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DIRECTION GÉNÉRALE DE LA COOPÉRATION INTERNATIONALE ET DU DÉVELOPPEMENT RÉFLEXIONS SUR L’ÉTHIQUE ET LA DURABILITÉ REGARDS BRÉSILIENS MAISON DE FRANCE RIO DE JANEIRO – BRÉSIL – 2002 Auteurs : Roberto Batholo Heloísa Riberio et José N. Bittencourt Juin 2004OCTOBRE 2004 MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

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DIRECTION GÉNÉRALE DE LA COOPÉRATION INTERNATIONALE ET DU DÉVELOPPEMENT

RÉFLEXIONS SUR

L’ÉTHIQUE ET LA DURABILITÉ

REGARDS BRÉSILIENS

MAISON DE FRANCE

RIO DE JANEIRO – BRÉSIL – 2002

Auteurs :

Roberto Batholo

Heloísa Riberio

et José N. Bittencourt

Juin 2004OCTOBRE 2004

MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

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Cette publication est un document interne établi à la demande du ministère des Affaires étrangères.

Les commentaires et analyses développés n’engagent que leurs auteurset ne constituent pas une position officielle.

Tous droits d’adaptation, de traduction et de reproduction par tous procédés,y compris la photocopie et le microfilm, réservés pour tous pays.

Conception graphique couverture : Aurette Leroy & Anne CaminadePhoto de couverture : Rio de Janeiro, Helmut Batista

Impression : ADLIS Lille© Ministère des Affaires étrangères, 2004.

ISBN : 2-11-094157-X

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RENCONTRES SCIENCES ET SOCIÉTÉ

10 et 11 avril 2002 – Musée Historique National

Rio de Janeiro – Brésil

Version Française

Traduction

Bruno Scialom

Révision

Marie-Constance Scialom

Terminologie Spécialisée

Pierre Hollmmüller

Organisation

Logos Traductions

www.traduza.com.br

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SOMMAIRE

UN POINT DE VUE BRÉSILIEN SUR LA DURABILITÉ.............................................. 9

REMERCIEMENTS.................................................................................................. 11

PARTIE I • RÉFLEXIONS SUR L’ÉTHIQUE.............................................................. 13

BRÈVES NOTES SUR L’ÉTHIQUE ET LA MODERNITÉ ............................................ 15

ÉTHIQUE DE LA RESPONSABILITÉ : UN DÉFI AUX RAPPORTS ENTRE CONNAISSANCE, POUVOIR ET ÉTHIQUE........ 19

L’ÉTHIQUE DU NATURALISME ORGANICISTE CONTEMPORAIN.......................... 27

Naturalisme et artificialisme .......................................................................................... 27

Organicisme et mécanicisme ......................................................................................... 29

Universalité de l’éthique ................................................................................................ 30

Contexte de l’éthique...................................................................................................... 30

L’éthique classique et la nature...................................................................................... 33

L’éthique contemporaine ................................................................................................ 35

La nouvelle éthique et les énergies renouvelables ....................................................... 37

ÉTHIQUE ET BIODIVERSITÉ.................................................................................. 39

La biodiversité en tant que marchandise....................................................................... 40

Concentration du pouvoir des entreprises, OMC (TRIPS) et le congrès de la diversité biologique (CDB) .............................................................. 46

Une réflexion éthique..................................................................................................... 48

PARTIE II • DÉVELOPPEMENT DURABLE ET ENVIRONNEMENT........................... 53

EAU ET QUALITÉ DE VIE : CONTRIBUTION À UN DÉBAT NÉCESSAIRE ......................................................... 55

Présentation .................................................................................................................... 55

Un éventail de préoccupations....................................................................................... 55

L’eau : l’une des priorités environnementales du Brésil................................................ 58

Considérations finales..................................................................................................... 61

L’EAU : RESSOURCE NATURELLE LIMITÉE ............................................................. 63

Les chiffres des dommages ............................................................................................ 66

5Réflexions sur l’éthique et la durabilité

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ÉTHIQUE ET CONSERVATION DE LA DIVERSITÉ BIOLOGIQUE............................ 71

Introduction .................................................................................................................... 71

Échelles d’abordage de la diversité biologique .............................................................. 71

Emplois des ressources biologiques ............................................................................... 74

Portée de la pratique de conservation de la diversité biologique ................................. 79

Université, pouvoir public, information et les questions de l’environnement............. 84

Considérations finales .................................................................................................... 86

Remerciements ............................................................................................................... 87

ÉCOSYSTÈME EN DANGER : QUE FAIRE?............................................................. 91

L’EXERCICE DE LA CITOYENNETÉ DANS LA GESTION DES EAUX BRÉSILIENNES :UNE LECTURE SOCIO-ANTHROPOLOGIQUE ..................................................... 101

Distribution quantitative et anthropisation de l’eau douce ......................................... 102

La borne légale du secteur de ressources hydriques................................................... 103

Les innovations conceptuelles de la loi des Eaux ....................................................... 104

Gestion publique collégiale, intégrée, décentralisée et participative avec négociation sociotechnique .................................................................................. 106

Fragilités à vaincre pour consolider une gestion publique décentralisée et participative .................................................... 108

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UN POINT DE VUE BRÉSILIEN SUR LA DURABILITÉ

Les articles qui font partie de cet ouvrage étaient destinés aux Rencontres « Science etsociété » (Ciência e sociedade) organisées à Rio de Janeiro en avril 2002.

Ces rencontres ont réuni des scientifiques français et brésiliens autour de tables-rondes etont permis à un public d’étudiants de différents domaines de débattre sur les défis de lascience dans le monde moderne.

Ce concept de Rencontres « Science et société » de divulgation scientifique a été conçu parle CNRS (Centre national de la recherche scientifique) et adapté à Rio de Janeiro par lafondation Oswaldo Cruz (FIOCRUZ) et l’université fédérale de Rio de Janeiro (UFRJ).

La thématique générale portait sur « l’éthique et le développement durable ».

Les Rencontres ont parallèlement permis à un jeune public de lycéens de participer auxdébats. Cet événement était coordonné par la fondation Oswaldo Cruz (FIOCRUZ), le centred’éducations scientifique de l’État de Rio (CECIERJ) et le consulat général de France à Riode Janeiro.

Le lecteur trouvera ici le point de vue brésilien sur le concept de durabilité à travers leprisme de l’éthique. Il apparaît une perspective plurielle et diversifiée, dont il ressortl’importance d’une appréciation sociale et éthique dans l’abordage des questions dedurabilité.

Cette préoccupation constitue le dénominateur commun d’une vaste gamme d’exposés, lesuns plus techniques, les autres plus philosophiques.

Nous vivons une époque où l’intervention humaine sur l’état des choses augmente d’unefaçon accélérée et dominatrice. Les frontières entre le naturel et l’artificiel sont de plus enplus perméables, alors que la vie elle-même, et ses conditions de perpétuation sur la planètedeviennent l’objet d’ingénieries.

Discuter éthique, cependant, revient à aborder les limites de l’exercice des pouvoirs. Un videéthique existe là où il manque l’expérience des limites.

Discuter éthique, modernité et environnement n’a de sens que si l’on perçoit un bien dansles limitations. Ceci implique le refus de la thèse selon laquelle les frontières ouvertes dela science contemporaine ne sont que théoriques, et, par conséquent, éthiquement neutres.Il s’agit aussi de reconnaître dans les limites en vigueur, l’impossibilité de voir réaliser lajustice.

Il s’agit là peut-être, de l’expression la plus synthétique de la perspective brésilienneexprimée pendant les rencontres : la durabilité n’est pas uniquement une questionconcernant les dimensions techniques de la modernité. La durabilité est avant tout unequestion éthique.

Roberto Bartholo

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REMERCIEMENTS

Remy Lestienne. Attaché scientifique de l’ambassade de France à Brasilia.

Sébastien Prat. Coopérant au service de coopération et action culturelledu consulat général de France à Rio de Janeiro

Jean-François Sabouret. Directeur de la délégation à l´information scientifiqueet technique (DIST) du Centre national pour la recherchescientifique (CNRS).

Christophe Dhénaut. Responsable du projet « Ciência e Sociedade » / DIST, CNRS.

Conceição Silva. Coordinatrice du projet « Ciência e Sociedade » / DIST, CNRS

Vera Lúcia Bottrel Tostes. Directrice du « Museu Histórico Nacional ».

L’équipe du « Museu Histórico Nacional ».

L’équipe de l’« Instituto Virtual de Turismo » – IVT-RJ.

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PARTIE I • RÉFLEXIONS SUR L’ÉTHIQUE

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1. Pour approfondir le sujet, cf. Henrique C. de Lima Vaz, « Religião e Modernidade Filosófica » In Revista Síntese Nova fase,v.18, n. 53 (1991) : 174-165.

2. Pour approfondir le sujet, cf. Henrique C. de Lima Vaz, Antropologia Filosófica, Volume I, Edições Loyola, São Paulo, 1991.

3. Pour approfondir le sujet, cf. Seyyed Hosein Nasr, Knowledge and the Sacred, State University of New York Press, New York,1990.

BRÈVES NOTES SUR L’ÉTHIQUE ET LA MODERNITÉ

Je me propose, par le biais des notes suivantes, d’attirer l’attention du lecteur sur deuxtermes : éthique et modernité. Nous voilà exposés tous les jours à des discours de grandediffusion médiatique, indiquant les nouveaux défis éthiques de la modernité contemporaine.Nous voilà témoins d’une grave situation, où une démarche devient de plus en plusnécessaire : édifier notre modernité sur des valeurs éthiques, et non pas seulement sur descritères strictement techniques d’efficacité et de productivité.

Un premier point est que, lorsque l’on ose raisonner d’une façon philosophique autour demodernité et éthique, on finit par abandonner les fausses certitudes et assurances illusoires,propagées par les idéologies courantes à grande diffusion médiatique. La première d’entreelles est l’idée que le concept d’« être moderne » est récent, qu’il vient de commencer, quel’on vient de l’instaurer. Contredisant cette perspective, nous affirmons que l’« êtremoderne » est en fait un concept très ancien. Une question se pose : quand la modernitéa-t-elle vu le jour?

Pour répondre à cette question, nous emploierons les mots d’un remarquable philosophebrésilien récemment décédé, Père Henrique Cláudio de Lima Vaz.1 Ses propos ont laprofondeur des grandes vérités les plus simples : « la modernité a lieu chaque fois quequelque chose d’autre se passe ». Et cette chose est l’acte de faire de la philosophie. Noussommes portés à des reconnaissances souvent inconfortables. La première d’entre elles estcelle que la modernité, jusqu’où nos recherches historiques et généalogiques nous ontpermis de l’identifier, vit le jour pendant l’antiquité grecque, quand eut lieu l’« oser faire dela philosophie ».2 Ceci revient à dire que l’on commença à se poser de nouvelles questions,à se demander la raison de ses attitudes. Le simple fait que certaines valeurs, attitudes etprocédures affirmées jusqu’alors étaient insuffisantes à ceux qui faisaient de la philosophie,et ne seraient donc plus reprises. Certains des actes réalisés par leurs aïeux auraient pucependant être admis et répétés, mais non sans en connaître la raison.

Les communautés humaines traditionnelles ont tenu systématiquement leurs points derepère mythiques ou religieux d’une source primaire d’informations responsable de cethéritage, du passé au présent.3 Les traditions et contenus mythiques ont pu varier, mais lafaçon d’affirmer ses valeurs n’a pas changé, revenant à la même origine dont l’accès estassuré par le mythe, le rite, le culte, la religion.

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4. Pour approfondir le sujet, cf. Henrique C. de Lima Vaz, Escritos de Filosofia II : Ética e Cultura, Edições Loyola, São Paulo,1988.

5. Pour approfondir le sujet, cf. Leszek Kolakowski, A presença do mito, Editora Universidade de Brasília, Brasília, 1981.

Les « faiseurs de philosophie » sont des êtres bizarres, qui commencent à observer lesphénomènes à partir d’une autre perspective, et à poser des questions qui dérangent. Leurattitude est basiquement :

« Je ne ferai pas aujourd’hui ce qui se faisait hier, pour la simple et bonne raison que ce qui sefaisait hier était comme ce qui se faisait avant-hier. Je n’affirmerai pas aujourd’hui les valeursd’hier et d’avant-hier avant que vous ne me répondiez à certaines questions, sans remettre encause, sans critiquer. Sans oser la nouveauté de faire de ce moment où l’on vit, le temps à partirduquel l’on exprimera un jugement de valeurs ».

La portée de l’acte de faire de la philosophie peut être perçue par la métaphore de la coursede relais. Au sein des sociétés traditionnelles, les générations reçoivent des générationsprécédentes, le « bâton » des valeurs fondées sur le mythe et la religion, pour le passer àleur tour aux générations suivantes. Elles ne font qu’accepter le « bâton » au moment de laréception. Le philosophe ne saurait s’en contenter : à l’instant précis du relais il interromptsa course et dit :

« Je veux voir ce bâton de près. Je veux voir ce qu’est ce bâton. Je veux savoir pourquoi je cours,me convaincre qu’il en vaut vraiment la peine. Ce n’est qu’alors que je suivrai en avant pour lecéder à mon tour. »

Celui qui fait de la philosophie est quelqu’un qui ose faire du présent un temps de critiqueet de jugement de valeurs. Voilà essentiellement ce qu’est « être moderne ». Les premiers« modernes » furent ainsi les premiers philosophes. Ils établirent une nouvelle façond’organiser la culture, et, même s’ils en venaient à ratifier des valeurs traditionnellementaffirmées, ce ne serait plus de la même façon, appuyés sur les mêmes bases. Ils promurentdonc par conséquent une rupture fondamentale au sein même de l’organisation de laculture.4

En ce qui concerne les défis contemporains : pour être « moderne », il faudra ressusciter ennous cette capacité. Cela suppose, en premier lieu, reconnaître que cet exercice n’est pluscirconscrit à l’horizon de la confrontation critique et rationnelle, ses valeurs établies par lemythe et la religion. L’urgence nous défie à confronter les traditions établies techniquementet scientifiquement.5 La question remonte, dans ce nouveau contexte, à l’audace même dufaire de la philosophie.

Pour en finir, un dernier aspect à être pris en considération, la seconde question essentielle :combien de genres de modernité peut-il y avoir ? La réponse est la suivante : il y en aplusieurs, de toutes les façons, les plusieurs modes de modernité, autant qu’il y a de voiespossibles à l’acte de la philosophie, l’acte de poser des questions, ainsi que l’exercice dujugement critique du présent.

Nous porterons à présent notre attention sur la question éthique, tout en essayant derépondre à la question suivante : l’« éthique », qu’est-ce que c’est ? « L’éthique » et les« valeurs » sont souvent confondues dans nos discours courants. Il est donc important de

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6. Pour approfondir le sujet, cf. Hans Jonas, The Imperative of Responsibility : In Search of an Ethics for the Technological Age,University of Chicago Press, Chicago, 1985.

7. Pour approfondir le sujet, cf. Martin Buber, Eu e Tu, Editora Moraes, São Paulo, 1977. Cf. aussi, Emmanuel Lévinas, Totalidadee Infinito, Edições 70, Lisboa, 2000.

friser que ces deux concepts ne sont pas équivalents. Au sein de sociétés traditionnelles quine font pas de place, pour ainsi dire, dans l’organisation de leur culture, à l’acte de laphilosophie, les valeurs les plus nobles peuvent pourtant se manifester sans pour autantêtre issues, d’un code éthique. À la rigueur, leurs traditions du savoir peuvent venir de cequ’il y a de plus précieux dans le patrimoine culturel de l’humanité, sans se procurer pourautant, un code éthique à suivre. De plus, la remise en question philosophique n’est pas àl’origine de l’affirmation de ces valeurs, ainsi se passent-elles du discours de la raisoncritique. L’éthique naît avec la philosophie, elle en est une ramification. On ne peut dissocierla création des valeurs éthiques de l’usage du jugement critique.

Les tâches et les défis de l’éthique peuvent changer selon les différences chronologiques ettopologiques, comme le montrent les situations vécues dans le contexte de l’Antiquitéclassique, du Moyen Âge et du monde contemporain. Mais nous n’établirons de valeurséthiques que si celles-ci se rapportent à l’exercice du jugement critique, du débat, dudialogue, de la conviction. Ceci dépend de l’exercice de la raison critique au présent et nonpas de la répétition coutumière des habitudes.

L’affirmation des valeurs par le biais de l’éthique est liée à l’idée de limite. Sans limites ànos actions, conduites, interventions, pouvoirs, l’éthique est inutile. Lors de l’affirmation deces limites, en y reconnaissant son importance et osant le faire en dépit d’un héritagetraditionnel issu de textes sacrés, tout comme conséquence de l’exercice présent de la raisoncritique, l’éthique s’avère inutile.6

Le besoin d’éthique peut être compris par analogie. Par exemple, tout être a besoin d’un toit,d’une demeure. Il ne s’agit pourtant pas d’une demeure physique, construite en brique,pierre, bois, ayant des murs qui établissent les limites à l’intérieur desquelles nous trouvonsnotre abri et assurons la continuité de nos vies, tout en ayant portes et fenêtres quipermettent un échange avec le monde. Nous ne sommes pas des êtres aux uniquesnécessités matérielles. Au-delà des proportions biologiques et matérielles, nous vivonsplongés dans le monde de la culture où nos demeures acquièrent la dimension immatérielledes valeurs.

L’éthique est le processus de construction de cette demeure immatérielle dans le monde dela culture. Cette demeure immatérielle a non seulement des murs à l’intérieur desquelsnous vivons enfermés, comme aussi des portes et des fenêtres de communication.

Les défis éthiques actuels nous imposent la reconnaissance de deux piliers essentiels à laconstruction de cette demeure immatérielle. Ces deux principes seront ainsi les pierresangulaires sur lesquelles, lors de la « modernité contemporaine », nous serons appelés àétablir une vie éthique.

La première d’entre elles repose sur le concept d’altérité : reconnaître son prochain, celuiavec lequel on se trouve, doté lui-même d’une valeur primordiale.7 Nier l’altérité revient àimposer l’empire de notre immuabilité. Envahir les moyens d’existence d’autrui en tant que

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8. Pour approfondir le sujet, cf. Hans Jonas, op. cit.

valeur. Il nous faut reconnaître cette altérité en tant que valeur, tout en permettant le passagede l’instance éthique à l’instance juridique de la construction d’une vie selon la loi et laJustice.

La deuxième d’entre elles repose sur le concept de vulnérabilité.8 Il ne suffit pas dereconnaître le mérite d’autrui. Faudra-t-il encore reconnaître une valeur plus élevée : lesrapports que nous établissons avec autrui nous offrent un État de vulnérabilité. En d’autrestermes, lorsque je m’adresse à quelqu’un autre, j’interviens dans ses conditions d’existencedans la même proportion où il pourra intervenir dans les miennes. Le risque d’unedangereuse illusion doit cependant être remarqué. Nous avons été amenés à concevoir cetteréciprocité symétriquement, une sorte de contrat signé à parts égales, objet des termes d’unerelation d’équivalence équitable. L’interférence et la vulnérabilité ont lieu fondamen-talement au sein de rapports asymétriques, au cours desquels « je peux nuire mon prochain,sans qu’il puisse forcément m’atteindre ». L’exemple le plus évident nous est renvoyé par lesujet de la durabilité : l’impact de l’actualité sur les générations à venir.

Robert Bartholoprofesseur du Programme d’ingénierie de production de la COPPE/UFRJ,

où il coordonne le Laboratoire de technologie et développement social – LTDS – et aussi coordinateur de l’Espace Coppe Miguel de Simoni

de technologie et développement social.

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9. JONAS, Hans. « Seventeenth Century and After : The Meaning of the Scientific and Technological Revolution ». In : JONAS,Hans. Philosophical Essays : From Ancient Creed to Technological Man. The University Chicago Press, Chicago & London, 1974,pp.45-80.

ÉTHIQUE DE LA RESPONSABILITÉ

UN DÉFI AUX RAPPORTS ENTRE CONNAISSANCE, POUVOIR ET ÉTHIQUE

« Nous vivons une révolution ». Hans Jonas9 caractérisa ainsi l’époque où ont lieu nosexistences. « Témoin oculaire » des conquêtes vécues par les hommes et les sociétéshumaines au cours du XXe siècle, philosophe juif, né en 1903 en Allemagne, il est mort auxÉtats Unis peu avant ses quatre-vingt-dix ans, en 1993.

Pour Hans Jonas, la science et la technologie sont au centre de cette révolution. Unerévolution qui a vu le jour en tant qu’événement provincial européen, aujourd’hui mondial.Au long de 300 ans, nous avons reconstruit le monde dans lequel nous vivons, ainsi que lafaçon dont nous vivons et enfin – ou encore en premier lieu – nous avons reconstruit notremanière de penser. L’étendue spatiale de cet événement est l’une des marques quicaractérisent ce que Hans Jonas entend par « révolution ».

Le philosophe distingue le terme évolution du terme révolution. Évolution se reporte auxtransformations qui se déroulent pendant une longue période et se produisentgraduellement. Le mot révolution, au contraire, fait allusion à quelque chose d’imprévu, dontles dédoublements nous parviennent avec une telle violence qu’il est impossible de lesmaîtriser. Pour Jonas, outre une distinction formelle, les dimensions et les implicationssubjectives séparent les termes évolution et révolution. Une distinction se reporte à uneexpérience très particulière : un sentiment de rupture avec le passé. C’est comme si, d’unmoment à l’autre, l’ordre établi des choses « était sens dessus dessous ».

Nous pouvons dire qu’outre l’étendue, la rapidité ou le temps où les changements se font,distinguent évolution de révolution. Pourtant, comment distinguer rapide de lent? Quelintervalle de temps délimite le rapide du lent? De quel étalon se servira-t-on pour en établirla différence? La différence entre lent et rapide, et, par conséquent, entre évolution etrévolution, ne serait-elle pas relative et arbitraire? Jonas admet que les critères de distinctionsont, en effet, relatifs, mais non pas arbitraires. Il se justifie employant une unité de mesurenaturelle et singulière : la moyenne de vie de l’individu homme, la durée d’une génération.

Jonas entend qu’un bon test, que chacun de nous pourra faire pour vérifier dans quellemesure notre présent laisse ou non des traces d’interrelation avec notre histoire, est lesuivant : si un homme, dans la plénitude de ses jours ou vers la fin de sa vie, peutretransmettre l’expérience et la sagesse accumulées pendant toute son existence à ceux quil’ont suivi ; si tout ce qu’il a appris dans sa jeunesse et l’accroissement de ces connaissances

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10. Note du traducteur : -ferir, ‘blesser’en portugais.

lui sont encore, lors de sa maturité, d’une certaine utilité et si elles sont encore valables auxplus jeunes, il n’aura pas vécu une époque de « révolution ». Le monde de ses fils, des enfantsen général, sera encore son monde. Cela ne veut pas dire qu’aucun changement ne soitsurvenu, mais, ces changements ont certainement été suffisamment graduels et limités defaçon à ce qu’il puisse les assimiler. Si, toutefois, un homme mûr dévisage ses enfants oupetits-enfants et ceux-ci doivent lui expliquer le présent ; si les connaissances et la sensibilitéqu’il a acquises tout au long de sa vie ne lui sont plus utiles et ont perdu leur efficacité ; si,à la fin de ses jours, il découvre qu’au lieu d’être un sage, il est devenu obsolète, nouspourrons affirmer que la vitesse et l’étendue des changements qu’il a subits sontrévolutionnaires.

« La création de la vie en laboratoire est possible ». Cette affirmation caractérise la findu XXe siècle. Un siècle dont la quantité d’événements, de faits et de découvertesscientifiques distingue des précédents. Un siècle, dont la marque majeure est ladémonstration de la maîtrise irréfutable de l’homme sur son environnement et sur les êtresqui l’entourent, l’homme lui-même y compris. L’inclusion des cent dernières années dansles pages de l’histoire s’est produite aussi sous un autre nom: guerre, un mot-clé pour ceuxqui souhaitent défricher les événements qui, au cours de ce siècle, sont à l’origine et ontchangé le mode de vie des hommes sur la planète Terre.

Au début du XXe siècle, la physique avait déjà redéfini beaucoup de termes, qui, dans l’activitéscientifique, établirent les rapports entre sujet et objet. Le XXe siècle a donc reçu et répondude façon surprenante à l’héritage du XIXe siècle, ses questions et défis. Le siècle quicommence à présent, est, de la même manière, l’héritier des questions posées par le siècleprécédant. Actuellement, toutefois, les termes de ces rapports concernent une sorte deconnaissance dont la marque est de prendre pour objet le sujet lui-même. Ceci revient à direqu’un domaine de connaissance est souvent marqué par la possibilité ou, pourquoi pas ledire, le but, d’interférer10 sur les caractéristiques connues jusqu‘alors comme distinctives del’être humain.

Aujourd’hui, comme dans une sorte de superposition de rôles, nous sommes les héritiers,les témoins et jouons le rôle principal d’un temps où, si d’un côté, l’on annonce despossibilités « presque » illimitées d’intervention sur le cours naturel des êtres vivants ; del’autre, on reconnaît que les matières premières, indispensables au fonctionnement dessociétés industrielles, s’épuisent, ne durent pas éternellement. (sic)

Le paragraphe ci-dessus traduit les défis des sociétés occidentales contemporaines. Plutôtque des contradictions, le point de convergence des polarités de l’affirmation se manifestedans l’idée suivante : L’homme peut en savoir chaque fois davantage. Il peut, par le biais de latechnique, faire en sorte que les choses s’améliorent. L’évidence que l’on attribue à cette capacitéhumaine – les hommes sont dotés de raison – signale le concept de « développement » qui amené nos sociétés à l’état actuel des choses.

Le lendemain sera meilleur – L’idée du développement est née ainsi. Cette « amélioration »est/sera le produit d’une « action humaine ». L’affirmation que « ça ira toujours mieux » estfondée sur la conviction que l’homme peut tout corriger, que tous les problèmes provoqués

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par la technique seront donc résolus par la technique. Et parce qu’ils sont dotés de raison, leshommes sont capables de discerner le meilleur et le pire.

La décennie de 1970 peut être identifiée comme un moment où de telles convictions ontété significativement secouées. Les débats se sont étendus et ont été diffusés, ainsi que lesdénonciations concernant les menaces et effets indésirables des produits et procédésindustriels. Les risques élevés pour la santé et l’environnement engendrés par l’utilisationintensive d’agrochimiques, les impacts du réchauffement de la planète, du trou dans lacouche d’ozone et des organismes modifiés génétiquement sont quelques exemples de laliste de discussions qui mettent en échec le binôme « connaissance techno-scientifique » et« avenir de l’humanité ».

Risque devient alors l’un des mots-clé, faisant le pont dans le dialogue qui s’établit, « science& société ». Après tout, plus les nouvelles technologies seront puissantes et capables demaîtriser les forces de la nature, plus grands seront les risques de destruction de l’éco-système et les impacts sur le mode de vie des hommes.

Le terme « risque » vient de l’italien riscare, dont le sens d’origine était « naviguer entre desrochers dangereux ». Depuis ses origines, ce terme qui a pour antithèse complémentaire leterme incertitude, présupposait que nous aurions été capables de régler l’avenir, lui imposerdes normes et le soumettre à notre pouvoir. De son origine jusqu’à nos jours, il apporte lapossibilité de prévoir certaines situations ou événements, par le biais du savoir – ou, toutdu moins, la possibilité de savoir. Non seulement nos efforts de le contrôler ont été souventinsuffisants, comme ils ont engendré des effets secondaires dont les conséquences peuventn’avoir d’horizon qu’à long terme.

Reconnaître que la portée de l’intervention des technologies modernes pourrait déclencherdes effets indésirables et irréversibles, au-delà de toute prévisibilité et/ou contrôle. Lamenace, qui concerne les générations présentes autant que les générations futures, a misen évidence le besoin de réglementer l’emploi du savoir scientifique produit par l’homme.

Les sciences dont l’objet d’études est la vie jouent le rôle principal dans ce processus.Produits du savoir obtenu par les « sciences de la vie », les frontières qui délimitaient lapossibilité de vie ou de mort ont été déplacées. Pour la première fois, au cours de l’histoireculturelle et scientifique de l’homme, la gamme de connaissances découvertes par lessciences biologiques se traduit par les possibilités de connaître et transformer le patrimoinegénétique des êtres vivants, y compris celui de l’homme lui-même; la reproduction humainepeut se passer de rapports sexuels ; les transplantations d’organes ; l’usage de mécanismesqui permettent de prolonger la vie artificiellement.

Des réussites obtenues par les chasseurs de microbes, au début du XXe siècle, auxmanipulateurs de gènes contemporains, les possibilités d’intervention dans le corps humainont déplacé des frontières qui, entre autres, ont modifié dans la théorie et dans la pratique,ce qui, avait été connu jusqu’alors, par début et fin de la vie humaine. Les limites se sontélargies.

Il y a peu de temps en arrière, un cas de naissance avant 32 semaines de vie intra-utérinene faisait pas l’objet d’intervention de pédiatres ou de réanimateurs. Vers la fin desannées 80, ces interventions avaient déjà lieu à partir de la 27e ou de la 28e semaine de vieutérine. Toujours est-il que, vu la nature « précoce » de cette intervention, toute possibilitéd’évaluation ou de pronostic concernant les conditions dans lesquelles ce nouvel être vivrait,

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11. BERNARD, Jean. Da Biologia à Ética : novos poderes da ciência, novos deveres dos homens. Europa-América, Portugal, 1990,pp.146-151.

12. Selon Hugo Tristam Engelhardt, «… Le premier pas hésitant vers une définition de la mort de tout le cerveau a été faiteen 1968 par la commission ad hoc de l’École de médecine de Harvard, présidée par Henry Beecher ». Engelhardt soulignel’importance d’observer que cette commission «… n’a pas introduit une définition de mort strictu sensu, mais est arrivée à laconclusion que les individus en coma irréversible pourraient être déclarés morts ». Autrement dit, cette commission «… n’apas comparé clairement la destruction de tout le cerveau à la mort de l’individu ». Au long de la décennie de 1970, par forcede lois et statuts, les définitions de mort de tout le cerveau ont été établies. Hugo Tristan Engelhardt Jr. Fundamentos da Bioética,Loyola, São Paulo, 1998, pp.297-298.

13. On distingue mort du néocortex de mort du tronc cérébral inférieur. La définition de mort comme mort du cerveau plusélevé concerne ces deux centres reconnus «… en tant que préalable à la vie des individus, car ils sont nécessaires même àune conscience minimale. Quand il n’y a pas de cerveau, il n’y a pas d’individu. On reconnaît aussi que la simple existencedu tronc cérébral inférieur, le tronc de Varólio et le cervelet ne suffisent pas à faire vivre quelqu’un (ni à la vie de l’esprit).Même si le tronc cérébral inférieur, le tronc de Varólio et le cervelet sont intacts et fonctionnent, ils ne peuvent assurer toutseuls la vie d’individu, parce qu’ils ne lui donnent pas de conscience ». Hugo Tristan Engelhardt Jr. Fundamentos da Bioética,Loyola, São Paulo, 1998, p. 300.

dans le cadre d’une « normalité » minimale, ne pourrait être affirmée qu’une semaine aprèsl’intervention surnommée « réanimation » 11.

Jusqu’à la moitié du XXe siècle, la « mort » était déclarée lors du « dernier soupir ».L’avènement des unités de thérapie intensive et le développement des techniques detransplantations de rein et de cœur, ont modifié les termes d’évaluation qui « autorisaient »la déclaration du moment de la mort. À partir années 1950, l’emploi d’appareils respirateursdans les unités de thérapie intensive a permis de garder en vie, des heures ou même desjours durant, des organismes qui avaient pourtant succombé à la mort cérébrale.

L’introduction de mécanismes qui permettent maintenir la vie artificiellement a été lepremier pas dans la direction de la définition de mort en tant que mort cérébrale. La pratiquedes transplantations a forcé encore davantage le développement de cette définition. C’est-à-dire que, pour que le rein ou le cœur qu’on espérait transplanter ne risquent pas des’endommager, il aurait fallu anticiper le moment de la déclaration de la mort. Au long desannées 70, la mort de l’ensemble du cerveau, démontrée par une suite de contrôles,permettrait de déclarer la mort d’un individu.12

Récemment pourtant, suite aux discussions concernant l’utilisation d’organes de bébésanencéphales, la définition de mort de tout le cerveau tend à se déplacer vers la définitionde la mort des centres cérébraux plus élevés. 13

Pari passu à ces déplacements de limites, le besoin de légitimer par des réglementationsl’application de ces connaissances s’est imposé.

Afin d’expliquer les rapports entre éthique et connaissance de la vie, le terme Bioéthique aété inventé au début des années 70. Face aux nouvelles perplexités, le point d’inflexion desdivergences de proposition, concernant ce nouveau domaine, se trouve dans les différentespossibilités de réponses à d’anciennes/nouvelles questions : Que puis-je savoir ? Que dois-jefaire ? Que me faut-t-il attendre ? Qu’est-ce l’homme? Les réponses nous montrent comment età quelle mesure se modifient/se sont modifiés, les termes des rapports établis par lacivilisation occidentale entre l’éthique et le savoir.

De toute façon, les manifestations optimistes ou pessimistes, concernant aussi bien lesprogrès des sciences modernes que le modèle de développement qui prédomine dans les

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14. JONAS, Hans. The Imperative of Responsibility : In Search of an Ethics for the Technological Age. The University of ChicagoPress, Chicago & London, 1984.

15. JONAS, Hans. The Imperative of Responsibility : In Search of an Ethics for the Technological Age. The University of ChicagoPress, Chicago & London, 1984.

sociétés occidentales, remettent en cause le sujet de ce qui est bon ou pas, pour l’Homme.Elles mettent en échec la légitimité de certains savoirs par rapport à la définition des trajets(du destin) de la vie des êtres vivants, sur cette planète.

C’est dans ce contexte qu’« éthique » reprend sa place dans les discussions. Qui dit « éthique »dit aussi limitations, ordre et régulation du pouvoir d’agir. Ceci revient à dire que l’espaceoccupé par l’éthique est l’espace permettant la convenance que quelque chose ne doit pasêtre transgressé. Il est inévitable d’admettre que cette convenance est imprégnée d’unedimension de valeurs. Dans ce sens, l’éthique ne peut être prise pour un addenda, enjoliveurajouté a posteriori. Cette dimension de valeurs est présente à l’origine même de nos actions.Ce qui risque de nous arriver, dans l’oubli de l’antécédence de ces valeurs, c’est nereconnaître qu’a posteriori que certaines valeurs ont été transgressées.

Être d’accord avec ce concept suppose accepter que seul l’oubli explique que nous ignorionsles rapports existants entre le savoir, le pouvoir et l’éthique. Être d’accord avec ce conceptsuppose reconnaître que ces rapports trahissent l’échec des valeurs et du sens attribués à lavie humaine, par le modèle de développement adopté par nos sociétés.

Pour Hans Jonas, nos actes technologiques modernes traduisent l’opération d’un brusquedétournement de la nature de l’action humaine. Et les conséquences de nos principesmodernes de connaître-intervenir dans la réalité exigent, de façon inédite, l’assomption deperspectives à long terme, dans un contexte où l’incertitude et la surprise seront présentes.

Face à ces actes modernes, nous devons reconnaître que souvent les repères qui délimitaientet régulaient les limites de nos actions, sont devenus obsolètes. Jonas préconise l’admissiondu fait que, nous n’avons pas de moyens de connaître toutes les conséquences possiblesd’une certaine forme de savoir ; autrement dit, la « connaissance prédictible » sera toujoursà quelques pas de distance du « savoir technologique ». Le fait de reconnaître le gap existantentre « savoir technologique » et notre capacité de « pronostiquer » est à la source d’unnouveau problème d’ordre moral. C’est exactement dans le vide de cet écart que le savoirdevient éthique.

Jonas met en évidence les proportions du pouvoir obtenu par l’homme dans le contexte destechnologies modernes, dont l’étendue est spatiale et temporelle, nous imposant son balisagesur une théorie de la responsabilité, des actions réalisées dans les domaines publics et privés.Selon le point de vue anthropologique et philosophique de ce penseur, la responsabilité existeselon le pouvoir causal de l’agent, par rapport aux conséquences de ses actions.

Ce qui justifie ce point de vue : l’homme est le seul être connu à qui l’on peut imputer uneresponsabilité et, dans la mesure où il peut l’assumer, il l’a. Être capable de responsabilitéimplique l’usage de l’impératif : «…le pouvoir lui-même entraîne le devoir » 14. La capacitéd’assumer ses devoirs est une éthique qui repose sur «… l’aptitude ontologique qu’a l’hommede choisir entre les possibilités d’action avec envie et savoir. La responsabilité et la libertésont donc complémentaires. » 15

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16. JONAS, Hans. The Imperative of Responsibility : In Search of an Ethics for the Technological Age. The University of ChicagoPress, Chicago & London, 1984.

Si mes actions peuvent intervenir dans les conditions d’existence d’une entité quelconque,celle-ci deviendra l’objet de ma responsabilité. Ce fait est d’autant plus éthiquementsignificatif que la seule existence de cet être est, de sa propre nature, l’affirmation d’unevaleur. En d’autres termes plus concrets, cela présuppose d’une part la vulnérabilité del’existence de l’être et, de l’autre, le risque qu’il soit atteint par mon pouvoir d’agir (parhasard ou délibérément). Jonas prévient pourtant que «… tout élargissement du pouvoirimplique l’élargissement de ses conséquences dans l’avenir ».16

Par voie de conséquence, tout exercice correctif de responsabilité exige prudence, basée surl’évaluation judicieuse de nos actes, formulant des modèles théoriques capables d’augmenternotre capacité de prédictibilité, au moyen de simulations prospectives. Cela engage un largechamp de recherches : la confrontation de l’exercice des pouvoirs actuels à leurs conséquencesfutures, raisonnablement présumables.

Aucune des propositions éthiques établies jusqu’à présent n’a dû comprendre les risquesportés sur les conditions générales de la vie humaine, ou les incertitudes concernant l’avenirdes générations à venir sur Terre. Voilà que cette question s’impose. Sous ces conditionsinédites, l’articulation d’une nouvelle conception des droits et de devoirs s’impose, etpourtant, aucune éthique ou principe métaphysique n’a été capable d’en établir.

D’après Hans Jonas, l’éthique de la responsabilité devrait prendre pour base une« futurologie », c’est-à-dire une projection scientifique et technologique, des scénariosauxquels les actions actuelles devront conduire. Et si le tournant du XIXe siècle a été fertiled’utopismes dont les traces sont ineffaçables au XXe siècle, il est urgent que le seuil duXXIe siècle soit caractérisé par les futurologies d’avertissement.

Nous vivons une époque de révolution… L’incertitude est inhérente à cette assertion. Revoicidonc le point de départ de notre discussion. Au vu de cette incertitude, nous ne pouvonsque reconnaître que l’écart entre la vitesse absurde des progrès scientifique et technologiqueet la vie qui s’est formée à partir des systèmes traditionnels de valeurs découvre de façontranchante le monde actuel.

C’est comme si, en quête de réponses à ces nouveaux défis, nous avions été invités à subirune sorte de « régression ». « Régression » qui peut/doit être interprétée comme une sorted’invitation : réviser et remettre en question la trajectoire de la pensée, bâtie par l’histoire del’Occident. Trajectoire qui a permis à l’homme de dévoiler plusieurs des mystères de la vie,plus puissante dans la mesure de ses progrès et, surtout, jalouse du pouvoir acquis aprèsavoir surmonté des limites.

De nombreux événements de cette conquête peuvent attester la réussite du pari fait par leshommes, d’arriver à une certaine façon de connaître le monde et les êtres qui l’entourent.L’efficacité des résultats en est la plus grande preuve.

Au point où nous en sommes cependant, nous pouvons affirmer, que les conséquences surl’existence des hommes sont énormes. Tout effort d’analyse nous impose, en premier lieu,la remise en cause de la structure de cette spirale cumulative de pouvoirs qui, tout envendant de la liberté et en chargeant la dépendance, repoussent éperdument les frontières,

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dans une fuite vers l’avant incessante, qui expose la fragilité de la condition humaine etrenferme la vie dans les idées.

Les défis à présent peuvent être traduits par la question suivante : devons-nous/pouvons-nouslimiter le développement de certaines techniques ou aux investissements destinés à certainesrecherches? De tels défis peuvent tout aussi bien être traduits par cette affirmation : il nousfaut réfléchir sur le sens de nos actions faisables techno-scientifiquement.

Admettons que, à son origine, le savoir soit fondé sur un pacte nu. Un pacte sans contrats,mais qui ne nous épargne pas de l’accomplissement d’un certain accord, une certainepromesse. Les défis auxquels nos sommes exposés actuellement au contraire, nous appellentà ratifier ou à nier le pacte. Quels en sont donc les termes d’engagement? La vie est lepremier mouvement du savoir.

Le terme « conhecer » vient du latin cum essere, « être avec ». En français, « con-naissance »renvoie à « naissance avec ». Con-naître, veut donc dire « naître avec ». La connaissance naîtde la vie. C’est comme si l’histoire de l’homme était le produit d’un pacte qui a marqué lacomplicité entre l’acte de vivre et l’acte de connaître. La connaissance en tant quecomplicité. Un pacte où la vie serait à la source du raisonnement. La vie en tant que dernièreet première instance de la cause de la raison de la connaissance.

Les moyens réels d’intervention apportés par les technologies modernes nous placent face àla constatation suivante : les limites entre la pensée et l’acte sont ténues. De nos jours,connaissance est synonyme de connaissance-acte. Dans ce contexte, nous devons nousinterroger : nous éloignons-nous du premier dessein de la connaissance? Dans quellemesure avons-nous rompu la complicité qui a caractérisé le pacte entre la vie et le savoir ?

Nous devons nous interroger à l’heure actuelle et découvrir auprès de nos enfants, de lanouvelle génération, ce qu’est le présent. Ce qui caractérise l’humain dans l’homme etcomment cet homme peut-il être responsable.

Bianca Antunes Corteschercheuse associée au Département de recherches

de Casa de Oswaldo Cruz/FIOCRUZ

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17. ROSSET, Clément. A Anti-Natureza : Elementos para uma Filosofia Trágica. Rio de Janeiro : Espaço e Tempo, 1989.

18. Id. ibid., p. 56-7.

L’ÉTHIQUE DU NATURALISME ORGANICISTECONTEMPORAIN

NATURALISME ET ARTIFICIALISME

Selon le philosophe français Clément Rosset, les concepts de la nature se regroupent endeux grandes catégories : ou la nature est conçue du point de vue naturaliste ou du pointde vue artificialiste. Selon ses paroles :

«… l’idéologie naturaliste, en principe, est la doctrine selon laquelle la nature existe, grâce àl’existence d’un principe étranger au hasard (matière) et à la volonté des hommes (artifice)…L’idée fondamentale du naturalisme est la neutralisation de l’action du hasard dans la genèsede l’existence : cette idée affirme que rien ne se passe sans raison, et par conséquent, lesexistences indépendantes du hasard ou de l’action de l’homme résultent d’un autre ordre decauses, l’ordre naturel. » 17

D’un autre côté,« La pensée « artificialiste » ne reconnaît pas la nature et juge les caractéristiques fondamentalesdes productions non-humaines identiques à celles des productions humaines, en posant commehypothèse que les deux contribuent au hasard.Refuser à l’existence un caractère naturel, signifie refuser la participation de n’importe quelsystème dénommé Nature.L’artificialisme désigne essentiellement la négation de la nature et une affirmation universelledu hasard ; ce sens donné est à l’opposé des formes anthropocentriques qui se sont manifestéesdepuis Aristote… »18

Enfin, pour les buts qu’on se propose :« …nature et artifice désignent plutôt deux formes de regard que deux instances existantes. Deuxformes de regard également impérialistes et également exclusives. Le monde apparaît soit commenature, soit comme artifice, mais jamais comme un composé des deux instances. De cette façon,dans une perspective naturaliste, toute existence peut être dite naturelle, puisque l’action de l’artet celle du hasard apparaissent comme des accidents situés aux deux extrémités de l’échelle devaleurs et sont secondaires par rapport à la constitution naturelle : le hasard représente lesinévitables échecs ; l’homme (la technique et l’art), le chef-d’œuvre. De la même façon, dans uneperspective artificialiste, toute existence, étant également tributaire du hasard, peut être affectéepar un même coefficient d’artifice. Toute position mixte qui voudrait décrire l’existence humaine– particulièrement l’existence humaine – comme un composé d’artifice et de nature serait uneposition infailliblement naturaliste, puisqu’elle distingue les deux instances – même si elle refusede les localiser avec suffisamment de précision, aussi bien psychique qu’historique – et affirmel’émergence de la technique humaine sur un fond de nature : de cette façon, reste respecté lerègne des trois natures aristotéliques (nature naturelle, humaine et fortuite). (…) nature et artifice

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19. Id. ibid., p. 67-68.

ne définissent pas deux aspects complémentaires de l’existence, mais deux points de vue excluantpar rapport à l’ensemble des existences : deux points de vue que nous décrirons comme le pointde vue de l’interprétation (nature) et du refus global d’interpréter (artifice). »19

La position de Rosset est intéressante et, son point de vue naturaliste présent dans cetouvrage n’indique pas de discordance dans son raisonnement. La réalité y figure d’une façondifférente. En l’expliquant, on observe le monde sous un angle naturaliste. Quelquescommentaires qui défendent du naturalisme sont quand même nécessaires. Rossetconsidère la nature en tant qu’entité ou concept, situé entre deux pôles : à l’une desextrémités, le hasard, qui secoue l’ordre de la nature ; à l’autre, l’artifice, la constructionhumaine, qui exprime un genre d’ordre opposé à la nature. Ainsi, en dépit d’uneinterprétation plus profonde, il semble que le philosophe réaffirme la dualité cartésienne,discernant nature de culture et y introduisant un nouvel élément qui ne ferait partied’aucune des entités : le hasard.

Edgar Morin, intellectuel qui cherche depuis la fin des années 60, une liaison complexeentre nature et culture, peut enrichir le point de vue. Selon sa façon de raisonner, la naturen’élimine pas le hasard. Au contraire, elle l’incorpore comme l’un des éléments les plussignificatifs du tétragramme:

L’ordre exclut le hasard. D’où sa rigidité. Le désordre est le royaume du hasard. D’où soncaractère chaotique. L’organisation intègre l’ordre et le désordre organiquement. Dans soncœur, le hasard ne permet pas aux systèmes organisés le risque de l’inflexibilité. D’un autrecôté, l’ordre sauvegarde de dissipation l’organisation. Ainsi le hasard n’est pas en dehors,mais bien au sein de la nature.

Un autre postulat de grande portée, adopté par Morin et qui surpasse le dualisme de laraison classique, rattache les liens entre la nature et la culture, en déléguant au cerveauhumain le rôle de lien entre les deux. Selon ce prisme :

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20. Sur MORIN, Edgar, cf. surtout O enigma do Homen. Rio de Janeiro, 1975, et les quatre volumes de O Método : vol. 1 : ANatureza da Natureza (Mira-Sintra : Europa-América, s/d) ; vol. 2 : A Vida da Vida (Mira-Sintra : Europa-América, s/d) ; vol, 3 :O Conhecimento do Conhecimento (Mira-Sintra : Europa-América, s/d) ; vol. 4 : As Idéias : a sua natureza, vida, habitat etorganização (Mira-Sintra : Europa-América, s/d).

21. BLACKBURN, Simon. Dicionário Oxford de Filosofia. Rio de Janeiro : Zahar, 1997

22. Id. ibid., p. 241-242.

De cette manière, la culture humaine ne s’oppose pas à la nature. Au contraire, elle peutêtre comprise comme un produit complexe de la nature ou comme la nature elle-même àun niveau apparemment différent, mais, en dernière instance, dérivée d’elle-même. Onconstruit donc une conception unique et nouvelle de la nature, édifiée cette fois-ci sur lascience contemporaine.20

ORGANICISME ET MÉCANICISME

Du côté naturaliste, nous pouvons réunir les différentes idées au sujet de la nature, énoncéespar les cultures humaines – de la plus lointaine à la plus actuelle – en deux grandsensembles. Le premier – l’organicisme – s’est révélé dominant dans 98 % de l’histoire del’humanité et consiste à considérer la nature comme un organisme vivant et complexe,autonome et maître d’une sorte de volonté. La conception magique des peuples archaïques,la conception mystique et intuitive des Upanishads, du bouddhisme, du jaïnisme et dutaoïsme, ainsi que la conception interrogative et contemplative des penseurs physiques grecsen sont des exemples. Dans cet ouvrage, l’organicisme n’a pas l’acception que lui accordeBlackburn :

« Une doctrine selon laquelle les structures organiques ne sont pas le résultat de la seule matière,qui a la particularité de s’adapter aux circonstances. Cette théorie a eu une vie brève parcequ’elle s’est opposée au darwinisme et au vitalisme. » 21

La seconde – le mécanicisme – s’est établie en Europe occidentale, au XVIIe siècle, au seind’un mouvement intellectuel connu comme Révolution scientifique. Le philosophe françaisRené Descartes en est son plus grand articulateur. Il s’agit d’une conception qui réduitl’univers à des atomes durs et indivisibles qui, combinés entre eux, forment des mécanismessemblables aux horloges et aux automates, fonctionnant harmonieusement. Les êtresvivants ne sont plus que des robots couverts d’écailles, de cuir, de plumes, de peau, à partl’homme, dont la nature physique abrite une entité métaphysique faiblement liée à lui :l’esprit ou la raison. On façonne ainsi un dualisme entre le corps et l’esprit. Au sujet de cetteconception, Balckburn ajoute :

« La croyance que tout peut être expliqué par des théories fondées sur des explications duXVIIe siècle d’explication scientifique qui ont pris comme paradigme des lois quantitatives quigouvernent l’interaction des particules, en fonction desquelles peuvent être comprises, à larigueur, les autres particularités des matériaux (atomisme, conception galiléenne du monde,corpuscularisme). En biologie, le mécanicisme est la thèse hostile aux causes finales (causesmatérielles, formelles, efficaces, finales) ou à la téléologie, selon laquelle les animaux doiventêtre vus comme des systèmes matériels » 22

Le même auteur considère le naturalisme comme une perspective générale, qui cherche à toutexpliquer par l’intermédiaire des méthodes des sciences de la nature (sous un prisme de

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23. Id. ibid, p. 261.

24. Id. ibid., p. 129

25. Id. ibid., p. 256

l’organicisme contemporain, des sciences humaines sur la nature non-humaine). De ce pointde vue, le dualisme animal – homme, corps – esprit et nature – société, du point de vue de laconception mécaniciste, serait rejeté par un bon naturaliste comme un genre de naturalisme,puisque l’homme au moins, dans sa priorité sur les autres êtres, l’esprit et la société, a coupéles liens avec la nature ou garde avec elle (comme dans le cas du corps) de minces liaisons.23

Cependant, le caractère naturaliste octroie au mécanicisme la croyance de ses chefs dansl’existence de la nature, malgré la forte présence de l’artifice et de la métaphysique.

UNIVERSALITÉ DE L’ÉTHIQUE

Encore selon les enseignements de Blackburn, l’éthique, terme dérivé du grec ethos,caractère, est :

L’étude des idées du raisonnement pratique : le bien, l’action correcte, le devoir, l’imposition, lavertu, la liberté, la rationalité, le choix. C’est aussi l’étude de second ordre des caractéristiquesobjectives, subjectives, relatives ou sceptiques que les affirmations faites dans ces termes puissentprésenter. » 24

L’idée est souvent confondue avec celle de la morale. En fait, les deux ne sont pas éloignéesl’une de l’autre. Le même auteur rajoute :

« Bien que la morale des personnes et leur éthique se confondent, un emploi du terme restreintla morale aux systèmes comme celui de Kant, édifié sur des notions comme le devoir, l’impositionet les principes de la conduite, réservant à l’éthique la perspective la plus aristotélicienne duraisonnement pratique, fondée sur la notion de la vertu et qui, d’une manière générale, évite laséparation des considérations « morales » d’autres considérations pratiques. Les problèmesexégétiques sont complexes, bien que quelques commentateurs présentent un Kant plusaristotélique et un Kant plus intéressé au domaine spécifique de la responsabilité et du devoir,au contraire de ce que suggère le simple contraste. » 25

Toutes les cultures et tous les systèmes religieux formulent une distinction entre le bien etle mal, le vrai et le faux, le défendu et le permis, la norme et la transgression, la vertu etle péché. Ils proposent tous une notion de péché originel, issu de l’émergence de laconscience, bien qu’elle n’entraîne pas une idée d’éthique, comme en Occident. Il est aussirare de trouver un système philosophique sans dérivations éthiques. Cependant c’est dansl’individu que l’éthique générique, la morale et son emploi dans la vie pratique, vont serencontrer. C’est par la conduite de l’individu que l’on peut s’emparer de l’une des valeurs(la morale) pour en arriver à l’éthique.

CONTEXTE DE L’ÉTHIQUE

Avant l’occidentalisation du monde, dans un procédé surnommé aujourd’hui ad nauseampar l’épithète de la mondialisation, chaque anthropo-société construisait et vivait son éthiqueet chaque individu guidait sa conduite selon des valeurs morales plus ou moins flexibles,

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26. HAMMURABI. O código de Hammurabi (introduction et commentaires de BOUZON, E.). Petrópolis : Vozes, 1976.

27. BECCARIA, Cesare. Dos Delitos e das Penas. São Paulo : Hemus, 1974.

28. ARISTOTE. A Política. São Paulo : Atena, 1957.

par rapport au système majeur. Suivant l’occidentalisation progressive du monde, l’Europea imposé ses valeurs aux autres anthropo-sociétés, tant et si bien que, de nos jours, au-delàdu pluralisme des éthiques restantes, nous voilà face à une éthique commune minimale etde base, illustrée surtout par la Déclaration universelle des droits de l’homme, proclaméeen 1948 par l’Organisation des Nations unies.

On ne peut cependant pas perdre de vue que l’éthique et la morale doivent figurer dans uncontexte, pour avoir un sens. Faut-il adopter un regard anthropologique pour comprendreles conceptions éthiques des plusieurs anthropocultures et leurs procédures morales, souspeine de les juger précipitamment.

Prenons la Loi de Talion, par exemple, et la particularité des châtiments, consacrés dans leCode de Hamurabi, qui étaient acceptés en toute naturalité. Nous en avons choisi certainsparagraphes pour illustrer ce qui, de nos jours, serait éthiquement inadmissible :

« § 195. Si un fils frappe son père : on lui coupera la main. § 196. Si un awilum (homme libre)a détruit l’œil d’un (autre) awilum: ils lui détruiront l’œil. § 198. S’il a détruit l’œil d’un muskênum(classe sociale intermédiaire entre libres et esclaves) ou s’il a brisé l’os d’un muskênum: il pèseraune mine d’argent. § 199. S’il a détruit l’œil de l’esclave d’un awilum ou s’il a cassé l’os de l’esclaved’un awilum: il pèsera la moitié de son prix. » 26

Comme on peut le vérifier, l’universalité n’y est pas présente. Il y a une réciprocité dechâtiments au sein de chaque classe et une différence entre elles. Si l’on avance de quelquessiècles, en Occident, avec le mouvement intellectuel des Lumières, nous y retrouveronsl’universalisation des lois et la condamnation de la peine de mort, entendant l’individucomme un citoyen avec droits et devoirs, indépendamment de son niveau social. La penséede Beccaria exprime bien cette conception qui a prospéré dans le monde occidental et quia été imposée à toutes les cultures humaines de la planète. 27

« La nature a été plus généreuse avec l’animal qui vit sous l’apprivoisement de l’homme qu’avecla bête féroce ; il est utile à tous les animaux de vivre sous la dépendance de l’homme. Ils ytrouvent leur sécurité. Les animaux sont mâles ou femelles. Le mâle est plus parfait et gouverne ;la femelle l’est moins et obéit. La même loi peut aussi se reporter naturellement à tous leshommes. Il y a dans l’espèce humaine des individus si inférieurs aux autres comme le corpsl’est par rapport à l’âme ou le fauve par rapport à l’homme; ce sont les hommes dont l’emploide la force physique est le mieux qu’on en puisse obtenir. (…) de tels individus sont destinés, parla nature, à l’esclavage ; pour eux, rien n’est plus facile qu’obéir. Tel est l’esclave par instinct : ilpeut appartenir à autrui (et il lui appartient aussi de facto) et ne possède pas plus de raisonqu’il est nécessaire pour en éprouver un sentiment vague ; il n’est pas dans la plénitude de laraison. Les autres animaux, qui en sont dépourvus, suivent les impressions extérieures. L’utilitédes esclaves est plus ou moins la même que celle des animaux domestiques : ils nous aident avecleur force physique dans nos nécessités quotidiennes. La nature, elle-même, semble vouloir doterde caractéristiques différentes les corps des hommes libres et ceux des esclaves. » 28

La sérénité du philosophe qui exprime ses idées nous laisse à entendre qu’elles ont étéacceptées naturellement, puisqu’elles intégraient le corps éthique de la culture hellénique,

31Réflexions sur l’éthique et la durabilité

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29. LOCKE, John. Segundo Tratado sobre o Governo. São Paulo : Ibrasa, 1963.

30. AZEREDO COUTINHO, José Joaquim da Cunha de. « Análise sobre a Justiça do Comércio do Resgate dos Escravos daCosta da África ». In : Obras Econômicas de J.-J. da Cunha de Azeredo Coutinho. São Paulo : Companhia Editora Nacional, 1966.

31. Déclaration universelle des droits de l´homme.

32. MAQUIAVEL, Nicolau. A Arte da Guerra ; A Vida de Castruccio ; Castracani ; Belfagor, o Arquidiabo. Brasília : EdUnB, 1980.

dans sa phase grecque. De nos jours cependant, aucune d’entre elles ne pourrait êtredéfendue du point de vue de l’éthique, à part la condition des animaux, et encore dans uneéthique du sens commun. Hormis cet aspect, proclamer impunément que l’homme estsupérieur à la femme et que celle-ci lui doive de l’obéissance serait improbable. Il n’est paspossible non plus de plaider la supériorité de certains hommes sur d’autres, basé sur leursdifférences physiques, à l’exemple des insectes sociaux, condamnant les inférieurs àl’esclavage et les supérieurs à la domination, les deux états naturels.

Même Locke, un pionnier du siècle des Lumières, considère légitime de remplacer la peinede mort par l’esclavage.

« Personne ne peut donner plus de pouvoir qu’il n’en possède ; et celui qui ne peut enlever desoi-même sa propre vie, ne peut concéder à autrui le pouvoir sur elle. Ayant perdu le droit à lavie par sa faute, en fait, faute d’une attitude méritante de mort, celui à qui il l’a cédée peuts’attarder à la prendre lorsqu’il l’a entre ses mains, l’employant à son propre service ; cela ne luifait aucun tort, puisque, chaque fois qu’il estimera que la souffrance de l’esclavage surpasse lavaleur de la vie elle-même, qui est entre ses mains, il pourra, résistant à la volonté du seigneur,attirer vers soi la mort qu’il désire. » 29

José Joaquim da Cunha de Azeredo Coutinho, considéré le fondateur de l’économiepolitique brésilienne, entendait l’esclavage des noirs africains comme un excellentinstrument civilisateur. Selon lui, l’esclavage pratiqué en Afrique était barbare, tandis quel’esclavage exercé par les occidentaux rachetait l’Africain d’une condition sous-humaine pourlui offrir une rare occasion de s’humaniser. Quant aux Indiens, il défendait leur acculturationpar l’intermède des activités économiques qu’ils savaient exercer, surtout l’abattage d’arbreset la pêche.30 Malgré le fait que l’esclavage était déjà critiqué par l’universalisme illuministe,Azeredo Coutinho semblait le défendre en toute naturalité, surtout lorsqu’il l’envisageaitcomme une manière de sauver l’homme d’une servitude abrutissante et le placer dans lacivilisation.

Selon la perspective de la Déclaration universelle des droits de l’homme, l’esclavage est l’unedes conditions humaines les plus condamnables du point de vue de l’éthique. Dès sonpremier article, elle détermine que « Tous les êtres humains naissent libres et égaux endignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns enversles autres dans un esprit de fraternité. » Cette règle d’or corrobore avec son quatrièmearticle : « Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude ; l’esclavage et la traite des esclavessont interdits sous toutes leurs formes. » 31

Prenons encore un exemple supplémentaire : la guerre. Dans presque toutes les sociétéshumaines du passé, la guerre de conquête était non seulement justifiable éthiquement, maisétait aussi source de héros et exaltait les États. Machiavel a écrit un opuscule qui défendaitla guerre comme un instrument éthiquement valable à la prise et maintenance du pouvoir.32

Actuellement, la guerre de conquête est encore pratiquée. On lui cherche cependanttoujours une raison éthique, digérable : la sécurité de l’État, sécurité de la société, le combat

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33. ECO, Umberto. « Pensar a guerra ». In : Cinco Escritos Morais. Rio de Janeiro/São Paulo : Record, 1998.

34. BONDER, Nilton, e SORJ, Bernardo. Judaísmo para o Século XXI. Rio de Janeiro : Jorge Zahar, 2001 ; BOFF, Leonardo. Ecologia,Mundialização, Espiritualidade. São Paulo : Ática, 1993 ; Id. Ecologia : Grito da Terra, Grito dos Pobres São Paulo : Ática, 1995 ;MOLTMANN, Jürgen. Doutrina Ecológica da Criação. Petrópolis : Vozes, 1993 ; NASR, Seyyed Hossein. O Homem e a Natureza.Rio de Janeiro : Zahar, 1977.

35. TERRA, J.E.M. A Bíblia e a Natureza. São Paulo : Loyola, 1986.

aux menaces virtuelles à la paix etc. Les pacifistes défendent la suppression des accrochagesd’une fois pour toutes, comme l’illustre le solide argument d’Umberto Eco :

« Proclamer l’impossibilité de la guerre est un devoir. Même dans l’absence de solutionsalternatives. Se souvenir, au moins, que notre siècle a connu une excellente alternative à laguerre, la guerre ‘froide’ ; Occasion d’horreurs, d’injustices, d’intolérance, de conflits locaux, deterreur diffuse, l’histoire, finira par admettre que ce fut une solution assez humaine etrelativement douce, qui eut même des vaincus et des vainqueurs. Il n’appartient cependant pasà la fonction intellectuelle de déclarer des guerres froides. » 33

Dans une société de plus en plus mondialisée par l’Occident, le contexte éthique de fondtend à avoir une racine occidentale. La Déclaration universelle des droits de l’homme jouerapeut-être son rôle de constitution mondiale, faisant place à des éthiques régionales etnationales acceptables. Même si, moralement, le sacrifice des vierges est l’infanticide rituel,jeter les religieux aux fauves, la lutte des gladiateurs, la torture etc. sont inadmissibles,plusieurs d’atrocités sont perpétrées tous les jours, en évidente contradiction aux Droits del’homme proclamés. Face à la crise de l’environnement, le besoin d’une nouvelle charte dedroits s’impose, y compris les droits de la nature non-humaine.

L’ÉTHIQUE CLASSIQUE ET LA NATURE

La conception classique de la nature puise de ses racines les plus profondes la traditionjudéo-chrétienne. Les théologiens juifs, chrétiens et musulmans progressistes ont beaus’efforcer à démontrer que Dieu n’a pas concédé à l’homme la maîtrise sur la nature, mais,au contraire, qu’il l’a nommé le majordome du paradis, rôle qu’il n’a pas su jouer d’unemanière satisfaisante, d’où son expulsion de l’Eden, 34 la théologie qui a prévalu pendantdes siècles est bien exprimée par un théologien utilitariste contemporain :

« La notion de création est la désacralisation du cosmos. Le monde n’est pas naturellementsacré ; il ne participe pas à la nature divine, il n’en est pas l´émanation de Dieu (…). La narrationde la création de l’univers est faite en fonction de la création de l’homme qui est au centre detout et est appelé à prendre conscience de sa responsabilité envers le monde face à Dieu, enexerçant sa maîtrise sur les choses créées. » 35

Désacraliser radicalement le monde revient à l’épargner de son caractère organiciste etouvre les voies menant à l’énonciation d’une conception mécaniciste, qui considère la natureune entité inanimée. L’anthropocentrisme vient du concept « homme placé au centre d’unecréation amorphe ». La nature prise pour une chose, dénote une attitude utilitariste. Pas demajordome de l’Eden, donc comme l’ont préconisé les théologiens progressistes, touchéspar la crise contemporaine de l’environnement.

Le second grand pas vers une conception mécaniciste et manipulatrice de la nature a étéfait par l’Humanisme, mouvement intellectuel et artistique des XVe et XVIe siècles. La plupart

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36. FICINO, Marsílio. « Teologia Platônica ». Apud. VÉDRINE, Hélène. As Filosofias do Renascimento. Lisboa : Europa-América,1974.

37. NETTESCHEIM, Agripa de. « De Occulta Philosophia ». Id. ibid.

des intellectuels qui en faisaient partie secouèrent la triade médiévale, selon laquelle Dieuoccupait la première place, conception théocentrique en vigueur. L’homme venait ensuite,jouissant de prérogatives privilégiées, mais modérées. La nature soumise venait enfin,comme le montre le diagramme ci-dessous :

Marcílio Ficino, l’un exposant de l’Humanisme, a déclaré d’un orgueil présomptueux :« Non seulement l’homme se sert des éléments, mais il les embellit, ce qu’aucun animal ne fait.Comme la culture de la terre sur toute la surface du globe est admirable, et comme la constructiondes immeubles et des villes est étonnante ! Comme l’irrigation des eaux est ingénieuse ! Faut-ilencore remarquer que ce n’est pas le premier venu qui peut découvrir pourquoi ou comment unouvrage construit avec adresse par un habile artisan a été réalisé, mais uniquement celui quipossède un talent équivalent. » 36

Le concept de nature au service de l’« Homme » est présenté dans ce passage de Nettesheim,un autre nom illustre de l’Humanisme:

« Étant donné qu’il y a trois espèces de mondes, à savoir, l’Élémental, le Céleste et l’Intellectuelet que chaque monde inférieur est gouverné par celui qui lui est immédiatement supérieur et enreçoit les influences, de sorte que l’Archétype lui-même et le Créateur souverain ouvrier nouscommuniquent les vertus de son omnipuissance par les Anges, les Cieux, les Étoiles, lesÉléments, les Animaux, les Planètes, les Métaux, les Pierres, ayant fait et faÇonné toutes leschoses visant notre usage, et, c’est pour cela que les Magiciens croient que nous pouvonspénétrer naturellement par les mêmes degrés… jusqu’au monde de l’archétype lui-même… »(souligné par moi).37

Bien qu’une vision magique et ésotérique puisse subsister dans ces écrits, ce qui étaitd’ailleurs assez commun pendant la Renaissance, la croyance que la nature n’existe que pourservir à l’homme semble éminente.

Avec la révolution scientifique, au XVIIe siècle, la représentation d’une nature mécanique,inanimée et automatisée se consolide si fortement qu’aujourd’hui encore, elle se montrerésistante. Vue comme un dépôt d’où l’on peut extraire des ressources illimitées et, en mêmetemps, dépôt d’ordures à capacité infinie d’absorber les déchets des procédés productifs, lanature est, finalement, soumise à la volonté de l’« Homme ». Descartes l’a conçue ainsi :

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Dieu

Homme

Nature

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38. DESCARTES, René. Discours de la Méthode. Paris, Ferdinand Nathan, 1981.

«… Mais, sitôt que j’ai eu acquis quelques notions générales touchant la physique, et que,commençant à les éprouver en diverses difficultés particulières, j’ai remarqué jusqu’où ellespeuvent conduire, et combien elles diffèrent des principes dont on s’est servi jusques à présent,j’ai cru que je ne puis les tenir cachées sans pécher grandement contre la loi qui nous oblige àprocurer autant qu’il est en nous le bien général de tous les hommes : car elles m’ont fait voirqu’il est possible de parvenir à des connoissances qui soient fort utiles à la vie ; et qu’au lieu decette philosophie spéculative qu’on enseigne dans les écoles, on en peut trouver une pratique,par laquelle, connoissant la force et les actions du feu, de l’eau, de l’air, des astres, des cieux, etde tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connoissons lesdivers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usagesauxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature. Cequi n’est pas seulement à désirer pour l’invention d’une infinité d’artifices, qui feroient qu’onjouiroit sans aucune peine des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s’y trouvent,mais principalement aussi pour la conservation de la santé, laquelle est sans doute le premierbien et le fondement de tous les autres biens de cette vie… » 38

Lorsqu’il se rapporte aux forces du feu, de l’eau, de l’air, des astres et des cieux, Descartesfait allusion aux physiciens grecs. En s’opposant à une philosophie spéculative, il se battaitcontre les systèmes aristotélique et scolastique. Avec la défense ardue d’une philosophieutile à l’homme, le penseur consolidait définitivement le biais utilitariste de la traditionjudéo-chrétienne et définissait une éthique humaniste dont le but majeur était le bien-êtrede l’« Homme ». Il est bien vrai qu’il s’agissait d’une éthique théorique de la nature, mais,sans doute aussi d’une éthique qui convenait aux intérêts d’une économie de marchéascendante, au XVIIe siècle. Le siècle des Lumières a raffiné une telle vision du monde et aréaffirmé l’éthique décurrente. Il est clair que certaines voix dissonantes se sontmanifestées, comme celle de Rousseau, par exemple. L’utilitarisme mécaniciste a toutefoisrencontré les conditions les plus favorables pour devenir hégémonique jusqu’à nos jours.

L’ÉTHIQUE CONTEMPORAINE

Les mathématiques non-euclidiennes ; les révolutions de la physique thermodynamique, dela relativité, de la physique quantique et de la physique du chaos ; la géologie historique ;l’évolutionnisme biologique ; l’éthologie ; la théorie des systèmes complexes et d’autrescontributions scientifiques ont profondément ébranlé les fondations du déterminismemécaniciste. La raison monologique de la Modernité, appuyée sur les mathématiqueseuclidiennes, a souffert un dur revers avec les postulats de Bertrand Russel et de Whitehead,qui montraient que sa base scientifique n’était plus fiable pour les soutenir. La raisondialogique, fondée sur l’argumentation, a gagné du terrain exigeant la consistance dessystèmes de raisonnement, admettant toutefois que la pluralité des concepts quis’enrichissent par le dialogue, sans pour autant se confronter, perdre ou gagner. Certainesquestions irréductibles devraient être acceptées et respectées par ceux qui pensentautrement.

L’anthropologie a énormément contribué remettant en question la suprématie de lacivilisation occidentale vis-à-vis des autres cultures de la planète. Chaque culture a

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39. ERIBON, Didier et LÉVI-STRAUSS, Claude : De Près et de Loin, Paris, Odile Jacob, 1988.

commencé à être vue de soi-même, avec sa logique interne, et non plus comme des étapesou comme des fossiles d’étapes à travers lesquelles le monde occidental était passé pourarriver à une position d’apogée et de supériorité. La paléontologie et l’éthologie ontdémontré que la société et la culture – considérées jusqu’alors comme apanages humains– sont des phénomènes extrêmement courants de la nature. Les hominidés n’ont guèreinventé de société ou de culture, mais, avant cela, l’existence de sociétés organisées et demanifestations protoculturelles entre les primates a rendu possible la constitution deshominidés et, plus tard, de l’Homo sapiens sapiens.

La crise de l’environnement est devenue un autre élément important pour la formationd’une nouvelle représentation de la nature. Les crises environnementales planétaires sontles responsables de la décimation d’incomptables espèces vivantes dans l’histoire de la Terre.Aucune crise n’est cependant comparable à l’actuelle. Pour la première fois, une espèceagissant collectivement par des systèmes économiques écologiquement insoutenables(capitalistes ou socialistes), est à l’origine d’une crise d’environnement à proportionplanétaire. Cette espèce est la nôtre. Face à des phénomènes tels la surexploitation desressources naturelles non-renouvelables, la destruction des écosystèmes aquatiquescontinentaux et océaniques, la suppression des écosystèmes végétaux natifs, la proliférationde grandes unités génératrices d’énergie et industrielles, d’activités agricoles et d’élevage debétail chimio-intensives, l’explosion démographique, l’urbanisation accélérée et sanscontrôle, l’extinction massive des espèces de tous les royaumes, les différentes formes depollution et les changements de la structure climatique de la planète (réchauffement global,destruction de la couche d’ozone et pluie acide), la communauté scientifique a poussé soncri d’alerte, montrant que la nature a ses limites, au contraire de ce que supposait leparadigme mécaniciste. La nature a une vie propre et ne peut être comprise que par uneméthodologie complexe.

La réflexion sur la crise a provoqué l’énonciation d’une nouvelle conception naturaliste parla science, plus mécaniciste mais organiciste. Le mécanicisme continue en vigueur en tantqu’attitude conservatrice. Le nouvel organicisme n’est pas un retour aux organicismesmagiques, mystiques et intuitifs des anciens, mais une représentation de la nature quiintègre les contributions de la science contemporaine. Cette représentation gagne chaquefois plus de terrain parmi les laïques, mais il faudra encore du temps pour qu’elle soitincorporée au quotidien. Une nouvelle éthique, très bien exprimée par Lévi-Strauss en vient :

[au sujet de sa déposition à l’Assemblée nationale française] « Qu’avais-je proposé ? De fonderles droits de l’homme non pas, comme on le fait depuis l’Indépendance américaine et larévolution française, sur le caractère unique et privilégié d’une espèce vivante, mais au contraired’y voir un cas particulier de droits reconnus à toutes les espèces. En allant dans cette direction(…) on se mettrait en situation d’obtenir un plus large consensus que ne le peut une conceptionrestreinte des droits de l’homme, puisqu’on rejoindrait dans le temps une philosophie stoïcienne ;et dans l’espace, celles de l’Extrême-Orient. On se trouverait même de plain-pied avec l’attitudepratique des peuples dits primitifs, ceux qu’étudient les ethnologues, ont vis-à-vis de la nature ;sans théorie explicite parfois, mais observant des préceptes qui ont le même résultat (…) Si onveut donner l’opportunité à un humanisme modéré, il faut que l’homme modère sa vanité puérileet se convainque que son passage sur terre, qui de toute façon, aura une fin, ne lui confère pastous les droits. » 39

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40. SERRES. Michel. Le Contrat Naturel. Paris : François Bourin, 1990.

Selon cette ligne, on trouve l’avertissement de Michel Serres, lors de sa proposition d’uncontrat naturel qui pourrait non seulement s’agréger au contrat social, mais aussi qui lui enassurerait sa redéfinition, ébauché par une nouvelle entité : la nature non-humaine.40

LA NOUVELLE ÉTHIQUE ET LES ÉNERGIES RENOUVELABLES

C’est dans ce nouveau contexte épistémologique et éthique que les grands systèmescentralisés de génération et de distribution d’énergie perdent leur force, tels leshydroélectriques, les thermoélectriques à charbon, diesel et gaz naturel, ainsi que lescentrales nucléaires. Elles font partie du noyau dur de la Modernité. L’avant-garde desscientifiques détourne chaque fois davantage son regard vers les systèmes décentralisés degénération d’énergie à partir du soleil, du vent, de la biomasse, de la géothermie, del’hydrothermie et des marées. Elles expriment une nouvelle éthique, sur le plan techniqueet technologique.

Arthur Soffiatiprofesseur de l’Institut de sciences

de la société et développement régional Université fédérale Fluminense

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41. Les autres pays mega-diversifiés sont le Mexique, la Colombie, l’Équateur, le Pérou, le Zaïre, Madagascar, la Chine, l’Inde,la Malaisie, l’Indonésie et l’Australie.

ÉTHIQUE ET BIODIVERSITÉ

Au début des années 1980, le terme « diversité biologique » – richesse des espèces – acommencé à être employé par Thomas E. Levejoy, en même temps que son importance,du point de vue de la génétique et des écosystèmes, était reconnue par Elliot R. Norse etson équipe. (Sant’ana 2002)

La préoccupation internationale concernant la gestion de la biodiversité a commencé peuà peu à jouer l’un des rôles principaux dans la politique depuis les années 80, parvenant àune certaine prépondérance dans les années 90. Le Congrès des ressources phytogénétiquesde l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) est à l’origine,en 1983, de l’« Accord international des ressources phytogénétiques », jouissant uniquementd’un caractère bénévole, car aucune volonté politique de la part des pays développés nes’est manifestée, mais prouvant déjà le début d’une discussion sur le contrôle et les bénéficesde la diversité des cultures, développées depuis des millénaires par les paysans. En 1992,lors de la Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement, à Rio deJaneiro (Eco-92), la Convention sur la diversité biologique (CDB) a été signée par 175 pays– ratifiée par 168 – ce qui a étendu le débat sur la conservation, l’usage soutenu et les droitsdes peuples vis-à-vis de leurs ressources naturelles, aux nations du monde. Dans la CDB, ladéfinition suivante de diversité biologique a été adoptée : « la variabilité des organismes vivantsde toutes les origines (…) et les complexes écologiques d’où ils ressortent ; comprenant encore ladiversité au sein des espèces, entre espèces et des écosystèmes » (SBF/MMA: 2000, p. 9). Cecirevient à dire que la biodiversité est le résultat de l’ensemble des êtres vivants, leursmatériels génétiques et leurs rapports avec les écosystèmes auxquels ils appartiennent.

Des rapports du « World’s Resources Institute » démontrent l’existence, dans le monde, de10 à 100 millions d’espèces vivantes. Selon certains biologistes, parmi les 5 et 15 millionsd’espèces de plantes, d’animaux et de micro-organismes vivant sur terre, 1,5 millionuniquement a été décrit et identifié, quelques unes en cours d’extinction. Le Brésil estmondialement reconnu en tant que l’un des 12 pays à mégadiversité41. Tous ensemble, cespays abritent 70 % des espèces de vertébrés, papillons et plantes supérieures et de 15 à 20 %des espèces vivantes de la planète. Quatre-cinquièmes de la biodiversité mondiale setrouvent aux Tropiques et dans les régions subtropicales, et les forêts naturelles abritent aumoins la moitié de toutes les espèces végétales et animales connues.

La société industrialisée est à l’origine de graves problèmes environnementaux tels lapollution de l’air, des eaux, des sols et la réduction croissante de surfaces de forêts protégées.La biodiversité est ainsi menacée dans sa totalité, et certaines espèces en particulier setrouvent en risque d’extinction. L’existence d’une espèce animale ou végétale affectedirectement beaucoup d’autres qui pourraient être elles-mêmes menacées d’extinction,entraînant un déséquilibre plus grave au sein de l’écosystème. Le Rapport de la planète

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42. Irving, Marta de Azevedo. « Écotourisme en Zones Protégées : Un défi dans le contexte brésilien. »

43. cf. troisième chapitre : « Raison et Monnaie. Les Sciences Modernes en tant que forme de connaissance et la Forme Argentde la Marchandise comme Synthèse Sociale ».

vivante affirme qu’entre 1970-1995, le monde a perdu à peu près 30 % de ses richessesnaturelles, ce qui suggère un déclin équivalent en biodiversité42. Près de 17 millionsd’hectares de forêts tropicales sont déboisés tous les ans. Et, selon les calculs, de 5 % à 10 %des espèces qui habitent cet écosystème risquent de disparaître dans les 30 prochainesannées.

LA BIODIVERSITÉ EN TANT QUE MARCHANDISE

En réponse aux découvertes de la biotechnologie, la biodiversité a cessé de n’être qu’unepréoccupation environnementale pour devenir la « veine d’or » stratégique du XXIe siècle.Elle constitue l’objet d’intérêts économiques croissants et sa valeur en tant que marchandisene fait qu’augmenter.

Le mercantilisme des ressources tangibles et intangibles est une caractéristique propre aucapitalisme moderne et suppose le choix d’un genre de « développement » qui exige unemise en priorité dans le domaine de l’économique, négligeant les autres domaines de la viehumaine (social, culturel, politique, religieux etc.)

Lorsque les rapports mercantilistes dépassent les limites du domaine économique pour fairepartie des actions et rapports quotidiens, ils comptent sur un contingent de travailleurs etconsommateurs requis (Polanyi, 1980) enseignés à suivre leurs modèles de conduite. Cetapprentissage a été obtenu grâce à une « initiation » dans le procès de socialisation del’individu (précédant même l’enseignement scolaire), par des exercices quotidiens« d’abstraction du réel » (Bartholo, 1986b) 43. La création conceptuelle de dénominateurscommuns dans l’intellect visant à généraliser les relations mercantilistes, en tant que valeurd’usage et d’échange, a pour but sa naturalisation.

Ce modèle de rapprochement de rapports avec le monde, condition préalable de survie àtous les inscrits dans la société « civilisée », présuppose que « tout a son prix » : ce concepttrouve son image dans l’organisation du travail, le mode de vie, la formation de l’identité etdans la conduite de notre société. Tout ce qui était irréductible à l’échange commercial avant,est mis à disposition comme marchandise, ayant pour seul but l’utilitarisme. Le modèle desrelations mercantilistes hégémoniques – produit historique et culturel de la sociétécapitaliste – détermine la nature des rapports sociaux de pouvoir et un pragmatisme qui nese soucie guère des graves conséquences humaines et sociales, qu’il aura engendrées.(Soares, 2000)

Le cas de la biodiversité, réduite dans sa mesure strictement économique, se traduit parl’oubli du droit collectif intrinsèque de l’humanité et de son importance à la survieéconomique et culturelle des peuples. Ce procès s’est aggravé dès qu’il est devenu la matière-première d’un marché millionnaire de produits pharmaceutiques, cosmétiques et agricole.Par voie de conséquence, le système de propriété intellectuelle a été employé pour légitimer,fondé sur le Droit, un contrôle privé des ressources biologiques et génétiques, de laconnaissance traditionnelle des peuples autochtones et associés à eux depuis desmillénaires.

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44. Bio-piraterie est définie comme l’usage de la propriété intellectuelle pour légitimer la propriété et le contrôle exclusif desressources biologiques et génétiques et de la connaissance traditionnelle associée, sans que l’on reconnaisse ou récompenseou protège les droits nouveaux informels (communautés traditionnelles, sociétés indigènes et la Nation, en ultime instance)et sans qu’on considère les conditions légales pour l’accès aux ressources de la biodiversité, avec des conséquences nuisiblespour le Pays dans sa totalité (définition adaptée de « Confinamientos de la razón : monopolios intelectuales. Un material de apoyosobre concimiento local, biodiversidad y propriedad intelctual » 1997, RAFI, p. 80)

Pour Vandana Shiva (2001), le droit de la propriété intellectuelle (DPI) est le nom modernepour vol intellectuel et biopiraterie44. L’auteur compare les brevets et les DPA au projet decolonisation de Colomb, il y a cinq cents ans. La Bulle papale qui transformait les actes depiratage de la richesse d’autrui en volonté divine, a été remplacée par l’Accord général surles tarifs et le commerce (General Agreement on Tariffs and Trade – GATT). Les piratesmodernes sont aujourd’hui les entreprises multinationales sponsorisées par lesgouvernements des pays du Tiers-monde et la richesse consiste en espèces modifiées parles nouvelles bio-technologies. Le discours qui prêchait jadis le salut des sauvages quiadhéraient au Christianisme défend de nos jours l’incorporation de systèmes non-occidentaux de connaissance au réductionnisme de la science et de la technologiemercantilisées du monde occidental.

Les brevets sont ainsi une façon moderne de faire de la piraterie un droit des puissancesoccidentales, de la même façon que le Pape émettait des titres de terre fondés sur le droitnaturel des Européens. Cette façon violente de s’emparer continuellement des terres,négligeant les peuples qui en détiennent le droit de propriété naturel, est justifiée parl’argument qu’ils sont incapables de maintenir ou d’améliorer les ressources qu’ilspossèdent. Les contributions culturelles et intellectuelles des systèmes de connaissance non-occidentales sont considérées primitives, y perdant par conséquent tous les droits.

« Au sein de la “découverte” de Colomb résidait le traitement de la piraterie comme droit natureldu colonisateur, nécessaire à la rédemption du colonisé. Au sein du traité du GATT et de seslois de brevets se trouve le traitement de la biopiraterie comme droit naturel des grandesentreprises occidentales, nécessaire au “développement” des communautés du Tiers-monde ».(Shiva : 2001, 27).

Les DPI sont la prescription de la monoculture de la connaissance, signale encore Shiva (2001).L’universalisation du régime de brevets nord-américain par le monde étouffe la créativité etla production sociale du savoir, adoptant une idée d’innovation qui ne reconnaît que les droitsprivés engendrant le profit. Les droits collectifs et les nécessités sociales ne sont pasimportants dans ce contexte. Pour cela, on répand un discours trompeur selon lequel lacréativité est engendrée par la garantie de protection des DPI et des profits qui en sont dérivés.

Le brevetage des êtres vivants a commencé par les micro-organismes, ayant été justifiécomme un produit de l’intervention/manipulation humaine. Il n’y a cependant pas decréation d’une nouvelle vie et les générations futures sont le produit de la capacitérégénératrice de l’organisme lui-même. L’indéterminisme et l’imprévisibilité de lamanipulation des êtres vivants signalent l’écart entre la théorie et la pratique, lesprofits/bénéfices et les dangers/risques. Cela s’aggrave, à chaque nouvelle découverte oùon en réclame les droits de propriété, tandis que les conséquences dites naturelles n’ontjamais de responsable, ce qui dénote le manque de fondement de la biosécurité. L’argumentfondé sur l’objectivité scientifique se révèle, dans ce cas, subjectif et opportuniste.

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45. La recherche et le développement des ressources biologiques et génétiques en tant que objectifs pharmaceutiques,cosmétiques ou alimentaires, réalisé par l’emploi de technologies de pointe pour identifier les propriétés actives des ressources(plantes, micro-organismes etc.)

La prise d’importance du modèle réductionniste de la biologie, fondé sur les intérêtscommerciaux de l’ingénierie génétique et des industries de biotechnologie, pousse toutd’abord en avant l’extinction des espèces qui ont une très basse ou aucune valeur théoriquepour l’homme et, ensuite, compare la conduite des organismes vivants à celle des machines,louant l’importance des gènes en permettant le brevetage des formes vivantes. Ce réduc-tionnisme apporte de sérieuses implications épistemologiques, éthiques, écologiques etsocio-économiques.

« La fragilité du pouvoir théorique explicatif du réductionnisme est compensée par son pouvoiridéologique, ainsi que par l’appui économique et politique qui lui est apporté. » (Shiva : 2001,p. 53).

La biodiversité est – et doit continuer – une ressource locale de propriété communautaire,définie à partir de l’existence de systèmes sociaux qui l’emploient selon des principes dejustice et de soutien, suivant une combinaison de droits et de responsabilités entre lesusagers. La négligence du savoir local et la négation de ses droits au nom d’un monopolede l’emploi de la diversité biologique sous l’argument de nouveauté, justifient la privatisationde la connaissance qui, auparavant, était échangée librement (semences, connaissance desplantes médicinales etc.).

L’idée d’innovation adoptée n’attache pas assez d’importance aux contributions à laconservation, la création de variétés, l’apprivoisement et le développement de ressourcesgénétiques animales et végétales des peuples du Tiers-monde tout au long des 10000dernières années. D’innombrables variétés de plantes et de races d’animaux différents ontété créés à partir du travail de l’observation, l’expérimentation, l’intervention et la sélectionsystématique, réalisée par de petits cultivateurs et par des peuples autochtones. Un exemple :depuis sa domestication il y a 8000 ans, plus de 100000 variétés de riz ont été développées(quelques-unes poussant dans le désert, d’autres dans des zones marécageuses et d’autresencore dans de climats plus froids etc.). Ce matériel perfectionné et sélectionné incorporel’expérience, l’esprit inventif et le travail des communautés précédentes et présentes, estméprisé face aux contributions scientifiques des grandes entreprises, qui révèlent despréjugés sociaux et de grands intérêts économiques. Le changement génétique obtenu lelong de millénaires est, sans doute, bien supérieur à celui obtenu par les recherchessystématiques des 100 ou 200 dernières années. En même temps pourtant, le savoirmillénaire accumulé par des populations autochtones – le long des rivages, populationsmétisses et en particulier les communautés indiennes – concernant les pratiquestraditionnelles de l’emploi des plantes destiné à la médecine représente des milliards dedollars pour les industries chimiques et pharmaceutiques correspondant, selon lesspécialistes, à une économie qui peu remonter à 80 % des investissements nécessaires enbioprospection45 à la fabrication d’un seul médicament. Cette dévalorisation, ou valorisationminimale des connaissances vise à attribuer le droit et le contrôle à ceux qui développentles produits et les répandent dans le marché, ou encore, à quelques groupes multinationauxqui détiennent le monopole du marché des produits de biotechnologie.

Une nouvelle drogue demande plus ou moins 350 millions de dollars entre la production etla distribution dans le marché, dans une période qui peut s’étendre de 5 à 13 ans, pouvant

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46. Il y avait, aux États Unis, en 1997, 1308 entreprises de biotechnologies dont le profit était estimé en 13 milliards dedollars/an. En 1996, elles ont investi 7 milliards et 7 millions de dollars en recherche et développement de produitsbiotechnologiques, une moyenne de 71 mille dollars pour chaque personne employée dans cette industrie (en comparaisonavec d’autres industries américaines, l’investissement était de 7651 dollars par employé).

47. Voire « Relatório Final da Comissão da Biopirataria na Amazônia » (Brasília, 1997)

engendrer un profit de 1 milliard de dollars par an. On estime que les pays développésreçoivent environ 5 milliards et 400 mille dollars annuellement en droits d’auteur quiconcernent les produits issus des forêts tropicales (les États Unis possèdent le plus granddéveloppement bio-technologique du monde46) ; on prélève tous les ans en Amazonie à peuprès 20 mille exemplaires de ressources génétiques, pouvant valoir de 43 milliards de dollars.Les produits extraits de la forêt à l’état brut, tels le bois-de-rose (fixateur pour parfums) sontvendus à des prix dérisoires et reviennent sous brevet à des prix exorbitants après traitementindustriel.

Ainsi les brevets impliquent moins l’innovation que les territoires. Ils servent d’instrumentsde conquête, se voulant l’accès exclusif à la créativité et à l’innovation, le monopole et lesdroits de possession. Les anciens propriétaires (toutes les communautés autochtones) sontexpropriés pour que ce nouveau genre de colonisation puisse survenir.

La privatisation croissante de la biodiversité menace non seulement les ressourcesbiologiques à la base, mais aussi les moyens d’existence et les droits des communautésautochtones qui en dépendent, ainsi que les savoirs et les technologies développées pourson emploi et sa conservation. Les progrès du contrôle des grandes entreprises sur toute lachaîne de production rongent le droit collectif des communautés à la biodiversité. Les droitsde propriété intellectuelle apportent de grands profits aux agro-industries, groupespharmaceutiques et instituts de recherche des pays développés, qui font la bioprospectiondes ressources biologiques des pays du Tiers-monde, au détriment des gouvernements etcommunautés autochtones.

Outre cette sorte d’appropriation construite « légalement », on remarque les produits brutsqui sont prélevés illégalement de leurs biotopes d’origine. Cet acte nuisible au patrimoinede l’humanité ne se fait pas d’une façon isolée ou sporadique, mais fréquemment et systéma-tiquement (cf. les dénonciations dont sont l’objet les chercheurs d’instituts et universités,qui prélèvent et renvoient illégalement des échantillons d’espèces d’animaux et de plantesd’Amazonie à l’étranger, ainsi que les accords signés entre les instituts de recherchebrésiliens et étrangers qui se servent de chercheurs brésiliens en guise de « collecteurs » dematériaux renvoyés à l’étranger) 47.

Le principe qui guide ces propositions fondées sur l’idée de la privatisation de la biodiversité,se trouve au service d’un modèle de développement qui concentre le capital et le monopoletechnologique des grandes entreprises multinationales sur la production mondialed’aliments, de médicaments et de produits cosmétiques.

Outre la bioprospection dont nous avons déjà parlé, le développement de technologiesagricoles industrielles, vouées à la monoculture de grandes proportions et à la productiond’organismes génétiquement modifiés (OGM), réaffirme ce choix. Ces ensemblestechnologiques sont exportés ou « transférés » aux pays du Sud, attirés par l’appât desprogrammes de crédit associés annoncés comme solution pour réduire la pauvreté ruraleet la faim, « nourrissant le monde ».

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48 Biotechnologie – une variété de technique autour de l’emploi et de la manipulation d’organismes vivants pour fabriquerdes produits commerciaux. Ces techniques renferment la culture cellulaire, la culture des tissus, la transférence d’embryonset des technologies de recomposition de l’ADN.

49. Monsanto est la deuxième plus grande corporation de grains du monde, dont la recette de ventes de grains est estimée enUS$ 1,8 milliard.

Depuis le début du XXe siècle, la séparation entre l’amélioration végétale et la productionagricole a imposé des changements très rapides. Le contrôle du développement des variétésa été transféré du milieu rural à celui des recherches professionnelles, des gouvernementset des entreprises privées. Au cours des années 60, dans les pays du Sud, la Révolution verte– financée pour la plupart d’entre elles par des ressources publiques – a remplacé et détruit(souvent) d’innombrables variétés d’agrosystèmes par la culture des Varietés à Haut Revenu(VARs), y introduisant des fertilisants chimiques, poussant vers de grands plans d’irrigationpour adapter l’environnement à l’insatiable appétit des VARs et, plus tard, appliquant desproduits toxiques contre les plaies de la monoculture.

Avec les progrès de la mondialisation, le contrôle des décisions est chaque fois plusconcentré autour du secteur privé. Le développement de l’ingénierie génétique48 et de sesproduits transgéniques (OGM – organismes modifiés transgéniquement) par les grandesentreprises multinationales – les « géants de la génétique ». Différemment de l’améliorationvégétale, elles permettent le transfert de gènes spécifiques entre les variétés et les espèces,pour obtenir des plantes une résistance temporelle à certains genres de plaies, de maladiesou à des herbicides, visant à augmenter au maximum les bénéfices économiques privés,assurés par le système de droits de propriété intellectuelle et par la production de grainesstériles (« technologie Terminator »).

Un autre grave problème s’avère : la contamination de l’environnement par la pollinisationqui peut atteindre les cultures qui n’emploient pas ces grains. Ainsi, selon les donnés duGroupe ETC – « Grupo de Acción sobre Ersosión, Tecnología y Concentración » (RAFI,auparavant) – les cultivateurs des États Unis et du Canada, dont les cultures avaient étécontaminées par des graines transgéniques apportées par le vent, ont été persécutés par lesentreprises qui en détenaient les brevets (un cultivateur Canadien en aura été condamnéen avril de 2001, et devra payer une amende à la Monsanto49). Au Mexique – l’un desmégacentres mondiaux de diversité agricole du maïs – quelques surfaces ont déjà étéexposées à 60 % de contamination. (Mooney, 2002). Il s’agit d’ailleurs d’une stratégieemployée dans le discours de défenseurs des OGMs pour ratifier l’impossibilité d’annulerl’emploi de cette technologie, prise pour inévitable.

Si l’on compare les deux « révolutions », la Verte et la Biotechnologique, l’augmentation descultures et pays menacés est mise en évidence, ainsi que celle d’autres produitspharmaceutiques et alimentaires, de la concentration du développement privé et de cettetechnologie brevetable et la vulnérabilité génétique est chaque fois plus grande. (Hobbelink,1990).

Il est donc possible de comprendre l’accroissement exponentiel de la capacité de contrôlede l’agriculture dans le monde entier, attribué aux entreprises par ces technologies, ce quiaurait été impensable quelques années en arrière. Cette situation entraîne de graves conflitsentre les intérêts de ces multinationales et les besoins des petits cultivateurs dans le mondeentier, qui sensibilise la recherche et le développement agricole contemporain.

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50. Aux États Unis, on a démontré que le soja Roundup Ready produit des substances qui peuvent modifier les hormones, encausant des problèmes de fertilité. En outre, un supplément alimentaire américain produit par une bactérie transgénique, leL-tiptofano, a tué 37 personnes, tout en laissant à 1,5 mille des séquelles permanentes.

En outre, les impacts de ce genre de technologie sur l’environnement peuvent êtrefacilement vérifiés : l’appauvrissement des sols, la contamination de l’environnement,l’érosion génétique de la biodiversité, la plus grande résistance aux herbicides (demandantde plus fortes doses plus grandes pour atteindre le même effet) et la privatisation desressources.

Un autre important sujet de réflexion est encore l’étroitesse de notre base alimentaire. 95 %de nos nécessités alimentaires sont comblées par 30 genres de plantes uniquement et les3/4 de notre diète se fonde sur 8 cultures (Hobbelink, 1990). Selon la Commission deressources génétiques de l’organisation pour l’alimentation et l’agriculture des Nations unies(FAO), plus de la moitié des variétés des 20 aliments les plus importants existants depuis ledébut du XXe siècle, se sont déjà perdues – le riz, le blé, le maïs, l’avoine, l’orge, les haricotset les pois. Chacune, avec ses gènes uniques et spécifiques, irremplaçables dans leuradaptation aux genres de sol, aux climats, aux maladies, aux plaies etc. De cette manière,la dépendance de croisements avec de nouvelles variétés augmente peu à peu, pour fortifieret réadapter celles qui existent déjà visant pourvoir la population mondiale (MMA, 1998).

Mais, outre l’impact sur l’environnement, cette technologie a de graves conséquencessociales, puisque la biodiversité est cruciale pour la subsistance de plusieurs communautésde petits cultivateurs qui dépendent de la grande quantité de variétés à leur portée,parfaitement adaptées aux différences presque imperceptibles des alentours (telles le genrede sol ou l’altitude) et qui présentent des caractéristiques utiles différenciées (résistance àcertaines maladies, durabilité en magasin etc.) La dépendance économique entraînée par ladissémination de cette technologie complique chaque fois davantage ce segment, quitémoigne une hausse progressive des coûts, conséquence du besoin de l’achat de semenceset de produits pertinents, perdant ainsi le contrôle sur la capacité de production etd’organisation autonome qu’ils possédaient lorsqu’ils développaient leurs propres grains. Unautre facteur important est l’impact sur la santé, qui n’a pas encore été assez analysé pourattester la sécurité alimentaire de ces produits, malgré la constatation de certains casd’allergie (aux États Unis, des réactions allergiques ont empêché la vente du soja quipossédait un gène de la noix du Pará, allergène très connu) et la possibilité d’augmentationde toxines, de résistance aux antibiotiques (l’insertion de « gènes marqueurs » de bactériesrésistantes aux antibiotiques provoque l’acquisition de ces caractéristiques chez lespersonnes qui consomment ces aliments), entre autres 50.

Des réactions à ce modèle apparaissent déjà, dans toutes les parties du monde. Dans lespays du Nord, beaucoup de consommateurs boycottent les aliments transgéniques ; dans leSud, la société civile organise des manifestations, font des actes publics et stimulent desdébats sur le sujet, tandis que les gouvernements n’ont pas toujours la même position ; lespays africains ont obtenu un Protocole international de la biosécurité pour réglementer laculture des transgéniques ; Aux Philippines, le mouvement des paysans a fait pression surle Président pour qu’il déclare un moratoire des expériences de cultures de transgéniques,dans le pays.

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CONCENTRATION DU POUVOIR DES ENTREPRISES, OMC (TRIPS) ET LE CONGRÈS DE LA DIVERSITÉ BIOLOGIQUE (CDB)

Ce processus de développement technologique, lié à un système de propriété intellectuelleet à des accords internationaux de commerce, est une porte grande ouverte au monopolecorporatif de nouvelles configurations d’entreprises de grand pouvoir.

Le rythme et la portée des fusions multinationales ont surpassé le record de US$ 0,9 milliarden 1996, atteignant US$ 3,4 milliards en 1999 (ce qui équivaut à peu près à 10 % du PIBmondial total). En 1998 et en 1999, les fusions globales ont dépassé le total des huit annéesprécédentes, ce qui révèle une concentration de pouvoir rapide et élevée. La valeur desfusions de l’industrie biotechnologique mondiale (sans compter la pharmaceutique) aaugmenté de 1749 % en 10 ans (1988 à 1998). Les « mariages » dans ce sous-secteurpharmaceutique, en 2002, ont dépassé les US$ 400000 milliards (entre engagements et« mariages » consommés). Parmi les agro-industries (d’aliments, de distribution et produitsagricoles), les fusions ont fait un grand bond en 1999, lorsque DuPont a racheté la plusgrande entreprise de semences du monde (Pioneer Hi-Breed) pour US$ 7700 millions. Dansl’agrobiotechnologie, depuis que le leader des fusions – Monsanto – a racheté quasimentUS$ 8500 millions en actions des compagnies de semences, elle a été rachetée de sa partpar la Pharmacia & Upjohn, au cours d’une opération de US$ 37000 millions (le nom de lanouvelle entreprise est Pharmacia). Et, pour en finir, le secteur d’aliments a fait un bondau-delà de toute prévision : presque US$ 150000 millions en acquisitions. (Mooney, 2002).

Ces fusions ne sont que les formes par lesquelles ces sociétés augmentent leurs étenduesen territoires et en technologies, évitant les lois anti-monopole ou les politiques nationalistespar des alliances pour copartager brevets et savoirs faire d’une manière moins réglementée,qui dissimulent la portée du monopole mondial de l’industrie pharmaceutique et de l’agro-industrie.

À l’autre sommet de ce trépied se trouvent les accords internationaux de commerce, fondéssur les droits de propriété intellectuelle, essentiels à toute cette logique d’appropriationprivée des ressources de la biodiversité. L’Organisation mondiale du commerce (OMC)administre les accords multilatéraux les plus importants dans le commerce, dans le but de« supprimer les barrières au libre commerce dans le monde entier », selon la justificativetrompeuse que « la libération du commerce fait du bien à tous ». L’accord sur les droits depropriété intellectuelle est l’un des piliers du régime de commerce mondial, lié auCommerce (Trade Related Intellectual Property Rights – TRIPs), qui, à son tour est le produitdu dernier tour de négociations du GATT (Accord général sur les tarifs et le commerce –General Agreement on Tariffs and Trade), qui a attendu pour sa part 8 ans avant de connaîtresa conclusion. (1986-1994).

Cependant, en 1992 déjà, on signait la Convention sur la diversité biologique (CDB), qui esten vigueur depuis décembre 1993. Le premier texte produit par le PNUMA (Programme desNations unies pour l’environnement) ne mettait pas en évidence la conservation etl’utilisation soutenue des ressources et, après avoir subit la pression politique des pays envoie de développement, a commencé à affirmer la souveraineté sur les ressourcesgénétiques, et à reconnaître le rôle central des communautés autochtones et indiennes dansla conservation de biodiversité et à stimuler les investissements pour la conservation etl’utilisation soutenue de la biodiversité. Puisque la Convention reconnaît les droits de lapropriété intellectuelle à partir du moment où ceux-ci ne compromettent pas ses objectifs,

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une connexion conflictuelle s’est établie entre cette Convention du PNUMA et l’AccordTRIPS de la OMC.

L’article nº27.3 (b) de l’Accord TRIPS à l’origine de nombreux débats concernant lesdispositifs de la CDB, détermine que les pays membres doivent pourvoir la protection desbrevets concernant les micro-organismes et les procès micro-biologiques, pouvant en exclureplantes et animaux, toutefois. En contrepartie, toutes les nations devront pourvoir les titresde propriété intellectuelle aux variétés de plantes moyennant des brevets ou des « systèmeseffectifs sui generis ». (Sant’ana, 2002).

Certaines questions abordées à ce sujet dans la Commission du commerce et del’environnement (CTE) – groupe de discussion de l’OMC, fermé au public, mais l’une desinstances de dialogue entre l’OMC et la CDB, concernent la protection des droits sur lesressources biologiques et le partage des profits issus de l’homologation de produits dérivésde ces ressources, les droits des populations autochtones ; ainsi que les effets des droits dela propriété intellectuelle sur le développement, l’accès et le transfert de technologiesadéquates. (Sant’ana, 2002).

La CDB établit les buts des parties (pays signataires) auxquelles il appartient de détermineret de mettre en œuvre la CDB dans la Conférence des parties (COP), qui prend les décisionsautour de plusieurs détails (protocoles, programmes de travail ou buts spécifiques). Lamanière avec laquelle la CDB devra être appliquée n’est cependant pas claire, puisque lespays qui ont signé l’accord ne semblent pas prêts à adopter le programme de travail établi.180 États sont membres de la CDB, mais les États Unis n’ont pas ratifié le Traité. Le plusgrand obstacle est la prééminence d’intérêts politiques et économiques à court terme. Lesgouvernements des pays du Sud et ses communautés autochtones savent que, pour l’instant,ces bénéfices ne sont qu’illusion.

Les Conférences des parties qui ont déjà eu lieu (la dernière, COP5, à Nairobi – Kenya, en2001) ont démontré le manque d’intérêt évident pour la discussion sur la réglementation del’accès aux ressources biologiques, du partage des bénéfices originaires de l’exploitationcommerciale de ces ressources et de la protection aux droits de connaissance, d’innovationet de pratiques des communautés autochtones et indiennes. Les organisations non-gouvernementales présentes à la COP5 ont signalé que le partage des bénéfices a été définiselon les points de vue des bioprospecteurs (pays développés du Nord, détenteurs detechnologie), ce qui limite le payement des droits d’auteur, survenus lors de l’exploitation dela biodiversité (vue comme un simple produit de base), négligeant l’amplitude des bénéficesque les communautés autochtones obtiennent de la biodiversité pour leur subsistance. Uneperspective éthique convenable au but de la CDB devrait être destinée à l’affermissement desystèmes alternatifs fondés sur le droit communautaire, qui affirmeraient la reconnaissancede la nature collective des innovations autochtones, le développement, l’application et laprotection contre l’appropriation privée de la biodiversité et du savoir traditionnel, avecl’interdiction du brevetage de formes de vie. Ainsi, seul un abordage qui n’aurait pas son pointde départ dans les structures actuelles du droit de propriété intellectuelle pourrait servir auxintérêts et aux nécessités des communautés autochtones du Sud (Sant’ana, 2002). À ce sujet,Lorenzo Hurtado, représentant du Mouvement des autorités indigènes de la Colombie, signalequ’il est inadmissible qu’il y ait un partage des ressources de biodiversité et des connaissancestraditionnelles de la biodiversité, vu l’inacceptabilité de toute forme de privatisation ou decommercialisation de vie. (Hurtado, 2000).

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51. Jean-Pierre Berlan est le directeur de l’Institut national de recherches agronomiques de France – Inra (Changementtechnique et évolution des systèmes industriels – Ctesi).

52. Texte original : voir au-dessus. Jean-Pierre Berlain et Richard C. Lewontin. La menace du complexe génético-industriel. LeMonde Diplomatique, nº 537, 45e année.

Les intérêts des communautés autochtones et indigènes révèlent un autre sujet douteux :les groupes de discussions tenus par des « spécialistes » se sont passé des acteurs réels qui,pour la plupart, étaient absents ou dont les représentants – présents pour une question deformalité – n’ont pas vu leurs observations dans le document final. Il s’agit là d’un indiceque la proposition d’une participation formelle des Peuples Indigènes concernés dans cesconférences a pour but principal la légitimation du document élaboré par le groupe detravail.

UNE RÉFLEXION ÉTHIQUE

Le traitement que la communauté scientifique a réservé au concept de biodiversité partantd’un modèle de préservation dérive au modèle de développement soutenu, à mesure quela question écologique s’est introduite dans un contexte social mondial, dans lequel desquestions éthiques font partie de la liste de discussion de l’ensemble de la société. Ainsi,outre l’élément essentiel de support à la vie et à la réserve de valeur future, la biodiversitéentraîne des questions écologiques (équilibre environnemental, reproduction de la vie etérosion génétique), techno-scientifiques (biotechnologie et génétique), économiques(accords de commerce et de propriété intellectuelle) géopolitiques (stratégies et conflitsterritoriaux) et socioculturelles (distribution de bénéfices, droits communautaires,distribution du savoir et de la culture populaire autochtone). On devra remarquer que tousces aspects sont liés et se confondent intimement.

La grande question qui se pose lors de l’analyse de ce contexte est de découvrir à quiprofitent ces technologies. Quels en sont les bénéfices pour l’humanité? Entre quelles mainsse concentrent-ils ? Poser ces questions éthiques entraîne le déplacement des questions :« que faire ? » ou « comment faire ? » vers les questions « pourquoi faire ? » et « pour qui faire ? »

Selon Jean-Pierre Berlain51, les multinationales qui forment un véritable complexegénétique-industriel, cherchent à tout prix à éviter que ces questions soient posées, qu’ellesinquiètent le citoyen commun: pouvons-nous jouer avec la vie, la stériliser pour en obtenirdes profits chaque fois plus élevés? Les organismes publics et ses ministres peuvent-ils, parignorance, omission ou intérêt, continuer de servir de sceau à ce complexe, tandis que lebien commun est la dernière de leurs préoccupations? Signale-t-il encore :

« (…) renoncer à notre droit sur le vivant, revient à laisser au complexe génétique et industrieltoute la liberté d’orienter le progrès technique dans les voies les plus profitables au détrimentdes voies utiles à la société (…). Un choix technique est semblable à une prophétie : il se réalisede lui-même. Ainsi, la demande de l’agriculteur de meilleures variétés de graines semétamorphose-t-elle en une demande de graines « hybrides ». (Berlain et Lewontin, 1998,traduction personnelle). » 52

Il est éthiquement inconcevable qu’au nom d’intérêts économiques les richesses et lescultures des peuples soient privatisées, car le développement doit se soumettre à unepriorité éthique destinée à la conservation des diversités culturelle et biologique.

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L’absence d’un fondement plus large assurant l’existence d’une Éthique des relationséconomiques et politiques a pour conséquence la menace d’un nihilisme éthique qui cèdela place à l’individualisme, lié à une indifférence face aux engagements et auxresponsabilités envers la collectivité et les générations futures.

Il existe donc un besoin urgent de redéfinir les limites, signalant la viabilité desinnombrables options à ce modèle, ou encore, d’autres formes de rapports entre les hommeset l’environnement et les hommes entre eux, basés sur l’éthique et qui rappellent à l’hommela diversité de son histoire et de ses innombrables issues.

Dans ce sens, la mise en valeur de l’espace de gratuité est fondamentale à l’heure actuelle.La construction de ces possibilités entraîne une nouvelle valorisation d’autres genres derichesses, irréductibles les unes aux autres, qui ne pourraient être rapportées à une même« raison d’être ». C’est-à-dire que la valeur intrinsèque de ses existences n’a pas, ne peut pasavoir de prix. Nous devrons ainsi modifier notre propre attitude face au monde, signalantles limites de la commercialisation de la vie, un processus naturel et répandu fortement parles institutions du pouvoir, notamment par les moyens de communication de masse.

Pour cela, reconnaître le danger de l’absence de mécanismes régulateurs de l’interventionscientifique et technologique dans le monde moderne est essentiel à l’ébauche de lapossibilité de limiter certains cours d’actions et exercices de pouvoir, ayant en vue uneÉthique de responsabilité construite selon les principes de l’altérité et de la vulnérabilité dela condition humaine et de l’environnement. En ce sens, Jonas (1992) propose que les droitset les devoirs de cette éthique de responsabilité soient édifiés sur de nouvelles bases. Ils nedoivent plus se rapporter au contrat inter pares de l’individualisme moderne, qui n’estimepas l’asymétrie et l’injustice présentes en toutes relations de pouvoir où il peut y avoir – ounon – de réciprocité et le risque est souvent unilatéral. La responsabilité éthique doit doncse détacher du plus grand dogme contemporain : ce qui sépare l’Être et le Devoir.

« Notre question principale n’est pas une éthique future, c’est-à-dire, une éthique limitée à unequestion qui sera lancée dans le temps, mais une éthique se rapportant au présent, auxconséquences de nos actes qui concernent les générations futures. Une éthique qui ne s’érige passur un contrat inter pares parce qu’elle concerne des rapports fondamentalement asymétriques :les générations futures sont vulnérables à nos actes, bien que le contraire ne soit pas vrai ».(Bartholo : 1999, p. 4, traduction personnelle).

La séparation entre Être et Devoir nie l’existence de toute responsabilité et cherche àneutraliser toute mise en valeur intrinsèque de l’Être, le liant aux valeurs commerciales ouutilitaires. Le préalable à l’homme de se rendre responsable des conséquences de ses actesenvers d’autres êtres passe par l’entendement que la simple existence de ces êtres a unevaleur inhérente. Jonas signale la légitimité d’un Devoir-Être comme question authentique,affirmant que l’Être possède une valeur intrinsèque, et non pas celles qui lui ont étéattribuées par l’homme lui-même. L’existence est déjà l’affirmation d’une valeur, d’un « direoui » à la vie et ceci ne peut être oublié ou méprisé. L’altérité est un Droit inaliénable àl’existence même, car la valeur appartient à l’Être et non pas, à ses attributs.

Le lien de l’Être à l’utilité est convenable aux rapports commerciaux. Si l’acte d’exister estdépourvu d’une valeur intrinsèque, d’ailleurs, aucun engagement ne se tend vers lui,puisque l’indifférence de l’autre en tant qu’être présuppose que son droit à l’existence serapporte à son utilité/bénéfice. Lorsque la biodiversité et les biotechnologies produites sontprises pour des propriétés privées et pour des marchandises, une grande gamme de

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53. Texte original : «… men is the only being we know that can have responsibility. As he can have it, he has it. The capacity ofresponsibility states its imperative : the power itself carries together its duties (…) The capacity of responsibility is an ethical abilitythat lays on « an ontological aptitude of man to choose among different alternatives with knowledge and will. Responsibility is, therefore,complementary to liberty » (Jonas : 1992, pp. 130-131).

communautés dans le monde entier devient vulnérable, puisqu’elles dépendent de cesressources pour leur survie. Ajoutant celles-ci aux générations prochaines, qui seraientprivées de jouir de ces biens communs à l’humanité, l’impact est encore plus grand.

La reconnaissance de l’altérité s’ajoute donc à la reconnaissance de sa propre vulnérabilité.Pour que cela ait lieu, une commotion qui apporte le courage nécessaire de prendre sur soila vulnérabilité humaine, éveillerait l’engagement de responsabilités des uns envers lesautres. C’est le discours de la raison ÉMOUVANTE (Bartholo, 1999), faite de l’émotion de setrouver l’un en face de l’autre et de se reconnaître mutuellement la vulnérabilité, visantétablir un pacte/engagement. Avérer comme valeur l’engagement de préserver la valeur del’Être, est un appel qui peut – ou non – susciter une réponse dans chacun d’entre nous. C’està cet appel à la responsabilité que nous ne pouvons nous omettre, personnellement etcollectivement.

«… l’homme est le seul être vivant que nous connaissons qui peut avoir de la responsabilité. Àmesure qu’il peut l’avoir, il la possède déjà. Sa capacité d’assumer des responsabilités établit sonimpératif : le pouvoir vient attaché au devoir qui lui est inhérent. (…) La capacité d’avoir de laresponsabilité est une habileté éthique qui s’édifie sur l’« attitude humaine ontologique » de choisirentre de différentes possibilités, avec sagesse et volonté. La responsabilité est donccomplémentaire à la liberté ». (Jonas : 1992, pp. 130-131, traduction personnelle) 53

Flávia Passos Soarespsychologue,

maître en ingénierie de production par la Coppe / UfrJ et chercheur du Laboratoire de technologie et développement social – LTDS/COPPE/UFRJ

Carlos Rentato Motaéconomiste,

docteur en ingénierie de production par la Coppe / UfrJ, professeur adjoint à l’Institut d’économie de la UfrJ,

et chercheur et coordinateur du Centre académique du laboratoire de technologie et développement social – LTDS/COPPE/UFRJ

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BIBLIOGRAPHIE

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51Réflexions sur l’éthique et la durabilité

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PARTIE II • DÉVELOPPEMENT DURABLE ET ENVIRONNEMENT

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L’EAU ET LA QUALITÉ DE VIE

CONTRIBUTION À UN DÉBAT NÉCESSAIRE

dédicacé à Adilson Drubscky

(…) la critique n’est pas un rêve, mais elle nous apprend à rêver et à distinguer les spectres de cauchemars des vraies visions.

La critique est l’apprentissage de l’imagination en son second retour, l’imagination guérie

de la fantaisie et décidée à regarder de face la réalité du monde.

La critique nous dit que nous devons apprendre à dissoudre les idoles : apprendre à les dissoudre en nous-mêmes.

Octavio Paz

PRÉSENTATION

Ce texte a servi comme base et élément modérateur pour la table-ronde « L’Eau et la qualitéde vie », pendant les rencontres internationales « Science et Société : Éthique pour ladurabilité ». Nous avons commencé nos réflexions par un résumé général sur les faits liésau sujet et qui forment une « gamme de préoccupations ». Par la suite, nous présenteronsquelques données, fondées sur notre expérience de conseillers du Ministère del’Environnement concernant les priorités environnementales brésiliennes définies par lesOEMAS (Organismes d’État de l’Environnement) et qui ratifient l’état critique de l’eau, auBrésil. Nous présenterons enfin quelques considérations provocantes concernant l’absence dedébats sur le sujet.

UN ÉVENTAIL DE PRÉOCCUPATIONS

Le monde vit une crise de l’eau, qui tend à s’aggraver chaque fois davantage, due au manquede conscience de la limitation naturelle de la quantité d’eau douce à disposition. Faudrait-il encore y rajouter le problème de la qualité décroissante de cette ressource, dû au mauvaisusage et à son administration impropre. L’humanité a cru pendant très longtemps que l’eauserait une ressource abondante et continuellement propre à la consommation dans laplupart des régions. Cependant, au long du XXe siècle, la population mondiale a augmentédans un facteur 4 ; la consommation d’eau s’est multipliée par sept et cette ressource quel’on croyait inépuisable s’avère de plus en plus rare, voire près de sa fin définitive.

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54. cf. Sérgio Barschagen, « Falta d’água ameaça a humanidade » in : Pesquisas Especiais Barsa Society, version 2.0, CD

55. cf. Sérgio Garschagen, op. cit.

56. cf. Fernando Marques, « Àgua : recurso natural limitado, de valor inestimável », in : Caderno Especial da Produção : Ciênciae Sociedade, www.ivt-rj.net.

L’eau a été redécouverte en tant qu’élément essentiel à l’équilibre des écosystèmes,référence culturelle et bien social intrinsèquement lié à la qualité de vie de la population.Malgré tout, l’humanité continue d’assaillir l’environnement de toutes les manières,provocant et anticipant chaque fois davantage un avenir sombre pour les eaux. Quoique lagrande majorité des hommes cultive l’image d’une planète recouverte par trois quarts de celiquide essentiel, 97,5 % se trouvent dans les océans et pour chaque 10000 litres d’eau douce,3 litres seulement sont exploitables aisément.

L’humanité devra garder en tête que le manque d’eau aura pour conséquences principalesla réduction de l’offre d’aliments et la prolifération de maladies infecto-contagieuses. Untiers de la population mondiale, surtout dans les pays plus pauvres, souffre déjà desconséquences d’un rationnement quelconque.54

Les lois de la nature précèdent tous les dispositifs légaux inventés par l’homme, et répondentdéjà aux milliers d’années d’agressions subies. On sait, de nos jours que l’eau douce est uneressource abondante, mais limitée. Comme l’offre ne peut être augmentée, en modérerl’usage s’avère la seule solution.

70 % des eaux prélevées des fleuves, lacs et sources souterraines sont destinées à l’irrigationagricole. Les eaux souterraines sont vidées au-delà de la capacité de ravitaillement de lanature. L’emploi croissant de l’irrigation dans l’agriculture et les graves problèmes depollution des eaux en réduisent sa disponibilité. Elle figurera parmi les biens les plusdisputés des prochaines décennies. Au Chili déjà, les producteurs agricoles qui parviennentà en épargner une certaine quote, vendent leurs droits sur l’excédant.55

À chaque jour qui passe, la quantité d’eau prélevée des fleuves est plus grande et la pollutiondéchargée plus variée. Les indices du gaspillage actuel sont alarmants. Dans l’agriculture,par exemple, 40 % de l’eau seulement destinée à l’irrigation joue son rôle. Les autres 60 %sont gaspillés par la quantité excessive employée, par l’application hors saison des cultures,par l’irrigation impropre – comme dans les heures de plus grande évaporation – par l’emploide techniques inadéquates ou par le manque de maintenance des systèmes d’irrigation.Dans l’industrie, on a déjà trouvé les moyens économiques de la réutilisation ou dutraitement, avant égouts.56

1,2 milliard de personnes environ dans le monde entier, n’a pas d’accès à l’eau potable oune reçoit que de l’eau impropre à la consommation. Par voie de conséquence, les cas demaladies contagieuses se multiplient parmi les populations pauvres. 5 millions de personnesen meurent, tous les ans, dus à l’eau contaminée.

Le choléra, par exemple, a recommencé à proliférer dans plusieurs pays d’Amérique Latine.90 % des maladies infectieuses sont transmises par l’eau. Il existe une relation inversementproportionnelle entre la mortalité infantile et le niveau d’accès à l’eau propre.

Au Brésil, le mythe de la réserve d’eau inépuisable subsiste toujours. Tout en disposant dela plus grande richesse hydrique de la planète – 11 % de l’eau douce – on y vit l’âpreté de

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57. cf. Ana Lúcia Brandmarte, « Crise da Água : Modismo, futurologia ou uma questão atual ? », in : Revista Ciência Hoje, Vol.26. nº 154, octobre 1999.

58. cf. Emíoi Lebré la Rovere, Hidroelétricas e meio ambiente na Amazônia. Subsídio Inesc, Brasília D. F., 2 (13), fev. 1994,p. 9

la distribution inégale de ces ressources hydriques. Ainsi, bien qu’il s’agisse d’un pays connupour sa richesse hydrique, les discussions au sujet de la conservation des eaux souterraineset de la préservation de l’environnement ne font que commencer. La conscience populaireau sujet de l’importance de l’administration des ressources hydriques, de la préservation deseaux souterraines relative aux activités polluantes, au combat du gaspillage, n’a vu le jouret ne s’est répandue qu’il y a peu de temps. L’assainissement est l’une des plus grandesdettes sociales des gouvernements, aujourd’hui, dans le pays. Le traitement qu’un paysdonne à ses eaux souterraines et à ses égouts est l’un des instruments qui mesure avec leplus de précision le degré de développement et de qualité de vie de sa population.57

Le prix de l’eau est plus élevé pour la population plus pauvre, dans les banlieues des villeset dans l’arrière-pays semi-aride (Agreste et Sertão).

Un litre d’eau minérale, dans la plupart des super-marchés du monde, coûte déjà plus cherqu’un litre d’essence. 12 m3 d’eau saumâtre, dans l’arrière-pays semi-aride de l’Araripe,coûtent R$ 85,00 (US$ 35,00). Les propriétaires de camions-citernes gagnent plus d’argentpendant les élections.

Dans certaines villes du monde, la qualité de l’eau est si mauvaise que l’on ne s’en sertmême pas pour l’usage industriel.

La pollution par mercure, comme il est arrivé en Minamata, a déjà atteint Belém do Pará :la population s’empoisonne par la consommation de poissons contaminés.

Les grands barrages pour la production d’énergie électrique provoquent un grand impactsur l’environnement et chassent les communautés de leurs terres, changeant le régime desfleuves et, lors de leur construction, attirent une grande quantité d’immigrants vers les villes,qui n’ont pas les moyens de les absorber.58

Pour que le Brésil regarde en face les problèmes de pollution qui existent – résultats del’expansion de l’occupation urbaine et de l’activité industrielle sans plan ni contrôle – etceux de l’avenir, un ensemble de mesures s’avère urgent. (Des mesures alignant l’économieplanifiée et le développement social sur des bases équilibrées par le préservationnisme etla durabilité, qui engendrent la prise de conscience de la population au sujet de l’emploi del’eau, ainsi que des mesures adéquates prises par le gouvernement, touchant ce problèmeréel et immédiat.)

Aux États Unis, des études statistiques de la présence de produits chimiques dans lessystèmes publics d’approvisionnement d’eau ont identifié plus de 700 substances : 20 d’entreelles provoquent le cancer, 23 pourraient le provoquer. La technologie conventionnelle detraitement n’est pas capable de renvoyer des doses microscopiques de substances toxiques,qui pourraient être à la source de plusieurs maladies chroniques, en cas d’ingestionconstante.

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59. Le PNMA II est l’objet de l’accord sur l’emprunt entre le Gouvernement Brésilien et la Banque Mondiale, étant structuréen deux parts : a) Développement Institutionnel, avec trois sous-composants – Législation de l’Environnement, Contôle de laQualité de l’Eau et Gestion des Côtes ; et b) Gestion Intégrée des Actifs Ambiants. Outre l’auteur, l’équipe du LTDS qui travailleen tant que consulteurs pour le MMA, est formée par : Roberto Bertholo Jr., Andréa Ayres et Flávia Passos Soares.

60. La méthodologie développée a cherché à identifier et à classer les priorités environnementales sur base de : a) convergenceinstitutionnelle, b) impact sur le IDH, c) forme de légitimation politico-démocratique, d) sujet, et e) encadrement. Pour unapprofondissement cf. Maurício Delamaro et Roberto Bartholo Jr. « As prioridades ambientais brasilieiras e o Programa Nacionaldo Meio Ambiente II », présenté en Open Meetin of the Global Envarionmental Change Research Community, Rio de Janeiro,October 6-8, 2001 ; http://sedac.ciesin.rog/openmeeting/OM merge searach.html.

L’EAU : L’UNE DES PRIORITÉS ENVIRONNEMENTALES DU BRÉSIL

L’expérience des experts du LTDS, en tant que conseillers du programme national pourl’Environnement II59, du Ministère de l’Environnement, réaffirme l’état critique de l’actifenvironnemental et de son importance pour la qualité de vie, dans les circonstances duBrésil actuel.

Le PNMA II, chargé du perfectionnement de la gestion de l’environnement du Pays, à tousles niveaux – gouvernement central, états et communes – et à l’augmentation des possibilitésde participation de la société civile dans la gestion de l’environnement, a pour butd’améliorer la qualité de vie da la population.

Le LTDS a développé un itinéraire méthodologique qui a guidé l’effort d’établir des prioritésenvironnementales par les Organismes des États pour l’Environnement – OEMA’s60. Le LTDSest venu à bout de ce processus avant d’élaborer les projets d’intervention, avec pour butd’encourager le plan environnemental, de perfectionner l’usage des ressources financières,d’appuyer les prises de décisions et, surtout, de s’assurer que, à l’avenir, les actions trouventle soutien et soient comprises et menées à bout par les agents sociaux et les sphèrespubliques locales. Dans ce processus, 46 priorités ont été définies.

L’analyse des priorités présentées par les États de la Fédération, vues sous le prisme de leurssujets, rend explicite les actifs environnementaux qui sont devenus, pour le PNMA II, lesobjets privilégiés d’intervention. L’agrégation analytique des sujets signalés dans les prioritésformulées par les États de la Fédération, à la portée du PNMA II, a permis de caractériser6 groupes de priorités :

❏ Assurer la disponibilité de l’eau pour l’approvisionnement des centres urbains, dansdes surfaces significatives de concentration démographique, et y discipliner les conflitsde l’usage ;❏ Recouvrement et conservation des corps hydriques et du sol dégradé par les activitésliées à l’élevage de porcs, à l’industrie et aux déchets urbains.❏ Combat aux processus de dégradation du sol par désertification et érosion ;❏ Conservation et usage soutenu de la couverture végétale et de la biodiversité, visantréduire les pertes et y agréger une valeur ;❏ Stimulation du tourisme soutenu pour en exploiter le potentiel écotouristique etdiscipliner les pratiques prédatrices ;❏ Stimulation de la pêche soutenue, dans le but d’en exploiter le potentiel économiqueet discipliner les conflits d’usage.

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La distribution des sujets prioritaires du PNMA II, dans le cadre général brésilien, est ajoutéeau diagramme ci-dessous.

La plus grande incidence d’indications porte sur : assurer la qualité et la quantité del’approvisionnement d’eau destinée aux grands centres urbains, qui, concernant lanation, apparaît comme un sujet prioritaire du PNMA II, avec 32 % d’indications de priorités.

Le second sujet le plus indiqué entre les priorités des États par le PNMA II était laconservation et l’usage durable de la couverture végétale. Faut-il observer que ce sujetconcerne une vaste distribution sur le territoire national, et une certaine prépondérancedans la Région Nord (55 % des indications), ce qui, du reste, semble correspondre auxprévisions face à l’emphase donnée, les dernières années, à la conservation et à l’usagedurable de la Forêt Amazonienne.

Le troisième sujet de plus forte incidence, présente aussi une distribution significative, parrapport à la nation : le recouvrement des corps hydriques et du sol dégradé par lesactivités d’élevage de porcs, de l’industrie et des ordures. Deux questionsprépondérantes font l’objet d’attention : a) la grande participation des États du Nord-Est dansl’indication du sujet (45 %), encourageant le traitement des ordures urbaines, et signalantencore une fois l’imbrication socioenvironnementale, et b) l’urgence de la gestion deseffluves de l’élevage de porcs, un problème régional du Sud, assez significatif.

Une priorité du PNMA II, en tant que problème environnemental du Nord-est de plus grandeimportance : la désertification. Cela se doit à la prépondérance remarquable du Nord-est(72 % des indications), concernant les priorités du combat aux processus de dégradationdu sol, qui trouve aussi une mention dans les régions du Sud-est, et encore au Centre-ouest,particulièrement en vue du problème environnemental des « voçorocas ».

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Les deux sujets les moins fréquents parmi les priorités indiquées, dans les États de laFédération, se rapportent à la stimulation de l’écotourisme durable et à la stimulationde la pêche durable. Faut-il observer que l’intérêt, ici, se concentre autant dans lapossibilité de discipliner les pratiques prédatrices et les conflits d’usage que dans lesinstallations touristiques existantes.

La distribution des sujets par biomes principaux et origine selon l’état peuvent êtreobservées dans les diagrammes qui suivent.

Nous pouvons interpréter la haute incidence de priorités destinées à la Conservation et lerecouvrement des corps hydriques visant l’approvisionnement des centres urbains commeun indicatif de la présence d’une grande question pour la politique publique brésilienne etaussi comme le manque manifeste, depuis des années, de nouveaux investissements dansle secteur. C’est un fait remarquable qui apparaît dans toutes les régions et dans tous les

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grands biomes brésiliens. C’est d’autant plus remarquable que le problème del’approvisionnement des grands centres urbains a une plus grande incidence dans le Nord-est (53 % des indications) et dans le Sud-est (20 %). On doit également souligner le fait quele sujet soit une priorité dans les plus grandes métropoles du pays : São Paulo, Rio de Janeiroet Belo Horizonte.

Si nous ajoutons les indications concernant le recouvrement et conservation des corpshydriques et du sol dégradé par les activités d’élevage de porcs, de l’industrie et des ordures,nous aurons 51 % du total des priorités formulées. Si on y ajoute encore celles qui serapportent à la lutte aux processus de dégradation du sol : la désertification, nous aurons61 % des priorités registrées.

CONSIDÉRATIONS FINALES

Les données présentées – puisées chez plusieurs auteurs ou survenues de nos expériencesdans le PNMA II ; démontrent l’état dramatique de la situation. Le thème de l’« eau » est peuprésent dans le débat national.

Il est inévitable de tracer un parallèle : la plus récente question – comment générer del’énergie électrique – nous a obligé à prendre des mesures relativement dures, avecdédoublements politico-institutionnels importants. Dans ce cas, tous les auteurs semblaientsurpris, face à une situation calamiteuse et imprévue. Le « silence » qui précéda la criseénergétique a engendré les conditions nécessaires pour que l’opinion publique interprétela situation comme une « situation de facto », pour laquelle les solutions techno-politiquessont « évidemment » les seules. Sans espace pour l’exercice de la critique et du débat, detelles solutions nous ont été imposées à tout prix, par les fabricants de ces crises inattendues.

L’eau est essentielle à la vie. En termes économiques, son élasticité est presque nulle, quandla consommation correspond à la survie organique. Par conséquent, sa transformation enmarchandise offerte par des agents économiques, dans un « marché libre », intéressecertainement les groupes et entrepreneurs qui, du besoin et du malheur de plusieurs, enprofitent pour leur propre avantage. De telles prétentions seraient potentialisées commeune « crise de l’eau ».

Maurício C. Delamaro enseignant du Département de production de l’UNESP, campus de Guaratiguetá.

Depuis 2000, consultant du programme des Nations unies pour le développement – Pnud – auprès du Programme National de L’environnement II.

Roberto S. Bartholo Jr. enseignant du programme d’ingénierie de production de la COPPE/UFRJ,

responsable de la coordination du Laboratoire de technologie et développement social – LTDS,

coordinateur de l’Espace Coppe Miguel de Simoni de technologie et développement humain.

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L’EAU

RESSOURCE NATURELLE LIMITÉE

L’eau est indispensable à la production, en tant que ressource stratégique pour ledéveloppement économique. Elle est encore essentielle à l’entretien des cycles biologiques,géologiques et chimiques garants de l’équilibre des écosystèmes. Il s’agit encore d’uneréférence culturelle et d’un bien social indispensable à la qualité de vie de la population.

Le thème de la crise provoquée par le « manque d’eau » est en vogue ces derniers temps,qui pourrait entraîner des guerres. Faut-il encore savoir que, à l’exception de certainesrégions de la planète où la quantité d’eau douce disponible est naturellement limitée, dansla plupart des pays le problème n’est pas la quantité, mais sa qualité. Le mauvais usage oula mauvaise gestion en sont à l’origine.

Au XXe siècle, bien que la population mondiale ait augmenté quatre fois, la consommationd’eau s’est multipliée par sept. En 30 ans, 8 milliards d’habitants à peu près vivront sur Terre,alors que la consommation d’eau tend à doubler tous les vingt ans. Il ne serait pas exagéréde dire que, en peu de temps, les guerres, telles que celles du Moyen Orient, pourront setransformer en questions plus sérieuses que les querelles territoriales, et devenir unequestion de survie de l’espèce humaine. Dans le monde, plus de vingt pays souffrent déjàdes conséquences du manque d’eau, et, si les prévisions de L’organisation des Nations uniesse confirment, dans les 25 années qui viennent, 2,8 milliards de personnes vivront dans desrégions de sécheresse chronique.

La quantité d’eau dans le monde est plus ou moins la même depuis les 500 derniers millionsd’années. Son volume en circulation, dépend du cycle hydrologique, caractérisé para lesprécipitations (pluies), l’écoulement (fleuves) et le flux des eaux souterraines, nourris parl’humidité du sol. De cette façon, pendant des millénaires, l’humanité a pris l’eau pour unélément immuable, dont on ne manquerait pas, toujours propre à la consommation. À cesépoques, dans un monde essentiellement rural, l’eau n’avait pas de rapports avec les circuitséconomiques et approvisionnait les populations à très bas prix.

La conservation de la quantité et de la qualité de l’eau dépend des conditions naturelles etanthropiques des bassins hydrographiques à leur source, aux endroits où elle circule et restestockée, hors des lacs naturels ou des réservoirs artificiels. En même temps que les fleuves,rivières et ruisseaux alimentent un réservoir, par exemple, ils y apportent toutes sortes dedétritus et matériaux polluants jetés soit directement dans l’eau, soit dans le sol.

Selon le chercheur Aldo Rebouças, professeur à l’Institut de géo-sciences de l’Université deSão Paulo, une analyse qui compare la disponibilité hydrique et la demande d’eau, au Brésil,montre que le taux d’utilisation de l’eau, en 1991, n’était que de 0,71 %. (Même pour lesÉtats les plus peuplés et développés, tels que São Paulo et Rio de Janeiro). Ceci revient àdire que la question qui se pose n’est pas l’excédant ou le manque d’eau, mais la façon del’utiliser, menant à une baisse rapide de qualité, surtout dans les régions les plus peuplées

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61. REBOUÇAS, Aldo : Banas Ambinetal, n.1, p. 38 : Banas, 1999.

ou industrialisées. Le chercheur affirme encore que « L’eau fait moins défaut, au Brésil, qu’uncertain modèle culturel éthique qui pourrait améliorer l’efficacité des performancespolitiques des gouvernements, de la société organisée lato sensu, des actions publiques etprivées, responsables du développement de l’économie en général et l’utilisation de son eaudouce, en particulier »61.

D’autre part, la plupart des problèmes sanitaires qui affectent la population mondiale sontintrinsèquement liés à l’environnement. La dysenterie, qui atteint plus de 4 milliardsd’individus par an en est le meilleur exemple (au Brésil, 21 enfants meurent par jour).Parmi les causes de cette maladie, se détachent les conditions inadéquates du systèmed’assainissement. particulièrement dans les régions pauvres, aggravant le cadre épidé-miologique – 88 millions de Brésiliens n’ont pas de système de collecte d’égouts, et, parmiceux qui sont collectés, seulement 10 % sont traités avant dans les bassins hydriques.

Pour remédier à cette situation, il faut remplacer le modèle technocrate et utilitariste envigueur jusqu’à ce jour dans la gestion des ressources hydriques du Brésil. Un modèle quisemble ignorer que l’eau de bonne qualité est une ressource limitée, privilégiant certainsrecours, tels que la génération d’énergie, l’assainissement et les transports, au détrimentd’autres, tel l’approvisionnement. Investir en assainissement est la seule façon d’inverser lecadre actuel. Les données diffusées par le ministère de la Santé affirment que, pour chaqueR$1,00 (un Real) placé dans l’assainissement, R$ 4,00 autres sont épargnés dans lestraitements médicaux.

Qui dit « eau » dit « santé ». L’eau de bonne qualité destinée à la consommation humaine,l’approvisionnement continu, et un système efficace d’égouts sanitaires, contribuent à laréduction et au contrôle de plusieurs maladies. L’utilisation de l’assainissement pour la santéde tous présuppose franchir des barrières d’ordre technologique, politique et administratifqui, jusqu’ici, ont rendu difficile l’extension de ces mêmes bénéfices aux habitants desrégions rurales, des petites villes et villages.

La conservation des sources d’eau est intrinsèquement liée à la façon dont l’environnementa été conservé, à l’éducation et à la santé, et bien sûr, à la gestion des ressources hydriques,concernant non seulement le gouvernement, mais aussi et surtout, les communautés, lesorganismes d’enseignement et de recherche.

La prise de conscience sur les questions de l’utilisation de l’eau et des politiques de gestionamène implicitement à des mises en cause de pouvoir. Ces mises en cause remontent àl’Antiquité, lorsque le contrôle des fleuves était déjà instrument de domination sur plusieurspeuples, il y a plus de 3 mille ans avant Jésus Christ. Les Chinois, qui effectuaient destravaux pour le contrôle des crues et le flux d’eau pour l’irrigation, les Égyptiens, qui enfaisaient autant avec le Nil, les Romains, qui utilisaient l’ingénierie hydraulique enconstruisant des aqueducs, sont plusieurs exemples de domination des eaux et desconditions sociales au service de facteurs politiques.

En réalité peu se rendent compte du pouvoir que peut donner l’eau, et ni même de soncaractère de ressource naturelle à disponibilité limitée. Selon les lois du marché la raretéd’un produit augmente sa valeur économique, et l’eau risque de devenir la commodity du

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XXIe siècle. Ce ne sera donc pas surprenant de la voir, dans un avenir proche, négociée à labourse et, traitée comme l’est le pétrole par exemple.

Malgré ces circonstances, les hommes continuent à jeter des ordures dans les fleuves, lesentreprises à polluer ou à épuiser les réserves d’eau souterraines, tandis que la planèteignore toujours le sort de ses eaux. Bien que la grande majorité des hommes cultive l’imaged’une planète recouverte, dans ses trois quarts, par ce liquide essentiel, le fait est qu’1 %uniquement de tout ce volume sert à la consommation. Ceci revient à dire qu’en un clind’œil, l’homme est capable d’épuiser cette source de vie. Une grande partie des eauxresponsable pour la couleur de notre « planète bleue » se présente sous forme d’océans etde glaciers – ce qui peut représenter une solution éventuelle au cas où le manque d’eaudeviendrait chronique mais dont l’exploitation dépendrait de mise en place de technologiesnouvelles, qui élèverait les coûts finaux.

Bien que possédant 8 % de toute l’eau douce de la surface de la terre et le plus grand bassinhydrographique, le Brésil subit les conséquences de la distribution inégale de ses ressourceshydriques. En effet, 80 % du volume total de ces eaux sont concentrés dans la région Nord,qui a la plus basse densité démographique du pays – 5 % seulement d’habitants. Ceci revientà dire que 95 % des habitants doivent se partager les 20 % d’eau restants dans le reste dupays. La première conséquence de ce cadre est le manque chronique d’eau dans certainesrégions, telles le Nord-Est. L’accroissement accéléré des villes depuis les années 50, aentraîné des problèmes d’approvisionnement d’eau dans plusieurs régions métropolitaines.Le Brésil ne s’est jamais préoccupé d’économiser l’eau, car la population a toujours cru queces ressources étaient inépuisables. La distribution géographique irrégulière et la pollutiondes sources, causée par les déchets industriels et domestiques, nous obligent à envisagerl’usage rationnel et la conservation de l’eau.

Au Brésil, les premières manifestations visant le contrôle des eaux figurent dans lesOrdonnances Philippines de 1603. Le Code civil de 1916 et le code des Eaux de 1934 ontcommencé à délimiter les droits et les devoirs du citoyen à l’utilisation de l’eau. Tous cependantont eu des résultats peu satisfaisants face à la gravité du problème de contamination, auxconflits sur l’utilisation et au besoin d’une gestion décentralisée et de participative.

En 1997, la loi nº 9433 a été promulguée, disposant de l’organisation administrative pour lagestion des ressources hydriques. Toujours en vigueur de nos jours, cette loi établit que l’eauest une ressource naturelle limitée, dotée de valeur économique. et que la gestion desressources hydriques devra toujours permettre l’utilisation multiple des eaux. Le bassinhydrographique est l’unité territoriale pour l’application de la Politique nationale desressources hydriques, dont la gestion sera décentralisée et comptera sur la participation dupouvoir public, de ses utilisateurs et des communautés. L’objectif est clair – permettrel’utilisation durable des ressources hydriques.

Les lois de la nature précèdent cependant les dispositifs légaux de durabilité, et ne suiventpas les règles humaines. Nous avons tous appris que l’évaporation des eaux de la surface dela terre est à l’origine d’un cycle où, toujours dans le même ordre, les vapeurs se condensentdans l’atmosphère, c’est-à-dire, se transforment en eau, qui, atteignant à son tour unecertaine masse, se précipite sous forme de pluie, retombant sur terre. Une partie s’infiltredans le sol et nourrit les nappes phréatiques qui possèdent un énorme volume d’eau douce– plus de 95 % du total. Il s’agit de la plus grande réserve liquide de la planète, qui, nesouffre pas d’impacts immédiats comme les eaux de surface.

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62. LEITE, Cláudio Benedito Batista. Banas Ambinetal, n.1, p. 12 : Banas, 1999.

63. Idem, ibidem.

64. Idem, ibidem.

La récupérer en cas de contamination est cependant complexe. Au fur et à mesure qu’ellepénètre dans le sol, l’eau est soumise à un processus de filtrage naturel où bactéries et autresmicro-organismes sont retenus. La distance entre la surface et l’eau au sous-sol peut varierde quelque peu de mètres à des dizaines de mètres, et fonctionne comme réacteur. Lesbactéries décontaminent le sol biologiquement, en cas d’atteinte par polluants. Mais leréacteur naturel n’a pas de pouvoir magique, malheureusement. Selon le géologue de lasection des eaux souterraines du Groupement de géologie appliquée à l’environnement,de la division de géologie de l’Institut de recherches technologiques, Digeo / Agama, IPT,Cláudio Benedito Baptista Leite, il n’existe pas forcément d’agent polluant plus significatifque d’autres. On devrait s’inquiéter plutôt de la quantité et de la manière dont on s’en sert.

Les cimetières représentent à eux seuls d’autres sources de pollution de ces galeries. « Lesproduits résultant de la décomposition des corps pourraient les atteindre et les contaminer,et c’est pourquoi la règle de base pour la construction de cimetières veut que les corps soientplacés à au moins 2,5 m au-dessus des nappes souterraines. » 62, affirme le géologue. Lesdépôts sanitaires sont aussi des agents polluants remarquables, ainsi que les cours etmagasins des usines qui conservent des produits toxiques. Les stations service aux réservoirsanciens, atteints par la corrosion, constituent virtuellement l’un des plus importants facteursde contamination. Cette liste comprend encore, le manque d’assainissement de base : « Lesfosses communes recevant in natura les déchets provenant des salles de bains et descuisines, transforment la terre en une sorte de grand gruyère dont les trous seraient remplisde déchets organiques. » 63

Les pesticides employés dans l’agriculture sont dangereux par la grande quantité d’azotequ’ils libèrent. « L’azote est un fertilisant essentiel, mais, dans le sol, il se transforme ennitrate, un important agent polluant » 64, dit le géologue. L’excès d’azote et d’autres élémentsest nuisible à l’être humain. C’est bien pour cela qu’en 1988, la Constitution a dit qu’il est« défendu de polluer ».

Il faut de plus en plus contrôler les eaux souterraines car, libérées d’éléments conta-minateurs, elles pourront être mises à profit pour approvisionner, une partie ou toute lapopulation, à l’exemple des 75 % des municipalités de l’État de São Paulo, selon Leite. Lesavantages de l’utilisation de ces eaux souterraines sont innombrables, y compris les coûts.« L’eau du sous-sol n’a besoin que de peu de traitement, parce qu’elle a été mieux préservée.Elle peut être consommée in natura, tandis que les eaux de surface demandent un plusgrand contrôle de qualité. L’extraction de l’eau des souterrains est moins chère que letraitement du liquide de surface », affirme Leite.

LES CHIFFRES DES DOMMAGES

❏ Un litre d’huile lubrifiante usée contamine 1 million de litres d’eau.❏ 16 millions de personnes dans le Grand São Paulo, consomment 69,000 l/s. La SABESPne peut produire, en moyenne, que 60,000 l/s.❏ Un Real tous les 1,000 l : le prix de l’eau que nous consommons.

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❏ Se raser et se brosser les dents pendant 10 minutes le robinet ouvert consomme 24 ld’eau. Quantité qu’une personne boit en 12 jours.❏ Dans le monde entier, l’irrigation des terres cultivées répond à 73 % de la consommationd’eau, les usines à 21 % et l’usage domestique occupent les 6 derniers %.❏ 15 % au moins de l’eau traitée des systèmes d’approvisionnement sont perdus dans lesfuites de tuyauterie.

La protection des sources d’eau semble insuffisante pour la préservation de l’eau pourl’avenir. Les chiffres actuels de gaspillage sont alarmants. Dans l’agriculture, par exemple,40 % de l’eau destinée à l’irrigation joue son rôle. Les autres 60 % sont gaspillés par l’excès,dans l’application hors des périodes optimales pendant les heures de plus forte évaporation,encore à cause du manque de maintenance des systèmes d’irrigation.

La quantité d’eau prélevée des fleuves augmente tous les jours, et la pollution qui y estdéversée de plus en plus abondante et diversifiée. Dans l’industrie pourtant des manièreséconomes de la réutiliser ou de la traiter, avant de la rejeter dans les égouts peuvent êtremises en place.

Selon le manuel de l’assainissement (ministère de la Santé – fondation nationale de la santé– département d’assainissement), il existe plusieurs façons de polluer les eaux, soitnaturellement, soit comme résultat des activités humaines. On trouve essentiellement troissituations de pollution, chacune d’elles caractéristique d’un stade de développement socialet industriel :

❏ Premier stade : pollution pathogénique. À ce stade, les exigences concernant la qualitéde l’eau sont relativement limitées, ce qui permet aux maladies véhiculées par l’eau desurgir. L’emploi de stations d´épuration de l’eau et de systèmes d’adduction est capablede prévenir les problèmes sanitaires à ce stade ;❏ Second stade : pollution totale. Ce stade est défini comme celui où les corps récepteursdeviennent réellement affectés par la charge de pollution reçue (exprimée par la quantitéde solides en suspension et consommation d’oxygène). Ce stade a lieu en principe lorsdu développement industriel et de l’accroissement des surfaces urbaines. Les dommagesprovoqués au corps récepteur et, par conséquent, à la population, pourraient être réduitspar l’implantation de systèmes efficaces de traitement des eaux et des égouts ;❏ Troisième stade : pollution chimique. Ce stade est celui de la pollution insidieuse, causéepar l’utilisation continuelle de l’eau. La consommation augmente en fonction del’accroissement de la population et de la production industrielle.

Lors de la planification des activités, dans le but de tracer des stratégies de contrôle de lapollution de l’eau, il faudra absolument considérer le bassin hydrographique comme un tout,afin d’obtenir une plus grande efficacité lors de la réalisation de ces activités. Parmi lestechniques principales on pourrait citer l’implantation de systèmes de collecte et traitementd’égouts sanitaires et industriels ; le contrôle de points d’érosion et de récupération desfleuves, dans le but de leur rendre leur équilibre dynamique par la restauration de leursconditions naturelles.

Deux genres de techniques sont possibles quand il s’agit de récupérer des fleuves : lestechniques non-structurales, qui ne demandent pas de modifications physiques du coursd’eau, comprenant les politiques administratives et légales ainsi que les processus quilimitent ou réglementent toute activité ; et les techniques structurales – qui demandent une

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quelconque modification physique du cours d’eau, incluant des réformes dans les structuresexistantes, accélérant les processus naturels de sa récupération.

Pour que le Brésil puisse faire face aux problèmes de pollution de l’environnement quiexistent déjà – conséquence de l’étendue de l’occupation urbaine et de l’activité industrielle,sans planification ou contrôle – et ceux à venir, il faudra mettre en place un ensemble demesures, liant l’économie planifiée au développement social, sur les bases de la préservationde l’environnement et de son soutien.

Quant aux questions des transferts de technologie définis par d’autres pays, de gravesobstacles existent pour l’application à la gestion des ressources hydriques nationales et audéveloppement social. Il faudra investir dans la recherche et le développement de latechnologie nationale, qui répondent aux questions spécifiques non seulement du contrôlede la pollution industrielle mais aussi de la réalité sociale locale et régionale. Il faudra encoreinvestir en formation de main-d’œuvre spécialisée capable d’adapter les initiativesétrangères à la réalité locale, tout en apportant de nouvelles solutions. Il faudra de la mêmemanière, s’engager dans des programmes d’éducation qui contribueraient à la formation depersonnel spécialisé, capable de former des citoyens aptes à comprendre et à collaborer avecles actions de préservation, récupération et maintenance de nos réserves d’eau.

Pour conclure, je voudrais encore mettre en évidence que le plus grand problème au Brésilconcernant la question de l’eau, est un « tout » où vient s’incruster le mythe de la réserveinépuisable de cette richesse dans notre sol – à l’origine du manque de conscience de lapopulation par rapport à son utilisation et soins – ainsi que l’ingérence ténue des politiquesgouvernementales vis à vis de ce problème, pourtant réel et immédiat.

Fernando Marqueschimiste industriel, expert,

professeur et spécialiste en assainissementet contrôle de l’environnement, ENSP-Fiocruz, RJ.

Heloisa RibeiroLaboratoire de technologie et développement social,

coordinateur adjoint de l’espace Coppe Miguel de Simoni de technologie et développement humain.

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BIBLIOGRAPHIE

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ÉTHIQUE ET CONSERVATION DE LA DIVERSITÉ BIOLOGIQUE

INTRODUCTION

Lorsque l’on discute de la diversité biologique ou de la biodiversité sous un regard éthique, ona immédiatement tendance à mener la discussion vers l’exploitation de la diversité. Sous cetaspect, on discute beaucoup éthique, associée au partage des ressources biologiques entre lespays, alors que surviennent des craintes et des accusations de « bio-piraterie ». De même quede telles questions ravagent la scène internationale, il existe, internement, dans beaucoup depays, (surtout dans les pays qui possèdent la dite « mégadiversité », tels que le Brésil, leVenezuela, la Colombie, l’Équateur, le Pérou et le Mexique, en Amérique latine – UNEP, 2001 –qualifiés de pays émergents du point de vue économique et qui possèdent une grande partiede leur richesse biologique intimement associée à un riche patrimoine social/culturel) le défidu partage interne des ressources biologiques, ainsi que de leur conservation, pour que l’onpuisse assurer les mêmes droits à leurs citoyens, sans porter atteinte à la culture des peuples,qui ont toujours exploité traditionnellement de telles ressources depuis des siècles, comme, parexemple, les peuples indigènes et les communautés qui habitent les côtes brésiliennes. Un autreaspect qui mine la discussion de l’usage virtuel de la diversité biologique se rapporte à l’usageéthique des ressources biologiques, en ce qui concerne son potentiel biotechnologique. (Barlow,1995)

Malgré toutes ces préoccupations concernant des aspects éthiques du partage et de l’emploides ressources biologiques associées à la diversité biologique, un premier aspect doit êtreabordé. Celui-ci se rapporte à la conservation des ressources biologiques : la diversitébiologique. Sans cette préoccupation, une grande partie des aspects cités ci-dessus pert toutson sens. En d’autres mots : rien ne sert de parler de l’usage et du partage d’une ressourcesi l’on ne défend pas sa conservation et sa perpétuation.

De cette manière, nous parlerons des différents aspects qui doivent être considérés – desaspects qui n’ont rien à voir avec la position fonctionnelle du problème de l’environnement,visant à la conservation et l’usage soutenu des ressources représentées par la diversitébiologique. Nous discuterons, du point de vue éthico-philosophique, du problème del’environnement, étendant la discussion à la maintenance de ces ressources au-delà desfrontières environnementales, tout en cherchant l’intégration des bases sociales,économiques et politiques, outre le rachat de la citoyenneté, en tant que moyen unique decompréhension visant à aborder avec succès la question de la dégradation/défense del’environnement, de façon socialement juste.

ÉCHELLES D’ABORDAGE DE LA DIVERSITÉ BIOLOGIQUE

Selon Bisby (1995), seulement 1,75 des 13 à 14 millions d’espèces biologiques que l’on croitexister a été décrite, la plupart d’entre elles biologiquement peu connues. Wilson (1997), au

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65. Le composant uniformité d’une communauté représente l’uniformité de la distribution des espèces ou de leurs abondancesrelatives (ACIESP, 1997).

contraire, estime que le nombre d’espèces connues est de 1,4 million, à peu près. Cet auteuraffirme encore qu’il n’existe pas de nombre total des espèces existantes, mais qu’il peut êtrecalculé entre 5 et 30 millions d’espèces.

La préoccupation vis-à-vis de la défense de la diversité biologique a connu un grand élan aucours des dernières décennies, après la reconnaissance croissante du taux accéléréd’extinction des espèces ; celui de destruction des écosystèmes ; perte des espècespotentiellement profitables pour l’agriculture, l’économie, la médecine et la biotechnologie ;perte de diversité génétique ; et encore la possibilité qu’ont les sciences de découvrir denouveaux usages/nouvelles applications de la diversité biologique (Huston, 1996). De cettemanière, plusieurs programmes ont été développés pour cataloguer la diversité biologique,ainsi que sa préservation, visant son usage soutenu.

Lorsque l’on parle de défense de la diversité biologique, les espèces rares, endémiques etmenacées d’extinction attirent normalement l’attention. L’espèce est devenue, d’une façonassez commune, l’unité biologique de base, pour les recherches et programmes. D’un côté,un tel abordage est le produit d’une conception erronée et, il a suscité un trouble lors del’invention du terme « grande diversité biologique » pour exprimer un espace physique quipossède un grand nombre d’espèces. Cette équivoque ignore l’origine du mot diversité,comme il ignore un indicateur statistique, composé par deux éléments : richesse et équilibre,équité ou uniformité (Odum, 1971 ; Zar, 1996). Dans l’exemple ci-dessus, le nombre d’espècesne représente que la composante « richesse » de la diversité biologique.65

Outre l’emploi du nombre d’espèces comme « indicateur » de la diversité biologique, l’emploide cette unité a représenté, d’une manière assez simplifiée, une question qui est, dans sonensemble, bien plus complexe. En fait, la diversité biologique doit être prise à différentsniveaux du spectre biologique, de l’abordage moléculaire/génétique, à l’abordage descommunautés/ écosystèmes, en passant par celui des espèces/populations. De cette façonplus actuelle, nous pourrons inclure dans l’abordage de la diversité des écosystèmes,lepaysage. Heywood et al. (1995) divisent la biodiversité en quatre composantes : diversitéécologique (de biome à niche écologique), diversité taxonomique (de règne à sous-espèce),diversité génétique (de populations à nucléotide) et diversité culturelle (interaction del’homme à tous les niveaux). Di Castri & Younés (1996) présentent une division hiérarchiquesemblable, avec de petites altérations : ils étendent la diversité écologique au niveau de labiosphère, ignorent la communauté dans la diversité génétique et ne présentent pas ladiversité culturelle, entre autres changements.

Ainsi l’emploi de chaque échelle citée rejoint la stratégie de conservation qu’on devraadopter. En autres mots, traditionnellement, les efforts de conservation se tournaient versdes espèces en particulier qui, comme nous en avons parlé ci-dessus, possédaient descaractéristiques particulières (rares, endémiques ou menacées). Comme exemple de cetabordage, nous pouvons nommer l’Ours Panda (Ailuropoda melanoleuca), en Asie, plusieursespèces de cétacés et les tortues de mer dans le monde entier, et plusieurs espèces, au Brésil(IBAMA. 1992), comme le « Mico-Leão-Dourado » (petit singe, Leontopithecus rosalia), le« Jacaré-de-Papo-Amarelo » (petit crocodile, Caiman latirostais), dans plusieurs régions duBrésil, les tortues (Caretta caretta, Chelonia mydas, Dermochelys coriacea, Lepidochelys olivacea

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e Eretmochelis imbricata), parmi plusieurs autres cas. Malgré tous ces efforts, souvent fruitsd’écologistes passionnés, mais pas pour autant moins efficaces, nous avons remarqué qu’àune échelle temporelle de continuité, de tels programmes sont insuffisants, et qu’il étaitimportant de contrôler l’état de conservation de l’habitat de telles espèces. Ainsi la questionde la conservation de la diversité biologique s’est avérée plus complexe que prévu, montrantque les actions ne pouvaient se limiter à une séquence linéaire. En d’autres termes, si, danscertains cas, la conservation doit être abordée au sein de l’espèce même, vu que les facteursqui l’ont mis en danger se perpétuent, telles la chasse aux baleines ou la capture deschéloniens marins et d’eau douce, chez d’autres espèces de tels facteurs n’agissent que surl’habitat ou l’écosystème, les détruisant complètement ou en partie, affectant les ressourcesessentielles à leur maintien, tels l’abri, la nourriture ou les sites de reproduction. Desexemples de cet abordage sont les cas cités ci-dessus, le singe « mico » et le caïman.

De tout ce qui a été démontré, on peut observer que la conservation d’un certain niveau duspectre biologique est directement liée à la conservation des niveaux supérieurs. Ainsi, laconservation d’une certaine espèce est forcément liée à la conservation de l’écosystème,dont la maintenance dépend de la protection du paysage, vu la dépendance des écosystèmesqui se côtoient dans un même niveau. Ceci peut-être facilement observé dans la régioncôtière, où la conservation d’un certain système côtier (marais, estuaires, lagunes, plages etc)est directement liée à la préservation du paysage au niveau du bassin hydrographique,puisque l’influence des procédés, à partir du diviseur des eaux, se fait ressentir jusqu’à larégion du littoral, s’étendant jusqu’aux océans (GESAMP, 2001). La jonction des maraisillustre un exemple de ce genre d’interactions, estuaires et région côtière, (Twilley, 1988 ;Hemminga, 1994), selon le flux d’éléments nourrissants et de matériaux organiques. Boneet al. (1993), ont bien décrit ces rapports, lorsqu’ils ont détecté les impacts sur les récifs decorail du Venezuela, de l’augmentation d’apport de sédiments comme conséquence desprocédés érosifs sur le continent, problème s’étendant aux récifs de corail du littoralbrésilien. (MMA, 2002).

En fait, l’échelle d’abordage à adopter, au cours du processus de préservation de la diversitébiologique, doit respecter l’influence d’un certain niveau hiérarchique du spectre biologiquesur les niveaux inférieurs. L’influence dans le sens inverse doit être également considérée.Ainsi, la conservation d’une certaine espèce ne dépend pas seulement de la conservationde son habitat et de son écosystème, mais aussi du maintien de la diversité génétique. End’autres termes, la préservation d’une espèce et sa perpétuation doivent supposer lapossibilité de flux génétique des différentes populations au sein de l’espèce citée. De façonplus complexe, ce flux, et par conséquent la diversité d’une composante d’une certaine unité,peut dépendre directement d’une autre composante de cette même unité. Ainsi Kagey ama& Lepsch-Cunha (2001) citent l’exemple des animaux jouant un rôle important dans ladiversité de forêts tropicales, autant comme composants de cette diversité, que commeagents essentiels au maintien de la diversité des espèces d’arbres tropicales, par l’intermèdedu flux génétique, réalisé par pollinisation et dispersion de graines des plantes, procédéobtenu en grande partie grâce à l’intervention de la faune. Nous pouvons donc montrerl’influence des espèces dans la préservation des écosystèmes. Si, d’un côté, au sein d’unmilieu forestier, la couverture végétale constitue, selon Huston (1996), la structure de basede l’écosystème (espèces structurales), essentielle au maintien de la communautémicrobienne du sol, de l’autre, la communauté citée joue un rôle fondamental dans lemaintien de cette couverture végétale, grâce à un cycle interne des éléments nourrissants,

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66. Il faut souligner que cette affirmation n’implique pas dans les faits que des écosystémes altérés ou partiellement dégradésont cessé de fournir les « services » de l’écosystème préservé.

assurant l’intégrité de ces écosystèmes… (sic). (Odum, 1971 ; Huston, 1996). Un deuxièmeexemple de cette relation est observé dans les bois marécageux, où les crabes, qui dépendentdirectement de la couverture végétale, jouent un rôle essentiel au maintien des élémentsnourrissants dans l’écosystème, retenant le feuillage dans leurs trous – ce dernier,décomposé, fournira les éléments nourrissant de la végétation. (Robertson et al, 1992).

Il est donc évident que le plus important n’est pas l’adoption d’une certaine échelled’abordage, sujet de controverse entre les écologistes au long de l’histoire, selon un courantdéfendant l’étude de l’espèce, ou d’un deuxième courant défendant l’étude au niveau del’écosystème (auto-écologie et synécologie). Actuellement, le plus grand défi desscientifiques et administrateurs de l’environnement est, outre l’agrandissement de cespectre à, au moins, un niveau au-dessus (paysage) et un niveau au-dessous(gén./moléculaire), la « capacité » de « se mouvoir » tout le long du spectre, selon le besoin.C’est-à-dire, la question de l’environnement aujourd’hui ne peut plus être abordée d’un pointde vue figé, mais doit être continuellement réévaluée, à partir d’une mobilité d’abordageset d’échelles.

EMPLOIS DES RESSOURCES BIOLOGIQUES

Il est important de souligner ici que la dualité des abordages, sur les deux échellesprincipales (du moins du point de vue des lignes classiques d’études en écologie), espèceset écosystèmes, a encore une importante différence d’abordage, concernant les bénéficessociaux. Lorsque nous parlons de diversité biologique, nous adoptons – souvent inconsciem-ment – un abordage des espèces. Dans ce contexte, nous pensons normalement auxbénéfices de l’usage direct de ces ressources. Dans ce cas, les espèces citées deviennent unpatrimoine économique ou, de façon plus moderne, de l’économie écologique (ou écologieéconomique). Ces espèces se reportent directement à un usage de consommation. End’autres mots : de telles espèces possèdent un emploi direct (par exemple, lorsque nous nousnourrissons d’un animal ou végétal quelconque ou lorsque nous en extrayons des produits).Lorsque nous adoptons un abordage plus large de l’écosystème, sans prendre notre niveaubiologique pour un organisme isolé, un « produit » de consommation, nous passons par unprocédé d’« abstraction » de notre abordage et c’est ce sentiment d’abstraction qui imposede grandes difficultés, aux scientifiques comme aux gestionnaires d’organisme environ-nemental et à ceux qui prennent les décisions. À cette échelle, les bénéfices obtenus sontplus vastes et brisent la barrière du « bien de consommation ». Là-dessus, notre grandeurbiologique fournit des « usages de non-consommation » ou autrement formulé, des« services ». Ces services ne sont possibles que par la préservation de tout l’écosystème 66.Des exemples de ce genre « d’emploi » sont : la stabilité de la ligne côtière, assurée par lesmarais, le contrôle du climat exercé par les forêts, la fourniture d’oxygène des communautésde producteurs primaires (forêts et communautés de phytoplanctons marins) prélèvementde carbone par les producteurs primaires (par exemple, forêts), contrôle de vidange, crueset qualité de l’eau des communautés végétales associées à des corps d’eau, telles les forêtsciliaires, marais et zones humides continentales en général, entre autres, qui peuvent varier

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67. Pour connaître plus de détails sur les concepts et mécanismes concernés par le processus d’estimation de valeurenvironnementale, cf. les études de Barbier (1989), Barbier et al. (1995) et Constanza (1991).

68. Résilence : Capacité d’un système de supporter les perturbations de l’environnement, tout en gardant sa structure et lemodèle général de conduite, tandis que sa condition d’équilibre est modifiée. Les systèmes les plus résilents sont ceux quipeuvent retourner à une condition d’équilibre après des changements considérables. La résilence est évaluée par le tempsnécessaire pour que le système retourne à sa condition initiale. Plus long le temps, plus petite la résilence ; Élasticité : Capacitéde retour à la situation antérieure, lorsqu’un système est modifié par un agent de tension. On dit aussi que le système estrésilent s’il retourne rapidement à la situation originale.

selon les écosystèmes / communautés en question. Un autre aspect assez intéressant, danscette comparaison entre biens et services fournis par les espèces ou des écosystèmes, estl’ensemble des bénéficiés apportés. En ce qui concerne les services pourtant, nousretournons au problème du détournement de l’attention de l’analyse selon l’échelle. Dansce cas, le centre d’attention concentré sur un groupe de bénéficiés sous-estimeraitl’importance de l’écosystème par rapport à la fourniture de services. En d’autres termes : lesusages du genre « service » sont fournis à un groupe beaucoup plus grand de bénéficiaires,transgressant, souvent de manière assez profonde, les limites de l’écosystème en questionet surtout, transgressant la limitation de l’usage direct, caractéristique du bénéfice de l’usagedes « biens » cités au-dessus.67

Sur la figure 1, nous pouvons voir comment ces usages se rapportent aux attributs d’un certainécosystème. Nous pouvons définir d’une façon plus simple l’écosystème par le biais de trois« attributs » principaux: structure, fonction et dynamique. La structure est directement liée àl’organisation de l’écosystème, comme, par exemple, la composition des espèces, saprédominance et maturité, possédant des composants biotiques et antibiotiques (Odum, 1971).C’est auprès des attributs de structure de l’écosystème que nous rencontrons les usages en tantque biens. (sic). Dans le cas des services, ceux-ci sont directement associés aux attributsfonctionnels de l’écosystème. Ces attributs peuvent être partagés en deux groupes de procédés.Le premier, concerne les procédés internes, qui sont directement associés à la maintenance del’écosystème lui-même, comme les procédés de cyclage interne des éléments nourrissants et lastabilité de la communauté, par exemple. Le second, se rapporte aux attributs fonctionnels,responsables de l’interaction de l’écosystème et des autres unités du paysage, tels la stabilité dupaysage et l’échange de matériaux entre écosystèmes (comme les éléments nourrissants et lamatière organique, par exemple). D’une manière générale, nous pouvons conclure que, dans lesecteur tertiaire, fourni par les écosystèmes, les attributs fonctionnels associés à l’interaction del’écosystème et d’autres unités du paysage, ont des rapports plus directs avec ce groupe d’usages.Les procédés internes ont cependant une grande importance, car la stabilité et la maintenancede l’écosystème en dépendent, comme les services fournis par l’écosystème en questiondépendent de ces derniers. Pour en finir, un aspect parfois négligé mais essentiel à la gestiondes ressources biologiques, doit être souligné. Il s’agit de la dynamique de l’écosystème, dontdépend la perpétuation du système le long des plusieurs échelles temporelles, tel la possibilitéde l’accord, face aux changements de l’environnement concernant la maintenance de lastructure lorsqu’elle est soumise à une tension quelconque. Dans ce contexte, on doit soulignerles propriétés telles que la résilience et l’élasticité68 (ACIESP, 1997) de l’écosystème. De cescaractéristiques dépend la perpétuité des ressources représentées par les biens et services.

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Fig. 1 – Les attributs des écosystèmes et leur relation avec l’exploitation des biens et services

Toujours dans le contexte de l’emploi des ressources fournies par l’écosystème, sous le titrede « biens » ou de « services », considérant l’importance de la diversité biologique à tous lesniveaux du spectre biologique, trois aspects doivent y figurer (fig. 2). Le premier se rapporteà la manière dont on s’en sert. Dans ce cas, il est essentiel de revitaliser, grâce aux idées deremise en valeur des ressources de l’environnement (Barbier, 1989 ; Barbier et al., 1995), latotalité des aspects impliqués, dans un processus de valorisation de l’écosystème. Ainsi nouspouvons diviser les formes d’usage d’un écosystème en deux grands groupes : valeursd’usage et valeurs de non-usage ou d’usage passif. Dans le premier groupe, noustrouverons les valeurs d’usage direct, où nous pouvons rencontrer les biens d’une façontraditionnelle, dont nous en avons parlé ci-dessus (produits animaux et végétaux), mais aussiles formes directes d’usage, telles la récréation et l’usage pour le transport (voies navigablesdes écosystèmes, par exemple). Dans ce groupe encore, nous soulignons aussi les valeursd’usage indirect, représentées par les services cités ci-dessus. Pour en finir, nous pouvonsintroduire d’autres valeurs associées à l’usage des écosystèmes naturels, que nous

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surnommerons de valeurs de choix ou quasi-choix. Entre ces valeurs, nous inclurons lapossibilité de « préserver » le choix de l’exploitation des ressources des générations futureset la valeur de l’accroissement futur de l’information (par exemple, si nous apprenons quele système possède des usages potentiels que nous ne connaissons toujours pas).Finalement, nous retrouvons dans ce que nous surnommons de valeurs de non-usage, lesvaleurs associées à l’existence du système et les valeurs d’héritage ; c’est-à-dire, que vautl’existence de l’écosystème lui-même, valeurs pour l’avenir concernant la perpétuation pourles générations futures.

Fig. 2 – Aspects de l’utilisation des biens et services fournis par un donné écosystèmeet sa relation avec le processus de valorisation de l’environnement

L’analyse de toutes ces possibilités nous donne un ordre d’idées de combien la perspectiveactuelle de la plupart des scientifiques et surtout des administrateurs des ressources del’environnement est limitée. Il est relativement simple d’obtenir les valeurs de leurs emploisindirects. Quand il s’agit de l’emploi indirect, nous voyons surgir des difficultés, ignorées

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par les méthodes en vigueur, dont la tendance est de simplifier les relations de naturecomplexe. Une telle complexité et la fragilité subséquente des systèmes de valorisation,deviennent des barrières souvent infranchissables (du point de vue d’un procédé exact etcrédible de valorisation), lorsque nous passons aux valeurs de choix, de presque-choix etaux valeurs de non-usage.

Sur la figure 2, un autre aspect est souligné, la frontière de l’emploi des ressources del’environnement (biens et services). Sous cet aspect, nous avons deux possibilités différenteset considérées à tort antagoniques. La première se rapporte à l’usage par les communautéstraditionnelles, limité à l’endroit, associé à l’exploitation des ressources sous forme de biens(en principe, usage direct), on n’écarte cependant pas les autres formes d’usage de ressources,y compris celles qui ont un lien étroit, culturel et religieux, avec l’environnement.

Reprenant le sujet des frontières de l’emploi des ressources naturelles, remarquons l’usagelocal des communautés non-traditionnelles sans lien direct et continu avec le système del’environnement dont elles se servent. Un tel lien est typique aux communautés tradi-tionnelles. L’usage des ressources par ces groupes, contrairement à ce que l’on pense, estassez vaste, directement (par la consommation de produits « importés » au système, etindirectement, profitant des services fournis par le système à toute la société, outre les« valeurs » citées ci-dessus, qui vont au-delà des frontières d’un certain écosystème). Souscet aspect, un certain service d’un écosystème trouble toute la société, et en l’éliminant, leservice en question devra, par conséquent, être remplacé, ce qui se fait en principe avecdes ressources publiques. Nous citerons un seul exemple, à titre d’illustration. Imaginonsun genre de système forestier quelconque, qui exerce la fonction de retenir des sédiments,comme, par exemple, les marais, les forêts des rivages ou les forêts ciliaires. La perte decette végétation peut entraîner de graves problèmes d’érosion des rivages du corps d’eau(fleuves, canaux, lacs, lagunes, baies), ainsi que son dessèchement, outre les conséquencesbiologiques tels l’augmentation du troublement de l’eau et du taux de sédimentation. De telsdommages devront être compensés par des travaux de dragage de l’excès de sédimentsdéposés. Un tel travail devrait être donc entrepris par toute la société, qui contribuerait avecses impôts, au remplacement du service, par le biais de l’ingénierie.

Il est donc évident qu’à l’exemple des aspects fonctionnels cités ci-dessus, lorsque nousprêchons un abordage du système au niveau du paysage, sous l’aspect social de l’usage desressources (biens et services) fournis par un certain système, nous ne pouvons pasdéterminer et limiter une frontière exacte de leur exploitation. Ceci veut dire que voir lescommunautés traditionnelles comme seuls bénéficiaires de la préservation d’un certainsystème, est complètement trompeuse et abusive. Une telle question doit être abordée d’unefaçon plus vaste et profonde, brisant les frontières du paysage sous l’aspect fonctionnel del’écosystème. En d’autres termes, si, d’un côté nous ne considérons que les procédés qui serapportent à la fonction de l’écosystème dans le paysage (fig. 1), négligeant les services quibrisent ces barrières, comme, par exemple, la qualité climatique et atmosphérique et la prisede CO2, nous verrons tout de même que, sous l’aspect de l’usage social de ces bénéfices,nous ne pouvons nous limiter aux frontières du paysage en question. Bref, même enadoptant un point de vue écologique plus flexible et vaste, dont le paysage est une unité debase et une frontière pour les procédés écologiques, du point de vue du bénéfice social, cesfrontières sont méprisées et il n’y a donc pas, pour cet aspect, de frontières écologiques nide frontières géopolitiques. De telles questions doivent donc être envisagées dans un pays,en tant qu’aspect social important, même si un certain segment de la société n’est pas en

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69. Notre but n’est pas de discuter des concepts écologiques, mais il est important de remarquer que, selon la définition debiome présentée par ACIESP (1997) et Odum (1971), concernant les régions terrestres, la région côtière ne pourrait êtreregroupé dans une unité unique, de la même façon que la Forêt Atlantique ne pourrait englober toutes les formations de bancde sables et de marais. Pour une discussion plus approfondie sur les biomes maritimes et côtiers cf. Longhurst (1998).

contact direct avec le système environnemental en question. Si aujourd’hui, au sein d’unseul pays, nous sommes encore bien loin d’une position éthiquement correcte, commentnous imaginer les énormes barrières que nous devrons franchir pour mettre en œuvre unepratique concernant plusieurs pays, sachant que beaucoup de « services » del’environnement dépassent les frontières.

Sur la figure 2 un troisième aspect est représenté en cas d’usage des ressources biologiques.Cet aspect se reporte à la période d’usage de la ressource. D’une façon assez simple, ilconcerne la perpétuation des ressources et son usage par de générations futures, commenous l’avons souligné lorsque les valeurs de non-usage ont été citées. Cet aspect comprendle maniement et l’usage soutenu, visant à sa conservation.

PORTÉE DE LA PRATIQUE DE CONSERVATION DE LA DIVERSITÉ BIOLOGIQUE

Antérieurement, nous avons discuté de la complexité de l’abordage de la diversitébiologique, aux différents niveaux du spectre biologique, ainsi que l’exploitation desressources biologiques (biens et services). Nous pouvons maintenant réfléchir sur lapratique de conservation de ce « trésor » biologique, représenté par les biens et les servicescités, restant cependant attentifs à tous les niveaux de complexité présentés ci-dessus. Nousne pourrons jamais négliger cette complexité, au danger d’adopter des systèmes et pratiquessimplistes et généralistes. En fait, lorsque nous pensons aux systèmes de conservation desressources biologiques, nous devons considérer et respecter ses complexités. Ce serait uncontresens de soutenir un système de conservation de la diversité biologique qui ne respectepas cette diversité de scénario.

Lorsque nous parlons de diversités de scénario, nous entendons par là une superpositiond’aspects. Ainsi, à guise d’exemple, le cas du Brésil : le gouvernement a adopté ladifférentiation de biomes suivante (MMA, 1998) : la forêt amazonienne, le Cerrado (ycompris champs rupestres), la Caatinga, le Pantanal, la forêt atlantique (y compris leschamps d’altitude, bancs de sable, marais, forêt d’Araucarias et champs du sud), et la zonecôtière et maritime69. Pourtant, le propre MMA n’est pas d’accord, les marais et les bancsde sables ayant été abordés superficiellement, inclus dans le « Programme d’évaluation etd’actions prioritaires pour la conservation de la biodiversité de la zone côtière et maritime »(MMA, 2002). De la même manière, le MMA adopte un abordage différent, surnommantles écosystèmes suivants : amazonien, de la région des Cerrados, du Pantanal, de la régiondes Caatingas et des forêts du nord-est, du Moyen-nord, de la région des forêts stationnairessemi-déciduales du nord-est, de la région des forêts de pins, de l’extrême-sud et des côtièreset de la région de la forêt atlantique. De toute façon, nous devons considérer que chacunde ces domaines possède une variabilité d’échelles spatiales, qui ont d’étroits rapports avecles caractéristiques de l’environnement régional et local, selon l’échelle adoptée. À titred’exemple, toujours au sujet du Brésil, prenons le domaine côtier de ce pays. Dans une

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même région côtière, nous pouvons trouver plusieurs écosystèmes différents, selon lescaractéristiques particulières qui déterminent les conditions favorables (ou limitatrices) àchaque unité. Pour se faire une idée de cette complexité, nous pouvons dresser une listede quelques ambiances trouvées le long de la zone côtière brésilienne : marais, plages,estuaires, lacs, îles, récifs de corail, bancs de sable, dunes, rivages rocheux, bancs de macro-algues, marécages, bancs de phanérogames sous-aquatiques, et écueils entre autres. Cettecomplexité est encore plus évidente si nous prenons chaque unité et en analysons lavariabilité tout le long du littoral brésilien. Ainsi nous verrons que chaque environnementpossède une variabilité intrinsèque, associée aux caractéristiques locales, si on respecte lesfacteurs de base pour qu’elles apparaissent. Une même communauté peut donc posséderdes caractéristiques différentes le long du littoral brésilien, selon la variabilité descaractéristiques de l’environnement (diversité de l’environnement), telles que :géomorphologie, caractéristiques océanographiques, géologie, climat, apport etdisponibilité d’éléments nourrissants et d’eau douce. Les marais, dont les caractéristiquessont extrêmement variables le long du littoral brésilien, en sont le meilleur exemple, si l’onconsidère les variations de l’amplitude des marées, l’apport et la disponibilité d’eau douce,d’éléments nourrissants, de climat. (Schaeffer-Novelli et al., 1990).

La scène environnementale est donc extrêmement variable à différentes échelles spatiales (sansciter les cycles temporels). Elle devrait être à elle seule la cause de profondes réflexions, quantaux systèmes simplistes et généralistes de gestion de l’environnement. Grâce à cette courteexposition, le besoin de flexibilité quant à l’adoption de stratégies de conservation del’environnement s’avère éminent, visant à respecter les particularités décrites ci-dessus.

Cette diversité culturelle des scénarios brésiliens est étroitement associée à la diversitébiologique et à sa conservation. Selon les données présentées par le MMA (1998), elle peutêtre résumée par l’existence, dans le pays, outre les descendants d’Européens, d’Asiatiqueset d’Africains, de plus de 200 groupes autochtones qui parlent 170 langues différentes, dont10 % seulement ont été complètement décrites. Pensons aussi aux populations autochtonesnon-indigènes (Diegeus et al., 2000), telles les Caiçaras (habitants des côtes), Caipiras(campagnards), Babaçueiros (extracteurs de la noix de Babaçu), Jangadeiros (maîtres deradeau), Pantaneiros (habitants du Pantanal), Praieiros (habitants des plages), Quilombolas(descendants d’esclaves fugitifs), Varjeiros (habitants des plaines cultivées), Pastoreio(bergers), Sitiantes (petits propriétaires ruraux), pêcheurs, Açoriens, Caboclos/RibeirinhosAmazônicos (mêtis de blanc et d’indigène / habitants des rivages amazoniens), Ribeirinhosnão Amazônicos (habitants des rivages non-amazoniens) et Sertanejos/Vaqueiros (habitantsde l’arrière-pays / cow-boys). Cette diversité se manifeste à différentes échelles spatiales.Selon Cunha & Almeida (2002), dans la Réserve Extractiviste de l’Haut-Juruá (fleuveamazonique, État de l’Acre), plusieurs groupes indigènes (Kaxinawá, Katukina e Ashaninká)et d’extracteurs de caoutchouc occupent la même région. Diegues et al. (2000) cite l’étudede Rodrigues (1986), qui estime que, lors de l’arrivée des premiers européens, le nombrede langues indigènes s’élevait à 1 300 environ, mais elles ont été réduites à 170, de nosjours (MMA, 1998). Ce fait caractérise une grande perte de diversité culturelle. Posey (199)cite encore les statistiques de l’Unesco, selon lesquelles de 4 000 à 5 000 des 6 000 languesparlées dans le monde sont des langues indiennes et autochtones. Ceci démontre que cespeuples constituent la plus grande partie de la diversité culturelle de la planète.

De cette façon il est évident qu’un système de gestion de l’environnement doit considérer,outre la diversité des décors environnementaux tels que nous les avons présentés ci-dessus,

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la diversité des scènes économique, politique, sociale et culturelle. On doit faire trèsattention cependant à l’adoption de mesures excessives de décentralisation, puisque lecontrôle et l’inspection de ces mesures, contraires aux intérêts de toute une société,risquent d’être pulvérisés, surtout lorsqu’il s’agit de quelques municipalités isolées où lepouvoir public, social et économique y est plus profondément associé. On doit de toutefaçon chercher un système équilibré, ni complètement centralisé ni radicalementdécentralisé, mais qui considère surtout toute cette complexité de scénarios. De cettemanière, les systèmes de conservation de ressources biologiques de nos jours subissent deprofondes transformations, caractérisées par la tentative de trouver un abordage inter etmultidisciplinaire. Cet abordage a pour pilier l’interaction de différentes sciences(naturelles, sociales, économiques, politiques, entre autres). Nous appelons cette phase de« retour », parce que l’homme est en train de chercher une alternative à l’excès despécialisation auquel le savoir humain est arrivé le long des siècles. Si, d’un côté, cettespécialisation a apporté d’incontestables bénéfices aux différents segments du savoirhumain et aux différentes branches d’activités de la société, au cours de ce procédél’humanité a perdu graduellement la capacité d’aborder les questions qui demandent uneperspective plus large, comme, par exemple, les questions concernant l’environnement.Nous avons pu observer ce phénomène récemment, dans les sciences naturelles, qui, lelong du siècle, ont été démembrées en plusieurs sciences (biologie, géologie,paléontologie etc.). À une échelle plus réduite, si nous prenons les sciences biologiques àguise d’exemple, nous y verrons le niveau de démembrement et de spécialisation auquelnous sommes arrivés, au début du XXIe siècle. Ce procédé a permis, sans aucun douted’importants progrès dans plusieurs domaines de connaissance, mais nous avons perdu lacapacité d’analyse et d’interprétation du « tout » et des phénomènes à une échelle quis’étend au-delà de la spécialisation antérieure. Si nous remontons l’histoire, nous verronscette pulvérisation de la connaissance à une échelle plus large, c’est-à-dire, à l’échelle dessciences de base, citées ci-dessus (naturelles, sociales, économiques et politiques). Pourcela il nous suffit de citer les philosophes de l’antiquité, qui avaient pour « préoccupation »majeure l’ensemble de ces aspects, qu’ils abordaient harmonieusement. La perte decapacité d’intégration des connaissances et du savoir humain, pendant ces siècles, n’estpas le seul produit de la capacité de spécialisation de la société, puisque je crois que celles-ci ne s’excluent pas mutuellement mais qu’elles sont complémentaires. La grande faute dece procédé est le choix que nous devons faire d’une voie au détriment de l’autre. De cettemanière, les grandes questions qui tourmentent l’humanité de nos jours, telles les questionsconcernant l’environnement, s’en ressentent. Le manque de clarté vis-à-vis du problèmedénote le manque de professionnels titulaires d’une formation et d’une vision plus vastes.

Partant de la complexité ou de la diversité décrites ci-dessus, il nous faut discuter le rôlede l’homme dans le procédé de préservation de la diversité biologique. Ce rôle est d’autantplus important que savons l’homme responsable, administrateur et gestionnaire desressources naturelles, se plaçant au-delà de la nature. Il ne nous appartient pas de discuteret de remettre en question la position anthropocentrique qui a caractérisé, pendantplusieurs siècles, les rapports de l’homme avec la nature, et encore moins les conséquencesde cette pratique sur l’homme lui-même. Nous voulons plutôt réfléchir sur le rôle del’homme, non seulement en tant que partie du système naturel, mais aussi en tant queresponsable. De ce point de vue, nous devrons changer aussi bien l’abordageanthropocentrique, selon lequel l’homme est le tout-puissant, la nature existant pour leservir inconditionnellement, ainsi que l’abordage biocentrique (préservationniste), selon

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lequel l’homme doit être exclu du système de préservation des ressources concernées. Lesdeux points de vue, dans le système moderne de conservation, ont déjà été remis enquestion. J’aimerais souligner cependant qu’une vision totalement préservationniste est,en très grande partie, contraire aux aspects cités ci-dessus, de l’usage par la société, debiens et de services fournis par les systèmes naturels. D’un autre côté, nous ne pouvonspas croire à l’anthropocentrisme exacerbé, aveugle et radical. En d’autres termes, nousdevons rechercher le point d’équilibre entre ces deux lignes, bien qu’il ne puisse être atteintque par des pratiques conservationnistes, comme, par exemple, l’usage responsable etsocialement juste des ressources naturelles, dont le préalable est le partage de celles-ci dansle présent et dans l’avenir (sa perpétuation, ce qui rend possible le droit d’accès à cetteressource aux générations futures).

Selon ce raisonnement, nous savons que l’homme est un facteur important dans le systèmede conservation de la diversité biologique, partagée en deux grands groupes : communautéstraditionnelles et communautés non-traditionnelles. Sur l’illustration 3, nous le décrivonsschématiquement, observant les rapports de ces groupes avec la conservation desressources naturelles. Les communautés non-traditionnelles constituent une source« externe » de pression sur les ressources naturelles, du point de vue de la non-existencede rapports directs avec les ressources, comme, par exemple, un certain écosystème,paysage ou unité de conservation. Cet aspect est à l’origine d’un manque d’identificationavec le milieu naturel. Celui-ci sera plus ou moins mis en évidence, selon le niveau derenseignement et d’éducation de ce segment de la société. D’un autre côté, lescommunautés traditionnelles sont parfois considérées comme une source « interne » depression, employée à guise de justificatif visant à l’exclusion de ces communautés dusystème de préservation des ressources naturelles. Une telle pratique est complètementtrompeuse et condamnable. À partir du moment que l’on écarte du système cescommunautés profondément liées à l’environnement, on leur provoque de graves torts, caril s’agit des moyens de subsistance de ces populations. Elles chercheront de toutes lesmanières à sauvegarder ces relations, ce qui les mènera à la clandestinité. Cetteclandestinité peut apporter deux nouveaux problèmes dans le système de conservation :les conflits et la corruption. Selon Diegues et al. (2000), l’implantation de nouvelles surfacesprotégées, sans prendre en considération les populations traditionnelles, d’Afrique, en Asieet en Amérique Latine, à partir des premières décennies du XXe siècle, a provoqué desérieux conflits raciaux et culturels, qui se sont aggravés dans les années 70, lorsque cespopulations ont commencé à s’organiser. D’un autre côté, un système qui considère lesprofonds rapports qui existent entre les communautés traditionnelles et l’environnementaura dans ces communautés un important allié pour la conservation des ressourcesnaturelles. De cette façon, ces peuples deviennent les agents de la conservation, jouant unrôle important aussi bien par rapport au contrôle comme par rapport à la prise deconscience.

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70. La question de l’efficacité et de la philosophie des unités de conservation, telles les réserves d’extraction, sera abordée lorsd’une recherche vu la spécificité du sujet ; nous ne nous sommes pas écartés de l’axe central de nos discussions.

Fig. 3 – Aspects impliqués dans le processus d’insertion de l’homme dans le système de conservation des ressources naturelles.

Faut-il souligner encore que l’insertion de l’homme dans les systèmes de conservation desressources naturelles doit être envisagée non seulement comme une « action » mais aussicomme un « procédé ». En autres termes, ce mécanisme ne peut se limiter à la création demécanismes légaux, tels la création de réserves extractrices, dans le cas du système d’unitésde conservation du Brésil (MMA, 2000 b). En fait, on devrait chercher à réaliser un processusqui aborde les questions de l’environnement, respectant les aspects de la diversité descénarios, et surtout les questions institutionnelles qui compromettent la pratique de laconservation des ressources naturelles indépendamment du système adopté. Ceci revient àdire que, si la recherche d’un système idéal pose un grave problème, les problèmesinstitutionnels de base qui ont tendance à bloquer n’importe quel système, pour plus parfaitqu’il soit est encore plus grave70.

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UNIVERSITÉ, POUVOIR PUBLIC, INFORMATION ET LES QUESTIONS DE L’ENVIRONNEMENT

Ainsi, l’insertion de l’homme dans le système de conservation des ressources naturelles n’estpossible que si elle a comme pilier le flux continu de l’information et un procédé solided’éducation, en plus de l’analyse d’alternatives pour l’usage des ressources naturelles (fig. 3).Les procédés d’information et d’éducation comprennent des actions locales concernant lesressources naturelles, ayant des rapports directs avec leur usage par les communautéstraditionnelles, leur subsistance, ainsi que par les communautés non-traditionnelles. Dansle cas des communautés non-traditionnelles, nous devrons aborder les aspects de l’usagedirect des ressources, comme nous l’avons discuté ci-dessus, aussi bien que les aspectsconcernant la citoyenneté, car les conséquences de la perte des ressources naturelles sontnuisibles à l’ensemble de la société, à cause des aspects qui se rapportent directement àl’usage de ces ressources, mais aussi à cause des conséquences sociales, économiques etpolitiques. Autrement dit, les conséquences de ces pertes sont partagées par toute la société,par le biais de politiques fiscales – lorsque ces endommagements sont incorporés aux fraispublics – ainsi que par des politiques sociales de protection, qui doivent incorporer lesconséquences des pertes directes des ressources, ou des changements sociaux qui ont leurorigine liée à ces pertes. De la même manière, parallèlement au process d’information etd’éducation destiné à la conservation des ressources naturelles, visant à changer la conduitede l’homme et sa façon d’envisager ses rapports avec la nature, on doit présenter des formesalternatives d’usage des ressources naturelles par les communautés traditionnelles et non-traditionnelles. En d’autres termes, il ne suffit pas d’indiquer, par le biais de l’informationet de l’éducation, les problèmes de la relation de l’homme avec la nature, mais on doittrouver des solutions à ces problèmes et y présenter des alternatives.

Ces deux piliers naturels de la relation de l’homme avec un procédé « salutaire » deconservation des ressources naturelles, l’éducation et les alternatives, doivent êtremaintenus et soutenues par un processus solide et par le flux continu de connaissance. Unautre segment important de la société peut s’ajouter à notre système, qui est le segmentscientifique, dans lequel les universités et les instituts de recherche se détachent.

Nous devons discuter à présent deux aspects assez controversés du rôle de l’université dansce système « idéal » de conservation des ressources naturelles. Le premier acceptéincontestablement est le rôle de la communauté académique dans la génération deconnaissances. Pourtant, l’université est fortement attaquée et accusée d’isolement ; on exiged’elle le rôle de transmettre la connaissance à d’autres segments de la société. Il ne nousappartient pas de discuter les aspects philosophiques de l’université, de son origine à sonvéritable rôle au cours de l’évolution de la société, partant des transformations venues dessavants de l’antiquité, qui faisaient de la science, mais qui se considéraient philosophes,médecins pratiquants ou astrologues, aux premiers scientifiques (comme ils seconsidéraient) du XVIIe siècle (Ben-David, 1974). Ce n’est pas notre but de défendreaveuglément l’université, mais de nous ouvrir à une réflexion juste, en ce qui concerne laresponsabilité des différents segments de la société dans le processus de conservation desressources naturelles.

Ainsi, à l’exemple de tous les systèmes déjà discutés (sous la désignation de scénarios),l’université possède elle-même sa propre diversité, essentielle à son avènement en tantqu’institution. Pour présenter cette question d’une façon assez simple, nous pouvons montrer

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71. Nous ne voulons pas nous étendre sur une discussion approfondie au sujet du véritable rôle de l’université stricto sensu,vu l’existence de plusieurs lignes philosophiques là-dessus, de celles qui considèrent le trépied enseignement/recherche/extension à la base l’université, à d’autres plus « traditionnelles » qui caractérisent l’université d’une façon « pure » :elle génère la connaissance, les autres « rôles » revenant à un autre genre d’institution d’enseignement supérieur. Ce derniercourant de pensée se base sur la structure primordiale de l’université, c’est-à-dire, dans les sociétés traditionnelles duXVIIe siècle, lorsque l’éducation supérieure était exercée par un maître entouré de disciples, les autres devant exercer leurenseignement dans d’autres « écoles ». (Ben-David, 1974). Faut-il constater que dans cette structure primordiale lapréoccupation concernant deux aspects se manifestait déjà : les sciences ou la recherche et l’enseignement.

cette diversité intrinsèque de l’université moderne en trois lignes prioritaires de son action:enseignement, recherche et extension71. L’enseignement est directement associé à la formationprofessionnelle de marché. Bien que la recherche entraîne directement la génération deconnaissances, elle se reporte aussi à la formation du personnel, surtout en ce qui concerne lesrapports recherche / spécialisation. Enfin, l’extension comprend les rapports entre l’universitéet la société d’une manière générale, autant par l’offre de services par transmission de laconnaissance (cet aspect est au centre de notre discussion, en ce moment).

Si nous adoptons donc pour modèle l’université – ne cherchant pas à faire de polémiqueautour du rôle véritable de l’université, mais illustrant plutôt notre discussion du modèledont la base est le « trépied » – nous devons nous souvenir de ce que nous avons déjà discutéau sujet de la diversité de scénarios. Si l’université possède sa « diversité » particulièred’action sur trois champs, cette caractéristique doit être considérée et respectée. Ce respectdoit partir du principe qu’entre les cadres professionnels qui constituent l’université nousne pouvons exiger l’existence de « super-professionnels » qui aient une performanced’excellence aux trois niveaux. C’est ce partage de compétences, cette diversité d’actions quiassurent la qualité de l’université.

Or, si nous exigeons de l’université, par le biais de ses professionnels, une action aussidiversifiée et si nous reconnaissons qu’une telle action est rarement exercée par le mêmeprofessionnel (enseignant / chercheur), nous devons remettre en discussion la manière aveclaquelle ces personnes sont évaluées au niveau des organismes publics – du gouvernementcentral et des États – aussi bien qu’au sein de l’université elle-même, par le simple critère dela production scientifique (en principe, les travaux scientifiques publiés dans des revues« indexées »). C’est justement là que l’un des « entonnoirs » du flux de connaissances del’université vers la société prend sa place, car ce professionnel a parfois ses émoluments et sasurvivance académique attachée à une évaluation, qui se passe de connaître le degré de sondévouement en salle de classe ou le temps qu’il dévoue aux communautés autochtones,cherchant à connaître uniquement le nombre de travaux scientifiques publiés. Le professionnela une tendance naturelle à s’adapter au système proposé ou à s’en écarter. Selon Baird (1996),ceci explique en partie la lenteur du flux d’informations de l’université vers la société. Le savoirest ainsi construit retransmis, mais n’arrive pas à suivre le rythme de l’arrivée de nouvellesquestions, ce qui provoque un déficit de problèmes de l’environnement qui devraient trouverleur solution à l’aide des connaissances académiciennes.

Selon tout ce qui vient d’être exposé, il est évident que la solution du problème passeforcément par une nouvelle structuration des systèmes d’évaluation académique, au sein ethors de l’université et des instituts de recherches.

En ce qui concerne le flux de connaissances du milieu académique, pour que celui-ci soitemployé par la société, pour l’environnement, nous devons en discuter un autre aspect, qui

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remonte à la question de responsabilité. Si d’un côté, cette transmission de la connaissancepeut être considérée comme l’un des « rôles » de l’université, ce « rôle » ne peut pas êtreconsidéré comme imposé. C’est-à-dire que nous ne pouvons pas confondre « le champd’action » avec « imposition institutionnelle », surtout si l’on considère l’autonomieuniversitaire et les aspects de l’enseignement et de la recherche, qui sont les bases del’avènement de l’université en tant qu’institution. Si l’université n’avait pas exercé latransmission des connaissances à la société, sous forme de troisième cycle universitaire, ellejouerait quand même son rôle dans la société, par le biais de l’enseignement et de larecherche, de la même façon que le rôle du médecin est d’exercer la médecine et celui del’agent de police, de veiller à la sécurité, sans qu’on leur en exige davantage.

Partant des réflexions ci-dessus, nous devons nous souvenir d’un autre segment de la société,qui comprend les organismes officiels (publics) de gestion des ressources naturelles, segmentcomposé d’un groupe d’organismes au niveau fédéral, des États et municipalités. D’une manièreassez simplifiée, ces organismes jouent un rôle dans la société, la représentation des intérêts decette société, par rapport à la conservation, l’usage soutenu, le partage socialement juste et lagestion des ressources naturelles, qui ne sont rien de plus que le patrimoine de toute la société.Pour jouer ce « rôle », par rapport à l’insertion de l’homme dans le système de conservation desressources naturelles, comme le montre la figure 3, nous nous appuyons, comme nous l’avonsdéjà discuté, sur les activités institutionnelles et d’inspection, et encore sur l’information et surla présentation d’alternatives d’usage pour le succès de ce procédé. Or, si ces deux aspects sontessentiels dans ce procédé et si celui-ci est exécuté par un représentant légal de la société – ce« conglomérat » d’organismes officiels – rien n’est plus cohérent que la responsabilité de gestionde cette connaissance retombe sur ces organismes et non pas sur l’université. Comme Baird(1996) en avait déjà parlé, la gestion de l’environnement est une activité, dans laquelle le pouvoirpublic intervient et plusieurs segments de la société y participent.

Autrement dit, la gestion des connaissances revient à l’université ; elle pourra, volon-tairement, s’associer à la transmission et à l’application de ces connaissances. Cependant,si ce choix n’appartient pas aux organismes de l’environnement, la recherche, ainsi que sonapplication devient l’affaire de ceux-ci. La seule façon de modifier ce cadre d’inertie, quicontamine une grande partie de ces institutions officielles, c’est de restructurer cesorganismes en ce qui concerne leur capacité de recherche, d’analyse et d’application desconnaissances générées dans les universités. Car comme Baird (1996) l’a cité, le simple faitde posséder les connaissances scientifiques n’assure pas que les décisions qui en sont issuesen seront directement l’image. Lorsque nous parlons de rendre le système capable d’agir,nous parlons aussi de profonds changements institutionnels et administratifs, y compris lamodification du profil du cadre des fonctionnaires et non un simple procédé qui les rendecapables d’agir, pratique qui n’a pas encore obtenu des résultats convenables. Cependant,ce procédé de restructuration du système composé par des organismes officiels qui sont liésà la conservation des ressources naturelles ne sera possible que si elle reconnaît l’universitécomme son partenaire.

CONSIDÉRATIONS FINALES

Nous pouvons observer que la question de la conservation de la diversité biologique est assezcomplexe et demande une profonde réflexion du point de vue éthique, surtout lorsque nouspensons à un usage responsable, dans le partage socialement juste des ressources naturelles.

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De cette manière, pour que nous puissions atteindre notre but, nous devrons adopter unabordage moderne, plus « ouvert » et vaste que ceux dont notre société a fait usage, au coursde l’histoire. Pour cela, nous devons partir de la richesse biologique elle-même, le centreprincipal de la discussion, qui est complexe par nature et, s’il nous fallait considérer lesdifférents degrés d’abordage, à son spectre biologique. Suivant encore cette ligne deraisonnement, nous ne pouvons pas soutenir un système qui ignore les particularités localeset régionales, mais un système qui, dans même temps, sauvegarde l’ensemble des intérêtsde toute la société. Nous devrons donc incorporer au système le savoir et le respect dû à ladiversité de la scène politique, économique, sociale et culturelle, qui se superpose à ladiversité de l’environnement.

Comme nous l’avons vu, nous pouvons nous heurter à deux systèmes de conservation : lepremier, éminemment « de surveillance », le deuxième, surnommé « éducateur » ou « pro-actif ». En ce qui concerne le premier, comme nous l’avons déjà démontré, non seulementnous avons échoué vis-à-vis de la conservation des ressources naturelles, comme nous avonsaussi créé de nouveaux problèmes : conflits et corruption. L’adoption du système« éducateur », d’autre part, a pour préalable l’incorporation d’un apport constantd’informations, un processus d’éducation et de présentation de manières alternativesd’exploitation des ressources naturelles, l’homme faisant toujours partie du système.

Ainsi, la complexité des questions qui concernent la conservation de la diversité biologiqueest claire, mais il est évident qu’une question si complexe ne puisse pas être abordée defaçon simpliste, mais de façon interdisciplinaire et surtout inter-institutionnelle, parl’intermède d’un vaste consensus de plusieurs segments de la société.

REMERCIEMENTS

Au Dr Cláudia Hamacher qui s’est toujours montré disposée à écouter mes idées, pour lesdiscussions philosophiques sur le sujet et pour la lecture critique du manuscrit. Auxorganisateurs du colloque international « Science et société », dont le sujet : « Éthique pourla durabilité » a rendu possible la discussion de nos idées avec les collègues de différentsdomaines de connaissance et surtout avec les jeunes à qui nous avons emprunté tout cepatrimoine culturel.

Mário Luiz Gomes Soaresprofesseur du Département d’Océanographie

et coordinateur du Centre d’études des marécages (NEMA)– Université de l’État de Rio de Janeiro

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ÉCOSYSTÈME EN DANGER : QUE FAIRE?

Les rapports de l’homme avec l’environnement ont commencé lors de ses premièresinteractions avec son entourage. Au début, cette relation appartenait à la question de lasurvie. Il s’agissait d’une relation qui se rapportait à la façon de vivre dans un monde danslequel la nature était puissante et menaçante. Les hommes étaient plus affectés par la natureque la nature, par eux. Peu à peu, grâce au progrès de différents procédés cognitifs, quicaractérisaient les étapes de l’évolution de la civilisation humaine, la perception del’environnement s’est modifiée et l’homme s’est vu face au besoin de connaître la nature etde classifier ses espèces végétales et animales. La nature occupait pourtant, et occupesouvent encore, une position de servilité envers l’humanité. L’homme ne se sentait ni engagédans ses processus dynamiques, ni être capable d’y intervenir. La connaissance que l’hommegagnait de la nature était, pour la plupart, utilisée pour la maîtriser et l’exploiter. La natureétait considérée comme quelque chose de séparé de la société humaine. La pratique del’extraction des ressources naturelles renouvelables, sans la connaissance de sa capacité desoutien, de son temps de récupération, de ses requêtes en ce qui concerne l’environnement,bref, de sa dynamique intrinsèque et extrinsèque, a été intensifiée, dans l’environnementmarin, par la fausse appréciation que la mer serait une grande solution-bouchon. Cela aengendré l’extraction désordonnée des ressources vivantes renouvelables, alors que l’onexerçait la surpêche dans plusieurs stocks de pêcherie, contaminant l’environnement côtierpar la pollution organique, les métaux lourds et les hydrocarbures, outre les déchets liquides.Comme conséquence de l’énorme impact provoqué par la société humaine, on peut observerle dérangement des processus environnementaux régionaux et même globaux, ce quitrouble la structure et la fonction de l’écosystème. Il est de plus en plus évident que la viehumaine dépend de processus naturels et complexes, liés entre eux, dynamiques, à petiteet grande échelle, et parfois d’équilibre subtil. Il est clair que l’environnement ne peutabsorber une quantité illimitée de déchets des différentes activités anthropiques d’unecivilisation industrialisée et négligente. La nécessité de connaître les processus écologiqueset de changer les voies des activités humaines, tout en y considérant ces processus a étéétablie. On comprend le besoin de développer des politiques protectionnistes, des mesuresde contrôle de l’environnement, de ses réglementations, de chercher des moyens etmécanismes pour récupérer les écosystèmes concernés et développer des programmesd’éducation pour l’environnement. On comprend le besoin de former une nouvelleconscience éthique, entraînant et dénouant les binômes : sciences/société, économie/environnement, société/environnement et sciences/économie.

Dans l’État de Rio de Janeiro, Brésil, deux écosystèmes côtiers ont attiré notre attention(GEPEB – Groupe d’Études et de Recherches de l’État de Rio de Janeiro) : la Baie de Rio deJaneiro et la Baie de Ilha Grande (Fig. 1). Ces deux écosystèmes côtiers sont différents, quantà leurs caractéristiques socio-économiques et océanographiques, quant aux polluantsintroduits, au niveau de contamination, et imposent donc des actions différentes.

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Fig. 1 – Baie de Guanabara et Baie de Ilha Grande. Source : www. inpe. br

Le Bassin de Guanabara, situé entre les parallèles 22º24’et 27º57’et les méridiens 42º33’et43º19’W, est contenu dans l’aire intertropicale et a une surface de 4,600 km2, la Baie deGuanabara inclue. À peu près 55 fleuves qui assurent le drainage de ce bassin, qui englobe,totalement ou en partie, 14 (quatorze) municipalités. (Amador, 1997). La Baie de Guanabarapossède un périmètre de 143 km et une surface d’eau de 337 km2. (Barrocas & Wassermann,1995). Il s’agit de l’un des écosystèmes les plus significatifs de l’Amérique du Sud. Dans sapartie ouest se trouve la ville de Rio de Janeiro, connue mondialement pour sa beauténaturelle et dont la surface métropolitaine représente la plus grande concentrationd’habitants vivant sur le littoral du pays. Malgré son importance historique, économique,culturelle, scientifique, sociale et environnementale, il s’agit de l’un des écosystèmes lesplus dégradés du pays, autant du point de vue de l’environnement que du point de vuesocial, sa surface, qui en 1500 était de 468 km2, a été réduite de 29,1 % (91 km2), dû à desremblayages. (Amador, 1997). Une grande partie de la population aux alentours de la baiequi n’est pas issue de l’État, est défavorisée et a une culture écologique limitée. Ceci estlamentable, mais il a manqué à cet écosystème les interventions les plus élémentairesd’assainissement (réseau d’égouts, collecte de déchets solides, urbains et industriels) et, parla suite, de décontamination, qui auraient pu suivre l’accroissement de la ville. Celle-ci, en50 ans, a vu augmenter sa population de 2 millions et demi à plus de 7 millions d’habitantsdans sa surface métropolitaine. 6000 industries actives jetaient leurs déchets dans le bassinhydrographique de la Baie de Guanabara. Malgré l’accroissement de la population et del’industrie, ce n’est qu’au cours de la dernière décennie qu’une plus grande importance aété attachée à l’assainissement de base et au contrôle industriel, lors des programmesd’éducation environnementale. L’indication de la Baie de Guanabara comme surface côtièreprioritaire pour la préservation et la protection de l’environnement par le Plan national degestion côtière (Loi nº 7.661 de 1988), a engendré des actions gouvernementales, commel’Agenda 21 (actions de décontamination et de protection de l’environnement pour les mersfermées ou semi-fermées), un diagnostic socio-environnemental (JICA, 1991), le PDBG:programme de dépollution de la Baie de Guanabara, en 1994, (assainissement de base,

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collecte de déchets solides, macrodrainage du territoire, carte géographique numérique duterritoire et éducation pour l’environnement) et la Loi nº 9.605, de 1998, (surface protégéeet d’intérêt écologique).

Écosystème estuaire, avec îles, plages sablonneuses, rivages rocheux ou marécageux, la Baiede Guanabara se caractérisait par sa richesse en poissons, écrevisses et moules. En 1991, laFondation d’État de I’ingénierie et de l’environnement (FEEMA, 1991) avait déjà notifié laréduction de la production de poissons en 90 %, comme résultat de l’état de contaminationet de dégradation de l’écosystème Baie de Guanabara. Cette violente réduction a ébranlél’économie de pêche, représentée par la production artisanale, provenant des cinq coloniesde pêche autour de la Baie : Z-8 – Jurujuba, Z-9 – Mauá, Z-10 – Ilha do Governador, Z-11 –Ramos et Z-12 – Caju. En conséquence du déclin économique, la flotte de pêche active estdevenue décadente elle aussi. Cette suite d’événements a réduit les conditions socio-économiques de la population qui dépend de la pêche, affectant aussi l’économie et la qualitéde ceux qui en consomment les ressources, vu la hausse du prix du poisson et sa bassequalité.

La Baie de Guanabara recevait, lors de la Conférence des Nations unies en 1992,470 tonnes/jour de déchets organiques des égouts domestiques ; 6,9 tonnes/jour de pétrolevenant de deux raffineries, Duque de Caxias et Manguinhos, et des métaux lourds (chrome,plomb et cuivre), trouvés dans les effluves, les sédiments marins et les viscères de poissons.(Cony, 1992).

Selon Zee (2000), les déchargements chroniques de pétrole des deux raffineries, somméesà celles des deux ports commerciaux, 16 terminus maritimes, 40 chantiers navals et 2000postes à essence sont actuellement estimés en 15 tonnes/jour. En janvier 2000, un accidenta eu lieu à la raffinerie Duque de Caxias (REDUC-PTROBRAS), dont les conséquencesimmédiates ont été 1,3 mille m3 de fuel lancés dans la mer, provocant d’importants dégâtsaux rivages rocheux, sablonneux et aux marais. L’évaluation des conditions defonctionnement de la REDUC/DTSE du point de vue de leurs conséquences surl’environnement, par l’intermède de l’Association des Universités, 2000) de la SECT –Secrétariat de l’État de la Science et de la Technologie et une évaluation de l’impact, ontentraîné un contrôle de l’environnement, pendant un an, et une évaluation des dommages,par l’intermède du Secrétariat de l’État de l’Environnement et du Développement Soutenu,financés par le montant des amendes versées par l’entreprise responsable (rédaction finaleen cours).

La situation est aggravée par le fait que la plupart des industries se situent dans le nord-ouest de la baie, là où la circulation de la marée est limitée. Il y a dans l’ouest, une grosseconcentration de navires pétroliers, qui, dans le passé (mais aujourd’hui encore, paraccident), ont vidangé du pétrole dans la Baie. Les égouts in natura, en partie traités, arriventà la baie, la surchargeant de matières organiques brutes, avec les conséquences suivantes :grande quantité de matières organiques minéralisées (excès d’éléments nourrissants),provocant une forte eutrophisation (forte biomasse primaire), caractérisée par une couchesuperficielle au fort taux d’oxygène (grande productivité primaire), grande consommationd’oxygène dans les couches immédiatement inférieures, et déplétion subséquente d’oxygènedans la colonne d’eau et sédiments anoxiques, sans vie hormis aérobie ; grande quantité dematière organique s’agglutinant aux grains de sédiments et métaux lourds solidementattachés à cette matière organique par de solides liaisons de chélation. L’eutrophisation de

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la Baie de Guanabara se caractérise par des variations spatiales. Mayr et al. (1980 apud Mayr& Paranhos, 2000) ont décrit de grandes variations spatiales des valeurs de la chlorophyllea, démontrant les différents niveaux de compromission des eaux de la baie par secteurs, autravers de différentes teneurs, mettant en évidence les impacts soufferts par la région nord-ouest, la plus souffrante. Barreto et al. et Barreto (1992 et 1993 apud Mayr & Paranhos, 2000)ont évalué les tendances de ces pigments chlorophylliens, dans la baie, et sont arrivés à laconclusion que le cadre de compromission de l’environnement était croissant. Carvalheiraet al. (1996, 1997 a), Brit et al. (1998) ont étudié la faune des rivages rocheux et ont signaléles variations spatiales selon les variations de niveau de la pollution. La macro-faunebenthique des plages sablonneuses s’est avérée également polluée. (Oliveira e Carbalheira,1999 35 2000). Le crabe « siri », de la région de l’Ile de Paquetá, n’a pas présenté de grandstaux de métaux lourds (à part le cadmium) dans sa chair ou dans ses muscles (Varoveska-Oliveira et Carvalheira, 1997), car les métaux lourds ont été retenus plutôt dans lessédiments (Carvalheira et al., 1997 b), ainsi que les hydrocarbures. Pivato et al., 2001Carvalheira et al., 2001 a, b) ont vérifié, lors du contrôle de la communauté benthique d’unrivage rocheux de l’Ile de Boqueirão, souffrante de l’écoulement de 2000), qu’il n’y a euqu’un recrutement de jeunes des deux espèces caractéristiques de cirripèdes (Balanusamphitrite et B. eburneus), pendant un an, (une constante des régions tropicales), et sanssuccès, c’est à dire que les jeunes n’ont pas survécu. Ceci engage un bouleversement del’écosystème, car non seulement le repeuplement des rivages rocheux s’avère insuffisant,comme aussi les larves de ces organismes servent de nourriture à de jeunes poissons dèsqu’elles se trouvent dans la masse d’eau.

Les altérations des niveaux de qualité de l’eau et des sédiments de la baie de Guanabara,qui sont les derniers à être contaminés par les métaux lourds et les hydrocarbures, nepermettent pas de qualité de vie à la population des entourages, car si d’un côté cetteressource ne servira plus au tourisme ou à la récréation, de l’autre l’inviabilisation de l’usagecommercial de l’eau entraînera la réduction des profits. Le besoin urgent d’interventionsvisant à améliorer les conditions de vie de la population et recouvrer l’écosystème estévident, permettant alors le retour à la productivité de la pêche et la revitalisation de cemarché de travail. Deux priorités ont été établies : le progrès économique durable etl’amélioration de la qualité de vie (économie/environnement, environnement/société).

Si l’on cessait promptement d’injecter des éléments polluants, l’écosystème Baie deGuanabara aurait besoin de 80 à 100 ans pour se recouvrer par ses propres moyens naturels.Des mesures gouvernementales ont été entamées visant l’assainissement, le contrôle deséléments polluants, et le développement des programmes d’éducation environnementale ;plusieurs organisations non-gouvernementales (ONGs) pour l’environnement sont enactivité dans la région. Mais que faire pour récupérer ce système? Que faire pour mettreen œuvre le procédé de recouvrement?

Les travaux de recherche développés dans la Baie de Guanabara, auprès du Prof. Dr GuidoPerin, du Département de sciences de l’environnement de l’Université Ca’Foscari, de Venise,de l’analyse de plusieurs techniques de recouvrement d’environnements souffrants dans desconditions semblables à celles de la baie, et des expériences d’aération de sédiments,réalisées en laboratoire (Fig. 2), sont à l’origine du projet TAGUBAR (Tangengial GuanabaraBay Aeration and Recovery) – Aération tangentielle et recouvrement de la Baie de Guanabara(UERJ, 1999), Coopération technique bilatérale Brésil – Italie, grâce à l’entremise desministères des Relations extérieures des deux pays.

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Fig. 2 – Extraction de chrome par mixtion et aération de sédiments de la Baie de Guanabara. (Exemple de test d’extraction de métal)

La proposition de coopération se reporte au transfert et l’application de technologie, outrel’instruction du personnel. Ce programme de coopération compte tester la technologie etmettre à disposition et en ouvre les moyens de dépollution du corps d’eau de la baie deGuanabara, grâce au savoir-faire issu de l’expérience sur chantier, pour toute la Baie. La chargede l’État de Rio de Janeiro, proposée du point de vue politique et technique, est de continuerle recouvrement de l’écosystème, basé sur les résultats des expériences. Pour que cela soitpossible, l’État de Rio de Janeiro y prendra part – par l’intermède du contrôle et du rôle actifde la FEEMA – Fondation d’État d’ingénierie et de l’environnement – et de l’acquiescementdu PDBG – Programme de dépollution de la baie – et de l’appui de la SESARH – Secrétariatd’État de l’assainissement et des ressources hydriques – et de l’Université de l’État de Rio deJaneiro. Les résultats de l’expérience permettront de mettre au point un plan dedécontamination selon le temps et le prix, et aussi d’individualiser une série d’opérationsreprésentatives pour les secteurs signalés de la Baie de Guanabara, en gérant un DDS –Decision Support System (un système d’appui aux décisions). Outre les chercheurs del’Université de l’État de Rio de Janeiro se sont associés à ce programme: la FGV – FondationGetúlio Vargas, par le biais du CIDS – Centre international du développement soutenu –l’Université fédérale de l’État de Rio de Janeiro et l’Université Santa Ursula et l’UICN – Unioninternationale pour la conservation de la nature, qui administre le programme.

Le projet prévoit l’aération du fond par déplacement du MODUS – Module opérationnel dedécontamination de l’unité de sédiment, associé au bateau, sur une surface de 4 km2, aunord-ouest de la baie.

Le MODUS représente l’unité d’aération tangentielle et son but est de pomper l’eau à lasurface (prélevée à 0,5 m de profondeur), et, mélangée à l’air atmosphérique, la redistribuertangentiellement au fond (Fig. 3). Le système prévoit le contrôle du niveau de profondeur

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d’aération par ordinateur. Le contrôle de l’expérience est assuré par l’équipage du projet etcomprend : chimie du sédiment, y compris métaux lourds et hydrocarbures, élutriation etécotoxicité, communautés benthiques, écologie microbienne, production primaire (eau etsédiment), ichtyoplancton, éléments nourrissants, géologie et géophysique maritime,océanographie physique, géotraitement et banc de données et le Masterplan.

L’aération est faite sous contrôle pour éviter la libération de polluants dans l’eau. Lesbioréacteurs du MODUS retiennent la matière organique et, avec elle, les métaux lourds. LeMODUS est maintenu dans l’eau pendant toute la durée de l’expérience (aérations etintervalle de temps entre elles). Les bactéries magnétostatiques, qui se développent dans cemilieu, sont capables d’incorporer les métaux lourds, pouvant représenter jusqu’à 70 % deleurs masses corporelles. À la fin de l’expérience, les bioréacteurs seront brûlés.

Par le biais de cette intervention, la science est employée de façon à recouvrerl’environnement. Faudrait-il encore souligner l’importance de la prise de conscience de lapopulation des rivages pour éviter de nouveaux apports de résidus solides à l’écosystème,ce qui suppose un grand programme d’éducation environnementale ; l’importance ducontrôle des déchets industriels, la construction et le maintien de stations de traitementtertiaires de l’égout et la continuité du travail de récupération de l’écosystème par l’aération,sur les surfaces auxquelles ont a donné la priorité et selon le Masterplan et le DDS.

Fig. 3. MODUS – Module opérationnel de décontamination de l’unité de sédiment (breveté par Guido Perin)

Lucia Verçosa Carvalheiraest Professeur adjoint du Département d’océanographie et hydrologie,

Institut de géosciences de l’Université de l’État de Rio de Janeiro, et docteur en océanographie biologique

– Institut océanographique de l’Université de São Paulo

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100Réflexions sur l’éthique et la durabilité

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L’EXERCICE DE LA CITOYENNETÉ DANS LA GESTION DES EAUX BRÉSILIENNES

UNE LECTURE SOCIO-ANTHROPOLOGIQUE

Le long des cent cinquante dernières années, les grandes masses d’eau douce ont étéconsidérées comme des réservoirs inépuisables, capables de fournir de l’eau pureéternellement ; de recevoir et d’absorber des quantités illimitées de déchets. Mais, selon leshydrologues, l’eau est une ressource naturelle limitée, bien qu’elle semble localementabondante (Gleick, 1998).

Dans ce sens, les préoccupations suscitées par la réalité des ressources hydriques, des eauxdestinées à l’usage humain, dans le monde entier, ont donné naissance à une suite de mesuresgouvernementales et sociales, ayant pour but d’assurer la continuité de plusieurs activitéspubliques et privées qui trouvent (Machado, 2001). En outre, les diagnostics sur le moded’appropriation et sur les genres de rapports maintenus par les acteurs de la dynamiqueterritoriale des ressources naturelles ont mené, un processus de révision des attributions del’appareil gouvernemental72, du rôle des usagers et, plus particulièrement, de l’usage de l’eau.Des idées de décentralisation et de participation ont alors gagné un nouveau sens, dans l’arènepolitico-administrative brésilienne, engendrant d’importantes questions aux gouvernements quisoutenaient le point de vue hégémonique sur la modernisation de l’État. Le processus detransformation institutionnelle et sociale, introduit par les politiques gouvernementales, se passecependant de manière excessivement hétérogène et, bien qu’ils soient l’image despréoccupations mondiales à forte pénétration dans les sociétés, ils sont localement adéquats etreconstruits avec des nuances interminables. (voir Machado, 2002).

Ce chapitre se propose de discuter la relation entre la gestion des ressources hydriques etl’exercice de la citoyenneté au Brésil. Pour analyser et décrire cette situation on présenteraen premier lieu un tableau descriptif de la distribution de l’eau douce dans le monde, auBrésil, et des problèmes associés à l’accroissement de la population ; ensuite, on fera unedescription succincte des caractéristiques de la gestion de l’eau au Brésil, avant et après1997, lorsque le gouvernement a institué, par le biais de la Loi 9.433, la politique nationaledes ressources hydriques ; la troisième partie formulera et définira les arguments pour unegestion publique collégiale des ressources hydriques, avec négociation socio-technique, parle biais de Comités des bassins hydrographiques ; on présentera enfin, dans la quatrième etdernière partie, quelques difficultés et limitations de l’implantation et la consolidation d’unepolitique décentralisée, participative et durable des ressources hydriques, ainsi que certainsmécanismes pour que ces difficultés et limites soient surmontées ou, du moins, réduites.

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72. Par appareil d’État j’entends surtout l’administration publique, cela veut dire, la structure organisationnelle de l’État en sestrois pouvoirs (l’Exécutif, le Législatif et la Judiciaire) en trois niveaux (Gouvernement central = União, États-membres etcommunes). l’appareil d’État est constitué par le gouvernement, c’est-à-dire, par la coupole dirigeante, dans les trois pouvoirs,et par un corps de fonctionnaires civiques et par l’armée.

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73. Selon le recensement de 2000 du IBGE, à peu près un quart des Brésiliens qui travaillent gagnent jusqu’à un salaire-minimum. Ceci signifie que vivre c’est, dans la plupart des cas, nourrir une famille entière avec moins de R$ 151 (salaire-minimum en 2000). De la population occupée, 24,4 %, ou 15788 millions de personnes, vivent ainsi. Les chiffres indiquentencore que plus de la moitié des Brésiliens qui travaillent, ou 51,9 %, gagnent jusqu’à deux salaires-minimum (SM). Mais ceuxqui gagnent au-delà de 20 SMs sont à peine 2,6 % de la population occupée, ou 1682 millions de travailleurs. L’inégalité estévidente, entre les régions du pays. Le Nord-Est et le Nord, 46,2 % et 30 % de la population, respectivement, recevaient jusqu’àun SM, contre 15,9 % dans le Sud-Est. Cette dernière région possède une parcelle de ceux qui gagnent plus de 20 SM: 3,3 %.Le recensement démontre aussi qu’il y a 5,9 millions de personnes qui travaillent et ne reçoivent aucun salaire. Ce sont 9,3 %des personnes occupées, dans le pays. Le Nord-Est possède la plus grande partie des sans-revenu (18 %) et le Sud-Est enpossède la plus petite : 4,4 %. L’État à la pire performance est le Piauí, où la 27,7 % de la population occupée n’a pas de revenu.Mais au District fédéral la taxe est de 2 %. L’IBGE révèle ainsi qu’il persiste une inégalité dans l’éducation, entre les régions :la proportion de personnes sans instruction ou qui ont moins d’un an études, au Nord-Est (17,9 %), est trois fois plus grandeque dans le Sud.

DISTRIBUTION QUANTITATIVE ET ANTHROPISATION DE L’EAU DOUCE

Selon des données quantitatives, fournies par des hydrologues, 97 % de l’eau disponible surla Terre est salée, et 2,493 % sont concentrés dans les glaciers ou dans des régionssouterraines d’accès difficile ; il ne reste donc plus que 0,007 % d’eau douce pour l’usagehumain, dans les fleuves, les lacs et l’atmosphère (Shiklomanov, 1998). Avec l’accroissementaccéléré de la population et le progrès industriel et technologique, ces sources d’eau douceont été compromises ou sont menacées. La pollution des sources d’eau souterraines, ledéboisement, l’ensablement des fleuves, l’usage inadéquat de l’irrigation, et l’imper-méabilisation du sol, parmi d’autres actions de l’homme, sont responsables de la mort et dela contamination de l’eau. Actuellement, plus de 1,3 milliard de personnes manque d’eaudouce, dans le monde, et pourtant, la consommation humaine d’eau double chaque 25 ans.Face à cette situation, l’eau douce gagne, chaque fois davantage, une valeur économique,devenant un bien économique proprement dit.

Malgré la situation privilégiée du Brésil, pays qui détient à peu près 12 % des 0,007 % detoute l’eau douce disponible sur la planète destinée à la consommation humaine, àl’irrigation et aux activités industrielles, de graves problèmes existent concernant ladistribution irrégulière des ressources hydriques (Agence nationale des eaux, 2002). 70 %de l’eau brésilienne se trouve dans la région nord, au bassin amazonien et où vit 7 % à peinede la population ; la région sud-est, qui possède la plus grosse concentration de population(42,63 % du total brésilien), ne dispose que de 6 % des ressources hydriques et la régionnord-est, qui abrite 28,91 % de la population, n’en dispose que de 3,3 %. 30 % à peine desressources hydriques brésiliennes sont donc disponibles pour 93 % de la population. Entre40 % et 60 % de l’eau traitée, se perd dans le parcours entre la captation et les domiciles (àcause de fuites, détournements clandestins et de technologies désuètes). L’eau douce, auBrésil, est aussi menacée par les effets de l’accroissement accéléré de la population etl’occupation désordonnée du sol, le progrès industriel et technologique, qui est accompagnéde pollution, érosion, désertification et contamination des nappes phréatiques. Selon lerecensement de 2000 de l’Institut brésilien de géographie et statistique (IBGE), dans lescinquante dernières années du siècle dernier, la population brésilienne a triplé, de 54 à170 millions de personnes. Comme résultat de ces inégalités sociales et régionales73, de lapression anthropique et de l’expansion des activités industrielles, les fleuves, les rivières,les canaux et les lacs ont été ensablés, remblayés, détournés abusivement ou même

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74. En tant qu’agence qui administre les ressources naturelles et non une agence régulateur de prestation de services publiques– ce qui la distingue fondamentalement des agences déjà installées pour les secteurs de l’électricité et de téléphonie – l’ANAa 8 attributions principales (art. 4º) : 1) octroi onéreux du droit de l’usage des ressources hydriques dans les corps d’eau duGouvernement central ; 2) surveiller l’usage des ressources hydriques dans les corps d’eau du Gouvernement central ; 3) mettreen application la perception des ressource hydriques du Gouvernement central. 4) percevoir, distribuer et appliquer les recettesobtenues par intermède de la perception des ressource hydriques ; 5) projeter et promouvoir des actions destinées à préveniret diminuer au maximum les effets des sécheresses et des inondations ; 6) définir et contrôler les conditions d’opération desréservoirs, par des agents publiques et privés, ayant comme but de garantir l’usage multiple des ressources hydriques ; 7)organiser, mettre en application et gérer le système national d’informations sur les ressources hydriques et 8) stimuler etappuyer les initiatives tournées ver la création de comités des bassins hydrographiques.

canalisés, ses rivages ont été occupés, les forêts ciliaires et les surfaces d’accumulationsupprimées. D’immenses quantités de déchets s’accumulent sur les rivages déboisés, sujetsà l’érosion. Des régions, qui étaient, dans le passé, bourbeuses, pleines de marécages, demarais et de plaines cultivées, ont été d’abord remblayées, imperméabilisées et édifiées parla suite.

Face à cette réalité, on a consolidé, au Brésil, l’idée d’un vaste assainissement de l’envi-ronnement, entraînant, outre l’approvisionnement de l’eau et des égouts sanitaires, le draindes résidus solides et le contrôle des vecteurs (Fondation nationale de la santé, 1999). Unepolitique de gestion de l’eau entraîne donc forcément des politiques d’assainissement et degestion de l’environnement. La politique des eaux, au Brésil, n’a pourtant jamais privilégiél’assainissement. Pendant plus de 60 ans, cette politique a été fortement dominée par l’idée degénérer de l’énergie, préoccupation dénoncée par le nom de l’organisme national qui devraitréglementer l’usage de d’eau : le Département national des eaux et de l’énergie électrique –DNAEE. La nécessité de générer de l’énergie électrique, pour encourager le développement etl’industrialisation (et pour permettre même la mise en œuvre de systèmes d’appro-visionnement d’eau plus complexes, comme l’emploi du pompage avec moteurs électriques) adéterminé la priorité de l’usage énergétique de l’eau.

LA BORNE LÉGALE DU SECTEUR DE RESSOURCES HYDRIQUES

Pendant les années 90 du siècle dernier, face aux alertes dénonçant la crise imminente dela disponibilité en eau, en particulier après la réalisation de l’Eco 92 (articles 21 et 22 de laConstitution fédérale de 1988), le gouvernement brésilien a pris des mesures ayant pourbut de réduire le plus possible les problèmes existant. En décembre 1996, le Congrès nationala approuvé le projet de loi national sur les ressources hydriques, qui a établi la politiquenationale des ressources hydriques et a créé le système national d’administration desressources hydriques. Le 8 janvier 1997, le Président de la République a sanctionné la Loinº 9.433, donnant au Brésil les instruments légaux et institutionnels nécessaires àl’organisation des questions qui concernent la disponibilité et l’usage soutenu des eaux.

Les principaux instruments de cette politique sont les plans des ressources hydriques(élaborés par bassin hydrographique et par État), l’encadrement des corps d’eau par classes,selon les emplois prépondérants de l’eau, l’octroi du droit d’usage et la perception pourl’usage des ressources hydriques. La mise en œuvre de tels instruments au caractèreexécutif, a été proportionnée par le biais de la Loi nº 9.984, du 17 juillet 2002, de l’Agencenationale des eaux (ANA), l’organisme du Gouvernement central74.

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Touchant les États-membres de la Fédération, les constitutions promulguées en 1989 ont étél’image de la Constitution fédérale, comprenant dans ses principes des articles entiers liésau problème de l’eau, à son usage et à sa participation parmi les ressources naturelles etl’environnement. Quelques États ont devancé la réglementation fédérale et ont institué leurspremiers plans de ressources hydriques. Pour en citer deux exemples, São Paulo et Ceará,par le biais de la promulgation, respectivement, des lois nº 7.663/91 et nº 11.996/92, ontinstitutionnalisé le Système de gestion des ressources hydriques de São Paulo et le Systèmede gestion des ressources hydriques du Ceará. Les autres États, pour différentes raisons,mais surtout pour des raisons politiques, n’ont commencé à régler leurs dispositifsconstitutionnels que récemment (Garjulli, 2001). C’est le cas particulier de l’État de Rio deJaneiro. Trois ans après la parution de la Loi nº 3239/99, le progrès constitutionnel de cetÉtat dans le règlement de la loi a pris de très minces proportions. L’État de Rio de Janeiros’achemine vers la formation de ses premiers Comités75, tandis Rio Grande do Sul en comptedéjà treize et Minas Gerais, neuf.

Hormis ce processus d’homologation asystématique, le changement dans la façon depercevoir les effets des activités humaines sur l’environnement est le produit de la fin dela croyance en la capacité infinie de l’environnement76. Il ne s’agit pas seulement d’établirdes standards pour contrôler l’émission de polluants ou de l’obéissance aux normestechniques, mais de punir ceux qui, en les transgressant, polluent l’environnement. Auxgouvernements en particulier, mais aussi aux sociétés d’une façon générale, revient laresponsabilité de changer d’attitude face aux ressources naturelles et aux problèmes del’environnement.

LES INNOVATIONS CONCEPTUELLES DE LA LOI DES EAUX

La nouvelle loi fédérale, connue comme la loi des Eaux, ainsi que les différentes lois desÉtats, dans ce sens, sont l’image des profonds changements d’idée du maniement desressources hydriques, surtout si on les compare à la manière avec laquelle elles étaient

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75. Idée de ce qui reste à avancer dans cette nouvelle façon d’institutionnaliser se consolide en tant qu’espace à l’exercice dela citoyenneté, à ces réunions ordinaires, des plusieurs secteurs qui intègrent le Conseil des États pour les ressources hydriques,surtout de la part du pouvoir public communal. En outre, le Conseil se réunit quatre fois par an et délibère, sans respecter lequorum minimum, établi régimentalement, pour le début des réunions, de deux tiers de ses membres, c’est-à-dire, vingt-deuxdes trente-quatre conseillers ! Ils n’arrivent à se réunir que d’une manière alternée, comptant sur treize des dix-sept conseillers.Ce quorum discutable a approuvé la création des deux premiers Comités des bassins hydrographique de l’État. Le premier,toujours sous le gouvernement du Parti socialiste du Brésil, le 26 mars 2002 (le Comité du bassin hydrographique du fleuveGuandu, qui approvisionne 8,5 millions de personnes dans la région métropolitaine de Rio de Janeiro, est un bassin detransposition des eaux venues du fleuve Paraíba do Sul, du domaine fédéral) ; le second, sous le gouvernement du Parti destravailleurs, le 10 juin 2002 (le Comité du bassin hydrographique des fleuves São João, Una et das Ostras, dans la région desLacs).

76. Touchant les ressources hydriques, les corps récepteurs (cours d’eau, réservoirs artificiels ou naturels, lacs, lagunes aquifèresouterrain) ont toujours été considérés comme la solution évidente de la destinée finale des déchets liquides d’unecommunauté. Ce procès est surnommé, par les ingénieurs hygiénistes, de traitement par délayage et a été adopté avec uneefficacité relative par de petites villes qui possèdent, ou non, des systèmes de traitement des égouts. Ce procès, connu commeautodépuration des eaux, a évité que, pendant quelques décennies, la pollution des corps hydriques atteignissent de niveauxinsupportables. Mais l’accroissement de la population urbaine, de l’industrialisation, suivis du retardement de la constructionde stations de traitement de déchets domestiques et industriels, ou même l’abandon des stations déjà construites, ont eucomme résultat une dégradation accentuée de la qualité des eaux des fleuves et des lacs d’innombrables endroits du pays,surtout des régions métropolitaines. Par exemple, la Lagoa da Tijuca, dans la zone Ouest de la région métropolitaine de Riode Janeiro, qui présente 5 millions de coliformes fécaux par 100 millilitres d’eau, alors que le maximum permis par le pouvoirpublic est de 800 dans chaque 100 millilitres (Jornal do Brasil, Coliformes, p. 8, 3 novembre 2001) !

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77. Si c’est vrai que beaucoup de choses ont changé, dans le Brésil contemporain, si les droits, la participation, représentationet négociation font déjà partie du vocabulaire politique, au moins dans les principaux centres urbains du pays, la question dela pauvreté continue et persiste, sans liens avec un débat public sur les critériums de l’égalité et de la justice.

traitées auparavant, par les pouvoirs publics. Quelques considérations d’ordre général, quiconcernent le fondement de la loi des Eaux, méritent d’être soulignées. La premièreconcerne le discernement de l’élément comme une ressource naturelle qui, bien queconsidérée renouvelable, est limitée. La seconde est liée à l’établissement du bassinhydrographique en tant qu’unité territoriale de gestion, au détriment d’autres unités politico-administratives, telles les communes, les États et les régions, puisqu’elle intègre les relationsde cause à effet qui arrivent dans le réseau de drainage fluvial, locus de manifestation deplusieurs aspects de la gestion environnementale. La troisième considération se rapporte àla conception des ressources hydriques comme un bien public, donc l’eau comme un biendont l’usage appartient à tous et qui, par conséquent, doit être partagé. La quatrièmeconsidération est liée à la constatation empirique que les usages de l’eau entraînent parfoisune interaction conflictuelle entre un ensemble significatif d’intérêts sociaux, très différentsentre eux. La cinquième considération concerne la construction d’un squelette normatif-administratif qui, tout en reconnaissant la légitimité de tels intérêts, établit un processus degestion des ressources hydriques, permettant de considérer son usage multiple, sans pourautant favoriser certaines activités ou groupes sociaux. Pour cela il a été établi que cettegestion intégrée serait collégiale, décentralisée, comptant sur une large participation socialeet incorporant les représentants du pouvoir public, les usagers (ceux qui font un usageéconomique de l’eau). Cette incorporation aboutit à la création d’un élément collégial, leComité du bassin hydrographique, dont les objectifs sont d’assurer la pluralité des intérêtsdans la définition du sort qu’on donnera aux ressources hydriques, dans chaque bassinhydrographique ; de rendre possible un contrôle plus vaste des actions (de leurs définitions,en passant par l’élaboration de projets, jusqu’au contrôle de l’efficacité et de l’applicationdes ressources financières) ainsi que des informations produites au sujet des ressourceshydriques.

Ce dernier aspect de la loi des Eaux, celui de la gestion publique intégrée et collégiale, quisera abordé ensuite, mérite une attention spéciale, parce qu’elle établit un instrumentd’encadrement institutionnel de conflits, inévitables dans un pays continental à grandediversité hydrographique, géomorphologique et socio-économique et avec de grandesinégalités et injustices sociales77. Il s’agit d’un concept qui s’est consolidé il y a peu de temps,dans l’espace institutionnel officiel, initié dans les années 70, font partie de la réalitépolitique brésilienne. Mais, plus récemment, ayant comme référence une citoyenneté active(Constitution de 1988) ces vastes mouvements, se sont dédoublés dans le tissu démocratique,constitué par l’interface entre l’État et la société, avec des pratiques de représentation etd’interlocution publique. Au cours des dernières années, les forums publics se sontmultipliés sur des questions liées aux droits humains ; race et espèce ; culture ;environnement et qualité de vie ; habitation ; santé ; protection de l’enfance et del’adolescence des questions considérées, au cours d’une gestion partagée et négociée de lachose publique. (Dagnino, 2002).

Avant de continuer, il convient d’observer que la notion de la gestion intégrée contientplusieurs dimensions, entraînant plusieurs définitions qui ont compté sur l’appui et leconsentement graduel de scientifiques, administrateurs publics et privés, et associationstechno-scientifiques. En premier lieu, (masses d’eau dans l’atmosphère, sur terre et dans les

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78. L’usage que l’on fait du terme socio-technique – créé dans les années 60 par un groupe de sociologues britanniques, quiétudiaient les organisations des entreprises, et étendu plus tard à l’étude de technologies pour historiens, sociologues etanthropologues (Machado, 2000 a) – a comme but de souligner la nécessité de promouvoir de dialogue social e technique, faceà la complexité, à l’hétérogénéité et à la diversité des éléments qui s’arrangent et se mélangent, dans un espace géographiqued’une société plus vaste, en formant un embrouillement de relations constitutives des pratiques et actions quotidiennes desacteurs de la dynamique territoriale.

océans) le cycle hydrologique ; en second lieu (de l’usage multiple d’un cours d’eau, d’unréservoir artificiel ou naturel, d’un lac, d’une lagune ou d’un réseau d’eau souterraine) lecorps hydrique ; en troisième lieu, tout ce qui se rapporte aux inter-relations des corpshydriques avec les autres éléments de la gamme des écosystèmes (sol, faune, flore) ; enquatrième lieu, la participation entre gestionnaires, usagers et populations locales, dans lagestion des ressources hydriques, dans la perspective d’un progrès soutenu. La Loi 9.433/97a consigné ces différents sens de l’idée de gestion intégrée dans les huit incisions de l’art.7º, qui établit le contenu minimum du plan directeur, dont l’objectif est d’édifier et de guiderla mise en œuvre de la politique, nationale et celle des états, des ressources hydriques etleur gestion : le Plan des Ressources Hydriques. L’objectif est de guider la mise en œuvrede la politique, nationale et celle des états, de gestion des ressources hydriques.

GESTION PUBLIQUE COLLÉGIALE, INTÉGRÉE, DÉCENTRALISÉE ET PARTICIPATIVE AVEC NÉGOCIATION SOCIO-TECHNIQUE

La raison de l’intérêt du législatif pour une gestion publique collégiale est évidente. Gérerun bassin hydrographique ou un ensemble de microbassins, dans une perspective intégrée,comme le prescrit la loi, revient à l’administrer de façon à éviter sa détérioration, tout enconservant ses caractéristiques positives et en perfectionnant celles qui ont besoin d’êtreaméliorées. La gestion environnementale de cette unité territoriale dépend de l’agent, deson rôle, de ses responsabilités et attributions, des moyens de communication avec les autresagents. Privilégier les intérêts de la communauté est un préalable à défendre, en dépit desintérêts privés.

Par conséquent, le collège rend plus simple la transparence et la perméabilité des rapportsentre entrepreneurs, acteurs sociaux et ONGs, l’interconnexion entre acteurs régulateurs etrégulés ; il incorpore aussi les intéressés et établit une voie de participation des citoyens. Ilétablit le forum d’articulation ; de négociation ; de discussion de problèmes émergents et ily joue un rôle normatif ; il offre la place à l’expression et la défense d’intérêts diffus, de lacollectivité à qui il donne voix et moyen d’expression, tout en défendant les intérêts privés,concentrés et spécifiques, en effet toutes les réunions sont ouvertes aux intéressés et aupublic en général.

Ainsi la décision prise par une entité collégiale telle le Comité de bassin hydrographiqueréduit le risque de corruption de l’acteur qui prend une décision individuelle pour lesintérêts privés ; il limite le degré de liberté, de conduites abusives et arbitraires. Le Comitéréduit le danger de voir l’apparat public emparé par des intérêts particuliers.

Pour une gestion politico-institutionnelle, effective et soutenue, l’action, menée par l’impo-sition d’un ordre techno-scientifique au territoire, plus connu comme technocratique, doitêtre remplacée par l’action orientée par la négociation socio-technique78. La communautéqui vit et donne forme au territoire d’un bassin hydrographique est la même qui se doitd’assumer les conséquences directes des actions appliquées sur les territoires.

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79. Sous la désignation de citoyenneté ambiante y sont compris un ensemble de droits et garanties des responsabilités conféréesou attribuées au pouvoir public, ainsi comme à la société, par ses organismes ou représentants ; par les citoyens, eux-mêmes,organisés ou non, capables de poursuivre leurs droits sur l’environnement, (= direitos ambientais), de les faire valoir, ainsicompris comme tous ceux inscrits et garantis par les différents diplômes normatifs, à partir de la constitution, des lois, arrêtésministériels, résolutions et autres.

80. C’est important de souligner la fragilité et les limites de la participation de la société dans un modèle de citoyennetéambiante, dont la base a, dans la défense judiciaire des droits, son arme principale et l’ultime forme de contrôle d’actes illicites,tout en considérant la difficulté et la manque de préparation du pouvoir judiciaire brésilien pour traiter les questions relativesà l’environnement, comme fut publié récemment dans : « Justiça deixa maiores poluidores impunes », Folha de São Paulo,14 octobre 2001, p. C-1, où l’on affirme que « après trois ans de la promulgation de la loi des crimes contre l’environnementet de 20 ans de la politique nationale de l’environnement, la justice brésilienne n’arrive pas à encadrer les grandes polluantesdans les normes du droit de l’environnement »., en mentionnant l’affirmation du juriste Édis Milaré que « la justice qui tardeest de l’injustice, principalement lorsqu’il s’agit de problèmes si préoccupants comme ceux de l’environnement ». Il y a touteune tradition romaine enracinée dans le droit brésilien, basée sur la conception de la propriété privée, de fort accentindividualiste et privatiste, incompatible avec une vision sociale et collective nécessairement présente dans le droit del’environnement.

La pratique effective d’une gestion publique collégiale, intégrée, tournée vers la logique dela négociation socio-technique, signifie agir, en accord avec les différents acteurs de ladynamique territoriale, entraînés dans son organisation (les cultivateurs, les industriels, lescollectivités locales etc.) et les entités de l’appareil d’État. Il n’existe pas forcément, parmiles différents acteurs, l’unanimité sur les mesures qui devront être prises. Les mesuresdoivent être négociées par une entité collégiale du Système national de gestion de ressourceshydriques, telle le Comité de bassin hydrographique, de sorte qu’on arrive à des décisionsqui donnent des mesures utiles, ainsi qu’en une division équitable des efforts et desresponsabilités. La négociation socio-technique est, d’une manière générale, un processuscher, du point de vue politique, financier, émouvant et incertain. C’est un genre d’interactionoù les parties cherchent à résoudre les difficultés par le biais d’un accord. A priori, on n’estpas sûr que les résultats souhaités se situent dans la parfaite intersection des intérêts. Cegenre de ressource a l’avantage de mieux ajuster les parties entre elles, d’être capabled’approfondir des liens ; de produire de nouvelles situations et opportunités par un processusd’échange, en somme, de signer un pacte.

Parce qu’il s’agit, comme nous l’avons déjà dit, d’un exercice politique hasardeux, dans lecas où ce qui aurait été accordé dans une négociation socio-technique il y aura toujours lerecours à l’appréciation du Pouvoir Judicaire qui permet l’exercice de la citoyennetéenvironnementale79. L’ordonnance constitutionnelle a prescrit la défense judiciaire del’environnement en tant que mécanisme capable d’assurer la citoyenneté. Les actionsjudiciaires possibles sont les suivantes : l’action directe d’inconstitutionnalité de la loi ou del’acte normatif ; l’action populaire constitutionnelle ; le mandat de sécurité collectif et lemandat d’injonction ; en outre, les actions de procédé commun et les mesures ou actions deprévenance respectives. Ainsi, le rôle réservé au pouvoir judiciaire dans la tutelle del’environnement se révèle très important, car c’est par son biais que les droits de lacitoyenneté seront exercés, puisque les menaces et les torts commis au droit lui serontsoumis. Quoique, comme l’alertent les spécialistes en droit pour l’environnement (Aguiar,1996), l’acteur qui décide de faire usage des instruments juridiques doit évaluer prudemmentson choix, pour que le résultat attendu ait un minimum de possibilités d’être efficace. Lacomplexité des causes, entraînant des aspects scientifiques, techniques, de recherche surterrain et en laboratoire, peut rendre les procès judiciaires lents, dans le cas d’exemption dedépens ou, encore coûteux, en cas de nécessité d’une réponse rapide80.

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81. Dans le droit administratif, ce principe consiste de l’orientation que tout ce qui peut être décidé sur de niveauxhiérarchiques plus bas du gouvernement ne sera pas résolu sur de niveaux plus hauts de cette hiérarchie. En d’autres mots :ce qui peut être décidé par les gouvernements régionaux et même locaux ne peut être traité dans la capitale fédérale ou dansla capitale des États.

FRAGILITÉS À VAINCRE POUR CONSOLIDER UNE GESTION PUBLIQUE DÉCENTRALISÉE ET PARTICIPATIVE

Dans ces temps de changements et d’avenir incertain, l’administration démocratique est unbien d’usage commun du peuple, l’eau est au centre de nos inquiétudes et de nos perplexitésface aux voies de la modernisation brésilienne sur la scène de la mondialisation. Malgrécela, pour qu’une gestion collégiale soit un instrument d’application du développementsoutenu, il faut faire attention à quelques fragilités qui doivent être surmontées, de façon àce qu’une plus grande représentativité et participation de la société ait lieu, au sein desentités de gestion publique collégiale, comme les Comités des bassins.

En premier lieu, faut-il souligner que le principe de la gestion collégiale, intégrée,décentralisée et participative, au Brésil, est fondamental à la compréhension de la loi commeinstrument de changement du paradigme de la politique publique. Cependant le principeen question provoque certains conflits entre la société civile et le pouvoir public, puisquela culture administrative de forte centralisation technocrate est encore très enracinée, auBrésil. Bien que la Constitution fédérale de 1988 ait établit un accord fédératif entre leGouvernement central, les États et les Communes, par le principe des subventions81, laculture du pouvoir centralisé est un héritage de la fondation da la République, transmise degénération en génération, l’une des conditions de l’évolution politique brésilienne. Dans lecas des ressources hydriques, cette culture survit par l’intermèdiaire de toute une générationde spécialistes de formations variées, occupant des postes à responsabilité au sein desorganismes publics. Ils détiennent les connaissances des bassins hydrographiques et agissentpar l’intermède de vastes réseaux de relations socioprofessionnelles. La gestion intégrée,décentralisée et participative d’un bassin hydrographique est un sujet trop sérieux pourcontinuer entre les mains des spécialistes du pouvoir public. En outre, comme nous l’ontappris les sciences sociales en général, l’anthropologie et la sociologie en particulier, toutedécision basée sur des critères techniques sert à un dessein politique, consciemment ounon. Une telle caractéristique tient au fait que tout spécialiste est avant tout un homme,doté de jugements politiques, éthiques, ainsi que d’habitudes professionnelles. Ces valeurssont à la base de ses actions.

Contenu dans la « loi des Eaux », le terme « participation » se prête à différentesinterprétations. On peut participer ou faire partie de quelque chose de plusieurs manièresdifférentes, depuis le rôle de simple spectateur, à celui de protagoniste. La participationattendue par la société, les usagers et les communautés en général, est ainsi formellementcomprise dans la loi, assurée par sa représentation équitable dans les Comités et autresorganismes du bassin hydrographique, ainsi que dans les Conseils des États et dans leConseil national.

Mais la participation de la société doit être assurée par d’autres mécanismes qui mettent envaleur l’histoire particulière de chaque localité et les contributions des populationsconcernées, les incorporant aux plans directeurs et à l’encadrement des cours d’eau. Il ne

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s’agit pas de présenter à la population un plan directeur du bassin, élaboré dans l’espace detravail fermé du corps techno-scientifique du pouvoir public. La base empirique de laconnaissance locale de la population au sujet des corps d’eau d’un bassin hydrographiquedoit être considérée, pour sa valeur socio-environnementale. En outre, les cours d’eau fontpartie de l’histoire de l’individu, de la famille et de la communauté, en y gagnant un senssymbolique et en occupant une partie importante de son patrimoine culturel (Machado eCardoso, 2000).

Défendre la participation n’engage donc pas seulement un principe démocratiquehumaniste, philosophique (lorsqu’il ne dégénère pas en démagogie purement rhétorique),mais elle est aussi une partie importante de la construction d’une nouvelle manièred’envisager la gestion des ressources publiques. Autrement dit, quelqu’un se sentira engagélors de la prise d’une décision, sera pour ainsi dire, l’agent de son application. En fait,l’acceptation d’une décision est plus grande lorsqu’il existe un processus de gestion d’unprojet ou d’une politique. Dans les comités des bassins hydrographiques, la populationimpliquée est l’administrateur et doit pouvoir prendre pour siennes les décisions et le plandirecteur ou l’encadrement du fleuve.

En troisième lieu, la participation active des municipalités, dans les Comités des bassinshydrographiques est indispensable, parce qu’il leur appartient, auprès du Gouvernementcentral, des États et de la Fédération (Constitution fédérale, 23, VI), d’exercer le rôle depolice des eaux, y compris au sujet des biens fédéraux et des États. En fait, cela autorise,dans les termes de sa loi organique et de l’ordonnance de la municipalité, à établir desmesures restrictives de contrôle pour préserver, par exemple, les eaux d’un lac, dans sonterritoire. Dans l’exercice du pouvoir de police, la municipalité pourra exiger une taxe, uneforme de recette tributaire, comme le prescrit la Constitution fédérale (art. 145, II, et § 2º),visant à licencier ou inhiber certains usages des eaux, voire punir les infractions pourmauvais usage.

En quatrième lieu, nous devons souligner que les nouvelles idées sont importantes pour lechangement social ou pour les politiques. La politique des ressources hydriques suscitecertainement de nouvelles idées ou, du moins, une nouvelle interprétation d’idéesanciennes ou d’idées vieilles de quelques décennies. Mais on ne devra jamais oublier quela préoccupation des citoyens vis-à-vis de l’environnement a toujours été instable, nuancéeet ambiguë.

Le fait que les nouvelles idées au sujet de la gestion des ressources hydriques n’aient pasencore secoué en profondeur l’administration publique de la plupart des États et descommunes de la Fédération, ne veut pas forcément dire qu’elles sont inefficaces. Onmesurera leur effet les prochaines décennies.

Espérer que de telles interventions provoquent occasionnellement des changements deconduite de grandes proportions est peut-être illusoire, ce qui fait que l’on ignore saresponsabilité collective de produire des changements plus réalistes. De grands chan-gements sociaux se produisent souvent, mais, à part les révolutions, elles s’étendent surplusieurs décennies ou même sur des périodes plus longues. En outre, ces changements nesont pas uniquement issus de politiques publiques et n’ont pas lieu forcément à cause d’elles.De telles politiques peuvent sûrement jouer un rôle opportun, mais ne peuvent parvenir àelles toutes seules, à forcer un changement social. Elles peuvent en fait, susciter l’interactiondes forces en jeu. Les plusieurs sortes de changements pourront alors agir entre elles. Dans

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82. Les innovations contenues dans le Statut se trouvent sur trois champs : les nouveaux instruments de nature urbanistique,pour induire – plus que normaliser – les formes d’usage et d’occupation du sol : la nouvelle stratégie de gestion qu’incorporel’idée de la participation directe d’un citoyen dans les process décisoires, au sujet de la destinée de la ville, et l’ampliation despossibilités de règlement des possessions urbaines, qui se situent, jusqu’ici, aux frontières ambiguës entre la légalité etl’illégalité. Le défi jeté par le Statut incorpore ce qui existe de plus vif et vibrant dans le progrès de la démocratie brésilienne :la participation directe (et universelle) des citoyens dans les process décisoires. Les audiences publiques, les plébiscites, lesréférendums, outre le devoir d’appliquer un budget participatif, sont ainsi mentionnés comme des instruments que lescommunes doivent en faire usage pour écouter directement les citoyens lorsqu’elles veulent prendre une décision au sujetde leur intervention sur le territoire.

ce cas, même les changements individuels qui semblent inexpressifs, pourront s’avérerutiles après avoir été regroupés.

En cinquième lieu, chaque loi nouvelle suppose deux changements qui dépassent, la plupartdu temps, les limites de notre capacité de comprendre la réalité immédiate : introduire desmodèles de conduite, qui n’existaient pas encore, modifier les rapports entre les individuset entre eux et avec l’État. Cette transformation vient d’un ensemble de perturbations quipeuvent devenir très violentes. Le besoin d’une période d’adaptation pour régler, ajuster estnécessaire.

À l’exception de ses effets empiriques, la loi est un objet intellectuel par nature, unestructure abstraite qui a besoin d’être comprise et développée, analysée.

On ne peut pas oublier que la loi est faite pour contrôler l’avenir, mais aussi le progrèsenvironnemental, social, économique et technologique produisant sans cesse deschangements et des situations nouvelles.

Cela veut dire que, selon la nouvelle loi, on attend un véritable travail de gestion quiparvienne, si possible, à un idéal de clarté, de façon à ce que les acteurs de la dynamiqueterritoriale d’un bassin hydrographique puissent connaître et discuter les « lois du jeu » del’acte délicat de traiter un bien d’usage commun, l’eau.

Finalement, concernant sa structure juridique, la législation brésilienne sur l’environ-nement et la santé publique, malgré le niveau expressif de complexité, pendant les dixdernières années (Machado, 2000 b), ressent toujours plusieurs défaillances, du fait qu’ellen’est pas encore arrivée à fixer une législation qui procure à la citoyenneté une totaliténormative et homogène. Un exemple de cela est le Statut de la Ville (Loi nº 10.257),approuvé par le Congrès national le 10 juillet 2001, après 11 ans de négociations etd’ajournements, ce qui a apporté les directives et les actions nécessaires au soutien des voiesurbaines82. Cette nouvelle législation concerne 85 % de la population brésilienne, leshabitants des espaces urbains. Deux sujets à répercussions importantes demandent desdéfinitions de règles spécifiques : l’assainissement de base et la propreté urbaine. Cela nouspermet de débattre au sujet d’une conception assez répandue, selon laquelle le fait quecertaines choses n’aient pas lieu doit être attribué à un « manque de volonté politique » dela part des autorités. Cette expression est une contradiction. Ce qui existe à l’origine de ces« non-événements » est toujours un accord de l’omission, c’est-à-dire, le fait d’une volontépolitique : la volonté politique de ne pas faire.

À guise de conclusion, pour ceux qui ont choisi le chemin de la démocratie directe etconstitutionnelle, aussi bien du point de vue politique que professionnel, ces réflexionspeuvent devenir, en fait, un encouragement pour l’engagement de tous d’agir au bénéfice

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du bien-être de notre génération et de celles qui viendront. Un tel choix entraîne desprincipes et des droits fondamentaux : la défense de la démocratie ; le refus de la conduitearbitraire et du dérèglement, tout en résolvant les problèmes socio-environnementaux,provoqués par les modèles actuels de progrès économique et d’usage des ressourcesnaturelles.

Carlos José Saldanha Machadodocteur anthropologue par la Sorbonne,

professeur du Programme de spécialisation en ingénierie environnementale au sein du Département d’ingénierie sanitaire et environnement

à l’Université de l’État do Rio de Janeiro, président de la « Câmara Técnica de Sistema de Gestão

do Conselho Estadual de Recursos Hídricos » do Rio de Janeiro

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