Discours M. Leon Klein

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Obsèques de Léon Klein Discours de Claude Bartolone Président de l’Assemblée nationale Romainville – 21 juillet 2014 Madame, chère Danielle, Monsieur, cher Serge, Madame, chère Michèle, Madame, chère Madeleine, Madame la Maire, chère Corinne, Mesdames, Messieurs, Nous sommes réunis, rassemblés, autour d’un homme... un homme qui fut une conscience... l'un de ceux que l'on pourrait qualifier de « grand Monsieur »... une personnalité qui a porté au plus haut les valeurs essentielles de l'humanité. Dans la nuit du 18 juillet, Léon KLEIN nous a quittés.... Il s'en est allé discrètement, dignement... avec la pudeur de ceux dont l'histoire personnelle a concordé avec la grande Histoire. Sa famille a perdu un être cher, ses proches un ami, la gauche un camarade, le siècle dernier l'un de ses témoins... et c’est tout Romainville qui pleure l’une de ses grandes et belles figures. Pour moi, il n’y a pas d’honneur plus cruel que celui qui me porte aujourd’hui à célébrer sa mémoire. Mesdames, Messieurs, Un mot revient dès que l'on évoque le parcours de Léon KLEIN. Ce mot... cet adjectif hissé au rang de nom commun, devenu au fil des temps une valeur, une exigence... c'est celui de résistant. Oui, Léon KLEIN, fut un résistant. Sa vie, c'est le verbe « résister » conjugué à tous les temps. Car, ce gamin de Romainville a toujours eu à cœur de défendre la liberté. Liberté de choix, liberté d'engagement, liberté de parole. Résister... oui résister. Déjà en 1936, lui l'apprenti tailleur, s'oppose aux factieux de « la Cagoule », appelés par le patron de la maison de prêt-à-porter où il travaillait pour disperser une grève.

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Obsèques de Léon Klein Discours de Claude Bartolone

Président de l’Assemblée nationale Romainville – 21 juillet 2014

Madame, chère Danielle, Monsieur, cher Serge, Madame, chère Michèle, Madame, chère Madeleine, Madame la Maire, chère Corinne, Mesdames, Messieurs, Nous sommes réunis, rassemblés, autour d’un homme... un homme qui fut une conscience... l'un de ceux que l'on pourrait qualifier de « grand Monsieur »... une personnalité qui a porté au plus haut les valeurs essentielles de l'humanité. Dans la nuit du 18 juillet, Léon KLEIN nous a quittés.... Il s'en est allé discrètement, dignement... avec la pudeur de ceux dont l'histoire personnelle a concordé avec la grande Histoire. Sa famille a perdu un être cher, ses proches un ami, la gauche un camarade, le siècle dernier l'un de ses témoins... et c’est tout Romainville qui pleure l’une de ses grandes et belles figures. Pour moi, il n’y a pas d’honneur plus cruel que celui qui me porte aujourd’hui à célébrer sa mémoire. Mesdames, Messieurs, Un mot revient dès que l'on évoque le parcours de Léon KLEIN. Ce mot... cet adjectif hissé au rang de nom commun, devenu au fil des temps une valeur, une exigence... c'est celui de résistant. Oui, Léon KLEIN, fut un résistant. Sa vie, c'est le verbe « résister » conjugué à tous les temps. Car, ce gamin de Romainville a toujours eu à cœur de défendre la liberté. Liberté de choix, liberté d'engagement, liberté de parole. Résister... oui résister. Déjà en 1936, lui l'apprenti tailleur, s'oppose aux factieux de « la Cagoule », appelés par le patron de la maison de prêt-à-porter où il travaillait pour disperser une grève.

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L'ambiance est électrique. Les cagoulards matraquent sans discernement et n'hésitent pas à frapper les femmes. C'en est trop... et Léon KLEIN décide de s'interposer. La correction qu'il recevra est à la hauteur de son courage. L'éveil politique vous tombe parfois dessus comme un coup sur la tête. Quelques jours plus tard, la CGT l'emmènera, enturbanné, rencontrer le Ministre de l'Intérieur du Front populaire, Marx DORMOY. Il fallait montrer ce dont sont capables ces groupuscules fascistes... et leur résister. Oui, résister encore et toujours... à l'automne 40, quand Léon KLEIN refusera de porter l'étoile jaune. Lui, le fils d'Israël et de Karola, le juif devenu athée, il refusait l'humiliation... et s'interrogeait, avant tant d'autres, sur les véritables intentions des Nazis... et ce que pouvaient représenter comme menaces pour les droits de l'homme et notre République le développement de l'antisémitisme jusqu'à l'horreur de la solution finale. Résister encore. Résister jusqu'au bout, contre l'occupant.... contre la barbarie humaine. En 1942, Léon KLEIN intègre le mouvement de la « Main d’œuvre immigré ». Clandestinité, sabotage, manifestations de rues... tel fut son quotidien, et celui de ses camarades, au cours de ces années de guerre. Il coupe les câbles des chemins de fer... A la piscine de Charenton, il va jusqu'à voler les armes que les allemands laissaient dans leurs cabines pour aller nager. Il distribue des journaux et des tracts pour éveiller les consciences. Puis vint son arrestation, le 27 juillet 1944, par la Gestapo, 14 jours après votre naissance, chère Danielle. La prison de Fresnes... La torture au siège de la Gestapo... La prison de Drancy... Et ce train, qui doit l'emmener à Buchenwald. De ce train qui l'emmenait vers l'enfer, il réussit à s'échapper. Il aimait tant raconter l'épisode de son évasion... La fille du bijoutier de Romainville, qu'il croise à la prison de Fresnes, et qui lui glisse une tenaille dans sa poche. Le débat, dans le wagon, entre ceux qui veulent s'échapper, et ceux, comme Marcel BLOCH, plus connu sous le nom de Marcel DASSAULT, qui pensent que les allemands seront cléments avec eux.

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La lucarne, par laquelle il saute, après en avoir ôté les barreaux, à l'aide de sa pince. Et la commune de Morcourt, près de Saint-Quentin, où il en appelle au curé pour l'héberger. À son retour à Paris, juste après la libération de la capitale, Léon KLEIN ne se départira pas de son idéal. Résister, bien sûr, mais reconstruire et transmettre. Toute sa vie, Léon KLEIN a appelé à la prise de conscience, à l'engagement de chacun. Et rappelé inlassablement que l'histoire de la résistance est faite ainsi ; d'hommes et de femmes si différents, parfois si opposés, capables de choisir d'abord, puis de bâtir ensemble ce qu'est la France d'aujourd'hui. Aujourd'hui, nous lui devons notre liberté. Mesdames, Messieurs, Beaucoup a déjà été dit sur Léon KLEIN. Je tenais, pour ma part, à insister sur la constance de ses idées et la force de son engagement. Léon avait la noblesse et la simplicité des grandes âmes. Il fut de ces hommes de conviction qui se font une haute idée du « devoir » et du « faire ». Face à un monde qui change, aux tragédies répétées de l'Histoire, Léon KLEIN avait choisi l'engagement et n'a pas cessé de nous rappeler que le respect et la solidarité humaine sont des remparts efficaces à la préservation de la paix. Cette philosophie de vie, née des épreuves qu'il a traversées pendant la guerre, il n'a eu de cesse de la transmettre aux jeunes générations. Lui, l'ancien écolier de Romainville, ne refusait jamais de répondre à l'invitation d'un professeur. Il voulait apprendre aux jeunes que l'esprit de résistance ne s'inscrit pas seulement dans l'histoire, mais représente une valeur universelle, une valeur qui doit éclairer notre quotidien et notre avenir. Il laisse à la jeunesse le témoignage précieux qu’une vie, une simple vie peut être utile par les actes accomplis, par les mots prononcés, par les traces laissées. Au-delà de ses engagements, il y avait aussi l'homme... un homme distingué, jovial, généreux, toujours charmant.

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C'était toujours un plaisir de le voir en société, tiré à quatre épingles, avec ce regard malicieux et son sens de l'humour légendaire. Chère Danielle, cher Serge, chère Michèle, chère Madeleine, Vous pouvez avec raison être fiers de Léon, fiers de ce qu'il a accompli. La présence aujourd'hui de nombreux Romainvillois venus lui rendre un dernier hommage témoigne de la nature sincère des liens personnels qu'il avait tissés. Vous entourer, en ces moments si pénibles, de notre affectueuse sollicitude et de notre fidèle amitié, vous permettra, je l'espère, de supporter le choc du destin. Mesdames, Messieurs, Il est difficile de faire l'éloge d'un homme – de saisir par des mots, non seulement les faits et les dates de ce qui forme une vie mais aussi la vérité essentielle de sa personne. Parler de Léon KLEIN peut parfois donner l'impression de feuilleter un livre... un roman historique dont il serait le héros... un tableau imagé du XXème, avec ses romances et ses turpitudes. Et pourtant... Pourtant, Léon KLEIN n’est pas un personnage de fiction. Il a existé. Je l'ai connu. Vous le connaissiez. Léon KLEIN.... c'est cet esprit de résistance, de courage, de patriotisme et d'amour des siens. C'est ce tailleur de la rue des Pyrénées. C'est cet homme de gauche, marqué par les rêves populaires de 36. Ce militant communiste qui a pris ses distances avec son organisation pour une seule raison : te soutenir, ma chère Corinne. Oui, Corinne... Léon KLEIN, c'est cet ami, qui, je le sais, a énormément compté dans ton parcours personnel et politique. C'est ce Romainvillois de toujours, investi, connu et reconnu. C'est ce photographe amateur qui, avec son appareil, aimait immortaliser chaque instant de vie comme autant de clichés. Léon KLEIN, c'est une vie multiple au service d'un idéal. Un idéal devenu devise de la République française... Un idéal universel... Un idéal fait de liberté, d'égalité et de fraternité.

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Mais Léon KLEIN, c’est aussi une vie dangereuse, une vie d’aventures, une vie d'espérance. C’est, je crois, une vie qui raconte quelque chose. Pas seulement sur lui, pas seulement sur Romainville ou la Seine-Saint-Denis, pas seulement sur la France... mais sur notre histoire à tous. André MALRAUX a écrit qu' « à défaut de pouvoir ressusciter les êtres, nous pouvons ressusciter leurs rêves ». Je suis convaincu que toutes celles et ceux qui ont apprécié Léon KLEIN sauront rester fidèle à sa mémoire et son exemple.