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Faculté des sciences de l’éducation Département d’administration et fondements de l’éducation Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires, de la région de Montréal Rapport de recherche présenté au PROGRAMME DE SOUTIEN À LÉCOLE MONTRÉALAISE MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION, DU LOISIR ET DU SPORT Jean Archambault Li Harnois Août 2008

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Faculté des sciences de l’éducation Département d’administration et fondements de l’éducation

Diriger une école en milieu défavorisé :

ce qu’en disent des directions d’écoles primaires,

de la région de Montréal

Rapport de recherche présenté au

PROGRAMME DE SOUTIEN À L’ÉCOLE MONTRÉALAISE MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION, DU LOISIR ET DU SPORT

Jean Archambault Li Harnois

Août 2008

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Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires de la région de Montréal Rapport de recherche

Jean Archambault et Li Harnois 2 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Note : dans ce rapport, le masculin est utilisé sans discrimination et dans le seul but d’alléger le texte.

Jean Archambault, Ph.D., professeur Directeur de la recherche Li Harnois, M.A. Professionnelle de recherche Université de Montréal Département d'administration et fondements de l'éducation © Université de Montréal, 2008

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Remerciements

Nous souhaitons remercier les nombreuses personnes qui ont participé à cette recherche, soit de près,

soit de loin.

D’abord, merci aux quarante-cinq directions des écoles ciblées du Programme de soutien à l’école

montréalaise qui proviennent des cinq commissions scolaires de l’Île de Montréal : la Commission scolaire

de Montréal, la Commission scolaire English-Montreal, la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, la

Commission scolaire Lester-B.-Pearson et la Commission scolaire de la Pointe-de-l’Île. Ces directions ont

généreusement donné de leur temps pour participer à cette recherche.

Merci aussi à madame Chantale Richer, coordonnatrice du Programme de soutien à l’école montréalaise,

qui a soutenu cette recherche depuis ses débuts, qui a participé à l’élaboration du devis de recherche et à

la diffusion des retombées de cette recherche tout au long de sa réalisation.

Merci à madame Lude Pierre, ressource professionnelle au Programme de soutien à l’école montréalaise,

qui a participé à cette recherche aux moments importants de l’élaboration du devis, de la recherche de

participants et de la collecte des données.

Merci à madame Manon Tremblay, du Programme de soutien à l’école montréalaise, pour sa précieuse

collaboration, notamment dans le suivi de l’enregistrement et de la transcription des entretiens des

groupes de directions.

Merci aux personnes qui ont collaboré à la transcription des entretiens des groupes de directions,

madame Monique Limoge, madame Anne Préfontaine et madame Anne-Marie Livingston.

Merci enfin à madame Roseline Garon, professeure agrégée à l’Université de Montréal, qui a agi comme

formatrice et comme consultante pour l’utilisation du logiciel d’analyse de données qualitatives ATLAS.ti.

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Table des matières Remerciements ............................................................................................................... 3  Résumé exécutif .............................................................................................................. 8  Introduction.................................................................................................................... 11  La problématique et les objectifs ................................................................................... 12 

Le contexte et l’hypothèse de départ......................................................................... 13 Les questions de recherche ...................................................................................... 13 Les objectifs de la recherche..................................................................................... 13 

La méthodologie ............................................................................................................ 14 

La recherche collaborative ........................................................................................ 14 Les participants ......................................................................................................... 14 La technique d’enquête choisie ................................................................................. 15 Le déroulement de la recherche................................................................................ 16 Les modalités de collecte des données..................................................................... 17 Le traitement des données........................................................................................ 18 

La présentation et l’analyse des résultats...................................................................... 21  La présentation des résultats de la première rencontre................................................. 22 

La surcharge de travail ................................................................................................ 22 

La réalité des milieux défavorisés......................................................................................23 La complexité, la diversité et l’hétérogénéité des milieux ...........................................23 La situation des familles....................................................................................................25 Le sentiment d’urgence, les imprévus ............................................................................27 Le nombre d’élèves en difficulté d’apprentissage .........................................................28 

La gestion financière et administrative..............................................................................31 

La gestion des ressources humaines................................................................................32 

Le sentiment d’impuissance et d’épuisement des intervenants du milieu scolaire .33 Le nombre de professionnels au sein de l’équipe-école .............................................35 La mobilité du personnel ...................................................................................................37 Le travail d’équipe ..............................................................................................................38 

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Le rapport avec les parents ................................................................................................41 La communication ..............................................................................................................41 La collaboration ..................................................................................................................42 Les services offerts aux parents par l’école et les partenaires de la communauté.46 

Les partenariats avec les organismes de la communauté ............................................47 

Une vision commune, celle de croire à la réussite et au bien-être de tous les élèves ... 50 

La gestion pédagogique ......................................................................................................52 

Le projet éducatif et le plan de réussite ............................................................................54 

Le développement professionnel .......................................................................................57 

L’accompagnement professionnel .....................................................................................57 

Croire en la réussite de tous élèves................................................................................59 Diversifier les approches pédagogiques ........................................................................61 Développer une compréhension à l’égard des milieux défavorisés...........................62 Comprendre les besoins des élèves ...............................................................................63 Développer une coresponsabilité face à la réussite de tous les élèves....................64 Établir une collaboration avec la famille .........................................................................64 Obtenir des budgets supplémentaires ............................................................................65 Établir une collaboration avec le milieu communautaire .............................................65 

Les attributs de la direction............................................................................................ 66 

Les compétences professionnelles ...................................................................................66 

Les attitudes personnelles ..................................................................................................69 

Les compétences et les attitudes à développer ..............................................................72 

Choisir de travailler dans les milieux défavorisés .......................................................... 74  La présentation des résultats de la 2e rencontre ........................................................... 76  Réactions générales à l’égard du contenu de la synthèse ............................................ 77  Réactions spécifiques au contenu de la synthèse ......................................................... 79 

L’apprentissage est la priorité ............................................................................................79 

La conviction que tous les élèves peuvent apprendre .................................................83 Des attentes élevées vis-à-vis des élèves (non diminuées) .......................................86 Des pratiques de gestion devant influencer l’apprentissage.......................................89 La supervision porte sur l’apprentissage........................................................................91 

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L’évaluation continue des apprentissages, dans le but d’aider l’apprentissage ......94 L’importance accordée à l’apprentissage de la lecture................................................94 

L’environnement ...................................................................................................................95 

L’école : un lieu sécuritaire ...............................................................................................95 Un milieu accueillant pour les élèves, pour le personnel, pour les parents, pour la communauté .......................................................................................................................97 

Une organisation scolaire au service de l’apprentissage...............................................97 

Les cycles............................................................................................................................99 Le transport scolaire ........................................................................................................100 L’horaire – le calendrier...................................................................................................101 L’espace - le temps..........................................................................................................102 

Des relations avec les parents .........................................................................................103 

L’ouverture de l’école ......................................................................................................103 La participation à la vie scolaire de leur enfant ...........................................................104 

Une vision claire et partagée ............................................................................................106 

On a une vision étoffée, exprimée et discutée ............................................................108 On vise à réduire les inégalités sociales ......................................................................108 On respecte des différences ..........................................................................................109 

Un leadership moral, éthique, de justice sociale ...........................................................109 

Un engagement moral (faire une différence pour ces enfants) ................................110 La connaissance du milieu .............................................................................................110 La connaissance des inégalités sociales et des questions entourant la pauvreté 112 Le rejet des fausses croyances et des préjugés.........................................................112 Être un agent de changement : flexibilité; composer avec l’imprévu.......................113 

La collaboration – le travail d’équipe ...............................................................................114 

Le développement professionnel...................................................................................115 L’enseignement, le suivi des élèves .............................................................................115 Un leadership partagé .....................................................................................................116 Une imputabilité partagée ...............................................................................................117 Autre aspect de la collaboration considéré absent de la synthèse ..........................117 

Le développement professionnel .....................................................................................117 

L’amélioration continuelle des compétences d’enseignement et de direction .......118 Une ouverture au changement, innovation ..................................................................121 La connaissance du milieu et des inégalités sociales................................................121 

Des relations avec la communauté .................................................................................122 

Des partenariats ...............................................................................................................123 La responsabilité partagée de l’éducation ...................................................................124 

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Autres éléments jugés absents de la synthèse .............................................................125  Les retombées de la recherche collaborative .............................................................. 130  La synthèse des résultats ............................................................................................ 132  Discussion ................................................................................................................... 138  Les limites de la recherche.......................................................................................... 140  Les recommandations ................................................................................................. 142  La recherche à venir .................................................................................................... 144  Conclusion................................................................................................................... 146  Références .................................................................................................................. 147 

Annexe 1 : canevas d’entretien des focus groups. ................................................ 149 Annexe 2 : Texte utilisé lors de la 2e rencontre : Archambault et Harnois (2006c) 150 Annexe 3 : Liste des codes utilisés pour délimiter les unités de sens. .................. 154 

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Résumé exécutif

Diriger un établissement scolaire est une entreprise complexe qui demande des compétences spécifiques

(Lapointe et Gauthier, 2005), et qui s’exerce dans un contexte de changement que la direction doit

maintenant concourir à installer (Fullan, 2003), changement qui sera nécessairement large et durable

(Hargreaves et Fink, 2004).

Le contexte théorique et les objectifs Un certain nombre d’études nous portent à croire que cette entreprise complexe peut différer selon le

milieu, et que diriger une école en milieu défavorisé requiert des compétences et des habiletés différentes

de celles requises pour diriger une école en milieu plus favorisé (Haberman et Dill, 1999; Muijs, Harris,

Chapman, Stoll et Russ, 2004). À la suite d’une réflexion de l’équipe du Programme de soutien à l’école

montréalaise sur le développement professionnel des directions d’écoles (mesure 4), nous avons effectué

une revue de la littérature sur le sujet des écoles efficaces et performantes en milieu défavorisé. Nous

nous sommes demandé en quoi consistait la direction d’une école en milieu défavorisé et nous avons

voulu savoir ce que diraient des directions d’écoles de leur travail. Nous avons donc entrepris une

recherche collaborative avec le Programme de soutien à l’école montréalaise avec, comme objectifs, de

documenter les caractéristiques de la direction d’une école de milieu défavorisé, en milieu montréalais, et

d’identifier les besoins de développement professionnel des directions de ces écoles.

La méthodologie Quarante-cinq (45) directions d’écoles primaires de milieux défavorisés des cinq commissions scolaires

anglophones (2) et francophones (3) de l’île de Montréal ont participé à des focus group. Lors d’une

première rencontre, nous avons interviewé les participants sur leur travail de direction d’une école en

milieu défavorisé. Au cours d’une deuxième rencontre, nous avons présenté aux groupes un résumé des

propos recueillis lors de la première rencontre ainsi que les résultats de la revue de littérature. Par la

suite, nous avons invité les directions à réagir aux contenus présentés et à commenter ces résultats à la

lueur de leurs propres réponses au premier focus group. Cette « confrontation » a permis aux directions

de mieux définir leur réalité et d’enrichir considérablement leurs réponses.

Les résultats de la recherche Les données recueillies permettent de constater que les directions d’écoles considèrent leur tâche comme

étant différente de celle qui consisterait à diriger une école de milieu moyen ou favorisé. Elles décrivent

ces différences selon quatre aspects :

1- la plus grande lourdeur de la tâche de la direction;

2- la demande de compétences et d’attitudes particulières pour diriger une école de milieu

défavorisé;

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3- la nécessité d’exercer un leadership de justice sociale;

4- l’identification de compétences à développer et l’importance du développement professionnel

des directions d’écoles.

De façon générale, les directions ont peu abordé d’elles-mêmes la question de la gestion pédagogique,

du curriculum, de l’organisation scolaire, de l’appropriation du changement. Elles ont néanmoins émis

plusieurs commentaires face aux caractéristiques des écoles efficaces en milieu défavorisé issues de la

revue de la littérature qui leur a été présentée. De façon générale, elles ont bien accueilli cette synthèse.

Toutefois, compte tenu de la lourdeur de leur tâche, plusieurs directions entrevoient mal la perspective

d’avoir à travailler toutes ensemble ces caractéristiques.

Bien qu’elles aient été largement en accord avec ce contenu, certains désaccords ont donné place à des

échanges intéressants. Ces désaccords portaient principalement sur trois des dix caractéristiques

présentées, soient : 1- l’apprentissage est la priorité, 2- l’environnement et 3- l’organisation scolaire est au

service de l’apprentissage. Les réactions au contenu de ces caractéristiques nous questionnent,

particulièrement en ce qui a trait à l’apprentissage. Pourquoi plusieurs directions jugent-elles que

l’apprentissage n’est pas la priorité? Pourquoi continuent-elles à porter ce jugement, malgré des résultats

de recherche qui montrent le contraire? Pourquoi, dans certains cas, la priorité est plutôt d’établir une

relation avec l’enfant? de s’assurer qu’il est en sécurité? de s’assurer qu’il a mangé? Pourquoi certaines

directions considèrent-elles difficile d’avoir des attentes élevées pour tous les élèves? Est-ce que la

question de l’environnement est véritablement plus importante dans les écoles en milieu défavorisé? Et

qu’en est-il du leadership pédagogique et de la supervision professionnelle? Voilà des questions que le

Programme de soutien à l’école montréalaise aurait intérêt à débattre.

Retombées de la recherche dans le milieu En ce qui a trait aux retombées dans le milieu, la recherche a permis de produire à partir de la revue de

littérature quatre documents d’information diffusés par le Programme. Cette revue de littérature a permis

de réaffirmer le choix des sept mesures du Programme de soutien à l’école montréalaise. La recherche

confirme que ces mesures constituent encore aujourd’hui des incontournables à mettre en place, dans les

écoles de milieux défavorisés. De plus, l’une des mesures, « Pratiques éducatives au service de

l’apprentissage de tous » s’est vue recentrée sur l’importance de l’apprentissage pour tous les élèves,

grâce aux données de cette revue de littérature. Ces données de la littérature et les résultats de la

recherche ont été graduellement intégrés dans les interventions des professionnels du Programme,

principalement en ce qui a trait à la priorité accordée à l’apprentissage, au maintien d’attentes élevées et

au combat livré aux préjugés à l’égard des personnes vivant en milieux défavorisés. Enfin, selon le

souhait des directions ayant participé aux focus groups, le Programme a mis sur pieds deux nouveaux

groupes de développement professionnel de directions. Des conseillers pédagogiques et des enseignants

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Jean Archambault et Li Harnois 10 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

participent aussi à des groupes de développement professionnel dont les thèmes sont du même ordre

que ceux des directions d’écoles.

Par ailleurs, les données de la revue de littérature et les résultats de la recherche sont intégrés dans

certains cours offerts aux futures directions d’écoles ou aux directions en exercice au département

d’Administration et fondements de l’éducation de l’Université de Montréal. Elles servent aussi de base à

certains projets de recherche, et elles constitueront une part importante d’un nouveau cours en voie

d’élaboration et portant sur la direction d’une école en milieu défavorisé.

Recherche à venir Le discours des directions, bien que riche et pertinent, porte sur leurs tâches et sur les conditions

d’exercice de leur rôle, mais ne décrit pas leurs pratiques de gestion. Par exemple, dire que la gestion est

alourdie compte tenu des budgets supplémentaires et des personnels additionnels ne décrit pas comment

se passe cet alourdissement dans la vie d’une direction d’école. De plus, les directions croient que leur

journée de travail est plus chargée que celle des autres directions d’écoles en milieu plus favorisé. Elles

croient aussi que des attributs spécifiques (compétences, attitudes) leurs sont nécessaires pour travailler

dans les écoles en milieu défavorisé. Est-ce si différent? Est-ce que les raisons identifiées qui expliquent

cette lourdeur sont spécifiques aux milieux défavorisés? Pour l’heure, il n’est pas possible d’établir des

comparaisons à ce sujet.

Nous envisageons donc maintenant d’observer plus directement les pratiques de gestion des directions.

Une étude débute d’ailleurs présentement et porte sur l’observation et la description des pratiques des

directions d’écoles en milieu défavorisé (Archambault et Garon, 2008). Nous voulons aussi comparer les

résultats de cette recherche avec ceux obtenus lors de rencontres avec des directions d’écoles qui ne

sont pas de milieux défavorisés. Ces données viendront compléter celles de la présente recherche et

préciseront ces différences que les participants disent voir dans la direction d’une école de milieu

défavorisé.

Conclusion Cette recherche a permis d’ajouter à la connaissance de ce qu’implique diriger une école de milieu

défavorisé, malgré certaines limites dans l’interprétation des résultats. À l’instar d’un certain nombre

d’autres recherches, les résultats tendent à montrer que des différences existent entre diriger une école

de milieu défavorisé et diriger une école de milieu plus favorisé.

Cette recherche a donc atteint ses objectifs de production de connaissances et d’identification de besoins

en développement professionnel. Mais elle a aussi permis de produire des retombées directes pour le

milieu ainsi que des recommandations destinées au Programme de soutien à l’école montréalaise. En ce

sens, il s’agit d’une recherche collaborative qui porte fruits.

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Jean Archambault et Li Harnois 11 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Introduction Au Québec, c’est à Montréal que sont concentrées la majorité des écoles de milieux défavorisés. Le

ministère de l’Éducation du Québec a d’ailleurs créé le Programme de soutien à l’école montréalaise (ci-

appelé le Programme) avec mandat de soutenir la réussite de l’ensemble des élèves issus de milieux

défavorisés (Gouvernement du Québec, 1997). Le gouvernement reconnaît donc les défis des écoles de

milieux défavorisés, défis que doivent relever de façon particulière, les directions d’écoles.

Environ 160 écoles primaires de l’Île de Montréal bénéficient actuellement de mesures de soutien,

puisqu’elles sont considérées comme étant en milieux défavorisés. Ces mesures touchent près de 40%

des élèves du primaire de l’île de Montréal. Par ces mesures, le Gouvernement du Québec reconnaît les

défis éducatifs particuliers que posent ces milieux.

C’est dans ce contexte que les professionnels qui soutiennent et coordonnent la mise en place de ces

mesures, de concert avec les directions de ces écoles et avec l’équipe de recherche de l’Université de

Montréal, se sont interrogés sur les particularités de la direction d’une école en milieu défavorisé. En effet,

certaines données de recherche et l’observation quotidienne du travail de direction nous incitent à penser

que la direction d’une école en milieu défavorisé diffère de la direction d’une école en milieu plus favorisé.

Ce rapport fait état des résultats d’une première recherche sur le sujet, recherche effectuée auprès des

principaux intéressés, les directions d’écoles. Nous avons analysé le discours de quarante-cinq de ces

directions.

Nous présenterons d’abord la problématique de recherche, les questions de recherche posées par

l’équipe, de même que les objectifs de cette recherche. En second lieu, nous présenterons la

méthodologie de recherche que nous avons choisie : la recherche collaborative, les participants, le

déroulement de la recherche, les modalités de traitement des données,…

Puis, viendra la présentation des résultats et de leur analyse. Par la suite, nous discuterons ces résultats

à la lumière des objectifs de la recherche, de la littérature scientifique sur le sujet et des orientations à

donner à de futures recherches. Enfin, nous conclurons le tout en examinant les retombées de cette

recherche pour le Programme de soutien à l’école montréalaise.

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Jean Archambault et Li Harnois 12 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

La problématique et les objectifs

Diriger un établissement scolaire est une entreprise complexe qui demande des compétences spécifiques

(Dupuis, 2004; Lapointe et Gauthier, 2005). De plus, la direction d’une école s’exerce maintenant dans un

contexte de changement qu’elle doit concourir à installer (Fullan, 2001; 2003), changement qui se doit

d’être large et durable (Hargreaves et Fink, 2004). Mais qu’en est-il de la direction d’une école en milieu

défavorisé? Est-ce différent de la direction d’une autre école? Cela nécessite-t-il des attitudes ou des

compétences différentes de la direction d’une autre école?

Plusieurs études ont fait ressortir les caractéristiques d’écoles de milieux défavorisés dont les élèves

réussissaient à des niveaux élevés (Haberman, 1999; Kannapel, Clements, Taylor et Hibpshman, 2005;

Lyman et Villani, 2004; Muijs, Harris, Chapman, Stoll et Russ, 2004). Ces caractéristiques se recoupent,

d’une étude à l’autre. Ce sont : une vision claire et partagée des buts à atteindre, des attentes élevées, un

leadership pédagogique, une orientation claire en rapport avec l’apprentissage des élèves, le travail

collectif des enseignants, une communication et un travail avec les parents, l’engagement de la

communauté, l’amélioration des pratiques pédagogiques, la production et l’utilisation des données pour

gérer. Cependant, on sait peu de choses des comportements des directions nécessaires pour mettre en

place ces caractéristiques ou des compétences et des attitudes requises des directions d’écoles de

milieux défavorisés (Haberman et Dill, 1999; Lyman et Villani, 2004). Alors que certains chercheurs

identifient des compétences particulières pour diriger une école de milieu défavorisé (Haberman, 1999,

Haberman et Dill, 1999), d’autres font remarquer que le leadership de la direction d’école est non

seulement un facteur important dans la réussite scolaire des élèves, mais que ce leadership est encore

plus important et a encore plus d’impacts dans les milieux les plus difficiles, les plus défavorisés

(Leithwood, Seashore Louis, Anderson et Wahlstrom, 2004) et d’autres encore mettent en évidence

l’aspect de justice sociale qui devrait caractériser le leadership des directions d’écoles en milieu

défavorisé (Riester, Pursh et Skrla, 2002). Lyman et Villani (2004) considèrent comme primordiale la

croyance dans le potentiel de développement de chaque élève et dans sa capacité d’apprendre à des

niveaux élevés. Elles font cependant remarquer que la recherche est actuellement muette sur les façons,

pour la direction, d’influencer les croyances et les attitudes du personnel à cet égard.

La recherche demeure peu abondante et il est difficile d’en extraire des principes pour la pratique ou pour

la formation des directions d’écoles. C’est ce qui nous a incités à entreprendre cette recherche

collaborative, au sens de Desgagné (Desgagné, Bednarz, Couture, Poirier, et Lebuis, 2001), c'est-à-dire,

à entreprendre une recherche avec les directions d’écoles et non sur les directions d’écoles.

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Jean Archambault et Li Harnois 13 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Le contexte et l’hypothèse de départ En effet, c’est au cours de l’année 2004-2005 que l’équipe du Programme de soutien à l’école

montréalaise (PSÉM) ainsi que le chercheur principal, professeur au département d’Administration et

fondements de l’éducation de l’Université de Montréal, ont entrepris une réflexion sur la question de la

direction d’écoles primaires1 dans les milieux défavorisés à Montréal.

Sur la base d’une connaissance concrète du milieu ainsi que de l’examen de la littérature sur le sujet

l’équipe de recherche2 a donc émis l’hypothèse que la direction de telles écoles pouvait comporter des

caractéristiques propres et exiger des compétences particulières de la direction d’école. Mais qu’en était-il

réellement?

Les questions de recherche Cette hypothèse méritait donc d’être vérifiée. Les questions de recherche se posent désormais ainsi : y a-

t-il des différences dans la direction d’une école de milieu défavorisé? Si oui, quelles sont-elles ? Mais

d’abord, en quoi consiste la direction d’une école en milieu défavorisé? Et quels sont les attributs que

doivent détenir ou développer les directions d’école qui œuvrent dans ces milieux?

Les objectifs de la recherche C’est à partir de ces questions que les membres de l’équipe de recherche ont collaboré pour mettre sur

pied des projets de recherche afin d’apporter certaines précisions sur le sujet. Les données ainsi

produites pourront être diffusées auprès des directions d’écoles et servir à élaborer des mécanismes de

soutien ou de développement professionnel mieux adaptés à leurs besoins.

Cette recherche a pour objectifs :

1- d’identifier, de décrire et de documenter les caractéristiques et les particularités de la direction

d’une école de milieu défavorisé, en milieu montréalais et

2- d’identifier les besoins de développement professionnel des directions d’écoles de Montréal et de

proposer des formules de développement professionnel qui leur conviennent.

1 Comme cette recherche concerne uniquement les écoles primaires dans les milieux défavorisés, nous convenons pour la suite d’utiliser le terme « école », en référence à ces dernières. 2 Puisqu’il s’agit ici d’une recherche collaborative, comme nous le verrons dans la méthodologie, l’équipe de recherche fut constituée de professionnels du Programme de soutien à l’école montréalaise, dont des directions d’école, du chercheur principal et de la professionnelle de recherche.

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La méthodologie Nous présenterons ici l’idée de la recherche collaborative, qui a guidé les choix méthodologiques, puis les

participants, le déroulement de la recherche, les modalités de collecte des données, et enfin, le traitement

des données.

La recherche collaborative

Cette recherche a été menée en collaboration avec le Programme de soutien à l’école montréalaise

(PSÉM) du ministère de l’Éducation du Loisir et du Sport, du Québec (MELS). Ce Programme est chargé

d’offrir des services aux écoles de milieux défavorisés et en particulier aux directions de ces écoles afin

qu’elles mettent en œuvre des mesures reconnues comme essentielles à l’intervention en milieu

défavorisé.

Pour reprendre l’idée de Liberman (1986, in Desgagné et al., 2001), la recherche collaborative dont il est

ici question consiste à faire de la recherche « avec » plutôt que « sur » les praticiens, c'est-à-dire, avec

les directions d’écoles ainsi que les ressources professionnelles du Programme de soutien à l’école

montréalaise. C’est bien avec les directions d’école que nous chercherons à comprendre en quoi consiste

leur travail, dans une école de milieu défavorisé. En ce sens, les données de la recherche sont

construites en collaboration par les chercheurs, les directions d’écoles et des professionnels du

Programme de soutien à l’école montréalaise et sont produites pour comprendre une situation éducative

problématique, du point de vue des directions, afin de pouvoir y dégager des éléments de solution (Van

der Maren et Poirier, 2007). Considérant que la culture des directions d’écoles et celle des professionnels

qui les soutiennent sont différentes, nous croyons que cette co-construction met en place trois cultures en

collaboration, celle des chercheurs, celles des professionnels du Programme et celle des directions

d’écoles. Cette collaboration de trois cultures différentes permet d’obtenir un critère de triple

vraisemblance de la pertinence sociale des résultats produits.

Les participants

En septembre 2005, lors de l’événement annuel de la rentrée scolaire du Programme, événement

réunissant essentiellement les directions des quelques 120 écoles ciblées par le Programme, ces

directions ont été invitées, sur une base volontaire, à indiquer par écrit, en quelques mots, en quoi diriger

une école en milieu défavorisé était semblable et différent de la direction d’autres écoles. L’objectif de ce

questionnement était de recueillir leurs premières impressions à ce sujet, de leur retourner ces données

colligées (ces données ont fait l’objet de communications du Programme de soutien à l’école montréalaise

à l’ensemble des directions, au cours de l’année 2006), et surtout, d’informer les directions de l’intention

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Jean Archambault et Li Harnois 15 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

du Programme de soutien à l’école montréalaise et de l’Université de Montréal, d’entreprendre des

travaux de recherche collaborative sur la direction d’école en milieu défavorisé.

Par la même occasion, justement, les directions étaient invitées à manifester leur intérêt à participer à la

présente recherche. Quarante-sept des 120 (39%) directions des écoles primaires ciblées par le

Programme de soutien à l’école montréalaise (dont 6 anglophones) se sont montré intéressées à

participer aux entretiens.

La technique d’enquête choisie

Il a été convenu de recueillir les propos des directions participantes par le biais d’entretiens focalisés

communément appelés « focus groups ».

Compte-tenu du caractère exploratoire de cette recherche, les entretiens ont été semi-dirigés afin de

laisser aux participants la possibilité d’aborder la question sous différents angles. De ce fait, il est toutefois

plus difficile de comparer systématiquement les résultats des différents groupes, sinon pour relever les

similitudes et les différences au niveau des thèmes abordés.

Huit focus groups de six directions ont été constitués. Lors de la constitution des focus groups, bien que

nous ayons réparti les directions au hasard, nous nous sommes assurés d’une représentation équivalente

des trois commissions scolaires francophones de l’île de Montréal et des réseaux de la CSDM dans

chacun des sept focus groups francophones. Un seul groupe de directions d’écoles anglophones a été

constitué.

Pour les besoins de la recherche, nous souhaitions constituer quatre focus groups. Cependant, la forte

réponse des directions nous a conduits à effectuer la collecte des données en deux temps : quatre focus

groups (incluant le groupe anglophone) ont eu leurs entretiens entre les mois de janvier et mars 2006. Ils

constituent la première cohorte de focus groups de cette recherche. Les quatre autres groupes ont

participé à des rencontres entre les mois d’octobre et décembre 2006, et ont constitué la deuxième

cohorte de participants.

Les participants se sont engagés à assister à deux rencontres avec un même groupe. Seuls deux

participants ont fait exception à cette règle en raison de contraintes d’horaire. Dans le premier cas, un

participant a délaissé son groupe original pour en joindre un autre. Pour ce qui est de l’autre participant, il

a pu uniquement participer à la deuxième rencontre de groupe.

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Jean Archambault et Li Harnois 16 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Le déroulement de la recherche

Un premier focus group exploratoire

Au mois de mai 2005, le Programme de soutien à l’école montréalaise et les chercheurs proposent à six

directions d’écoles en milieux défavorisés de participer à un focus group exploratoire portant sur la

direction d’une école en milieu défavorisé. Cet exercice a permis au groupe de recherche de préciser un

canevas d’entretien (Annexe 1) qui a ensuite été utilisé dans la réalisation des premières rencontres avec

les focus group subséquents.

Il a été convenu que le groupe exploratoire participe aux deux focus groups de la 1ère cohorte. Compte-

tenu des similitudes entre la démarche du focus group exploratoire et celle du premier focus group, les

résultats de ces deux rencontres ont aussi été transcrits afin d’en permettre le codage. Voyons

maintenant comment se sont déroulées les rencontres.

L’accueil

Lors des deux rencontres, les participants sont d’abord conviés à prendre un repas, sur place. Il s’agit

d’un moment informel permettant aux participants de se présenter, pour ceux qui ne se connaissent pas.

Ce moment crée un contexte convivial, favorable aux échanges qui vont suivre.

Lors de la première rencontre, un temps est prévu pour compléter les formalités. Une compensation

financière est accordée à chaque direction pour leur participation. En tout, une heure est prévue pour

cette période d’accueil.

Les focus group

Par la suite, l’intervieweur donne les consignes quant au déroulement du focus group. Entre deux heures

et deux heures trente sont prévues pour les échanges, le tout ponctué d’une pause à mi-parcours. Les

rencontres sont enregistrées pour les fins de transcription du verbatim. Les participants sont invités à dire

leur prénom avant chaque échange, ceci afin de faciliter l’attribution des propos, lors de la transcription.

Nous avons très rarement rencontré du cafouillage découlant de la prise de parole simultanée de

plusieurs participants. Cette situation rend habituellement la transcription des échanges laborieuse,

l’identification des participants à peu près impossible et cela entraîne souvent une perte considérable de

données. Ainsi, très peu de données ont été perdues lors de la transcription.

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Jean Archambault et Li Harnois 17 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Lors de la première rencontre, les directions ont été invitées à échanger en répondant à des questions

générales portant sur la direction d’une école de milieu défavorisé et sur les différences avec la direction

d’une école qui n’est pas en milieu défavorisé.

Lors de la deuxième rencontre, les directions se voyaient d’abord résumer les propos de la première

rencontre et l’intervieweur présentait ensuite les résultats d’une revue de littérature sur les écoles

efficaces ou performantes, de milieu défavorisé (Archambault et Harnois, 2006a; 2006b)3. L’objectif de

cette deuxième rencontre était d’amener les directions à exprimer leurs commentaires et à confronter

leurs idées aux contenus présentés, dans le but d’augmenter ou de compléter l’information recueillie et de

la consolider.

À cet effet, nous avons produit un court texte qui a été remis aux directions lors de la rencontre, et qui a

par la suite été diffusé par le Programme (Archambault et Harnois, 2006c, voir annexe 2). En effet, la

revue de littérature avait pour but d’alimenter la réflexion, dans le contexte de cette recherche mais aussi

d’alimenter le développement professionnel offert par le Programme aux directions des écoles ciblées.

Les modalités de collecte des données

Le canevas d’entretien

Les entretiens des focus groups ont été menés à partir d’un canevas d’entretien (voir annexe 1). Ce

canevas a été élaboré par les chercheurs avec les professionnels du Programme de soutien à l’école

montréalaise, certains d’entre eux étant des directions d’écoles. Le canevas d’entretien porte sur les

caractéristiques du travail de direction d’une école de milieu défavorisé, sur les différences avec la

direction d’une école qui n’est pas en milieu défavorisé, sur les attributs de la direction d’une école en

milieu défavorisé et sur les motivations de la direction de travailler dans une école en milieu défavorisé.

3 La question de la direction d’écoles dans les milieux urbains défavorisés est un sujet en émergence. Ainsi, il existe peu d’écrits scientifiques sur le sujet. La revue de littérature a été effectuée à l’automne 2005 et à l’hiver 2006 et portait sur les écoles efficaces ou performantes en milieu défavorisé. Cette revue comportait surtout des ouvrages récents datant entre 2000 et 2005. Dans les trente-cinq ouvrages à caractère scientifique et les sept ouvrages à caractère professionnel, quatre thèmes récurrents ont été identifiés: les caractéristiques des écoles performantes dans les milieux défavorisés, les caractéristiques ou les qualités du leadership dans ces écoles performantes, les stratégies de leadership et finalement, les caractéristiques de la pauvreté. Afin de bien situer la recherche, des ouvrages généraux récents sur les différentes approches du leadership dans la gestion d’écoles ont aussi été consultés. Outre les documents de recherche, cette revue de littérature a fait l’objet de deux publications à caractère professionnel, à l’usage du Programme (Archambault et Harnois, 2006c ; Archambault, Ouellet et Harnois, 2006).

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Jean Archambault et Li Harnois 18 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

L’enregistrement audionumérique

L’enregistrement audionumérique des échanges constitue la modalité principale de collecte des données

pour alimenter la présente recherche. Des notes de terrain, prises par l’observateur, comprennent des

observations sur les difficultés récurrentes, sur les idées utiles, sur le climat, ainsi que tout changement

observé durant l’expérience. Les réflexions ou des pistes qui s’en dégagent ont été utiles tout au long du

déroulement de la recherche.

Les intervieweurs et l’observatrice

Il a été convenu que le chercheur principal anime la première et la seconde rencontre avec le premier

groupe. Les rencontres avec les autres groupes ont été animées par une ressource professionnelle du

Programme de soutien à l’école montréalaise qui travaille auprès des directions d’écoles. Elle assiste aux

deux rencontres animées par le chercheur principal. Un seul remplacement par le chercheur principal de

la ressource professionnelle a dû être effectué lors de la deuxième rencontre avec un groupe.

L’intervieweur est accompagné de la professionnelle de recherche qui agit à titre d’observatrice et qui

prend des notes détaillées tout au long de la séance. La présence d’au moins deux personnes aux

entretiens augmente les chances de couvrir tous les éléments du canevas d’entretien. Lors de la pause

de mi-parcours et à la fin de l’entretien, l’intervieweur et l’observatrice échangent sur le déroulement de

l’entretien et conviennent de réajustements, au besoin.

Le traitement des données

Nous décrivons ici les différentes opérations nécessaires à l’organisation des données : la transcription du

verbatim, la saisie des données et l’identification des participants, le codage et la catégorisation des

unités de sens.

La transcription du verbatim

La première opération consiste à la transcription brute des informations recueillies au cours des différents

dialogues. Cette opération consiste à transcrire mot à mot, le plus fidèlement possible, tout le contenu

verbal, à l’exclusion des onomatopées, des hésitations, des rires, des silences qui n’ont pas été retenus

pour l’analyse qualitative.

Les transcriptions du verbatim ont été réalisées par deux transcriptrices : l’une consacrée aux groupes

francophones, l’autre, au groupe anglophone. Dans les deux cas, des vérifications aléatoires du verbatim

et l’écoute des enregistrements ont permis d’assurer la fidélité entre les propos exprimés par les différents

interlocuteurs et la transcription.

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Jean Archambault et Li Harnois 19 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

La saisie des données et l’identification des participants

Les données ont été saisies grâce au logiciel de traitement de données Atlas ti 5.0. C’est avec ce logiciel

que les données seront subséquemment codées. Lors de la saisie des données, Chaque focus group

suivait la nomenclature suivante, par exemple : 0FG1 (focus group témoin du groupe de directions

numéro 1) / 1FG2 (1er focus group du groupe de directions numéro 2) / 2FG4 (2e focus group du groupe

de directions numéro 4).

Tous les participants qui ont pris part à la présente recherche l’ont fait sur une base purement volontaire.

Afin d’assurer la confidentialité et l’anonymat des participants, nous avons convenu d’éliminer toute

référence à des renseignements personnels les concernant.

Afin d’illustrer certains propos, nous pourrons juger pertinent de faire référence au contenu verbatim. Pour

ce faire, toute citation sera présentée en italique. Nous conviendrons d’identifier les sujets comme suit :

par exemple, 1FG2/135 fait référence à la première rencontre du fous group de directions #2, 135e

paragraphe.

Le codage

Cette opération consiste à délimiter les unités de sens des discours produits lors des échanges. Le

découpage des discours en unités de sens ou unités de signification consiste à structurer les discours en

énoncés plus restreints, possédant normalement un sens complet en eux-mêmes. Ces énoncés sont des

phrases ou des paragraphes qui, de façon indépendante, sont significatifs par rapport à l’objet et aux

objectifs de l’étude. Une fois les unités de sens repérées, il s’agit de procéder au codage de chacune

d’elles, c’est-à-dire à décrire ou à caractériser chaque unité par un mot ou une expression succincte

qu’elle suggère, lorsqu’elle est lue. Ce codage des unités de sens est nécessaire à l’étape suivante qui

est l’étape de catégorisation des unités.

Comme il s’agit d’une démarche exploratoire, à l’exception des grands thèmes contenus dans le canevas

des focus groups, la plupart des codes ont été générés lors du codage du focus group témoin. Des

recoupements ont par la suite été effectués. Ceci n’a toutefois pas empêché de nouveaux codes

d’apparaître en cours de route. Dans de tels cas, nous procédions à une révision systématique de

l’ensemble du verbatim afin d’inclure les citations se rapportant à ce nouveau code. La liste des codes

apparait à l’annexe 3.

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Jean Archambault et Li Harnois 20 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

La catégorisation des unités de sens La catégorisation des unités de sens constitue une autre étape. La catégorie consiste en une unité plus

globale, comportant un sens commun plus large et caractérisant d’une même manière la variété des

énoncés qui peuvent y être rattachés, en dépit de leurs éventuelles différences de formulation. C’est une

sorte de dénominateur commun auquel peut être ramené tout naturellement un ensemble d’énoncés qui

se ressemblent sans en forcer le sens. La catégorisation consiste à réorganiser le matériel en regroupant

et en classant les unités de sens sous des thèmes plus larges dites “ catégories ” et qui permettent de

déduire, par la suite, le sens émergent du discours.

Différents modèles de catégorisation existent. Dans le cadre de la présente recherche, le modèle ouvert

s’applique puisqu’aucune catégorie n’avait été prévue au départ. Dans un tel cas, le chercheur doit

pouvoir définir toutes les catégories pertinentes à partir du matériel analysé. Ce modèle convient

parfaitement aux recherches exploratoires où il s’agit de générer le plus grand nombre d’informations

possibles sur un objet sur lequel on ne dispose pas encore de données ou d’informations suffisantes.

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Jean Archambault et Li Harnois 21 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

La présentation et l’analyse des résultats

Les focus group ont permis de recueillir une quantité importante de données qui ont fait l’objet d’une

analyse. Les résultats sont présentés ci-après en respectant l’ordre des deux rencontres et la fréquence

des échanges sur les différents sujets –du plus fréquent au moins fréquent-.

D’abord, les résultats de la première rencontre. Comme nous l’avons expliqué dans la méthodologie, cette

rencontre est structurée par le biais d’un canevas d’entretien. Le canevas d’entretien porte sur les

caractéristiques du travail de direction d’une école de milieu défavorisé, sur les différences avec la

direction d’une école qui n’est pas en milieu défavorisé, sur les attributs de la direction d’une école en

milieu défavorisé et sur les motivations de la direction de travailler dans une école en milieu défavorisé.

Nous présentons aussi les réactions recueillies lors de la présentation du résumé de la première

rencontre, en début de la deuxième rencontre, compte-tenu de la proximité des propos.

Ensuite, les résultats de la deuxième rencontre. Lors de la deuxième rencontre, une brève synthèse écrite

d’une revue de littérature sur les écoles efficaces ou performantes, de milieu défavorisé (Archambault et

Harnois, 2006a; 2006b) était présentée. Les directions ont pu exprimer leurs commentaires et confronter

leurs idées aux contenus présentés.

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Jean Archambault et Li Harnois 22 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

La présentation des résultats de la première rencontre Rappelons que la première rencontre des groupes de discussion avait pour but d’amasser des

informations sur les caractéristiques du travail de direction d’une école de milieu défavorisé, sur les

différences avec la direction d’une école qui n’est pas en milieu défavorisé, sur les attributs de la direction

d’une école en milieu défavorisé et sur leurs motivations des directions de travailler dans ces écoles.

Pour ce faire, les directions d’écoles se voyaient d’abord présenter le canevas de questions. Cette

intervention des chercheurs a été décrite plus en détails dans la section sur la méthodologie de la

recherche.

La surcharge de travail

Lorsque nous avons demandé en quoi la direction d’une école en milieu défavorisé était différente de la

direction d’une école en milieu plus favorisé, nous avons reçu une réponse unanime. Les directions ont

rapidement évoqué la surcharge de travail à tous les niveaux. Elles disent manquer constamment de

temps et faire face à une tâche plus lourde :

C'est du 7h15 à 18h. Ça ressemble à ça. Et c'est pas du zèle, c'est juste de répondre à

la demande. (1FG5/24)

You don’t breathe…You know, someone says if you can’t manage your job within an 8

hours day then you can’t manage your job. Well, I’m doing a terrible job. Because I’m

not managing. You know, I work on the weekends, or I work in the evenings. (1FG4/47)

C'est devenu une farce chez moi. Les gens entrent « as-tu 2 minutes? » « je n'ai que ça

des 2 minutes»… Alors c'est pour ça, moi c'est comme ça, je trouve que dans une

école en milieu défavorisé, il n'y a pas de temps, il y a comme pas de temps mort.

(1FG7/30)

Plus précisément, cette surcharge de travail s’explique, selon les directions, par une série de facteurs qui

se font voir dans des domaines de la vie de l’école que nous avons regroupés ainsi : 1- la réalité des

milieux défavorisés (la complexité, la diversité et l’hétérogénéité des milieux ; la situation des familles; le

sentiment d’urgence, les imprévus; le nombre d‘élèves en difficulté d’apprentissage), 2- la gestion

financière et administrative, 3- la gestion des ressources humaines (le sentiment d’impuissance et

d’épuisement des intervenants du milieu scolaire; le nombre de professionnels au sein de l’équipe-école;

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Jean Archambault et Li Harnois 23 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

la mobilité du personnel, le travail d’équipe), 4- le rapport avec les parents (la communication; la

collaboration; les services) et 5- les partenariats avec les organismes de la communauté.

La réalité des milieux défavorisés La section suivante portant sur la réalité des milieux défavorisés aborde les sujets suivants : la

complexité, la diversité et l’hétérogénéité des milieux, la situation des familles, le sentiment d’urgence, les

imprévus et le nombre d’élèves en difficulté d’apprentissage.

La complexité, la diversité et l’hétérogénéité des milieux

Comme l’expliquent les directions, depuis plusieurs années, il semble que les milieux défavorisés se

transforment, se complexifient (1FG3/61) et que la pauvreté devient plus hétérogène (0FG1/201) :

On a un nouveau quartier chinois qui se développe à Verdun, mais c'est un petit peu

défavorisé parce que c'est sûr que...immigrantes qui vont aussi avec nous et on se dit

bien ça va donner une nouvelle couleur à l'école, et ça va être intéressant et on va

miser là-dessus. (1FG5/47)

Les directions mentionnent une distinction au niveau la durée de la défavorisation. Ainsi, qu’il s’agisse

d’une pauvreté s’échelonnant sur une longue période (de génération en génération) ou d’une pauvreté

épisodique, causée par des circonstances particulières (immigration), on observe des réalités communes

ainsi que des problématiques particulières à chaque école:

On est en milieu défavorisé, mais allophone… ça amène une différente réalité, parce

qu’il y a la pauvreté de plusieurs générations, et il y a la pauvreté du projet migratoire.

(1FG1/70)

On parlait de diversité… c'est pas évident de faire la part entre la multiethnicité et le

milieu défavorisé … j'ai une grande proportion de mes parents qui sont de grands

diplômés … ils sont ici, c'est circonstanciel le fait qu'ils soient défavorisés et non pas

comme dans certains autre milieux institutionnalisés, pour avoir travaillé ailleurs où

vraiment c'est de père en fils. Cette situation-là, moi dans mon milieu, c'est pas ça du

tout. C'est : « on arrive, on est dans cette situation-là, mais on va s'en sortir. (1FG6/11)

Les directions distinguent certaines caractéristiques qui définissent la défavorisation: la précarité

financière et la défavorisation « sociale » souvent associée, par les directions, au milieu québécois de

souche :

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Jean Archambault et Li Harnois 24 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Des parents qui arrivent décomposés parce qu’ils n’ont pas d’argent. (1FG2/70)

It’s not a monetary poverty … It’s an intellectual and social poverty. And that’s what’s

killing us in schools like ours. They don’t know how to handle situation. (1FG4/55)

Le milieu de défavorisation se vit différemment…. dans mon milieu (québécois de

souche) c'est beaucoup plus une défavorisation sociale… Les gens n'ont pas

nécessairement les moyens et on retrouve, je dirais cette spirale où de génération en

génération, les gens…sont défavorisés. (1FG6/21)

Les parents ne sont pas toujours disponibles, mais pas pour les mêmes raisons. Dans

un milieu allophone, il y a la barrière de la langue qui est épouvantable, quand vient le

temps d'aider les enfants, c'est toujours une réalité difficile. Les parents ne sont pas sur

l'aide sociale dans mon milieu, ils travaillent, mais ils travaillent en usine, de soir, de

nuit, etc. Ils élèvent des pigeons sur leur balcon, qu'ils vont capturer un peu partout

dans les parcs et ils les mangent durant l'hiver. Donc ils ne sont pas présents le soir

pour aider leurs enfants, parce qu'ils ne sont même pas dans la maison. (1FG8/14)

Le degré de la défavorisation se présente de façon variable. Dans tous les cas, il semble que la clientèle

des écoles pose des défis plus importants, compte tenu de l’étendue des besoins des élèves et de leur

famille et de la lourdeur de leurs difficultés :

Je pense qu'il y a différents degrés de défavorisation. Mon école n'est pas aussi

défavorisée, probablement... de ce que je viens d’entendre jusqu'à maintenant.

(1FG5/28)

Il y a différents types de défavorisation… il y a sûrement des caractéristiques

communes, et il y a des particularités. Et le milieu défavorisé où je suis, ça n’a rien à

voir avec ce que j’ai connu à St-Michel où il y avait de la criminalité, de la drogue, tout

ça. C’est pas présent, c’est d’autres types de problèmes. (1FG2/149)

Dans un milieu défavorisé, pour moi c'est pas limité seulement à l'enfant, c'est que tout

ce qu'il y a autour de l'enfant: le parent, la famille, le quartier. (1FG7/10)

L’enfant, il vient à l’école avec son bagage. Il vient à l’école avec sa famille. Il vient à

l’école avec tout son contexte. … je trouve que c’est différent, c’est différent dans un

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Jean Archambault et Li Harnois 25 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

milieu défavorisé parce que, ça prend souvent beaucoup, beaucoup de place. Ça

prend souvent toute la place. (OFG1/29)

La lourdeur de la clientèle. (1FG2/19)

La situation des familles

Les directions font ici référence à la situation des familles à travers une série de sujets que voici :

Les besoins de base (la précarité des logements, le manque de nourriture)

Quand je vais parfois dans les familles - ça arrive… que je vais cogner à la porte - .

C’est des petits logements… les gens sont un peu plus essoufflés par le fait de la

vie…, des vieux meubles, des vieilles affaires. Ils ont rien, ils ont pas une cenne.

(1FG2/101)

Notre clientèle vit dans le moment présent. Comment avoir assez de sous pour payer

le logement demain, c’est le premier du mois, (1FG3/39)

Le manque de nourriture … de s’assurer s’ils ont eu des collations le matin, de voir s’il

a bien déjeuné ou s’il a soupé la veille. (1FG2/76)

Les enfants ne sortent pas, vont nulle part, n’ont pas d’argent. (1FG3/117)

La monoparentalité

J'ai 48% de mamans monoparentales qui n'ont même pas fini leur secondaire, que

j'envoie dans des ateliers... avec les gens de Carrefour Emploi Jeunesse pour être sûrs

que ces femmes-là regagnent un peu le marché du travail, une confiance en elles,

habiletés parentales. C'est sûr qu'on fait rentrer des ateliers avec le CLSC pour des

habiletés parentales à développer auprès ces mères-là. (1FG5/D29 (47))

La mobilité (les déménagements fréquents) :

Je travaille beaucoup, beaucoup le sentiment d’appartenance, parce que je trouve

qu’en milieu défavorisé l’appartenance est fragile parce que ces enfants-là ont souvent

déménagé. (1FG1/123)

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Jean Archambault et Li Harnois 26 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

On a une famille qui a déménagé trois fois en cinq mois parce qu’ils payent pas le loyer,

ça fait qu’ils s’en vont. (1FG3/85)

L’isolement social :

Il y a des milieux où en plus de la pauvreté, c’est de la misère, parce que c’est de la

misère humaine avec laquelle on doit travailler, et ce n’est pas juste de la pauvreté. Et

effectivement dans les milieux où il y a beaucoup d’immigrants, ce qu’on réalise, c’est

que le tissu social de ces immigrants-là est assez fort. Ils sont capables de se référer à

d’autres gens. Ils sont capables d’aller dans leur communauté demander de l’aide…

Nous, c’est une misère, et la misère c’est jusqu’à dire à un parent « Va là, ils vont t’en

donner des ressources », et que le parent n’y va pas. (1FG3/63)

Nos parents … sont isolés, ils sont seuls. (1FG3/19)

La faible scolarisation des parents :

La sous-éducation des parents, je pense que c'est une des caractéristiques des milieux

qu'on connaît. (1FG5/50)

Des parents qui ont vécu des choses très difficiles eux-mêmes par rapport à leur milieu

en milieu scolaire, qui arrivent avec un bagage… Cette année, on a des cours

d'alphabétisation à l'école pour les parents… ça déborde du cadre scolaire. (1FG7/10)

La violence :

Un enfant qui se fait ramener par la police à l’école, parce que la voisine a appelé

parce qu’il était tout seul dans son appartement depuis plusieurs jours et qu’elle

commençait à trouver ça louche, pis qu’il avait pas dîner parce qu’il gardait son repas

pour donner à sa mère le soir. (1FG2/33)

Beaucoup de signalements à la DPJ. C'est arrivé dans des cas où un enfant arrive le

matin avec un œil amoché … puis bon, on finit par découvrir que c'est son père qui l'a

frappé, donc enquête DPJ, tout ça. (1FG5/50)

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Jean Archambault et Li Harnois 27 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Le sentiment d’urgence, les imprévus

Compte tenu de la complexité des milieux, les directions disent faire face quotidiennement à de

nombreux imprévus :

It’s like lighting fires all the time! (1FG4/47)

On est au fait de toutes les petites misères et les grandes misères des enfants. Il y a

des périodes dans l’année aussi. Dans une année scolaire… il y a des périodes qui

sont très, très, très, très effervescentes et il y a des périodes qui le sont moins. Il n’y a

jamais de périodes qui ne sont pas effervescentes. Il y a toujours des événements, il y

a toujours des situations de crise, et quand tu es dans un milieu où le tissu social est

défait - je sais pas moi, des enfants trouvent un cadavre dans la ruelle, parce que ça

nous est arrivés vendredi passé, ou t’as des piqueries…des enfants qui traînent dans

la rue jusqu’à des 10 h le soir et qui ont 7-8 ans là. C’est aussi gérer ces enfants-là,

appeler la DPJ. (1FG3/19)

Dans certains cas, les parents se présentent à l’école à l’improviste. Compte tenu qu’elles considèrent

difficile d’établir une collaboration avec les parents, plusieurs directions vont accepter de rencontrer un

parent qui se présente sans rendez-vous. L’horaire de travail s’en trouve souvent alourdi :

J’appelle le mardi, la petite fille dit « c’est qui? … ma mère fait dire qu’elle est

occupée ». J’ai dit « ok, on se rappellera. » J’ai jamais eu de nouvelles. Vendredi, elle

est arrivée à 14h45… Ah! Ça me tentait, c’est effrayant! Mais elle est là, t’as pas le

choix. Ça fait que tu passes une demi-heure, trois quarts d’heure, pis tu tasses tout le

reste. T’as pas ça dans une école de milieu favorisé. (1FG1/179)

Plusieurs de ces imprévus se manifestent comme des urgences, nécessitant de la part de la direction,

une intervention immédiate. Les directions se disent happées de toutes parts, devant constamment régler

différents problèmes :

Il faut accepter ça, d’être happé je dirais, d’être siphonnée par les gens qui nous

entourent. Et c’est rarement pour des choses agréables, c’est toujours pour des

problèmes… Et leur problème est toujours urgent… d’être capable de dire aussi au

monde « regarde, là je suis en train de faire une chose, je te reviens ». Ca, les gens on

toujours beaucoup de difficulté à accepter ça. C’est toujours eux tout seuls et faut

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Jean Archambault et Li Harnois 28 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

toujours que tu règles leur problème tout de suite. Alors, c’est d’avance d’accepter cette

réalité-là. Ca fait partie de la réalité des milieux défavorisés. (1FG2/33)

Dans un tel contexte, il semble difficile, pour les directions, de se concentrer sur une seule tâche. Il s’agit-

là d’une réalité quotidienne avec laquelle elles doivent composer :

Mon incapacité à me concentrer sur une tâche. Je me sens toujours sollicitée, on dirait

que j'ai toujours une oreille en écoute, à me dire « il y en a un qui va me faire une crise,

on va appeler au secrétariat, on va avoir besoin d'aide dans une classe… (1FG7/21)

Finalement, nous terminerons ce point en faisant référence à la prise de conscience d’une direction face

aux situations d’urgence :

La première année que j'ai été là, je suis allée dans une vente de garage, je me suis

acheté un casque de pompier et je me suis dit j'ai tellement l'impression de toujours

répondre à des urgences. je faisais rire les enfants. Je partais avec mon casque de

pompier et je disais « ah je m'en vais répondre à une urgence, désolée ». Puis à la fin

de l'année, la psychologue de l'école m'a offert un ours polaire, un petit toutou en ours

polaire et elle m'a dit « tu sais, il faudrait que t'arrêtes de voir ton travail comme un

pompier, parce que dans le fond, les gens t'appellent, viennent te voir parce qu'ils

viennent se rafraîchir » et c'est ça le travail je trouve, c'est vraiment, on a l'impression,

moi j'ai l'impression vraiment d'être toujours en urgence, toujours, c'est toujours gros, y

a rien de simple. C'est toujours assez important… c'est ça, l'énergie que ça demande.

(1FG7/D38 (53))

Le nombre d’élèves en difficulté d’apprentissage

La réalité des élèves vivant dans les milieux défavorisés est variable, dépendamment du milieu dans

lequel ils vivent :

Donc juste d'un milieu défavorisé à l'autre, moi en tout cas, c'est la première chose qui

m'a sauté aux yeux, comment la réalité de ces enfants-là est complètement différente et

qu'ils ont des besoins complètement différents, tout en étant très défavorisés.

(1FG8/14)

On fait référence, entre autres, aux besoins spécifiques des élèves issus de l’immigration, pour qui

l’apprentissage du français et l’intégration à la communauté d’accueil sont essentiels :

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Jean Archambault et Li Harnois 29 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

L'encadrement d'une famille à l'autre, d'une culture à l'autre aussi. Donc comment

arriver à faire en sorte que des enfants de première génération! De deuxième et

troisième génération, ça va. Mais de première génération, ils vont s'acclimater, il y en a

quand même qui vont faire le pont entre ce qui se passe à la maison et ce qui se passe,

parce qu'on est une mini société, c'est notre rôle de les amener à ça, de les amener à

l'autonomie. (1FG6/51)

Malgré ces différences, les directions mentionnent plusieurs besoins similaires. D’abord, compte tenu de

la pauvreté qui sévit dans les milieux, plusieurs besoins ne semblent pas comblés (nourriture, vêtements,

matériel scolaire) :

Ce qui est différent dans un milieu défavorisé: la souffrance des enfants. Je sens dans

mon milieu les enfants qui ont des besoins de base auxquels on n'a pas répondu que

ce soit au niveau alimentaire, que ce soit affectif, l'organisation matérielle, la

reconnaissance. (1FG7/21)

Certaines directions soulignent que plusieurs élèves sont exposés à la violence, dans le quartier ou dans

leur famille. Pour d’autres directions, la gravité des problèmes des élèves n’est pas propre uniquement

aux milieux défavorisés :

Si je suis en milieu défavorisé, je ne peux pas travailler juste avec le flo, c'est

impossible. Il y a trop de contextes qui font que l'enfant entre à l'école parce qu'il n'a

pas déjeuné, parce qu'il a mangé une volée, parce qu'il a vu sa mère manger une

volée, ou bien qu'il y a eu ci ou qu'il y a eu ça et c'est trop important au niveau de la

famille. (1FG7/57)

Les enfants qui ont des graves problèmes, qui sont en grande détresse psychologique,

on les retrouve dans tous les milieux. (1FG8/33)

Plusieurs directions disent que les élèves de milieux défavorisés arrivent à l’école avec un bagage

différent qu’ils qualifient souvent comme étant un retard :

En milieu défavorisé, les enfants partant de plus loin, souvent on a besoin d'aller

allumer des petites chandelles. (1FG5/96)

Certaines directions disent que les élèves manifestent davantage une soif d’apprendre. Dans d’autres

cas, les directions jugent les enfants moins motivés, moins disposés aux apprentissages :

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Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires de la région de Montréal Rapport de recherche

Jean Archambault et Li Harnois 30 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

En milieu défavorisé, on peut présenter n’importe quoi aux enfants et puis ils gobent, ils

veulent embarquer, ils sont prêts parce qu’ils ont soif d’apprendre, ce qu’ils n’ont pas à

la maison. On le retrouve beaucoup à l’école. Je pense que ça, ça, c’est toujours bon

hein. À la fin de la journée, on est comme content lorsqu’on voit qu’on a fait plaisir aux

petits bonhommes. (0FG1/183)

... les retards scolaires de beaucoup d’enfants, parce que beaucoup moins prédisposés

à l’apprentissage, beaucoup moins motivés, beaucoup moins ouverts à l’apprentissage,

parce qu’ils arrivent de milieux où le modèle n’existe pas souvent. (1FG3/13)

Pour certaines directions, le rythme d’apprentissage des élèves est plus lent :

Puis même si on veut les amener à un certain but, chacun a son rythme…

d'apprentissage, son rythme de travail, puis d'être capable de comprendre ça et de

travailler avec ça, mais de se dire que même si certains ont un rythme beaucoup plus

lent, l'important c'est d'avancer avec ces gens-là. (1FG6/8)

On souligne aussi un nombre plus élevé d’élèves ayant des difficultés d’apprentissage comparativement

aux écoles en milieu favorisé:

Beaucoup de suivis individuels avec les PIA, donc beaucoup plus que j'imagine dans

les milieux plus favorisés, de ce que j'entends de mes collègues qui me disent, j'ai une

cote 12 dans l'école, j'ai 2 PIA … moi j'en ai un bon 60, 70, 80 PIA qu'on suit. (1FG5/50)

Selon les directions, les élèves auraient besoin d’un accompagnement et d’un suivi plus important que

dans d’autres écoles, ce qui exige la mise en place de stratégies variées et d’encadrements particuliers

qui contribuent à la lourdeur de la tâche des directions. :

Il y a un aspect en tout cas qui me parait différent, celui des plans d'intervention

adaptés où on en fait beaucoup, beaucoup, beaucoup, énormément et ça aussi, au

niveau de notre gestion. Tu vas me dire « où est la pédagogie? » Mais elle est là, parce

que c'est de trouver des moyens pour favoriser la réussite de l'élève sur tous les plans,

que ce soit sur le comportement, les attitudes, la lecture, l'écriture, élargir son

vocabulaire, bon, mettez-en. Ça on en fait plus, beaucoup plus qu'ailleurs. (1FG6/74)

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Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires de la région de Montréal Rapport de recherche

Jean Archambault et Li Harnois 31 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

La gestion financière et administrative

Les directions font référence à une gestion financière et administrative accrue en raison des budgets

supplémentaires destinés à répondre aux différents besoins des élèves :

La charge de direction est lourde mais il y a une complexité dans notre gestion qui est

différente parce qu’on gère plusieurs fonds. (1FG6/56)

Si les écoles...reçoivent beaucoup d'argent, d'allocations, c'est parce que les besoins

sont énormes. (1FG6/43)

Ces budgets sont consacrés à la mise en place de moyens divers. Les directions font référence, entre

autres, à la réalisation de multiples projets, à l’embauche de personnes ressources supplémentaires, à

l’achat de matériel, etc. :

Mettre en place des moyens pour permettre aux enfants d’aller plus loin…on les a ces

ressources-là puisqu’on a des budgets pour ça et heureusement, sinon on serait en

échec constant. (1FG3/89)

Ça supporte la créativité parce que les enseignants, ils ont des idées et nous on a des

moyens pour les aider à mettre en place les idées. (0FG1/317)

Il est important, pour certaines directions, d’impliquer l’équipe-école dans la lecture des besoins ainsi que

dans la prise de décision :

L'ajout de …budgets en milieu défavorisé, pour moi ça a amené toute une mobilisation

d'une équipe parce que dire « on a des sous », c'est pas d'acheter du matériel ou

d'acheter des équipements pour le parc-école, mais c'est de voir à évaluer les besoins

de nos élèves. Ensuite de ça, de mettre en place des mesures, des programmes qui

sont propres à l'école. (1FG7/10)

Dans l’ensemble des rencontres, les directions ont mentionné que cette gestion contribuait de façon

importante à la lourdeur de leur tâche. En échange de budgets supplémentaires, elles doivent produire

de nombreux rapports administratifs. Certaines directions affirment manquer de temps:

On a beaucoup de budget, mais c’est également des redditions de compte. On nous

demande beaucoup de rapports. (1FG3/113)

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Jean Archambault et Li Harnois 32 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

This is one of the biggest occupations of my time because of the way that I manage

money and I do it in small projects. (1FG4/51)

Le travail administratif ne se fait pas. Donc, c’est d’accepter que ce temps-là va se

prendre en dehors des heures de travail régulières. (1FG2/31)

I’m there late at night and doing silly budgets and all sorts of the extra stuff that comes

in. (1FG4/57)

Selon certaines directions, on s’attend à ce qu’elles détiennent des compétences en comptabilité,

compétences qu’elles n’ont pas toujours à priori et qu’elles doivent développer par elles-mêmes :

I found the budget part of it to me was new. It took time I needed to learn the budget.

(1FG4/7)

Malgré tout, certaines directions mentionnent que ces ressources sont encore insuffisantes pour répondre

à l’ensemble des besoins des élèves :

Oui, il y a des ressources, mais parfois, les ressources ne sont pas suffisantes. Alors

comment arriver à nos fins quand on parle de créativité. (1FG6/8)

Dans un cas, on parle même de la nécessité de revoir le mode d’attribution des budgets afin d’assurer

une égalité des chances pour tous :

Je crois que l’égalité des chances passe par l’inégalité des ressources. Mais

présentement ce qui se passe, et on va voir avec la normalisation, on a tendance à dire

« on va donner à tout le monde égal ». C’est un gros questionnement, je pense, que la

société doit se poser. (1FG3/149)

La gestion des ressources humaines

La section suivante sur la gestion des ressources humaines abordent les sujets suivants : le sentiment

d’impuissance et d’épuisement des intervenants du milieu scolaire, le nombre de professionnels au sein

de l’équipe-école, la mobilité du personnel et le travail d’équipe.

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Jean Archambault et Li Harnois 33 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Le sentiment d’impuissance et d’épuisement des intervenants du milieu scolaire

Selon les directions, les membres de l’équipe-école font souvent face à un sentiment d’impuissance et à

l’épuisement dans l’exercice de leur travail. Les personnes n’arrivent pas à se distancier des événements,

à dédramatiser :

À un moment donné ça peut venir nous chercher, il ne faut pas se le cacher, et

émotivement, c'est très difficile de le constater quotidiennement. On ne peut pas

côtoyer la misère avec des problématiques liées aux milieux défavorisés en étant

indifférent. (1FG8/29)

Être à l'écoute des enfants, des parents et des enseignants, parce que c'est exigeant

pour tout le monde. À partir des secrétaires, des professionnels, des intervenants, de

tout le monde, c'est exigeant pour tout le monde, pour la direction de l'école.

aussi (1FG5/16)

Comme le font remarquer les directions, plus souvent qu’autrement, les intervenants qui travaillent dans

les écoles ne sont pas issus de milieux défavorisés et leurs connaissances de ces réalités sont très

limitées :

Aussi, travailler dans un monde qui à une culture qui est pas la nôtre. Moi je ne suis

pas issu du milieu où je travaille… je dois partager cette culture-là… alors c’est

beaucoup d’ouverture que ça demande, de la compréhension, de l’acceptation aussi.

Faut s’intégrer à cette culture-là et la partager. Pour moi c’est un défi... il faut s’ajuster.

(1FG2/17)

Oui, il y a un choc culturel. Oui, on peut essayer de diminuer au maximum ce choc

culturel-là, mais il y a un bout auquel on doit confronter, je pense, notre clientèle, mais

on doit par contre leur permettre de rendre accessible ce bout-là et les accompagner

plus, mettre un agent de milieu pour leur expliquer des bouts, les aider à comprendre,

mettre des ateliers de parents, créer des liens avec les organismes proches pour

permettre aux parents ce partenariat-là. (2FG2/210)

Comme l’expliquent certaines directions, les besoins sont multiples, complexes. Dans un tel contexte, les

intervenants n’arrivent pas à répondre à l’ensemble des besoins de tous les élèves. Les situations leur

échappent et à la longue, cette situation devient difficile, voire même insupportable :

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Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires de la région de Montréal Rapport de recherche

Jean Archambault et Li Harnois 34 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Les enseignants en milieu défavorisé sont tellement souvent confrontés à des

difficultés, à des impasses humaines! Ils ne peuvent pas répondre à tous les besoins de

chaque enfant qu’ils ont devant eux, c’est impossible. C’est pas des psychologues.

C’est comme si ça transparaît dans leur façon d’approcher chaque enfant. Dans une

année, ils ont des groupes plus faciles, moins difficiles, mais ils s’usent plus facilement.

(1FG1/243)

Il semble que certains enseignants aient parfois du mal à cibler leurs interventions, à témoigner du

progrès et de la réussite des élèves, nécessitant de la part des directions, un accompagnement plus

important. Dans d’autres cas, les intervenants ont parfois de la difficulté à composer avec la réalité

familiale de certains élèves :

Même des enseignants chez moi qui croient beaucoup aux enfants défavorisés sont

quelquefois débordés, parce qu’ils ont non seulement à travailler avec le petit

bonhomme qui a des difficultés en classe, mais il doit composer aussi avec tout ce que

l’enfant vit à la maison …. Il est normal que les enseignants soient un peu dépassés

aussi, et quelquefois la flamme a tendance à s’éteindre. (1FG1/ 303)

Pour l’avoir vécu en milieu favorisé, l’enseignant fait moins face à l’échec parce que les

élèves réussissent davantage. En milieu défavorisé, comme les élèves ne réussissent

pas ou très difficilement, ça devient plus lourd, à la fois pour l’enseignante et à la fois

pour le gestionnaire. (1FG3/61)

On parle aussi de l’insécurité des enseignants face à la perspective du changement dans leur pratique :

Elles sont bonnes, mais elles n’ont pas trop confiance dans ce qu’elles font… on a de la

misère à ouvrir sur le cycle, à ouvrir sur l’école… c’est beaucoup plus insécurisant…

quand on parle de soutenir les émotions, je pense que c’est ça là… il y a quelque chose

autour de ça qui est de l’ordre de l’insécurité, d’estime de soi, par définition

professionnelle avec tout le nouveau courant pédagogique. (1FG2/98)

Dans cet espace teinté d’émotions, il revient à la direction d’être présente auprès de son équipe afin de

soutenir et de sécuriser son personnel, de dédramatiser les situations et de veiller au bien-être de

chacun :

On a un rôle en tant que direction … de s’occuper du bien-être de nos enseignants

parce que si on veut qu’ils soient justes et bons avec les petits, je pense qu’il faut qu’on

soit juste et bon avec le personnel. (1FG1/303)

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Jean Archambault et Li Harnois 35 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Il faut être très sécurisant pour les gens, pour tout le monde : les enfants, les gens

autour, le personnel, et comme on disait, à l’écoute. Sécuriser les gens, les conforter

dans ce qu’ils font, souligner les bons coups. (1FG2/118)

Les directions doivent aussi amener les intervenants à se donner les moyens et le temps nécessaires à la

réussite du plus grand nombre. Cette évolution se fait au rythme de chacun et requiert un

accompagnement individualisé :

C’est de respecter l’évolution de tous et chacun, de faire des différenciations

pédagogiques, mais la différenciation aussi, nous envers nos enseignants : lui est

capable de se rendre jusque là, comment on peut faire ensemble pour l’amener là?

(1FG2/60)

Malgré tout le soutien offert, certaines directions disent faire face parfois à des individus qui n’ont pas les

compétences nécessaires pour travailler dans les milieux défavorisés :

On gère aussi des personnes qui ne sont pas compétentes pour travailler avec ces

enfants-là… j’ai beau être à l’écoute de certaines personnes, ces personnes sont en

détresse … à ce moment-là, cet enfant-là n’est pas desservi adéquatement. (1FG3/37)

Toute cette écoute est essentielle mais à elle seule, insuffisante. Les directions soulignent devoir amener

les membres de leur équipe à mieux comprendre la réalité des milieux et à chercher les actions les plus

appropriées, à faire évoluer leurs perceptions et leurs conceptions de l’intervention et à dissoudre peu à

peu leurs résistances. Nous aborderons plus en détail ces différents aspects dans la section sur

l’accompagnement professionnel (Gestion pédagogique).

Le nombre de professionnels au sein de l’équipe-école

Comme nous l’avons vu précédemment, les besoins des élèves des milieux défavorisés sont nombreux et

des sommes supplémentaires sont prévues pour y répondre. Une partie importante de ces sommes est

affectée à l’embauche de professionnels supplémentaires :

Il faut déployer tout un éventail de mesures pour arriver à répondre à ces besoins-là...

je me sens toujours le besoin d'essayer de penser à une ressource pour ci et une

ressource pour ça. (1FG6/24)

Comme l’indiquent les directions, cette augmentation du nombre d’intervenants dans l’école implique une

supervision, un encadrement et un suivi accrus afin d’assurer la réussite des élèves :

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Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires de la région de Montréal Rapport de recherche

Jean Archambault et Li Harnois 36 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

La tâche est plus lourde … on est en contact avec beaucoup plus de personnel et

qu’on doit faire en sorte que ce personnel-là qu’on engage va donner des résultats au

niveau de la réussite des élèves. Donc, il y a un suivi qu’on doit donner à ce niveau-là…

il y a cette première caractéristique dans les tâches de gestion en milieu défavorisé.

(1FG2/8)

I found I have doubled my workload because of all of the people that I have in the

school. I have to support them. I have to be an ongoing resource to them to make sure

we are in the right direction! (1FG4/11)

Tu as beaucoup plus de rencontres avec des personnes en soutien aux enfants. Je

pense juste aux rencontres multi, aux rencontres avec la psycho-éducatrice, avec la

TES, avec la travailleuse sociale, tu en as plein de ça. Puis à un moment donné, ça

t'épuise, parce que tu es comme un peu un psychologue ou un psychiatre. Tu entends

juste parler des enfants qui sont dans la grande misère, qui sont en difficulté… À un

moment donné, je me suis rendu compte que ça grugeait énormément de mon temps,

mais c'est essentiel, il faut que tu fasses partie de ces comités-là, il faut que tu gères ce

personnel-là, il faut que tu donnes de l'aide à l'enfant, et des fois on a le sentiment

qu'on ne l'aide pas dans le fond. (1FG8/50)

Du fait de ce supplément de ressources –bien qu’encore insuffisantes pour plusieurs-, certaines directions

remettent en question l’autonomie des enseignants et leur responsabilité face au succès de tous les

élèves, allant parfois à se demander si tous ces efforts sont véritablement bénéfiques pour les élèves :

Comment conserver l’autonomie des enseignants qui sont entourés de ressources et

qui finissent par croire que les ressources sont la réponse et que dans le fond, ça ne les

regarde plus... bref, ce n’est plus leur problème. (1FG2/17)

We have money for the inner city and we buy a lot of additional resources and that. But

also a lot what happens is the teachers become dependent and they expect everyone

else to handle everything. From the Special Ed needs, to the child care workers, to

behaviour needs and that’s the hardest thing. (1FG4/45)

I’m being consumed by the interventions to the point where I’m questionning: are we

truly servicing? Like I find there is a missing piece to the puzzle. (1FG4/11)

En ce sens, certaines directions disent devoir faire un travail constant afin que tous les intervenants se

sentent imputables face à l’ensemble des élèves.

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Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires de la région de Montréal Rapport de recherche

Jean Archambault et Li Harnois 37 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Je regardais justement avec mon équipe… - parce qu’on cherchait en

orthopédagogie… - et ils avaient plutôt tendance à dire : « on voudrait une

orthopédagogue pour s’occuper de nos élèves en difficulté ». J’ai dit : « regardez,

pourquoi ce n’est pas vous qui puissiez vous en occuper, pendant qu’une autre

personne puisse s’occuper des autres élèves qui ne sont pas nécessairement selon

vous en difficulté? » Et là, c’était comme le choc des idées: « voyons, c’est pas nous

autres qui allons nous occuper des élèves en difficulté! (1FG3/149)

La mobilité du personnel

Les directions observent une plus grande mobilité chez les enseignants de leurs écoles. De ce fait, elles

doivent consacrer un temps considérable au soutien et à l’encadrement de son personnel enseignant :

Une de mes jobs c'était de trouver des profs et de les garder… c'est d'être capable

d'offrir le support entre autres à des jeunes enseignants, d'être capable de leur offrir un

support tel, ce qui va faire qu'ils vont rester. Et ça, dans ça, ça demande énormément

d'énergie. (1FG7/18)

Aux dires des directions, les écoles en milieu défavorisé ne sont souvent pas le premier choix de

plusieurs enseignants, ce qui contribue à leur mobilité :

C'est pas vrai que les enseignants qu'on a dans nos écoles sont tous prêts à travailler

avec ces enfants-là, premièrement parce qu'ils ne choisissent pas nécessairement le

milieu, il va à un poste en attendant d'en avoir un autre et on a des milieux très

instables...les gens passent beaucoup, beaucoup, beaucoup, et… pour toutes sortes de

bonnes raisons. (1FG5/36)

De plus, les directions disent accueillir plusieurs jeunes enseignantes qui se retrouvent rapidement en

congé de maternité, accentuant la mobilité au sein de l’équipe-école :

Dans les milieux défavorisés… on se retrouve avec un beau bassin de jeunes

enseignantes qui effectivement tombent enceintes. (1FG7/39)

D’un autre côté, des directions mentionnent le pendant de la mobilité, soit la stabilité chez

certains membres du personnel qu’ils souhaiteraient voir partir :

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Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires de la région de Montréal Rapport de recherche

Jean Archambault et Li Harnois 38 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Moi j'ai une équipe stable et j'aurais aimé que certains quittent. Après des années

d’expérience, malheureusement l’ouverture n'est pas là et ils continuent à enseigner de

leur façon. Ils ne tiennent pas vraiment compte de l'enfant devant eux... mais c’est pas

tout le monde. (1FG8/76)

Quelques directions soulignent l’importance de la stabilité de tous les membres l’équipe école (y compris

des directions) pour les milieux défavorisés :

Ça prend du temps, on parlait de stabilité ce matin, avec le personnel enseignant ça

prend aussi une stabilité je pense dans les milieux défavorisés et au niveau de la

direction. Tu ne peux pas être directeur... et faire quelque chose en 5 ans. C'est

impossible. Mais tu ne peux pas rester 10 ans à l'école non plus. Des fois t'as pas le

choix. (1FG8/81)

Je pense qu'ils savent que dans leur milieu scolaire, ça ne bouge pas tellement, c'est

stable. La stabilité est là. Ça bouge des fois dans leur milieu, mais ça bouge peu dans

l'école. Je pense que pour eux, ça c'est rassurant. Je pense que c'est rassurant pour

leurs parents aussi. Quand dans une école plusieurs directions passent et qu'une finit

par s'établir un petit peu… les parents « ah, enfin! », parce que je pense que pour eux

aussi, c'est rassurant de connaître la personne qui est comme le chef de cette famille-là

de jour. De pouvoir dire, « bien avec elle, on a un lien de confiance, on a une

collaboration, on peut travailler ensemble » ... quand on a ça avec ce parent-là, quand

on a établi la confiance avec eux, on l'a la collaboration et les gagnants au bout de ça,

c'est leurs enfants… qui grandissent avec ça. (1FG8/21)

Mais souvent ce qui fait défaut, ça va être la stabilité même des directions. (1FG7/63)

Le travail d’équipe

Selon les directions, le travail d’équipe est une condition essentielle dans les écoles en milieu défavorisé,

voire une « question de survie » :

Si tu te serres pas les coudes, si tu travailles pas en équipe, tu ne survis pas. Ca c’est

un changement dans la mentalité des enseignants. (1FG1/141)

Il y a une seule vérité qui arrive tout naturellement chez les enseignants, c’est que pour

survivre dans ce milieu-là, il faut se serrer les coudes. … ou bien, c’est le burn-out qui

nous guette, ou bien le désistement. Mais c’est plus naturel, c’est plus facile de

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travailler en équipe dans ces milieux-là, l’esprit d’équipe se fait plus facilement bien que

ce soit jamais acquis. (1FG2/17)

Les directions parlent même dans certains cas de coresponsabilité, d’imputabilité de tous face à la

réussite de tous les élèves :

Comme la clientèle est plus lourde… je comprends que toute seule, tu ne peux pas

trouver toutes les réponses, d’où notre discours de travail d’équipe, de coresponsabilité.

(1FG2/138)

This child is in your class. Then we have to deal with the child as a team and we have to

support each other. (1FG4/117)

Bien qu’une telle approche semble nécessiter du temps et des énergies, les directions disent que le travail

d’équipe assure une plus grande continuité des interventions et ce, au delà des équipes-niveaux et des

équipes-cycles :

Il y a une continuité au niveau de l’école à tous les niveaux, parce que c’est bien beau de faire un

cycle, mais s’il n’y a pas de continuités dans les cycles, je trouve que c’est pas pertinent.

(1FG2/80)

Pour certaines directions, l’équipe-école travaille ensemble dans un but commun, articulé autour du plan

de réussite. La direction doit s’assurer de la cohérence des interventions en ce sens et ainsi créer une

communauté de pratique :

Faire en sorte que les personnes vont travailler dans le même sens, par exemple si on

a un plan de réussite, les personnes vont travailler dans le même sens et elles vont

travailler en équipe aussi… c’est de m’assurer que ces personnes-là vont travailler dans

un but commun. (1FG3/27) Au niveau des enseignants et ça permet des échanges… la communauté de pratique,

ce que les gens sont en train de faire, les chefs enseignants ce qu'ils sont en train de

faire, ils ont commencé à deux et là ils sont rendus une dizaine et puis ça je parle juste

à l'école, mais ils vont chercher dans d'autres écoles de même type de milieu.

(1FG7/44)

I release my teachers for things in the success plan…So if we said that we’re weak in

literacy and First Steps is going to be what we do, then three times a year I release

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Jean Archambault et Li Harnois 40 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

them for that, by cycles, like the whole school. Then another three times a year I

release them for numeracy and solving situational problems with the help of Tom Booth

from our school board who is a consultant who comes in and sits and helps them. Then

I have one on evaluation. Then I release them for special needs and differentiation. We

identify each year four major areas of concern, things we want to get better at. Then

they do it as a group, never as individuals… I guess because I promote and release

them within their timetable to work together as opposed to after school, they feel

validated. I know they tell me they feel validated... They have to evaluate the projects

together. They have to come up with a plan, rubrics, everything together. (1FG4/27)

Comme le soulignent les directions, le travail d’équipe ne peut se limiter à l’école. Les parents et les

organismes de la communauté constituent aussi des partenaires incontournables :

Alors on essaie d’assurer la continuité de la maternelle à la 6e année, et que ça

déborde au niveau de la famille. (1FG2/80)

Tu travailles avec plus large qu’une boîte là, avec plusieurs boîtes. Il y a beaucoup de

gens. Quand on est rendu au delà de 50 organismes communautaires, on ne pouvait

pas dire « je les ignore, je fais mon affaire »… il faut avoir une certaine capacité

d’adaptation… chacun cherche son pouvoir, chacun sa vision, chacun sa vérité.

(0FG1/185)

Bien que jugé essentiel par plusieurs, cet esprit d’équipe est parfois difficile à instaurer, en raison de

résistance de certains membres de l’équipe-école. Les directions réfèrent à l’habitude des enseignants de

travailler seuls ainsi qu’à leur insécurité face au travail d’équipe:

C’est pas dans la mentalité… c’est pas la porte ouverte, pis le travail (d’équipe), c’était

pas à la mode. Donc on était habitué de se débrouiller tout seul. (1FG1/45)

Travailler ensemble, c’est toujours un peu difficile. Je sais pas pourquoi mais il y a

quelque chose autour de ça qui est de l’ordre de… l’insécurité, d’estime de soi, par

définition professionnelle avec tout le nouveau courant pédagogique, et dans le milieu

qui est nouveau, qui est différent.(1FG2/98)

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Le rapport avec les parents

Cette section portant sur le rapport avec les parents aborde les sujets suivants : la communication et la

collaboration avec les parents, ainsi que les services que leur offre l’école.

La communication

Quelles que soient les caractéristiques du milieu, la communication avec les parents semble demeurer

pour les directions, au cœur des préoccupations des intervenants dans les écoles et constitue en elle-

même, une somme de travail considérable :

Communication with parents is paramount! (1FG4/35)

Aux dires des directions, les parents répondent davantage à une culture de tradition orale qu’écrite. Les

directions observent que les parents lisent peu les communiqués écrits envoyés par l’école. Différentes

mesures de communication supplémentaires doivent être mises en place afin de s’assurer que les

messages parviennent aux parents :

Par rapport à la culture et à la pauvreté, on se disait que c’est beaucoup l’oral et

l’immédiat… c’est pas parce que t’as envoyé une lettre que nécessairement ils (les

parents) ont compris. D’abord, ils l’ont peut-être pas lue. Ils n’ont peut-être pas été

capables de la lire. Ils l’ont jeté. Peu importe. Autrement, tu vas t’organiser pour faire

des téléphones additionnels parce que tu penses que s’ils ont pas compris par

l’écriture, il va falloir faire un contact personnalisé. (1FG2/64)

Il arrive parfois qu’une rencontre avec un parent soit remise à maintes reprises, occasionnant par le fait

même, un nombre important de communications :

Quand on convoque le parent, on peut peut-être le convoquer quatre fois, pis là il

cancelle. Pour l’avoir une seule fois dans ton bureau, ça prend de multiples tentatives,

et quand il est dans ton bureau, ça prend des stratégies… Après ça, ça risque peut-être

de pas avoir marché encore. On recommence le processus. (1FG1/165)

Finalement, on insiste sur l’importance de démystifier la structure scolaire et de communiquer dans un

langage accessible aux parents et de déployer des moyens particuliers afin de rejoindre les parents de

milieux allophones:

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Je pense que c'est là la clé, de travailler avec les parents. Des fois notre langage est

très hermétique, quand on se parle en comité d'aide et tout ça, et je pense qu'une des

clés, l'idée c'est peut-être pas… à partir du moment où on entre en relation de cette

façon-là, il ne pourra pas y avoir des échanges... du parent si dans le fond j'arrive pas à

changer mon niveau de langage. (1FG7/22)

Il y a la barrière de la langue qui est épouvantable, quand vient le temps d'aider les

enfants, c'est toujours une réalité difficile. (1FG8/14)

La collaboration

Les directions déplorent le fait que les parents fréquentent peu l’environnement scolaire de leur enfant. Il

s’agit là d’un sujet de réflexion important pour les directions qui souhaitent une meilleure collaboration

entre les familles et l’école. Elles disent devoir déployer des efforts particuliers à ce sujet :

Dans un milieu défavorisé, l’implication des parents n’est pas présente au niveau de

l’école… pour nous, c’est comment les amener. (1FG2/58)

Ça, mais ça prend de l'énergie et du temps pour amener le parent à s'investir auprès de

son enfant. (1FG5/52)

Les directions se disent davantage sollicitées par les parents que dans d’autres milieux. Les rencontres

avec les parents semblent souvent plus longues, prennent plus de temps parce que les directions doivent

sécuriser les parents, leur fournir plus d’explications, de soutien :

Dans mon milieu qui est pluriethnique ou multiethnique, les parents on tendance à venir

vers la direction pour régler des problèmes au lieu d’écrire… j’ai beau leur répéter

« écrivez une note dans l’agenda, demandez à rencontrer l’enseignante, etc. » Chez

nous, avant d’aller voir le prof, c’est la direction qu’on vient voir… Je trouve qu’on est

plus sollicités… dans mon milieu… il y a comme un respect, on veut pas s’immiscer

dans l’école … donc il faut passer par le patron. (1FG1/209 :213)

J’ai un parent qui est venu dans mon bureau, bien ça m'a pris 1½ heure à lui faire

comprendre le message. Finalement, c'est pas quelque chose de complexe. En général

l'échange avec une autre personne, c'est beaucoup plus rapide. Là ça prend du temps.

Il faut sécuriser la personne. Il faut lui expliquer la situation. Il faut lui faire comprendre

dans quel contexte. Il n'avait pas de référents. (1FG5/25)

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Les directions disent insister auprès des membres de leur équipe-école, sur l’importance de mieux

comprendre les caractéristiques du milieu et les réalités vécues par les familles :

Il faut aussi ramener l'équipe-école à voir la réalité des parents… il faut s'informer, il

faut lire, il y a des connaissances à avoir, il y a des recherches à lire. On n'intervient

pas dans un milieu défavorisé comme on intervient dans n'importe quelle école. On part

de parents qui ont vécu des situations, il faut partir de ces réalités-là. (1FG7/17)

C'est de sensibiliser les enseignants de la réalité... des jeunes à l'école, des familles.

(1FG8/11)

Il faut vraiment, comme direction d'école, comme revenir... toujours faire des rappels…

sur les caractéristiques de la clientèle (1FG7/9)

Les directions croient qu’il est essentiel de créer un milieu ouvert, accueillant et respectueux et de

développer des façons de faire qui participent à créer un climat favorable:

I had to work very hard to bring the parents in school and not be afraid of the school.

(1FG4/55)

Il faut avoir l’ouverture d’accepter aussi les parents de ces enfants-là qui n’ont pas

nécessairement les mêmes valeurs ni les mêmes façons de voir les choses que nous

autres, pis faut avoir aussi de l’ouverture justement, d’ouvrir les portes, de dire,

accepter. (1FG1/57)

So how do you make the school welcoming, not necessarily welcoming as a community

centre but welcoming to the kids…and welcoming to the parents who want to volunteer.

Not a lot of volunteers in there. I tried to encourage that. That took a while. To get

people in. Because as D21 said they are afraid of being at the school. They’re afraid of

education. (1FG4/65)

Être très respectueux des gens à tous les niveaux, autant notre personnel, les enfants

que les parents. (1FG7/50)

Tout à l’heure on parlait d’humilité, mais moi c’est plutôt du respect. Ça tient à un

aspect de la personne, peu importe qui on est, d’où tu viens. On parle même de

différentes cultures. On parle de pauvreté, mais c’est du respect à la base. (1FG1/129)

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Il faut développer des outils pour que les parents se sentent à l'aise à l'école et qu'ils

aient leur place à l'école, donc un local pour les parents bénévoles, donc ça il faut le

gérer aussi parce qu'on ne peut pas laisser des parents à l'intérieur d'une école.

(1FG5/50)

D’autant plus que dans certains cas, les directions disent qu’il s’agit d’amener à l’école, des parents qui

ont eu une expérience personnelle difficile avec le milieu scolaire :

Ils ont souvent un rapport très négatif face à l'école, parce qu'ils ont vécu l'enfer eux

autres aussi à l'école, ça n'a pas bien été et tout ça. C'est des parents qu'il faut ré-

apprivoiser face à l'école et ça c'est un travail agréable. (1FG8/13)

Il y a une catégorie de parents aussi qui ont été heurtés dans leur milieu scolaire. Et je

pense que ce sont les parents les plus difficiles à apprivoiser. Disons ça comme ça,

parce qu'ils se sentent jugés par le système scolaire, ils se sentent jugés dans leur rôle

de parent. (1FG6/28)

Moi j'ai un autre type de parent qui ne vient pas parce qu’il ne se sent pas à la hauteur

de l'école. Alors il évite comme à venir partager, sa compétence parentale qui est

importante, on en a besoin...« vous êtes les gens qui connaissez le mieux vos enfants

». (1FG6/32)

Pour toutes sortes de raisons, les parents ne sont pas très scolarisés, sont un peu

complexés face à l’école, n’osent pas trop se présenter à l’école. Même si les parents

soutiennent l’éducation, ce qui n’est pas le cas non plus dans tous les cas d’enfants

défavorisés -..., parce que leur expérience, on le sait tous, a été une expérience

négative à l’éducation. (1FG3/13)

They’re afraid of education. They haven’t been successful, so how do you bring them

back in. What skills can they bring, especially when a number of them are illiterate

themselves. (1FG4/65)

Les directions soutiennent que l’école doit s’ouvrir aux parents, à leurs différences. Elle doit leur offrir des

occasions multiples et variées de s’impliquer, de participer, de contribuer:

S'ils peuvent venir faire de l'asphalte pour réparer nos trous, regarde, viens donc faire

ça… si c'est comme ça qu'on peut les amener chez nous, bien c'est comme ça qu'ils

viendront. (1FG7/59)

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L'attente qu'on a à l'égard des parents dans un milieu défavorisé est différente, parce

que les parents ne sont pas nécessairement outillés pour aider l'enfant…il faut

connaître les limites des parents…il faut se questionner au niveau de la pédagogie, il

faut se questionner aussi sur les devoirs, quel types de devoirs on va donner aux

enfants. Est-ce qu'ils sont capables de les faire à la maison, seuls… à la maison, mais

est-ce qu'ils ont l'environnement qui leur permette de s'asseoir et de faire leurs

devoirs? (1FG6/23)

Bien qu’il faille déployer plusieurs stratégies pour amener les parents à fréquenter l’école, certaines

directions croient que le plus gros travail consiste à convaincre les membres de l’équipe-école face à la

collaboration avec les familles :

Je pense que le chemin est plus grand à faire auprès du personnel qu’auprès des

parents, parce que les enseignants veulent pas s’embarrasser d’un parent qui vient

fouiner dans la classe. (1FG1/314)

Il faut qu’ils soient ouverts plus plus plus les profs pour accepter, pis encore plus pour

que les parents aillent dans la classe, même pour animer un conte. C’est la fin du

monde là, ce sera peut-être pas fait comme il faut! (1FG1/323)

Certaines directions soutiennent que la participation de familles doit se faire de façon orchestrée, avec

une vision, un but. Toutefois, une direction souligne le manque de temps pour accompagner certains

parents qui désirent s’impliquer :

I tried to find a project that would spark all of us… Once you have a project that involves

a lot of people and the parents, and it’s authentic and it’s in the real world… the parents

are very proud and they start bragging. (1FG4/35)

Mais quand on dit les accompagner, bien souvent c’est le temps pour les accompagner.

Moi j’ai essayé à un moment donné de partir des bénévoles, mais si c’est des

bénévoles pour la bibliothèque, faut les amener à la bibliothèque, leur expliquer … ça

finit par me sembler lourd, et comme il n’y a pas de vision, ça ne fait pas de sens … pis

les parents le sentent aussi! (1FG1/325)

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Jean Archambault et Li Harnois 46 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Les directions déploient différentes stratégies pour établir cette collaboration. Il faut, selon elles, essayer

différentes approches et chercher à comprendre les succès au même titre que les échecs dans les

rapports avec les parents :

Quand il y a quelque chose qui est mis en place et que ça ne fonctionne pas, c’est de

réfléchir c’est quoi les meilleures stratégies, par exemple, pour aller chercher les

parents. (1FG2/50)

Finalement, on mentionne que les changements fréquents de direction ont un impact important sur

l’établissement d’une collaboration durable entre les parents et l’école. Cette relation nécessite du temps,

une familiarisation mutuelle afin que s’établisse une relation de confiance :

Quand dans une école plusieurs directions passent et qu'une finit par s'établir un petit

peu… les parents « ah, enfin! », parce que je pense que pour eux aussi, c'est rassurant

de connaître la personne qui est comme le chef de cette famille-là de jour. De pouvoir

dire, « bien avec elle, on a un lien de confiance, on a une collaboration, on peut

travailler ensemble » ... quand on a ça avec ce parent-là, quand on a établi la confiance

avec eux, on l'a la collaboration et les gagnants au bout de ça, c'est leurs enfants… qui

grandissent avec ça. (1FG8/21)

Les services offerts aux parents par l’école et les partenaires de la communauté

Comme les directions conçoivent que la réussite de l’élève se fait en collaboration avec les parents,

différentes activités et différents services leurs sont proposés, en collaboration avec les partenaires de la

communauté. Comme l’expliquent plusieurs directions, ces collaborations visent à répondre aux différents

besoins des familles :

Ça peut être… sociale, les mesures alimentaires qui s’en occupent, les organismes

communautaires qui nous entourent, le CSSS, qu’est-ce qu’ils peuvent nous offrir.

Qu’est-ce qui arrive, c’est que quand un parent nous arrive avec un problème, c’est pas

de dire je retourne à César, mais c’est de dire on n’est pas seuls, on est une

communauté. Donc en communauté comment on peut aider cette personne-là. C’est

d’être au courant de ça… Au-delà d’un partenariat, il y a des liens qui se tissent... on

reçoit les enfants mais on n’est pas au centre de tout. On est un partenaire autour de

l’enfant, tout comme les loisirs. C’est juste qu’on n’est pas à la même heure et on n’a

pas la même vocation. (1FG2/29)

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Jean Archambault et Li Harnois 47 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Bien que la mise en place d’activités et de services destinés aux parents semble constituer, pour les

directions, une tâche qui exige du temps, elles disent retirer des bénéfices pour les élèves, les familles et

la communauté au sens large :

S'il y a une chose dont j'étais fier…j'aide la famille, j'aide l'enseignant, mais j'aide la

famille. Si je suis en milieu défavorisé, je ne peux pas travailler juste avec le flo, c'est

impossible. (1FG7/57)

On encadre même la famille, en tout cas on fait quelque chose qui dépasse le mandat

scolaire quand on est en milieu défavorisé. (1FG2/19)

On dit qu’il est toutefois important de consulter les parents sur ces services ou ces activités, afin d’éviter

une intrusion dans leur vie privée :

Les parents en milieux défavorisés n’acceptent pas ça (les ressources), tout cru, tout de

suite… Ils ne disent pas « des ressources, bravo, merci. » On s’immisce dans leur vie

privée… qu’on les juge, qu’on appelle la DPJ, et la travailleuse sociale. Ils ne veulent

pas voir entrer ça dans leur dossier. (1FG3/47:51)

Les partenariats avec les organismes de la communauté

C’est pour répondre aux nombreux besoins des élèves et de leur famille que les directions considèrent

comme incontournable le fait de créer des alliances avec les partenaires de la communauté :

On n’arrive peut-être pas à faire notre travail à 100% pour répondre complètement aux

besoins des jeunes, et donc admettre qu’on a besoin des autres pour faire notre

travail. (1FG1/57)

Aller demander de l’aide à la communauté parce que... on a des choses à faire qu’on

peut pas faire tout seuls. (1FG1/45

C’est ça aussi gérer une école en milieu défavorisé, c’est s’adjoindre une foule de

partenaires. Sans ces partenaires-là, on n’arriverait pas à gérer efficacement l’école.

(1FG3/11)

Toutes les ressources qui sont mises en place, quand on parlait de s’entraider, bien tout

ce qui est communautaire, ça prend une place très importante au niveau de la gestion

en milieu défavorisé. C'est la mise en commun. On prend des gens et on leur dit «

écoutez, sur le plan communautaire, on s'entraide ». Donc l'école fait partie de la

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communauté pour moi, c'est pas l'école et la communauté autour. Donc dans mes

échanges avec mes partenaires, c'est donnant-donnant. Ils apportent quelque chose à

mes élèves, à mes parents, je leur apporte quelque chose aussi (1FG6/13)

Comme l’illustrent les directions, les besoins (ex. nourriture, vêtements, matériel scolaire) et les services

(ex. aide aux devoirs, alphabétisation des parents, aide à l’emploi) sont nombreux et de différents ordres.

Les organismes permettent parfois aussi à l’école d’établir des entrées avec les familles :

Tu dois penser à les faire déjeuner le matin, à leur fournir des mesures alimentaires le

midi, puis ils ont de l’aide aux devoirs. (1FG1/303)

Les organismes communautaires peuvent venir nous aider, parce qu’eux, souvent, ont

une porte d’entrée avec les familles que nous autres, on n’a pas… Il y a un jeune…

l’année passée, une référence en troubles de comportement. Le père a refusé. On a fait

entrer un gars de la communauté dans nos interventions pour ce jeune-là et sa famille,

pis là, ils acceptent le service. (1FG1/165)

Il y en a autant pour la mission éducative…que pour la mission sociale. (1FG1/331)

On a ouvert l'école aux enfants les fins de semaine, l'école est ouverte tous les soirs

jusqu'à 10h… J'embauche du personnel et je fais en sorte qu'on éduque les enfants.

C'est pas juste de la pédagogie, on éduque les enfants sur les mesures alimentaires,

sur l'hygiène, sur la sexualité, sur la prévention de la violence, je ne sais pas si c'est de

la pédagogie, et cette vision-là, je pense qu'on est en train de réussir avec les profs…

qui étaient rébarbatifs à ça et qui maintenant y croient. Et après avoir fait de multiples

rencontres avec les agents de milieu et les intervenants sociaux communautaires, les

policiers, je pense qu'on est en train de changer les mentalités dans le quartier. C'est un

quartier difficile, et je pense qu'on est en train de faire en sorte que les enfants en bout

de ligne vont mieux apprendre la pédagogie. Ça c'est une vision qui est à moyen terme.

(1FG8/81)

Développer et consolider les partenariats demande un temps considérable aux directions qui disent jouer

un rôle clé à ce niveau :

J'ai toujours vu mon rôle… comme un chef d'orchestre. Alors je dirige une équipe et

l'orchestre n'est pas toujours le même, l'équipe peut être différente et tout ça, mais dans

un milieu défavorisé, l'orchestre devient très, très gros, il y a comme bien, bien, bien

des joueurs... Et c'est tellement des organismes le fun, qui offrent d'excellents

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programmes, que ça soit de l'aide aux devoirs, c'est des partenariats et cette année, ce

que je travaille un petit peu, c'est de développer des partenariats. C'est plus que d'aller

chercher le service qu'ils peuvent nous offrir, mais c'est de développer des projets en

partenariat avec ces gens-là, ils ont plein de choses à nous offrir… C'est de

développer… ça prend du temps… l'orchestre symphonique est très important.

(1FG7/30)

Pour parvenir à ces collaborations, les directions disent à quel point il est important, pour les écoles, de

s’ouvrir à d’autres façons de faire, de s’adapter à d’autres formes de fonctionnement. Il semble qu’il

existe parfois certaines résistances face à ces collaborations de la part des enseignants :

C'est sûr que ça demande beaucoup de temps et de l'adaptation, ça demande

beaucoup d'adaptation, être en lien avec le communautaire autour de l'école. (1FG5/16)

Établir des liens avec du monde qui travaille dans le communautaire - pis ceci dit sans

préjugés - mais qui travaillent pas du tout de la même façon que les gens qui travaillent

dans des milieux institutionnels, ok on parle de deux cultures totalement différentes, on

parle de régler des cas vraiment dans le cadre de porte où l’informel est très, très fort et

où les tables de concertation sont fortes, où il y a ben, ben du babillage. (1FG1/53)

Le samedi et le dimanche, il faut que tu acceptes que ton école soit ouverte et que le

plancher du gymnase va être sale le lundi et que tes profs vont chialer. Il faut que

t'acceptes ça. C'est pour le bien des gens, c'est pour le bien de la communauté. Il n'y a

pas de centre sportif dans certains endroits défavorisés, et l'école, c'est l'univers sportif,

c'est l'univers communautaire du quartier… il faut que tu fasses passer le message à

tes profs. Et c'est ça l'ouverture d'esprit aussi sur le communautaire. Mais... c'est pas

évident pantoute. (1FG8/47)

Les directions se disent énormément sollicitées par les organismes de leur milieu. À titre d’exemples,

elles mentionnent leur participation aux tables de concertation ou à diverses activités se déroulant

souvent le soir ou la fin de semaine. On sent, chez la plupart des directions, le besoin de limiter ces

participations afin de se garder du temps personnel. Certaines directions disent devoir déléguer ces

activités à d’autres membres de leur équipe-école :

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Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires de la région de Montréal Rapport de recherche

Jean Archambault et Li Harnois 50 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

On est beaucoup sollicités aussi pour participer à des événements qui sont souvent le

soir et la fin de semaine… ça demande aussi beaucoup de disponibilité… Je veux bien

la semaine, mais la fin de semaine! C’est parce qu’il faut être disponible tout le temps,

tout le temps. (1FG3/125)

Ca me demande de m’éloigner de l’école deux fois par mois, et un autre projet, c’est

une autre rencontre ailleurs… Je suis un peu à l’extérieur à cause de l’espèce de train

que j’essaie de faire rouler à l’extérieur de l’école pour ramener des énergies et des

ressources humaines à l’école. (1FG2/44)

Libérer quelqu'un pour aller rencontrer les gens des organismes communautaires, aller

voir ce qui se fait là-bas avec nos élèves (1FG6/45)

J'ai mis un frein un petit peu sur tous les comités. On est super, énormément sollicité…

on est tout le temps sollicité par la table de concertation ou par un organisme… les

bénévoles, l'OPP, ce qu'il y a dans l'école, ce qu'il y a à l'extérieur de l'école. On est

beaucoup sollicité, et ça, ça nous demande ou s'écarteler totalement ou faire des choix,

ou de ne pas en faire et d'aller partout et donc de travailler sans arrêt et d'être attaché à

son cellulaire. Moi j'ai une école qui s'ouvre le samedi… je délègue… j'ai une personne

extraordinaire, mais si le système d'alarme n'arrête pas, je risque d'être appelé le

samedi… Alors c'est la même chose pour le camp d'été… ça n'arrête jamais… c'est

exigeant. (1FG6/56)

Une vision commune, celle de croire à la réussite et au bien-être de tous les élèves

Les directions insistent sur l’importance de croire que tous les élèves peuvent réussir:

Des gens vont dire parce qu'un enfant est socioéconomiquement faible, donc en

partant, il n'est pas capable. Moi je ne crois pas à ça du tout… c'est pas vrai qu'ils n'ont

pas de qualités et qu'ils n'ont pas de compétences… c'est important de la part d'une

direction d'école d'avoir cette certitude-là et de la faire partager aux enseignants et aux

professionnels. (1FG5/87)

You have to believe that these children are going to succeed no matter what they are

doing now! (1FG4/117)

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Jean Archambault et Li Harnois 51 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Dans la possibilité, par l’éducation, de faire une différence dans la vie d’un enfant et

dans son orientation future. (1FG2/114)

Dans les milieux défavorisés, il semble que, aux dires de plusieurs directions, l’aspect « socialisation »

contenu dans la mission de l’école québécoise, joue un rôle plus important que dans d’autres milieux.

Certaines directions vont mentionner l’importance de développer une vision autre de la réussite :

Je pense que c'est une des grandes différences du milieu défavorisé, pauvre, par

rapport à un autre milieu et que oui, l'école sera toujours un lieu où on parle pédagogie

bien entendu... sauf que si on ne tape seulement que sur le clou de la pédagogie, on va

taper à côté très, très longtemps et le clou ne sera pas rentré très, très loin. Alors la

réussite scolaire, c'est donc oui, l'académique, mais c'est aussi social. (1FG7/34)

Socialiser, qualifier, instruire. (1FG6/68)

Je veux qu'ils soient équipés pour faire face à la société qui les attend, à tous les points

de vue : connaissances, apprentissages, habiletés sociales, bien-être personnel,

habiletés de vie, habitudes de santé. C'est vaste. (1FG8/90)

Ça prend une vision autre de la réussite. … le problème d’ordre social est plus criant,

rejoint plus d’élèves. … Une vision autre de la réussite. … Sinon, on se décourage,

sinon, on ne persiste pas dans ce milieu-là! (0FG1/223)

Certaines directions croient qu’il faut tenir compte des différentes formes de difficultés rencontrées par les

élèves (incluant celles reliées à l’apprentissage), et se donner une vision beaucoup plus globale de la

réussite et même revoir leurs attentes à l’égard de la réussite :

C'est vrai que dans les milieux défavorisés les attentes réalistes versus l'excellence,

bon, j'ai des enseignants à l'école où je suis qui ont des attentes de réussite

scolaire… là, il faut se poser la question, « oui, la réussite scolaire, mais c'est quoi la

réussite scolaire. Dans notre milieu c'est quoi la réussite, dans ta classe, c'est quoi la

réussite, dans un milieu et dans une école, dans une classe et auprès de chaque

élève, c'est quoi la réussite ». Je pense qu'il y a des gens qui sont tannés de

l'entendre celle-là, mais elle est tellement importante. C'est quoi la réussite pour cet

enfant-là? Est-ce que c'est la même chose pour cet enfant-là que pour celui-là? Mais

non, c'est pas la même chose. (1FG7/32)

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Jean Archambault et Li Harnois 52 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

La gestion pédagogique

De façon générale, les directions abordent peu d’elles-mêmes la question de la gestion pédagogique, du

curriculum, de l’organisation scolaire, de l’appropriation du changement. Lorsque l’intervieweur leur en fait

la remarque, certains manifestent leur surprise, d’autres expliquent que c’est en partie parce qu’elles sont

mobilisées par la surcharge de travail, le reste de leurs tâches occupant une grande partie de leur temps :

… parce qu’on s’est centrés peut-être plus sur nos tâches. (1FG1/24)

Pis des fois, on oublie notre mission à l’école là parce qu’on est tellement pris dans les

choses. (0FG1/91)

Quand tu es dans le sentiment d’urgence, la vision là, hou, hou … C’est pas toujours

évident de l’avoir au quotidien ta vision. (0FG1/139)

Pour certaines directions, la gestion pédagogique demeure un rôle prioritaire :

C'est notre rôle premier. C'est évident qu'on est les gardiens de la cohérence du projet

éducatif et de ce qui va se faire au niveau pédagogique. Et moi finalement, j'accorde

une très grande importance à tout ça, parce que je suis au départ une pédagogue…

trouver les meilleures entrées possibles pour les styles d'enfants qu'on a et

l'apprentissage et tout ça, c'est notre rôle, d'insuffler une vision pédagogique… C'est un

rôle extrêmement important et non le moindre. Arriver à transporter nos gens, à les

mobiliser à travers cette vision-là… c'est très lourd et très important dans notre tâche…

c'est pas simple cette mobilisation-là et cette motivation-là. (1FG6/70)

D’autres directions concèdent qu’il s’agit là d’un rôle important qu’elles souhaitent davantage assumer

mais qu’elles ne peuvent exercer comme il se doit :

C'est ça qui est le pire. On aime ça la gestion, c'est correct. Mais le principe est qu'on

adore la pédagogie, on aime ça rassembler notre monde, on aime ça donner de

l'information, on aime ça… mais...de pédagogie prend toujours le chemin de

l'évitement. (1FG5/131)

D’autres croient toutefois qu’elles ne peuvent pas assumer un leadership pédagogique de fine pointe,

faute de temps :

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Jean Archambault et Li Harnois 53 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Je ne pourrais pas, même si je le voulais être très, très, près de la pédagogie,

j'arriverais pas. (1FG7/40)

Tu peux être bon en pédagogie, tu peux connaître la pédagogie, mais c'est pas toi le

leader pédagogique. Tu ne peux pas être le leader. Tu n'es plus à la fine pointe. T'as

pas le temps! Mais tu peux connaître ton affaire. Tu peux dire à un prof qui n'est pas

capable de gérer sa discipline comment faire, puis là tu vas être meilleur que lui. C'est

sûr, tu as plus d'expérience. Mais pour moi leader pédagogique, ça veut dire être à la

fine pointe de la pédagogie, connaître tous les derniers courants à la mode. (1FG8/65)

Finalement, certaines directions remettent profondément en question le fait que le leadership

pédagogique relève de la direction. Dans certains cas, on affirme qu’il est impossible, dans une école en

milieu défavorisé, d’assumer ce rôle, d’autres réalités étant prioritaires :

Là on se fait dire « eh ton premier rôle, c'est d'être un leader pédagogique ». Bien en

milieu défavorisé, regarde, on a bien d'autres choses plus criantes des fois que ça. Oui

on l'a en tête, mais dans la réalité de tous les jours, c'est une autre paire de manches.

(1FG8/54)

Pour plusieurs directions, le leadership pédagogique est assumé par leur conseiller pédagogique :

Le rôle du leader pédagogique, on nous disait, dans les années 80 « il faut que tu sois

un leader pédagogique... » Je ne dirai pas que c'est de la "m", parce que ça n'en n'est

pas, mais ventre affamé n'a pas d'oreilles. On va à l'essentiel… Les leaders

pédagogiques là, depuis qu'on a des CP, on a des CP dans nos écoles, c'est leur rôle,

ça. J'ai rien contre la pédagogie, mais c'est le rôle des CP. (1FG8/55)

Quelle que soit leur position, les directions s’entendent pour dire qu’il est important de s’entourer de

personnes compétentes pour assurer la gestion pédagogique :

Je m'associe à la conseillère pédagogique... ça aide énormément… Alors je pense que

c'est de s'entourer, c'est de favoriser, c'est de mettre des choses en place, c'est d'aller

dans les classes, de rencontrer les enseignants, c'est ce que je vais faire cette année.

Je vais les rencontrer individuellement, je vais les rencontrer avec la conseillère

pédagogique, donc je vais être au courant et je vais voir, dans ce que je serai capable

de faire, à donner les outils qu'il faut pour faire avancer les choses. (1FG7/40)

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Jean Archambault et Li Harnois 54 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Mais qu’entend-t-on par leadership pédagogique exactement? Certaines directions soulèvent la question :

Je pense qu'on ne s'entend pas… sur le mot leader pédagogique. Pas du tout. On est

des leaders. Pas nécessairement pédagogiques. Mais des leaders dans tous les sens

du terme. (1FG8/63)

Cette section portant sur la gestion pédagogique aborde les sujets suivants : le projet éducatif et le plan

de réussite, le développement professionnel et l’accompagnement professionnel.

Le projet éducatif et le plan de réussite

Le projet éducatif ainsi que le plan de réussite semblent pour une majorité de directions, les outils de

référence permettant de faire une analyse de la situation, de comprendre la réalité et les besoins du

milieu, d’arrimer une vision, des valeurs, des principes, des orientations, des objectifs, des moyens et des

résultats en fonction des besoins du milieu :

Quel outil extraordinaire… pour développer une vision commune de c'est quoi les

besoins du milieu et vers quoi on doit s'en aller. T'as beau avoir des valeurs, mais est-

ce que tes valeurs s'arriment aux besoins du milieu dans lequel t'évolues… On se

remet en lien avec notre plan de réussite et notre projet éducatif, qu'est-ce qu'on va

explorer ici, et c'est tout le temps en ayant, dans le fond en étant sur les mêmes

rails. (1FG8/86)

Le projet éducatif est différent d’une école à l’autre… mettre la pédagogie au service de

ces valeurs-là, c’est-à-dire de faire passer ces valeurs-là au travers des activités

pédagogiques. (1FG2/88)

Au niveau du projet éducatif. Je travaille beaucoup beaucoup le sentiment

d’appartenance, parce que je trouve qu’en milieu défavorisé l’appartenance est fragile

parce que ces enfants-là ont souvent déménagé… Au niveau de l’école, je travaille ça

aussi, il faut que les profs sentent que c’est leur école, que c’est pas UNE école de la

CS. (1FG1/123)

Je fais mon analyse de la situation et je m’aperçois que les valeurs sont : respect,

estime de soi, effort, persévérance et engagement. Moi qui arrive du nord de la ville où

la pédagogie prenait une très grande place… j’étais très découragée… J’ai dit « je vais

appeler ma directrice de regroupement ». La première chose, elle m’a dit « respecte ton

milieu ». (1FG2/82)

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Jean Archambault et Li Harnois 55 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

La continuité dans les élans pédagogiques… les profs du premier cycle me disent : «

On a travaillé avec les mathématiques, et vraiment on se rend compte que la

manipulation fait en sorte que les enfants comprennent ce qu’ils font; on couvre moins

de matière mais c’est pas grave, ce qui est acquis est acquis, pis on va le dire à nos

collègues du deuxième cycle de travailler comme ça maintenant, c’est mieux »... Mais

elles sont vraiment super dynamiques. J’ai 12 projets entrepreneurship, 12 projets

culture à l’école… faire sortir les élèves. Pourquoi les faire sortir? Pour valoriser le

français, valoriser la culture du Québec. C’est des affaires qu’on retrouve dans notre

projet éducatif. Trouver des moyens différents de s’informer, aller à la bibliothèque du

coin, entraîner les familles, l’informatique, la bibliothèque à l’école. (1FG2/98)

Concrétiser les référents… c’est souvent des notions abstraites qu’on enseigne aux

enfants, et dans les milieux défavorisés ça ne veut pas dire grand-chose. L’enseignant

a vraiment à travailler à ce niveau-là… parce que c’est difficile pour ces enfants-là

parce qu’il y a un tas de choses qu’ils ne connaissent pas qu’on leur enseigne, et ils ne

font pas le déclic. (1FG2/104)

Il semble que le plan de réussite soit un outil de référence fort utile, permettant d’assurer un suivi et

d’évaluer l’impact des moyens et des actions mises en place :

Quand on arrive pour rédiger le plan de réussite... Est-ce qu'on a atteint ce qu'on a…

sinon, c'est pas que notre cible n'était pas la bonne, c'est peut-être que nos moyens

n'étaient pas bons, alors changeons les moyens, ajoutons, enlevons, retirons,

adaptons, mais ne perdons pas de vue la cible qui était si importante. Ou bien non, on

s'est complètement gourés et la cible qu'on avait n'était pas la bonne - ça se peut - mais

si la cible était la bonne, bien modifions les façons de s'y rendre et si on n'a pas atteint

le but ou si on n'a pas assez avancé. Alors moi j'ai tendance à retourner voir au niveau

des moyens plus qu'au niveau de cibles… on est toujours sur les mêmes affaires, la

réussite en lecture et les comportements non-violents… mais c'est ça! (1FG5/98)

Pour une autre direction, le plan de réussite permet d’assurer une réflexion constante et de réviser, par

exemple, les résultats attendus en fonction de la progression des élèves, en se donnant aussi le temps

d’atteindre les cibles visées:

On se rencontre une fois par semaine, en rencontre collective pour regarder notre plan

de match qu'on s'est donné et pour traiter les problématiques au fur et à mesure. Puis

revenir, et le plan de réussite est à côté, qu'il s'appelle plan de réussite… Un projet

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Jean Archambault et Li Harnois 56 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

éducatif, mais c'est de se dire ça, c'est que là-dedans on a ciblé pas 50 objectifs, on a

ciblé la priorité de la priorité. Alors si tout le monde converge vers là, bien à un moment

donné, ça va paraître... sur un objectif sur lequel on a focusé depuis qu'on est en milieu

défavorisé, on voit déjà des résultats. C'est pas vrai qu'il y a de la souffrance, de la

souffrance, de la souffrance, aussi il y en a des succès. (1FG7/29)

On revoyait le plan de réussite, pour reformuler entre autres les résultats attendus par

rapport à la lecture, parce qu'on avait un objectif en lecture, puis on se disait « bien là,

ça fait comme 2 ans qu'on a les mêmes résultats attendus, on ne pourrait pas aller un

peu plus loin dans notre attente? Jusqu'où on peut aller? » Finalement, on était là et on

se questionnait et on n'en demande pas assez, je suis sûre qu'ils sont capables.

(1FG5/103)

Respecte ton milieu... Sauf que ça veut pas dire plafonner, ça veut dire avance à

travers ça. (1FG2/82).

Quelles que soient les caractéristiques du milieu, les directions soulignent l’importance de la maîtrise de

la langue française. Qu’il s’agisse de l’apprentissage d’une langue seconde pour certains, de la

diversification du vocabulaire et de la compréhension pour d’autres, cette préoccupation pédagogique

demeure centrale et est le gage d’une meilleure compréhension et de la réussite des élèves :

Dans mon milieu qui est multiethnique, ma préoccupation au niveau pédagogique c’est

de faire en sorte qu’il y ait une maîtrise du français. On a mis en place, on a fait des

projets …, parce que c’est la problématique principale. Si les élèves n’arrivent pas à

lire, c’est bien évident qu’ils ne seront pas capables de réussir. (1FG2/80)

Tout dépendant du milieu défavorisé. Je pense qu’à Hochelaga-Maisonneuve, il faut

travailler beaucoup le vocabulaire. Les enfants ont peu de vocabulaire, et pour dire une

chose qui pour nous peut paraître très simple, il faut que tu la décortiques, faut que tu

l’expliques parce qu’il y a un bout là-dedans qu’ils n’ont pas compris. On veut quand

même leur donner du vocabulaire, donc il faut l’utiliser. Nous, on n’est pas pour baisser

nos commandes dans ce sens-là. (1FG2/108)

D’autres directions insistent sur l’importance d’établir une relation avec les élèves. Pour un certain

nombre d’entre elles, cette relation est prioritaire à l’apprentissage :

L’académique est un petit peu en arrière, mais c’est sûr que l’académique va prendre

du retard, parce qu’il faut mettre des conditions maximales… le temps qu’on doit

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Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires de la région de Montréal Rapport de recherche

Jean Archambault et Li Harnois 57 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

prendre à faire ça, on n’a pas le choix si on veut faire passer la matière… Je ne dis pas

dans tous les cas, mais dans beaucoup de cas. (1FG3/13)

Le développement professionnel

Comme les milieux défavorisés présentent de multiples défis, les directions soulignent l’importance

d’offrir aux membres de leur équipe, des occasions fréquentes de développement professionnel afin de

favoriser une meilleure compréhension du milieu et d’adapter la pédagogie en fonction des besoins. Il

semble s’agir d’une priorité pour les directions qui y consacrent une part importante de leur budget :

Constamment faire en sorte que le personnel soit au clair avec la clientèle que nous

avons, que le personnel puisse également se référer à des perfectionnements qui vont

justement viser l’adaptation de leur enseignement. (1FG3/7)

I have a strong belief system in spending money… on enrichment... last year 30% of all

my budget went on professional development... I really believe that my staff are on the

cutting-edge in IT cutting-edge in all of the innovative projects. (1FG3/61)

I give them a form they have to fill in: “what competencies are you working on in this

project that you’re doing together?” Everything has to come out in a project. All this

professional development means you’re going to do something with it afterwards…

(1FG4/27)

L’accompagnement professionnel

Les directions disent devoir faire de l’accompagnement professionnel. À cet effet, les directions jugent

important d’offrir un soutien, un espace de réflexion et d’écoute :

On a un gros mandat en tant que direction… au niveau de l’accompagnement

professionnel. (1FG1/243)

C’est une exigence de dépassement, et je pense que j’ai la même exigence envers mon

équipe… particulièrement dans un milieu défavorisé, parce que j’y vois une

responsabilité sociale. (1FG2/116)

D'amener les gens, dans une école, à se questionner sur leur pratique… le réflexe de

régulation et de poser des questions sur tout ce qu'on fait… ça devrait être quotidien et

en tout temps. « C'est tu efficace qu'est-ce que je fais? Ça va tu donner quelque chose?

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Jean Archambault et Li Harnois 58 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Mon intervention avec le parent, c'est tu efficace? Est-ce qu'elle est nécessaire? »… Le

« est-ce que », il devrait être là tout le temps et ça c'est quelque chose que je pense

qu'il faut toujours travailler comme directeur d'école. (1FG8/91)

Dans les milieux défavorisés, les directions croient important d’offrir des stratégies, des outils et des

approches différenciées et adaptées afin de répondre à la diversité des besoins des élèves, à leur rythme

d’apprentissage et elles disent devoir soutenir leur équipe en ce sens. Les directions veulent encourager

l’innovation au niveau des approches pédagogiques et à soutenir les enseignants dans leur réflexion

pédagogique et dans leurs réalisations :

Les stratégies doivent être différentes. Ça prend plus de diversité au niveau des outils,

je parle d’approche pédagogique, je parle de réalisation de projets, de services aussi,

de ressources humaines, de services différents. Mais à la base, je suis une apprenante,

tout le monde. On est des apprenants. Peut-être pas au même rythme, peut-être pas de

la même façon. (1FG1/35)

… pour revenir à du -un à un-, je pense que notre rôle en tant qu’accompagnateur

professionnel, il est d’autant plus pointu, dans le sens que les enseignants en milieu

défavorisé sont tellement souvent confrontés à des difficultés, à des impasses

humaines. Ils ne peuvent pas répondre à tous les besoins de chaque enfant… ils

s’usent plus facilement… j’ai à cœur de les accompagner beaucoup au niveau de la

valorisation et au niveau affectif… ils veulent mais ils n’ont pas les moyens … on a un

gros mandat en tant que direction dans ce sens-là au niveau de l’accompagnement

professionnel. (1FG1/243)

Les directions disent devoir accorder quotidiennement du temps pour amener le personnel scolaire à

porter un regard différent sur leurs perceptions et leurs croyances :

Quand on fait de l’accompagnement professionnel, on les touche par leurs croyances,

les déstabiliser, les amener à réfléchir. (0FG1/393)

C’est vraiment un mandat au quotidien. (1FG1/87)

Il faut être capable de… remettre en question notre personnel, leurs

croyances. (1FG5/88)

Nous présentons, ci-dessous, différents sujets sur lesquels les directions disent devoir intervenir pour

changer le regard des intervenants, entre autres, en ce qui concerne la réussite de tous les élèves, la

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Jean Archambault et Li Harnois 59 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

pédagogie, les besoins des élèves, la collaboration avec les parents, la réalité des familles, le travail avec

les organismes du milieu.

Croire en la réussite de tous élèves

Bien qu’elles soient convaincues de la capacité de tous les élèves de réussir, les directions disent parfois

rencontrer des intervenants qui n’y croient pas ou qui, avec le temps, n’y croient plus :

Quand ça fait plusieurs années qu'on est dans des milieux défavorisés, des fois il

s'installe dans notre subconscient le fait que les résultats des enfants ne seront pas à la

hauteur de nos espoirs, de nos espérances. Et souvent, on a des jeunes enseignants

qui assez rapidement se font accrocher en disant « écoute, fais attention à toi, tu ne

sauveras pas le monde ». (1FG5/88)

(les enseignants) ont de la misère à voir réussir leurs élèves. Il faut les supporter là-

dedans. (1FG3/27)

Les directions doivent amener les enseignants à cibler leurs interventions et à se donner des moyens et

du temps pour parvenir à la réussite de tous :

Quand on regarde la réussite, ce qui est important c’est de cibler nos interventions. Je

pense que ça leur donne un sentiment de réussite aux enseignants de dire « regarde,

ça, tu ne pourras pas l’atteindre tout de suite, pas cette année; en équipe-cycle qu’est-

ce qu’on va cibler? On va cibler une chose et on va réussir au moins une chose… il faut

qu’ils soient accompagnés là-dedans, parce qu’ils ne comprennent pas pourquoi il faut

qu’ils fassent telle chose, pourquoi on ciblerait ce type d’enfants? (1FG3/61)

Ça veut dire soutenir les enseignants dans ce quotidien-là où ça n’avance pas… malgré

les efforts qu’ils ont mis, malgré les services … les enfants vont avoir un, un an et demi,

deux, deux ans et demi, trois ans de retard dans la classe. (1FG2/10)

Les directions disent aussi devoir intervenir auprès des enseignants sur l’idée même de la réussite

scolaire pour chaque élève. On soulève toute la question du maintien d’attentes élevées pour tous,

indépendamment des milieux :

C 'est vrai que dans les défavorisés les attentes réalistes versus l'excellence, bon, j'ai

des enseignants à l'école où je suis qui ont des attentes de réussite scolaire… là, il faut

se poser la question, « oui, la réussite scolaire, mais c'est quoi la réussite scolaire.

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Jean Archambault et Li Harnois 60 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Dans notre milieu c'est quoi la réussite, dans ta classe, c'est quoi la réussite, dans un

milieu et dans une école, dans une classe et auprès de chaque élève, c'est quoi la

réussite ». Je pense qu'il y a des gens qui sont tannés de l'entendre celle-là, mais elle

est tellement importante. C'est quoi la réussite pour cet enfant-là? Est-ce que c'est la

même chose pour cet enfant-là que pour celui-là? Mais non, c'est pas la même

chose. (1FG7/32)

On s'entend pour dire qu'il peut faire la même chose qu'un enfant en milieu favorisé,

mais là nos exigences au fil des ans, est-ce qu'elles ont tombé? Est-ce qu'on a gardé

les mêmes exigences? Et ça fait quelques mois qu'on en parle au niveau de l'équipe

pour essayer de trouver une école favorisée qui serait prête à faire un échange de prof

pour une semaine pour voir est-ce qu'on est au même niveau?… Avec les années,

peut-être qu'on … baisse dans nos exigences parce que le quotidien est tellement

exigeant… je ne sais pas, je peux me tromper mais on se pose la question comme

équipe école. Ça c'est au niveau du curriculum. (1FG5/102)

Il est parfois difficile pour les directions de détecter les enseignants qui ne croient pas en la réussite de

tous, certains adoptant des comportements de fermeture, de retrait :

Quand la direction est obligée d’aller au devant et qu’elle constate que l’enfant n’a pas

selon ses besoins, ça nous prouve qu’il n’y croit pas. Il se cache là, « ah c’est beau,

c’est beau ». Comment ça c’est beau? C’est même inquiétant parce que si l’enfant à qui

on a donné des moyens et pour qui on a fait intervenir l’éducateur, et là, oups, il n’y a

plus de contact, l’éducateur qui le suit « ah, j’ai de la misère à entrer dans sa classe. Il

est toujours occupé. Je le dérange si je vais chercher le jeune à cette période-là »… il

fait de la fuite là. Celui-là n’y croit pas. (1FG1/269)

Certains enseignants semblent parfois portés à évaluer l’effort plutôt que l’apprentissage réel. Les

directions disent devoir intervenir auprès des enseignants à ce sujet :

Le p'tit pit qu'il y a dans ta classe, je l'envoie à Val d'Or, comment est-ce que l'enseignante qui est

là va interpréter ton A et ton B ? (1FG6/17)

Toutefois, certaines directions disent qu’il est impossible d’avoir les mêmes attentes envers les élèves

issus de milieux défavorisés, particulièrement en ce qui concerne les milieux allophones :

Donc on ne peut pas, oui les attentes il faut absolument, je ne dirais pas les diminuer,

mais les voir autrement, et ne pas s'attendre à ce qu'on nous donne, exemple en

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Jean Archambault et Li Harnois 61 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

français, la même chose qu'on nous donnerait n'importe où ailleurs. Même dans un

autre milieu défavorisé où t'as un contact avec le français plus régulier. (1FG7/20)

Diversifier les approches pédagogiques

À la lumière de ce qu’en disent les directions, il semble que certains enseignants n’arrivent pas à

diversifier les approches pédagogiques :

Il y a encore beaucoup de la rigidité au niveau de la pédagogie des fois dans la classe

qui entraîne dans le fond comme une « écoeurantite » par rapport à certains enfants

par rapport à certaines problématiques… ça fait partie de la vie de l’école défavorisée.

(1FG1/89)

Si tu maîtrises juste une affaire, ben là il faudrait que tu te rendes compte que tu ne

peux pas faire réussir tout le monde en travaillant juste d’une certaine

façon. (1FG1/293)

Aux dires des directions, les enseignants sont parfois rigides, ils accordent une grande importance à

l’application uniforme des règles, par exemples, au niveau de la discipline, du code de vie, sans prise en

compte de la particularité de la situation :

Si on est toujours rationnels et on s'écrit un livre de procédures et dire bon bien nous,

les règles de vie sont ça ... puis on l'applique et on ne regarde pas ce qu'il y a autour et

on ne l'analyse pas. Si on fonctionne comme ça, ça ne marchera pas … « comment ça

se fait qu'il agit de même, donc lui? Qu'est-ce qui se passe dans sa vie pour qu'il soit si

enragé après le monde! ». (1FG8/31)

Il semble que dans certains cas, les enseignants ont du mal à se distancier de leurs interventions, à voir

qu’elles ne répondent pas aux besoins de certains élève, n’arrivant plus à voir ce dernier dans son

contexte. Dans certains cas, les directions disent devoir palier à l’incompétence :

Il n’y a pas de place pour l’enfant dans la classe. C’est le programme ou c’est le projet

qui compte et c’est à l’enfant à s’adapter à ça plutôt que le contraire. Je dirais que c’est

des profs qui ne voient pas l’enfant en milieu défavorisé, ils voient juste la matière.

(1FG1/247)

Gérer quelquefois l’incompétence. Il faut avoir je dirais la franchise et peut-être le

courage de le dire à la personne « je pense que peut-être, avec cet élève-là qu’est-ce

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Jean Archambault et Li Harnois 62 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

que tu penses? Penses-tu que si tu procédais de telle manière? » Tu sais, on est obligé

d’apporter des solutions pour que la personne puisse voir un petit peu l’impact de ce

qu’elle fait sur l’enfant. (1FG3/53)

Bien que les directions croient au bien-fondé d’une diversité d’approches pédagogiques, certaines

émettent une mise en garde au sujet de la tendance, chez certains enseignants, à choisir certaines

approches sans se donner le temps nécessaire pour leur mise en place :

Puis essayer des nouvelles affaires, ça ne veut pas dire essayer quelque chose une

semaine, 15 jours, 3 semaines… les gens commencent à papillonner, moi c'est ce que

je constate chez moi: « on va essayer des choses, ah c'est le nouveau dada de l'année,

on va essayer ça »... Il faut essayer plus longtemps que ça, il faut adapter, il faut aller

plus en profondeur et les gens veulent - malheureusement - des résultats rapides et

fulgurants et je ne pense pas que c'est comme ça la pédagogie, je pense que c'est des

affaires de petits pas, de petits changement, construits un sur l'autre, d'emboîtement

des actions qui font que tout d'un coup ça prend du sens. (1FG5/96)

Développer une compréhension à l’égard des milieux défavorisés

Encore une fois, les directions insistent sur la nécessité pour l’ensemble des intervenants en milieu

scolaire, de se familiariser avec la réalité des milieux défavorisés, d’amener le personnel scolaire à

développer une attitude d’ouverture, d’empathie à l’égard des familles et les diriger vers les services

disponibles dans le quartier :

Donc c'est sûr qu'il faut vraiment, comme direction d'école, comme revenir... changer

nos approches, toujours faire des rappels sur ce qu'on s'est dit sur les caractéristiques

de la clientèle… parce que les gens, même s'ils veulent, même s'ils sont professionnels

et qu'ils sont conscients… (1FG7/9)

Il faut aussi ramener l'équipe-école à voir la réalité des parents, parce que les attentes

aussi peuvent être irréalistes de la part du personnel d'une école. Il faut là aussi

s'arrêter, il faut s'informer, il faut lire, il y a des connaissances à avoir, il y a des

recherches à lire, on n'intervient pas dans un milieu défavorisé comme on intervient

dans n'importe quelle école. On part de parents qui ont vécu des situations, il faut partir

de ces réalités-là. (1FG7/17)

« Est-ce que tu comprends que cette dame-là, il faut l’amener à voir que dans le

quartier, elle peut trouver tous ses aliments à la même place plutôt que de faire tout le

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Jean Archambault et Li Harnois 63 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

tour de l’Ile de Montréal ». Quand on comprend, nos actions vont à la bonne place!

(1FG3/39)

Plusieurs enseignants semblent complètement démunis face à la complexité de la réalité familiale des

élèves. Les directions doivent donc travailler avec eux au niveau des perceptions et les amener à

dédramatiser les situations :

Ils ne deviennent plus des professionnels, ils ne sont plus habiles, il y en a parmi eux

qui sont des parents eux-mêmes et tout à coup ils ne comprennent pas qu'un parent ne

puisse pas être en mesure de donner la base à un enfant… ils deviennent comme plus

compétents et ils oublient qu'ils sont des professionnels dans le milieu de l'éducation et

je trouve ça un peu plate, entre autres qu'il y ait des perceptions de parents. (1FG5/82)

Et aussi, de faire en sorte que nos enseignants ne soient pas impressionnés. On parle

de milieu défavorisé, mais criminalisé aussi, on parle de parents qui sortent de prison,

on parle de drogue, de prostitution, de parents prostitués. Comment travailler avec ces

gens-là sans être impressionnés ou encore démunis face à leurs

problématiques. (1FG2/12)

Comprendre les besoins des élèves

Les directions croient que l’élève est au cœur de l’apprentissage. De ce fait, il importe de bien

comprendre ses besoins, sa réalité, son rythme d’apprentissage et d’adapter la pédagogie en

conséquence. Les directions disent toutefois devoir faire certains rappels à ce sujet :

L’enseignante à un moment donné elle ne le (l’élève) voit plus dans son contexte, fait

que c’est vraiment dans notre mandat, dans notre discours de dire « oublie pas ça.»

(1FG1/85)

Les directions insistent sur la nécessité pour l’ensemble des intervenants scolaires, de se familiariser

davantage avec la réalité des élèves, des familles. Il semble que pour la plupart, les enseignants ne sont

pas issus de milieux défavorisés et qu’ils ne comprennent pas nécessairement les contextes des milieux

défavorisés. Les directions disent entendre certains jugements qui témoignent d’une incompréhension :

Bien souvent, on va porter un jugement, « ah c'est écoeurant, il n'a pas fait ses devoirs

»… bien oui, mais ils vivent à 5-6 dans des 3½. Des fois il n'y a même pas une table

pour faire leurs devoirs. (1FG5/54)

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Jean Archambault et Li Harnois 64 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Finalement, certaines directions mentionnent que les enseignants ont parfois du mal à voir les forces des

élèves, qu’ils sont davantage centrés sur leurs carences ou leurs faiblesses:

On regarde les enfants beaucoup dans leur carences, on va dire « ils ne sont pas

stimulés », on va dire « on sait bien, ils ne connaissent pas la langue … Oui, des

enseignants ou des intervenants. Alors on ne peut pas construire sur des carences, il

faut absolument qu'on insiste à mettre le focus sur les forces des enfants. Dans ces

milieux-là, c'est un défi qu'on vit. (1FG5/13-15)

Développer une coresponsabilité face à la réussite de tous les élèves

Aux dires des directions, certains enseignants semblent se déresponsabiliser face aux élèves ayant

davantage de difficultés d’apprentissage. Pour ces derniers, ces élèves doivent être pris en charge par

les intervenants spécialisés. Les directions disent tenter de développer progressivement une

coresponsabilité des enseignants face à la réussite de tous les élèves :

Ils avaient plutôt tendance à dire : « on voudrait une orthopédagogue pour s’occuper de

nos élèves en difficulté ». J’ai dit : « regardez, pourquoi ce n’est pas vous qui puissiez

vous en occuper, pendant qu’une autre personne puisse s’occuper des autres élèves

qui ne sont pas nécessairement selon vous en difficulté? » Et là, c’était comme le choc

des idées : « voyons, c’est pas nous autres qui allons nous occuper des élèves en

difficulté! (1FG3/149)

… d’où notre discours de travail d’équipe, de coresponsabilité… on essaye d’amener

d’autres choses, donc nécessairement on bouscule. Et moi je pense, je crois beaucoup

à la coresponsabilité, et ce courant-là commence à passer. Il commence à passer pas

juste parce que je parle, mais parce qu’ils font des choses, qu’ils se rendent compte.

(1FG2/138)

Établir une collaboration avec la famille

Il semble que certains enseignants soient peu ouverts à collaborer avec les parents. Les directions disent

devoir intervenir auprès de ces enseignants afin de changer leur perception à ce sujet :

Il y a une grande résistance des enseignants à changer les façons de faire pour faire

entrer les parents dans l’école… La problématique des parents, c’est quelque chose en

soi qui est important. (1FG2/14)

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Jean Archambault et Li Harnois 65 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

On sait qu’il y a des résistances, qu’il y a des enseignants qui ne veulent pas. Alors

comment je vais m’y prendre? Je suis toujours dans le comment : comment je vais faire

pour que ces enseignants-là qui résistent laissent tomber de plus en plus, ou bien

croient que c’est important. (1FG2/50)

Certains enseignants vont parfois juger que l’implication des parents est inadéquate. Les directions

doivent amener les enseignants à préciser leurs attentes aux parents, à travailler plus étroitement avec

eux :

On veut que les parents viennent à l’école faire des activités, mais ce que j’ai entendu

beaucoup de la part des profs, c’est que, ce que les parents font, c’est tout croche.

Autrement dit, les enseignants eux ont des attentes très élevées. Et on a eu quelques

ratés... les profs étaient scandalisés mais c’est des gens d’une autre culture…Quand

j’ai rencontré les profs après, je leur ai dit « je m’excuse mais si vous voulez qu’ils

travaillent selon vos critères, c’est à vous de les former… donnes-leur un coup de main,

donnez-leur des pistes. (1FG1/321)

Obtenir des budgets supplémentaires

Certaines directions ont indiqué devoir intervenir auprès des nouveaux enseignants au sujet des budgets

supplémentaires et de la clientèle des écoles :

Toi, tu as une équipe qui a choisi son école, moi, ils sont là depuis que le milieu était

favorisé. Ca alourdit ma tâche de gestionnaire parce que je dois les amener à voir que

le Programme de soutien à l’école montréalaise, c’est pas juste des sous qui arrivent.

C’est la clientèle qui vient avec. Ça ajoute à la lourdeur. (1FG3/83)

Établir une collaboration avec le milieu communautaire

Bien que les directions reconnaissent toutes la nécessité de travailler en partenariat avec les organismes

du milieu pour répondre à l’ensemble des besoins des élèves et des familles. Elles reconnaissent

toutefois la nécessité de s’ajuster en raison de la nature même de ces collaborations et de ces

partenariats entre des milieux qui ont des modes de fonctionnement et des façons de faire très différents.

Ces collaborations renvoient à certains défis dont l’ouverture et le respect :

Quand tu rencontres un gars qui est dans le communautaire et - excusez là - mais qui

a l’air à avoir fumé son joint hier. Tu dis, peut-être que lui, même si tu veux pas avoir de

préjugés, tu te demandes « j’y ferais-tu confiance pour qu’il rentre dans mon école, pis

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Jean Archambault et Li Harnois 66 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

qu’il vienne m’aider dans le fond à actualiser la mission de l’école québécoise … ».

(1FG1/57)

Quand tu fais rentrer les organismes communautaires dans ton école, pis c’est pas bien

fait, pis c’est pas comme moi je l’aurais fait, ben non, c’est parce que c’est pas les

mêmes compétences, c’est pas la même culture, c’est pas la même façon d’aborder la

situation. (1FG1/323)

Établir des liens avec du monde qui travaille dans le communautaire - pis ceci dit sans

préjugés - mais qui travaillent pas du tout de la même façon que les gens qui travaillent

dans des milieux institutionnels, ok on parle de deux cultures totalement différentes, on

parle de régler des cas vraiment dans le cadre de porte où l’informel est très très fort et

où les tables de concertation sont fortes, où il y a ben ben du babillage (1FG1/53)

Les attributs de la direction

Le contexte particulier de l’exercice du rôle d’une direction d’école en milieu défavorisé nécessite, aux

dires de l’ensemble des directions, des compétences professionnelles et des attitudes personnelles

différentes :

C'est pas tout le monde qui peut aller travailler dans un milieu défavorisé. (1FG7/24)

Dans cette section portant sur les attributs de la direction, nous aborderons les sujets suivants : les

compétences professionnelles, les attitudes personnelles et les compétences et les attitudes à

développer.

Les compétences professionnelles

Les compétences professionnelles identifiées par les directions sont les suivantes :

Avoir la forte conviction que tous les élèves peuvent réussir

Croire dans les jeunes de milieux défavorisés c’est dire « ben voyons donc, ces

jeunes-là sont aussi capables que les autres » (1FG1/33)

Avoir de fortes habiletés de coordination et d’organisation :

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Jean Archambault et Li Harnois 67 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

On doit aussi avoir de très fortes habiletés de coordination, parce qu'il y a un tel

nombre de projets, d'activités entre les partenaires du milieu et tout ce qui doit se

passer dans l'école (1FG5/11)

C'est la capacité de réagir et d'agir. Oui, ça demande une gestion de l'instantané…

on gère toutes sortes de choses inattendues. On gère la porte ouverte, et on gère

l'instant présent… c'est la faculté de se retourner sur un 5¢, tout le temps… Et ça

c'est unique… c'est spécifique à nos milieux. (1FG6/91)

Avoir une forte capacité d’analyse et de résolution de problèmes :

Ça prend des capacités d’analyse non pas au plan nécessairement technique des

chiffres mais au plan des besoins des jeunes et de leur famille. (0FG1/101)

Une bonne connaissance de ces enfants-là…en étant capables d'analyser les

besoins et de faire des liens au niveau de ce qui est la réalité... avec les gens. C'est

là que la notion de l'intelligence émotionnelle… être capables de faire des liens

entre besoins, enfants, familles, école et la personne qui est là. (1FG8/45)

Avoir un sens du discernement élevé (reconnaître les véritables situations d’urgence,

dédramatiser, être capable d’agir rapidement, prendre du recul) :

Et être capables de prendre du recul par rapport à notre milieu parce que des fois

on est un petit peu ensevelis sous toutes sortes d'affaires et on dit… mettre nos

priorités aux bons endroits pour justement pas être ensevelis sous ce qui

s'accumule. (1FG5/94)

Être capable de gérer les changements, les imprévus. (1FG8/46)

Adopter une gestion participative collégiale :

One of the keys to success… is the concept of decentralizing my leadership and

sharing it with everybody. (1FG4/27)

Pouvoir accomplir plus d’une tâche à la fois :

C’est d’abord accepter, quand on est dans un milieu défavorisé, de faire plusieurs

choses à la fois, c’est-à-dire de penser que ça va être difficile de se concentrer à

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Jean Archambault et Li Harnois 68 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

faire une chose… Même quand ta porte est fermée, tu vas être dérangé… alors t’es

toujours sollicité par beaucoup de choses et beaucoup de monde en même temps.

(1FG2/31)

Effectivement, c'est comme très rare qu'on se concentre sur une chose on se

concentre sur bien des affaires en même temps. (1FG5/127)

Ça prend une grande souplesse (1FG8/46)

Développer une compréhension juste des besoins du milieu :

Une bonne connaissance de ces enfants-là…en étant capables d'analyser les

besoins et de faire des liens au niveau de ce qui est la réalité... C'est là que la

notion de l'intelligence émotionnelle… être capables de faire des liens entre

besoins, enfants, familles, école et la personne qui est là. (1FG8/45)

Être un acteur de changement, faire évoluer les pratiques et les fausses croyances :

C’est à nous, les enseignants, à transformer leur mentalité, leurs pratiques, pour

s’ajuster (1FG3/17)

Être un leader qui va amener un changement. Et ça, c’est pas toujours facile, parce

que, qui dit changement dit peur aussi. Mais je pense qu’il faut être capables de

confronter les positions et ça, ça demande beaucoup de courage, ça demande

d’être leader, d’être courageux. (1FG3/149)

Être un leader, porteur d’une vision et de valeurs

Quand on est une direction d'école, on est le modèle. Tout ce qu'on fait, c'est

important… Donc il faut toujours être conscients de ça, l'attitude est quelque chose

d'important (1FG5/54)

Il faut avoir une vision globale pour être capables justement dans chacun de nos

milieux d’être un leader qui va amener un changement. (1FG3/149)

Avoir une capacité d’établir des relations avec des personnes d’horizons divers

Créer des liens. Une habileté relationnelle hors du commun (1FG6/94)

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Jean Archambault et Li Harnois 69 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Les attitudes personnelles

Outre l’importance des compétences professionnelles, les directions semblent convaincues de la

nécessité de posséder des qualités et des attitudes personnelles pour pouvoir travailler en milieu

défavorisé. À ce sujet, notons les qualités et les attitudes personnelles les plus récurrentes :

La disponibilité, le dévouement et l’écoute :

Être à l'écoute des gens et du personnel, c'est un point de départ... Tu te

promènes et là les gens expriment, le personnel, ils ont besoin que tu les écoutes

et que tu les soutiennes. (1FG8/51)

Être présent. Moi je crois beaucoup à être présent physiquement, être présent

physiquement et intellectuellement, être capable d’entendre ce que les gens te

disent. Pour moi ça c’est le premier. Qu’ils puissent me voir dans les corridors,

qu’ils n’aient pas peur de venir me confier un problème, qu’ils se sentent à l’aise de

rentrer dans mon bureau. C’est une gestion « porte ouverte continue »… L’écoute,

beaucoup d’écoute. (1FG2/36)

L’ouverture, l’accueil et la tolérance

Une des plus grandes qualités qu'on doit avoir c'est notre ouverture. (1FG8/44)

C’est aussi beaucoup l’accueil, l’accueil des différentes problématiques, l’accueil

du vécu des élèves, l’accueil des parents des élèves, l’accueil des communautés

culturelles aussi qui se retrouvent souvent en milieu défavorisé… ça commence au

secrétariat. (1FG3/11)

So how do you make the school welcoming, not necessarily welcoming as a

community centre but welcoming to the kids…and welcoming to the parents...

(1FG4/65)

Quand on ouvre les portes de l'école aux parents, quand le parent se sent

bienvenu, bien accueilli, il devient un partenaire, complice. Il comprend ce qu'on

essaie de faire à l'école, d'où on part, où on veut arriver et il nous accompagne…

je trouve que c'est important la complicité avec les parents. (1FG6/27)

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Jean Archambault et Li Harnois 70 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

The other thing I wanted to say is tolerance first (1FG4/119)

Le positivisme, la capacité de rallier et de motiver les gens :

Il faut être avant tout très motivé et motivante, (1FG5/89)

I’m a very positive person, my glass is always half full. I know that I’ll go and I’ll try

to get the best out of whoever. (1FG4/57)

La capacité de rassembleur, je trouvais ça bien important parce que l'isolement en

milieu défavorisé, ça tue… Voir le positif, et l'utiliser; je trouve que c'est bien

important. (1FG5/94)

I am a motivational speaker, someone told me one day. All my children know every

time that “who’s the best?” “we are!” Where did that come from? But every child in

the school goes around and says “we’re the best!” (1FG4/73)

La capacité de s’adapter, de s’intégrer :

Je vois ça plus comme une adaptation. Il y a plusieurs facettes, mais

essentiellement, d'abord ce que je vois, c'est une adaptation culturelle. (1FG6/13)

Je pense que c’est une gestion complexe, une gestion où il faut constamment

s’adapter, s’adapter à la clientèle, s’adapter à notre personnel aussi. (1FG3/7)

Faut s’intégrer à cette culture-là et la partager. Pour moi c’est un défi… il faut

s’ajuster. (1FG2/17)

La compassion, l’empathie :

Avoir beaucoup de sensibilité parce qu'il faut travailler beaucoup avec les

dimensions des gens, de la famille des enfants… pour sentir quand et comment

agir avec une famille en détresse. (1FG6/9)

Être très humaine aussi, être capable de faire de l'empathie. (1FG6/85)

C'est pas tout le monde qui peut aller travailler dans un milieu défavorisé. Il y a des

gens qui... n'ont pas d'empathie et d'autres qui en ont trop.... c'est d'avoir l'espèce

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Jean Archambault et Li Harnois 71 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

d'attitude face à ces milieux-là pour être capable justement de connaître le milieu

dans lequel tu t'en vas. (1FG7/24)

I’m not drained because I realize that I am very empathetic (1FG4/21)

There is such a caring, loving, heart meets mind and that translates down to my

children and parents as well. And parents come in and volunteer … we have

partnerships, between the senior children’s school and the junior children’s school.

So there’s a caring empathy that takes place and it extends into the schoolyard.

(1FG4/27)

La créativité :

Oui, pis on se retrouve devant des problématiques différentes. Moi ça fait quatre

ans que je suis là, et les affaires qui m’arrivent aujourd’hui me sont jamais arrivées

avant. Ca nous amène, en tant que gestionnaire, à devenir créatif. (1FG1/149)

I guess we’re getting to attributes, I guess one of them is creativity. (1FG4/95)

Il faut innover, il faut inventer, il faut être créatifs. (1FG5/43)

Le respect :

Être très respectueux des gens à tous les niveaux, autant notre personnel, les

enfants que les parents. (1FG7/50)

Ça tient à un aspect de la personne, peu importe qui on est, d’où tu viens. On parle

même de différentes cultures. On parle de pauvreté, mais c’est du respect à la

base. (1FG1/129)

The notion of respect, the social skills. I go out to treat kids, the parents have told

me that, as if they’re your own. I speak the way I would want to be spoken to

(1FG4/87)

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Les compétences et les attitudes à développer

Quelques directions ont finalement indiqué qu’avec le temps, elles ont dû développer certaines

compétences ou attitudes que nous reprenons ci-dessous :

L’ouverture, la coopération, le partenariat avec les organismes du milieu :

Il y a comme un leadership à prendre parfois qui est pas évident, on ne se sent pas

nécessairement compétents. (1FG1/51)

Q - Donc des compétences à développer par rapport à l’ouverture.

D5 - à travailler avec la communauté, oui, ancrer l’école dans son quartier… de

réseauter. (1FG1/47-49)

Oui un leadership, et il y a une habileté à développer de ce côté-là, mais c’est une

job de relations publiques aussi parfois, pis d’établir des liens avec du monde qui

travaille dans le communautaire - pis ceci dit sans préjugés - mais qui travaillent

pas du tout de la même façon que les gens qui travaillent dans des milieux

institutionnels, ok on parle de deux cultures totalement différentes. (1FG1/53)

La capacité de communiquer avec des personnes provenant de milieux et d’horizons variés :

Une direction en milieu défavorisé doit apprendre à parler à beaucoup de

niveaux… alors qu’en milieu favorisé, si on est chez des gens instruits avec de

l’argent, c’est toujours le même discours… tout le monde dans cette école savent

parler argent, comprenez-vous ce que je veux dire? Mais en milieu défavorisé,

chaque interlocuteur… faut parler plusieurs langages. (1FG1/158)

La capacité de faire évoluer les pratiques et les mentalités :

Ca c’est tout un… on apprend ça beaucoup avec l’expérience, parce que quand on

commence comme gestionnaire on fait face à… une enseignante qui est peut-être

plus âgée et elle… s’aperçoit absolument pas ce qu’elle a comme impact. Quand

on est une jeune direction, peut-être que, on ne sait pas trop quoi faire. Quand on

a un petit peu plus d’expérience, ben à ce moment-là. (1FG3/53)

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Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires de la région de Montréal Rapport de recherche

Jean Archambault et Li Harnois 73 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

La connaissance des milieux défavorisés :

Je pense qu'il y a un minimum… de connaissances de ce que c'est un milieu

défavorisé. Puis je ne parle pas du milieu dans lequel tu travailles, mais dans le

milieu défavorisé ... autant pour les directions d'écoles que pour les enseignants,

ça devrait faire partie des connaissances à acquérir. (1FG7/24)

L’enseignement dans les écoles en milieu défavorisé :

D'avoir des perfectionnements… sur c'est quoi toutes les conséquences sur

l'apprentissage des enfants qui viennent de milieux défavorisés. Ça les

enseignantes et les enseignants … et les directions d'écoles n'en n'ont pas

suffisamment non plus, au niveau physiologique, à tous les niveaux. (1FG5/70)

Au niveau pédagogique… moi et mon équipe et l'ensemble du personnel, on n'est

jamais assez outillés, on n'a jamais assez d'éventail de stratégies pour faire

avancer la pédagogie. (1FG5/81)

La relation avec les familles :

On a besoin de perfectionnement au niveau des relations interpersonnelles,

d'outils pour interagir avec les parents qui sont en crise, des parents… ou des

enfants. (1FG5/81)

Les directions d'écoles, il faut qu'on développe des compétences assez

incroyables par rapport à nos approches avec les familles pour essayer, à travers

les parents, d'aller aider l'enfant. Il faut que tu comprennes les cultures, ce qui n'est

pas simple. (1FG8/14)

La capacité de gérer des budgets :

The budget part of it to me was new. I am always very grateful to the support that

we have through ... a resource at the school board in that area. So that helped me

a lot. It took time I needed to learn the budget. (1FG4/7)

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Jean Archambault et Li Harnois 74 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Choisir de travailler dans les milieux défavorisés

Finalement, certaines directions nous ont partagé leurs motivations à travailler dans une école en milieu

défavorisé. On nous a parlé d’un sentiment de faire la différence dans la vie des élèves et des familles,

d’un désir d’une plus grande égalité et d’une plus grande justice sociale, de «feu sacré», de passion :

C’est d’assurer une équité sociale, d’assurer une paix sociale, donner la même chance

aux enfants de milieux défavorisés d’être en santé, d’intégrer la société…on devient un

citoyen à part entière, un citoyen qui participe activement. (1FG2/128)

D’assurer une intégration sociale (1FG2/136)

It’s just small lasting things but it’s good to the last drop. It’s in my veins as you’re

talking about. It’s my passion. And you want passionate people with these children.

They have enough trouble in their lives, without being surrounded by people that love

them. (1FG4/77)

C'est de se sentir utile. Et je suis capable de faire la différence... tu veux chercher c'est

qui tes élèves... j'ai le goût de les aider, les parents, je voulais connaître les parents... je

voulais connaître c’est qui les nationalités. Je me suis informé d'un tas de choses que je

n'aurais pas fait dans un milieu francophone, relativement homogène... Et c'est

vraiment ça, qui m'a amené l'énergie... pour gérer une école en milieu défavorisé.

(1FG8/12)

Je trouve ça valorisant de travailler avec ces gens-là. (1FG8/13)

Faire cheminer ces gens-là pour à travers ça aider l'enfant… c'est vrai qu'on a le

sentiment de faire la différence. Pour avoir été enseignante dans les milieux favorisés,

en tout cas pour moi l'accomplissement de vraiment sentir qu'on aide les jeunes est

vraiment là. (1FG8/14)

J'ai travaillé dans le milieu défavorisé pendant plusieurs, plusieurs années. J'ai aussi

travaillé dans le milieu favorisé… J'ai bien aimé l'expression « le sentiment de faire la

différence »… Si j'ai le choix, je ne choisirai plus jamais d'école dans le milieu favorisé.

Non, mais plus jamais… Non seulement d'avoir le sentiment de faire la différence,

mais... c'est parce que tu donnes le soutien à l'enfant. (1FG8/18)

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Jean Archambault et Li Harnois 75 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Moi je dirais que je suis allée travailler dans ce milieu-là parce que j'avais le goût du

travail d'équipe, donc c'était, et ça c'était avant d'y arriver. Maintenant avec le recul, je

suis contente d'y être parce que c'est un milieu innovateur. C'est un milieu où est-ce

qu'on ne prend rien d'établi et dire on le refait parce qu'à chaque fois c'est du nouveau,

et à chaque fois c'est très valorisant, c'est un milieu riche en expériences. (1FG7/64)

Je ne me suis jamais arrêtée à me dire je choisis un milieu où vraiment j'aurai vraiment

beaucoup de défis à relever. Je pense que c'est allé de soi, c'est un milieu dans lequel

je me sentais bien. (1FG7/68)

Finalement, quelques rares directions avouent toutefois ne pas avoir véritablement choisi de travailler

dans les écoles en milieu défavorisé. Elles expliquent :

On m'a forcé. J'ai jamais choisi… Quand je me suis retrouvé en milieu défavorisé, la

première année, j'avais été nommé adjoint, en fait on m'a appelé, les concours ont fini,

on m'a appelé, on m'a dit « il y a un poste là » j'ai dit «... j'ai appliqué là » « oublie ça, tu

l'auras pas, c'est là » « ok », je suis parti là puis de là ça a commencé, mais de façon

générale, j'ai pas choisi grand-chose. (1FG7/61)

Moi non plus j'ai pas choisi. On m'a plutôt fortement recommandé, je pouvais accepter,

mais je ne pouvais pas refuser. (1FG7/65)

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Jean Archambault et Li Harnois 76 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

La présentation des résultats de la 2e rencontre

Rappelons que la deuxième rencontre des groupes de discussion avait pour but d’amasser davantage de

données auprès des directions et de consolider les données déjà recueillies lors de la première rencontre.

Pour ce faire, les directions d’écoles se voyaient d’abord présenter le résumé des échanges de la

première rencontre, puis la synthèse des éléments issus d’une revue de littérature effectuée par les

chercheurs (voir annexe 2, Archambault et Harnois, 2006c, remis aux directions à cette deuxième

rencontre). Ils devaient ensuite émettre leurs commentaires et confronter leurs idées aux contenus

présentés. Cette intervention des chercheurs a été décrite plus en détails dans la section sur la

méthodologie de la recherche.

Dans le cas de la revue de littérature, les recherches scientifiques et les ouvrages professionnels

consultés ont permis de mettre en évidence des caractéristiques des écoles primaires performantes en

milieu défavorisé, caractéristiques qui reviennent régulièrement dans les recherches. Vu leur récurrence,

ces caractéristiques sont toutes considérées comme essentielles et complémentaires. Les directions ont

donc été invitées à y réagir, au cours de cette deuxième rencontre. Rappelons-les, puisque nous

examinerons par la suite les réactions des directions à ces caractéristiques :

Une vision claire et partagée

L’environnement

L’apprentissage est la priorité

Un leadership moral, éthique, de justice sociale

Une organisation scolaire au service de l’apprentissage

La collaboration – le travail d’équipe

Des relations avec les parents

Des relations avec la communauté

Le développement professionnel

Les directions ont donc été invitées à faire part de leurs commentaires et réflexions sur les différents

éléments présentés. Avant d’aborder les caractéristiques une à une, nous faisons état des réactions

générales exprimées par les directions suite à la présentation de cette synthèse.

Par la suite, nous reprenons les différentes caractéristiques issues de la synthèse en fonction de la

fréquence des échanges - du plus fréquent au moins fréquent -.

Finalement, nous présenterons une section consacrée aux aspects considérés par les directions comme

étant absents de la synthèse de la littérature que nous leur avons présentée.

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Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires de la région de Montréal Rapport de recherche

Jean Archambault et Li Harnois 77 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Réactions générales à l’égard du contenu de la synthèse

De façon générale, les directions ont trouvé intéressantes les idées proposées dans la synthèse de la

littérature. À première vue, elles n’y ont pas trouvé grand-chose de nouveau, mais surtout une

présentation cohérente des différentes caractéristiques et des liens qui les unissent. Pour plusieurs, cette

synthèse a été vue comme une confirmation de ce qu’elles savaient déjà. Cela ne les a pas empêchées

d’avoir des réactions de surprise ou d’être parfois ébranlées dans leurs convictions lorsqu’elles émettaient

des commentaires sur l’une ou l’autre des caractéristiques. Nous verrons ces commentaires spécifiques

plus loin.

Les directions ont manifesté différentes réactions quant au contenu de la synthèse. Ces idées ont été

regroupées comme suit :

Un accord avec les différents éléments présentés dans la synthèse et le désir de faire référence à

ce contenu, dans sa pratique. Rien de nouveau, nous l’avons vu, mais des éléments utiles à la

compréhension de la direction d’une école en milieu défavorisé, et la volonté d’utiliser le cadre

que constitue les caractéristiques, dans son école:

My first reaction is this from the literature or is this from us. I started thinking off what

pertains to me and my environment and our school here... I don’t think there is one area

we haven’t discussed. And I thought this is a really good guideline! … I thought I could

use this in the school. (2FG4/5)

Ça me rappelle des choses que j'ai déjà entendues (2FG5/11)

Ça ne me surprend absolument pas. (2FG5/19)

L’expression d’une incapacité, pour les directions, de travailler sur l’ensemble du contenu de cette

synthèse dans l’exercice de leur rôle. Présenter ainsi ces caractéristiques, les sortir de leur

contexte, fait en sorte que l’on appréhende rapidement l’ampleur de la demande qui peut être

faite aux directions d’écoles. Compte tenu que leur tâche est déjà lourde, comme elles l’ont

d’ailleurs exprimé lors de la première rencontre, plusieurs directions entrevoient mal la

perspective d’avoir à travailler toutes ensemble ces caractéristiques :

On n’arrive peut-être pas à faire tout ça dans une journée ou dans un an, c’est clair, on

s’entend. (2FG1/57)

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Jean Archambault et Li Harnois 78 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

On me dit : « mais toi, comme gestionnaire dans un milieu défavorisé, continue à

favoriser le développement, le suivi, le partage, l’imputabilité, l’ouverture, le sourire, la

patience! » Donnez-nous des ailes on va monter au ciel tout de suite! C’est pas

faisable, pas faisable. (2FG3/69)

Alors c'est certain que dans un monde idéal, c'est ça. (2FG6/8)

Le désir d’être accompagné. Responsables de cette mise en place, conscientes de l’ampleur de

la tâche, elles conçoivent néanmoins qu’elles ne peuvent faire tout cela toute seules et qu’elles

auront besoin de soutien :

J’aimerais ça que quelqu’un nous aide parfois dans notre quotidien. (2FG3/69)

Pour faire tout ça, il faut être épaulés. (2FG3/59)

L’impression d’une synthèse générale pertinente pour l’ensemble des écoles de différents milieux

(favorisé et défavorisé). En effet, pour plusieurs, ces caractéristiques des écoles performantes en

milieu défavorisé ne sont pas propres à ces écoles, mais se retrouvent aussi dans les écoles de

tous les milieux.

C’est pas spécifique à un milieu défavorisé; il y a des choses qu’on pourrait retrouver

aussi dans des milieux favorisés. Pour moi c’est clair que c’est des systèmes qui sont

tous très importants mais qui ne sont pas spécifiques à nous, parce qu’on sentait que

l’exercice qu’on avait à faire, c’était d’essayer de se centrer surtout sur les particularités

de nos milieux. (2FG2/7)

Le sentiment d’une responsabilité qui incombe aux directions d’école. Les directions voient

l’ampleur du travail parce qu’elles sentent bien que la responsabilité de la mise en place des

caractéristiques des écoles efficace leur appartient :

Tous les différents éléments qui viennent de la documentation... ça repose beaucoup

sur les épaules de la direction. (2FG3/88)

Les directions ont donc bien accueilli la synthèse des éléments de la littérature scientifique qui leur a été

présentée. Elles se sont néanmoins rapidement senties responsables de la mise en place de ces

caractéristiques dans leur milieu respectif et ont fait état de l’ampleur de la tâche.

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Jean Archambault et Li Harnois 79 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Réactions spécifiques au contenu de la synthèse

Comme nous l’avons expliqué plus tôt, nous reprenons les différents éléments de la synthèse en fonction

de la fréquence des échanges - du plus fréquent au moins fréquent -. Bien que la fréquence des

échanges ne puisse à elle seule compter pour l’importance que les directions accordent à tel ou tel sujet,

elle n’en demeure pas moins un indicateur significatif. C’est pourquoi nous choisissons d’en tenir compte

ici.

L’ordre d’apparition des caractéristiques est le suivant : 1) l’apprentissage est la priorité, 2)

l’environnement, 3) une organisation scolaire au service de l’apprentissage, 4) des relations avec les

parents, 5) une vision claire et partagée, 6) un leadership moral, étique, de justice sociale, 7) la

collaboration- le travail d’équipe, 8) le développement professionnel, 9) des relations avec la

communauté. Pour chacun de ces éléments, nous présentons les différents aspects qui sont présentés

dans la littérature pour ensuite faire place aux réactions des directions.

L’apprentissage est la priorité

Dans la littérature scientifique, cet élément aborde différents aspects. Ainsi, dans une école où

l’apprentissage est la priorité, on donne des orientations et on montre une direction en fonction de

l’apprentissage des élèves. La conviction que tous les élèves peuvent apprendre est manifeste et

partagée par tous et on y entretient des attentes élevées vis-à-vis des élèves. Cela implique surtout que

l’on ne diminue pas les attentes à l’égard des élèves. La direction d’une école où l’apprentissage est la

priorité a des pratiques de gestion qui doivent ultimement influencer l’apprentissage. D’ailleurs, sa

supervision porte sur l’apprentissage. Dans cette école, l’évaluation des apprentissages s’effectue en

continu et elle a essentiellement pour le but d’aider et de soutenir l’apprentissage. Enfin, on y accorde une

grande importance à l’apprentissage de la lecture et ce, tout au long du parcours scolaire.

De façon générale, les directions se sont dites d’accord avec cette caractéristique. Aux dires de plusieurs

directions, l’apprentissage est l’élément prioritaire au sein des écoles de tous milieux, défavorisé ou non:

Je pense que mettre l’apprentissage en premier, c’est partout là, peu importe le milieu.

(2FG1/228)

Focus on learning. Yeah, I’ve always said that’s what our job is and that’s what the

school is all about. (2FG4/55)

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Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires de la région de Montréal Rapport de recherche

Jean Archambault et Li Harnois 80 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Quand pour un gestionnaire l'apprentissage prime, il est partie prenante de ça, les

changements s'opèrent. (2FG5/35)

D’autres directions précisent que l’apprentissage est la priorité dans la mesure où l’on fait référence au

développement de l’élève au sens large du terme, ne se limitant pas uniquement à la dimension scolaire

du programme de formation. On met un bémol sur le fait que l’apprentissage passe en priorité. On semble

donc, d’une part, vouloir faire passer l’apprentissage en premier, mais d’autre part, en élargir la définition :

Il faut que ce soit la base, que ce soit l’apprentissage dans un premier temps… si je

travaille avec une équipe d’enseignants qui ont des compétences à atteindre avec les

élèves, eux sont centrés là-dessus, ils veulent avoir une réussite à la fin... Mon objectif

ultime, c’est pas nécessairement l’apprentissage, mais tu sais, ce qui est important

dans le fond, c’est que l’élève se développe au maximum, dans toutes les facettes...

Alors dans ce sens-là, pour moi c’est aussi l’apprentissage d’une certaine façon qui est

quand même prioritaire. (2FG3/15)

Je voulais faire une intervention sur les trois missions de l’école. On met beaucoup le

focus sur la première, qui est d’instruire, mais on oublie un peu… Sur la socialisation,

on va faire un bout, c’est bien intéressant, mais sur la qualification, je trouve que c’est

un peu plus difficile de faire un bout, et il y a une grande incompréhension, tant des

enseignants en général que des parents… Alors qu’on sait que dans les écoles, il faut

parler de ça à la fin du deuxième cycle ou au début du troisième cycle pour susciter un

intérêt par rapport à une projection sur le marché du travail. On peut pas attendre trop

tard. Je trouve que c’est un volet qui est un petit peu négligé dans les écoles, la

qualification. (2FG2/244)

L’apprentissage pour moi c’est très vaste, c’est pas juste académique, c’est vraiment

plus large que ça. (2FG2/118)

La fonction de l’école, c’est le développement global de l’élève, et l’école c’est l’élève

aussi. On doit se centrer sur l’élève, et l’élève, c’est un apprenant. (2FG3/33)

L'apprentissage est sous toutes ses formes… Si on parle d'apprentissage de la vie,

c'est ça qui vient en premier lieu premier lieu… Ça fait que oui, l'apprentissage ça vient

en premier lieu… apprentissage d'un être humain, de le rendre autonome le plus

possible, c'est notre rôle comme adulte… c’est tout aussi important que l’académique…

c'est bien important et c'est pour ça qu'on est là, mais il y a d'autres apprentissages qui

doivent être faits qui sont tous aussi importants. (2FG8/20-21)

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Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires de la région de Montréal Rapport de recherche

Jean Archambault et Li Harnois 81 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

La mission de l’école québécoise, c’est instruire, socialiser et qualifier-. Mais quand on

est dans « socialiser », on est dans l’apprentissage aussi… qu’on est capable pas juste

de se concentrer sur des disciplines scolaires, mais ça peut être des activités

d’apprentissage sur les compétences transversales qui obligent les enfants à coopérer,

à s’exprimer clairement, etc., je croirais que oui c’est au fil de ces expériences-là qu’on

va vivre en classe qu’on va être capables de créer la relation. (2FG1/57)

C’est vrai que l’apprentissage, c’est pas uniquement académique… Dans le Centre-

Sud, on peut pas faire passer l’apprentissage en premier. Même l’apprentissage de la

langue, c’est difficile. L’apprentissage du vivre avec les autres, l’apprentissage du jouer

avec les autres, l’apprentissage de partager avec les autres, l’apprentissage de je

m’assois et j’attends mon tour pour avoir la parole, pour avoir accès à telle ou telle

activité, particulièrement pour la direction de l’école, parce que les enseignants sont

très, très « on fait passer l’apprentissage en premier »… La preuve en est, l’élève est

un caïd dans la cour d’école, puis l’enseignant dit : « Bien, moi dans ma classe, il va

très bien, j’ai pas de problème, il a un A de comportement », parce que dans la classe il

va bien. Il y a donc un apprentissage à faire en dehors de… nourrissant à tous les

points de vue, pour ensuite les mettre en apprentissage. (2FG3/29)

Selon une autre direction, l’apprentissage prime dans la mesure où certaines conditions – par exemple la

taille de l’école – le permettent:

C'est sûr que je soutiens cette thèse… quand on décide de mettre ça en priorité, ça

dépend, moi j'ai une petite école, c'est assez facile d'aller dans les cycles. Quand t'as

50, 60, 80 employés c'est un autre dossier. Tu ne feras pas 40 rencontres cycle à un

moment donné. Moi mon école au total représente parfois une équipe fixe dans des

méga écoles. (2FG5/35)

Plusieurs directions ont toutefois manifesté leur désaccord face à l’apprentissage qui est la priorité. Aux

dires de plusieurs d’entre-elles, différentes interventions auprès des élèves sont préalables à

l’apprentissage. Les directions ont beaucoup fait référence à l’importance de créer un environnement

sécuritaire (voir la section L’école : un lieu sécuritaire, p.95), à l’importance d’établir une relation avec les

élèves (voir la section Un milieu accueillant pour les élèves, pour le personnel, pour les parents, pour la

communauté, p.97) et finalement, à l’importance de combler leurs besoins de base avant de les faire

apprendre, sujets considérés absents de la synthèse (voir la section Autres éléments jugés absents de la

synthèse, p.125).

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Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires de la région de Montréal Rapport de recherche

Jean Archambault et Li Harnois 82 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Un des premiers principes… un enfant qui n'est pas en mesure de socialiser, un enfant

qui n'a pas des besoins primaires comblés … quand l'enfant ne se sent pas bien, qu'il

est insécure dans son milieu familial, quand il n'est pas sûr de ce qu'il va avoir dans son

assiette, qu'il n'est pas sûr que son parent va être adéquat ou quoi que ce soit, c'est sûr

que ça pose des difficultés dans l'apprentissage. Et souvent l'école est démunie, on a

tous des programmes de nourriture, de collations et compagnie. Ça, quand l'enfant est

sûr que tous ses besoins sont respectés, il est plus à même de pouvoir apprendre.

(2FG5/48)

Ça veut dire que bien souvent ces enfants-là ont besoin de créer un lien avec l’adulte

avant que l’apprentissage passe, alors que d’autres enfants moins carencés, moins en

difficulté, vont réussir pareil à apprendre même si ils ont des difficultés au niveau

relationnel. (2FG2/19)

Oui, l’apprentissage est présent dans une école, cependant pour moi, c’est pas la

priorité dans un milieu défavorisé… moi la priorité est d’abord et avant tout de stabiliser

le plus possible le milieu au point de vue social, donner une valeur à ce milieu-là,

donner une reconnaissance à ce milieu-là, de façon à ce que ce milieu qui est souvent

blessé, souvent abîmé par toutes sortes de drames de la vie… pour qu’on puisse

éventuellement passer à une autre étape qui est de l’ordre d’aller vers l’apprentissage...

ce sont des enfants qui justement sont très vifs au niveau de l’intelligence émotionnelle.

Et quand l’intelligence émotionnelle est atteinte gravement, ou plus ou moins

gravement, à ce moment-là il n’y a pas de disponibilité au niveau de l’intelligence

rationnelle, et il y a un blocage… la priorité est d’abord et avant tout de travailler

l’intelligence émotionnelle, et non pas nécessairement développer l’apprentissage au

niveau de tout ce qui est le rationnel, le raisonnement, l’académique… L’académique va

venir de toute façon. On apprend quand on est bien, quand on est heureux… c’est pas

faire passer l’apprentissage en avant, mais d’abord comment l’apprentissage va pouvoir

passer, et pour que l’apprentissage puisse passer, il faut… utiliser le plus possible

l’univers affectif de chacun. (2FG3/13)

Oui, l’apprentissage prime, mais pour que l’apprentissage prime, il faut que la relation

soit établie avec l’enfant, et ça c’est très important, qu’on soit dans un milieu ordinaire

ou non, mais dans un milieu défavorisé c’est encore plus important, parce que l’enfant

va miser beaucoup plus sur la relation qu’il a avec les intervenants que d’être assis et

d’apprendre, même s’il est actif dans l’apprentissage. (2FG2/15)

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Jean Archambault et Li Harnois 83 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Voyons maintenant comment les directions ont réagi de façon plus précise à des aspects de cette

caractéristique.

La conviction que tous les élèves peuvent apprendre Les directions ont partagé leurs croyances respectives face à la conviction que de tous les élèves peuvent

apprendre. Elles partagent cette conviction et elles affirment, dans l’ensemble, que tous les élèves issus

de milieux défavorisés peuvent apprendre. De nombreux témoignages exprimés lors des deux rencontres

avec les directions vont d’ailleurs dans ce sens (voir la section Une vision commune, celle de croire à la

réussite et au bien-être de tous les élèves, p.50):

Ce qui m’apparaissait comme majeur… c’est la conviction que tous les élèves peuvent

apprendre. Ça pour moi c’est le point de départ par rapport aux caractéristiques des

milieux défavorisés. Si on n’a pas cette conviction-là, effectivement on passe à côté de la

mission. (2FG2/11)

D’autres directions soulignent que le concept même de réussite ne fait pas l’objet d’une compréhension

commune. Pour plusieurs directions, il semble que la réussite des élèves ne soit pas uniquement scolaire

mais que la socialisation compte pour beaucoup. Dans certains cas, il semble qu’il faille adopter une

définition autre de la réussite dans les milieux défavorisés :

Ce qui est la base en fait de nos préoccupations quotidiennes, c'est les petits qu'on a et

les faire réussir … tenir compte de tout cet environnement-là, et le contexte ,

pédagogique et l'environnement scolaire et familial beaucoup, je pense qu'il y a eu des

exemples de situations familiales, encore aujourd'hui… c'est renversant, …

quotidiennement … la réussite n'est pas comprise ou définie ou la même dans nos

milieux. (2FG8/9)

Comment définir la réussite … et il faut qu'on se donne une définition si on veut

fonctionner et survivre sinon on se perd et moi je reviens toujours à la base un être

humain? Bien il y en a qui se développent de 4 manières. Ils se développent dans l'axe

affectif, cognitif, physique, et social. Et pour moi, les enfants … souvent on pense que le

cognitif, c’est le plus important… il faut qu'il y ait un équilibre dans le développement de

ces 4 axes-là, une réussite globale… souvent on se rend compte qu'il y a un des axes

ou deux, des fois trois où il y a des carences… et des fois c'est juste ça qu'on pense qui

compte dans la vie d'un être humain. Mais un être humain qui a plein de

connaissances, ça ne veut pas dire qu'il est en réussite… mes enfants… ils sont

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Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires de la région de Montréal Rapport de recherche

Jean Archambault et Li Harnois 84 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

capables de développer ces 4 axes-là en équilibre... Cette définition, c'est la mienne.

(2FG8/15-17)

C'est aussi important de travailler le manque de relations à travers un élève qui

performe académiquement que de travailler le français d'un enfant qui a d'autres

qualités très développées. Je veux dire c'est dans les deux cas qu'on va pouvoir en

faire un aussi citoyen cet enfant-là, même s'il est bien fort à l'école, s'il n'est pas

capable d'entrer en relation. On n'en fait pas un citoyen aidant pour la société. Ça aussi

c'est un aspect qu'il ne faut pas négliger et les enfants dans les milieux très favorisés

qui performent très bien, des fois on oublie de développer cet aspect-là étant donné que

dans le bulletin... tout le relationnel, sa vie en société, ça aussi ça doit être travaillé … la

réussite de l'enfant, c'est large. Pour moi la réussite, c'est pas juste au niveau

académique, loin de là même je dirais. (2FG8/21)

Bien que les directions disent croire que les élèves des milieux défavorisés ont les mêmes capacités

d’apprendre que les autres élèves, elles semblent croire qu’il y a plus d’élèves ayant des difficultés

d’apprentissage et plus de plans d’intervention adaptés (PIA) dans les écoles de milieux défavorisés en

raison des différents facteurs mentionnés dans la section La réalité des milieux défavorisés, p.23

(notamment, les caractéristiques des milieux défavorisés et des familles). Certaines directions croient

aussi que ce ne sont pas tous les élèves qui peuvent réussir. Lorsque l’intervieweur fait état de ce

paradoxe, les directions réagissent de différentes façons :

On a parlé du paradoxe qui disait que oui, on a tous la conception que tous les enfants

sont apprenants - pauvres, riches, mieux nantis, etc. - donc que nos élèves sont tous des

apprenants, donc tous capables d’apprendre, puis t’as fait état qu’il y avait quand même

plus de problèmes d’apprentissage par exemple, moi j’en vois pas nécessairement de

paradoxe là-dedans…. Quand on parle de difficultés d’apprentissage, on parle pas

nécessairement de troubles d’apprentissage chez ces enfants-là. On dit « oui, ils ont plus

de problèmes d’apprentissage, pas parce qu’ils sont pas capables d’apprendre! » Il y a

probablement deux raisons qui expliquent ça. Il y a une raison qui appartient à

l’enseignant, et il y a une raison qui appartient au vécu de l’enfant… la disposition à

l’apprentissage. (2FG1/57)

Oui, dans un milieu défavorisé on a 188 PIA, et dans une école de milieu plus aisé, il y

en a 8. J’entends ça souvent. Mais je pense qu’on part déjà de préjugés. D’abord, les

enfants de milieux défavorisés se sont tellement fait dire qu’ils n’étaient pas capables,

que déjà ils ne l’ont pas. (2FG1/108)

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Jean Archambault et Li Harnois 85 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Nos profs vont beaucoup insisté là-dessus. Alors oui, ils reconnaissent les capacités

des élèves, ils croient qu’ils ont des capacités, mais parfois ils partent de tellement loin

que c’est pour ça qu’il y a beaucoup de retard scolaire, pas nécessairement de troubles,

mais de retard. (2FG2/258)

Non, je ne vois pas la contradiction, moi… tous les élèves peuvent apprendre …PIA pour

répondre aux besoins particuliers de l’élève… probablement que d'abord les enfants ont

des besoins, des besoins différents. Puis que pour les enseignants, tout ce qui est

besoins particuliers de l'élève, … parce que oui, il y a des enfants qui ont des besoins

particuliers, que ça soit académiques ou que ça soit au niveau du comportement. Qui ont

besoin de suivis, peut-être. Je ne vois pas la contradiction. (2FG8/25)

Ce que je voulais dire c’est par rapport à la disponibilité. S’ils ont les mêmes capacités

au niveau intellectuel, il y a la disponibilité. C’est comme tout être humain, je le sais

pas, moi si j’arrive ici et j’ai un mal de tête énorme, je vais moins bien participer, je vais

moins bien être à l’écoute de l’autre, je vais moins bien traiter l’information. (2FG1/73)

En ce qui concerne la conviction des enseignants face à la capacité des élèves d’apprendre, ce sujet a

été plus largement abordé lors de la première rencontre. Il semble, aux dires de plusieurs directions,

qu’une forte majorité d’enseignants partagent cette conviction mais qu’il y aura toujours quelques

individus qui ne la partageront pas, particulièrement ceux qui ne choisissent pas de travailler dans les

milieux défavorisés :

Je reste convaincu qu’il y a des enseignants qui ne l’ont pas cette conviction-là. À mon

école je ne peux pas dire que c’est généralisé heureusement. Il y en a peut-être un ou

deux qui n’ont pas la conviction profonde qu’ils sont tous capables d’apprendre.

(2FG2/122)

Je ferais la nuance moi entre les enseignants qui choisissent de venir enseigner dans

les milieux défavorisés et les enseignants qui ne choisissent pas de venir enseigner

dans les milieux défavorisés... ceux avec qui j’ai plus de difficulté et qui viennent me

donner « je sais pas quoi faire avec ces enfants-là »… C’est pas mes enseignants

réguliers que ça fait 7-8 ans qui sont dans le milieu… qui y croient à leurs élèves. C’est

les autres qui ont abouti dans mon milieu, qui sont de passage... Eux, ils n’y croient pas

que les enfants peuvent apprendre. (2FG2/130)

C’est une utopie aussi de penser que tous les enseignants d’une école défavorisée vont

tous avoir le même degré de croyance que les enfants sont apprenants. (2FG1/69)

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Des attentes élevées vis-à-vis des élèves (non diminuées)

Rapidement, ici aussi, les échanges entre les directions font ressortir une certaine contradiction entre le

nombre élevé de plans d’intervention adaptés (PIA), la croyance en la réussite de tous et les attentes

élevées vis-à-vis des élèves (non diminuées), contradiction soulevée par l’intervieweur. Plusieurs

directions ne voient pas là de contradiction:

Non, je ne vois pas la contradiction… tous les élèves peuvent apprendre (2FG/25)

Je ne vois pas la contradiction entre la quantité de PIA et les attentes, mais … ça

dépend comment est-ce que le PIA est perçu… quand on réussit à… se dire : « oui, j'ai

un enfant qui a une difficulté x, y, z, qu'est-ce que je fais? » Et lorsqu'il devient un outil,

le PIA, là on réussit quelque chose. Mais c'est pas simple… il faut écrire souvent le

PIA… cette enseignante-là le considère comme un outil et il y réfère… tout au long de

l'année, dès qu'on change quelque chose dans l'intervention de l'enfant… là on réussit

quelque chose. Mais il n'y a pas de contradiction. (2FG8/29)

On a beaucoup de PIA… alors on s'est dit qu'on devrait s'asseoir ensemble… une

amorce de réflexion pédagogique aussi pour tous mes PIA et c'est quoi mes attentes, et

parce qu'on nomme ça "j'ai des attentes élevées" bien je pense que c'est à cause

effectivement que nos attentes sont élevées qu'on a beaucoup de PIA parce qu'on veut

que l'enfant arrive … on entend beaucoup plus adapter nos attentes, on entend

beaucoup les enseignants … je pense que quand on va échanger nos façons de faire…

alors oui, les attentes sont serrées, mais c'est peut-être pour ça aussi qu'on a beaucoup

de PIA et … j'adapte mes attentes par rapport … des enfants. (2FG6/34)

Pour plusieurs directions, il semble difficile de différencier tout en maintenant des attentes élevées. En

effet, pour certaines, différencier signifie s’adapter et s’adapter signifie diminuer ses attentes parce que

les élèves sont trop faibles.

C’est quoi avoir des attentes élevées finalement? C’est quoi là? Il faut que ce soit élevé

en différentiation? Alors on parle encore une fois de connaissance de l’individu, de la

famille, de je sais pas trop, et d’y aller un petit peu plus « soutien dans les besoins»,

mais tout en ayant des attentes élevées? C’est-tu juste un principe l’attente élevée ou si

c’est une réalité de tous les jours? (2FG1/147)

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Tu sais, quand on disait tantôt de ne pas avoir des attentes élevées, on devrait être en

mesure de donner à l’enfant quelque chose qu’il est capable de relever. C’est ça qu’elle

dit en fait la réforme. Mais par contre, il ne faut pas que l’enseignant oublie qu’il faut

amener l’enfant le plus loin possible. Ça devrait être ça, mais je suis pas certaine que

tout le monde est habilité à le faire de cette façon-là. C’est encore cahier d’exercices,

papier, crayon. (2FG2/264)

Le principe de la réforme qui dit « on prend tous les enfants » et on dit « on va niveler

par le bas ». (2FG5/21)

J’ai accroché aussi sur « des attentes élevées vis-à-vis des élèves ». Je suis tout à fait

d’accord avec cette affirmation-là, mais en même temps je me dis, chez nous, avec la

réforme, on a parlé beaucoup de différenciation. Je suis pas sûre que c’est pas plutôt

vers une diminution où on n’a pas tendance à prendre. Tu sais, quand on parlait tout à

l’heure que la réforme avait été faite pour les milieux défavorisés, mais est-ce qu’il n’y a

pas un peu cette conception derrière ça qui est sournoise? Faut faire bien, bien, bien

attention… c’est pas du nivellement par le bas, on va avec les besoins de l’élève, on lui

donne des défis à sa juste valeur »… je suis pas sûre que ça c’est bien, bien clair pour

tous. (2FG1/51)

Est-ce qu’on n’est pas en train de faire un double discours avec la différenciation ? Ah,

il faut différencier, il faut diminuer nos attentes, alléger. On dit ça un peu aux

enseignants : « il faut que tu lui donnes un travail approprié à son niveau, etc. » et on

baisse un petit peu nos attentes, veux, veux pas, dans le discours actuel... Puis il y a

cette espèce de lutte, le fait de vouloir avoir des attentes élevées et la correspondance

de ce que les enfants sont capables de produire. Et les profs réagissent à ça. Ca fait

qu’ils veulent bien donner des attentes élevées, mais ils disent : « ah, mes textes sont

trop forts, trouvez un autre texte ». Il y a comme une espèce de conflit qui se fait, et vu

mon questionnement, le discours sur la différenciation ne vient pas permettre une

espèce de baume sur ça pour dire : « bien finalement je vais baisser mes attentes ».

(2FG2/60)

Oui, prendre en compte, mais quoi prendre en compte? … Est-ce que je vais me

concentrer sur le fait que c'est pas le français leur langue maternelle? Est-ce que je vais

me concentrer plus sur partir de ce qu'il est capable de faire chez lui? Est-ce que je vais

me concentrer plus sur le fait qu'il est pauvre, peu importe d'où il vient? … trop de

différenciation, je pense qu’on n’arrive plus. C'est de l'individualisation ça. (2FG5/55)

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Jean Archambault et Li Harnois 88 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

On voit bien que le maintien d’attentes élevées, auquel les directions adhèrent, pose toutefois problème

lorsque les enseignants ont à choisir du matériel ou des situations d’apprentissage adaptées. Comment

conserver des attentes élevées lorsqu’elles sont justement trop élevées pour que les élèves puissent les

atteindre ?

Quelques directions mentionnent aussi la difficulté de maintenir des attentes élevées en raison de la faible

implication des parents dans la vie éducative de l’élève :

Yes I would like to raise the bar but when the parents never do the homework. And

even the reading. We met a mother one day and told her, “you know what, you’re really

stressed.” She was really stressed. She said I don’t want to do grade 1. I don’t want to

do the homework with my kids. Grade 1. So we told her, “ok, stop everything, just do the

reading.” Now she tells us that she doesn’t even do the reading. She’s at school

learning, she didn’t finish high school. There is a lot of that. (2FG4/85)

Pour plusieurs directions les attentes élevées sont néanmoins le gage de la réussite des élèves:

If you walked into my school you wouldn’t say it’s an inner city… we rise to the level of

our expectations… They’re still expected to perform. (2FG4/61)

Puis je pense que les profs dont je parle, je pense à X entre autres, qui d’après moi est

vraiment une personne qui a des attentes très élevées au niveau des enfants, mais elle

les met aussi au niveau des stratégies d’enseignement, au niveau de l’investissement

auprès des élèves. Elle met toutes les conditions autour pour arriver à son utopie.

(2FG1/187)

The expectations of the schools too. Like I said at mine, they’re expected to do this.

Fortunately I have support from the school, but that’s it. They go home and the parents

don’t speak English but they’re expected to do their homework… So how come these

kids can achieve. So when these kids went home to do their homework, their parents

couldn’t read to them. They had to struggle through in whatever in French or in English,

but these kids are achieving. You’re going to tell us what the results are in the end but

do they really have a higher preponderance of learning disabilities? The nutrition has a

part to play. But again how come some schools can succeed and they’re the same kids.

(2FG4/91)

The high expectations we all talked about it. I just assume that my kids are going to do

well. I expect it of them... I say to them, “who’s the best?” You know it’s my job and our

job as staff I think to raise their level of self-esteem, through whatever way. (2FG4/138)

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Une direction parle d’attentes élevées et d’attentes réalistes, invoquant la nécessité de mettre en place

des conditions qui favorisent la réussite des élèves :

Bien, je pense qu’il faut faire une distinction entre attentes élevées et attentes

irréalistes. Les attentes élevées là, moi j’ai des profs en tête dans mon école qui je

pense ont des attentes élevées. Quand je parle d’attentes irréalistes… c’est de penser

que les jeunes vont réussir en étant dans un milieu qui est démotivant, qui n’est pas

stimulant, puis de penser qu’ils vont réussir comme s’ils étaient dans une classe où

toutes les conditions gagnantes sont là. (2FG1/187)

Finalement, certaines directions mentionnent l’importance d’accompagner leur équipe sur la question des

attentes :

I could start talking to you about staff professional development and you know, it took a

while at least wanting go out. And talk about high expectations and the focus and that’s

what it is. (2FG4/73)

Je me souviens d'avoir eu une discussion avec des enseignants et dire « c'est drôle, j'ai

des fois l'impression que vous pouvez juste me donner les faiblesses de certains

enfants et que pour me donner ses forces il faut que vous ayez fait un plan

d'intervention… c'est quoi ses forces, c'est quoi ses faiblesses … et j'avoue que c'est

vrai que … j'ai dit dans le fond, si on est capables de savoir c'est quoi leurs forces et

qu'on les développe des fois un petit peu plus que leurs faiblesses, peut-être qu'ils vont

devenir plus… (2FG8/21)

Des pratiques de gestion devant influencer l’apprentissage

On se rappelle qu’à la première rencontre, les directions ont, de façon générale, peu abordé la gestion

pédagogique. Nous leur avons fait part de cette observation, Pour certaines directions, ce fût une surprise

puisque la gestion pédagogique est au cœur de leur travail quotidien. Pour d’autres, elles avouaient

souhaiter y consacrer plus de temps mais compte-tenu de la lourdeur de leur charge de travail, elles n’y

parvenaient pas autant qu’elles le souhaitaient. Finalement, d’autres ont indiqué déléguer cette

responsabilité à un membre de l’équipe de direction ou à leur conseiller pédagogique (voir la section La

gestion pédagogique, p.52).

Ainsi, lors de la deuxième rencontre, une direction soulève l’importance des pratiques de gestion qui

influencent l’apprentissage à la base de la réussite des élèves :

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C'est être convaincu que les enfants peuvent réussir, mais si les enfants vont réussir, il

va falloir que je déborde pas mal plus loin que d'avoir des attentes élevées et il va falloir

que j'aie des pratiques de gestion qui influencent l'apprentissage. (2FG7/14)

Mais qu’en est-il de ces pratiques de gestion pédagogique ? Pour une direction, il s’agit de définir les

objectifs qui favoriseront l’apprentissage des élèves et les moyens d’y parvenir. Mais ici aussi, comme

dans la discussion sur les attentes élevées, ce n’est pas nécessairement l’apprentissage qui est la

priorité:

Quand on travaille avec une équipe d’enseignants, d’abord et avant tout, il faut que ce

soit la base, que ce soit l’apprentissage dans un premier temps… Donc moi ce que je

dois faire comme gestionnaire, c’est de dire quels sont les objectifs que vous voulez

atteindre cette année, et par la suite, comment on va atteindre ces objectifs-là : vous

trouvez que vos élèves doivent atteindre une estime de soi, etc., comment on va faire

pour l’atteindre? Donc pour moi ça devient complémentaire. Mon objectif ultime, c’est

pas nécessairement l’apprentissage, mais tu sais, ce qui est important dans le fond,

c’est que l’élève se développe au maximum, dans toutes les facettes. (2FG3/15)

D’autres directions mentionnent que, bien que l’apprentissage soit la priorité, ce n’est pas nécessairement

elles qui auront à le favoriser directement. Elles mentionnent donc l’importance de soutenir, d’encourager

les nouvelles approches pédagogiques et de donner les moyens aux enseignants afin qu’ils puissent

accomplir leur travail:

L'apprentissage passe en premier, ça ne veut pas dire que c'est nécessairement nous

autres qui avons les mains dedans. On peut créer des situations, soutenir, encourager

et je pense que c'est comme ça qu'on peut l'exercer. Mais on ne peut pas être toujours

des intervenants de première ligne… Je pense qu'on peut soutenir, donner des

moyens, créer des opportunités, entendre et allumer des petites lumières, mais c'est à

eux autres à rayonner après ça et faire leur bout de chemin. (2FG5/31)

The number of children I hold in special education is so reduced. And we have groups

coming through that will soon be graduating. But at the bottom end I have three. I have

twenty in grades 4, 5, 6 next year. But at the bottom end in cycle 1, I have three. And I

think it’s because of a new approach to learning. And first of all, the project-based

approach I think, where you integrate everything and you have the children demonstrate

their competencies… if we continue to do these kinds of things our kids... succeed in

our inner city schools. (2FG4/11)

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Le programme n’est pas actualisé autant qu’il pourrait l’être, mais les petits bouts qu’on

en ressort, par exemple de manipulation en maths au premier cycle, les profs se

rendent compte que oui, ça fait du sens pour les enfants, donc mettre les enfants en

action dans leur apprentissage, ça a l’air que c’est vrai là …Les activités qui sortent de

l’ordinaire, avec un artiste, un projet, du sport, un projet culturel, ça, ça amène

beaucoup de bagage à l’enfant, plus qu’une lecture. (2FG2/270)

Une direction indique qu’il faut savoir questionner les enseignants sur leurs pratiques pédagogiques:

Je pense qu'il faut savoir questionner, il faut savoir poser les bonnes questions. Parce

qu'un enseignant peut ne pas connaître le programme comme il faut, mais il peut quand

même l'appliquer … il peut avoir une difficulté avec un enfant puis poser des gestes qui

sont tout à fait pédagogiques et adéquats… Je te dirais avoir des bons manuels

scolaires, non, c'est pas vrai parce qu'avec n'importe quel manuel scolaire, on peut

arriver à faire apprendre, ou avec aucun manuel scolaire arriver à faire apprendre. J'en

suis convaincue… je suis capable d'aller voir un enseignant et de voir d'emblée que lui,

il ne fait pas ça, c'est évident... notre façon de poser des questions tout en mettant tout

le temps l'enfant au centre. (2FG5/43)

Finalement, des directions mentionnent l’importance d’adapter le programme aux besoins des enfants :

I’m adapting the program to the kids, and not the kids to the program. (2FG4/55)

Je pense que l’enseignant, s’il doit adapter sa pédagogie, c’est pour quelque chose,

c’est pour qu’il y ait une transformation, c’est pour qu’il y ait une progression de l’élève.

Alors d’après moi, si on ne se centre pas là-dessus, si on se centre sur le côté affectif,

est-ce qu’on va atteindre les objectifs? Est-ce qu’on a des objectifs à atteindre?

(2FG3/33)

La supervision porte sur l’apprentissage

Afin de s’assurer que la supervision porte sur l’apprentissage, plusieurs directions mentionnent

l’importance de réfléchir en équipe (enseignants, conseiller pédagogique, personne ressource,

professionnels, équipe de direction) sur une base régulière, de s’entourer de ressources professionnelles

et de partager leur leadership pédagogique, tout en demeurant impliquées auprès de leur équipe:

… l’équipe me dit : « on a de la difficulté, les élèves sont comme ci, ils sont comme ça».

Je leur dis : « écoutez, on va s’asseoir ensemble et on va essayer de trouver un défi ou

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quelque chose pour faire en sorte que les élèves puissent se développer, progresser

dans le fond ». Le progrès de l’élève, c’est ça que je trouve essentiel, qu’ils puissent se

repencher justement et se dire peut-être que la façon dont on s’en va en étant très

académique, ça fonctionne pas, mais comment pourrais-je avec l’élève retrouver une

façon où il va progresser? (2FG3/33)

On consacre une demi-journée par semaine pour y penser, et malgré tout, ils utilisent

très mal cette démarche-là. Ils savent pas ce que c’est réfléchir en équipe… comment

je vais - non pas mobiliser ces gens-là - mais les alimenter pour qu’eux se mobilisent, et

ils ont le don de se mettre, à faire des consensus entre eux. Dans la pratique

enseignante, je pense que ça fait fort longtemps et c’est connu, ça peut être très

individualiste les enseignants? Alors c’est très nouveau d’ouvrir les portes et de mettre

ça en commun. (2FG2/106)

Je dirais que la meilleure façon d'aider mes enseignants… c'est de travailler étroitement

avec ma conseillère pédagogique. On a régulièrement des discussions ensemble…

comment on voit les choses. Quand je peux, je vais dire quelques lignes dans des

réunions, des fois je ne peux pas assister à toute la réunion parce que c'est impossible,

mais je vais mettre mon petit grain de sel… Donc les enseignants savent que elle et

moi on travaille comme ça... je pense que pour elle, c'est super important… Il y a des

gens avec qui tu peux discuter facilement de pédagogie. Ils viennent vers nous pour en

parler, parce que regarde, quand tu leur montres … on a beaucoup de plaisir à le faire,

mais il y en a d'autres, il faut que trouver des chemins pour aller les chercher.

(2FG5/43)

Je vais créer des structures permettant que ça évolue, en mettant des gens à profit, des

CP, personnes-ressource, des experts. En travaillant avec des petites structures et non

des grandes structures pour que les gens puissent s'exprimer… c'est en train de

retomber. Même si la CP est aux rencontres, même si la personne-ressource est là,

même s'il y a des ordres du jour, même si les gens sont motivés à la limite, ils ne sont

pas réfractaires aux rencontres, ça vient de leurs problématiques, de leurs besoins, le

capitaine du bateau, le chef d'orchestre n'étant pas là pour dire, faire le compte-rendu

des rencontres, dire : «…c'est comme ça qu'on avait dit qu'on allait, c'est beau, je fais le

suivi la semaine prochaine ». Là ça fait un mois et demi que la structure, ils se

rencontrent, parce que c'est dans la tâche, les objectifs, avancer, développer, on est

plus aux 10-15 minutes de doléances, nos misères, nos malheurs et on tombe dans la

planification, Défi à la page 35, Défi à la page 32, que dans le fond, des rencontres

vraiment de développement… Les CP et personne-ressource, des fois je leur donne

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Jean Archambault et Li Harnois 93 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

des inputs… oui ils travaillent, mais c'est pas ça qu'ils font. Comment faire pour que ça

se passe, parce que c'est vraiment, on va avoir un résultat final si le gestionnaire dit que

l'apprentissage prime, mais assiste à l'apprentissage et fait partie de la solution dans

l'accompagnement et du suivi. C'est très demandant. (2FG5/35)

Au niveau des cycles, de la pédagogie … une structure , un carrefour pédagogique… et

vraiment pédagogie … à l'école où je suis, il y a deux adjoints et une direction, on a une

structure qu'on appelle le cadre pédagogique où à chaque mois, l'équipe de direction

rencontre les enseignants… et la conseillère pédagogique et on discute des

orientations au niveau de l'école en terme cycle, en terme plan de réussite, en terme de

budget. (2FG6/16)

Pour certaines directions, le programme de formation et le projet éducatif sont des outils permettant

d’assurer un suivi des apprentissages :

C'est souvent des élèves en difficulté qui vont poser problème … « par où on s'en va,

qu'est-ce qu'on fait ?» … Il y en a qui n'ont pas d'expertise pointue, mais comme

gestionnaire et comme personne était imputable de faire atterrir les trois volets de la

mission … même si je ne les connais pas par cœur… j'ai ma bible à côté... Si je veux

aller plus loin, bien je peux parler des échelles de niveaux de compétences mais aussi

je ne veux pas m'avancer là-dedans… ça veut dire aussi que j'en ai des compétences

dans certaines sphères assez solides au niveau de la pédagogie… Je ne m’en ferai pas

passer une petite vite par les enseignants … c'est l'outil… que j'ai prise… le programme

de formation… parce qu'en même temps, c'est une arme qui m'aide parfois à trancher.

Ce matin, il y a une intervenante qui me dit : « cet enfant-là est en difficulté ». Les

élèves en difficulté nous font poser beaucoup, beaucoup de questions… « pour dire

qu'un enfant est en difficulté, on va regarder les attentes et notre référentiel c'est le

programme ». (2FG5/42)

L'élément central de tout ça, c'est le projet éducatif… je me dis que peu importe la

façon, que ce soit formel, informel … ensemble on traite des trois volets du projet

éducatif. Lors de nos rencontres mensuelles, toute l'équipe ensemble et j'essaie de

faire en sorte … même si t'offrais de jouer le rôle d'un mentor et j'essaie toujours de

faire en sorte qu'à chaque fois qu'on se voit, on parle de chacun, il ne faut pas qu'il y en

ait 300 000 objectifs parce qu'on n'arrive à rien. Alors il y en a trois, on en parle… il ne

faut pas que ce soit obligatoire… C'est vrai qu'il y en a eu des rencontres de cycle

obligatoires… On peut superviser aussi. (2FG5/37)

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Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires de la région de Montréal Rapport de recherche

Jean Archambault et Li Harnois 94 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Finalement, certaines directions disent ne pas avoir de temps -ou pas suffisamment- pour assurer une

supervision pédagogique :

Le mot supervision. Bon, on en fait, on en fait. On fait des rencontres … on s'assoit

avec les enseignants, il y a toutes sortes de façons d'en faire, mais de là à dire, si on

appelle les choses par leur nom, qu'on fait de la supervision… c'est un gros problème…

de relations de travail et à un moment donné. (2FG7/38-39)

La supervision pédagogique serait nécessaire. Je ne sais pas quelle forme elle devrait

prendre, mais présentement il n'y en n'a pas vraiment, et effectivement les enseignants

le sentent bien. Il y a toujours une porte de sortie. (2FG7/40)

L’évaluation continue des apprentissages, dans le but d’aider l’apprentissage

Ce sujet a été très peu abordé par les directions. Une direction mentionne l’utilité du PIA comme

outil d’évaluation continue des apprentissages :

Le PIA… c'est un bulletin. C'est un bulletin qui suit l'enfant. Moi je trouve que c'est un

outil qui peut être utile. C'est une charge, mais c'est un outil qui peut être utile.

(2FG8/38-40)

L’importance accordée à l’apprentissage de la lecture

Lors de la première rencontre, plusieurs directions ont mentionné l’importance accordée à la lecture en

raison des difficultés des élèves (par exemple, l’apprentissage d’une deuxième langue, les difficultés

langagières) (2FG5/53).

Les directions font ici référence à l’utilisation de différentes stratégies au niveau de la lecture (par

exemple, le parrainage, le continuum en lecture, l’adaptation du contenu des textes) :

On a expérimenté le parrainage pour la lecture justement, parce que c'est une faiblesse

chez nous… le parrainage où les professeurs de 5e année… pour accompagner les

élèves de deuxième année et évidemment l'enseignante ressource, mais c'est une

implication, un dévouement vraiment, une disponibilité pour réussir ce coup-là… c'est

essentiel pour qu'on arrive à quelque chose. (2FG6/23)

Et on travaille tout le temps avec le continuum en lecture. On offre des activités de

lecture qui sont adaptées aux niveaux. (2FG2/284)

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Jean Archambault et Li Harnois 95 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

On a travaillé très fort pour la lecture cette année, on a fait des dizaines de stratégies

avec les T.P. en lecture, en français, puis là on a regardé nos textes, puis les mots que

les enfants (?) C’était pas parce qu’ils n’étaient pas capables de les décoder, c’est

parce qu’ils les comprennent pas… puis même quand il y a des explications dans le

texte, les explications ne sont pas plus claires. (2FG2/258)

Chez nous on travaille beaucoup la lecture mais on a un modèle hyper intéressant,

mais c'est pas tout à fait partout, partout au même degré… on comprend moins, c'est

comme l'enfant que tu vas mettre au bout du quai à tous les matins et qui ne sait pas

nager, tu lui donnes la poussée dans le dos, là tu viens le rechercher à la fin de la

journée et tu l'as laissé, il est épuisé… il a une horreur de l'eau … mais je pense qu'on

fait ça un petit peu avec les enfants de temps en temps. (2FG6/28)

L’environnement Dans la littérature, cet élément comprend les différents aspects que voici :

L’école : un lieu sécuritaire

Un milieu accueillant pour les élèves, pour le personnel, pour les parents, pour la

communauté

L’école : un lieu sécuritaire

Dans tous les groupes de discussion, les directions ont parlé de l’importance de créer un environnement

scolaire sécuritaire, structuré, encadrant pour les élèves :

On leur assure un milieu sécuritaire, puis de ça on crée un environnement… c’est

beaucoup à la direction d’installer dans cette vision claire et partagée la nécessité

d’installer les enfants dans quelque chose d’organisé, de sécuritaire. (2FG3/29)

La confiance, elle n’est pas juste une sécurité physique, elle est… dans le potentiel de

te faire confiance… mais c’est plus large la confiance que la sécurité. (2FG1/90)

L’école… c’est l’endroit où on est associés à la sécurité, les enfants sont là, ils sont en

sécurité, ils savent qu’on va les nourrir. Ils (les parents) savent qu’on va en prendre soin

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Jean Archambault et Li Harnois 96 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

et qu’on va même les garder au service de garde quand ils ont besoin de temps.

(2FG2/82)

Selon plusieurs directions, il est prioritaire de créer un milieu sécuritaire afin que les élèves puissent

apprendre :

C’est ça qui est le plus important, le milieu de vie, c’est de créer un lieu parce que

l’école c’est un des derniers lieux structurés, encadrants. L’enfant, quand il s’en vient

chez nous, il n’est pas différent normalement de ses pairs. On va en prendre soin. S’il

arrive une chicane on va la régler. S’il a faim on va le nourrir. À la limite, s’il se mouille

on va le changer... C’est ça la première affaire! (2FG3/39)

Il faudrait sécuriser d’abord nos enfants, puis les rendre davantage responsables les

uns envers les autres. Puis après, il ne faut pas perdre de vue l’apprentissage. Si on

part de la conviction que tous les élèves peuvent apprendre. Mais il faut installer dans le

milieu les conditions pour, avant, parce que c’est difficile. (2FG3/43)

Before you can learn, you have to have the comfort level to feel ok and safe

everywhere. (2FG4/85)

L’enfant est dans un milieu sécuritaire, oui c’est important, qu’il sente qu’il ait sa place

et qu’il y ait comme un lien qui soit établi avec des adultes. (2FG2/23)

If they have an attachment or a relationship with somebody at school. I am thinking of

the kids who were so at risk in my school who have attached themselves particularly to

the Cycle 3 teachers in my school. You know what is that they come back and they are

five years graduated... They just know it’s safe. (2FG4/138)

En continuité avec cette idée de donner la priorité à la sécurité, une direction explique que dans les

milieux défavorisés, les élèves font parfois face à diverses formes d’intimidation, y compris à l’école :

Une école… ça devrait toujours être un milieu sécurisant… Cependant ça ne l’est pas

tout le temps. Des fois, je trouve qu’en milieu défavorisé, un enfant qui vit de

l’intimidation dans une école, il n’a pas le goût d’arriver à l’école le matin… Puis il y a du

taxage, il y a de l’intimidation… je pense, qu’il faudrait sécuriser d’abord nos enfants.

(2FG3/43)

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Jean Archambault et Li Harnois 97 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Un milieu accueillant pour les élèves, pour le personnel, pour les parents, pour la communauté

Lors de la première rencontre, les directions ont beaucoup parlé de l’importance de créer un milieu

accueillant pour tous, particulièrement pour les parents. (Voir la section Le rapport avec les parents, p.41)

Dans le cadre de la deuxième rencontre, les directions ont surtout parlé de l’importance de créer un milieu

accueillant pour les élèves :

Ce qu’il faut faire, c’est apprendre aux autres à l’accueillir elle, puis à faire qu’elle va

avoir moins peur d’arriver à l’école le matin, et que peut-être elle va être disponible pour

vivre des apprentissages scolaires. Là, elle ne l’est pas. (2FG3/43)

Une organisation scolaire au service de l’apprentissage

Dans la littérature, cet élément comprend les différents aspects que voici :

Les cycles

Le transport scolaire

L’horaire – le calendrier

L’espace - le temps

D’entrée de jeu, l’ensemble des directions s’accordent pour dire qu’une organisation scolaire doit être au

service de l’apprentissage. Toutefois, elles témoignent d’une réalité toute autre, ne se sentant souvent

pas soutenues par l’organisation:

… diriger une école en milieu défavorisé… on est dépendants d’une organisation

scolaire… c’est important… On est tous bien conscients que l’organisation scolaire doit

être au service de l’apprentissage. On le dit, mais ça me fatigue que ce soit écrit quand

que c’est pas tenu en compte, quand une organisation financière défait les principes

d’une organisation au service de l’apprentissage, et qu’on nous fasse croire que ça va

être possible de. (2FG3/59)

On le dit, c'est partout, tout le monde le sait... C'est l'apprentissage qui prime, c'est l'élève

au cœur, l'élève au cœur de tout ça. Le monsieur du transport en tout cas, il ne pense

pas à l'élève, et le gars qui déménage le mobilier non plus et le service des ressources

humaines, je ne suis pas sûre qu'eux autres non plus ils pensent aux élèves et à

l'apprentissage qui se passe dans chacune des classes. On aurait du monde sur les

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listes de rappel, on aurait du monde quand on a besoin de quelqu'un. Alors oui, oui mais

quand! (2FG5/26)

I think that what has to be said, here too is that all of this has to shares by our bosses or

our boards… I think when you don’t have that support too… (2FG4/9)

…à la commission scolaire, avec les directions d’écoles, le conseil d’établissement, tout

le monde, on a été appelés à aller travailler une soirée sur le plan stratégique 2006-

2007… Les douze thèmes sont là, ce que les cadres ont pensé, ils sont quand même

venus voir dans mon école voir comment ça se passait… ils ont tout décidé le plan

stratégique. Moi je m’attendais qu’on soit en atelier et qu’on nous dise : « qu’est-ce que

tu verrais pour les trois prochaines années? » Mais je me rends compte que notre

système marche pas comme ça. On part pas des besoins de la base, et là on nous

l’impose, on dit : « tout le monde doit partager la vision commune de la commission

scolaire! » … ils ne sont pas à notre écoute. (2FG1/232)

Les directions déplorent aussi le manque d’autonomie, de marge de manœuvre dans l’exercice de leur

rôle:

Il faut vraiment que les gens des milieux défavorisés, les responsables des

commissions scolaires et du Ministère continuent à travailler sur l'idée de l'école

responsable et autonome, et qu'on travaille vraiment dans une mesure de

décentralisation. Qu'on laisse à chaque école le soin de s'organiser et qu'on fasse place

à laisser aller les choses vers le milieu et non pas le contraire. Pour moi c'est essentiel.

(2FG7/51)

C’est correct, mais c’est pour vous démontrer un peu qu’on est toujours parti du

principe de décentralisation, et que l’école était autonome avec la Loi 180, mais là on

n’est plus autonome du tout du tout dans nos décisions. On s’en va vers une

centralisation à outrance, à tous les points de vue. Alors je me dis, on s’en va vers une

contradiction là. (2FG3/61)

Ça prend une marge de manœuvre pour supporter entre autres certains enseignants

qui veulent aller plus loin. On est pris, on est pris dans le même carcan que tout le

monde. À un moment donné, il devrait y avoir une marge de manœuvre entre, je parle

au niveau de la convention entre autres, au niveau de la considération. (2FG7/50)

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Les gens qu'on reçoit … ça fait partie de l'organisation scolaire, on a pas le choix de

notre équipe. (2FG8/17)

Les cycles

Peu de directions ont abordé ce sujet. Pour une direction, la question des cycles fait partie des conditions

de réussite des élèves :

Chez nous, on a travaillé beaucoup toute la question des cycles depuis trois ans. C’est

pour ça que quand je vois les cycles, oui c’est une condition de réussite aussi …on

travaille en équipe. (2FG3/15)

L'apprentissage, c'est important parce qu'il y a eu une forme de cohérence, de

continuité au travers les équipes cycle et inter-cycle également. (2FG6/18)

Au niveau du deuxième cycle, les enseignants ont choisi d'être enseignants matière

secondaire arts plastiques, enseignement musique, tout ça. Mais c'est par souci de

peut-être approfondir. En tout cas, je vois quand même des objectifs pédagogiques

intéressants qu'il va falloir que je développe, une expertise dans mon cycle en regard

d'une matière. Je peux pousser plus loin aussi avec les enfants … c'est de dire quand

on a affaire à une manne d'apprentissage cycle, on est en mesure d'aller chercher cet

enfant-là, bien toi comment tu le vois dedans. Et je ne suis pas certaine qu'ils ont pensé

à cet élément-là… Maintenant au niveau du 3e cycle, bien là on essaie des choses.

(2FG6/14)

D’autres directions soulèvent certains enjeux qui font appel à la nécessité d’un travail inter-cycles ainsi

qu’une plus grande difficulté d’adhésion au niveau des deuxième et troisième cycles. Les directions disent

devoir superviser leur équipe en ce sens et susciter un questionnement en équipe :

Il va falloir se questionner à long terme sur ce que ça peut faire, parce que ça crée une

forme de cloisonnement, et là il faut être très, très, très vigilants pour s’assurer qu’il y ait

des relations entre les cycles. Donc, il faut développer certaines formes de structure qui

va faire que bon, le deuxième cycle va parler au 3e… Ca aussi, la direction doit se

préoccuper de ça, soit avec sa conseillère pédagogique ou comme direction d’école,

mais ça a un effet pervers aussi au niveau de l’ensemble de l’école. (2FG3/61)

Par rapport aux cycles chez nous, au 1e cycle on a par choix pédagogique, par

croyance pédagogique… tu ne viens pas chez nous si ça ne t'intéresse pas. Par contre,

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Jean Archambault et Li Harnois 100 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

j'arrive pas à avoir… la même adhésion des autres cycles à cette organisation-là.

(2FG6/14)

Finalement, une direction indique qu’une approche cycle peut permettre à certains enseignants

d’expérimenter un fonctionnement autre, par exemple le looping :

On a vécu… cette année encore le looping, seulement pour les enseignants qui le

veulent bien parce qu'évidemment, on ne peut pas l'imposer, donc quand il y a des

gens qui l'ont vécu et qui veulent recommencer parce que quand même, c'est gratifiant

pour eux. Ils travaillent avec les mêmes élèves et de commencer l'année comme si

c'était … ils ne retournent pas avec tout le stress de recommencer avec de nouveaux

élèves, ce sont les anciens, les parents sont les mêmes, donc il y a beaucoup de plus,

donc ils le font avec bon cœur. (2FG6/15)

Le transport scolaire

Ce sujet a fait l’objet de nombreux échanges entre les directions. Le transport scolaire semble le meilleur

exemple pour illustrer que l’organisation scolaire n’est pas au service de l’apprentissage :

Il y a beaucoup… des contraintes dans l’organisation scolaire… pour planifier des

activités avec d’autres écoles, ça devient difficile à cause du transport scolaire.

(2FG7/50)

Il serait question que tous les enfants de tous les cycles et de toutes les classes arrivent

en même temps à l’école. Donc ils vont partir plus tôt de chez eux, vont attendre

l’autobus, vont arriver à l’école et ne feront pas l’école tout de suite... Je ne pense pas

que ça devrait se retrouver, le transport scolaire, dans notre gestion… comment on va

gérer ça?… c’est comme si on est au service du transport scolaire. C’est pas le

transport scolaire qui est à notre service. (2FG3/59-61)

L'apprentissage prime dans mon école, dans mon bureau, dans mon école mais un

petit peu moins parfois et au niveau de la Commission scolaire, le discours dit que

l'apprentissage prime, mais … le restant ne suit pas … juste un exemple, au bureau du

transport que pour régler les problèmes de transport à la Commission Scolaire de

Montréal il faudrait 300 000$ injectés. C'est rien 300 000$ injecté, réglez-le c'est tout,

mettez 300 000$, mettez 5 autobus de plus, c'est tout. Au lieu de ça, non, les élèves

font 1h30 de transport le matin, 1h30 de transport le soir. 3h d'autobus par jour. Juste

ça, c'est pas vrai que l'apprentissage prime, c'est le cash qui mène. (2FG5/26)

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Jean Archambault et Li Harnois 101 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

L’horaire – le calendrier

Il s’agit d’un autre sujet qui soulève plusieurs réactions chez les directions qui disent n’avoir aucune prise

sur l’horaire et le calendrier :

Là tu fais ton horaire… tu es obligé de faire une récréation l’après-midi parce qu’il y a

quelqu’un quelque part qui a jugé qu’il fallait que tout le monde ait une récréation

l’après-midi. (2FG3/61)

On fait tout le monde les horaires chacun de notre bord, puis on nous impose au bout

du compte des horaires. Comment ça se fait qu’ici on n’a pas pensé à ça? On se

confronte avec les enseignants, on se confronte avec le syndicat, on vit toutes sortes de

situations difficiles, on essaie d’harmoniser le tout. C’est vrai qu’on harmonise. Il n’y a

pas eu vraiment d’éclatement dans les écoles, sauf qu’au bout de la ligne ça fait des

gens épuisés, ça fait des gens découragés. (2FG3/90)

Moi quand je sors de la CPGR… à chaque fois que je sors de là j’ai des devoirs à faire

pour avant-hier. Elle m’a demandé d’être innovatrice dans ma grille horaire, pour

finalement me dire au bout de la ligne à quelle heure… Voyez-vous ma marge de

manœuvre? (2FG3/102)

Les directions disent aussi que les horaires et le calendrier sont largement tributaires du transport scolaire

et non au service de la pédagogie et des besoins des élèves :

Alors par rapport à l'organisation scolaire, je pense que c'est l'élément qui m'a fait réagir

le plus à savoir, je pense que le transport scolaire a déterminé pour beaucoup l'horaire

des écoles. (2FG6/14)

On est coincés à devoir gérer une organisation scolaire qu’on ne gère pas vraiment,

avec des horaires qui nous sont imposés… On ne sait plus trop, trop à quelle heure les

enfants vont partir? Est-ce que l’heure où les enfants partent c’est en fonction du

transport scolaire, des besoins de l’école, ou en fonction de la décision qui est prise en

assemblée générale? (2FG3/69)

On va organiser l’horaire de l’école et le calendrier en pensant aux pédagogiques et aux

congés, en pensant aux enseignants bien entendu, mais aussi à comment ça peut

s’organiser pour les enfants avec le service de garde et avec les organismes

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Jean Archambault et Li Harnois 102 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

communautaires… On a calculé, nous, que les maternelles qui n’ont pas changé de

régime pédagogique, s’ils commencent à 8 h le matin, à 10h33 leur journée est faite en

avant-midi. Ils recommencent l’école à 12h55 l’après-midi, donc ils ont 24 minutes pour

dîner. On nommera ça organisation scolaire imposée au service d’un regroupement au

service d’une commission scolaire et d’un service de transport d’écoliers! (2FG3/59)

On a très répété la question du transport scolaire … nous on finit à 4h moins quart,

alors je prépare tous les enfants, et quand on veut que l'organisation soit au service de

la pédagogie mais les élèves sont beaucoup moins réceptifs, surtout que certains

commencent le service de garde à 6h30 le matin. Alors c'est très difficile. (2FG6/16)

Une direction indique certaines limitations qui découlent du fait de ne pas pouvoir gérer l’horaire en

donnant l’exemple du décloisonnement :

…de l’assouplissement pour faire du décloisonnement et toutes sortes d’affaires

comme ça. Quand on a un prof mettons par année dans un cycle, bien du

décloisonnement tu n’en fais pas gros, puis tu ne peux pas avoir de souplesse au

niveau de ton horaire puis de ton organisation puis des espace-temps de concertation,

quand on est aux prises avec une situation comme on a actuellement. … On est dans la

piastre, à économiser, on est dans le démantèlement de l’équipe-école, parce que c’est

ça que ça va entraîner comme conséquence, et moi je trouve ça très dangereux pour

qu’on puisse faire primer l’apprentissage. (2FG1/216)

L’espace - le temps Peu de directions ont abordé ce sujet. Une direction soulève qu’il serait important que les enfants aient

accès à des espaces pour bouger :

La question de temps et d’espace - il faut que les enfants aient du temps pour faire des

choses, il faut qu’ils aient des espaces pour bouger, il faut qu’il y ait de l’espace pour le

faire, il faut que dans la classe, il y ait de l’espace, il faut qu’il y ait des locaux

polyvalents. Là c’est pas le cas, c’est pas le cas. On va remplir les espaces que j’ai

dans l’école avec des, je sais pas, l’âge d’or! C’est bon là, on va partager et on va se

connaître, mais je n’en aurai plus de locaux polyvalents. Il y a comme un non-sens, une

contradiction là-dedans. (2FG3/59)

Une autre direction se questionne sur la disposition des pupitres dans les classes :

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Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires de la région de Montréal Rapport de recherche

Jean Archambault et Li Harnois 103 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Effectivement, est-ce que la structure actuelle de l'école comme on la connaît est la mieux pour

répondre à ces besoins-là (de la clientèle)? On y arrive par toutes sortes de moyens, mais on y

arrive, on en trouve des solutions inimaginables, c'est incroyable dans les écoles comment on est

imaginatifs, mais est-ce que la structure comme telle, telle qu'on la connaît, petits pupitres en

rang d'oignons… est-ce que ça, ça répond? Est-ce qu'il n'y a pas d'autres façons, d'autres façons

de voir l'école qui aiderait davantage ? (2FG8/45)

Une autre direction partage son expérience d’école à aire ouverte et des irritants qui en découlent :

Nous on est une école à aires ouvertes. Quand on parle de service de dîner, service de

garde, il y a beaucoup d’irritants… de ne pas être en mesure de laisser des trucs, du

matériel parce qu'il y a des choses qui disparaissent… même en travaillant à la

bibliothèque les enseignants les (les élèves) entendent. Ils voudraient intervenir, ils ne

peuvent pas intervenir… Beaucoup de choses qui font que oui les gens sont à fleur de

peau… au niveau des enseignants, des parents, des élèves, de tout ce qu'il peut y

avoir, donc tout peut devenir irritant … Vu qu'on est à aires ouvertes, les gens qui ne

sont pas faits pour l'aire ouverte vont quitter. (2FG6/16)

Une direction fait aussi référence à la gestion des locaux en partage dans les écoles ouvertes le samedi :

Moi je voulais revenir sur l'espace-temps… gérer ça dans une école, c'est extrêmement

aussi essentiel, parce que une cohabitation aussi importante 6 jours dans l'école…

donc les samedis, tous les locaux utilisés. (2FG6/21)

Des relations avec les parents

Dans la littérature, cet élément comprend les différents aspects que voici :

L’ouverture de l’école

La participation à la vie scolaire de leur enfant

L’ouverture de l’école

Des directions ont mentionné l’importance de l’ouverture de l’école aux parents et de l’aide que l’école

peut leur apporter :

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Jean Archambault et Li Harnois 104 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

J’aide la famille… à partir de ce moment-là j'aide l'enfant, j'aide les enseignants et donc

j’ai une réussite éducative… la priorité c'est la famille. Même si je vise la réussite

éducative. (2FG7/17)

La base, c’est autour de l’ouverture. Si on prend pas pour acquis qu’on a raison nous

autres, mais que le parent a peut-être une autre vérité, ou une vision qui peut être

complémentaire à la nôtre par exemple, c’est là qu’on devient ouvert et qu’on fait

tomber les préjugés. (2FG2/182)

Il faut ouvrir les portes aux parents. (2FG3/108)

I was transparent as they come... they’ll go see the class… The teachers are very open

to people about coming in and meeting the parents of their kids... it’s just sharing.

(2FG4/55)

Pour certaines directions, s’ouvrir aux parents implique de s’intéresser à leur culture d’origine et de la

valoriser:

Des parents viennent à l’école pour un cours dans les cuisines, mais si tu peux faire

des thématiques mettons sur la cuisine asiatique, tant mieux parce que tu as des mères

qui seraient jamais venues à l’école n’eût été de ce thème-là. (2FG3/109)

And a lot of them come from countries… They all bring something unique to the school

and I think that should be celebrated. (2FG4/138)

Certaines directions disent devoir déployer différentes stratégies visant à transformer les façons de faire

des membres de l’équipe-école en ce qui concerne l’ouverture aux parents. Cet aspect a été plus

longuement abordé lors de la première rencontre (voir la section X, p. Y) :

Les, relations avec les parents, c'est très important pour nous. Je peux dire qu’avant, il

y avait une fermeture mais et c'est beaucoup plus ouvert… on fait beaucoup de

démarches à ce niveau-là et on a un comité qui s'appelle lien école- communauté-

famille… on se rend compte aussi qu'un niveau de nos communications, on a une

communication écrite avec les parents. (2FG6/16)

La participation à la vie scolaire de leur enfant

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Jean Archambault et Li Harnois 105 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Les directions s’accordent pour dire que la participation des parents à la vie scolaire concourt de façon

importante –voire prioritaire- à la réussite éducative des élèves :

C’est peut-être plus la relation… avec les parents qui devient prioritaire, parce que si le

parent est pas convaincu que le travail que tu fais auprès de son jeune est important

pour son jeune, t’as pas son soutien. Il va tout « scraper » ce que tu fais. (2FG3/39)

Moi mes meilleurs alliés, c’est mes parents … diriger les écoles en communauté, et où

les parents auraient leur place. Je rêve peut-être, mais il faut que le parent soit là.

(2FG3/108)

Certaines directions soulèvent l’importance de se questionner au sujet de cette participation, d’établir des

objectifs en lien avec la mission de l’école :

“Hey, I could use your help. Can you come and help with this and that?” Get them

involved and get them in... focus on learning. (2FG4/55)

Je dis toujours à mon équipe-école, la collaboration, c'est quelque chose auquel je crois

énormément. C'est quoi notre objectif derrière… alors qu'il faut se questionner par

rapport à ça. (2FG6/26)

D’autres directions disent qu’il faut donner des informations aux parents sur l’école et les différents

services offerts. Elles mentionnent aussi devoir accompagner les parents en ce qui a trait à leur

implication dans l’école et auprès de leur enfant :

… les informer qu’il y a à l’école des services pour leur enfant. Les informer que l’école

peut les aider à comprendre comment travailler avec l’enfant, parce que souvent je vais

avoir un parent qui va me dire : « Je ne sais pas quoi faire avec mon enfant, je ne sais

pas comment l’aider »… Je dis aux parents : « Votre rôle à la maison, ça va pas être de

faire les devoirs de l’enfant, mais votre rôle ça va être de demander à votre enfant,

quand il rentre, de montrer son cahier, de lui poser des questions. C’est important que

l’enfant raconte ce qu’il a vécu pendant la journée parce que c’est comme ça qu’il va

l’intégrer »… Il faut montrer aux parents pour essayer de lui donner des idées. Ensuite,

former le parent, ça veut dire quand il vient à l’école par exemple pour accompagner.

On a vu ça encore il n’y a pas longtemps. Les parents viennent pour accompagner, et

ils ne savent pas comment accompagner, ben non, c’est pas leur milieu. Alors pour moi

oui je veux qu’ils viennent à l’école, je veux qu’ils accompagnent les enfants et je

voudrais qu’ils le fassent dans notre esprit, c’est-à-dire qu’on encadre les enfants en

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Jean Archambault et Li Harnois 106 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

même temps, on les incite à regarder telle chose, telle chose. Ça, n’importe quel parent

peut le faire. Comme n’importe quel enfant peut apprendre, n’importe quel parent peut

apprendre à travailler dans l’école. Mais là, c’est le rôle de l’école de leur montrer

comment faire, et c’est dans ce sens-là que je dis « former », former à travailler avec

leur enfant, former à travailler avec l’école. (2FG1/139)

Admettons l’apprentissage de la lecture... on a mis des (?) en place au niveau des

parents. Notre taux, c’est quasiment un parent sur deux au niveau de la première année

qui participent... les parents comprennent mieux c’est quoi l’apprentissage de la lecture

et voient plus comment ils peuvent aider leurs enfants à faire un bout là-dedans… on

va… fournir du matériel pour permettre à l’enfant d’aller plus loin, on va réorienter… Oui

on va donner de l’aide aux devoirs. On va essayer de trouver des façons de créer du

mentorat, dans les choix des parents, pour leur permettre de s’accrocher… Oui, il y a

un choc culturel. Oui, on peut essayer de diminuer au maximum ce choc culturel-là,

mais il y a un bout auquel on doit confronter… les accompagner plus, mettre un agent

de milieu pour… les aider à comprendre, mettre des ateliers de parents, créer des liens

avec les organismes proches pour permettre aux parents ce partenariat-là. (2FG2/210)

On essaie toutes sortes de stratégies pour essayer justement d’amener les parents à

l’école… Quand on a une participation à 25-30%, on est tout à fait heureux… trouver

des stratégies pour que ce milieu-là voit l’école autrement, et s’ouvre sur l’école.

(2FG2/102)

Une vision claire et partagée Dans la littérature, cet élément comprend les différents aspects que voici :

On a une vision étoffée, exprimée et discutée

On vise à réduire les inégalités sociales

On respecte les différences

Plusieurs directions s’accordent pour dire qu’une vision claire et partagée est la base de toute action et

que cette vision nécessite le leadership de la direction qui suscitera l’adhésion de son équipe:

Avoir une vision claire à partager, une vision étoffée, réduire les inégalités, on respecte

les différences, et la vision, c’est peut-être qu’on met l’apprentissage en premier, avec

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Jean Archambault et Li Harnois 107 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

la vision… si on prend une vision claire à partager, c’est tout ça ici après qui découle.

(2FG3/27)

J'ai une vision pédagogique… de construire cette vision-là, de pouvoir mettre des mots,

et d'avoir un discours, parce qu'on parle de partager sa vision, de communiquer … ça

m'aide à poser mes gestes et que ça ne soit pas des éléments éparpillés, mais quelque

chose de structuré… c'est quoi mes priorités. … à quelque part, mais on ne se donne

pas le temps maintenant parce qu'on est dans l'urgence du quotidien, on veut avoir une

bonne vision de notre portrait école… je pense que d'avoir une vision claire, précise et

très, très structurée, c'est très aidant. (2FG6/58)

C'est pas par hasard que la vision arrive en premier… ça doit être une des premières

qualités, d'avoir une vision. Mais ça ne suffit pas d'avoir une vision. Il faut être

convaincu des valeurs qu’on prône et il faut susciter l'adhésion. Parce que si t'as une

vision et que tu ne la fais pas partager, tu ne vas pas loin. C'est très important, ça. C'est

une habileté de base, être capable de susciter l'adhésion et même de faire naître la

passion vraiment au sein des membres du personnel. Pour moi ça, c'est le moteur.

C'est plus important je trouve que le reste. (2FG5/24)

C’est une vision claire et partagée qui est davantage… On fait passer l’apprentissage

en premier, on les fait travailler, puis on fait passer ça en premier, puis de ça, on leur

assure un milieu sécuritaire, puis de ça on crée un environnement… c’est beaucoup à

la direction d’installer dans cette vision claire et partagée. (2FG3/29)

Il semble que le temps ainsi qu’une familiarisation avec le milieu sont des facteurs importants permettant

d’établir une vision claire et partagée. De ce fait, certaines directions déplorent la durée trop courte du

mandat des directions dans une école qui ne leur permet pas d’y arriver. Certaines directions avouent ne

pas être rendues à cette étape. :

J'ai une équipe… quand on parle de vision partagée, je pense que dans mon école,

c’est la prochaine étape. (2FG8/19)

Pour le reste, toute la vision claire et partagée d'une jeune direction d'école, ça

s'étoffe, ça s'articule, ça se met en place avec le temps. C’est pas les premières

années qu'on arrive en place. Donc ça, ça s'en vient. (2FG6/7)

On dit une vision éclairée, partagée. Oui, mais à travers tout ça… c'est le temps. Le

temps, quand t'es là 2 ans, t'arriveras pas à grand-chose je pense. Tu peux arriver à

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Jean Archambault et Li Harnois 108 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

faire des changements, mais tes changements ne seront pas ancrés dans le milieu et

je veux dire, un autre arrive puis tout change. (2FG7/10)

Finalement, une direction affirme qu’il est peut-être utopique de penser que tout le monde de l’équipe-

école en vienne à partager une même vision :

La vision claire est partagée, ça ne peut pas l’être à un même degré par tout le monde

parce que là ce serait rendu une utopie. (2FG1/69)

On a une vision étoffée, exprimée et discutée

Les directions qui interviennent à ce sujet semblent croire qu’une vision étoffée, exprimée et discutée

implique un travail d’équipe qui nécessite encore une fois du temps afin de susciter l’adhésion de tous

autour d’une même vision :

Une vision, ça se bâtit dans le temps, ça se bâtit avec l’équipe-école, ça se partage. Tu

peux la présenter, mais à un moment donné si tu veux y faire adhérer les gens, ça

prend un certain nombre de temps. (2FG1/228)

Quand on dit qu’il faut avoir une vision étoffée, exprimée et discutée, quelque fois, ce

dont on se rend compte, c’est que le 1er cycle eux autres leur vision c’est ça, le

deuxième cycle leur vision c’est ça, et le 3e. Donc, il faut comme mettre tout le monde

ensemble. Alors là c’est encore une chose assez cocasse et assez demandante de

mettre tout le monde ensemble. (2FG3/61)

First and foremost for me is the concept of a clear vision. And it’s a collaborative! You

arrive at that vision in a collaborative way and it involves everybody. (2FG4/11)

On vise à réduire les inégalités sociales

Cet aspect a été peu abordé dans le cadre de la deuxième rencontre. Certaines interventions à ce sujet

ont été communiquées lors de la première rencontre. Elles avaient fait ressortir la réduction des inégalités

sociales comme étant l’une des motivations des directions de travailler dans les milieux défavorisés (voir

la section Choisir de travailler dans les milieux défavorisés, p.74) :

I think they will be able to have the equal chance to go to university afterwards.

(2FG3/29)

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Jean Archambault et Li Harnois 109 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Une direction souligne que le système, tel qu’il est en ce moment, participe à perpétuer les inégalités

sociales :

… inégalités sociales perpétuées par la structure… à l'intérieur même de notre

système, de faire des sélections, dès le préscolaire. En cours de primaire, … on

sélectionne encore là, au niveau du secondaire. (2FG6/61)

On respecte des différences

Plusieurs directions ont abordé ce sujet lors de la première rencontre en parlant de l’importance de

l’accueil réservé aux parents, du respect et de la valorisation des différences (voir la section Le rapport

avec les parents, p. 41).

Une direction se questionne à ce sujet, remettant même en question l’idée du respect des différences et

la réduction des inégalités sociales:

Ca m’a juste frappée - peut-être que c’est pas important - mais « on vise à réduire les

inégalités sociales et on respecte les différences. » Dans ma tête, s’il y a des

différences, c’est qu’il y a des inégalités sociales; c’est comme si un s’opposait à un

autre. Je ne sais pas si c’est bien important, mais une des différences c’est qu’ils

viennent d’un milieu où c’est pauvre et ils ont de la scolarité, ou bien ils viennent d’un

milieu où c’est pauvre et ils n’ont pas de scolarité, et nous autres on essaye de leur

donner des outils. On dirait que ça s’oppose ces deux affaires-là. Ça semble un peu

dichotomique. (2FG2/92)

Un leadership moral, éthique, de justice sociale

Dans la littérature, cet élément comprend les différents aspects que voici :

Un engagement moral (faire une différence pour ces enfants)

La connaissance du milieu

La connaissance des inégalités sociales et des questions entourant la pauvreté

Le rejet des fausses croyances et des préjugés

Être un agent de changement : flexibilité; composer avec l’imprévu

Il semble qu’une majorité de directions soient d’accord avec l’idée d’un leadership moral, éthique et de

justice sociale :

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Jean Archambault et Li Harnois 110 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Là où je me retrouve carrément là-dedans, c'est dans la section leadership moral

éthique et justice sociale et nos environnements lorsqu'on parle de milieux attrayants, je

pense qu'une réaction première, c'est de voir justement de l'analyse de notre portrait

école, on voit l'impact de la pauvreté, les enjeux, vers quoi on doit travailler au niveau

des préjudices, des images que les enseignants, les nouveaux enseignants lorsqu'on

les accueille dans notre milieu et c'est tout de suite ça qu'on va regarder avec eux, on

dresse un portrait des besoins de jeunes, l'enjeu. (2FG6/7)

Je crois sincèrement que le leadership moral, éthique et la justice sociale revient à

toutes les directions d'écoles. (2FG7/44)

Il faut que tu sois convaincu… tu sais pourquoi on fait ça, donc le gardien de tout ça, le

visionnaire mais le gardien de l'ensemble… Moi je me voyais plus comme un chef

d'orchestre. Le chef d'orchestre ne parle pas, mais il donne la mesure et dans le fond,

s'il est très brillant, bien il va faire briller les autres. Le gardien des procédures, le

gardien de la tâche, le gardien de la vision… faire atterrir le projet éducatif, le plan de

réussite… quand l'orchestre joue, ils ont l'impression que c'est à cause d'eux et c'est

vrai. De donner cette impression, mais on sait bien que le chef a une très grande

influence! Tu vas toi-même chercher le meilleur d'eux autres, parce que c'est ça qu'on

leur demande de faire dans les classes, d'aller chercher le meilleur des élèves… Tu fais

cette modélisation-là. (2FG5/29)

Un engagement moral (faire une différence pour ces enfants) Cet aspect de la question du leadership a été peu abordé lors de la deuxième rencontre. Toutefois,

plusieurs directions en ont fait mention lors de la première rencontre, comme une raison qui explique leur

choix de travailler dans les milieux défavorisés (voir la section Choisir de travailler dans les milieux

défavorisés, p.74).

La connaissance du milieu

Cet aspect a été plus largement abordé lors de la première rencontre. Les directions ont souligné

l’importance de bien connaître et comprendre leur milieu (voir la section Développer une compréhension à

l’égard des milieux défavorisés, p.62). Les directions réaffirment à nouveau l’importance de bien connaître

son milieu pour savoir comment agir auprès des élèves:

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Jean Archambault et Li Harnois 111 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Ces enfants-là partent tellement de loin par rapport aux autres enfants, que je me dis de

là l'importance de connaître son milieu, et de là l'importance d'asseoir notre vision par

rapport à ça. (2FG7/14)

Connaître la culture. (2FG8/48)

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Jean Archambault et Li Harnois 112 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

La connaissance des inégalités sociales et des questions entourant la pauvreté

Cet aspect a été très peu abordé lors de la deuxième rencontre mais il l’a été de façon importante lors de

la première rencontre. Les directions ont souligné l’importance de bien connaître et de comprendre les

différents aspects reliés aux inégalités sociales et à la pauvreté (voir la section Développer une

compréhension à l’égard des milieux défavorisés, p.62).

Puis la connaissance aussi des inégalités sociales. On peut supposer qu’on a cette

connaissance-là et qu’on est capables d’agir là-dessus, et d’y croire, et de donner une

direction pour que ça s’opère dans ce sens-là. (2FG2/12)

La défavorisation n'est pas la même pour tous parents… social, de génération en

génération… Je pense que cette barrière-là des préjugés … de faire cheminer les gens

avec ça. (2FG6/47)

C'est toujours dans la méconnaissance que vont naître les préjugés et les jugements de

valeurs … et donc ça nous ramène à bien connaître les réalités des gens, s'informer.

(2FG6/50)

Je me rends compte à quel point… chaque milieu est tellement différent… que je me

dis de là l'importance de connaître son milieu, et de là l'importance d'asseoir notre

vision par rapport à ça. (2FG7/14)

Le rejet des fausses croyances et des préjugés

Encore une fois, cet aspect a été très peu abordé lors de la deuxième rencontre mais abondamment lors

de la première rencontre. Les directions ont souligné l’importance de rejeter les fausses croyances et les

préjugés sur des sujets divers – les caractéristiques des milieux défavorisés, les parents, les élèves en

difficulté d’apprentissage, la capacité d’apprendre des élèves, la pédagogie, etc.- (voir la section

L’accompagnement professionnel, p. 57).

Les directions réaffirment la nécessité de travailler ces fausses croyances et ces préjugés :

Oui il y en a des préjugés… Régulièrement je rappelle c’est quoi un enfant en milieu

défavorisé… c’est quoi travailler dans un milieu défavorisé, les besoins de nos

enfants… il y a aussi des stéréotypes… il y a une foule d’observations qui font qu’il y a

un « pattern » dans tel groupe de notre clientèle… les familles haïtiennes, les familles

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Jean Archambault et Li Harnois 113 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

maghrébines, les familles vietnamiennes, les familles blanches de souche, pauvres.

(2FG2/134)

Quand on parle de pédagogie, ce que j'ai l'impression, c'est qu'on entre au niveau des

valeurs. Et les gens ont très peur de se faire remettre en question dans leurs valeurs et

c'est inquiétant et insécurisant. Dans le fond, au terme des changements, ils se sont

rattachés à leurs valeurs, non pas aux approches, non pas à la réforme, non pas à ce

qu'il y avait avant mais beaucoup plus à ce qu'ils croient, eux aujourd'hui, au moment

présent. Donc quand je leur pose des questions au sujet de tout ce qui est fait ou

possible de faire, dans un premier temps ils sont paniqués parce qu'ils ne le font pas et

dans un deuxième temps ils sont paniqués parce qu'ils vont peut-être être obligés de le

faire. (2FG5/34)

Pour certains enseignants, il y a comme un conflit de vécu à savoir les référents…C'est

d’échanger là-dessus, je trouve ça important. Moi ce qui me fait un plus grand malaise

je dirais, c'est que les croyances… les préjugés de la clientèle francophone québécoise

de souche versus la clientèle multiethnique. (2FG6/45)

C'est toujours dans la méconnaissance que vont naître les préjugés et les jugements de

valeurs… ça nous ramène à bien connaître les réalités des gens, s'informer… c'est

notre rôle de le ramener, fais attention aux jugements trop vite faits, bon c'est facile de

juger les gens, les classes, essayons d'être à leur place 5 minutes… c'est en

apprenant, connaissant qu'on comprend mieux, donc il faut en parler. (2FG6/50)

Être un agent de changement : flexibilité; composer avec l’imprévu

Cet aspect de la question du leadership a été peu abordé lors de la deuxième rencontre. Toutefois,

plusieurs directions en ont fait mention lors de la première rencontre, particulièrement comme un attribut

pour les directions (voir la section Les compétences professionnelles , p. 66).

Une direction affirme qu’il s’agit d’une caractéristique propre aux directions d’écoles en milieu défavorisé :

Etre un agent de changement… il faut qu’il y ait du monde qui se remettent en question,

pas ta convention en avant pour dire : « moi là, je peux refuser. » Il faut vouloir aussi…

Etre un agent de changement, mais aussi gérer le changement. Je pense que ça c’est

une caractéristique de nos milieux : on a une multitude d’agents de changement autour

de nous à gérer. (2FG2/100-104)

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Jean Archambault et Li Harnois 114 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Une autre direction soutient qu’il s’agit probablement d’un attribut des directions :

On entend beaucoup les mots leadership, on entend agent de changement… oui, c'est

vrai, fort probablement que ça doit prendre pas mal de tout ça pour arriver à faire

avancer une école comme on aimerait la faire avancer. (2FG7/13)

Pour une autre direction, la question du changement n’est pas la responsabilité exclusive de la direction

mais de plusieurs membres de l’équipe-école :

J’ai un CP, deux enseignants-ressource, trois pédagogues, deux professionnels de la

consultation… ce sont des agents de changement, parce qu’ils sont en constante

relation avec les intervenants de première ligne, donc peuvent faire une action sur le

changement des intervenants de première ligne. Et donc, j’ai à faire cette gestion-là de

ces personnes-là, partager nécessairement mon leadership avec eux. (2FG2/104)

Finalement, certaines directions s’interrogent sur les façons de faire qui permettraient qu’adviennent les

changements souhaités :

C'est pas n'importe quels changements, pas des choses pour leur faire plaisir, c'est

comment je fais pour accompagner l'équipe école dans un changement… comment je

fais pour poser les bonnes questions, comment amener les gens. (2FG6/61)

La collaboration – le travail d’équipe

Dans la littérature, cet élément comprend les différents aspects que voici :

Le développement professionnel

L’enseignement, le suivi des élèves

Un leadership partagé

Une imputabilité partagée

Lors de la première rencontre, les directions ont souligné la nécessité de travailler en équipe dans les

écoles en milieu défavorisé (voir la section Le travail d’équipe, p. 38). Lors de la deuxième rencontre, elles

réaffirment la nécessité de se serrer les coudes, de s’entraider :

Quand on vit une difficulté, on a tendance à se serrer les coudes et à s’entraider.

(2FG6/14)

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Jean Archambault et Li Harnois 115 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

On aime ça travailler en équipe nous autres là. Il y a peut-être des raisons économiques

là-dedans… on est défavorisés. (2FG1/76)

Le travail cloisonné, c'est sûr qu'en milieu défavorisé, ça tue. (2FG5/33)

Les directions indiquent que le travail d’équipe favorise le partage d’expertise diverses où toute personne

a un rôle à jouer :

My resource team is a very strong and diverse team... each of my people in the

resource room has a job to do. And that create a flow... Each of them is a “specialist”.

(2FG4/39)

But I see with my own eyes with a team approach, where everybody’s involved and has

a say, we can get it all done. (2FG4/11)

Toutefois, une direction précise que ce travail d’équipe se fait parfois à contre-courant, les enseignants

n’ayant pas l’habitude de le faire :

On consacre une demi-journée par semaine pour y penser, et malgré tout, ils utilisent

très mal cette démarche-là. Ils savent pas ce que c’est réfléchir en équipe… ça fait six

ans qu’on se pose encore la question comment faire. Alors dans ce sens-là, moi, c’est

une constante recherche, comment je vais… les alimenter pour qu’eux se mobilisent…

la pratique enseignante, je pense que ça fait fort longtemps et c’est connu, ça peut être

très individualiste les enseignants. Alors c’est très nouveau d’ouvrir les portes et de

mettre ça en commun. (2FG2/106)

Le développement professionnel

Cet aspect n’a pratiquement pas été abordé lors de la deuxième rencontre. Toutefois, plusieurs directions

en ont fait mention lors de la première rencontre (voir la section Le développement professionnel, p.57).

L’enseignement, le suivi des élèves

Cet aspect a été peu abordé par les directions. Une direction souligne la nécessité, pour l’enseignant, de

travailler conjointement avec d’autres professionnels :

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Jean Archambault et Li Harnois 116 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Les enseignants en regard des apprentissages, ils vont faire greffer l’élève. Ils vont

travailler avec la travailleuse sociale, travailler en collaboration avec la

psychoéducatrice, etc. À ce moment-là, les objectifs c’est que l’élève débloque aussi.

Alors dans ce sens-là, pour moi c’est aussi l’apprentissage d’une certaine façon qui est

quand même prioritaire. (2FG3/15)

Un leadership partagé Plusieurs directions semblent d’accord avec l’idée d’un leadership partagé :

Etre capable de ne pas être le leader pédagogique ultime mais bien d'aller chercher du

leadership pédagogique dans l'équipe et là entre eux de faire que ça fasse boule de

neige et qu'ils se partagent les choses. (2FG5/33)

Moi je voulais revenir sur l’idée du leadership. Il y a tout l’aspect du leadership partagé,

partage du leadership… J’ai un CP, deux enseignants-ressource, trois pédagogues,

deux professionnels de la consultation. Ces personnes-là qui font partie du personnel «

autres » et qui ont des mandats un peu plus flous, ce sont des agents de changement,

parce qu’ils sont en constante relation avec les intervenants de première ligne, donc

peuvent faire une action sur le changement des intervenants de première ligne. Et

donc, j’ai à faire cette gestion-là de ces personnes-là, partager nécessairement mon

leadership avec eux, et les utiliser dans la continuité de ma vision… oui, à gérer ces

nombreux agents de changement qu’on a autour de nous dans nos écoles de milieu

défavorisé… en plus, il peut y avoir d’autres agents de changement qui font partie du

partenariat. (2FG2/104)

Pour certaines directions, il semble que ce partage soit difficile et que ce ne soient pas tous les individus

qui puissent se prêter à ce partage :

Mais par contre, le leadership, le pouvoir, ça on peut le partager. Ça c’est difficile, cette

espèce d’équilibre-là… ça prend du respect, et je regrette là, mais ce qu’on vit, c’est

souvent irrespectueux. C’est souvent fielleux, ça n’amène pas du tout une culture de

respect, et de partage et de leadership et de pouvoir et de la chose pédagogique.

(2FG2/100)

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Une imputabilité partagée

Bien que les directions parlent de leadership partagé, elles sont moins nombreuses à croire à une

imputabilité partagée. D’ailleurs, dans les faits, ce sont les directions qui sont ultimement imputables de

ce qui se passe dans leur école :

L’imputabilité, c’est bien regrettable, mais c’est rien que le directeur d’école qui est

imputable que ça marche bien, que ça ne marche pas bien. La loi c’est ça ! (2FG2/96)

La loi dit bien des choses, et jamais personne, même si la convention collective dit le

contraire… de ce que dit la loi, jamais on ne va contester ça. … et il n'y a aucune

jurisprudence, il n'y a rien qui nous dit quoi que ce soit par rapport à la loi. « Tu ne veux

pas travailler en fonction du projet éducatif, c'est bien écrit dans la loi que tu dois

adhérer au projet éducatif ». Mais je fais quoi quand il ne veut pas? Je le mets dehors?

… je l'amène en cour? C'est ça que je te dis, mais à un moment donné, tu dois laisser

passer certaines choses. (2FG7/30)

Autre aspect de la collaboration considéré absent de la synthèse

Quelques directions ont mentionné le rôle important des nombreux professionnels présents dans les

écoles en milieu défavorisé, rôle pourtant absent de la synthèse :

Au niveau de la collaboration, le travail d'équipe, il y a une chose qui me questionne,

c'est que la littérature ne parle pas du nombre de professionnels. Alors quand on parle

… où la psycho-éducatrice et la psychologue faisaient une rencontre avec les parents

d'élèves … être capables de leur expliquer tout ça, donc c'est très important aussi

d'avoir des liens entre les différents professionnels, et les élèves, et les enseignants, et

les parents. C'est quelque chose que j'essaie de déployer beaucoup à l'école.

(2FG6/16)

Le développement professionnel

Dans la littérature, cet élément comprend les différents aspects que voici :

L’amélioration continuelle des compétences d’enseignement et de direction

Une ouverture au changement, innovation

La connaissance du milieu et des inégalités sociales.

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Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires de la région de Montréal Rapport de recherche

Jean Archambault et Li Harnois 118 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

L’amélioration continuelle des compétences d’enseignement et de direction

The kids who are going to high school now are not the same kind of kids... the

professional development of my staff have changed their lives. (2FG4/29)

Plusieurs directions mentionnent l’importance d’offrir de la formation continue et abordent la motivation

des enseignants d’y participer:

Quand on a une offre de service pour le Centre des enseignants, je vous jure, à mon

école… ils s’inscrivent à toute vitesse, et quand ils reviennent à l’école, ils sont toujours

très emballés parce que ça parle directement de ce qu’eux vivent et de ce qu’ils

peuvent faire avec les enfants. Et ce genre de chose-là, il faut le garder, il faut même le

consolider, l’agrandir. Parce que là, on parle au fond de choses que eux vivent. Les

profs se sentent compris quand ils viennent, et ils apprennent des choses qui ont été

testées et qu’ils voient que ça marche avec les enfants. Ils retournent dans le milieu.

Moi mes profs en mangent! (2FG1/218)

Formation continue, développement professionnel … il faut. On n'a pas le choix. C'est

quoi l'enseignement, c'est quoi l'apprentissage pour toi? Pourquoi t'es allée en

enseignement que ça fait 15 ans que t'es là.... Parce que je ne peux pas être en

éducation sans me poser cette question-là et en même temps, c'est quoi l'évaluation…

c'est quoi une évaluation pour toi? Pourquoi tu évalues? (2FG7/36)

J'ai des enseignants qui sont allés à un perfectionnement sur l'écriture dans les milieux

défavorisés, un perfectionnement extraordinaire. Les enseignants sont revenus de là

passionnés. Tu ne peux pas passer à côté de ça. On demande aux enseignants.

(2FG5/37)

Augmenter la connaissance du fonctionnement du cerveau chez les enseignants, des

stratégies d’apprentissage, etc., ça je te dirais que c’est aidant. (2FG2/284)

Je fais un lien avec le lien affectif justement, on a eu un perfectionnement sur les

troubles de l'attachement il y a deux semaines, et le lien affectif, les liens que le prof va

développer, c'est la base de tout. (2FG5/45)

Une direction parle de l’effet multiplicateur de la participation de certains membres de l’équipe au

développement de la pédagogie :

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Jean Archambault et Li Harnois 119 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Au niveau des structures qu'on peut mettre en place pour favoriser le développement

de la pédagogie à l'intérieur de nos écoles… les enseignants ont des temps pour se

perfectionner, pour mettre en place, innover au niveau pédagogique. On ne peut pas

être une direction d'école, conseiller pédagogique, enseignant, orthopédagogue… il faut

après ça s'occuper du contenu… mais une fois tout ça en place, bien là ça va être

comme multiplicateur. (2FG5/32)

Toutefois, certaines directions disent que le développement professionnel n’est pas toujours vu d’un œil

favorable par certains enseignants:

Habituellement ceux qui s'inscrivent en ont moins besoin que ceux qu'on voudrait qu'ils

y aillent et ceux qu'on … ils n'y vont pas… c'est comme un peu le reste, au niveau des

méthodes d'enseignement et tout ça. Oui, on peut discuter, mais ça dépend de l'équipe

que t'as. (2FG8/14)

… quand on regarde les positions syndicales à l’heure actuelle, les élèves en difficulté,

c’est la pierre d’achoppement. Qu’est-ce qu’on fait avec nos élèves en difficulté?…

Donc le développement professionnel, quelquefois c’est peut-être une de nos grandes

difficultés. (2FG3/33)

Des fois on a des ajustements à faire, et on n’a pas ce levier-là pour dire : « tu te

perfectionnes, ou bien tu changes d’école! » On ne l’a pas le levier nécessairement. Il

faut avoir un très très grand leadership pour dire à la personne : « regarde, peut-être

que ça ne va pas bien dans le milieu ici ».Alors tout ça, le développement

professionnel, moi je trouve que ça doit être encouragé par l’institution… (2FG3/33)

Du côté de l’amélioration des compétences des directions, certaines directions mentionnent qu’il est

important de se perfectionner afin de mieux outiller pour intervenir auprès des enseignants :

Comme gestionnaire, c’est de dire peut-être qu’on devrait se pencher et voir à un

perfectionnement pour pouvoir un peu apporter de l’eau au moulin, parce que des fois

ça ne vient pas nécessairement d’emblée de vouloir se perfectionner. (2FG3/33)

Je trouve ça important le développement professionnel de la direction d'école. Non

seulement de participer à avoir un programme, un plan de formation … mais de

l'exprimer aussi au niveau des membres du personnel, parce que ce que je me rends

compte, c'est qu'on les contamine, au même titre qu'on contamine nos élèves lorsqu'on

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Jean Archambault et Li Harnois 120 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

est en classe … et là à un moment donné, elles viennent nous solliciter parce que je

pense que c'est aussi un peu …ce qu'on veut faire aussi par rapport à eux. (2FG6/17)

Les enseignants avaient choisi la formation d'enseignement stratégique … de 3 ans

avec un engagement de la direction aussi, avec des suivis… pédagogique et je trouve,

pour moi, que c'est gagnant de suivre la formation… ça permet d'approfondir… des

connaissances, des compétences, de comprendre l’accompagnement, la supervision

pédagogique. (2FG6/15)

Une direction exprime aussi l’importance de se doter de compétences en gestion:

I just finished my leadership courses… I took mine at McGill… I found each opportunity

brought different perspectives and I found it a learning experience. I tried to convince

my colleagues, don’t take it at the board. It’s interesting if you take it at McGill, you’ll

have the students, you’ll have the administrators. If you take them at another school

board you’ll have different administrators. I found it such a great learning experience...

Because to have just a different “oh my goodness you’re having those same issues

too.” Sometimes you get different ideas. They’re very very different. Different boards

have very different issues, different approaches. So I found it just a really educational

experience, so having maybe not just our board but maybe a mix. (2FG4/154)

Une direction partage son questionnement sur le rôle du développement professionnel pour la direction,

sur la nécessité d’un temps de réflexion souvent absent:

Développement professionnel, je trouve qu'on n'en entend pas beaucoup, et dans tout

ce que j'entends… est-ce que la direction d'école doit connaître l'ensemble du

programme de formation de l'école québécoise, est-ce qu'on a cette capacité-là, ce

temps-là, cette énergie-là avec les mandats qui se renouvellent, qui s'accumulent et

tout. Est-ce que c'est pas de savoir comment mettre les gens en démarche, les

mobiliser, faire en sorte qu'ils s'engagent dans le changement, dans la remise en

question de leur pratique. Est-ce que c'est pas ça notre rôle? Et l'élément, l'aspect

technique viendra plus de la compétence pédagogique… on oublie beaucoup qu'on a

des modèles à l'intérieur de notre école… la co-animation… se développer, on va

souvent chercher à l'extérieur alors qu'à l'intérieur même des milieux il y a des

richesses incroyables. Mais comme développement professionnel des directions

d'écoles, je trouve qu'il y a quelque chose qui ne ressort pas suffisamment. Moi je

trouve que c'est très très important. Et moi je ne prends pas de temps pour réfléchir sur

ma gestion, je ne suis pas certaine que je vais être capable de toujours tirer, être en

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avant, la locomotive, j'ai besoin d'aide aussi, j'ai besoin d'un temps d'arrêt, un soutien

technique du conseiller pédagogique que je trouve important. (2FG6/14)

Une ouverture au changement, innovation

Cet aspect n’a pas pratiquement été abordé lors de la deuxième rencontre. Toutefois, plusieurs directions

en ont fait mention lors de la première rencontre. Elles ont parlé de l’importance de l’innovation, dans les

écoles en milieu défavorisé et d’un accompagnement en ce sens (voir la section L’accompagnement

professionnel, p. 57).

La connaissance du milieu et des inégalités sociales. Cet aspect a été peu abordé lors de la deuxième rencontre. Toutefois, plusieurs directions en ont fait

mention lors de la première rencontre (voir la section Développer une compréhension à l’égard des

milieux défavorisés, p. 62).

Les directions indiquent qu’elles doivent intervenir et développer une meilleure compréhension de

l’équipe-école face à la réalité des familles afin de défaire les préjugés :

…on a dû à un moment donné réfléchir un peu à qui étaient nos parents… on est

défavorisés mais beaucoup allophones, je dirais qu’on est plus allophones que

défavorisés... C’est un autre visage. Ça veut pas dire qu’on n’en a pas non plus, mais

c’est pas ça qui ressort le plus. Ça fait que oui, on s’est penchés là-dessus. (2FG1/143)

Then again you sit back and you question whose values are these …? Are these my

values? And what to me is happy? These people are happy. They’re fine. (2FG4/61)

Une direction fait mention de l’importance de s’associer à des organismes du milieu qui connaissent bien

les caractéristiques du milieu :

On a commencé à donner du perfectionnement, on s’est dit… on va parler de notre

milieu. Je me rendais compte que les gens… malgré qu’il y en a qui étaient là depuis

fort longtemps, ils découvraient cette culture-là. Alors c’est beaucoup de la

sensibilisation, et à partir du moment où il y a un lien ensemble, on commence à

comprendre et à connaître. On est moins menacés, et jusqu’à un certain point, on prête

moins de mauvaises intentions… on travaille différemment avec eux… Alors c’est tout

l’aspect de mieux connaître les particularités. Et le problème n’existe plus maintenant. Il

y a du bon, et il n’y a pas de profs qui ont des préjugés, c’est plus ouvert, on en discute

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plus, il n’y a plus de blagues là-dessus… je visite la Maison d’Haïti qui est juste à côté,

la porte voisine, puis là je comprends les choses différemment. Ils t’expliquent, ils te

font comprendre… Et là tu commences à dire, « bon, je ne vois plus ça de la même

façon ». Alors là tu dis, je vais m’engager un agent de milieu qui vient à la Maison

d’Haïti. (2FG2/178)

Là ce que je vis, c’est plus des préjugés par rapport aux gens musulmans, arabes, des

pays du Maghreb. On les connaît moins, et c’est une question d’adaptation,

effectivement de sensibilisation à cette culture, et je pense que la meilleure façon c’est

de donner de l’information… Bon, une fois qu’on a compris ça, c’est sûr qu’on ne réagit

pas de la même façon. La même chose avec les gens du pays du Maghreb. On a des

adaptations mutuelles à faire, et la meilleure manière, c’est de faire venir quelqu’un qui

connaît la culture, et de sensibiliser les enseignants à cette nouvelle culture pour qu’on

soit capables de vivre d’une façon plus agréable, et que ces préjugés-là tombent.

(2FG2/180)

Des relations avec la communauté

Dans la littérature, cet élément comprend les différents aspects que voici :

Des partenariats

La responsabilité partagée de l’éducation

Lors de la première rencontre, plusieurs directions ont parlé de l’importance, dans les écoles en milieu

défavorisé, de s’associer à la communauté afin de répondre à l’ensemble des besoins des élèves et de

leur famille (voir la section Les services offerts aux parents par l’école et les partenaires de la

communauté, p. 46 et la section Les partenariats avec les organismes de la communauté, p. 47).

Quelques directions souhaitent que l’école évolue davantage en incluant la dimension communautaire.

Cependant, elles demandent que certaines clarifications soient apportées au niveau de la structure, du

fonctionnement, afin qu’elles puissent jouer leur rôle de leader :

Si l’école doit se renouveler totalement dans les années à venir, moi je pense que c’est

du côté du communautaire. J’y crois aussi. Je pense que c’est du côté du

communautaire, mais pas à n’importe quelles conditions. On peut pas laisser l’école

telle qu’elle est maintenant, avec notre système qui est rigide. Alors le milieu

communautaire j’y crois puis il va falloir qu’on nous donne une place de leader dans ce

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Jean Archambault et Li Harnois 123 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

milieu-là aussi, puis qu’on partage le leadership avec d’autres regroupements

communautaires. Donc ce serait une nouvelle façon de diriger les écoles en

communauté, et où les parents auraient leur place… Si le système politique veut une

école communautaire, il va falloir y mettre les moyens, il va falloir revoir ce que c’est

qu’un CLSC et le rapprocher d’une école... (2FG3/108)

Le volet relations avec les parents puis relations avec la communauté, ça s’en vient, ça

va s’agrandir, ça prend beaucoup plus large… il faut qu’il y ait des balises aussi, parce

que là ça va aller dans tous les sens. (2FG3/88)

Alors le milieu communautaire j’y crois puis il va falloir qu’on nous donne une place de

leader dans ce milieu-là aussi, puis qu’on partage le leadership avec d’autres

regroupements communautaires. Donc ce serait une nouvelle façon de diriger les

écoles en communauté, et où les parents auraient leur place. (2FG3/108)

Certaines directions identifient toutefois certaines difficultés qui entravent l’établissement de partenariats à

long terme soient le roulement de personnel et la précarité financière des organismes communautaires :

… les organismes communautaires sont très instables, les partenaires. C'est des gens

qui vivent de subventions et ils ne savent jamais d'une année à l'autre si leur subvention

va être acceptée. Et souvent, on a le goût de partir des choses… l'organisme… n'a pas

vraiment de budget… Le temps… que ces femmes-là rédigent une demande de

subvention, ça peut prendre jusqu'à un an… c'est très fragile le milieu des organismes,

c'est dommage parce que ça nous empêche un peu de planifier à long terme.

(2FG7/49)

Des partenariats

Les directions ont peu discuté de cet aspect. Bien qu’elles considèrent ces partenariats nécessaires, elles

ont souligné la tâche supplémentaire que cela implique :

Je regrette, c’est encore un travail supplémentaire, c’est encore une demande

supplémentaire. Mais quand je fais ça, je ne travaille pas à mon plan de réussite, et je

ne suis pas en train de réévaluer quelque chose, et j’ai pas encore fait mes horaires.

(2FG3/108-109)

Notre partenariat ou nos partenariats, ça occupe une grande partie de ma tâche

maintenant … je travaille beaucoup avec les groupes communautaires. (2FG8/46)

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Tout ça (les partenariats avec la communauté) pour la réussite des élèves quelque soit

la définition de la réussite qu'on en donne et ça, moi je me rends compte que c'est toute

une autre dimension de notre travail… c'est très prenant. (2FG8/22)

La responsabilité partagée de l’éducation

Les directions semblent convaincues de l’importance du partenariat entre les milieux scolaire et

communautaire pour la réussite des élèves :

C'est des gens qui sont essentiels à la réussite, pour moi c'est clair à l'école où je suis,

si j'avais pas mes organismes communautaires, j'aurais 25% de moins. J'essaie de voir,

je serais beaucoup moins efficace à l'école parce qu'il y a plein de choses, je pense par

exemple aux bénévoles qui viennent servir le petit déjeuner, c'est pas l'école qui les a

trouvés, c'est un des organismes communautaires. (2FG7/49)

Moi ça ne me fait pas peur le communautaire, au contraire, ça me dit Yes! Enfin on va

être plus nombreux dans l’école à travailler auprès des jeunes. (2FG3/100)

Il semble, aux dires des directions, que l’établissement de partenariats avec la communauté nécessite

une adaptation de part et d’autre en raison de visions et de façons de faire différentes qui ne sont pas

nécessairement en lien direct avec la mission de l’école:

Ils n'ont pas tous la même vision de l'école… ça me demande moi, une grosse

adaptation, et je suis habitué là… Parce qu'il y a des visions, des façons de faire dans

le communautaire qui ne sont pas nécessairement des visions scolaires. (2FG8/22)

Selon une direction, des liens doivent être développés au niveau de la responsabilité partagée de

l’éducation :

Les relations avec la communauté, c'est omniprésent… je reconnais toute l'importance

de cette dimension-là aussi et à quel point ça apporte et ça nourrit le milieu. Donc oui,

la responsabilité partagée et oui on a des liens à tisser là-dedans. (2FG6/8)

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Autres éléments jugés absents de la synthèse

Les directions ont identifié un certain nombre d’éléments qu’elles ont jugés importants, mais cependant

absents de la synthèse. Ces éléments s’apparentent davantage à des conditions qui pourraient avoir un

effet sur la réussite des élèves dans les écoles en milieu défavorisé. Il s’agit des besoins de base des

élèves à combler en priorité, de la stabilité du personnel en milieu scolaire, du ratio enseignant-élèves,

des coupures de postes, des coupures de budget, du financement attribué en fonction du nombre de PIA,

du manque de liberté des directions au niveau de la gestion des budgets et finalement, de l’impossibilité

pour les directions de choisir leur personnel.

Les besoins de base des élèves à combler en priorité

Une majorité de directions disent qu’il est prioritaire de combler les besoins de base des élèves avant de

les faire apprendre.

Un des premiers principes… un enfant qui n'est pas en mesure de socialiser, un enfant

qui n'a pas des besoins primaires comblés … quand l'enfant ne se sent pas bien, qu'il

est insécure dans son milieu familial, quand il n'est pas sûr de ce qu'il va avoir dans son

assiette, qu'il n'est pas sûr que son parent va être adéquat ou quoi que ce soit, c'est sûr

que ça pose des difficultés dans l'apprentissage. Et souvent l'école est démunie, on a

tous des programmes de nourriture, de collations et compagnie. Ça, quand l'enfant est

sûr que tous ses besoins sont respectés, il est plus à même de pouvoir apprendre.

(2FG5/48)

La stabilité du personnel en milieu scolaire

Une majorité de directions disent devoir composer avec une instabilité du personnel dans leurs écoles.

On insiste sur le fait que l’intervention en milieu défavorisé nécessite du temps et la stabilité du personnel

et des directions sans quoi il est difficile de développer une vision, une compréhension et une

connaissance des milieux. Les directions ont le sentiment d’un recommencement constant plutôt que

d’une consolidation des acquis.

Une remarque qui me surprend qui n’est pas là: la stabilité du personnel. Une équipe-

école, pour moi, c'est un facteur important de réussite et c'est un facteur très

dérangeant dans notre façon de diriger. On passe… énormément de temps à

recommencer parce que le personnel change à cause des règles… Pour moi c'est

important... C'est du travail à long terme. (2FG5/22)

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Jean Archambault et Li Harnois 126 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Le temps qu'une direction installe sa crédibilité à travers une école, à travers une

équipe, mais là c'est plus à travers les enfants, les parents, le personnel d'une école,

bon, milieu, communauté, le quartier, ceux qui habitent l'autre bord de la rue, ces gens-

là… à tous les jours on en apprend davantage, et il faut se donner le temps, se donner

le temps de semer, il faut que t'aies aussi le temps… et laisser le temps aux autres. Moi

c’est un milieu qui me connaît parce que j'étais là avant. (2FG7/13)

De plus, les directions indiquent que dans les milieux défavorisés, les élèves et leurs familles ont

davantage besoin de point de repère leur permettant d’établir un sentiment d’appartenance et un

attachement à l’école.

Je trouve ça tellement important et crucial… « c'est bien plus facile là, de travailler, ça

fait 4 ans qu'on est … ensemble et on vient de gérer un cas difficile avec un parent »…

j'appelle le parent arrive et je le connais depuis 3 ans… On les connaît tous, et ça là, ça

se fait avec la stabilité et le temps. Là tu recommences à chaque année. (2FG8/50)

Les directions déplorent aussi un certain roulement de leurs ressources professionnelles, effet, dit-on, de

la conjoncture d’un système qui ne permet pas toujours à la direction de renouveler les contrats de ces

personnes ressources. Les directions énumèrent certains impacts donc la perte d’expertise, de

connaissance et de compréhension de la réalité et des besoins des élèves et de leur famille, la rupture de

liens avec les élèves et les familles, la diminution de la qualité des services :

Un autre point, c'est la stabilité. Moi je suis dans un milieu où il n'y a pas de stabilité au

niveau des ressources professionnelles… ça affecte la qualité des services… ça fait

souffrir le milieu, ça fait souffrir les enfants et c'est pas très, très intéressant non plus

pour les parents d'avoir à raconter leur histoire année après année parce qu'on n'a pas

toujours la même personne. C'est la même chose au niveau des équipes écoles, où à

un moment donné on se retrouve avec un personnel … dans les écoles défavorisées

bien souvent, c'est peut-être pas le choix premier des enseignants, alors on se retrouve

avec une proportion plus élevée peut-être de jeunes, qui demandent à être encadrés.

Donc c'est plus exigeant et ça finit avec une perte d'expertise finalement à l'intérieur.

Donc quand on veut mettre en place un plan de réussite … l'importance de laisser des

traces, sinon on n'y arrive pas. (2FG6/18)

Cette instabilité s’explique, selon les directions, de différentes façons : les congés de maternité, le choix

de ne pas travailler dans les milieux défavorisés, l’absence de poste ou de budget :

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Le dossier cigogne… il faut accompagner les gens… c'est demandant, parce que si on

veut faire une supervision pédagogique efficace pour accompagner la personne… il faut

trouver le temps et ce n'est pas nécessairement facile. (2FG6/19)

C'est démobilisant aussi quand tu veux, t'élabores des projets avec des gens, ils

quittent à la fin de l'année, souvent il y en a qui sont déçus de quitter, c'est pas par

choix, ils n'ont pas le choix, t'as rien à leur offrir. Et toute l'année, ils travaillent avec toi à

construire ça. Ça fait qu'autant pour eux qui quittent que pour ceux qui restent, de

devoir réapprendre à connaître d'autres personnes qui vont arriver et de recommencer

à créer des liens, et partager cette vision-là et de la retravailler, c'est que t'as

l'impression toujours de recommencer, et ça n'aide pas, ça pour te donner du vent dans

les voiles... la stabilité, c'est essentiel. (2FG8/51)

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Le ratio d’enseignants et de ressources professionnelles autour des élèves :

Je crois que si tu regardes en 4e, en 5e, en 6e année, au lieu d'en avoir 29, 30 ou 31, il

y en avait 20, la parole des enfants pourrait être exprimée davantage dans la classe…

être gérée par l'enseignant. Le ratio c'est important. (2FG5/53)

On va faire attention dans un milieu défavorisé pour diminuer les ratios, par exemple,

on va essayer de faire en sorte d’avoir des classes plus petites pour venir en aide aux

élèves qui sont nombreux à être en difficulté. (2FG3/59)

On aurait une classe spéciale, j'en aurais 14 … énormément de personnes qui

s'occupent de cet enfant-là. L'année prochaine, si je suivais le parcours normal, je le

prendrais et je le ferais monter en 3e année. Mais là, il n'y a pas 14 enfants. Je vais

prendre les deux deuxième années et je vais faire 1 classe de 3e année. C'est

catastrophique. Je vais en avoir 28, ça va être correct selon les normes pour la 3e

année. Je vais avoir pris mes 2 classes de deuxième et ma professeure n'est jamais

capable d'assumer ça. (2FG5/58)

Les coupures de postes :

J’ai fait ma prévision… On me dit qu’on me coupe deux profs et qu’on me boost mes

classes à 30, 3l, qu’on fait des combinés inter-cycles, et que ça a été fait partout dans la

commission scolaire… D’après moi, une des raisons majeures de réduire le nombre de

groupes par école, c’est pour que ça coûte moins cher de spécialistes. (2FG1/216)

Les coupures de budgets :

On est la commission scolaire la plus grosse du Québec, puis on coupe le secteur des

ressources éducatives. Il faut le faire!… moi je comprends pas, je me dis : «… peut-

être…on va redistribuer dans des réseaux »… On se dit : « ça va devenir juste

administratif ça? »… il faut les donner les sous, il faut les donner les ressources, il faut

les donner les supports aux directions d’école dans les milieux très défavorisés parce

qu’on survit pas. (2FG3/90)

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Le financement accordé en fonction du nombre de PIA:

C’est problématique parce que, pas de codes, pas de budget, pas de budget pas de

services… plus on est défavorisés… plus on aime l’équipe… si on code, c’est parce

qu’il y a des difficultés d’apprentissage… Il y a aussi l’obligation de la loi de faire des

PIA, alors dès qu’on identifie une difficulté chez un élève il faut mettre un PIA… Chez

nous, on dit : « 29. L’année passé on en avait 40. » Oups, ça veut dire quoi ça? Peut-

être deux jours de DS de moins. « Vous êtes sûrs que vous n’en avez pas dans le fond

de vos tiroirs? On est à la recherche de codes là »… Ça c’est un paradoxe! (2FG1/76)

Le manque de liberté des directions au niveau de la gestion des budgets :

Pour une direction de milieu défavorisé, le seul moment où on va parler, dans un

regroupement d’écoles... de nos écoles, c’est quand on va nous distribuer la feuille des

budgets : combien on a en École montréalaise, combien on a en Opération solidarité,

pour se faire dire un petit peu plus tard : « Comme t’as pas mal d’argent, regarde on va

en prendre là et on va se payer un ortho avec cet argent-là ». Donc on va même

chercher des sommes d’argent dans ces sommes d’argent-là et on n’a pas de pouvoir

là-dessus. (2FG3/88)

On n'a plus le fameux pouvoir qu'on avait avant, qui était le pouvoir de dire : « Il me

reste tant d'argent. Cet argent-là, je ne l’ai pas pris. On peut l'attribuer pour tel projet…

On va vous réunir par cycle… on va libérer deux professeurs. » On n'a plus cette

marge-là. On va s’arrêter encore pour trouver des nouvelles façons de faire dans le

même cadre, comment opérer… C’est pesant à la longue…. En panne électrique, ça

peut aller bien les 4-5-10 premières heures. Après une semaine, on est un petit peu

tannés et présentement, les gens vivent un petit peu comme en panne électrique. Ils

attendent que la lumière revienne. (2FG5/19)

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Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires de la région de Montréal Rapport de recherche

Jean Archambault et Li Harnois 130 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Les retombées de la recherche collaborative Cette recherche a été menée en collaboration avec le Programme de soutien à l’école

montréalaise et avec des directions d’écoles ciblées par le Programme. Dans le cadre d’une

réflexion de l’équipe du Programme et du chercheur principal sur les services à offrir aux

directions d’écoles pour la mesure 4, Développement professionnel de la direction et de

l’équipe-école, la question de savoir en quoi consiste la direction d’une école primaire en milieu

défavorisé s’est rapidement posée. Cette recherche est issue de ce questionnement et a pu être

réalisée grâce à la collaboration de 45 directions d’écoles qui ont produit un discours riche sur

les exigences de leur travail, sur les compétences requises pour l’exercer et sur leurs besoins

en développement professionnel.

Pour réaliser cette recherche, l’équipe de recherche, composée de professionnels du

Programme de soutien à l’école montréalaise, dont des directions d’école, du chercheur

principal et de la professionnelle de recherche, a d’abord identifié les objectifs qu’elle devrait

poursuivre, élaboré la méthodologie, recruté les directions, formé les focus groups, conduit les

entretiens, effectué des retours régulateurs, préparé et présenté la revue de la littérature sur les

écoles performantes en milieu défavorisé et recueilli les données. Chacune des étapes a donné

lieu à des décisions qui ont été prises en collaboration, ce qui fait de cette recherche une

recherche menée pour et avec le milieu.

Un fait à remarquer, l’équipe de recherche avait comme objectif de recruter 24 directions (4

Focus groups) pour cette recherche, soit un échantillon non aléatoire d’environ 20% de la

population des directions des écoles ciblées du Programme de soutien à l’école montréalaise.

Une cinquantaine de directions ont répondu à l’appel. Nous avons décidé de ne refuser la

participation de personne et d’élargir notre échantillon, compte tenu 1- de l’engagement

manifeste des directions à l’égard de la recherche et 2- du fait que cette activité de recherche

collaborative en était aussi une de développement professionnel pour les directions.

En ce qui a trait aux retombées de la recherche dans le milieu, elles sont de plusieurs ordres.

En premier lieu, nous avons produit quatre documents à partir de la revue de littérature, les

deux premiers servant davantage les chercheurs, le troisième et le quatrième constituant la

version longue et la version courte d’une présentation destinée aux directions et aux autres

intervenants, dans le but de rejoindre une grande diversité d’acteurs scolaires (Archambault et

Harnois, 2006a; 2006b; 2006c; Archambault, Ouellet et Harnois, 2006). La version courte du de

la présentation aux directions a aussi été traduite en anglais, à l’intention des directions d’écoles

anglophones du Programme (Archambault et Harnois, 2006d). Ces documents sont

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Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires de la région de Montréal Rapport de recherche

Jean Archambault et Li Harnois 131 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

actuellement diffusés par le Programme de soutien à l’école montréalaise. Ils servent

actuellement de base à d’autres recherches, d’outils de développement professionnel ou de

formation pour les directions d’écoles et pour les enseignants, de guides d’interventions pour les

responsables des commissions scolaires, ou de sources d’inspiration à des équipes-écoles pour

leur projet éducatif. Par ailleurs, leur contenu a été présenté en information aux directions

d’écoles ainsi qu’aux décideurs des commissions scolaires et du ministère de l’Éducation, du

Loisir et du Sport.

En deuxième lieu, cette revue de littérature a permis de réaffirmer le choix des sept mesures du

Programme de soutien à l’école montréalaise. En effet, ces mesures étant établies avec le

Programme, depuis plus de dix ans, la question de leur à-propos et de leur actualité se posait.

En fait, la recherche confirme bel et bien que les choix effectués à l’origine du Programme

peuvent être refaits tels quels, aujourd’hui. Ces mesures constituent encore aujourd’hui des

incontournables à mettre en place, dans les écoles de milieux défavorisés. De plus, l’une des

mesures a été réorientée et précisée grâce aux données de cette revue de littérature. La

mesure « Pratiques éducatives au service de l’apprentissage de tous » s’est vue recentrée sur

l’importance de l’apprentissage pour tous les élèves, faisant en sorte que les actions soient

concentrées sur l’ensemble des élèves de l’établissement et non pas uniquement sur les élèves

qui éprouvent des difficultés de toutes sortes.

En troisième lieu, ces données de la littérature ainsi que les résultats de la recherche ont été

graduellement intégrés dans les interventions des professionnels du Programme,

principalement en ce qui a trait à la priorité accordée à l’apprentissage, au maintien d’attentes

élevées et au combat livré aux préjugés à l’égard des personnes vivant en milieux défavorisés.

En outre, les directions ayant participé aux focus groups ont affirmé avoir été ébranlées dans

certaines de leurs convictions et souhaité qu’il y ait des suites à ces rencontres. Le Programme

de soutien à l’école montréalaise a mis sur pieds deux nouveaux groupes de développement

professionnel de directions pour répondre à cette demande. De plus, des conseillers

pédagogiques et des enseignants participent aussi à des groupes de développement

professionnel portant sur des thèmes similaires.

Enfin, les données de la revue de littérature et les résultats de la recherche sont intégrées dans

certains cours offerts aux futures directions d’écoles ou aux directions en exercice au

département d’Administration et fondements de l’éducation de l’Université de Montréal. Elles

servent aussi de base à certains projets de recherche, nous l’avons vu, et elles constitueront

une part importante d’un nouveau cours en voie d’élaboration et portant sur la direction d’une

école en milieu défavorisé.

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Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires de la région de Montréal Rapport de recherche

Jean Archambault et Li Harnois 132 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

La synthèse des résultats Cette recherche a atteint ses objectifs qui consistaient à :

o identifier, décrire et documenter les caractéristiques et les particularités de la direction d’une école

de milieu défavorisé, en milieu montréalais et

o identifier les besoins de développement professionnel des directions d’écoles de Montréal et

proposer des formules de développement professionnel qui leur conviennent.

Elle a en outre permis de répondre aux questions soulevées par la problématique, et qui se posaient

ainsi :

o en quoi consiste la direction d’une école en milieu défavorisé?

o quels sont les attributs que doivent détenir ou développer les directions d’école qui œuvrent dans

ces milieux?

o y a-t-il des différences dans la direction d’une école de milieu défavorisé?

o si oui, quelles sont ces différences?

Voyons maintenant en quoi ces objectifs sont atteints et on a obtenu des réponses à ces questions.

Les résultats font apparaître, comme nous l’avons vu aux chapitres précédents, quatre éléments sur

lesquels insistent les directions d’écoles de milieux défavorisés en ce qui concerne leur tâche de gestion:

1- la plus grande lourdeur de la tâche de la direction; 2- l’exercice du rôle de la direction qui demande des

compétences et des attitudes particulière; 3- la nécessité d’exercer un leadership de justice sociale; 4-

l’identification de compétences à développer et l’importance du développement professionnel des

directions d’écoles. Voyons-les un peu plus en détail.

Nous présentons aussi le discours des directions au sujet de leur vision de l’éducation et de la gestion

pédagogique, sujet peu abordé lors des échanges spontanés. Nous enchaînerons avec les différentes

réactions des directions au sujet de la revue de la littérature qui leur a été présentée. Bien qu’elles aient

été largement en accord avec ce contenu, certains désaccords ont donné place à des échanges

intéressants. Ces désaccords portaient principalement sur trois des dix caractéristiques présentées,

soient : 1- l’apprentissage est la priorité, 2- l’environnement et 3- l’organisation scolaire est au service de

l’apprentissage que nous reprenons sommairement.

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Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires de la région de Montréal Rapport de recherche

Jean Archambault et Li Harnois 133 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

La lourdeur de la tâche de la direction

D’abord, la grande quantité de données amassées permettent de conclure que les directions d’écoles

sont capables de décrire en quoi consiste diriger une école de milieu défavorisé. En effet, elles ont produit

un discours riche sur leur pratique qui nous permet d’en savoir davantage sur les représentations qu’elles

se font de leur travail.

À la lumière de l’analyse de ce discours, une première conclusion s’impose : les directions considèrent

que la direction d’une école de milieu défavorisé est différente de la direction d’une autre école. Pour

elles, c’est sans équivoque : la tâche est plus lourde. Elles décrivent cette lourdeur de la tâche à plusieurs

égards : la complexité et la réalité difficile des milieux défavorisés, la gestion des ressources humaines et

financière qui est accrue, les efforts supplémentaires à consentir pour obtenir la collaboration des parents

et la quantité de partenaires communautaires avec lesquels collaborer.

Des compétences et des attitudes particulières

Comme nous l’avons vu plus haut, le contexte particulier de l’exercice du rôle d’une direction d’école en

milieu défavorisé nécessite, aux dires de l’ensemble des directions, des compétences professionnelles et

des attitudes personnelles différentes. Le travail de direction d’une école en milieu défavorisé exigerait

des compétences qui touchent l’organisation du temps, la priorisation des tâches, une compréhension de

la réalité, une capacité d’analyse et une aptitude à résoudre des problèmes. Compte-tenu de la charge de

travail élevée, les directions ont aussi mentionné l’importance de savoir déléguer et de gérer de façon

participative. Elles se considèrent des acteurs de changement, porteuses d’une vision qu’elles doivent

incarner. Finalement, elles doivent être capables d’établir des relations avec des personnes d’horizons

très variés.

Les directions identifient une quantité importante d’attitudes personnelles qu’elles jugent aussi

importantes que les compétences professionnelles que nous venons de décrire, à savoir la disponibilité,

l’écoute, le dévouement, l’ouverture, la souplesse, l’adaptabilité, l’empathie et le respect.

La nécessité d’exercer un leadership de justice sociale

Les directions se considèrent comme des leaders de changement, porteuses d’une vision. On parle de

l’importance d’un leadership de justice sociale visant à combattre les fausses croyances et les préjugés

sur des sujets tels que la réussite de tous les jeunes, les caractéristiques des milieux défavorisés, la

collaboration avec les parents et la communauté.

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Jean Archambault et Li Harnois 134 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Des compétences à développer et l’importance du développement professionnel

Pour plusieurs directions, certaines compétences s’acquièrent au fil du temps ou par le biais du

développement professionnel. Ainsi, il semble qu’elles doivent développer leur compréhension des

milieux défavorisés et des réalités qui s’y vivent. Elles doivent aussi apprendre à communiquer et à

coopérer avec des personnes provenant de milieux divers, autant les parents que les partenaires de la

communauté. Comme nous l’avons vu, elles ont indiqué une certaine difficulté d’exercer un leadership de

justice sociale visant à faire évoluer les fausses croyances dans leur milieu. Finalement, certaines

directions nous ont dit devoir apprendre à gérer des budgets supplémentaires.

Une vision commune, celle de croire à la réussite et au bien-être de tous les élèves

Les directions insistent sur l’importance de croire que tous les élèves peuvent réussir. Dans les milieux

défavorisés, il semble que l’aspect « socialisation » contenu dans la mission de l’école québécoise, joue

un rôle plus important que dans d’autres milieux. Certaines directions vont mentionner l’importance de

développer une vision autre de la réussite. Elles croient qu’il faut tenir compte des différentes formes de

difficultés rencontrées par les élèves (incluant celles reliées à l’apprentissage), et se donner une vision

beaucoup plus globale de la réussite et même revoir leurs attentes à l’égard de la réussite.

La gestion pédagogique

De façon générale, les directions abordent peu d’elles-mêmes la question de la gestion pédagogique, du

curriculum, de l’organisation scolaire, de l’appropriation du changement. Pour certaines, cette situation est

surprenante car la gestion pédagogique demeure un rôle prioritaire chapeautant leurs actions. D’autres

directions se disent moins surprises, reconnaissant être mobilisées par la surcharge de travail provenant

surtout des tâches administratives. Parmi ces dernières, certaines manifestent un souhait d’exercer

davantage un rôle de gestionnaire ou de leader pédagogique. D’autres disent qu’il n’est pas possible

d’assumer un leadership pédagogique de fine pointe, faute de temps. Finalement, certaines directions

remettent profondément en question le fait que le leadership pédagogique relève de la direction. Dans

certains cas, on affirme qu’il est impossible, dans une école en milieu défavorisé, d’assumer ce rôle,

d’autres réalités étant prioritaires.

Réactions au contenu de la synthèse des caractéristiques des écoles performantes de milieux

défavorisés

Les directions ont émis plusieurs réactions face aux caractéristiques des écoles efficaces en milieu

défavorisé issues de la revue de la littérature qui leur a été présentée. De façon générale, les directions

ont bien accueilli la synthèse des éléments de la littérature scientifique qui leur a été présentée. Elles ont

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Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires de la région de Montréal Rapport de recherche

Jean Archambault et Li Harnois 135 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

trouvé intéressantes les idées proposées dans la synthèse de la littérature. À première vue, elles n’y ont

pas trouvé grand-chose de nouveau, mais surtout une présentation cohérente des différentes

caractéristiques et des liens qui les unissent avec lesquelles elles étaient en accord dans l’ensemble.

Plusieurs directions ont l’impression d’une synthèse générale pertinente pour l’ensemble des écoles de

différents milieux (favorisé et défavorisé).

Elles se sont néanmoins rapidement senties responsables de la mise en place de ces caractéristiques

dans leur milieu respectif et ont fait état de l’ampleur de la tâche. Certaines directions ont exprimé une

incapacité de travailler sur l’ensemble du contenu de cette synthèse dans l’exercice de leur rôle. Compte

tenu de la lourdeur de leur tâche, plusieurs directions entrevoient mal la perspective d’avoir à travailler

toutes ensemble ces caractéristiques. Certaines directions ont manifesté le désir d’être accompagnées

pour ce faire.

Bien qu’elles aient été largement en accord avec ce contenu, certains désaccords ont donné place à des

échanges intéressants. Ces désaccords portaient principalement sur trois des dix caractéristiques

présentées, soient : 1- l’apprentissage est la priorité, 2- l’environnement et 3- l’organisation scolaire est au

service de l’apprentissage que nous reprenons sommairement ci-dessous.

L’apprentissage est la priorité

Dans la littérature scientifique, cet élément comprend plusieurs aspects. Nous reprendrons ici uniquement

ceux qui font l’objet de désaccords plus importants, soient : l’apprentissage est la priorité, la conviction

que tous les élèves peuvent apprendre, des attentes élevées vis-à-vis des élèves (on ne diminue pas les

attentes à l’égard des élèves) et les pratiques de gestion qui influencent l’apprentissage.

Aux dires de plusieurs directions, l’apprentissage est l’élément prioritaire au sein des écoles de tous

milieux, défavorisé ou non. Des directions précisent que l’apprentissage est la priorité dans la mesure où

l’on fait référence au développement de l’élève au sens large du terme, ne se limitant pas uniquement à la

dimension scolaire du programme de formation.

On met toutefois un bémol sur le fait que l’apprentissage passe en priorité. On semble donc, d’une part,

vouloir faire passer l’apprentissage en premier, mais d’autre part, en élargir la définition. Selon certaines

directions, l’apprentissage prime dans la mesure où certaines conditions le permettent. Par exemple,

certaines directions affirment qu'on peut plus facilement donner la priorité à l'apprentissage dans une

petite école et que c’est pratiquement impossible dans une grosse école. Aux dires de plusieurs

directions, différentes interventions auprès des élèves sont préalables à l’apprentissage. Elles ont

beaucoup fait référence à l’importance de créer un environnement sécuritaire, à l’importance d’établir une

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Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires de la région de Montréal Rapport de recherche

Jean Archambault et Li Harnois 136 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

relation avec les élèves et finalement, à l’importance de combler leurs besoins de base avant de les faire

apprendre.

Les directions ont aussi partagé leurs croyances respectives face à la conviction que de tous les élèves

peuvent apprendre. Elles partagent cette conviction et elles affirment, dans l’ensemble, que tous les

élèves issus de milieux défavorisés peuvent apprendre. Toutefois, certaines directions soulignent que le

concept même de réussite ne fait pas l’objet d’une compréhension commune. Pour plusieurs directions, il

semble que la réussite des élèves ne soit pas uniquement scolaire mais que la socialisation compte pour

beaucoup. Dans certains cas, il semble qu’il faille adopter une définition autre de la réussite dans les

milieux défavorisés.

Bien que les directions disent croire que les élèves des milieux défavorisés ont les mêmes capacités

d’apprendre que les autres élèves, elles semblent croire aussi qu’il y a plus d’élèves ayant des difficultés

d’apprentissage et plus de plans d’intervention adaptés (PIA) dans les écoles de milieux défavorisés.

Certaines directions croient que ce ne sont pas tous les élèves qui peuvent réussir.

Pour plusieurs directions, il semble difficile de différencier la pédagogie tout en maintenant des attentes

élevées. En effet, pour certaines, différencier signifie s’adapter, et s’adapter signifie diminuer ses attentes

parce que les élèves sont trop faibles. On voit bien que le maintien d’attentes élevées, auquel les

directions adhèrent, leur pose toutefois problème lorsque les enseignants ont à choisir du matériel ou des

situations d’apprentissage adaptées. Comment conserver des attentes élevées lorsqu’elles sont

justement trop élevées pour que les élèves puissent les atteindre ? On parle d’attentes élevées et

d’attentes réalistes, invoquant la nécessité de mettre en place des conditions qui favorisent la réussite des

élèves. Quelques directions mentionnent aussi la difficulté de maintenir des attentes élevées en raison de

la faible participation des parents dans la vie éducative de leur enfant.

Pour plusieurs directions les attentes élevées sont néanmoins le gage de la réussite des élèves.

Certaines directions mentionnent l’importance d’accompagner leur équipe sur cette question.

Rapidement, les échanges entre les directions permettent d’observer des contradictions entre la croyance

en la réussite de tous et les attentes élevées vis-à-vis des élèves (non diminuées), d’une part, et le

nombre élevé de plans d’intervention adaptés (PIA), d’autre part. Cependant, plusieurs directions ne

voient pas là de contradiction.

Lors de la première rencontre, les directions ont peu abordé la gestion pédagogique, comme nous l’avons

vu plus tôt. Mais qu’en est-il des pratiques de gestion pédagogique ? Il semble que les attentes élevées et

l’apprentissage qui est la priorité fassent bien peu partie de la gestion pédagogique des directions. Des

directions mentionnent que, bien que l’apprentissage soit la priorité, ce n’est pas nécessairement elles qui

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Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires de la région de Montréal Rapport de recherche

Jean Archambault et Li Harnois 137 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

auront à le favoriser directement. Elles soulignent aussi l’importance de soutenir, d’encourager les

nouvelles approches pédagogiques, de donner les moyens aux enseignants afin qu’ils puissent accomplir

leur travail, tout en les questionnant sur leurs pratiques pédagogiques. On parle de déléguer la gestion

pédagogique, entre autres à son conseiller pédagogique. Les directions supervisent cette gestion.

L’environnement Les directions ont amplement parlé de l’importance de créer un environnement scolaire sécuritaire,

structuré, encadrant pour les élèves. Selon plusieurs directions, il est prioritaire de créer un milieu

sécuritaire afin que les élèves puissent apprendre. Les directions ont aussi parlé de l’importance de créer

un milieu accueillant pour les élèves.

Une organisation scolaire au service de l’apprentissage

D’entrée de jeu, l’ensemble des directions s’accordent pour dire qu’une organisation scolaire doit être au

service de l’apprentissage. Toutefois, elles témoignent d’une réalité toute autre, ne se sentant souvent

pas soutenues par l’organisation scolaire. La question du transport scolaire est l’exemple le plus abordé

en ce sens par les directions. Il semble que les horaires et le calendrier des écoles soient largement

tributaires du transport scolaire et non au service de la pédagogie et des besoins des élèves. Les

directions déplorent aussi le manque d’autonomie, de marge de manœuvre dans l’exercice de leur rôle.

Autres éléments jugés absents de la synthèse

Les directions ont identifié un certain nombre d’éléments qu’elles considèrent importants, bien qu’absents

de la synthèse. Ces éléments s’apparentent davantage à des conditions qui pourraient avoir un effet sur

la réussite des élèves dans les écoles en milieu défavorisé.

Une majorité de directions disent devoir composer avec une instabilité du personnel dans leurs écoles.

On insiste sur le fait que l’intervention en milieu défavorisé nécessite du temps et la stabilité de l’ensemble

du personnel de l’école sans quoi il est difficile de développer une vision, une compréhension et une

connaissance des milieux. Les directions ont le sentiment d’un recommencement constant plutôt que

d’une consolidation des acquis. Les directions énumèrent certains impacts du roulement de personnel

dont la perte d’expertise, de connaissance et de compréhension de la réalité et des besoins des élèves et

de leur famille, la rupture de liens avec ces derniers et la diminution de la qualité des services.

Les directions parlent aussi de faible ratio d’enseignant et de ressources professionnelles autour des

élèves, de coupures de poste et de budget, du manque de liberté des directions pour la gestion des

budgets et de l’impossibilité pour les directions de choisir leur personnel.

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Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires de la région de Montréal Rapport de recherche

Jean Archambault et Li Harnois 138 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Discussion

Les réactions au contenu de la synthèse des caractéristiques présentes dans la littérature nous

questionnent, particulièrement en ce qui a trait à l’apprentissage. Pourquoi plusieurs directions jugent-

elles que l’apprentissage n’est pas la priorité? Pourquoi continuent-elles à porter ce jugement, malgré des

résultats de recherche qui montrent le contraire? Pourquoi, dans certains cas, la priorité est plutôt d’établir

une relation avec l’enfant? de s’assurer qu’il est en sécurité? de s’assurer qu’il a mangé? Pourquoi

certaines directions considèrent-elles difficile d’avoir des attentes élevées pour tous les élèves? Est-ce

que la question de l’environnement est véritablement plus importante dans les écoles en milieu

défavorisé? Et qu’en est-il du leadership pédagogique et de la supervision professionnelle?

Tentons ici quelques explications. L’ambivalence des directions d’écoles à l’égard de l’apprentissage n’est

pas nouvelle. À priori, toutes considèrent d’emblée l’apprentissage comme prioritaire. À priori, toutes sont

pour la vertu. Mais en grattant un peu les réponses, et c’est ce que nous avons fait dans les focus groups,

en particulier lorsque nous avons présenté les résultats de la revue de littérature, celles-ci se transforment

et deviennent plus mitigées, du moins pour plusieurs directions. Oui, l’apprentissage est la priorité, mais…

il faut s’assurer que les élèves ont mangé, qu’ils sont en sécurité, il faut créer une relation, oui,

l’apprentissage est la priorité, mais on n’a pas le temps de gérer cette priorité, étant très pris par les

tâches administratives, oui, mais on doit déléguer, justement parce qu’on n’a pas le temps, etc. Et dans

ces discussions, les quelques directions qui disent mettre l’apprentissage en priorité détonnent et

étonnent. Elles étonnent par leurs convictions pédagogiques, l’étendue de leur savoir à cet égard,

l’orientation éducative qu’elles donnent à leurs échanges avec les élèves mais aussi avec leur personnel,

leur capacité à reporter, à différer ou à déléguer les demandes administratives non prioritaires, leur

capacité à susciter et à soutenir le changement, et l’importance qu’elles accordent à la supervision

professionnelle de leur personnel dans le but de soutenir leur développement professionnel. Ces propos

sont en accord avec les résultats de la recherche à cet égard (Archambault, 2006a; Archambault, Ouellet

et Harnois, 2006, Leithwood et al., 2004).

La recherche montre très clairement que les écoles performantes de milieux défavorisés mettent

l’apprentissage en priorité. Comment se fait-il alors que si peu de directions semblent adhérer à ces

résultats? Première hypothèse, malgré leurs réponses premières, elles ne sont pas vraiment au fait

données de la recherche. D’ailleurs, leur discours est peu étoffé à l’égard de l’apprentissage. Autre

hypothèse, le courant de pensée mettant de l’avant le bien-être de l’élève, dans les années 1970-1980,

est encore présent dans les convictions éducatives des directions. L’enfant doit être bien si on veut qu’il

apprenne. S’occuper d’abord de son développement social, de sa sécurité et du bien-être physique de

l’élève est bien présent dans le discours des directions et est caractéristique de ce courant de pensée.

L’apprentissage y vient donc en second lieu. Troisième hypothèse, les directions ne savent tout

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Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires de la région de Montréal Rapport de recherche

Jean Archambault et Li Harnois 139 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

simplement pas quoi faire en matière d’apprentissage, comment lui accorder la priorité, comment

mobiliser leur équipe-école à cet égard. Surtout en période de réforme éducative, lorsque les injonctions

de changement sont peu précises, les directions ne savent pas trop comment s’y prendre pour soutenir le

changement, même si elles y adhèrent (Brassard, Corriveau, Fortin et al., 2001). Il n’est donc pas

étonnant qu’elles se tournent vers des éléments où elles se sentent davantage en contrôle et qu’elles les

fassent passer en priorité. Cette troisième hypothèse reçoit d’ailleurs des appuis de par les demandes de

développement professionnel des directions d’écoles au Programme de soutien à l’école montréalaise

(Archambault, 2006b). Plusieurs directions se sentent démunies lorsque vient le temps de mobiliser leur

équipe-école autour de l’apprentissage des élèves.

Par ailleurs, la confusion règne en ce qui a trait au maintien des attentes élevées à l’égard des élèves et

l’entretien d’attentes réalistes à l’égard de la performance des élèves, lorsqu’il s’agit de différencier. Ici

aussi, la confusion semble s’installer à cause d’un manque d’information. Plusieurs y voient une

contradiction alors que cette contradiction ne semble pas présente chez les directions d’écoles

performantes de milieu défavorisées. Pour elles, croire que les élèves de milieux défavorisés ont les

mêmes capacités d’apprentissage que les autres élèves mène aussi à croire qu’ils peuvent se rendre

aussi loin dans leur parcours scolaire (Lyman et Villani, 2004). D’ailleurs, viser moins haut inciterait à ne

leur présenter que les filières les moins élevées socialement. De même, croire qu’ils ont les mêmes

capacités conduit à exiger autant d’eux, en termes d’efforts et d’engagement dans l’apprentissage. Par

contre, tenir compte de ce qu’ils connaissent, partir d’où ils sont rendus pour les faire avancer est un

principe pédagogique qui n’a rien à voir avec la diminution des attentes à leur égard.

Il y a certes donc ici matière à discussion, à développement et à recherche pour l’équipe professionnelle

du Programme de soutien à l’école montréalaise et pour les chercheurs qui collaborent avec elle. Mais

ces résultats devraient aussi influencer l’offre de développement professionnel aux directions d’écoles.

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Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires de la région de Montréal Rapport de recherche

Jean Archambault et Li Harnois 140 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Les limites de la recherche

Les limites de cette recherche sont de plusieurs ordres. Des précautions méthodologiques ont été prises

afin d’assurer la plus grande rigueur à la collecte des données et la plus grand qualité à ces données. Par

ailleurs, le grand nombre de directions ayant participé à cette recherche dans les huit Focus Groups

donne une crédibilité accrue aux résultats. Ces 45 directions risquent fort de bien représenter les

quelques 120 directions des écoles cibles par le Programme de soutien à l’école montréalaise. Toutefois,

une certaine prudence s’impose dans l’interprétation des résultats. Voyons en quoi :

• D’abord, nous nous sommes limités à collecter le discours des directions à l’égard de leur travail et

nous avons opté pour des focus groups afin de collecter ces données. La limite tient ici au fait que

nous avons recueilli des perceptions à l’égard d’une pratique et non des faits. Que plusieurs directions

partagent les mêmes perceptions ne change rien au fait qu’il s’agisse de perceptions et qu’il existe une

distance entre les perceptions et les faits, distance qu’il est bien malaisé d’évaluer.

• En second lieu, la difficulté pour les directions de mettre en mot ces perceptions et de décrire ce

qu’elles font. Plusieurs l’ont exprimé : il fut assez inhabituel et certes pas très aisé d’être dans un

espace réflexif par rapport à leur travail. D’où l’importance d’avoir choisi de faire deux rencontres avec

chaque groupe de directions.

• Troisièmement, les focus group permettent de recueillir une quantité considérable de données sur un

sujet, pour une période de temps restreinte, et ils offrent un espace d’échanges et de réflexion unique.

Toutefois, ils comportent les limites suivantes :

o les données dont difficilement quantifiables, si ce n’est que pour fournir une indication de fréquence

des thèmes abordés. En effet, au moment d’une discussion, plusieurs personnes peuvent aborder

un même thème et ce à plusieurs reprises. Que plusieurs personnes en aient parlé ou qu’une

personne en ait parlé plusieurs fois au cours de l’entretien ne peut conduire à interpréter ce thème

comme plus important que les autres. L’inverse est aussi vrai. Un thème peu abordé n’est pas

nécessairement moins important.

o Par ailleurs, certaines données sont présentes mais impossible à coder, donc à utiliser. Ainsi,

comme il s’engage une forme de dialogue, d’échanges entre les participants, nous avons

fréquemment rencontré des situations où un participant ajoutait aux propos d’un autre participant,

verbalement ou sous forme non verbale. On a bien senti et identifié qu’il y avait une forme d’accord,

de consentement face à ce qui a été dit, mais nous ne pouvions pas coder une telle intervention

puisque la personne ne précisait pas ce à quoi elle donnait son consentement.

o La dynamique de groupe peut avoir un impact sur les participants : inhibant pour certains, alors que

d’autres mobiliseront les échanges. Par ailleurs, l’enthousiasme de certains pour un sujet peut avoir

suscité l’intérêt des autres et faire en sorte que ce thème soit sur-représenté dans les échanges.

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Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires de la région de Montréal Rapport de recherche

Jean Archambault et Li Harnois 141 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

o Malgré la vigilance des intervieweurs et de la professionnelle de recherche, certains sujets peuvent

tout simplement ne pas se retrouver dans les discussions. Comme il s’agit d’une recherche

exploratoire, il est difficile pour les membres de l’équipe de recherche d’identifier tous les sujets qui

auraient dû être discutés mais qui ne l’ont pas été.

• Quatrième limite, bien que l’intérêt de faire collaborer les directions à la description et à la

compréhension de leur propre travail soit indéniable, nous avons ainsi négligé d’autres sources

d’informations pertinentes qui pourraient enrichir les données produites ici : les enseignants, les

élèves, les parents, etc.

• Enfin, nous avons demandé aux directions de nous décrire en quoi leur travail était différent de celui

des directions d’écoles en milieux non défavorisés. Elles ont très clairement répondu à cette question.

Cependant, il demeure impossible de produire des comparaisons avec les perceptions de directions

d’école en milieu plus favorisé, puisque nous avons choisi, ici, de n’interviewer que des directions

d’écoles de milieux défavorisés.

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Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires de la région de Montréal Rapport de recherche

Jean Archambault et Li Harnois 142 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Les recommandations

Force est de constater que :

• La littérature scientifique sur les caractéristiques des écoles performantes de milieux défavorisés

est peu intégrée dans le discours des directions. Que l’on pense, entre autre, aux différents points

de vue au sujet de la priorité donnée à l’apprentissage;

• Les directions abordent peu d’elles-mêmes une tâche importante de leur travail, la gestion

pédagogique;

• L’organisation scolaire ne semble pas toujours être au service de l’apprentissage;

• L’analyse du discours des directions a fait un certain nombre de conditions qu’elles jugent

importantes et qui pourraient avoir un effet sur la réussite des élèves dans les écoles en milieu

défavorisé: la stabilité du personnel, le ratio d’enseignants et de ressources professionnelles

autour des élèves, les budgets, la liberté des directions de gérer leurs budgets et de choisir leur

personnel.

• Les directions d’écoles identifient elles-mêmes des lieux d’action et des besoins de

développement professionnel :

o le combat des préjugés et l’exercice d’un leadership de justice sociale,

o des compétences spécifiques à développer comme la connaissance et la compréhension des

milieux et des réalités de ces milieux, la communication, le développement des partenariats et

la coopération avec la communauté et avec les parents, la gestion de budgets

supplémentaires

o le besoin de soutien à l’égard de la gestion pédagogique ou de l’exercice pédagogique

o le besoin de soutien à l’égard de la mise en œuvre dans leur école des caractéristiques des

écoles performantes de milieux défavorisés.

Ce sont ces constats ainsi que les souhaits d’une forte majorité de directions d’être accompagnées et

soutenues à ces différents égards qui nous conduisent à formuler ces constats en termes de

recommandations de développement et de sensibilisation des équipes écoles de milieux défavorisés . De

ce fait, les différents intervenants seront amenés à mieux connaître et à mieux comprendre les milieux

dans lesquels ils interviennent. Nous recommandons donc au Programme de soutien à l’école

montréalaise, de maintenir son offre de services aux écoles en milieux défavorisés en donnant à ces

services les orientations suivantes:

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Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires de la région de Montréal Rapport de recherche

Jean Archambault et Li Harnois 143 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Le développement professionnel destiné aux directions d’écoles :

- Les caractéristiques des écoles performantes de milieux défavorisés issues de la

revue de littérature (attention particulièrement en ce qui a trait à la priorité donnée à

l’apprentissage); les façons de les mettre en œuvre.

- L’exercice d’un leadership pédagogique et l’impression d’une orientation éducative à

son école; la supervision professionnelle d’une équipe école centrée sur

l’apprentissage des élèves.

- La connaissance et la compréhension des inégalités sociales et du rôle de l’école dans

leur maintien, la connaissance et la compréhension de la pauvreté, des milieux

défavorisés et des réalités qui s’y vivent, en particulier, du milieu de l’école; les

moyens de connaître et de comprendre son milieu.

- L’exercice d’un leadership de justice sociale visant à combattre les préjugés et à faire

évoluer les fausses croyances au sujet de la réussite de tous les jeunes, des

caractéristiques des milieux défavorisés, de la collaboration avec les parents et de la

collaboration avec la communauté.

- La communication et la coopération avec les parents et les partenaires de la

communauté.

- La gestion participative.

Le développement professionnel destiné aux enseignants et autres professionnels :

- La connaissance et la compréhension des inégalités sociales et du rôle de l’école dans

leur maintien, la connaissance et la compréhension de la pauvreté, des milieux

défavorisés et des réalités qui s’y vivent, en particulier, du milieu de l’école; les

moyens de connaître et de comprendre son milieu.

- La conviction en la capacité de réussir de tous les jeunes; les façons d’exercer et de

concrétiser cette conviction.

- L’entretien d’une vision éducative de leur rôle incluant la priorité accordée à

l’apprentissage des élèves et la prise en charge de leur propre développement

professionnel à cet égard.

- L’exercice d’une pratique de justice sociale visant à combattre les préjugés et à faire

évoluer les fausses croyances au sujet de la réussite de tous les jeunes, des

caractéristiques des milieux défavorisés, de la collaboration avec les parents et de la

collaboration avec la communauté.

- La communication et la collaboration avec les parents;

- La communication et la collaboration avec la communauté.

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Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires de la région de Montréal Rapport de recherche

Jean Archambault et Li Harnois 144 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

La recherche à venir

Nous l’avons vu plus haut, bien que cette recherche ait produit des données riches et des résultats

pertinents tant pour la pratique que pour la connaissance de l’exercice d’une école en milieu défavorisé,

elle a certaines limites. On remarque que le discours des directions porte sur leurs tâches et sur les

conditions d’exercice de leur rôle, mais ne décrit pas leurs pratiques de gestion. Les directions ne

décrivent pas ce qu’elles font précisément, ni pourquoi elles le font. Par exemple, dire que la gestion est

alourdie compte tenu des budgets supplémentaires et des personnels additionnels ne décrit pas comment

se passe cet alourdissement dans la vie d’une direction d’école. De plus, les directions croient que leur

journée de travail est plus chargée que celle des autres directions d’écoles en milieu plus favorisé. Elles

croient aussi que des attributs spécifiques (compétences, attitudes) leurs sont nécessaires pour travailler

dans les écoles en milieu défavorisé. Est-ce si différent? Est-ce que les raisons identifiées qui expliquent

cette lourdeur sont spécifiques aux milieux défavorisés? Comme nous n’avons pas rencontré de

directions d’écoles en milieu plus favorisé, il ne nous est pas possible d’établir des comparaisons à ce

sujet. D’autres recherches pourraient permettre de documenter ces aspects.

C’est pourquoi nous souhaitons aller plus loin dans la poursuite des objectifs de cette recherche qui

étaient d’identifier, de décrire et de documenter les caractéristiques et les particularités de la direction

d’une école de milieu défavorisé, en milieu montréalais. Alors que cette recherche était centrée sur le

discours des directions sur leur rôle, nous envisageons maintenant d’observer plus directement leurs

pratiques de gestion. Une étude débute d’ailleurs présentement et porte sur l’observation et la description

des pratiques des directions d’écoles en milieu défavorisé (Archambault et Garon, 2008). Nous y utilisons

essentiellement l’observation, l’auto-observation et l’entrevue.

Par ailleurs, nos données ont été recueillies auprès de directions œuvrant en milieu défavorisé. Les

directions ont bien identifié des différences avec la direction d’écoles en milieu plus favorisé, mais elles

n’œuvrent pas dans ces milieux. Nous voulons donc consolider les données amassées jusqu’ici, voire

même les confronter, en comparant les résultats de cette recherche avec ceux obtenus de directions

d’écoles qui ne sont pas de milieux défavorisés. Nous prévoyons éventuellement effectuer des entretiens

en focus groups avec des directions d’écoles qui ne sont pas en milieux défavorisés. Les objectifs, les

outils méthodologiques et le déroulement de la recherche seront élaborés, ici aussi, en collaboration avec

les professionnels du Programme de soutien à l’école montréalaise, dont certains participent à la collecte

et à l’analyse des données. Ces données viendront compléter celles de la présente recherche et

préciseront ces différences que les participants disent voir dans la direction d’une école de milieu

défavorisé.

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Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires de la région de Montréal Rapport de recherche

Jean Archambault et Li Harnois 145 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Enfin, toujours dans le but de mieux comprendre le complexe exercice de la direction d’une école en

milieu défavorisé, des recherches pourraient s’étendre aux éléments suivants :

• effectuer des retours et des autoconfrontations croisées sur les pratiques observées des directions.

Ces méthodologies permettent d’enrichir, de consolider et de mieux comprendre ces pratiques, tout

comme la participation des directions à deux rencontres, dans cette recherche;

• collecter les perceptions des intervenants proche des directions d’écoles (enseignants, parents,

personnels de soutien, élèves,…) de façon à enrichir et à trianguler les données recueillies jusqu’ici ;

• l’exercice de la direction d’une école se fait maintenant dans un contexte de changement que les

directions doivent orienter, susciter et soutenir. On peut penser à la mise en œuvre de la réforme

(Brassard et al., 2001) ou à la mise en place des mesures du Programme de soutien à l’école

montréalaise (Archambault et Dumais, 2008). Exercer un leadership de changement comporte son lot

de défis et certaines données nous portent à croire que les chercheurs se sont moins penchés sur le

processus de changement en milieu défavorisé, ni sur la plus grande difficulté qu’il peut représenter,

dans ces milieux (Muijs, Harris, Chapman, Stoll et Russ, 2004).

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Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires de la région de Montréal Rapport de recherche

Jean Archambault et Li Harnois 146 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Conclusion

Cette recherche a permis d’enrichir la connaissance de la direction d’une école en milieu défavorisé et

d’intégrer ses résultats directement dans les interventions des professionnels du Programme de soutien à

l’école montréalaise et des directions des écoles qui ont participé à la recherche.

Les directions nous l’ont clairement fait savoir : diriger une école de milieu défavorisé est différent de

diriger une école en milieu plus favorisé. Ces résultats vont dans le sens des travaux de plusieurs

chercheurs (Haberman et Dill, 1999; Lyman et Villani, 2004). La tâche des directions de ces écoles est

plus lourde et l’exercice de leur leadership prend plus d’importance, compte tenu des difficultés

rencontrées en milieux défavorisés (Leithwood, Seashore Louis, Anderson et Wahlstrom, 2004).

Les directions identifient aussi des compétences et des attitudes particulières qu’elles considèrent comme

essentielles en milieu défavorisé, comme l’ont aussi fait remarquer Haberman et Dill (1999) et Lyman et

Villani (2004). Elles identifient aussi leurs besoins de développement professionnel à propos de ces

compétences.

Dans la recherche sur la direction d’une école en milieu défavorisé, un nouvel élément se profile : la

nécessité d’exercer un leadership de justice sociale (Normore et Bianco, 2006; Riester, Pursh et Skrla,

2002). Les directions ont clairement fait ressortir cette nécessité dans leur rôle ainsi que les besoins de

développement professionnel, tant pour eux-mêmes que pour leur équipe-école.

Enfin, cette recherche a atteint ses objectifs de production de connaissances scientifiques et

professionnelles sur la direction d’une école en milieu défavorisé. Elle a aussi permis d’identifier des

besoins en développement professionnel. Mais elle a aussi permis de produire des retombées directes

pour le milieu ainsi que des recommandations destinées au Programme de soutien à l’école montréalaise.

En ce sens, il s’agit d’une recherche collaborative qui porte fruits.

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Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires de la région de Montréal Rapport de recherche

Jean Archambault et Li Harnois 147 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

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Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires de la région de Montréal Rapport de recherche

Jean Archambault et Li Harnois 148 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

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Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires de la région de Montréal Rapport de recherche

Jean Archambault et Li Harnois 149 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Annexe 1 : canevas d’entretien des focus groups. Diriger une école de milieu défavorisé Une étude conjointe du Programme de soutien à l’école montréalaise et de l’Université de Montréal (Administration et fondements de l’éducation) Focus group de directions d’écoles œuvrant en milieu défavorisé Canevas de questions 1- Les tâches de gestion Qu’est-ce que gérer une école en milieu défavorisé?

• Dans ses aspects éducatifs

o Curriculum o Organisation scolaire o Développement professionnel de l’équipe-école o Appropriation du changement

• Dans ses aspects administratifs o Administration, o Gestion financière, o Gestion des ressources humaines o Gestion des ressources

En quoi gérer une école de milieu défavorisé est-il différent de gérer une école ordinaire? En quoi gérer une école de milieu défavorisé ressemble-t-il à gérer une école ordinaire? 2- Les attributs de la direction (compétences, attitudes, qualités, atouts, visions) La gestion d’une école de milieu défavorisé exige-t-elle des compétences particulières? • Lesquelles? • En quoi se distinguent-elles de celles exigées par la gestion d’une école ordinaire? Quels atouts devrait posséder une direction d’école en milieu défavorisé? • Pourquoi sont-ils moins nécessaires en milieu ordinaire ou plus favorisé? Quelle est votre vision de l’éducation dans une école en milieu défavorisé? Pour quelles raisons choisit-on de travailler dans une école en milieu défavorisé? Si vous aviez un ou des conseils à donner à une nouvelle direction, quels seraient-ils? 3- Les caractéristiques des milieux défavorisés • En quoi votre milieu et les gens de votre milieu sont différents des autres milieux?

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Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires de la région de Montréal Rapport de recherche

Jean Archambault et Li Harnois 150 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Annexe 2 : Texte utilisé lors de la 2e rencontre : Archambault et Harnois (2006c)

PROGRAMME DE SOUTIEN À L’ÉCOLE MONTRÉALAISE MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION, DU LOISIR ET DU SPORT

Diriger une école en milieu défavorisé

Des caractéristiques des écoles performantes, provenant de la documentation scientifique

Jean Archambault Li Harnois

juin 2006

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Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires de la région de Montréal Rapport de recherche

Jean Archambault et Li Harnois 151 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

Introduction Plusieurs recherches ont été menées afin de déterminer les facteurs faisant en sorte que des écoles de milieux défavorisés s’en sortent beaucoup mieux que les autres en ce qui a trait à la réussite scolaire des élèves (écoles performantes). D’autres recherches ont permis de suivre des écoles non performantes dans leur démarche pour atteindre la performance. Ce document décrit de façon succincte les principaux facteurs qui sont ressortis de ces recherches. Ce sont des indications bien courtes (il se publie plusieurs livres par année sur le sujet) sur les caractéristiques des écoles performantes en milieu défavorisé. Un document plus étoffé a aussi été produit par le Programme de soutien à l’école montréalaise (Archambault, Ouellet et Harnois, 2006). L’objectif que poursuivent l’un ou l’autre de ces documents est de susciter la réflexion et le désir d’aller plus loin dans la compréhension des leviers pour améliorer l’école. Cela implique de s’assurer de la pertinence et de l’efficacité des pratiques pédagogiques et des pratiques de gestion, et de développer des mécanismes de régulation de ces pratiques, de telle sorte qu’elles permettent davantage l’apprentissage des élèves. Facteur 1 : Une vision claire et partagée Dans une école performante, la direction a une vision éducative étoffée, qu’elle a présentée et discutée avec l’équipe-école, et qu’elle exprime régulièrement. Cette vision fait passer l’apprentissage en priorité et vise à réduire les inégalités sociales. Elle incite donc à être aux aguets des pratiques qui, au contraire de réduire les inégalités, auraient pour effet de les augmenter. En outre, cette vision respecte et tient manifestement compte des différences. Facteur 2 : L’environnement L’école performante est un environnement sécuritaire pour les enfants et pour les adultes qui y évoluent. En outre, c’est un milieu accueillant pour les élèves, pour le personnel, pour les parents, pour la communauté, milieu qui veille aux besoins et au bien-être de chacun. Non seulement la direction est-elle accueillante, mais le personnel de soutien (particulièrement le personnel de secrétariat), les enseignants et les autres professionnels, le sont aussi. L’accueil est un des lieux privilégiés de l’expression du respect des différences. Dans un tel milieu, les élèves, le personnel et les parents se sentent en sécurité, et sentent que l’on s’occupe d’eux. Facteur 3 : L’apprentissage est la priorité La vision éducative se traduit dans des orientations et dans une direction où prime l’apprentissage des élèves. C’est dans ces orientations et dans les actions qui en découlent, que s’incarne la conviction que tous les élèves peuvent apprendre et que l’on se doit de maintenir des attentes élevées vis-à-vis des élèves (non diminuées). Considérant que les élèves des milieux défavorisés ont les mêmes capacités d’apprendre que les autres élèves, diminuer ses attentes équivaudrait à faire fi de cette donnée et à croire qu’ils sont moins capables que les autres. Ces attentes élevées sont fonction de ce que les élèves savent, et portent davantage sur leur processus d’apprentissage que sur des contenus prédéterminés. Cette vision éducative s’incarne

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Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires de la région de Montréal Rapport de recherche

Jean Archambault et Li Harnois 152 Université de Montréal Département d’Administration et fondements de l’éducation

aussi dans la conviction que l’on se doit de soutenir les élèves dans leur apprentissage et d’intervenir directement sur ce processus d’apprentissage. Par ailleurs, la direction adopte des pratiques de gestion dont l’intention est d’influencer, directement ou non, l’apprentissage. La supervision pédagogique porte sur l’apprentissage des élèves et sur le soutien au développement des pratiques pédagogiques susceptibles d’améliorer cet apprentissage. En outre, dans les écoles performantes, on évalue l’apprentissage de façon continue, dans le but d’aider l’apprentissage des élèves. Enfin, on accorde une importance majeure à l’apprentissage de la lecture. Facteur 4 : Un leadership moral, éthique, de justice sociale La direction fait preuve d’un leadership moral et éthique, ancré dans la justice sociale. L’engagement moral de la direction l’amène à vouloir faire une différence pour les enfants de son école. Elle favorise donc chez les membres de l’équipe-école la connaissance du milieu dans lequel ils évoluent et la connaissance des inégalités sociales et des questions entourant la pauvreté. Un cheval de bataille consiste à rejeter les fausses croyances et les préjugés qui pourraient être exprimés. Enfin, la direction perçoit son rôle d’agent de changement et à ce titre, fait preuve de flexibilité et de la capacité à composer avec l’imprévu. C’est dans son rôle d’agent de changement que la direction suscite ou cultive l’empowerment des élèves, des enseignants et des parents et qu’elle les aide à développer une prise sur leur milieu, la capacité à identifier et à dénoncer les inégalités sociales, bref, à devenir les acteurs d’une transformation sociale. Facteur 5 : Une organisation scolaire au service de l’apprentissage Dans une école performante, l’organisation scolaire est au service de l’apprentissage. Elle est donc souple et elle permet de répondre aux besoins d’apprentissage des élèves. Au Québec, des éléments de l’organisation scolaire correspondent à l’organisation en cycles d’apprentissage, au transport scolaire, à l’horaire et au calendrier scolaires, à l’aménagement du temps et de l’espace. Facteur 6 : La collaboration – le travail d’équipe Dans une école performante règne un esprit de collaboration. Les enseignants travaillent en équipe à préparer, à mettre en place et à évaluer des situations d’apprentissage. L’enseignement et le suivi des élèves ne reposent plus sur une seule personne. Leur développement professionnel se fait d’ailleurs pour une bonne part en équipe. Par ailleurs, le leadership n’appartient plus qu’aux seules directions d’écoles. Il est partagé avec les enseignants, et même suscité, en fonction des compétences de ceux-ci. L’imputabilité aussi y est partagée. Facteur 7 : Des relations avec les parents La participation des parents à la vie scolaire de leur enfant est primordiale et elle s’exerce en partenariat avec l’école, dans une relation égalitaire avec celle-ci. Dans une école performante, on reconnaît ce rôle de partenaires aux parents. De plus, leur participation à la vie scolaire de leur

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Diriger une école en milieu défavorisé : ce qu’en disent des directions d’écoles primaires de la région de Montréal Rapport de recherche

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enfant est favorisée. L’accueil, le respect et la souplesse évoqués précédemment suscitent l’ouverture de l’école aux formes diverses et variées que peut prendre cette participation. Facteur 8 : Des relations avec la communauté Dans les écoles performantes, la responsabilité de l’éducation est partagée avec les parents et la communauté. Des partenariats sont mis en place non seulement pour que l’école bénéficie des ressources de la communauté, mais pour qu’elle fasse aussi sa marque dans la communauté. Il s’agit d’une occasion de collaborer pour répondre aux besoins éducatifs des élèves. Facteur 9 : Le développement professionnel La volonté d’améliorer continuellement les compétences en enseignement et les compétences de direction d’une école, est la marque d’une école performante. L’équipe-école se donne les moyens de se développer professionnellement, dans un climat d’ouverture au changement et d’innovation. Par ailleurs, la connaissance du milieu et des inégalités sociales est considérée comme étant toujours à parfaire. Référence Archambault, J., Ouellet, G. et Harnois, L. (2006). Diriger une école en milieu défavorisé. Ce qui

ressort des écrits scientifiques et professionnels. Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, Programme de soutien à l’école montréalaise, 19 p.

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Annexe 3 : Liste des codes utilisés pour délimiter les unités de sens. Diriger une école en milieu défavorisé Liste des codes Nouveaux codes/modification 2FG Attitude / croyance / préjugé Caractéristiques des milieux défavorisés Choisir de travailler dans milieu défavorisé Compétences: démarche réflexive, faire évoluer pratiques/mentalités Compétences: à développer Compétences: communication Compétences: habiletés politiques Compétences: leadership, valeurs Compétences: professionnelles et personnelles Comprendre la situation Différence de culture/milieu Différences écoles milieux favorisés et défavorisés Éducation: avoir des attentes élevées envers tous Éducation: croire en l'éducation et la réussite de tous Éducation: faire passer l'apprentissage en premier Éducation: no excuses are good excuses Éducation: programme, réforme Éducation: réduire les inégalités sociales Éducation: Stratégies, outils, approches différenciées et adaptées Éducation: structure, organisation, fonctionnement Éducation: vision et mission Éducation: Rigidité, discipline, fermeture Éducation: établir une relation avec l'enfant Élèves: besoins/diversité/rythme d'apprentissage Élèves: participation, implication Élèves:PIA, troubles d'apprentissage Faire une différence, se réaliser, se dépasser, s'engager Gestion: soutien des personnes/émotions/bien-être Gestion: administration Gestion: budget Gestion: créer des conditions gagnantes Gestion: environnement, sécuritaire Gestion: éducative/pédagogique Gestion: formation continue, développement, accompagnement Gestion: organisation/charge de travail/temps/priorisation Gestion: participative Gestion: personnes/ressources /services Gestion: problèmes, conflits Gestion: projets, activités Gestion: sentiment d'urgence/imprévu/résistances Gestion: suivi, évaluation Gestion: travail d'équipe/solidarité/entraide Imputabilité de tous, responsabilité partagée Liens avec la communauté Parents: besoins, réalité Parents: collaboration/participation parents: souhaits Parents: vision et compréhension de l'école Qualités: humble Qualités: aimer les défis Qualités: avoir la confiance des gens, établir une relation Qualités: avoir un bon jugement, maturité Qualités: avoir une confiance en soi Qualités: calme

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Qualités: compassion, empathie, sensibilité Qualités: compréhensif Qualités: courageux Qualités: créatif Qualités: délinquant Qualités: dévoué, disponible, présent, à l'écoute Qualités: dynamique Qualités: efficace Qualités: exigeant Qualités: équilibré Qualités: équitable, juste Qualités: facilitateur Qualités: ferme Qualités: généreux, partage Qualités: heureux Qualités: humoristique / dédramatiser Qualités: leadership inspirant, avec des valeurs humaines Qualités: ouverture/accueil/tolérance Qualités: passionné Qualités: patient, persévérant Qualités: positif/motivateur/rallier les gens/avoir la foi Qualités: prendre soin, aimer Qualités: respectueux Qualités: s'adapter, s'intégrer, être souple et polyvalent Qualités: solidaire Qualités: visionnaire, utopique Reconnaître ses limites Réseau de soutien Sentiment d'impuissance, d'épuisement, d'insécurité Souhaits des directions Soutien à la direction valorisation des bons coups, reconnaissance