DISCOURS, ÉNONCIATION - Suso López

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Javier SUSO LÓPEZ (coord.) DISCOURS, ÉNONCIATION ET ENSEIGNEMENT/APPRENTISSAGE DU FLE MÉTODO EDICIONES GRANADA

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Javier SUSO LÓPEZ (coord.)

DISCOURS, ÉNONCIATION

ET

ENSEIGNEMENT/APPRENTISSAGE DU FLE

MÉTODO EDICIONES GRANADA

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Primera edición: 2001 Queda rigurosamente prohibido, sin la autorización de los titulares del “copyright”, bajo las sanciones establecidas en las leyes, la reproducción total o parcial de esta obra por cualquier medio o procedimiento, comprendidos la reprografía y el tratamiento informático. ISBN: 84-7933-204-2 Dep. Legal: GR-1378-2001 Editado por MÉTODO Ediciones C/ Rector López Argüeta, 21 18001 GRANADA Tél. 958-290577 [email protected]

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ABRÉVIATIONS CC - Compétence de communication FLE - Français langue étrangère LE - Langue étrangère LM ou L1 - Langue maternelle, première langue L2 - Langue seconde SC - Stratégie de communication

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CHAPITRE 6 Les stratégies de communication

1. Introduction. Stratégies d’apprentissage, stratégies énonciatives, discursives, conversationnelles et stratégies de communication. 2. Les stratégies de communication (SC). Approches et typologies. 2.1. L’approche d’Elaine Tarone, Andrew C. Cohen et Guy Dumas (1976). 2.2. Le modèle de SC de U. Frauenfelder et Rémy Porquier (1979). 2.3. L’approche interactive d’Elaine Tarone (1981; approche complétée en 1989 avec la collaboration de George Yule). 2.4. L’approche psycholinguistique de Claus Faerch et de Gabriele Kasper (1983). 2.5. L’approche psychologique (cognitive) de Ellen Bialystok (1983). 2.6. Le classement de T. Paribakht (1985). 2.7. Le modèle du “Projet de Nimègue”. 2.8. Recherches empiriques sur les SC. Bilan. 3. Répercussions pour l’enseignement/apprentissage de la LE. 3.1. Compétence stratégique et stratégies de communication. 3.2. Stratégies de communication et stratégies d’apprentissage. 3.3. Préparer les apprenants à développer la compétence stratégique: exercices de métacognition et exercices d’utilisation des SC. 3.3.1. Les exercices de métacognition. 3.3.2. Les exercices d’utilisation effective des SC. Annexe. Références bibliographiques

1. Introduction. Stratégies d’apprentissage, stratégies énonciatives, discursives, conversationnelles et stratégies de communication (SC)

Le terme stratégie est utilisé de nos jours dans de nombreux domaines et disciplines: il convient d’en préciser le sens. C’était, à l’origine dans le domaine militaire, l’ “art de faire évoluer une armée sur un théâtre d'opérations jusqu'au moment où elle entre en contact avec l’ennemi” (Petit Robert). On l’opposait ainsi à tactique, qui n’était qu’une “exécution locale, adaptée aux circonstances, des plans de la stratégie”. Dans une acception figurée, une stratégie est un “ensemble d'actions coordonnées, de manœuvres en vue d'une victoire”; employer une stratégie, c’est “agir pour atteindre un but déterminé” (P. Boogards 1988: 89). Dans le domaine de la didactique de la langue étrangère (LE), M. Pendanx (1998: 25) distingue plusieurs types de stratégies pour l’apprentissage des langues: • les stratégies sociales, “qui regroupent toutes les activités et initiatives de

l’apprenant pour pratiquer la LE” (contacts personnels, correspondance, consultation de médias, échanges divers, interactions, etc.).

• les stratégies d’apprentissage proprement dites, “qui contribuent au développement du système de la langue que l’apprenant construit” (M. Pendanx 1998: 25). On y reviendra dans le point 3.2.

• Les stratégies de production constituent “une tentative [de l’apprenant]

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d’utiliser son propre système linguistique de façon efficace et claire, avec un minimum d’effort” (E. Tarone in Faerch et Kasper 1983: 66). Tout comme les stratégies de communication (SC), elles se rapportent à l’usage de la langue, mais elles sont dépourvues d’une volonté d’interaction sur la négociation de la signification: l’apprenant est confronté à ses propres problèmes, de manière isolée; il entreprend tout seul la tâche de communiquer: il peut décider ainsi d’utiliser une structure préfabriquée, de planifier son discours (schéma), ou bien de simplifier son discours..., sans que l’interlocuteur réel ou fictif soit pris en compte.

• Les stratégies de communication (SC). La notion des SC s’est précisée -et diversifiée- au cours des vingt-cinq dernières années. On va se contenter pour l’instant d’une définition minimale2, qu’on développera dans le point suivant avec des explications, des commentaires et les typologies respectives selon les différentes propositions qui existent à ce sujet: les SC sont “une façon d’exprimer une signification dans une L2 ou une LE de la part d’un apprenant qui possède une maîtrise limitée de la langue. Dans ses tentatives de communication, l’apprenant doit ainsi pallier les lacunes dans ses connaissances de grammaire ou de vocabulaire. Par exemple, l’apprenant ne sera pas capable de dire Il est interdit de garer ici et il dira *ici, pas voiture”, ou bien une autre expression similaire (Richards et autres 1997: 151). On retrouvera les expressions telles que: “lacune”, “manque de connaissances”, “façons, procédés, ressources ou techniques de compensa-tion”, etc., dans toutes les définitions, mais des divergences vont surgir à partir des recherches expérimentales sur des apprenants sur plusieurs points: le degré de conscience dans la mise en oeuvre des SC (question fondamentale pour bâtir une possibilité d’apprentissage et d’application postérieure des diverses “techniques” ou “ressources”), leur portée (compréhension, production; oral et écrit), leur variabilité selon la LM de référence, ou bien encore leur présence chez les locuteurs de LM.

2 C’est cette définition minimale que nous avons exposée dans Suso, 2000 : 184, puis 188-189. Évidemment, au cours de ce chapitre, nous développerons cette définition de base. avant d’en tirer les répercussions d’ordre didactique.

Le terme de stratégie est utilisé dans bien d’autres domaines. En premier lieu, pour ne pas sortir de la didactique du FLE, il faudrait parler -de façon parallèle aux stratégies d’apprentissage- des stratégies d’enseignement: c’est le “choix d’une classe de décisions”, par lequel se définissent une série d’actions ou d’attitudes du professeur, qui s’orientent ou qui convergent vers la consécution d’un même objectif didactique (Besse 1984: 247): on peut ainsi dire que tel professeur utilise en classe une série de stratégies d’enseignement pour que les

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Chapitre 6º. Les stratégies de communication 7 élèves parlent la LE avec naturel, sans tensions, sans peur du ridicule. On y reviendra au point 3.2. sur cette question. Nous avons dit auparavant que le domaine d’application pour le concept de “stratégie de communication” (SC) peut dépasser le cadre de l’acquisition d’une LE et porter sur le domaine de l’acquisition de la LM (didactique de la LM) ou tout simplement des locuteurs natifs d’une langue: on est dans un domaine d’application plus spécifiquement linguistique. On parle dans ce cas précis plutôt de stratégies conversationnelles: «ensemble des opérations visant à réguler l’interaction: ouverture et clôture de l’échange, utilisation de l’argumentation, évitement ou insistance, etc.» (M. Pendanx 1998: 26, note 15). Il faudrait voir si les stratégies de communication employées par les locuteurs natifs sont les mêmes que celles utilisées par les apprenants de LE, ou de L2. En principe, on ne voit pas pourquoi un apprenant de LE ne pourrait pas recourir à une stratégie “conversationnelle” (par exemple, une argumentation) si son but consiste à convaincre quelqu’un (un locuteur réel; ou bien dans un débat en classe) de quelque chose. Ou bien, on parle encore de stratégies énonciatives ou discursives, par lesquelles on règle le choix des actes de parole en fonction de l’intention de communication et du déroulement de l’échange. Ou encore, l’expression stratégie de communication est utilisée dans un domaine d’application spécifique, par exemple le domaine de l’économie, du marketing, de la publicité, où il s’agit de créer une image de marque, d’appeler l’attention du consommateur (dans le but de mieux vendre le produit), par exemple, à travers un jeu de mots, la répétition de deux ou trois idées-clés, etc. Il peut être intéressant de connaître ces domaines pour une application à l’ensemble des échanges communicatifs de certaines de ces techniques. 2. Les stratégies de communication (SC) Le domaine où nous allons analyser les SC est celui de la didactique de la LE, et plus spécifiquement celui de l’apprenant de LE: quelles conduites il adopte pour résoudre les problèmes de communication (compréhension, expression) qu’il rencontre au cours de ses échanges conversationnels (interaction), soit avec les locuteurs réels de LE ou bien avec d’autres apprenants en situation scolaire (simulations, jeux, activités communicatives...). Nous allons en principe assimiler ces deux situations de communication, même si le type de communication qui s’y réalise est spécifique dans chaque cas. Nous établissons en conséquence un domaine de recherche assez bien délimité, dans lequel nous situons les réflexions sur les stratégies de communication: celui de la communication en situation scolaire; mais aussi, celui de la communication en situation réelle, par des apprenants de LE. Notre approche n’est pas de fixer un domaine d’analyse parcellaire (un certain type de conduite linguistique des apprenants), et d’essayer de le comprendre à partir de l’application d’outils psycholinguistiques: ce ne serait que la première partie de l’analyse, et l’on pourrait penser que les SC sont plutôt des conduites de discours irrégulières, propres des apprenants de niveau 1, ou du moins des comportements

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Discours, énonciation et enseignement/apprentissage du FLE 8 langagiers anecdotiques, destinés à être éliminés. Il faut dire que même si le domaine de l’échange communicatif est restreint aux limites indiquées, les activités langagières qui peuvent s’y réaliser sont ouvertes à l’infini, comme dans n’importe quelle autre situation de communication. Le but de notre exposé consiste en effet à situer le phénomène des SC à l’intérieur de l’usage général de la langue (pragmatique), où la communication doit être vue comme une activité de résolution de problèmes qui exige une planification habile et un choix de ressources de la part du locuteur. C’est seulement dans cette approche que surgit la connexion nécessaire avec les stratégies communicatives propres aux locuteurs natifs (stratégies discursives et/ou conversationnelles: compétence stratégique). La question: comment enseigner aux apprenants à user des SC appropriées à leur niveau de LE doit ainsi se poser dans ce contexte général. Dans l’introduction à l’ouvrage qu’ils éditent (1983), Claus Faerch et Gabriele Kasper rattachent les recherches sur les stratégies de communication aux recherches sur l’interlangue: la façon où celle-ci se construit et se développe se présentait dans les années 70 et 80 comme le moyen idéal pour découvrir finalement comment se produit l’apprentissage d’une LE. L’étude sur l’interlangue s’était distribuée autour de trois grands pôles: -l’interlangue en tant que système linguistique: on cherchait donc à décrire les composants, le produit observable de chaque stade; -l’interlangue en tant que processus d’apprentissage: comment l’apprenant construit et développe ce système; on essaie de découvrir les mécanismes qui sont présents dans sa conduite, quelles stratégies sont activées, etc. -l’interlangue en tant que processus de communication: comment le locuteur/apprenant fait usage des processus de réception/production; on s’intéresse alors plutôt à l’analyse des aspects interactionnels de la communication, sous quelles façons les systèmes de l’interlangue sont utilisés dans des situations de communication spécifiques entre des locuteurs qui ne possèdent pas en partage une L1 de façon canonique (c’est-à-dire qu’ils ne sont pas des “natifs”). C’est à partir de la troisième approche de l’interlangue, qui rejoint la question du problème à résoudre ou de but à atteindre (dont découlent les propositions d’actions), que nous allons examiner une série de définitions des SC, et de typologies correspondantes, en les présentant selon leur déroulement chronologique, en soulignant les points précis qui peuvent intéresser les apprenants: l’approche de Tarone, Cohen et Dumas (1976), premier grand classement des SC; le modèle de SC de U. Frauenfelder et R. Porquier (1979); l’approche interactive d’E. Tarone (1981); l’approche psycholinguistique de Cl. Faerch et G. Kasper (1983); le modèle de la structure cognitive de Bialystok (1983); et le modèle du “Projet de Nimègue”. La diversité des classements proposés provient des différentes approches de la question des SC: la conception de celles-ci va varier, et donc les critères de l’analyse, et finalement, la typologie des manifestations langagières de la part de l’apprenant. Malgré les différences dans les approches, ces modèles ont des points

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communs, qu’il importe de souligner et de tenir à l’esprit pour ne pas se perdre dans les classements: -la considération des SC en tant que stratégies de résolution de certains problèmes de communication: ceux qui se posent à l’apprenant lors d’une production orale, ou encore ceux qui se posent lors de l’interaction communicative entre un apprenant et un locuteur natif au sujet de la compréhension (structures sémantiques non partagées). -les SC sont considérées comme des actions pratiques, qui se produisent de façon manifeste lors des échanges communicatifs des apprenants de LE; -elles sont systématiques, c’est-à-dire elles apparaissent chez tous les apprenants; mais pas tous les apprenants vont utiliser les mêmes SC; -les SC exigent la mise en oeuvre d’un certain degré de conscience; cependant, des divergences vont surgir à propos de cette question: Bialystok va questionner le caractère métaconscient des SC. Pour elle, les locuteurs ne se rendent pas compte de façon explicite des SC employées et utilisent de façon routinière les moyens linguistiques qui s’adaptent le mieux à la situation de communication; les SC des apprenants de LE ne seraient pas différentes -quant à leur nature- de celles utilisées par les locuteurs natifs; cependant, ils peuvent y réfléchir, après coup, et devenir conscients des opérations cognitives et des moyens utilisés: c’est le point de départ pour une application didactique. Faerch&Kasper vont de leur côté proposer l’expression suivante, que nous adoptons comme point d’union entre les deux approches: les SC sont des plans “potentiellement conscients”: les locuteurs peuvent s’en rendre compte, si besoin. 2.1. L’approche d’Elaine Tarone, Andrew C. Cohen et Guy Dumas Le premier à avoir parlé des stratégies de communication est Selinker (1972), dans un article intitulé “Interlangue”, pour rendre compte de certaines classes d’erreurs produites par les apprenants d’une LE. En 1976, E. Tarone, A.C. Cohen et G. Dumas publient de leur côté l’article suivant: “A closer look at some interlanguage terminology”, dont le point de vue est encore ancré dans cette optique de l’analyse des erreurs. Il s’agit d’une analyse où l’objectif consiste surtout à comprendre (ou décrire) l’interlangue de l’apprenant, et non pas à définir un moyen spécifique de communication. Ils proposent la définition suivante de SC: «une tentative systématique faite par l’apprenant pour exprimer ou décoder la signification dans la langue cible, dans des situations où les règles de cette langue n’ont pas encore été formées de façon systématique ou appropriée» (E. Tarone in Faerch et Kasper 1983: 63)2. Des définitions similaires sont proposées à l’époque par Tarone, Frauenfelder et Selinker (1976), ou bien par Pit Corder (en 1977): «une technique systématique utilisée par un locuteur pour exprimer ce qu’il veut dire quand il est confronté à une quelconque difficulté». Ces études se situaient encore dans la lignée de l’analyse des erreurs,

2 Tout le long de ce chapitre nous procédons à traduire directement le texte des citations tirées des divers ouvrages consultés. Voir Références bibliographiques.

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Discours, énonciation et enseignement/apprentissage du FLE 10 et le concept de SC n’avait pas encore surgi comme entité indépendante. À partir de cette approche, ils proposent un classement des différents procédés que les apprenants utilisent dans leurs échanges qui démontre la grande variété des stratégies. Et, d’autre part, par l’abandon de l’expression antérieure “stratégies de production” en faveur de l’expression stratégies de communication, et par la définition même proposée, ils s’éloignent de l’optique de l’analyse des erreurs. À travers l’analyse des productions des apprenants, de plusieurs LE, ils proposent la typologie de SC suivante (voir le Tableau 1).

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STRATÉGIES DE COMMUNICATION (Tarone, Cohen, Dumas)

Phonologiques Morphologiques Syntaxiques Lexicales

Transfert à partir de la LM /fi/ au lieu de /fij/ *Je la veux manger *Ils ont que partir au lieu de il faut qu’ils partent

Je sais Jean, au lieu de: je connais Jean

Surgénéralisation caro prononcé /karo/ en roulant fortement le r

He goed il a tombé vení ayer

*je ne sais pas qu’est-ce cela *C’est bien (généralisation abusive)

Utilisation d’une structure préconstruite

- - What do you doing? *Qu’est-ce que tu t’appelles?

-

Surélaboration /hwt/ au lieu de /wt/ Yo quiero ir

Épenthèse */esfe’/ pour /sfe’/ - - -

Évitement

a) évitement proprement dit -changer de thème -absence de réponse

éviter certains sons qui posent problème

éviter de parler de ce qu’il est arrivé hier

éviter de parler de façon hypo-thétique...

Éviter de parler du travail personnel en raison d’une absence de vocabulaire technique

b) évitement sémantique - J’aime nager, en guise de réponse pour: qu’est-il arrivé hier?

Q.: ¿qué quieren los pájaros que haga la mamá? R. Quieren comer

Il regarde et il veut boire, pour éviter le mot armoire

c) sollicitation à l’autorité -demande sur la forme -demander si c’est correct -demande de révision

Q.: f....? R.: fauteuil

Q.: je l’ai....? R.: prise

Q.: El quiere que.... R.: vayas

Comment on dit helado en français?

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Discours, énonciation et enseignement/apprentissage du FLE 12 d) paraphrase Les garçons et les filles

au lieu de: les enfants pour éviter une liaison

*Il les faut partir au lieu de il faut qu’ils partent, pour éviter le subjonctif

J’ai trois pommes au lieu de j’en ai trois, pour éviter le pronom en

mot à référence générale: quelque chose pour me sécher les mains

e) abandon du message Les oiseaux gaz... (gazouillent dans les arbres était demandé)

El quería que yo... (fuera a la tienda était prévu)

Qu’est-ce que vous...? Si j’avais....

f) interruption du code Je veux un cuchillo Le livre de Paul’s Je ne pas go to school We get hostie from le prêtre

Tableau 1. Les SC selon Tarone, Cohen et Dumas (1976)3

3 On a changé certains exemples (on les fait alors précéder d’un astérisque) pour les adapter à des apprenants de FLE ou de ELE. Parfois, on a décidé de laisser l’exemple anglais LE.

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Chapitre 6º. Les stratégies de communication 13 2.2. Le modèle de SC de U. Frauenfelder et R. Porquier (1979) C’est dans article de Pit Corder (“Strategies of communication”, 1978) que se produit l’abandon complet de l’optique de l’analyse des SC en tant que “erreurs de l’apprenant”, désireux de communiquer au cours d’un échange verbal, mais incapable de le faire correctement avec les moyens de bord qu’il possède, en faveur des SC en tant que stratégies utilisées par un locuteur (apprenant de LE) dans des circonstances spécifiques, sans prendre en compte si elles sont en accord ou non avec les normes grammaticales. Nous avons pu constater en effet que le classement antérieur contient essentiellement des exemples typiques d’une communication scolaire centrée sur la manipulation du code. C’est une perspective plus large qui s’ouvre avec P. Corder, en distinguant l’apprentissage de la communication: “les SC ont essentiellement à voir avec le rapport entre les buts et les moyens” (in Faerch et Kasper 1983: 17). Pour U. Frauenfelder et R. Porquier, les SC comprennent ainsi l’ensemble des opérations «visant à pallier les lacunes de la connaissance selon les besoins d’expression et de communication» (1979: 54). Des définitions similaires, répondant à cette approche, sont proposées: pour M. Pendanx, les SC permettent à l’apprenant «de faire face avec succès aux difficultés qui peuvent surgir dans la communication» (1998: 25); pour Stern (1983), ce sont des «techniques pour faire face aux difficultés dans la communication dans une langue seconde imparfaitement connue». À partir de cette approche, Frauenfelder et Porquier distinguent trois catégories de SC (1979), que nous exposons au Tableau 2. Nous pouvons observer que, comme conséquence de changement d’optique produit (qui est explicitée dans la définition des SC correspondante), les stratégies de sollicitation ne sont plus classées comme dans le Tableau 1, dans le point “stratégies d’évitement”, et un point nouveau, très important, se développe: les stratégies compensatoires.

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STRATÉGIES DE COMMUNICATION (Frauenfelder et Porquier)

Stratégies de formulation (ou compensatoires). Elles visent la réussite de la communication pour compenser des moyens limités ou pour éviter le risque d’erreur

emprunts de mots à la LM

traductions littérales

mots inventés et créations de néologismes

emploi de mots vides (“truc”)

emploi d’hyperonymes (“animal” pour “renard”)

paraphrases et circonlocutions (“objet pour ouvrir une bouteille” au lieu de “tire-bouchon”)

recours systématique à certaines tournures ou structures (par exemple, devoir + infinitif, au lieu de il faut + subjonctif)

communication non verbale: gestes, dessins...

Stratégies de sollicitation. Le locuteur/apprenant fait appel à une aide extérieure

annonce de son identité d’étranger

demande d’aide à l’interlocuteur ou à une tierce personne

vérification que l’on a été compris ou que l’on a compris

recours à des sources d’informations (consultation d’un dictionnaire)

Stratégies d’éludage (ou de dérobement) Elles sont moins formelles, et concernent le contenu de l’échange. Le locu-teur/apprenant tend à contourner les risques inhérents à la communication, quitte à les réduire au point d’y renoncer

modification: on renonce à nuancer sa pensée en ayant recours à des formules ou des expressions dont est sûr

évitement: on change de sujet, on passe la parole à quelqu’un d’autre ou, lorsque l’on est étranger, on préfère se déplacer pour faire une démarche alors que l’on pourrait par exemple téléphoner

abandon de la relation de communication: on se tait

Tableau 2. Classement des SC selon Frauenfelder et Porquier (1979)

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Chapitre 6º. Les stratégies de communication 15

2.3. L’approche interactive Tarone (1981) À la suite des propositions de Pit Corder, une conclusion s’imposait: parler d’un but communicatif implique la présence d’un certain degré de conscience dans le choix des productions langagières; mais aussi, la dépendance des SC de l’échange communicatif, donc le rôle de l’interaction entre locuteurs. E. Tarone (1977) et Varadi (1983) explicitent nettement la première conclusion: les SC sont «la tentative consciente de communiquer sa pensée de la part de l’apprenant quand les structures de l’interlangue sont inadéquates pour transférer cette pensée». Les recherches sur les SC vont consister pendant une série d’années à préciser ce qui est conscient de ce qui ne l’est pas. Dans la même période, E. Tarone, en 1980, va proposer une définition des SC basée sur une approche interactive de la communication: les SC sont «une tentative mutuelle de deux interlocuteurs pour se mettre d’accord sur la signification dans des situations où les structures significatives requises ne sont pas partagées». Puis, en 1981: «ce sont les tentatives pour remplir le fossé entre la connaissance linguistique de l’apprenant d’une LE/L2, et la connaissance linguistique d’un interlocuteur de la langue cible dans des situations de communication réelles» (in Faerch et Kasper 1983: 65). Dans cette définition, nous mettons en relief les éléments suivants: -il s’agit de tentatives mutuelles, entreprises par les deux interlocuteurs, qui essayent de remplir un fossé existant: il se produit une négociation du sens entre un locuteur apprenant et un locuteur natif; le premier utilise ses connaissances imparfaites de L2, tandis que l’ autre restreint ses moyens linguistiques à ceux qu’il croit être à la portée du locuteur non natif. Donc, les SC sont déterminées par des principes de communication: l’usage de moyens alternatifs cesse une fois qu’on est arrivé à une signification partagée; ou bien, on décide d’arrêter la communication (stratégie d’évitement); -le problème de communication peut porter sur des structures linguistiques ou sociolinguistiques. Cette ouverture vers le domaine des normes sociolinguistiques ne va pas avoir une suite précise dans les recherches; dans l’ensemble des analyses, on privilégie la résolution des problèmes sémantiques (dérivés du code linguistique ou des représentations culturelles), étant donné la difficulté d’entreprendre des recherches empiriques dans cette voie. À partir du point de vue interactionnel adopté, E. Tarone constate qu’il se produit des phénomènes réels et très intéressants quand un apprenant de LE essaie de communiquer avec des locuteurs de la langue cible, qui consistent par exemple dans l’utilisation des stratégies suivantes3: 1. La paraphrase. À l’intérieur de cette modalité, elle distingue: -l’approximation: on sait que ce n’est pas le mot exact, mais qu’il possède des traits sémantiques communs avec l’unité lexicale voulue, qui permettent de

3 Elle ne prétend pas arriver à un classement complet ou logique des SC, mais seulement établir un catalogue qui aide à comprendre la nature des SC.

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Discours, énonciation et enseignement/apprentissage du FLE 16 satisfaire le locuteur; -le mot fabriqué (word coinage); -la circonlocution: on décrit les caractéristiques de l’objet en question; 2. L’emprunt: -traduction littérale -arrêt du code -l’appel à l’aide -le mime 3. L’évitement: -évitement du sujet: on ne parle pas des concepts dont on ignore les correspondances lexicales -abandon du message: on commence à parler d’un sujet, puis on l’abandonne 2.4. Le modèle de SC de Faerch et Kasper Les recherches, critiques et observations sur la présence de la conscience dans la mise en oeuvre des SC portent C. Faerch et G. Kasper (1983) à proposer la définition suivante de SC: «Les stratégies de communication sont des plans potentiellement conscients qu’un individu adopte pour résoudre ce qu’ il se représente comme un problème afin d’atteindre un objectif communicationnel particulier». L’approche cognitive des SC est ainsi soulignée à travers l’expression “plans potentiellement conscients”. Cette définition mérite plusieurs commentaires. Tout d’abord, Faerch et Kasper font dépendre les SC d’un modèle de référence de production langagière, qui se divise en deux phases: la phase de planification (qui comprend à son tour les étapes de fixation du but, planification du processus et le plan lui-même), et la phase d’exécution (qui se décompose en plan, processus d’exécution et action). Dans toutes les phases, il se produit une activité de feedback, ou de contrôle (monitoring), qui élimine certaines erreurs ou les corrige après coup. Dans la planification du processus, l’apprenant/ locuteur conçoit quel type de but il s’est assigné, et fait l’analyse de la situation de communication; il dresse alors un plan qui va contrôler plutôt la phase d’exécution. Ils conçoivent la notion de plan dans le sens établi par Miller, Galanter et Pribam, c’est-à-dire comme “programme qui contrôle l’exécution d’une suite d’actions”, et qui est hiérarchiquement organisé. Le plan se distingue par l’obligatoriété des actions, ou des stratégies qui en découlent (Bialystok, 1978), de même que par le caractère optionnel de celles-ci, et donc leur intentionnalité, c’est-à-dire, le locuteur adopte librement certaines d’entre elles plutôt que d’autres, mais, une fois choisies, elles constituent une suite ordonnée (Frauenfelder et Porquier, 1979): on peut dire que le plan constitue une séquence d’actions où l’ordre des facteurs modifie le produit obtenu. Le processus fait référence aussi à une suite d’actions pour parvenir à un but: c’est “une séquence dynamique des différents pas dans lesquels se décompose un système ou un

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Chapitre 6º. Les stratégies de communication 17 objet” (ainsi on parle de “processus d’acquisition d’une LE”). Mais, face au plan, qui exige une décision, ou un contrôle volontaire des actions (même si celles-ci peuvent devenir automatiques), les actions ou les pas dans lesquels se décompose le processus peuvent être totalement inconscients. Il faut cependant différencier les termes de stratégie et de processus, longtemps confondus (c’est-à-dire, utilisés de façon interchangeable) dans la littérature didactique ayant comme objet l’analyse de l’interlangue, des erreurs ou des stratégies de production/communication des apprenant. Le terme processus fait référence -comme celui de stratégie- à une suite d’actions pour parvenir à un but: c’est “une séquence dynamique des différents pas dans lesquels se décompose un système ou un objet” (ainsi on parle de “processus d’acquisition d’une LE”). Mais, à la différence des actions stratégiques, les actions dans lesquelles se décompose un processus ne sont obligatoires ni dans leur présence incontournable (Bialystok, 1978; Frauenfelder et Porquier, 1979), ni dans leur place respective, ou leur déroulement temporel: la mise en place d’une stratégie exige une séquence hiérarchiquement organisée, où l’ordre des facteurs modifie le produit obtenu. La présence ou non de la conscience ne sert pas à départager un type d’actions de l’autre: les actions dont il s’agit impliquent des conduites où la présence ou l’absence d’une fonction introspective est difficile à établir, et même plus à nier en estimant qu’il s’agit d’une activité mentale inconsciente. En outre, il peut se produire un passage du plan conscient au plan inconscient à travers l’automatisation d’une conduite. Les SC sont des programmes ou des plans d’action, ou, pour être plus précis, elles constituent une sous-classe d’un plan (un plan de communication se décomposerait en plusieurs SC, et en d’autres éléments): c’est-à-dire, dans le modèle de production langagière de référence établi par Faerch et Kasper, elles se situent dans la première phase, celle de la planification, ainsi que dans la deuxième phase, celle de l’exécution. Les SC sont d’abord envisagées en tant que plans (construction psychologique), puis elles deviennent des orientations pour la réalisation (exécution) concrète des actions (ou des processus). L’application du plan consiste à exécuter une SC précise: par exemple, confronté à un problème, ayant analysé le type de situation, on envisage le recours à une simplification syntaxique (SC); puis on procède à l’acte de simplifier la phrase qu’on émet. Cette caractéristique des SC permet leur transformation en stratégies d’apprentissage, si on le veut bien. Au-delà du détail des étapes de chacune des deux phases, ce qui est important est que la production langagière est envisagée en tant que conduite intellectuelle, ou intelligente: les actions observables et les comportements langagiers appellent à des processus cognitifs. Et l’une des manifestations de cette conduite intelligente consiste à dresser un plan de communication, de façon consciente, ou plus ou moins consciente. De là le choix conceptuel en faveur du terme “plan”: la rupture avec le béhaviorisme est ainsi totale. On aurait ainsi le tableau suivant:

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Discours, énonciation et enseignement/apprentissage du FLE 18 Usage langagier Processus ---------------------------------- Stratégies Communication<------------> Apprentissage Types spécifiques de stratégies Tableau 3. Stratégies et processus, selon Bialystok (1990: 15). En second lieu, on retrouve l’idée qu’une stratégie est utilisée là où un individu est confronté à un problème, qui peut être défini comme «la reconnaissance par un individu de l’insuffisance de la connaissance qu’il possède pour atteindre un but» (Klaus et Buhr, cité par Faerch et Kasper 1983: 32). L’important, disent-ils, est d’interpréter l’utilisation des SC comme la solution à un problème posé et non comme l’atteinte d’un but. Toute tâche à réaliser ou toute activité communicative n’est pas forcément source d’un problème de communication. «Le but d’une stratégie est ainsi le problème, et le produit de la phase d’exécution contrôlée par la stratégie est la solution du problème». Ce qui implique qu’une stratégie est une activité déployée en vue d’un but déterminé et que cette activité demande l’attention explicite du locuteur, puisque lorsque nous rencontrons un problème, nous devons être conscients des difficultés à surmonter. Il faudrait différencier ainsi entre le but d’une SC concrète (ou “strategic goal”), et le but global d’un échange communicatif, ou objectif communicatif, étant donné que toute production d’un discours établit de façon particulière un contenu spécifique, fonctionnel ou modal, à l’intérieur duquel il peut se créer un problème de communication particulier dû à cette insuffisance dans la connaissance de la LE. D’autre part, il faut dire que la notion de conscience n’est pas facile à définir comme critère parce qu’elle est un phénomène objet d’une gradation; ou encore, on sélectionne à la fois certains éléments langagiers (par exemple, un trait syntaxique: consciemment), et pas un autre (un effet articulatoire). Les actions mises en oeuvre (dans le plan, ou la stratégie) impliquent des conduites où la présence d’une fonction introspective est incontournable: il s’agit bien sûr d’une activité mentale consciente. Mais il peut se produire un passage du plan conscient au plan inconscient à travers l’automatisation d’une conduite: les plans d’abord consciemment utilisés peuvent devenir plus tard le résultat d’un processus automatisé. Certains (Leontiev, Rehbein) estiment même l’existence

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Chapitre 6º. Les stratégies de communication 19 d’une communication planifiée qui s’opposerait à une communication non planifiée. Cela implique plus exactement que les stratégies sont employées consciemment ou non consciemment, d’autres diraient plus ou moins consciemment. Pour ces raisons, Faerch et Kasper définissent les stratégies comme des processus potentiellement conscients, ce qui rend possible le classement des plans: -qui sont toujours employés de façon consciente; -qui ne sont jamais employés de façon consciente; -qui, chez certains locuteurs ou dans certaines situations, peuvent être conscients, et qui, chez d’autres locuteurs ou dans d’autres situations, peuvent être utilisés de façon non-consciente. Ces considérations faites, nous présentons la typologie de Stratégies de Communication établies par Faerch et Kasper (voir Tableau 4). Cl. Faerch et G. Kasper caractérisent leur approche de “psycholinguistique” (pour marquer la différence avec l’approche interactive d’Elaine Tarone) en remarquant que ce sont les problèmes expérimentés par l’apprenant, au cours de la réception du discours, de la planification et de l’exécution des énoncés produits qui sont au cœur de l’analyse. Le fait d’être coopératives ou interactives n’est pas un élément essentiel des SC: dans le classement proposé, l’apprenant a le choix d’essayer de résoudre son problème de communication d’une façon coopérative (en appelant à l’aide de l’interlocuteur), ou bien il peut essayer de résoudre son problème par ses propres moyens en employant un autre recours. L’interaction n’est donc pas un critère ou une condition nécessaire des SC, le locuteur pouvant décider de ne pas partager avec son interlocuteur son problème: bien sûr, celui-ci peut induire que l’apprenant possède un système d’interlangue réduit et venir à son secours à l’insu de l’apprenant (en simplifiant de son côté son discours, en ralentissant son débit, en articulant davantage, en insistant sur les concepts clés par une répétition ou par l’emphase, etc.). Comme dans la question de la conscience, de nombreuses nuances interviennent dans l’échange communicatif qui rendent très problématique l’établissement de caractéristiques générales valables toujours et partout.

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STRATÉGIES DE COMMUNICATION (FAERCH&KASPER)

Phonologique on évite de prononcer certains mots (par exemple: fille, je, juger pour un apprenant hispanophone de FLE), pour ne pas prononcer certaines phonèmes

Stratégies de réduction On rejette le problème, on change de but communicatif

Réduction formelle: L’apprenant communique à l’aide d’un système réduit, pour éviter des productions ou des énoncés laborieux, incorrects ou hésitants, du fait que les items ou les règles sont insuffisamment automatisés

Morphologique on évite une proposition subordonnée régissant le subjonctif, et on construit une proposition infinitive: il faut aller (dans ce cas: emploi correct)4, au lieu de il faut que tu ailles

Syntaxique on évite la construction passive: “cette lettre l’a envoyée Jean” (parfois: emploi approprié: cette lettre c’est Jean qui...)

Lexicale Plusieurs types de raisons peuvent conseiller l’évitement d’un mot (difficulté de prononciation; non-assurance de l’appropriation du sens...)

Réduction fonctionnelle: L’apprenant réduit le but communicatif pour éviter un problème (évitement)

évitement du sujet (topic avoidance)

on ne parle pas d’un sujet, n’étant pas sûr de connaître les correspondances entre les concepts et le lexique

abandon du message (message abandonnement)

l’apprenant arrête une phrase en cours d’énonciation, se rendant compte que cela peut lui entraîner des problèmes quant à une règle/forme

signification de rem-placement

l’apprenant n’arrête pas l’énoncé, mais dirige l’expression vers une signification plus générale. L’apprenant dit ce qu’il voulait à peu près

4 Il peut sembler qu’il s’agit plutôt d’un exemple d’évitement syntaxique: cependant, c’est l’évitement du radical du verbe aller du subjonctif qui veut être évité (par souci de ne pas commettre une erreur due à une méconnaissance ou par un souci de production naturelle, non hésitante).

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Chapitre 6º. Les stratégies de communication 21 Changement de code (code switching)

je voudrais de la... “mantequilla”?

Traduction littérale (interlingual tranfer)

« Dónde hay una ‘pubela’ »? (on essaye d’ajuster le mot aux codes phonologiques et morphologiques de la langue cible)

Stratégies de résolution (“achievement”) On essaye de faire face au problème, et de le résoudre en développant un plan alternatif, et tout en conservant le but communicatif

Stratégies compensatoires Le problème se présente par la possession insuffisante de ressources linguistiques. Le classement se réalise en fonction des ressources auxquelles l’appre-nant fait appel.

Surgénéralisation des règles (inter-/intralingual transfer)

création du féminin “Une professeure” (forme correcte au Québec) La généralisation (extension) peut s’effectuer à partir des règles de la LM ou de la LE qui ont été transférées à l’interlangue

stratégies basées sur l’interlangue

-généralisation (on remplit un “trou” à l’aide d’une unité lexicale différente) : animal pour lapin -paraphrase ou exemplification : “Mais oui..., c’est une espèce de bicyclette qui a un moteur” -mot fabriqué (word coinage) -Restructuration : J’ai …. (*faim) -> je veux manger

stratégies decoopération

Le locuteur se fait aider ; Appel au dictionnaire

stratégies nonlinguistiques

mime, gestes, imitation de sons (stratégies non linguistiques)

Stratégies derécupération (retrieval)

Six procédés sont distingués pour récupérer une unité lexicale qui ne vient pas en possession effective : attendre que le mot vienne ; faire appel à une similitude formelle ; faire appel au champ sémantique ; rechercher dans d’autres langues ; récupération à l’aide des situations d’apprentissage ; procédés sensoriels

Tableau 4. Les SC selon Faerch et Kasper (1983)

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Discours, énonciation et enseignement/apprentissage du FLE 22 Même avec les réserves indiquées, les définitions des SC et les classements exposés jusqu’ici possèdent les caractéristiques suivantes: a) l’existence d’un problème à résoudre, ou d’une finalité à atteindre (comprendre un texte, ou rédiger un résumé, par exemple). Les SC sont utilisées seulement quand le locuteur perçoit qu’il existe un problème qui peut interrompre la communication. b) la possession chez le locuteur d’un “plan d’action” global. L’existence d’un plan d’action global implique que l’on sait (de façon plus ou moins précise) où l’on veut aller (ce que l’on veut communiquer). c) la coordination d’une série d’actions décidées de façon potentiellement consciente et orientées vers la résolution de ce problème. Cependant, il ne faudrait pas croire que cela veut dire que l’apprenant sélectionne, délibérément, dans un répertoire donné de ressources, celles qui lui semblent les plus adaptées pour l’obtention de l’effet désiré. En effet, des analyses sur l’utilisation des SC montrent que le degré de “conscience” (Faerch et Kasper) ou d’ “intentionnalité” (Bialystok, 1990: 3) est difficile à cerner: de là l’expression “actions potentiellement conscientes”. En tout état de cause, dans le développement de la notion de “problème”, il se produit chez Faerch et Kasper une restriction du domaine envisagé, puisque ce sont les problèmes surgis d’une connaissance insuffisante du lexique qui sont surtout considérés et mis en relief. Ou plutôt, Faerch et Kasper semblent considérer que les problèmes qui surgissent dans la communication partent surtout d’une connaissance inadéquate du lexique de la LE, puisque les stratégies utilisées pour venir à bout des problèmes concernent surtout des moyens ayant trait au lexique. C’est là le principal point faible des SC de Faerch et Kasper. Le constat de la mise en place d’une stratégie d’évitement (abandon du message, évitement du sujet...) peut cacher par contre des lacunes d’ordre sociolinguistique ou contextuel, ou révéler des différences dans les représentations culturelles entre locuteurs. Nous pensons pour notre part que les problèmes de communication surgissent non seulement des facteurs lexicaux (linguistiques) mais surtout des facteurs contextuels, sociolinguistiques et socioculturels qui doivent être pris en compte. 2.5. Le modèle de la structure cognitive de Bialystok (1983). Ellen Bialystok propose de son côté, dans un premier article édité en 1983, une réorganisation des SC distinguées par Tarone, à partir de la considération de la source de l’information à partir de laquelle se base la stratégie. Elle distingue ainsi les stratégies basées sur la L1 et les stratégies basées sur la L2 (voir Tableau 5). Le cadre de travail de Bialystok comprend deux composants: l’analyse des connaissances linguistiques et le contrôle linguistique. Le premier composant doit faire avec une représentation mentale de la connaissance linguistique; c’est une connaissance qui est implicite. Par exemple, un enfant peut utiliser correctement le mot cheval sans savoir qu’ il appartient à la catégorie des noms communs ou

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Chapitre 6º. Les stratégies de communication 23 qu’ il a un pluriel régulier. Le processus du contrôle linguistique est l’ “habileté à contrôler”. Les locuteurs qui ont acquis un degré élevé de contrôle ne sont pas distraits par les informations non pertinentes. Ils ont donc plus de facilité. Font partie des stratégies d’analyse de base le fait de créer ou de rechercher des occasions de parler la langue de même que la paraphrase, les gestes, le recours aux synonymes ou aux termes apparentés dans sa L1 ou dans une autre langue.

STRATÉGIES DE COMMUNICATION (Bialystok)

Stratégies basées sur la L1

changement de code: introduction d’un mot de la LM

foreignizing, ou francisation (dans le cas du FLE) de la langue maternelle: application de traits morphologiques ou phonologiques de la langue maternelle aux unités lexicales “inventées” de la langue étrangère

traduction littérale

Stratégies basées sur la LE

contiguïté sémantique (approximation, synonymie): utilisation d’une unité lexicale qui partage certains traits sémantiques avec l’unité visée: chaise au lieu de tabouret; horloge au lieu de montre, etc.

description des propriétés physiques de l’objet (couleur, taille, forme, matériel de composition, lieu où l’on trouve, usage, etc.), ou paraphrase (circonlocution): un objet qui est au mur

création de mots (word coinage)

Tableau 5. Les SC selon Bialystok (1983) 2.6. Le classement de T. Paribakht (1985) Paribakht distingue quatre approches possibles quant aux problèmes de communication, en rapport aux différents types de connaissances qui sont incorporés dans la stratégie: approches linguistique, contextuelle, conceptuelle, mimique ou gestuelle, que nous présentons au Tableau 6.

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Discours, énonciation et enseignement/apprentissage du FLE 24

STRATÉGIES DE COMMUNICATION (Paribakht)

Approche linguistique, qui exploite les caractéristiques sémantiques du référent:

contiguïté sémantique

ordonnement

comparaison: comparaison positive (analogie, synonyme) ou comparaison négative (contraste, opposition; antonyme)

description physique (taille, forme, couleur, matériel) circonlocution traits constitutifs

propriétés situationnelles; propriétés historiques; autres traits description fonctionnelle

ressources métalinguistiques

Approche contextuelle, où l’on exploite les connaissances contextuelles (entourage du référent)

entourage linguistique

utilisation de locutions ou de proverbes

traduction littérale de locutions ou de proverbes

transfert de locutions idiomatiques

Approche conceptuelle, où l’on exploite les connaissances générales du locuteur sur le monde

démonstration

exemplification

métonymie

Approche mimique et gestuelle, où l’on explique à travers des gestes ou des attitudes mimées

en substituant complètement la production langagière

en accompagnant une production langagière

Tableau 6. Les SC selon Paribakht (1985).

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Chapitre 6º. Les stratégies de communication 25 2.7. L’approche du “Projet de Nimègue” Pour répondre aux questions posées plus haut, les propositions du projet de Nimègue (Bongaerts et autres 1987; Kellerman et autres 1987; Kellerman 1991; Poulisse 1987, 1990) sont intéressantes à prendre en considération. Dans cette étude, les locuteurs natifs sont intégrés aux expériences et analyses; d’autre part, on demande aux locuteurs de réaliser de nombreuses tâches (décrire des objets, décrire des figures abstraites, raconter une histoire...). Et surtout, on classe les énoncés à partir non pas de leurs traits linguistiques, mais des processus psychologiques qui président à leur production. Ils limitent d’autre part leur approche aux problèmes de la communication référentielle (qui se posent lors d’un problème lexical). ils partent donc d’une autre approche (une approche cognitive) pour classer les stratégies d’apprentissage. Ils font ainsi la distinction entre deux stratégies, en fonction de l’attitude mentale de l’apprenant, qui décide d’utiliser des connaissances conceptuelles ou plutôt des connaissances linguistiques.

Le classement des SC selon le Projet de Nimègue

Stratégies conceptuelles

Dans ce cas, le locuteur procède à une manipulation du concept à travers la description de ses traits caractéristiques ou bien de la comparaison avec un concept proche. Les stratégies conceptuelles sont divisées en stratégies analytique et holistique:

-analytique: le locuteur se réfère au concept intentionnel à partir de ses critères personnels (par exemple, c’est vert et Popeye en mange pour épinards, un oiseau qui parle pour perroquet). Le locuteur produit une longue description du référent visé (ce qui correspond aux stratégies de définition, description, circonlocution, paraphrase, etc.)

-holistique: le locuteur se réfère à un concept intentionnel à l’aide de critères caractéristiques (légumes pour pois, outil pour marteaul; oiseau pour rouge-gorge); il s’agit d’une solution proche de ce que Tarone (1981) appelle la stratégie d’approximation (remplacer un mot par un autre). Souvent aussi, les stratégies holistique et analytique sont combinées (une grosse auto, pas vraiment auto, mais très grosse et grande pour camion).

Stratégies linguistiques Dans ce cas, on ne procède nullement à la manipulation, décomposition ou comparaison du concept, mais de l’élément du code linguistique lui-même. Les stratégies linguistiques sont basées sur les processus morphologiques de création (selon le modèle de poissonnerie, on crée chaussurerie) ou de transfert (dix-six pour seize, selon dix-sept; ou bien cuffer pour hairdresser selon le modèle de coiffeur en français. Elles correspondent aux stratégies de transfert,

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Discours, énonciation et enseignement/apprentissage du FLE 26 francisation, traduction littérale, etc., des autres taxonomies. Poulisse (1990) affirme que cette typologie est plus plausible psychologiquement parce qu’ elle reflète la distinction entre connaissances conceptuelles et linguistiques qui sont des modèles courants en production orale (Levelt 1989). Kellerman note que des locuteurs natifs utilisent les deux types de stratégies (conceptuelle, linguistique): par exemple, quand un mot étranger est emprunté (francisation); aussi, il range les procédés de mime ou autres moyens non-verbaux dans la catégorie des stratégies conceptuelles, puisqu’il s’agit de rendre explicite de façon figurée une signification. 2.8. Recherches empiriques sur les SC. Bilan. Les taxonomies présentées dans les pages antérieures répondent à des approches d’analyse différentes: cependant, comme le souligne E. Bialystok (1990: 47), les résultats ou les propositions des différents classements montrent un degré de convergence très élevé. Par exemple, le recours à la paraphrase apparaît dans tous les classements. Dans tous les cas, la conceptualisation des SC part d’un modèle binaire de la communication, c’est à dire du rapport intentions-moyens qui caractérise les échanges communicatifs (Corder 1983): les moyens linguistiques y sont confrontés aux intentions communicatives. En cas de conflit, le locuteur dispose de l’alternative suivante:

• soit il essaie de changer ou de modifier le message prévu (intention) en fonction des ressources dont on dispose (on règle les intentions selon les moyens): c’est le cas des stratégies d’éludage de Frauenfelder/Porquier; ou d’évitement de Tarone; des stratégies de réduction de Faerch/Kasper; ou des stratégies conceptuelles de Poulisse/Kellermann. C’est ce que P. Corder appelle les “message adjustement strategies” (1983: 17).

• soit il essaie de changer ou de modifier les moyens expressifs (linguistiques): c’est le cas des stratégies de formulation et de sollicitation de Fruaenfelder/ Porquier; la paraphrase ou l’emprunt de Tarone; des stratégies de résolution de Faerch/ Kasper; des stratégies basées sur la L1 et la L2 de Bialystok; ou des stratégies linguistiques de Poulisse/Kellermann. Le locuteur essaie d’augmenter ses ressources linguistiques, mais ce choix comporte des risques évidents. C’est ce que P. Corder appelle les “ressource expansion strategies” (1983: 17).

On pourrait établir une liste générale et commune de comportements langagiers auxquels les apprenants de LE recourent quand ils sont confrontés à une éventuelle interruption de la communication. Cependant, cette entreprise aurait un intérêt limité: une taxonomie des possibilités linguistiques pour exprimer une idée déterminée n’a d’intérêt que pour le chercheur (linguiste), mais pour comprendre les comportements des locuteurs (apprenants), il faut voir quels choix sont effectivement réalisés, pourquoi, dans quelles circonstances. Ainsi, une approche taxonomique “d’ordre linguistique” des SC est insuffisante, si on veut tirer des conclusions pour l’enseignement-apprentissage de la LE, c’est-à-dire procéder à une application didactique des recherches sur les SC. La question reste donc posée quant à savoir quelles stratégies sont les plus

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Chapitre 6º. Les stratégies de communication 27 utilisées, par quel type d’apprenants et dans quels contextes communicatifs elles sont utilisées, ou bien dans quelle mesure les locuteurs sont conscients de leur utilisation. On a essayé de répondre à ces questions à travers la réalisation de nombreuses recherches empiriques, qui ont été menées à bout à l’aide d’épreuves ou de tâches qu’on propose à un groupe d’apprenants/locuteurs (jeu théâtral, description d’une image, résolution d’un problème, construction d’une maison, raconter une histoire, dessiner...). On a cherché ainsi à déterminer plusieurs questions: -les facteurs reliés à la personnalité des apprenants (Oestrus et Philipson 1983); -le niveau de connaissances en L1 (Palmberg 1980) et en LE, ainsi que les habilités langagières acquises (Bialystok et Fröhlich 1980; Kellermann 1991); -la complexité de la tâche communicative à réaliser ou le contexte de communication (Poulisse 1990); -l’efficacité des SC (projet de Nimègue); -l’utilisation des SC par des locuteurs natifs et non natifs (Paribakht 1985). Les découvertes les plus intéressantes concernent deux domaines: a) en premier lieu, le rapport entre niveau de compétence et type de SC utilisée: les SC dépendent du niveau de connaissances de chaque apprenant; les apprenants les moins avancés utilisent plus de SC que les apprenants les plus avancés, et ils utilisent plus fréquemment des stratégies de transfert (à partir de la L1) et des stratégies paralinguistiques (mimes et gestes); les apprenants les plus avancés utilisent plutôt des stratégies de compensation (généralisation; paraphrase, recours aux synonymes: stratégies conceptuelles) et leurs connaissances du monde. Mais, normalement, on a recours à plusieurs types de stratégies à la fois; b) en second lieu, qu’il existe peu de différences entre des apprenants avancés et des locuteurs natifs dans l’emploi des SC (Paribakht 1985). Confrontés à un problème, les locuteurs choisissent la même stratégie quelle que soit leur langue (maternelle ou étrangère: Kellerman 1991). c) dans le reste des questions, les conclusions sont les suivantes: la question de l’efficacité est difficile à mesurer en situation réelle; le rapport à la complexité de la tâche est évident, mais aussi le besoin (subjectif ou objectif) de résoudre le problème de communication (alors, l’apprenant est prêt à déployer tous ses efforts pour comprendre et se faire comprendre, autrement il appliquera le principe du moindre effort); il existe aussi des différences liées au contexte culturel des apprenants... Les recherches empiriques sur les SC démontrent donc la complexité de la question. À cet égard, l’étude d’ensemble entreprise par Ellen Bialystok (en 1990) nous semble très intéressante. Elle se propose d’identifier les éléments présents dans une SC (quel type de conduite est mise en oeuvre de la part d’apprenant?), de les expliquer (quels processus de l’usage langagier s’en dérivent?), dans le but de voir si elles peuvent être enseignées (quelles conséquences pour l’enseignement de la LE peuvent-elles être tirées de ces analyses?). L’effort de

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Discours, énonciation et enseignement/apprentissage du FLE 28 compréhension des SC en tant que manifestation langagière, et en tant que stratégie permet leur ouverture vers d’autres types de SC. Dans son étude éditée en 1990, au lieu de proposer une définition de plus, et aussi une taxonomie plus complexe qui viendrait s’ajouter aux antérieures, elle propose une conception des SC plus large, à partir de l’approche de la psychologie cognitive: elles couvrent toutes les tentatives, moyens ou stratégies afin d’atteindre le but à communiquer, même si le but présente au locuteur des problèmes ou non. Les SC de Faerch et Kasper, ou des autres chercheurs, peuvent s’inclure à l’intérieur de cette approche, et n’y constituent qu’un ensemble de moyens parmi bien d’autres moyens. Elle considère “profitables”, bien sûr, les classements des SC en tant que “tentative[s] faite[s] par le locuteur de coupler les ressources linguistiques aux buts de signification proposés” (1990: 33), mais elle remarque de façon exacte que ces taxonomies existent seulement dans l’analyse du chercheur, et non pas “dans la tête” de l’apprenant (dans sa structure mentale), étant donné qu’il n’est pas conscient du répertoire de ressources qui s’offrent à son choix en tant qu’options stratégiques. L’important est donc d’analyser comment les SC sont utilisées par des apprenants ou des jeunes locuteurs natifs (quel statut conceptuel elles possèdent chez eux? Quelles options déterminent leur choix?), pour essayer de transférer d’une façon systématique ces comportements à des apprenants de LE (1990: chap. 4), et pour qu’ils enregistrent ces mécanismes de traitement du langage. Elle critique ainsi la définition proposée par Faerch et Kasper, puisqu’elle voile les similarités entre les SC employées par les apprenants adultes de L2/LE et les stratégies adoptées par les locuteurs natifs et les enfants dans l’apprentissage de leur L1. Selon elle, les locuteurs natifs utilisent des SC similaires parce que toute communication demande une sélection appropriée de mots pour atteindre un but particulier. E. Bialystok souligne ainsi (1990: 4) que la “problématicité” n’est pas un critère définitoire des SC, étant donné qu’elles sont utilisées aussi par des locuteurs natifs sans qu’il existe un problème particulier de communication (c’est le cas des actes de parole suivants: explications, ou certains types de descriptions, par exemple). Donc, pour elle, les caractéristiques définitoires des SC ne sont pas à chercher dans l’analyse linguistique (leurs traits, typologies, etc.), mais dans la psychologie cognitive: la présence d’une certaine attitude mentale du locuteur, qui cherche à résoudre un problème (apprenant de LE), ou qui veut obtenir un certain effet chez le locuteur (apprenant de LE + locuteur natif). De même, la notion d’intentionnalité est difficile à appliquer, puisqu’elle suppose un état de conscience, qui est rejeté par Bialystok comme critère définitoire parce qu’ il exclut l’utilisation des SC par les enfants qui ne sont pas encore capables d’exploiter ce terme de conscience. Avec E. Bialystok et Poulisse/Kellerman (projet de Nimègue), la conception des SC est bien plus large, et présente un intérêt certain pour rattacher SC et compétence stratégique, et pour rompre la barrière entre SC utilisées par des apprenants débutants (ou intermédiaires) de LE et les apprenants de niveau avancé, où il n’y aurait pratiquement plus de différences dans l’emploi de SC avec

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Chapitre 6º. Les stratégies de communication 29 les locuteurs natifs: le passage vers les stratégies conversationnelles et discursives se produirait tout naturellement. À travers cette vision large des SC, le domaine d’application rejoint linguistique, psycholinguistique, didactique de la LM et didactique de la LE. En définitive, c’est par la conjonction de la pragmatique, de la sociolinguistique et de la psychologie cognitive qu’il faut aller chercher une explication globale du phénomène des SC qui peut intéresser la didactique de la LE. Cette explication comprend deux grands volets: a) d’abord, il faut considérer les SC comme une partie d’une théorie générale de la communication. Les SC ne sont pas circonscrites aux apprenants débutants de LE, au contraire, tout locuteur a recours à différentes SC, dans des degrés variables d’utilisation. Cette approche rattache les SC de la dynamique conversationnelle: on ne peut les comprendre qu’à l’intérieur d’une analyse pragmatique et sociolinguistique de l’usage de la langue, et donc situationnelle, contextuelle, interactive. La conception de la communication comme entreprise de “négociation du sens” est donc essentielle et permet d’ouvrir les analyses sur cette dynamique à ce qui se passe dans la tête des locuteurs. b) En conséquence, et en second lieu, les SC sont gouvernées par les mécanismes cognitifs généraux du traitement du langage (approche psycholinguistique). Cette approche complémentaire considère que les usages spécifiques du langage (conversation, lecture, écriture...) exigent des niveaux d’habilité différents et particuliers dans chacune des composantes du traitement langagier. La compétence langagière se manifeste ainsi à travers certains processus de traitement langagier, notamment: -l’analyse des connaissances linguistiques (les représentations de ces connaissances peuvent être implicites, symboliques, conscientes): l’un des aspects de la compétence langagière consiste ainsi à transformer en explicites les connaissances langagières implicites ou symboliques (c’est le cas des enfants à l’école pour leur L1) -le contrôle du traitement linguistique: l’habilité à appliquer des degrés d’attention divers (attention sélective) selon les sources d’information (linguistiques, non-linguistiques; types de textes, etc.) constitue un facteur crucial de la compétence linguistique. Par exemple, dans une conversation, le foyer d’attention doit se centrer sur la signification (gestes, intonations, sous-entendus, interruptions, demande de précisions...: ce qui requiert des stratégies « attentionnelles »), tandis que la lecture exige une autre attitude et prendre en compte d’autres signes (graphèmes, annonces, reprises, mots-clés...) -l’automatisation des processus de traitement: aspect souvent ignoré car sous-entendu (non-visible ou non-manifeste), mais crucial. C’est cette approche globale qui permet de rattacher la conceptualisation des SC aux autres types de stratégies d’apprentissage: par exemple, les stratégies de lecture (clarifier l’intention de la lecture; identifier les aspects essentiels du message; réaliser des hypothèses sur le sens, etc.). Dans une perspective cognitive, il est clair que les comportements langagiers (en tant que descriptions

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Discours, énonciation et enseignement/apprentissage du FLE 30 partielles d’une compétence communicative) dépendent des mécanismes cérébraux internes qui permettent d’analyser, de comprendre, d’utiliser/produire du langage, d’apprendre... En définitive, comme le dit Bialystok, “les SC sont une partie des processus de l’usage du langage ordinaire. Elles reflètent les façons dans lesquelles le système de traitement [langagier] s’adapte lui-même aux demandes de la communication. Parfois, il reste des traces étant donné que le système s’efforce de trouver un équilibre entre l’intention et l’expression. C’est le cas où des trous visibles se produisent entre ce qu’on a l’intention de dire, ou ce qu’il prévu de dire dans de telles ou telles circonstances, et ce qu’on est capable de dire. Cette absence d’équilibre est un trait constant des manifestations langagières des petits enfants, ou des apprenants débutants de LE. Mais parfois, il ne reste pas de traces, par exemple lorsque les parents règlent leur discours pour s’adapter à la compétence de leurs petits enfants, ou lorsque les professeurs adaptent leurs explications au gré des étudiants, ou des poètes qui disposent leurs descriptions dans le but de créer du charme ou de la profondeur dans la signification” (1990: 131). 3. Répercussions pour l’enseignement/apprentissage de la LE Au-delà des définitions et des taxonomies (ou des typologies) des uns et des autres, du point de vue de la didactique de la LE, il faudrait se poser la question suivante: comment tirer un profit didactique de ce travail d’analyse linguistique, pragmatique, psycholinguistique et cognitif? Nous allons aborder cette question à partir de trois cercles successifs d’approximation: le rapport des stratégies de communication à la compétence stratégique, le rapport entre SC et les stratégies d’apprentissage, et finalement la planification d’activités langagières qui favorisent le développement d’une compétence stratégique en LE. 3.1. Compétence stratégique et stratégies de communication Il faut tout d’abord faire venir à l’esprit que la compétence communicative comprend 5 dimensions intimement soudées (voir Tableau 7; cf. Suso 2000: 133-153). D’autre part, la définition de la communication proposée par Canale et Swain en 1980 est certainement dépassée: la conception de la communication ne consiste plus dans une transmission d’information, mais plutôt dans une négociation ou une construction interactive du sens où s’interpénètrent les intentions et les croyances divergentes des locuteurs, leurs présuppositions sémantiques et culturelles, ainsi que leurs rôles sociaux (voir Suso 2000: 65-73). Dans cette vision large de la notion de communication, la compétence stratégique change de nature. Elle inclut, bien sûr, l’ensemble des stratégies (verbales et non-verbales) de communication qui permettent de compenser les ratés de la communication, de combler les lacunes, de réparer les ruptures produites: l’apprenant a ainsi le choix de diverses stratégies, que nous avons mises en relief dans les taxonomies antérieures. Selon Faerch et Kasper (1983), les SC représentent un aspect essentiel de la communication des apprenants d’une

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Chapitre 6º. Les stratégies de communication 31 LE, et de ce fait “la compétence stratégique devrait être incorporée parmi les objectifs de l’enseignement d’une LE en tant que partie constitutive de la compétence de communication” (1983: 31). Il est sûr que les SC permettent aux apprenants de surpasser le fossé inévitable qui s’établit entre l’interaction langagière propre à la salle de classe (formelle, pédagogique) et les situations de communication langagière du dehors de la salle de classe, énormément variées (informelle, non pédagogique). De cette façon, ils augmentent leur CC (compétence communicative) en sachant comment utiliser ces SC de façon appropriée.

COMPOSANTES DE LA COMPÉTENCE DE COMMUNICATION

Compétence grammaticale ou linguistique

habilité à produire et à comprendre et à produire des formes correctes du point de vue syntaxique, lexique et phonologique

Compétence sociolinguistique et socioculturelle

habilité à utiliser une langue de façon appropriée dans des contextes socioculturels divers; connaissance des règles sociales

Compétence discursive habilité à reconnaître et à produire des textes et des discours selon leurs propriétés et leurs règles caractéristiques (cohésion, cohérence, structure)

Compétence référentielle connaissance du sujet dont on parle (connaissance du monde, du domaine d’expérience)

Compétence stratégique -“habilité à transmettre de façon effective une information à un locuteur, qui inclut l’habilité pour utiliser des stratégies de communication pour résoudre des problèmes qui surgissent dans ce processus et qui permettent de compenser les ratés de la communication” (Canale et Swain 1980) -“capacité de l’individu pour transmettre et interpréter des messages communicatifs de manière efficace” ou “habilité à réaliser la communication selon le schéma prévu à travers différents choix stratégiques (linguistiques, conceptuels)”

Tableau 7. Composantes de la Compétence de Communication La compétence stratégique a été tout d’abord vue comme une habileté particulière, grâce à laquelle on utilise la langue de façon effective malgré les limitations formelles, éloignée de la maîtrise formelle de la langue cible. Mais, comme nous l’avons dit au début du chapitre, les SC ne sont pas des conduites de discours irrégulières, propres des apprenants de niveau 1, ou du moins des comportements langagiers anecdotiques, destinés à être éliminés. Le phénomène des SC doit être contemplé à l’intérieur de l’usage général de la langue (pragmatique), où toute communication est une activité de résolution de problèmes qui exige une planification habile et un choix de ressources de la part du locuteur. La compétence stratégique est nécessaire non seulement aux

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Discours, énonciation et enseignement/apprentissage du FLE 32 apprenants de niveau initial de LE, mais à l’ensemble des locuteurs à plus forte raison, si nous partons d’une conception de la communication dérivée des analyses sociolinguistiques et pragmatiques. Cette compétence nous permet non plus seulement la compensation d’erreurs, d’incompréhensions, de ratés, qui se produisent au cours du développement de l’échange communicatif (à travers les différentes SC), mais aussi la mise en place d’un autre type de stratégies pour que la communication se produise selon le schéma prévu, dans la compréhension et de l’interprétation des messages, selon les intentions des locuteurs et les rapports dynamiques qui se créent au cours de tout échange communicatif. Cela nous conduit à une redéfinition de la compétence stratégique. On doit laisser de côté la définition première de Canale et Swain, 1980: “techniques ou ressources concrètes pour pallier des problèmes de communication qui surgissent au cours des échanges langagiers à cause d’une maîtrise limitée de la langue et qui permettent de compenser les ratés de la communication”, en faveur d’une définition plus large et complexe: “capacité de l’individu pour transmettre et interpréter des messages communicatifs de manière efficace”, ou comme une “habilité à réaliser la communication selon le schéma prévu à travers différents choix stratégiques (linguistiques, conceptuels)” Des stratégies communicatives spécifiques sont présentes en effet dans la communication entre locuteurs natifs: on réserve les dénominations de stratégies énonciatives ou discoursives, d’une part, et celle de stratégies conversationnelles, d’autre part. Tous les apprenants les connaissent bien de par leur langue maternelle, et les apprenants de LE de niveau avancé arrivent à les maîtriser aussi plus ou moins rapidement dans la langue cible. Nathalie Sarraute en fait une magnifique démonstration de leur existence courante, dans le domaine littéraire (voir par exemple Martereau, sous l’appellation de micro-conversations). On parle dans le cas de l’usage de la langue maternelle de stratégies conversationnelles et de stratégies énonciatives (ou discursives), qu’il faut considérer aussi comme des SC. Les stratégies énonciatives ou discursives permettent de régler le choix des actes de parole (verbaux: actes illocutifs; non-verbaux: recours à un geste de complicité par exemple), en fonction de l’intention de communication et du déroulement de l’échange, en vue de certains effets (perlocutifs) qu’on s’est proposés comme buts. Par exemple, l’intention énonciative (on veut persuader quelqu’un de venir au cinéma avec nous) va déterminer le choix d’une série d’actes de parole: suggestion (emploi du conditionnel, formules de politesse ou d’atténuation de la volonté), appel à la vanité, rappel d’un service antérieur, etc., accompagnés de tons et de gestes en continuel rééquilibrage en fonction de la réaction de l’interlocuteur: on a recours ainsi à une demande d’excuses (je n’ai pas voulu dire ça), on “boude”, etc. Dans d’autres contextes communicatifs, le locuteur peut désirer ne pas montrer qu’il ignore quelque chose (on feint savoir, on prononce des phrases non compromettantes, on feint d’avoir oublié...), ou bien, si c’est insoutenable, on cherche à justifier l’ignorance ou à persuader le locuteur que ce n’est pas si grave que ça...

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Chapitre 6º. Les stratégies de communication 33

Quant aux stratégies conversationnelles, nous les avons définies au début du chapitre comme l’ “ensemble des opérations visant à réguler l’interaction: ouverture et clôture de l’échange, utilisation de l’argumentation, évitement ou insistance, etc.” (M. Pendanx 1998: 26, note 15). Ce type de stratégies de communication sont surtout employées par les locuteurs natifs, mais -comme les recherches empiriques du projet de Nimègue ont montré- elles sont utilisées par les apprenants de LE, ou de L2, de niveau avancé. En effet, on ne voit pas pourquoi un apprenant de LE ne pourrait pas recourir à une stratégie “conversationnelle” (par exemple, une argumentation) si son but consiste à convaincre quelqu’un (un locuteur réel; ou bien dans un débat en classe) de quelque chose. D’autre part, une série de questions (prises de parole, interruptions, gestes) sont réglées différemment selon les cultures: il faut donc les coupler à la compétence socioculturelle et sociolinguistique. Il faudrait inclure dans les stratégies conversationnelles une série de comportements des locuteurs (mis en relief par P. Lazure, revue Entendre) tels que l’écoute attentive, la rétroaction (feedback), la reformulation, le message en Je. Ces stratégies s’appliquent à tous, locuteurs natifs ou apprenants. Mais selon la situation de communication, ces stratégies s’accompagnent d’autres stratégies de communication: le locuteur natif qui parle à un apprenant étranger peut se rendre compte que celui-ci possède une interlangue réduite et venir à son secours, en simplifiant son discours, en ralentissant son débit, en articulant davantage, en insistant sur les concepts clés par une répétition ou par l’emphase, etc. Dans le cas de la communication scolaire en LE, le professeur peut mettre en place quelques éléments additionnels pour rendre la communication plus efficace5: -S’assurer de l’attention de l’apprenant; -S’assurer de la visibilité de nos lèvres et de nos mains; -Utiliser des gestes naturels et être expressif; -Articuler nettement; -Reformuler avec des mots simples en vous assurant de faire le parallèle entre les deux expressions ou les deux mots; -Expliquer les mots et expressions utilisés; -Éliminer les bruits ambiants; -Toujours vérifier la compréhension; -L’informer du sujet de conversation et l’aviser des changements de sujets; -Prendre le temps, être patient; -Répéter et reformuler. La répétition est une stratégie de communication très efficace: comme le dit P. Lazure, “il est prouvé que chaque mot qu’un être humain apprend doit lui être répété 150 fois avant qu’il l’utilise adéquatement et que ce mot fasse partie de son vocabulaire. Quelle que soit la langue ou quel que soit le mode de communication

5 Nous avons réalisé une adaptation pour la communication scolaire en LE. La réflexion de P. Lazure porte sur les enfants sourds.

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utilisé, cette affirmation pédagogique reste vraie” (Entendre nº 133, septembre 1997). 3.2. Stratégies de communication et stratégies d’apprentissage D’un point de vue psychologique général, on retient la définition de stratégie d’apprentissage proposée par M. Mayol: “c’est une séquence intégrée, plus ou moins longue et complexe, de procédures sélectionnées en vue d’un but afin de rendre optimale la performance” (M. Mayol et autres, 1994: 93). Dans la définition proposée par E. Tarone, les stratégies d’apprentissage sont la “tentative de développement de la compétence linguistique ou sociolinguistique dans la langue cible” (in Faerch et Kasper 1983: 73); ou encore, selon Bialystok, elles pointent vers “des activités dans lesquelles l’apprenant se propose d’améliorer sa compétence langagière”. Nous avons aussi défini au début de ce chapitre les stratégies d’apprentissage comme les activités “qui contribuent au développement du système de la langue que l’apprenant construit” (M. Pendanx 1998: 25)6. La motivation de base n’est pas ici d’arriver à établir la communication avec un autre locuteur, mais d’apprendre la langue cible. Les stratégies d’apprentissage comprennent ainsi un domaine très large, où il existe peu de consensus pour préciser un domaine d’application plus restreint: posséder une capacité d’inférence ou la capacité de tolérer l’ambiguïté, être capable d’empathie, transformer les connaissances passives en actives (pratique de la LE), l’utilisation de techniques mnémotechniques, ou encore, la mise en place des activités de répétition, d’analyse ou de réflexion sur le fonctionnement du système linguistique sont autant de stratégies d’apprentissage. On peut ainsi parler de stratégies d’apprentissage dans toute mise en oeuvre par l’apprenant d’une série d’actions coordonnées entre elles qui pointent vers l’acquisition et le développement d’une habileté spéciale, ou bien des «secuencias integradas de operaciones que se eligen con un determinado propósito» (Murcia 1993: 40). C’est dans ce sens que Cl. Cornaire fixe le concept de stratégies d’apprentissage: “des démarches conscientes mises en oeuvre par l’apprenant pour faciliter l’acquisition, l’entreposage et la récupération ou la reconstruction de l’information” (1998: 54). Comme dans toute stratégie, la mise en oeuvre d’une stratégie d’apprentissage exige donc au préalable: a) la possession d’un “plan d’action” global; b) l’existence d’un problème à résoudre, ou d’une finalité à atteindre (comprendre un texte, ou rédiger un résumé, par exemple); c) la coordination d’une série d’actions orientées vers la résolution de ce problème: chacune de ces actions est normalement appelée aussi une “stratégie”,

6 Dans un ouvrage antérieur (2000 : 184-188), nous avons exposé un catalogue de stratégies de communication (selon une approche psycholinguistique d’ordre cognitif), qui sont susceptibles de devenir des « contenus » d’enseignement/apprentissage, et donc, d’être utilisées par l’étudiant une fois acquises.

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Chapitre 6º. Les stratégies de communication 35 mais il faudrait réserver ce terme pour la caractérisation de l’ ensemble des actions entreprises. Dans l’application d’une stratégie d’apprentissage, il s’agit donc de résoudre un problème ou d’atteindre un but à travers une démarche conscience: cela présuppose une mentalité logique, rationaliste, qui croit dans l’homme et dans ses facultés; chacun peut analyser les actions qu’il entreprend, s’en rendre conscient, introduire des modifications et améliorer la façon de s’y prendre, et donc la résolution ou l’obtention du but fixé. C’est ainsi que le domaine de la psychologie cognitive accorde une grande importance à l’assomption, de la part de l’apprenant, des stratégies d’apprentissage, voie royale non seulement vers un apprentissage effectif (“on n’apprend que ce que l’on fait soi-même”+ “apprentissage conscient, non répétitif), mais aussi, à plus longue échéance, moyen d’atteindre une co-responsabilisation et une autonomie de l’apprenant. En effet, la caractéristique d’une stratégie c’est qu’elle produit ou façonne une habileté particulière (ou une capacité) chez l’exécutant, dont il prend conscience, et qu’il peut reproduire dans d’autres circonstances, similaires ou quelque peu différentes. L’exécution consciente des stratégies produit des capacités nouvelles chez les apprenants. 3.3. Préparer les apprenants à développer la compétence stratégique: exercices de métacognition et exercices d’utilisation des SC Toute réflexion didactique au sujet des SC doit prendre en compte la spécificité de la situation de communication scolaire en LE. On peut à la limite assimiler -pour les besoins de la recherche- les situations de communication suivantes: a) échanges conversationnels entre un apprenant avec des locuteurs réels et b) échanges conversationnels avec d’autres apprenants en classe de LE. Évidemment, c’est lors d’une application scolaire des SC (comme moyen d’amélioration de leur compétence stratégique et donc communicative), qu’il faut rendre compte de la spécificité de chaque situation de communication. On distingue ainsi deux types de fonctions en classe de LE (voir Suso 2000: 122-128): -l’activité langagière qui s’y produit est destinée à échanger des idées ou bien à se mettre d’accord sur quoi faire à travers le langage: c’est le cas, en principe, des interactions réelles (indications de gestion, mouvements, etc.), mais aussi des jeux de rôles, des simulations, du travail sous forme de tâches, etc., où les apprenants ont besoin de “communiquer” pour mener à bout l’indication ou la tâche requise; -l’échange est destiné à faire que les étudiants apprennent la LE: la dimension métalinguistique est plus forte que l’attention sur l’objet thématique de la communication ou la tâche à réaliser. Ces deux types d’activités communicatives coexistent et s’interpénètrent l’une l’autre dans la classe de LE: il s’agit de deux fonctions complémentaires, du moins si on applique une approche communicative. C’est de cette option méthodologique que nous partons pour les réflexions suivantes.

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Discours, énonciation et enseignement/apprentissage du FLE 36 Nous avons dit au début du chapitre qu’il faudrait parler -de façon parallèle aux stratégies d’apprentissage- des stratégies d’enseignement, qui mettent en place des “choix d’une classe de décisions”, par lesquels se définissent une série d’actions ou d’attitudes du professeur, qui s’orientent ou qui convergent vers la consécution d’un même objectif (Besse 1984: 247): on peut ainsi dire que tel professeur utilise en classe une série de stratégies d’enseignement pour que les élèves parlent la LE avec naturel, sans tensions, sans peur du ridicule. Ces actions peuvent consister, par exemple, dans la répétition d’une même phrase (par exemple: “je m’appelle .....”) dans de différentes intonations: à voix basse, en criant, en gesticulant, par un élève, par plusieurs élèves, avec une intonation de surprise, d’interrogation, d’exclamation... D’autres actions -allant dans le même sens- peuvent être la non-correction immédiate de l’erreur, la relaxation, l’encouragement, etc. En principe, en situation didactique, toute stratégie d’apprentissage doit se coupler à l’adoption d’une stratégie d’enseignement du professeur, ou du moins doit être accompagnée d’une mise en oeuvre de la part du professeur, quant à la gestion du groupe-classe: par exemple, faire que les élèves analysent ce qu’ils font, le disent à voix haute; faire le point, etc.; ou bien, quant à l’élaboration d’exercices complémentaires au sujet des actions propres à une stratégie déterminée: par exemple, on est en train de développer la capacité de compréhension écrite; on se fixe le but de mettre en place une habileté particulière, ou bien une sous-capacité telle que “gérer l’ambiguïté”. Le professeur peut proposer aux étudiants des textes courts où la non-compréhension d’une série de termes n’affecte pas du tout la compréhension globale du texte en question. Bien sûr, pas toutes les SC apparaissent dans les échanges communicatifs dans un degré de fréquence égal; il faut établir à l’avance quelles SC intéressent le plus, en fonction du type d’apprenants concrets, avant de proposer des activités didactiques à leur sujet. Par exemple, comme Faerch et Kasper le soulignent, les stratégies de résolution (et surtout les stratégies de compensation) présentent à cet égard un intérêt bien plus grand que les stratégies d’évitement (réduction formelle ou fonctionnelle). Quant aux stratégies de récupération d’une unité lexicale manquante, elles permettent une automatisation des tentatives, et donc une amélioration des processus de production. On peut dire donc en principe que le potentiel d’apprentissage des SC est variable, qu’il concerne surtout les stratégies compensatoires, et qu’il se manifeste à travers deux mécanismes: la formation d’hypothèses et l’automatisation. Faerch et Kasper défendent de façon logique que ces stratégies devraient être enseignées aux apprenants, non pas bien sûr à la manière d’un savoir, mais en rendant conscients les apprenants au sujet des aspects qui concernent leur mise en oeuvre langagière, et donc sur la façon d’utiliser les SC de façon convenable. Certaines d’entre elles permettent d’autre part une manipulation linguistique extraordinaire (comme la paraphrase): une pratique systématique de certaines de ces SC est donc conseillable. On peut donc construire (ou planifier) deux types de conduites

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Chapitre 6º. Les stratégies de communication 37 didactiques complémentaires: des exercices de métacognition (pour permettre aux apprenants de posséder un savoir théorique, même sous forme d’hypothèses), et des exercices d’utilisation effective (pour permettre l’automatisation des SC). 3.3.1. Les exercices de métacognition La question qui permet d’aborder un traitement didactique des différents types de stratégies (de communication, d’apprentissage, d’enseignement) est la suivante: peut-on transformer les SC (ou certaines d’entre elles) en stratégies d’apprentissage? C’est-à-dire, est-ce que les SC peuvent devenir un moyen de développement de l’interlangue, en situation scolaire? Pour nous, il est possible et souhaitable de rattacher les différents types de recherche: -les recherches sur l’apprentissage éclairent les processus à travers lesquels l’apprenant découvre les règles (pragmatiques, sémantiques, syntactiques, phonologiques) de la LE et provient peu à peu à leur maîtrise effective, tout en modifiant et perfectionnant son interlangue: on peut parler dans ce cas de processus métacognitifs. Par exemple, le recours à certaines SC favorise une réflexion sur le système linguistique: Faerch et Kasper soulignent que les stratégies de compensation, par lesquelles l’apprenant essaye d’élargir ses ressources expressives, sans pour autant abandonner son interlangue, peuvent mener à la formation d’hypothèses au sujet su système linguistique de la langue cible. -de leur côté, les recherches sur la communication étudient comment l’apprenant utilise son système d’interlangue dans des échanges en interaction: l’apprentissage se produit autant dans des environnements informels que dans les environnements formels (la salle de classe) pour peu que les activités y soient organisées de façon convenable. Donc, les SC sont révélées à travers une analyse de l’interlangue de l’apprenant: il se peut qu’il les ait appliquées à son insu, en se basant sur son “flair” linguistique, ou bien par transfert de sa LM. Donc, si du point de vue du chercheur (psycholinguistique) les choses sont claires, et la réponse est affirmative, du point de vue de la didactique (c’est-à-dire de l’enseignement et de l’apprentissage de la LE), y gagne-t-on quelque chose à transformer ces stratégies en explicites et conscientes et à les proposer comme un objet de la connaissance ou de la compétence de l’apprenant? La réponse est encore ici affirmative: l’apprenant gagne sûrement s’il prend conscience des possibilités stratégiques sur lesquelles il pourra éventuellement s’appuyer. Le professeur peut ainsi préparer des exercices d’ordre métacognitif, par exemple: -distribuer aux apprenants une liste des SC les plus courantes (accompagnées d’un exemple illustratif) et trouver d’autres exemples qui rendent plus claire chaque SC et mise en commun; -leur demander de les classer selon la fréquence de leur utilisation, selon leurs impressions, dans leurs échanges en LE; -analyser des mini-conversations où les locuteurs utilisent des SC déterminées et les reconnaître; -créer chez les élèves une attitude de réflexion au sujet des SC, de telle

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façon qu’ils soient conscients de leur usage dans les échanges scolaires Ceci dit, il faut faire trois commentaires: a) bien sûr, connaître la panoplie de moyens à mettre en oeuvre va permettre d’améliorer la capacité de communication de cet apprenant, et par là cette question l’intéresse de façon particulière; mais elle intéresse aussi le professeur, et donc devient un problème de la didactique de la LE; b) aussi, ces stratégies sont variables: selon l’apprenant (son niveau de LE, ses attitudes, sa manière d’être...), mais aussi selon la situation de communication (échange réel ou échange scolaire; cadre informel, ou entre amis, ou bien cadre formel ou institutionnel). c) finalement, certaines stratégies sont destinées à disparaître: à mesure que l’apprenant améliore son niveau de LE7 Chacune d’entre elles pose des problèmes spécifiques pour la didactique., il n’aura plus recours par exemple aux stratégies d’évitement, et peu à peu il commencera à mettre en place les stratégies conversationnelles ou discursives des locuteurs natifs: c’est pourquoi celles-ci intéressent aussi la didactique de la LE. 3.3.2. Les exercices d’utilisation effective des SC Quant aux exercices d’utilisation effective des SC, ils doivent s’orienter vers une automatisation des SC qui possèdent un plus grand intérêt pour les apprenants: les stratégies compensatoires notamment, et parmi elles celles qui permettent des manipulations linguistiques en LE (récupération d’une unité lexicale manquante à travers la paraphrase, notamment), mais aussi l’ensemble des SC. Des exercices spécifiques peuvent ainsi être prévus8: -répartition des élèves en groupes de deux. L’on fournit une liste de mots à chacun d’eux, qu’ils doivent expliquer (à travers des moyens compensatoires, en LE bien sûr) à leur collègue jusqu’à leur compréhension. On peut aussi donner des consignes quant à la SC compensatoire à utiliser: paraphrase, description de caractéristiques, hyperonyme, exemple...); -réutilisation des mini-conversations analysées (dans un but métacognitif) à l’étape antérieure: d’abord, sous forme répétitive, puis sous forme libre (en éliminant la SC employée); -exercices de restructuration ou de réduction: moyens linguistiques pour

7 Nous faisons la différence entre: -la langue maternelle (LM ou L1), apprise comme première langue par l’enfant, normalement dans le sein de sa famille; -la langue seconde (L2), que l’enfant apprend dans ses contacts sociaux dans une communauté bilingue; -la langue étrangère (LE), qui n’est pas parlée dans la communauté sociale où l’enfant grandit, et qu’on apprend à l’école (puis, au cours de voyages, lectures, etc.). 8 Nous nous sommes inspirés de l’article: “Estrategias de comunicación y aprendizaje del inglés en el aula”, de Rosa Mª Jiménez Catalán, qui s’intéresse tout spécialement aux aspects qui concernent l’application des SC en salle de classe.

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Chapitre 6º. Les stratégies de communication 39 éviter une subordonnée relative (remplacement par un adjectif ou un complément de nom, décomposition en deux phrases indépendantes), le subjonctif (remplacement par l’infinitif: au lieu de il faut que vous alliez, on peut dire: vous devez aller ou bien il vous faut aller...), ou d’autres points difficiles de la grammaire; -inclusion de ces mots dans des mini-échanges conversationnels et donc réutilisation effective des moyens antérieurs; -favoriser le recours à des stratégies de sollicitation (demande de répétition ou de débit moins rapide, demande d’aide, pour l’oral; consultation d’un dictionnaire unilingue, pour l’écrit...); -activités de sensibilisation aux procédés paralinguistiques (gestes, mimiques) qui accompagnent les échanges (à travers l’analyse de documents vidéos sans le son, par exemple); -utilisation de mots vides et de formules qui servent à fournir du temps pour trouver l’expression convenable (d’accord, je veux bien, laissez-moi le temps d’y réfléchir...), ou encore qui donnent l’assurance au locuteur (s’il vous plaît, Mme., pourriez-vous me dire....). Mais aussi, l’automatisation ne se limite pas seulement à l’utilisation des SC signalées. M. Raupach (in Faerch et Kasper 1983:199-209) et Faerch et Kasper (1983: 210-238) montrent qu’il existe des caractéristiques quant à la performance (production) auxquelles l’apprenant doit être sensibilisé pour améliorer sa capacité communicative, et qui montrent comment le discours répond à une planification. Il s’agit de facteurs temporels: c’est le cas du débit général (ou vitesse d’élocution), l’articulation, les pauses, les hésitations, l’allongement de certaines syllabes, les répétitions, le recours à des mots vides, tels que “euh”...; ou encore de procédés d’autocorrection, de nouveaux départs (on commence une phrase qu’on abandonne à la moitié au profit d’une autre phrase, de lapsus... Finalement, pour la didactique de la LE, les stratégies d’évitement ont leur intérêt, aussi: celui de montrer de façon explicite les trous de formation. Si dans les stratégies compensatoires, la répercussion didactique peut consister à leur automatisation à travers des exercices prévus ad hoc, dans ce cas, il s’agit d’une approche tout autre: les stratégies d’évitement permettent de mettre à nu les défaillances, ou les points faibles, de l’interlangue de l’apprenant. Donc, les répercussions sont dans ce cas du côté de la mise en place de stratégies d’enseignement de la part du professeur pour aider cet apprenant à remplir le fossé détecté. Selon la définition large retenue des SC, il faut considérer qu’elles font partie de la compétence stratégique et qu’il est bon que les apprenants sachent résoudre les difficultés de communication qui peuvent se présenter lors de leurs contacts avec des locuteurs natifs, ou bien au cours des activités de manipulation linguistique et de communication en situation scolaire. Aussi, comme l’indique M. Pendanx, certaines stratégies possèdent un rapport étroit avec des savoir-faire d’ordre affectif: de façon plus précise, les stratégies de sollicitation, où l’apprenant fait appel au locuteur étranger lui-même, favorisent l’interaction avec

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Discours, énonciation et enseignement/apprentissage du FLE 40 le locuteur natif et jouent un rôle positif pour ne pas interrompre l’échange ou bien pour intégrer celui-ci de façon active dans l’échange. D’un autre côté, la taxonomie proposée par Bialystok en 1983 possède un intérêt certain (stratégies basées sur la L1 versus stratégies basées sur la LE), du moment où il semble que les utilisateurs du deuxième type de stratégies (surtout dans le cas de la description ou paraphrase, ou de la contiguïté sémantique) arrivent à mieux résoudre les problèmes de communication et acquièrent par là plus rapidement une maîtrise du code. Mais surtout, les réflexions cognitives qu’elle propose en 1990 ouvrent une perspective didactique intéressante (qui concerne autant l’enseignement que l’apprentissage) par la connexion entre SC des locuteurs natifs et non-natifs. On peut distinguer à cet égard deux approches, l’une forte et l’autre faible. L’approche forte considère que l’apprenant gagne nettement à connaître la panoplie de moyens et de solutions qui lui sont offertes pour la résolution des problèmes de communication, et la façon où il peut les employer. Bien sûr, l’enseignement des SC en tant que savoir déclaratif (listes de SC) est totalement inutile et par conséquent il n’est nullement envisageable. La façon de procéder pour le professeur consiste à entreprendre des activités ou des tâches communicatives destinées à mettre en place chez l’apprenant les différentes SC, puis de réfléchir sur les procédés et les moyens utilisés. L’apprenant intériorise ainsi naturellement le recours aux SC selon les difficultés de communication rencontrées. Nous offrons à la fin de ce chapitre un exemple de cette entreprise didactique, qu’on emprunte à M. Pendanx (1998). Bien sûr, il faut choisir quelles SC sont les plus adaptées au niveau linguistique des apprenants et aux situations de communication où vont se produire les échanges. Dans une vision faible de la question, le point central de la réflexion est centré sur la capacité des apprenants à apprendre à analyser et contrôler leur système linguistique: l’utilisation de SC doit être envisagée en tant qu’un aspect de plus du traitement du langage, et elles doivent être envisagées en tant que telles. Il n’y a pas de différence fondamentale (de nature) entre les SC et les autres stratégies par lesquelles le locuteur réalise son activité langagière normale: la conscientisation par rapport aux SC n’introduit pas de nouvelles compétences chez l’apprenant, mais elles rendent celui-ci plus lucide quant aux stratégies qu’il possède et qu’il met déjà en oeuvre (de par la LM). L’approche faible de la question nuance donc l’utilité d’une entreprise didactique conçue ad hoc, sans l’exclure. ANNEXE Nous reproduisons un modèle d’intégration d’une SC en salle de classe proposé par M. Pendanx (1998: 27-28), en tant que contenu à enseigner aux apprenants: à partir de ce modèle, on peut envisager de construire des séquences didactiques similaires avec le reste des SC qui nous paraissent susceptibles de

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Chapitre 6º. Les stratégies de communication 41 devenir des capacités chez les apprenants. Nous adaptons -et complétons avec de nouvelles activités- l’exemple fourni par M. Pendanx (à son tour inspiré de G. Ellis et B. Sinclair, 1989; et de M. Bosch, 1988) au cadre de la législation et du curriculum espagnols:

Stratégies de communication pour aider l’apprenant à surmonter un blocage lexical

Objectifs -aider les apprenants à ne pas perdre confiance en eux -montrer qu’il y a diverses manières d’éviter de se laisser arrêter par un mot inconnu -faire que les apprenants acquièrent la capacité de surmonter un blocage lexical -développer la capacité et l’attitude d’ingéniosité, la créativité, la débrouillardise langagière -développer la compétence stratégique Contenu (de l’ordre du savoir-faire) Capacité de surmonter le blocage lexical Connaître quelques stratégies de communication Démarche. Activités didactiques. Première étape. Activité 1. On propose aux apprenants l’activité suivante afin d’identifier les stratégies. Voici, dans la première liste, quelques manières d’éviter de se laisser arrêter par des mots inconnus. Essayez de trouver le mot évoqué. Puis, à l’aide de la seconde liste, dites quel est le procédé utilisé pour chacune d’entre elles. Première liste 1. C’est comme un avion, mais sans moteur... 2. Il est... on peut dire.... agréable avec les gens, ouvert... 3. C’est du liquide blanc sur un mot, ça efface le mot... 4. C’est un fruit, très gros, rond, on le coupe en morceaux, la chair est rouge, il y a des grains noirs 5. Je n’ai pas aimé le film... Je l’ai trouvé... le contraire d’intéressant? 6. C’est quand dans la rue tu marches, et tout à coup tu fais ça (geste) 7. On peut dire en français; le directeur est dans son officine, office? Seconde liste -un synonyme -une description -un mot inventé à partir de la langue maternelle -un geste -un antonyme -un terme générique

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Discours, énonciation et enseignement/apprentissage du FLE 42 -la description de l’usage qui en est fait Deuxième étape On peut ensuite organiser des séances de recherche de mots; l’apprenant sera amené à produire lui-même des “définitions” de mots à partir de situations en simulation: -aller dans un magasin et demander tel article (dessiné sur une fiche) -évoquer le caractère de quelqu’un par la description de son comportement; -proposer un mot en langue maternelle et demander de le faire trouver aux autres en utilisant l’une de ces stratégies -penser un mot : le faire trouver aux autres membres du groupe et trouver le correspondant en LE RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES BIALYSTOK, E. (1990): Communication Strategies. A psychological Analysis of

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