de tours

Le chemin vers une densification et un développement

vers l’intérieur efficaces est encore long: c’est ce

qu’a démontré dans son exposé Patrick Schnorf,

de l’entreprise de conseil Wüest Partner AG. Sur le

marché immobilier, la tendance va en faveur de la

construction de logements en location, au détriment

des villas individuelles. En termes d’aménagement

du territoire, c’est une bonne nouvelle, étant donné

que les logements en location sont en principe moins

gourmands en sol et nécessitent moins de ressources

financières et écologiques par personne que les maisons

individuelles. Cependant, on ne construit pas toujours à

des emplacements offrant une bonne desserte, comme le

préconiserait la densification. En outre, la hauteur des

bâtiments – autre indicateur de densité – n’a que peu

augmenté. En Suisse, les tours figurent tout en bas de

la liste des logements convoités par les personnes à la

recherche d’un appartement. Selon Patrick Schnorf, les

tours restent un segment de niche.

Compensation de la plus-value: de l’huile dans les rouages

«Densifier, c’est donnant-donnant», a affirmé Christa

Perregaux DuPasquier, vice-directrice de VLP-ASPAN.

Les propriétaires fonciers qui tirent un profit économique

de décisions relevant de l’aménagement du territoire et

de la densification, donnent quelque chose en retour

à la collectivité. Soit les communes, les investisseurs

et les maîtres d’ouvrage se mettent d’accord par voie

contractuelle sur les «qualités» à réaliser, soit c’est un

instrument étatique qui entre en jeu: la contribution de

plus-value. Doivent être compensés, en règle générale

par le biais d’une contribution financière à la commune,

les avantages «majeurs» que retire le propriétaire d’un

bien-fonds suite à une décision d’aménagement (par

ex. le droit d’augmenter les possibilités de construire).

Idéalement, les produits de la plus-value sont ensuite

utilisés au profit de la population à travers des projets

qui augmentent la qualité du bâti. Il peut s’agir de

parcs (comme le parc du Reposoir à Nyon VD ou le parc

Erlenmatt à Bâle) ou un parking public permettant la

revalorisation d’un port (comme les bâtiments Swiss

Re et Zurich Assurances à Zurich). La compensation

de la plus-value met de l’huile dans les rouages de la

densification, en permettant de financer la qualité

recherchée dans les quartiers denses.

Engager les recettes là où l’on densifie

Les représentants de l’immobilier et de la planification

étaient unanimes sur un point: l’utilisation de la taxe

prime sur le montant de celle-ci. Les produits de la

plus-value devraient être prioritairement investis dans

les communes où l’on va effectivement densifier. Ainsi,

les plus-values profitent avant tout à ceux qui sont

concernés par la densification et, ce, sous la forme d’une

qualité urbaine accrue.

Congrès – séminaire 1

Les procédures de mise en concurrence SIA sont-elles trop rigides?

Les concours d’architecture, les mandats d’études parallèles et

les planifications-tests visent en général à accroître la qualité de

projets de construction et de densification. L’association suisse

des ingénieurs et des architectes (SIA) a élaboré deux normes

afin que les procédures de mises en concurrence soient menées

de façon équitable. Les normes SIA 142 (pour les concours) et

SIA 143 (pour les mandats d’études parallèles) servent de base

lors de l’adjudication de prestations de planification. Certaines

entreprises actives dans l’immobilier et la construction estiment

que les normes SIA sont trop restrictives.

Lors du congrès, Urs Lengweiler, représentant de Steiner AG,

a proposé que les concours puissent être menés avec une certaine

flexibilité et «s’inspirent» uniquement des normes SIA. Selon lui, les

procédures SIA sont très axées sur l’architecture, au détriment de

l’environnement, des espaces extérieurs et de circulation. Rudolf

Vogt, porte-parole des normes SIA (et président de la Commission

des concours et des mandats d'étude SIA 142/143 jusqu’en juin

2017) a réagi en relevant, qu’au contraire, les procédures SIA

reposent sur plusieurs décennies d’expérience et qu’elles sont

gages de transparence.

Markus Mettler, de Halter AG, s’est employé à démontrer qu’il

faut être ouvert à l’innovation. Il l’a illustré par un exemple: grâce

à la modélisation numérique «Building Information Modeling» (BIM),

toutes les données importantes relatives à un projet de construction

peuvent aujourd’hui être modélisées de façon digitale, combinées

et enregistrées. Cela signifie que les architectes peuvent aussi

offrir une image virtuelle de leur projet de concours, plutôt que de

recourir à de coûteuses maquettes. Ils économiseraient ainsi du

temps et de l’argent.

Au sujet des procédures SIA:

www.sia.ch/fr/themes/passation-des-marches/

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22 VLP-ASPAN | Novembre 4/2017

Baustelle eines Ersatzneubaus in Zürich. Er wird ein bis zwei Stockwerte mehr haben als das vorherige Mehrfamilienhaus. Dank der Aufzonung resultiert für den Eigentümer ein Mehrwert. Foto: Annemarie Straumann, VLP-ASPAN

RÉTROSPECTIVE DU CONGRÈS VLP-ASPAN

Congrès – séminaire 2

La densification a un coût

La densification des constructions coûte cher, pour les investisseurs

et pour les communes. Ceux qui en profitent dans tous les cas sont les

propriétaires fonciers. Tel était le résumé d’Andreas Binkert, développeur

immobilier. Pour lui, la protection contre le bruit et contre les incendies,

la statique et la mobilité interne génèrent des frais. Dans les communes,

l’infrastructure occasionne des coûts (nouvelles routes, parcs, écoles

et frais de personnel subséquent). Cependant, pour A. Binkert, cela se

traduit – dans les endroits bien situés – par «plus de gains» pour les

investisseurs et «plus d’impôts» pour les communes. À l’heure actuelle,

il faut densifier les quartiers, car il ne reste plus beaucoup de friches

industrielles. Si les nouvelles constructions (de remplacement) et les tours

sont peu gourmandes en sol, les ériger coûtent cher. Les surélévations et

les adjonctions (soit la densification du bâti existant) font sens d’un point

de vue spatial. Or, les frais de ces prétendument «petites» opérations de

densification seraient souvent minimisés. Les problèmes juridiques et

les conflits de voisinage sont fréquents. Alors à part aux propriétaires

fonciers, à qui profite la densification? Réponse de Binkert: «À la nature,

avant tout». La densification protège contre le mitage et l’utilisation du

sol. «Et si la qualité s’y ajoute, c’est tout bénéfice pour les habitants et

les visiteurs».

© fauser 2017bruno fauser, cartoon illustration grafik live-cartoon, vidmarhallen 3, könizstrasse 161, 3097 liebefeld/be

031 312 64 76, [email protected]

8.9.17VLP-ASPAN / live-cartoon

16

Qui dit densification et population en hausse, dit aussi nouvelles routes, nouvelles écoles, etc., donc frais subséquents pour les communes. Dessin: © bruno fauser, illustration,

caricature, Berne

Partage des frais possible

La Ville de Bülach ZH a élaboré un plan d’aménagement

pour le projet de densification «Bülach Nord», en

collaboration avec les propriétaires fonciers et les

investisseurs. Une convention de développement a en

outre été établie entre eux et la Ville. Les investisseurs

et les propriétaires fonciers se sont engagés à mener

une procédure de mise en concurrence urbanistique

(afin d’accroître la qualité) et à participer aux frais liés

aux infrastructures choisies (par ex. la construction

des routes). Ci-dessous: visualisation d’une portion du

quartier de Glasi, là où une convention a été conclue avec

les propriétaires fonciers, selon laquelle ces derniers

doivent mettre à disposition des espaces habitables à un

prix abordable. Illustration: Steiner AG.

D’autres informations sur:

www.buelach.ch/themen/stadtentwicklung

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23VLP-ASPAN | Novembre 4/2017

Le projet de LAT cantonale vaudoise a essuyé quelques

critiques. Il prévoit que les produits issus de la

compensation de la plus-value soient affectés à un

fonds cantonal et servent aux dédommagements lors

d’expropriations matérielles et à la requalification

de surfaces d’assolement et de forêts. Selon l’ancien

juge fédéral Heinz Aemisegger, les expropriations

matérielles doivent rester exceptionnelles. Lorsque

l’argent est investi dans les surfaces d’assolement et

les forêts, il ne profite pas directement à la population

concernée par la densification. Le projet vaudois torpille

également la pratique avérée de la Ville de Nyon VD

qui, depuis 40 ans, prélève les plus-values par le biais

de contrats avec les maîtres d’ouvrages et finance ainsi

les infrastructures (trottoirs, rues, canalisations, etc.),

les espaces publics ainsi que les installations scolaires,

sportives et culturelles. Comme l’a clairement exprimé

Maurice Gay, conseiller d’État à Nyon, «l’argent doit

rester là où il a été encaissé: sur le lieu de la densification,

dans la commune». D’autres représentants communaux

et immobiliers ont abondé dans son sens: «Les plus-

values doivent être perceptibles par celles et ceux qui

supportent la densification, au risque de perdre leur

acceptation», a répliqué Andreas Binkert, développeur

immobilier.

Congrès – séminaire 3

Une mixité des usages pour un site attrayant

Lors du développement de sites, les processus de planification

usuels se focalisent en général sur des questions urbanistiques.

Pour qu’un quartier soit vivant, la mixité sociale et fonctionnelle

joue un rôle décisif. La mixité sociale vise à attirer un mélange

de propriétaires, de locataires, de coopératives et de groupes

d’habitation qui, en plus, sont issus de classes de revenus et d’âges

différents, et de provenances diverses (communes, cantons, pays).

La mixité fonctionnelle vise une diversité des utilisations, notamment

au niveau des rez-de-chaussée et des espaces (semi-) publics.

La sociologue, Joëlle Zimmerli, a expliqué comment encourager

la mixité: développeurs et propriétaires devraient favoriser une

grande diversité des propriétaires. Il convient en outre d’offrir

une large palette de logements dans différents segments de prix

et de cibler, lors de la commercialisation, différentes couches de

la population. Les développeurs devraient également proposer de

manière générale des espaces intérieurs et extérieurs accessibles

et examiner, lors de la phase de planification déjà, quels micro-

emplacements pourraient fonctionner et pour quelles offres.

L’accent a principalement été mis sur l’importance des rez-

de-chaussée: c’est l’emplacement idéal pour les activités les plus

diverses, destinées au public. Ainsi, boulangeries, magasins de

fleurs, boutiques éphémères, start-ups, restaurants temporaires

ou de rue contribuent-ils à la vie et à la mixité d’un quartier. Il est

au préalable important de déterminer s’il existe effectivement un

marché ou une demande pour ces utilisations des rez-de-chaussée.

Trop de surfaces restent en effet vides aujourd’hui, car magasins,

cafés ou restaurants n’étaient économiquement pas viables.

Également sur ce thème: www.projetsurbains.ch

Les terrasses de cafés (ici à Dietikon ZH) mettent de la vie dans les sites et les quartiers. Il convient toutefois de déterminer suffisamment tôt dans la planification s’il existe une réelle demande pour de telles utilisations. Photo: Annemarie Straumann, VLP-ASPAN

Le dialogue sur le développement vers l’intérieur s’intensifie

Il est clairement ressorti lors du congrès que les milieux

de l’immobilier, les aménagistes ainsi que les autorités

doivent favoriser une compréhension réciproque de

leurs dossiers si l’on veut que le but du développement

vers l’intérieur soit atteint. Le conseiller d’État

neuchâtelois Laurent Favre a annoncé lors du congrès

que la Conférence tripartite – une plate-forme de la

Confédération, des cantons, des villes et des communes –

mettra sur pied, à ce sujet, un «dialogue Développement

vers l’intérieur».

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24 VLP-ASPAN | Novembre 4/2017

Les mutations économiques et sociétales actuelles ont pour corollaire l'émergence de nouveaux besoins en termes de travail et de logement. Pour y répondre, compte tenu du développement de l'urbanisation vers l'intérieur préconisé par la nouvelle loi sur l'aménagement du territoire, il est indispen-sable de trouver des solutions flexibles au sein du parc immobilier existant. Parmi ces solutions figure la transformation de surfaces de bureaux et de vente en habitations. Dans ce contexte, l'arsenal juridique suisse en vigueur en matière de construction s'avère peu approprié en raison de la rigidité de ses plans de zone et des possibilités étendues de recours qu'il prévoit. D'où la nécessité de procéder à des adaptations et de privilégier une souplesse d'application afin d'exploiter les opportunités offertes.

RÉAFFECTATION

Transformation de bureaux et surfaces commerciales en logements: un moyen de diminuer les taux de vacance et d’augmenter les rendements? Andreas Deuberprof. à la HTW de Coire, directeur de l'Institut de Tourisme et Loisirs ITF

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25VLP-ASPAN | Novembre 4/2017

Selon l'office fédéral de la statistique (OFS), la popula-

tion résidant en Suisse atteindra jusqu'à 11 millions de

personnes d'ici 2045, ce qui ouvre des perspectives favo-

rables pour la construction de logements. S'agissant des

espaces de bureaux et des surfaces de commerce de dé-

tail, par contre, une situation d'offre excédentaire s'est

créée au cours des dernières années, qui ne se résor-

bera que de manière timide et sélective. Si les bureaux

situés à quelques minutes à pied des stations RER et des

quartiers d'affaires centraux continuent de trouver faci-

lement preneur, la donne change rapidement en dehors

de ces micro-situations avantageuses, ce même dans les

centres-villes. Le marché du logement, quant à lui, obéit

à d'autres lois étant donné que les habitations restent

encore attractives dans les deuxièmes couronnes des

centres urbains d'importance.

Il s'agit là du principal moteur de réaffectation

des bâtiments commerciaux dans les centres urbains.

L'excédent de surfaces de bureaux bien situés incite à

prendre en considération la possibilité d'une conversion

en logements et semble peut-être même une recette

miracle. Au-delà de la situation concrète du marché, la

réaffectation des surfaces est particulièrement actuelle

puisque la tendance du moment à concilier travail et

loisirs permet de diversifier les utilisations d'anciennes

surfaces industrielles, de bureaux et de commerce de

détail bien situées et desservies.

La loi révisée sur l'aménagement du territoire,

entrée en vigueur le 1er mai 2014, donne en Suisse

une acuité particulière au thème des réaffectations

puisqu'elle préconise d'endiguer de manière générale

le gaspillage du sol et de promouvoir le développement

de l'urbanisation vers l'intérieur. Outre les forces

du marché, ce sont donc aussi les conditions-cadre

réglementaires qui placent cette problématique sur le

devant de la scène.

De par leur complexité, les réaffectations ne

sont toutefois possibles que de manière sélective.

Chaque projet requiert une planification sur mesure

et une analyse détaillée des aspects architecturaux et

économiques (rendement et frais), ce qui engendre des

coûts élevés. De plus, évaluer la demande constitue une

tâche délicate, les nouvelles offres, pas encore éprouvées

sur le marché, se distinguant souvent par leur caractère

peu conventionnel. Cette difficulté s'allie mal aux

risques importants relatifs à l'octroi d'autorisations.

Les instruments disponibles dans les cantons et les

communes (par ex. les plans de zone) sont susceptibles

d'entraver les réaffectations ou les affectations mixtes.

Lorsqu'un projet est économiquement réalisable, il

devrait pouvoir être mis en œuvre rapidement et

pendant le même cycle de conjoncture. Pour cela, il est

nécessaire que la commune d'implantation se montre

ouverte au dialogue et soutienne le projet, et que la

procédure d'autorisation soit rapide.

Réflexions économiques

Même lorsque des bâtiments de bureaux ou d'autres

surfaces commerciales semblent receler un potentiel

L’ancienne clinique du sport Rennbanhn à Muttenz BL prête aujourd’hui ses murs à des logements à prix abordable destinés à des étudiants. Cette réaffectation a été possible grâce à une autorisation temporaire; elle a en outre été récompensée par le Prix d’architecture suisse «Hase in Gold». Photos: Julian Salinas

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26 VLP-ASPAN | Novembre 4/2017

RÉAFFECTATION

intéressant en matière de réaffectation, celle-ci ne fonc-

tionne économiquement qu'à des conditions très strictes

et ne représente qu'une des options envisageables, paral-

lèlement à la rénovation pour une affectation identique

(éventuellement avec des améliorations structurelles), la

démolition ou la construction de remplacement. Il est im-

pératif que le produit locatif réalisable en usage résiden-

tiel soit supérieur au loyer réalisable avec des bureaux.

La réaffectation d'un espace bureau en logement

peut s'avérer pertinente là où le différentiel du loyer

du marché entre l'ancien espace bureau et le nouveau

logement est particulièrement élevé. Implenia a

systématiquement analysé les potentiels pour les

villes de Lausanne, Berne, Genève, Bâle et Zurich

pour les années de référence 2012-2015 et constaté

des plus-values intéressantes à Bâle et Zurich de 47

respectivement 58 francs par mètre carré et par année,

lesquelles doivent permettre de couvrir les coûts de

réaffectation. Il convient en outre de tenir compte des

facteurs suivants:

� L'exploitation de l'espace est inférieure lorsqu'il est

affecté à un usage résidentiel, autrement dit le nombre

de mètres carrés locatifs diminue.

� En principe, des frais de remise en état sont

nécessaires pour continuer à utiliser les bureaux.

Mais il est financièrement plus avantageux de réaliser

ces travaux que d'engager des coûts, nettement plus

élevés, de réaffectation.

� Dans le calcul de la création de valeur, il importe de

tenir compte du fait que les deux formes d'utilisation

impliquent des charges d'exploitation et des profils

de risque différents; d'où la nécessité d'appliquer des

taux d'escompte distincts. Pour un rendement net

identique, l'immobilier plus risqué présentera dès lors

moins de valeur.

La clinique du sport Rennbahn à Muttenz, propriété de

Swissinvest Real Estate Investment Fund, constitue un

cas particulier. Diverses tentatives de vente et de réaf-

fectation conventionnelles ayant échoué, une solution

structurelle novatrice et simple était recherchée. Une

réaffectation temporaire en logements pour étudiants a

finalement été adoptée. Ceux-ci suscitent un vif intérêt

en raison de la nouvelle haute école spécialisée située

dans le quartier de Polyfeld. Il a été renoncé à un assai-

nissement architectural complet et les investissements

portent sur une période de 10 à 15 ans.

Complexité de la conception architecturale

Outre les facteurs propres au marché et aux

emplacements, le professionnalisme architectural joue

un rôle essentiel dans le succès d'une réaffectation. La

tâche est particulièrement exigeante, car les immeubles

de bureaux obéissent à d'autres critères de fonctionnalité

que les immeubles d'habitation et doivent être adaptés

a posteriori à la nouvelle affectation, par exemple en

ce qui concerne l'organisation des espaces, l'éclairage

et l'équipement. Il importe également de prendre en

considération des facteurs esthétiques, comme la

dimension du bâtiment, qui revêtent une plus grande

importance pour les immeubles résidentiels que pour

les locaux à usage commercial. Dans ce cas, il s'agit

de maintenir les coûts de construction aussi bas que

possible grâce à des solutions judicieuses. S'agissant de la

faisabilité financière, il est déterminant que l'architecte

soit au bénéfice de l'expérience nécessaire afin qu'il

puisse donner, déjà à un stade précoce, des indications

fiables quant aux coûts et à la durée des travaux.

Les exigences montent encore d'un cran lorsque la

tâche ne se limite pas à la simple conversion d'anciens

espaces bureau en logement, mais que l'architecte est

placé devant le défi de cibler des groupes d'utilisateurs

définis, comme par exemple ce qu'on appelle la classe

créative (p. ex. graphistes, start-up, etc.). Ces nouvelles

utilisations constituent souvent un mix intéressant

d'espace de travail, de détente et de récréation,

d'espace pour les arts plastiques et visuels, d'espaces

commerciaux et de logements (dans ce domaine,

tendance à de petites unités à prix abordable).

La densité législative ne contribue pas à simplifier

les choses. Ainsi, l'interdiction de la pratique dite de

la fenêtre d'aération prononcée par le Tribunal fédéral

pose, justement dans le cas de réaffectations, d'épineux

problèmes aux architectes et concepteurs (cf. INFORUM

3/2016, p. 14-19).

Bien qu’il ait l’allure d’un immeuble de bureaux, ce bâtiment, situé dans un quartier de Zurich-Altstetten à fort trafic, comprend désormais des appartements. Ces derniers ne peuvent être aérés que du côté de la rue latérale. Photo: Annemarie Straumann, VLP-ASPAN

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27VLP-ASPAN | Novembre 4/2017

Risques liés à la réglementation

Parmi les risques inhérents aux projets de réaffecta-

tion figure l'autorisation. L'emplacement selon le règle-

ment sur les zones et les constructions y est dès lors

déterminant. Les zones résidentielles et mixtes sont

souvent moins problématiques, car l'utilisation prévue

est conforme à la zone d'affectation. La situation s'avère

plus complexe dans le cas des zones industrielles et com-

merciales puisqu’un reclassement est alors nécessaire.

Les reclassements et les augmentations du degré d’utili-

sation doivent être approuvés par les autorités politiques

et soumis à la votation populaire, ce qui prend du temps.

On assiste parfois au changement des élus concernés en

fin de mandat. Souvent, on perçoit aussi chez les par-

ticuliers une certaine lassitude envers la croissance et

de la réticence à voir la densification se réaliser devant

leur porte.

C'est pourquoi Implenia recommande de se

concentrer en premier lieu sur les immeubles des

zones résidentielles et mixtes ou en centre-ville, ce qui

correspond à 69 % des zones de construction. De plus,

les potentiels en termes de droit de la construction

sont encore plus élevés dans les centres urbains

d'importance. D'une analyse concrète des potentiels de

réaffectation de la ville de Zurich, il est ressorti qu'il

est en principe possible de procéder à des réaffectations

sur 86 % des surfaces bâties (Implenia SA 2016, Étude de

modernisation 2015).

Le problème de la non-conformité à la zone

d'affectation existait aussi pour la clinique du sport

Rennbahn à Muttenz, située dans une zone d'affectation

spéciale pour les cliniques ne permettant pas un usage

résidentiel. Dans ce cas de figure, les autorités ont fait

preuve de flexibilité en approuvant des logements

d'étudiants pour une durée de 10 ans au minimum, ce qui

constituait l'une des conditions préalables au concept de

réaffectation. S'agissant des autres dispositions légales

en matière d'isolation et de protection contre le bruit,

les autorités se sont aussi montrées prêtes au compromis

compte tenu du caractère temporaire. À juste titre,

aucune concession n’a été faite en matière de sécurité.

Un autre sujet d’actualité est celui de la taxe sur la

plus-value, qui est perçue par les cantons et les communes

en cas de nouvelle mise en zone ou d'augmentation

du degré d'affectation, dans le but d'indemniser les

déclassements. Dans ce contexte, des approches

modérées et une utilisation adéquate des fonds jouent un

rôle fondamental afin de ne pas compliquer davantage les

transformations liées au reclassement.

Situations analogues pour les locaux commerciaux

Ce qui est vrai pour la transformation d'espaces de bu-

reaux en logements, s'applique par analogie à d'autres

types de réaffectations, par ex. celle de locaux commer-

ciaux ou de surfaces de commerce de détail (p. ex. les

centres commerciaux en surcapacité notoire). Le degré

élevé de spécificité des bâtiments représente souvent

un obstacle à une réaffectation complète et favorise des

repositionnements proposant une mixité d'usage. Les

risques sont relativement élevés car il s'agit d'évaluer

diverses conditions de marché et de concurrence et

l'estimation des coûts de réaffectation est plutôt ardue

au vu de la complexité du droit de la construction et de

l'aménagement.

La réaffectation de secteurs déjà bâtis qui ne sont

plus nécessaires dans leur forme initiale constitue un

cas particulier. Les conditions de propriété souvent

hétérogènes et l'extension des sites au-delà des frontières

communales ou même cantonales viennent souvent

compliquer la situation et rendent un développement

partenarial incontournable (cf. INFORUM 1/2017, p. 20-

24). Pour s'intégrer harmonieusement à l'espace extérieur,

des instruments de planification complémentaires,

comme des plans de quartier, s'avèrent nécessaires

puisque ce sont des portions de territoire urbanisé qui

sont concernées et non pas seulement un bâtiment.

À propos de l'article et de l'auteur

Le présent texte est fondé sur une édition de RICS-

Impulse, une publication de RICS Switzerland, la section

suisse de l'association des professionnels des métiers

de l’immobilier RICS active à l'échelle internationale.

L'association est composée de plus de 140 000 membres

qualifiés dans plus de 140 pays.

Les explications de l'auteur reposent sur les exposés

et les débats tenus à l'occasion du congrès annuel de

RICS Switzerland du 14 septembre 2016 sur le thème

«Convert, rebuild, reuse – what are the options» et sur

des compléments d'information de l'auteur. Pour des

citations exactes, se référer au texte original.

L'auteur, Prof. Andreas Deuber, est membre du

comité directeur de RICS Switerzland et directeur de

l'Institut de Tourisme et Loisirs ITF à la Haute école de

technique et d'économie (HTW) de Coire.

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28 VLP-ASPAN | Novembre 4/2017

Le dossier du Rôtillon a longtemps été un véritable serpent de mer pour les autorités lausannoises. Ce quartier situé au cœur de Lausanne s’offre aujourd’hui une nouvelle jeunesse. Très urbain, il interpelle par la diversité des réalisations colorées. À l’heure de la multiplication des grandes opérations immobi-lières, le Rôtillon, avec sa cinquantaine de logements, semble cultiver l’art de la petite échelle. Qualité suisse?

SITES EN DIALOGUE

Zoom sur Lausanne, Le Rôtillon, reconstruction d’un quartier

Alain Beuretarchitecte, urbaniste FSU, VLP-ASPAN

Impulsion Développer vers l’intérieur

Entre deux nouveaux bâtiments d’habitation du quartier du Rôtillon, une vue sur les immeubles des années 1930 de la rue centrale et le clocher de la cathédrale de Lausanne. Photos (2017) p. 28-38: Alain Beuret, VLP-ASPAN

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29VLP-ASPAN | Novembre 4/2017

À quelques encablures de la station de métro «Bessières»,

en plein centre-ville, entre les deux quartiers

commerçants de Saint-François et de Saint-Laurent,

on trouve le Rôtillon. Ce quartier longtemps négligé

et vivotant s’est complètement métamorphosé ces

dernières années en un ensemble bigarré accueillant

un grand parking, des commerces, des services et des

logements dans un périmètre restreint, tirant profit de

la topographie mouvementée du lieu.

En descendant des ascenseurs du métro, on arrive

au Rôtillon un peu plus bas sur une petite place aména-

gée à l’entrée du quartier qui fait forte impression. Les

enfants s’amusent à s’asseoir sur l'animal en métal qui

trône en son centre, sous le regard amusé des parents

attablés à la terrasse du café voisin, situé dans un vieil

immeuble, sous une fresque de Zep. Des passants s’en-

gouffrent dans la nouvelle rue du Flon en direction du

centre. Cette toute nouvelle rue très étroite interpelle

dans un quartier tout neuf.

Une petite place marque l’entrée du nouveau quartier. La fresque qui orne la façade est l’œuvre de Zep, auteur de Titeuf.

Un petit quartier avec une longue histoire

Dans les années 1920, le quartier du Rôtillon, coincé

au fond d’un vallon et exposé au nord, avait mauvaise

réputation. Ses ruelles étroites et insalubres se prêtaient

parfois à de mauvaises rencontres. La construction de la

rue Centrale ainsi que les nouvelles normes hygiénistes

entraînèrent la démolition de la partie centrale du

quartier. Les îlots à flanc de colline au sud seront quant

à eux progressivement laissés à l’abandon.

Dans les années 1950, l’architecte Pierre Bonnard

suggère d’y construire trois tours avec vue sur le lac

mais son projet fait long feu. La rue Centrale devient

un important axe de circulation et l’espace libéré par la

démolition de la partie centrale un parking à ciel ouvert.

Trente ans plus tard, en 1983, un projet concret voit

finalement le jour. Il s’agit de réaliser un parking souter-

rain de 540 places avec deux immeubles. Pour ce faire,

l’ensemble des bâtiments existants du quartier doivent

être démolis. Le population du quartier s’y oppose farou-

chement et lance un référendum qui conduit au rejet de

ce projet en 1989.

Réinventer l’ancienne structure médiévale

Suite à cet échec, Jean-Luc Kolb, urbaniste de la ville de

Lausanne, empoigne le dossier à bras le corps. Il élabore

lui-même un nouveau plan de quartier qui rompt

complètement avec l’idée d’édifier de grands immeubles.

Son plan ressuscite la trame moyenâgeuse des ruelles.

De nouvelles constructions combleront le vide laissé par

la démolition des années 1920. Les bâtiments à l’arrière

seront démolis et reconstruits.

Son plan reçoit l’aval du législatif communal en

1994. La ville mène alors une politique foncière active et

parvient à racheter l’ensemble des terrains. Mais la crise

immobilière bat son plein. Les autorités de l’époque ne

réussissent pas à convaincre des investisseurs privés de

construire au fond de ce vallon mal-aimé. Seule la Fon-

dation lausannoise pour la construction de logements

FLCL accepte de se lancer dans l’aventure.

Un projet d’ensemble réalisé par étapes

La réalisation est volontairement découpée en plusieurs

îlots, mis à disposition en droit de superficie, confiés

à des architectes différents et réalisés par étapes. Un

référendum est lancé en 2002 contre le crédit nécessaire

à la réfection de la rue Centrale voisine, remettant

indirectement en question le nouveau plan de quartier.

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30 VLP-ASPAN | Novembre 4/2017

SITES EN DIALOGUE

Cette fois-ci cependant, la population accepte le crédit

contesté en votation. Les travaux peuvent commencer

avec la démolition des bâtiments existants et la

construction entre 2003 et 2006 de l’îlot B par la FLCL

(à ne pas confondre avec l’îlot B’, réalisé plus tard par le

même architecte).

L’îlot B est édifié sur l’espace laissé vacant depuis la

démolition des années 1920. Il abrite une vingtaine de

logements subventionnés dans trois volumes jaunes, édi-

fiés perpendiculairement à la rue Centrale, conformé-

ment au plan de quartier. L’ensemble bâti se dresse sur

un socle en béton qui abrite un parking de 180 places

sur 4 niveaux semi-enterrés, propriété de la société ano-

nyme Parking Riponne.

Cette disposition laisse passer la lumière naturelle

entre les volumes dédiés à l’habitat. Les fenêtres des

appartements donnent sur ces espaces intermédiaires

et sur la nouvelle rue du Flon au sud. La façade nord,

exposée au bruit du trafic automobile de la rue centrale

(15’500 véhicules par jour en 2011) est presque borgne.

Un nouveau patchwork de propriétaires

À l’arrière, les îlots A et B’ voient le jour entre 2010 et

2013 sur l’espace libéré par la démolition des immeubles

existants. Tout en nuances de gris, l’îlot A abrite

une vingtaine d’appartements. On y trouve aussi des

commerces au rez-de-chaussée ainsi qu’une crèche au

deuxième étage, qui, en façade sud, correspond à un

Plan du quartier avec les différents îlots. En haut à droite le traitillé représente le pont Bessières avec les escaliers qui permettent d’accéder à la station de métro. Source: revue Archi.

Le quartier du Rôtillon vu depuis le pont Bessières, en hiver dans les années 1950, avec le parking en 2002, et de nouveaux bâtiments aujourd’hui. Source: http://rotillon.tumblr.com

I L R U O L O D E L C O L O R E

îlot B'

îlot B

îlot C

îlot A

L’ ÎLOT B’ DEL NUOVO RÔTILLON A LOSANNA

Committente Fontatrez SA; Losanna | Architettura Ivo Frei, atelier niv-o SA; Losanna | Collaboratore L. Cohen | Ingegneria civile Küng & associés SA; Losanna | Geotecnica Karakas & Français SA; Losan-na | Ingegneria rv Chammartin & Spycher SA; Losanna | Ingegneria sanitaria CCTB SA; La Noville | Ingegneria elettrotecnica mab sa; Morges | Acustica ecoacoustique; Losanna | Colorista Claude Augsburger; Losanna | Traduzioni Francesco Zanchi; Mendrisio | Foto-grafia Thomas Jantscher; Colombier | Date progetto 2008-2010, rea-lizzazione 2010-2013

Atelier niv-ofoto Thomas Jantscher La rinascita di un quartiere

Il nuovo Rôtillon a Losanna

Realizzazione 2003 - 2013Più di ottant’anni dopo la demolizione «igienista» del vecchio quartiere dei mulini e delle concerie della valle del Flon, inizia nel 1994, nel centro di Losanna, la ricostruzione di questa area urbana ancora non sfruttata. In seguito a vari tentativi di «tabula rasa», a partire dalla metà degli anni Trenta, come ad esem-pio il mercato coperto di Jacques Favarger nel 1939 o i tre edifici-torre di Pierre Bonnard nel 1957, il servi-zio di urbanistica della Città di Losanna propone un piano parziale di destinazione delle aree basato sull’appezzamento storico. Definisce lo spazio pubbli-co e permette l’assemblaggio di «pezzi di architettu-ra» nello spirito del Collage City di Colin Rowe. Il risul-tato è un insieme a scale differenziate e soprattutto un’urbanizzazione opposta ai tentativi attuali di den-sificazione come il Selve-Areal a Thun o la Greencity a Zürich-Manegg. L’interazione tra gli spazi interni ed esterni, i salti di scala e le relazioni visive incrocia-te, conferiscono, tanto agli spazi pubblici quanto agli spazi privati, una sensazione di densità urbana. La vista di «oggetti urbani di referenza» quali una catte-drale, il ponte della metropolitana o la torre Métropol permettono di orientare e generano una sensazione di urbanità nello spirito di Camillo Sitte e dei «Sinn-felder» del filosofo Markus Gabriel in Warum es die Welt nicht gibt (Ullsteinverlag, 2013).Vicoli, piazze, passaggi e passerelle collegano il nuovo quartiere al tessuto urbano circostante. La nuova de-stinazione dei terreni, che comprende servizi, com-merci e ristoranti, così come il piccolo parcheggio sot-terraneo, genera movimento, scambi e vita urbana.

Isolato B (2011-2013) Varie parcelle medioevali, seguendo il fianco del col-le dato dalla geometria del corso d’acqua, sono riuni-te per formare un isolato. L’ingombro predefinito si ispira alla volumetria dell’allineamento storico delle case. Inoltre, il volume è attraversato a mezz’altezza da un passaggio pubblico collegato tramite passerel-le. L’irregolarità è il dato di fatto.La costruzione dell’isolato include tre entità funzio-nali connesse e indipendenti: un edificio di uffici al-lungato, una casa di abitazioni elevata e una piccola villa urbana di tre piani.Gli appartamenti sono traversanti da nord a sud e si aprono su vari lati. Le relazioni visive urbane sono va-rie e le condizioni d’illuminazione sono differenziate.Le finestre di dimensioni generose compensano l’o-rizzonte nascosto. Delle aperture, grandi quanto delle vetrine, prolungano gli spazi di vita verso l’e-

sterno ma lasciano apparire la vita privata dalla stra-da «… si vedono delle luci in alto, un soffitto, un’om-bra, alcuni oggetti» (Colin Rowe, Fred Koetter, Collage City, The Mit Press, Cambridge 1984, p. 94).La volumetria complessa del nuovo edificio è stata te-matizzata tramite la disposizione di aperture irrego-lari e la sequenza di colori complementari. In questo luogo ombreggiato e minerale nel fondo della valle, il ricorso al colore era evidentemente necessario. In col-laborazione con l’esperto Claude Augsburger, è stata definita e declinata una gamma di colori che segue la logica ad incastro del volume costruito. La disposizio-ne di questi colori rinforza la volumetria attraverso l’effetto cromatico e genera l’atmosfera particolare del nuovo quartiere. Questo insieme interconnesso trova il suo equilibrio e la scala giusta, in particolare grazie alla colorazione e le grandi aperture.

I L R U O L O D E L C O L O R E

îlot B'

îlot B

îlot C

îlot A

L’ ÎLOT B’ DEL NUOVO RÔTILLON A LOSANNA

Committente Fontatrez SA; Losanna | Architettura Ivo Frei, atelier niv-o SA; Losanna | Collaboratore L. Cohen | Ingegneria civile Küng & associés SA; Losanna | Geotecnica Karakas & Français SA; Losan-na | Ingegneria rv Chammartin & Spycher SA; Losanna | Ingegneria sanitaria CCTB SA; La Noville | Ingegneria elettrotecnica mab sa; Morges | Acustica ecoacoustique; Losanna | Colorista Claude Augsburger; Losanna | Traduzioni Francesco Zanchi; Mendrisio | Foto-grafia Thomas Jantscher; Colombier | Date progetto 2008-2010, rea-lizzazione 2010-2013

Atelier niv-ofoto Thomas Jantscher La rinascita di un quartiere

Il nuovo Rôtillon a Losanna

Realizzazione 2003 - 2013Più di ottant’anni dopo la demolizione «igienista» del vecchio quartiere dei mulini e delle concerie della valle del Flon, inizia nel 1994, nel centro di Losanna, la ricostruzione di questa area urbana ancora non sfruttata. In seguito a vari tentativi di «tabula rasa», a partire dalla metà degli anni Trenta, come ad esem-pio il mercato coperto di Jacques Favarger nel 1939 o i tre edifici-torre di Pierre Bonnard nel 1957, il servi-zio di urbanistica della Città di Losanna propone un piano parziale di destinazione delle aree basato sull’appezzamento storico. Definisce lo spazio pubbli-co e permette l’assemblaggio di «pezzi di architettu-ra» nello spirito del Collage City di Colin Rowe. Il risul-tato è un insieme a scale differenziate e soprattutto un’urbanizzazione opposta ai tentativi attuali di den-sificazione come il Selve-Areal a Thun o la Greencity a Zürich-Manegg. L’interazione tra gli spazi interni ed esterni, i salti di scala e le relazioni visive incrocia-te, conferiscono, tanto agli spazi pubblici quanto agli spazi privati, una sensazione di densità urbana. La vista di «oggetti urbani di referenza» quali una catte-drale, il ponte della metropolitana o la torre Métropol permettono di orientare e generano una sensazione di urbanità nello spirito di Camillo Sitte e dei «Sinn-felder» del filosofo Markus Gabriel in Warum es die Welt nicht gibt (Ullsteinverlag, 2013).Vicoli, piazze, passaggi e passerelle collegano il nuovo quartiere al tessuto urbano circostante. La nuova de-stinazione dei terreni, che comprende servizi, com-merci e ristoranti, così come il piccolo parcheggio sot-terraneo, genera movimento, scambi e vita urbana.

Isolato B (2011-2013) Varie parcelle medioevali, seguendo il fianco del col-le dato dalla geometria del corso d’acqua, sono riuni-te per formare un isolato. L’ingombro predefinito si ispira alla volumetria dell’allineamento storico delle case. Inoltre, il volume è attraversato a mezz’altezza da un passaggio pubblico collegato tramite passerel-le. L’irregolarità è il dato di fatto.La costruzione dell’isolato include tre entità funzio-nali connesse e indipendenti: un edificio di uffici al-lungato, una casa di abitazioni elevata e una piccola villa urbana di tre piani.Gli appartamenti sono traversanti da nord a sud e si aprono su vari lati. Le relazioni visive urbane sono va-rie e le condizioni d’illuminazione sono differenziate.Le finestre di dimensioni generose compensano l’o-rizzonte nascosto. Delle aperture, grandi quanto delle vetrine, prolungano gli spazi di vita verso l’e-

sterno ma lasciano apparire la vita privata dalla stra-da «… si vedono delle luci in alto, un soffitto, un’om-bra, alcuni oggetti» (Colin Rowe, Fred Koetter, Collage City, The Mit Press, Cambridge 1984, p. 94).La volumetria complessa del nuovo edificio è stata te-matizzata tramite la disposizione di aperture irrego-lari e la sequenza di colori complementari. In questo luogo ombreggiato e minerale nel fondo della valle, il ricorso al colore era evidentemente necessario. In col-laborazione con l’esperto Claude Augsburger, è stata definita e declinata una gamma di colori che segue la logica ad incastro del volume costruito. La disposizio-ne di questi colori rinforza la volumetria attraverso l’effetto cromatico e genera l’atmosfera particolare del nuovo quartiere. Questo insieme interconnesso trova il suo equilibrio e la scala giusta, in particolare grazie alla colorazione e le grandi aperture.

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31VLP-ASPAN | Novembre 4/2017

L’accès au parking souterrain se fait dans le socle de l’îlot B, depuis la rue centrale qui connaît un trafic important.

La femme-renarde de l’artiste lausannois Zaric semble songeuse sur la petite place à l’entrée du quartier.

rez-de-chaussée donnant sur la rue du Rôtillon. Cet

ensemble est traversé par une nouvelle rue, la ruelle

des Tanneurs, dont le nom fait référence aux anciennes

activités artisanales du quartier.

Alors que l’îlot A appartient à la crèche de Lausanne,

l’îlot B’ appartient, lui, à une société immobilière privée.

Ce second ensemble comprend un restaurant, des bu-

reaux et sept appartements de luxe avec toits-terrasses,

installés dans plusieurs corps de bâtiments, différenciés

par un jeu de couleurs.

C’est une fondation qui détient l’îlot C, situé un plus

haut au sud-ouest. On trouve dans cet îlot, reconstruit

presque à l’identique, un établissement socio-éducatif

médicalisé, trois appartements, des commerces et un

café. Les bâtiments situés dans l’angle opposé, au sud-

est, ont quant à eux été maintenus et rénovés. Il s’agit de

petites propriétés, aux mains de quelques personnes pri-

vées. Enfin, la ville a réaménagé tous les espaces publics

du quartier – essentiellement des ruelles et des escaliers

– et réalisé une nouvelle place au nord-est, à proximité

de la station de métro «Bessières».

Une diversité visuelle et fonctionnelle

Ce qui frappe quand on parcourt le quartier, c’est sa

diversité, dans un petit périmètre de 8 000 m2 seulement.

L’usage de la couleur contribue assurément à ce

sentiment, de même que la petite taille des réalisations,

confiées à différents architectes. Le quartier offre par

ailleurs une grande densité fonctionnelle avec des

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32 VLP-ASPAN | Novembre 4/2017

SITES EN DIALOGUE

logements, des bureaux, une crèche, une institution

protégée, un parking et des commerces.

La rue du Flon constitue le cœur du quartier avec

des petits magasins et un restaurant. Elle suit le tracé

de l’ancien cours de la rivière du même nom, enterrée au

XIXe siècle, qui descend jusqu’à la place de l’Europe puis

s’écoule sous le quartier du Flon. À partir de cette rue,

plusieurs escaliers et rampes permettent de rejoindre la

rue parallèle du Rôtillon située plus haut, entre les nou-

veaux immeubles et l’arrière des maisons historiques de

la rue de Bourg.

Le fait de mélanger des appartements subvention-

nés et du marché, en octroyant des droits de superficie

à des promoteurs différents, publics et privés, contribue

à une typologie de logements diversifiée avec une large

gamme de loyers, laquelle est censée favoriser la mixité

sociale.

Densifier ou ne pas densifier, telle est la question

Cette réalisation interpelle sur le plan de la densification.

D’un côté, il est clair que le quartier abrite plus

d’activités différentes et de mètres carrés de plancher

que dans la deuxième moitié du siècle passé. On a en

effet reconstruit un îlot (le B) sur un ancien parking à

ciel ouvert, créé de nouveaux logements et permis le

développement de nouvelles activités dans un quartier

qui se trouvait pratiquement à l’abandon. D’un autre côté,

il faut constater une «dé-densification» par rapport à la

situation plus ancienne, puisqu’on a créé une nouvelle

place au pied du pont Bessières, à la place d’anciens

bâtiments démolis dans les années 1920. Le plan de

quartier prévoyait certes la possibilité de reconstruire

à cet endroit, mais le besoin de créer un espace

de «respiration» s’est fait sentir. Ce changement de

perspective fait qu’au final, les nouveaux volumes bâtis

ne sont pas plus grands que ceux qui étaient là jusque

dans les années 1970. Selon Olivier Français, municipal

en charge du projet de 2000 à 2016, on aurait même dû

aller plus loin et réaliser une vraie place publique à la

place de construire l’îlot B (lire l’entretien p. 34).

L’orientation nord et la grande différence de niveau

avec le quartier de la rue de Bourg représentent certai-

nement des facteurs rédhibitoires à une véritable den-

sification quantitative du quartier. Il en va de même de

la proximité immédiate avec deux périmètres inscrits

à l’Inventaire des sites construits à protéger en Suisse

ISOS. D’ailleurs le Rôtillon aurait normalement dû figu-

rer à l’ISOS si celui-ci avait été établi plus tôt, vu que

ce quartier constituait l’une des plus anciennes parties

du centre historique. La ville a tranché dans les années

1990 en faveur d’une reconstruction selon la trame histo-

rique du tissu bâti médiéval. Un tel choix était sensé du

point de vue de la continuité historique et cette réalisa-

tion a sans conteste permis une densification de qualité.

Le choix serait-il le même aujourd’hui? On est en droit

de se poser la question. L’importance de se doter d’une

image directrice, notamment pour identifier les sites qui

se prêtent à une densification, n’est plus à démontrer.

Nombreuses sont les communes et villes de Suisse qui

l’ont réalisé. L’élaboration de ce type de documents per-

met de définir en parallèle de nouveaux espaces libres

qui se révèlent nécessaires pour maintenir un cadre de

vie de qualité. Peut-être que le Rôtillon aurait été l’en-

droit idéal pour cela comme le suggère Olivier Français

dans l’interview ci-après. Ces espaces libres peuvent

même devenir le point de départ de la réflexion, avant

même de parler de nouvelles constructions.

La rue du Flon constitue le cœur du quartier. À gauche, l’îlot B. À droite, l’îlot A et ses petites échoppes.

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33VLP-ASPAN | Novembre 4/2017

La couleur amène diversité et structure

Le coloriste Claude Augsburger a mis en couleur l’îlot B’ et en

nuances de gris l’îlot A. Son travail contribue sans conteste à la

qualité du quartier. L’emploi de différentes couleurs pour l’îlot

B’ permet de décomposer visuellement ce bâtiment en volumes

individualisés, de dimensions plus modestes. Le procédé confère à

l’ensemble un caractère varié, presque domestique.

L’architecte a tenu à associer Claude Augsburger dès le début.

Celui-ci s’est promené dans le quartier afin de constituer la palette

qui a servi à la mise en couleur de l’îlot B’. Il a ainsi pris note des

couleurs des bâtiments existants sur la base de ses observations,

mais aussi sur celle de photographies et de recherches historiques.

Il a proposé à partir de là une quarantaine de variantes de mise en

couleur qui ont fait l’objet de discussions avec les acteurs, le maître

d’ouvrage et l’architecte avant d’aboutir au choix final. Les tonalités

sont volontairement soutenues pour deux raisons: l’étroitesse des

rues ne permet pas d’employer des tons sombres qui absorberaient

trop la lumière naturelle et les couleurs sont amenées à s’éclaircir

au fil du temps.

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34 VLP-ASPAN | Novembre 4/2017

Si vous pouviez choisir, habiteriez-vous aujourd’hui au Rôtillon? Non. J’avais fait par le passé la critique de ce projet.

À mon avis, on a fait des «copier-coller» d’urbanisme.

Tout quartier a une histoire, mais là on a voulu réécrire

l’histoire dans le monde moderne… et cela manque de

vie. Pour les habitants de ce quartier, il y a des espaces

magnifiques, mais qui ne sont pas animés parce qu’il y a

une discontinuité piétonne que la topographie marquée

n’arrange pas.

Du point de vue de VLP-ASPAN, la reconstruction du Rôtillon est un exemple de développement vers l’inté-rieur réussi. Quels sont les points problématiques se-lon vous?Cette réalisation a un intérêt certain. Je regrette toutefois

l’architecture du premier bâtiment jaune qui abrite le

parking. Ce bâtiment n’est pas si mal en lui-même. Il est

construit de façon logique et est bien orienté. L’intérieur

est de qualité. Le problème, c’est son socle, sa relation

à la rue. Or, ce qui est très important pour qu’une

réalisation soit vivante, c’est d’abord le contact avec la

rue. Le volume vient après. Je suis en revanche plus

satisfait des bâtiments réalisés ultérieurement à l’arrière

et qui sont de grande qualité. Là, il a été possible de faire

évoluer les projets. Il y a eu une bonne écoute de la part

des architectes.

Les espaces publics sont également très réussis.

Ils ont été réalisés avec intelligence grâce à Jean-Luc

Kolb, l’urbaniste qui suivait ce dossier. C’est le cas de la

place au nord qui est très agréable. Je pense néanmoins

que c’était une erreur de recréer un espace très serré

entre le bâtiment jaune et les bâtiments situés à l’arrière

reprenant le tracé moyenâgeux. Je pense que si les

anciens bâtiments ont été délaissés jadis, c’est qu’ils

manquaient de lumière, du fait de la déclivité marquée. Il

faut cependant se rendre compte que c’est une conception

qui date du début des années 1990. Aujourd’hui, on

dispose d’autres outils, notamment informatiques, qui

nous permettent d’entrer dans l’espace tridimensionnel

et de mieux visualiser les espaces.

LA PAROLE À…

Olivier Français«L’acte de construire est un dialogue»

Conseiller aux États vaudois PLR, Olivier Français a siégé à la municipalité de Lausanne de 2000 à 2016 et a accompagné le renouveau du quartier du Rôtillon sur la base d’un plan de quartier élaboré en 1994 déjà.

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35VLP-ASPAN | Novembre 4/2017

La rue du Rôtillon confronte les nouvelles constructions avec l’arrière des bâtiments historiques donnant sur la très chic rue de Bourg et figurant à l’ISOS.

L’entrée du quartier côté centre-ville. De gauche à droite, les îlots B, B’ et C. Ce dernier a fait l’objet d’une reconstruction à l’identique.

Peu de temps après votre arrivée à l’exécutif de la ville, un référendum contre le projet a été lancé en 2002. Comment avez-vous vécu cela?J’ai personnellement voté contre ce plan de quartier en

tant que membre du législatif communal dans les années

1990. Ensuite, en tant que membre de l’exécutif, je me

suis retrouvé en situation de devoir le mettre en œuvre.

Aujourd’hui si l’on faisait un tel plan de quartier,

il faudrait avoir d’abord résolu le lien avec la rue. A

l’époque, ça n’a pas été fait dans le bon sens : on a voté le

plan de quartier d’abord, puis on s’est occupé ensuite du

lien avec la rue. Je me souviens qu’il fallait investir une

somme considérable (12 à 18 millions de francs) pour

mettre à niveau la rue centrale entre le Pont Bessières

et le Grand Pont, ainsi que pour les équipements des

ruelles du quartier du Rôtillon. Le référendum a été

lancé contre cette dépense. C’est là que le pilote des

opposants m’a présenté, une semaine avant la votation,

une photo prise en hiver dans les années 1950, montrant

l’espace dégagé le long de la rue centrale en hiver avec

le parking à voitures. Ça ressemblait à une vraie place

urbaine. On aurait dû construire une couronne autour

de cet espace. Je pense que cela aurait été plus adapté.

Donc si c’était à refaire, davantage de vides et d’es-paces extérieurs?Oui. Mais il faut bien se rendre compte que l’argent était

très important lors de la conception de l’ouvrage. La

ville a racheté les terrains à des prix démesurés, autour

de 5’000 francs le mètre carré, ce que j’ai combattu.

Ces prix étaient complètement surfaits et ensuite il a

fallu rentabiliser. On a eu un excès de développement

qui n’était pas réaliste. C’est clair qu’on a aussi la

responsabilité de la manne publique.

De mon côté, j’ai aussi ma part de responsabilité.

Dans les années 1980, j’étais dans le groupe Zschokke,

qui s’appelle maintenant Implenia, et on avait développé

un monstre totalement inadapté (parking avec deux

immeubles). Heureusement, les Lausannois ont dit non

à ce projet-là en référendum en 1989. C’était la même

situation : ce projet avait été fait dans le but de valoriser

le foncier acheté relativement cher.

Dans ces projets de mutation urbaine, au centre-

ville en particulier, si l’on pense d’abord à l’espace avant

de penser au rendement, on peut faire de belles choses,

mais là on n’a pas vraiment su conjuguer les deux.

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36 VLP-ASPAN | Novembre 4/2017

LA PAROLE À...

Il y a tout de même de beaux espaces extérieurs. Que manque-t-il?La rue du Rôtillon, qui se trouve tout en haut du quartier,

est une ruelle fantastique, avec caractère, qui se

prêterait bien à la balade, mais le problème c’est qu’elle

ne débouche sur rien. J’ai essayé, à la fin de mon mandat,

de l’éclairer, de faire des projets, mais ça n’a pas abouti.

Quand je suis arrivé en fonction à la Municipalité

en 2000, le quartier voisin du Flon n’était pas encore

réaménagé. Quand le projet de réaménagement est

arrivé, ma grosse crainte était de perdre les activités

très particulières du centre-ville de Lausanne. Or, avec

le réaménagement du quartier du Flon, on a déplacé le

centre commerçant vers l’ouest, même en étant attentif

à préserver l’attractivité sur la partie est. Au Rôtillon,

on aurait pu faire un quartier bien spécifique, attrayant,

qui aurait contrebalancé le quartier moderne du Flon.

C’est une occasion manquée que je regrette.

Je reviens au piéton. La perméabilité piétonne dans

un quartier est essentielle. C’est d’ailleurs pour cela

que j’ai insisté pour que l’on installe des ascenseurs

sur le pont Bessières. De manière similaire, il est très

important de pouvoir descendre de la rue de Bourg

vers le Rôtillon. C’est cette balade vers le haut qu’il faut

essayer de créer. L’idée de base du plan de quartier n’est

pas fausse mais il faudrait encore créer ce lien. Rien

n’est encore perdu: on pourra peut-être créer un lien

animé avec la rue de Bourg ultérieurement. Les autorités

doivent rester attentives et saisir les opportunités le

moment venu le cas échéant.

Comment a-t-on réglé le financement de la reconstruc-tion du Rôtillon?Ce qui a aidé pour le financement, c’est notamment un

projet pour les aînés avec un accueil paramédical au sud

du quartier porté par une fondation. Cette réalisation

a permis d’offrir une vie urbaine à des personnes du

troisième âge et a contribué au financement. Pour le reste,

mes collègues ont peiné à trouver des investisseurs. La

volonté de n’avoir que des loyers contrôlés a conduit

au retrait d’investisseurs privés et a eu des incidences

négatives sur le bilan financier.

La mise en service de la ligne de métro m2 en 2008, notamment avec la station Bessières toute proche, a-t-elle contribué à l’essor du quartier?Le M2 a globalement fait du bien à toute la ville sur son

axe nord-sud, du bord du lac jusqu’à Epalinges. Sur un

faisceau de 300 à 500 mètres de part et d’autre, on a

vu d’importantes plus-values foncières. Au centre-ville,

Le plan de quartier de 1994. Il a été réalisé dix ans plus tard, quasiment tel quel. Au centre (en rouge), on voit l’îlot B, où se trouvait auparavant un parking. Aujourd’hui le stationnement est enterré sous l’îlot B.

Lausanne, Rôtillon

Plan de quartier

de 1994

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37VLP-ASPAN | Novembre 4/2017

très bien desservi, tant la station Bessières que la station

Flon ont donné une attractivité non négligeable, c’est

vrai, mais ce n’était pas déterminant.

Dans ce quartier, la diversité des réalisations est frap-pante et participe à créer un environnement construit de qualité, notamment par l’apport de la couleur. À quoi doit-on cela?Un des premiers à avoir osé ce genre de choses,

c’est un propriétaire privé dans le haut du quartier.

Personnellement, j’adore cela. La première fois qu’on le

voit, ça étonne un peu. Maintenant que l’on voit cette

diversité sur la colline, ça lui donne ce charme. On doit

cela à l’ouverture d’esprit du Service de l’architecture

de la ville.

Si vous allez sur la colline opposée et que vous

regardez le quartier, vous vous rendrez compte que les

toitures sont aussi importantes que les façades. Il y a là

aussi pas mal de diversité. Cette quatrième dimension

doit être prise en compte dans une ville comme

Lausanne.

Un fin réseau de ruelles forme les espaces publics du quartier.

L’expérience faite au Rôtillon peut-elle servir sur d’autres sites?En urbanisme, l’échange et le dialogue sont vraiment

essentiels. L’acte de construire est un dialogue. Il faut

savoir prendre le temps nécessaire. La qualité d’une

ville, ce n’est pas seulement un acte de construire, c’est

préalablement le choix de l’implantation, des volumes et

des espaces qu’on veut y mettre. Je n’ai pas de règles à

donner dans ce domaine. Chaque quartier a sa propre

histoire. Le Rôtillon était un quartier pauvre et délabré.

J’ai même dû intervenir à l’époque en tant qu’ingénieur

«Dans ces projets de mutation urbaine, au centre-ville en particulier, si l’on pense d’abord à l’espace avant de penser au rendement, on peut faire de belles choses.»

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VLP-ASPAN | Novembre 4/201738

LA PAROLE À...

Nos villes doivent évoluer verticalement. À l’angle des avenues de Cour et du Mont-d’Or à Lausanne, la rénovation et surélévation d’un ancien immeuble constitue un exemple.

pour faire démolir un bâtiment car il menaçait de tomber.

Aujourd’hui Lausanne n’a plus de quartier comme cela.

En revanche, il y a des friches urbaines qui sont très

intéressantes à faire évoluer, comme à Sébeillon ou à la

Rasude.

Notre responsabilité aujourd’hui, c’est aussi de faire

évoluer la ville verticalement. Il y a beaucoup de parties

de quartier qui pourraient accueillir un ou deux étages

supplémentaires. Ce qui nous bloque, c’est l’approche

passéiste du patrimoine, alors même que des architectes

de qualité font des réalisations superbes, par exemple

la rénovation et surélévation d’un bâtiment des années

1920-30 réalisées il y a quelques années à l’angle de

l’avenue du Mont-d’Or et de l’avenue de Cour.

Votre jugement est sévère. La protection du patri-moine veille aussi à ce que l’histoire et la culture du bâti d’un lieu ne disparaissent pas. C'est vrai, la protection du patrimoine doit aussi remplir

cette mission-là. Suivant l'endroit, un conseil et un

soutien peuvent s'avérer nécessaires. À défaut, on n'est

confronté qu'à des contraintes et c'est dommage.

Interview: Alain Beuret, VLP-ASPAN

Congrès-anniversaire«Les 75 ans de VLP-ASPAN»Nous fêterons et marquerons nos 75 ans d’existence, en mettant en lumière l’histoire de notre association et celle de l’aménagement du territoire en Suisse.

Puis nous changerons d’angle. Des collègues européens nous parleront de leur perception du développement territorial suisse. De quoi nous confronter à notre propre reflet. Nous sortirons des sentiers battus et envisagerons l’avenir avec des solutions innovantes.

29 juin 2018 Landhaus, Soleure

Une invitation détaillée, accompagnée des modalités d’inscription, vous parviendra au printemps 2018.

Save the date:29 juin 2018

Soleure

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VLP-ASPAN | Novembre 4/2017 39

CONSEIL

… conseilleVLP­ASPAN est l’Association suisse pour l’amé­

nagement du territoire. En tant que membre, vous 

avez la possibilité d’obtenir rapidement, gratui­

tement et sans formalité des renseignements en 

matière d’aménagement du territoire et de police 

des constructions. Les villes et les communes 

profitent de nos compétences par le biais de 

notre centre de conseil SITES EN DIALOGUE. Elles 

y trouvent un soutien pour toutes les questions 

liées au développement vers l’intérieur et à la 

qualité de l’urbanisation, avec un accent sur la 

procédure de planification. 

… informe  Nos membres se tiennent informés des dernières 

tendances liées au développement territorial par 

le biais de notre magazine INFORUM, qui traite  

de plusieurs sujets, des Dossiers de Territoire &  

Environnement, consacrés à un thème spécifique, 

et de notre Newsletter pour l’actualité via Internet.

Vous trouverez nos informations actuelles sur 

www.vlp­aspan.ch

… commente VLP­ASPAN est l’éditrice du Commentaire pra­

tique de la loi fédérale sur l’aménagement du ter­

ritoire. D’une grande importance pour la pratique, 

cet ouvrage de référence vous aide à appliquer les 

dispositions légales de façon conforme au droit. 

… documenteNous résumons les principaux arrêts du tribunal 

relevant du droit des constructions, de l’amé­

nagement du territoire et de l’environnement 

dans notre recueil de jurisprudence, auquel vous 

pouvez vous abonner. Nous gérons en outre une 

base de données avec de bons exemples de 

développement urbain, ainsi qu’une importante 

photothèque.

… formeAvec nos sections, nous proposons régulièrement 

des journées d’étude, des séminaires et des cours 

en lien avec l’aménagement du territoire. Notre 

«Cours d’introduction à l’aménagement du terri­

toire» est particulièrement prisé.   

… crée des liensNous entretenons des contacts étroits avec les 

principaux acteurs du développement territorial. 

Nous participons à des consultations sur des lois 

fédérales relevant de l’aménagement du territoire, 

assurons le secrétariat de l’Intergroupe parlemen­

taire pour le développement territorial et nous 

engageons pour un développement du territoire 

durable à l’échelon suisse.

VLP­ASPAN …

ASSOCIATION SUISSE POUR L’AMÉNAGEMENT NATIONALwww.vlp­aspan.ch 

Commentaire pratique LAT: planifier l’affectationLa loi révisée sur l’aménagement du territoire LAT a instauré un changement de paradigme.  

Elle est pour la première fois intégralement commentée dans le «Commentaire pratique LAT».  

Le premier tome de la série est consacré à la planification de l’affectation. Au nombre des  

éditeurs qui ont collaboré avec VLP­ASPAN à la rédaction de cet ouvrage s’illustrent des juristes 

de renom du droit de la construction, de l’aménagement et de l’environnement.

À commander via le site www.schulthess.com. Un rabais est accordé aux membres VLP­ASPAN. 

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Association suisse pour

l’aménagement national

Sulgenrain 20

CH-3007 Berne

Tél. +41 31 380 76 76

[email protected]

www.vlp-aspan.ch