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N° 116 – Novembre 2008 Les biocarburants : entre prospérité et remise en cause Pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, les biocarburants apparaissent depuis quelques années comme les plus aptes à remplacer le pétrole dont dépendent 98% des transports, tout modes confondus. Conformément aux objectifs européens, leur part dans la consommation totale du secteur des carburants devrait croître régulièrement en France, pour atteindre 5,75 % en 2010 et 10% en 2015, au lieu de 1% en 2005. Mais la légitimité des biocarburants tant écologique qu'économique fait débat. Il suffit de lire le projet de la loi Grenelle pour s'en convaincre. En effet, le projet de loi Grenelle 1 dispose dans son article 18 que « La production en France des biocarburants est subordonnée à des critères de performances énergétiques et environnementales comprenant en particulier ses effets sur les sols. La France soutiendra aux niveaux européen et international la mise en place d'un mécanisme de certification des biocarburants tenant compte de leur impact économique, social et environnemental. Une priorité sera donnée au développement de la recherche sur les biocarburants de deuxième génération ». La production de biocarburants est encouragée par les États, bien qu'actuellement la société ne soit pas en mesure d'identifier clairement les aménités et les externalités de ces productions. Cette interrogation apparaît d'ailleurs dans le projet de loi Grenelle 1. Aussi, quelques questions essentielles se posent : Quels sont les avantages et les inconvénients des biocarburants ? La production de biocarburants est-elle rentable en terme agricole, économique et écologique ? L'utilisation de biocarburants est-elle la seule solution pour enrayer les émissions de gaz à effet de serre dans notre société ? Directeur de la publication : Alain DE MEYERE Réalisation – impression : Dépôt légal et ISSN en cours DDE de l’Oise Bld Amyot d'Inville BP 317 - 60021 Beauvais Cx ml : dde-oise @equipement.gouv.fr Réalisation et contact : Service de l’Aménagement,de l’Urbanisme et de l’Environnement France POULAIN Cellule Connaissance des Territoires Hélène GENAUX (03 44 06 50 00) ml : [email protected] En guise de conclusion . . . Pôle de compétitivité et innovations technologiques Le 12 juillet 2005, le Comité Interministériel d’Aménagement du Territoire (CIADT) a décidé d’attribuer à la région Picardie deux pôles de compétitivité à vocation mondiale. L'un d'entre eux, le pôle « Industries et Agro- ressources », porté par les régions Picardie et Champagne-Ardenne, cible son développement sur les nouveaux marchés émergents basés sur l’utilisation de tous les composants de la plante à des finalités industrielles, innovantes et compétitives (biocarburants, bioéthanol et biodiesel). Sur l’initiative de la Commission Européenne, le pôle a été mandaté pour mettre en place une plate-forme technologique sur les biocarburants. Ce projet est porté en partie par la communauté d'agglomération du beauvaisis (CAB) et celle de la région compiègnoise (ARC), au travers de l'Institut de formation Polytechnique LaSalle (ISAB) et de l'Université Technologique de Compiègne (UTC). Selon les deux communautés d'agglomérations, un projet de développement d’entreprises et d'industries en lien avec les centres universitaires et le pôle de compétitivité est également prévu. Il pourrait renforcer la spécialisation du pôle « Industries et Agro-ressources ». Entre politique énergétique . . . Malgré les nombreux impacts négatifs de la production et de l'utilisation des biocarburants, il ne faut pas s'abstenir de mener une véritable politique énergétique. Celle ci doit être diversifiée, fortement tournée vers la recherche & les innovations et économe. Le pôle « Industries et Agro- ressources » participe de fait à cette démarche. Malgré tout, il se pourrait que face aux défis du XXIème siècle, il faille conjuguer cette politique énergétique renouvelée avec une modification de nos comportements. Ainsi, il semble que la diversification des énergies et des approvisionnements reste une condition sine qua non d'indépendance et d'économie énergétique. Une réduction des transports routiers et leur transfert vers le rail et la voie fluviale apparaît comme indispensable. Une priorité doit également être donnée aux transports collectifs, aux transports alternatifs doux, à la sensibilisation des conducteurs sur leur manière de conduire et aux progrès techniques sur les véhicules. . . . et transformations sociales A coté de cela, il se pourrait que certaines transformations sociales et urbaines puissent jouer un rôle dans la réduction de notre consommation énergétique. Ces transformations pourraient se traduire par l'arrêt du « tout voiture », une réduction des distances quotidiennes à parcourir et une densification des espaces urbains existants. Direction Départementale de l'Equipement de l'Oise 8

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N° 116 – Novembre 2008

Les biocarburants : entre prospérité et remise en cause

Pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, les biocarburants apparaissent depuis quelques années comme les plus aptes à remplacer le pétrole dont dépendent 98% des transports, tout modes confondus. Conformément aux objectifs européens, leur part dans la consommation totale du secteur des carburants devrait croître régulièrement en France, pour atteindre 5,75 % en 2010 et 10% en 2015, au lieu de 1% en 2005. Mais la légitimité des biocarburants tant écologique qu'économique fait débat. Il suffit de lire le projet de la loi Grenelle pour s'en convaincre.

En effet, le projet de loi Grenelle 1 dispose dans son article 18 que « La production en France des biocarburants est subordonnée à des critères de performances énergétiques et environnementales comprenant en particulier ses effets sur les sols. La France soutiendra aux niveaux européen et international la mise en place d'un mécanisme de certification des biocarburants tenant compte de leur impact économique, social et environnemental. Une priorité sera donnée au développement de la recherche sur les biocarburants de deuxième génération ».

La production de biocarburants est encouragée par les États, bien qu'actuellement la société ne soit pas en mesure d'identifier clairement les aménités et les externalités de ces productions. Cette interrogation apparaît d'ailleurs dans le projet de loi Grenelle 1.

Aussi, quelques questions essentielles se posent : – Quels sont les avantages et les inconvénients des

biocarburants ?– La production de biocarburants est-elle rentable en terme

agricole, économique et écologique ? – L'utilisation de biocarburants est-elle la seule solution pour

enrayer les émissions de gaz à effet de serre dans notre société ?

Directeur de la publication :

Alain DE MEYERERéalisation – impression :

Dépôt légal et ISSN en coursDDE de l’Oise

Bld Amyot d'Inville BP 317 - 60021 Beauvais Cx

ml : dde-oise @equipement.gouv.fr

Réalisation et contact :Service de l’Aménagement,de l’Urbanisme et de l’EnvironnementFrance POULAIN

Cellule Connaissance des TerritoiresHélène GENAUX (03 44 06 50 00) ml : [email protected]

En guise de conclusion . . . Pôle de compétitivité

et innovations technologiques

Le 12 juillet 2005, le Comité Interministériel d’Aménagement du Territoire (CIADT) a décidé d’attribuer à la région Picardie deux pôles de compétitivité à vocation mondiale.

L'un d'entre eux, le pôle « Industries et Agro-ressources », porté par les régions Picardie et Champagne-Ardenne, cible son développement sur les nouveaux marchés émergents basés sur l’utilisation de tous les composants de la plante à des finalités industrielles, innovantes et compétitives (biocarburants, bioéthanol et biodiesel). Sur l’initiative de la Commission Européenne, le pôle a été mandaté pour mettre en place une plate-forme technologique sur les biocarburants.

Ce projet est porté en partie par la communauté d'agglomération du beauvaisis (CAB) et celle de la région compiègnoise (ARC), au travers de l'Institut de formation Polytechnique LaSalle (ISAB) et de l'Université Technologique de Compiègne (UTC). Selon les deux communautés d'agglomérations, un projet de développement d’entreprises et d'industries en lien avec les centres universitaires et le pôle de compétitivité est également prévu. Il pourrait renforcer la spécialisation du pôle « Industries et Agro-ressources ».

Entre politique énergétique . . .

Malgré les nombreux impacts négatifs de la production et de l'utilisation des biocarburants, il ne faut pas s'abstenir de mener une véritable politique énergétique. Celle ci doit être diversifiée, fortement tournée vers la recherche & les innovations et économe. Le pôle « Industries et Agro-ressources » participe de fait à cette démarche.

Malgré tout, il se pourrait que face aux défis du XXIème siècle, il faille conjuguer cette politique énergétique renouvelée avec une modification de nos comportements. Ainsi, il semble que la diversification des énergies et des approvisionnements reste une condition sine qua non d'indépendance et d'économie énergétique. Une réduction des transports routiers et leur transfert vers le rail et la voie fluviale apparaît comme indispensable. Une priorité doit également être donnée aux transports collectifs, aux transports alternatifs doux, à la sensibilisation des conducteurs sur leur manière de conduire et aux progrès techniques sur les véhicules.

. . . et transformations sociales

A coté de cela, il se pourrait que certaines transformations sociales et urbaines puissent jouer un rôle dans la réduction de notre consommation énergétique. Ces transformations pourraient se traduire par l'arrêt du « tout voiture », une réduction des distances quotidiennes à parcourir et une densification des espaces urbains existants.

Direction Départementale de l'Equipement

de l'Oise

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Les carburants existantsEssor de l'automobile

Le XXème siècle a été marqué par l'essor sans précédent de la société de consommation et de son corollaire l'automobile. Celle-ci s'est développée aux États-Unis, avant de toucher tous les pays développés. Cet essor a été rendu possible grâce à de nouveaux procédés de fabrication industrielle et à l'augmentation du pouvoir d'achat des ménages. La voiture est devenue un objet de consommation courant qui permet de se déplacer d'un point A vers un point B, mais également le symbole d'une certaine réussite ou la manifestation d'une appartenance à une classe sociale prédéfinie.

Avec l'essor de la voiture, de la circulation et des déplacements, les modes de vie des populations se sont profondément modifiés. Les populations se sont installées de plus en plus loin des villes (périurbanisation, rurbanisation, étalement urbain). Elles ont également pu choisir leurs loisirs hors de leur commune de résidence, l'école de leurs enfants dans une seconde, faire leurs courses dans une troisième,... Cette évolution des modes de vie et des comportements a été rendue possible grâce à l'automobile et au carburant qui lui permettait de rouler jusqu'à ces dernières années à un coût supportable pour la plupart des ménages.

Aujourd'hui, le prix des carburants issus des filières pétrolifères est à un tarif qui fait réfléchir les automobilistes sur leurs déplacements, malgré la baisse qui se profile actuellement.De plus, la prise en compte dorénavant croissante de l'environnement pousse les gouvernements, les industriels, les constructeurs automobiles, les groupes pétroliers et les populations en générale à la possibilité d'utiliser des carburants alternatifs. Ceux-ci devraient permettre de réduire les émissions de gaz à effet de serre, les pollutions de tout ordre, pour un prix moins élevé que leurs concurrents issus du pétrole.

Diversité des carburants

Les carburants qui permettent le fonctionnement des moteurs automobiles sont variés. Ils ont tous leurs avantages et leurs inconvénients.Malgré tout, les biocarburants restent aujourd'hui l'alternative aux carburants pétroliers qui semble la plus prometteuse et celle qui fait l'objet des plus nombreuses recherches et mises en application.Il existe également des motorisations alternatives, actuellement en cours de recherche, qui pourraient améliorer les perspectives environnementales, ainsi que les coûts économiques après développement industriel et commercial des filières.

Pour remplacer l'intégralité du pétrole utilisé dans les transports, soit 50 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep), il faudrait disposer de 3 à 4 fois les surfaces agricoles actuelles. Pour satisfaire 10% de la consommation de carburants pour les transports, entre 30 et 40% des terres agricoles actuelles devraient être exploitées à cette seule fin.Selon l'INRA, la production des 27 millions d'hectolitres de biodiesel nécessaires pour incorporer 5,75% de celui-ci dans le gazole d'ici 2008 nécessiterait 1,5 millions d'hectares de cultures de colza, soit presque deux fois la surface des jachères disponibles et utilisables en France pour l'agriculture.

Les avantages des biocarburants sont également réduits par le mode de production et de transformation des matières premières. En effet, les consommations intermédiaires (utilisation d'engins agricoles pour la production, procédé de distillation, transports des matières premières et des produits finis,...) utilisent des énergies fossiles. A titre d'exemple, un hectare de colza fournit 1,37 tonne équivalent pétrole (Tep), mais sa fabrication en nécessite déjà 0,50.

La réduction des émissions de gaz à effet de serre par l'incorporation, d'ici à 2010, de 7% de biocarburants dans les produits pétroliers diminuerait

les émissions de CO2 des transports routiers de moins de 7% ce qui est relativement faible.

Les émissions de gaz polluants dues à l'emploi de super-éthanol sont du même type que celles de l'essence mais en quantités inférieures. Par contre, le super-éthanol produit dans les gaz d'échappement de l'acétaldéhyde qui est une substance toxique.

Les biocarburants ne sont utilisés que comme des additifs aux produits pétroliers. Les moteurs des voitures ne sont pour l'essentiel pas adaptés à l'emploi de biocarburants. Au niveau technique et quantitatif, les filières actuelles ne peuvent se substituer au pétrole, sans d'énormes investissements en terme de recherche & développement. De plus, même si la production de biocarburants augmente de façon constante et parvient à répondre aux objectifs européens, les quantités produites resteront modestes par rapport à la consommation de pétrole totale en France.

La faiblesse actuelle de la production nationale et les limitations à terme de la croissance de la production pose naturellement la question de l'importation de biocarburants. Les filières étrangères (Brésil, Indonésie,...), en concurrence avec les filières françaises et européennes, proposent des coûts de production moins élevés et des rendements énergétiques plus favorable. Mais, ces rendements sont issus de procédés culturaux qui se font au détriment du développement durable. En effet, la culture des plantes destinées à la production de biocarburants entraîne l'instauration de monocultures et une perte de la biodiversité, la disparition de cultures vivrières, la déforestation afin d'étendre les surfaces de cultures, la dégradation des sols et le déplacement de populations autochtones qui se trouvent repoussées loin des terres cultivées. L'importation de biocarburants issue de telles filières (Brésil, Malaisie,...) pose évidement la question de la préservation de l'environnement à l'échelle planétaire.

La concurrence entre filière alimentaire et filière énergétique conduira inévitablement à des concurrences sur les marchés. Le développement de ces concurrences pourrait avoir des impacts dans les pays producteurs, et notamment dans les pays en voie de développement et sur leurs populations, qui se trouveraient alors dans l'obligation de choisir entre deux filières à la rentabilité inégale.

Les cultures génétiques et les organismes génétiquement modifiées (OGM) pourraient alors être proposées en renfort des biocarburants. Mais ces « semences de la peur » sont également loin de faire l'unanimité dans la communauté scientifique et la société civile.

Les perspectives d'avenir des cultures énergétiques et les impacts des biocarburants (suite)

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Comparatif entre les divers carburants existants

Comparatif entre les carburants

Essence Diesel Gaz de Pétrole Liquéfié (GPL)

Gaz Naturel Véhicules (GNV)

Électricité(milieu urbains et périurbains)

Agro / Biocarburants

Coût d'achat du véhicule

Inférieur au diesel

Supérieur à l'essence

Inférieur au diesel

Inférieur au GPL

Supérieur au diesel

Supérieur au diesel

Coût d'achat du carburant

Supérieur au diesel

Inférieur à l'essence

Inférieur au diesel

Inférieur au GPL

Inférieur au GNV

Inférieur au diesel

Consommation au Km

Forte consommation

Faible consommation

Faible consommation

Faible consommation

Moyenne consommation

Forte consommation

Émissions de CO

Supérieures au diesel

Inférieures à l'essence

Inférieures au diesel

Inférieures au GPL

Inférieures au GNV

Inférieures au diesel

Émissions de CO2

Supérieures au diesel

Inférieures à l'essence

Inférieures au diesel

Inférieures au GPL

Inférieures au GNV

Inférieures au diesel

Émissions de particules nocives hors CO et CO2

Inférieures au diesel

Supérieures à l'essence

Supérieures au diesel

Inférieures au GPL

Inférieures au GNV

Inférieures au diesel

Facilité d'approvisionne-ment

Grande facilité Grande facilité Difficultés Difficultés importantes

Difficultés importantes

Difficultés

Coût d'entretien du véhicule

Inférieur au diesel

Supérieur à l'essence

Inférieur ou égal à l'essence

Inférieur ou égal à l'essence

Inférieur à l'essence

Égal à l'essence

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L'apparition des biocarburantsLes perspectives d'avenir des cultures énergétiques et les impacts des biocarburants

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Les perspectives d'avenir

Le contexte mondial actuel est favorable à l'essor des biocarburants. Entre l'épuisement des ressources pétrolières, la hausse du prix du baril de brut, les engagements environnementaux avec un objectif de réduction de gaz à effet de serre et les ambitions fixées par le « Grenelle de l'Environnement », la production de biocarburants semble promise à un bel avenir.

En terme écologique, l'utilisation de biocarburants est une contribution permettant de réduire les gaz à effet de serre. En France, 26 % des émissions de dioxyde de carbone sont le fait des transports. La France, si elle parvient à respecter les objectifs européens d'intégration de biocarburants dans les produits pétroliers devrait voir ses émissions de CO2 baisser de 5 à 7 millions de tonnes par an d'ici 2010.

En terme économique, les biocarburants sont rentables quand le court du pétrole est supérieur à 65 dollars le baril ce qui est une norme depuis 2005 (pic à 147 dollars le baril en juillet 2008). De plus, il ne faut pas oublier que le pétrole est une énergie non renouvelable dont les réserves sont appelées inexorablement à disparaître. Un agrément de l'Etat ouvre le droit à une défiscalisation par réduction de la Taxe Intérieur sur les Produits Pétroliers (TIPP) en faveur des raffineries qui incorporent des biocarburants. Par ailleurs, comme tous les carburants alternatifs, les biocarburants bénéficient d'une réduction partielle de la TIPP.

En terme agricole, le plan de développement des biocarburants représente une embellie au moment où se profile la diminution des aides européennes. Nouveaux débouchés pour les cultures, nouveaux emplois ruraux, promesses de meilleurs revenus,... A l'origine, en 1993, la culture dédiée aux biocarburants permettait de valoriser des terres

laissées en jachère pour maîtriser l'offre alimentaire.

Mais, depuis 2006, il existe une concurrence entre cultures alimentaires et énergétiques en France. Cette concurrence s'est accrue à l'échelle mondiale au cours de l'année 2008 (émeutes de la faim).De ce fait, de nombreuses questions se posent sur l'opportunité de transformer des productions alimentaires en biocarburants : Comment éviter que le développement des carburants végétaux ne se fasse au détriment des cultures alimentaires, alors que les productions ne suffisent déjà plus à répondre à la demande ? Comment enrayer l'envolée des prix des céréales fasse à une demande globale toujours croissante ? Comment concilier la préservation de la biodiversité avec l'extension des cultures agricoles, notamment destinées à la production de biocarburants ? Comment produire des biocarburants en combinant les principes économiques de productions et de marchés, avec le respect de l'environnement ?

Les impacts de la culture : de la transformation à la circulation

avec des biocarburants

Les cultures énergétiques pour être rentables pour les agriculteurs sont appelées à se développer sous la forme intensive. L'agriculture intensive se caractérise par l'utilisation massive d'engrais, de produits phytosanitaires et de pesticides et par l'instauration de techniques d'irrigation et de drainage afin d'accroître les rendements produits. Elle a donc des impacts négatifs sur l'environnement, la biodiversité, la santé, ainsi que sur la réserve et la qualité de l'eau.

Histoire des biocarburants

Les biocarburants sont nés en même temps que l'industrie automobile au XIXème siècle. Mais, leur développement n'a réellement vu le jour qu'avec le boom du coût du baril de pétrole, dans les années 1970, aprés les chocs pétroliers de 1973 et 1979. Après une époque de désintérêt à la fin des années 1980 et durant la décennie 1990, les biocarburants sont de nouveau à la mode depuis le début du XXIème siècle. Ils doivent permettre de trouver une solution à la hausse du prix du pétrole, à l'épuisement des stocks d'énergies fossiles, de lutter contre le réchauffement climatique et les émissions de gaz à effet de serre et renforcer l'indépendance énergétique des états non producteurs de pétrole. Les biocarburants peuvent être utilisés purs ou combinés à un carburant issu du pétrole.

Qu'est ce qu'un biocarburant ?

Un biocarburant ou agrocarburant est un carburant produit à partir de matériaux organiques renouvelables et non fossiles. La production de biocarburants peut être réalisée avec des productions variées (céréales, plantes sarclées, charbon, déchets industriels, déchets urbains,....) et des techniques diverses (transformation en huile, en alcool, en gaz,....).

Une autre distinction est faite entre les divers biocarburants de 1ere et 2de génération. Communément, les biocarburants de 2de génération sont ceux produits avec des plantes et arbres oléifères originaires de la zone aride, ainsi que ceux produits à partir d'algue, de lactose,... produits qui ne concurrencent pas les productions originellement à destination alimentaire.

Il faut noter que l'utilisation de biocarburant sur les automobiles en circulation ne se fera pas de manière simple et automatique. En effet, le remplacement des carburants à base de pétrole par des biocarburants implique une compatibilité des moteurs. Afin d'accroître le marché et les débouchés des biocarburants, il y a deux solutions : – Adapter le biocarburant à un moteur existant et

conçu pour fonctionner avec des dérivés du pétrole (gazole et essence) ou

– Adapter des moteurs pour les biocarburants naturels, non transformés chimiquement

En terme de bilan énergétique, il est préférable d'adapter le moteur au produit de remplacement du pétrole que l'inverse. Cette solution est plus efficace pour limiter les émissions des diverses particules. De plus, l'utilisation d'huile végétale dans un moteur classique non adapté conduit à une pollution importante qui ne répond pas aux normes anti-pollution, de plus en plus sévères, et à des pannes allant jusqu'à des casses de moteurs car les huiles végétales endommagent les propriétés des huiles de lubrification moteur.

Le processus de transformation

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La production des biocarburantsA l'échelle planétaire

La géographie des biocarburants s'esquisse entre le Brésil, les États- Unis et l'Europe. Mais, des concurrents émergent, comme la Chine, l'Inde, l'Indonésie, la Malaisie, le Mexique, quelques états africains (Congo, Kenya, Nigéria, Libéria) et certains états d'Amérique du Sud (Paraguay, Argentine, Costa Rica et Colombie). L'éthanol est le principal carburant produit et consommé par tous ces pays. En 2005, 37 millions de tonnes ont été produites. Le Brésil en a produit 52% à partir de la canne à sucre et les États Unis 43% grâce aux propriétés du maïs. Le reste étant le fait essentiellement de l'Europe (5%). Le diester est produit essentiellement en Europe. En 2005, 3,2 millions de tonnes ont été produites. 45% de ce carburant a été produit en Allemagne. La France en a produit 15%, l'Italie 11%, les États-Unis 7%, devant l'Espagne et la Suède.

Malgré l'essor de la production, les biocarburants restent marginaux. Le Brésil apparaît comme le leader mondial dans la production d'éthanol. Au Brésil, 15% des moteurs roulent au carburant végétal. En comparaison, moins de 2 % des moteurs américains et européens roulent aux carburants verts. Mais la demande brésilienne devrait encore croître grâce à la politique énergétique menée par le pays, l'augmentation de véhicules « flex fuel » adaptés aux biocarburants et le coût moindre de l'éthanol par rapport au pétrole. On peut noter que le Brésil produit l'ethanol le moins cher du monde, sur 3 millions d'hectares (chiffres de 2006). La production d'ethanol se fait sur des terres nouvellement défrichées dans ce seul but. Par ailleurs, la technologie liée aux biocarburants est bien maîtrisée. Des partenariats existent entre les entreprises locales et les firmes internationales, en terme d'investissements financiers directs et d'investissements dans les unités de production en cours de construction. A coté de cela, le Brésil souhaite exporter son expérience et sa technologie « clé en mains » dans les pays étrangers. Mais, le principal enjeu pour le Brésil reste de parvenir à exporter de l'éthanol sur les marchés extérieurs (États Unis, Europe, Japon), encore protégés par les droits de douane.

La production de biocarburants est encouragée par l'Union Européenne. Deux directives de 2003 fixent des objectifs en terme de consommation. En 2010, il est prévu d'atteindre 5,75% de biocarburants dans la consommation totale de carburants européens. En 2005, l'Union Européenne a produit 750 000 tonnes d'éthanol et en a importé 200 000 tonnes. Premier producteur jusqu'en 2001, la France est désormais devancée par la Suède, l'Espagne et l'Allemagne. Mais sa production devrait augmenter grâce à la création de nouvelles usines produisant des biocarburants.

La situation locale et l'adaptation de l'agriculture

La production de biocarburants est encouragée par le gouvernement français. La France s'est engagée dans la production de biocarburants. Désireuse de respecter les engagements européens, elle voudrait atteindre les objectifs fixés en 2003 par la Commission européenne dés 2008. Elle prévoit même un taux d'intégration des biocarburants de 7% en 2010 et de 10% pour 2015.

En Picardie, les productions de colza et de betteraves à sucre sont celles dont on se sert principalement pour la production de biocarburants. Cette évolution des débouchés agricoles se réalise au détriment des protéagineux. La superficie des surfaces de colza a progressé de plus de 31% entre 2005 et 2006. La culture de colza représente environ 100 000 hectares. La part du colza non alimentaire était de 60% en 2006, contre 51% en 2005. L'instauration, en 2004, d'Aide aux Cultures Energétiques (ACE) par l'Union Européenne et le plan biocarburants français ont dopé les surfaces consacrées au colza diester. La production des betteraves à sucre connaît également une évolution de ses débouchés, du sucre alimentaire vers la production d'éthanol. Entre 2005 et 2006, les surfaces consacrées à cette culture sont passées de 1 800 hectares à 3 600 hectares. En 2005, les surfaces de blé consacrées à la production de bio-éthanol représentaient 8 600 hectares. En 2006, on note un léger recul de ces surfaces avec 8 200 hectares.

Dans l'Oise, en 2004, 2 393 hectares de terres ont été cultivées à des fins énergétiques. Plus précisément, 40 hectares de cultures emblavées ont été transformés en éthanol et 2 353 hectares de colza en diester. Face aux débouchés prometteurs de la filière des biocarburants, les surfaces de colza croissent régulièrement depuis 1993. Entre 1993 et 2005, le nombre d'hectares cultivés a triplé dans le département. Les biocarburants peuvent apparaître dans l'Oise comme un nouveau débouché pour les récoltes et une source d'énergie pour faire tourner l'exploitation. Les agriculteurs du département sont de plus en plus nombreux à fournir la filière des biocarburants par l'intermédiaire d'organismes stockeurs. Quelques uns produisent pour leur propre consommation.

La première usine française à avoir produit du biocarburant se trouve à Venette, à proximité de Compiègne. L'usine Robbe a ouvert en 1992 et emploie aujourd'hui environ 50 personnes. Elle fabrique du diester, à partir des graines de colza. Les graines de colza proviennent de coopératives agricoles qui balaient un rayon de 200 km autour du site de Venette. Chaque année, ce sont 140 000 tonnes de graines qui sont transformées en 90 000 tonnes de diester. Le produit fini est ensuite

acheminé dans la raffinerie dunkerquoise du groupe Total. 5

Les principales filières

Les biocarburants ou agrocarburants sont très divers. Il existe différentes filières qu'on peut distinguer en fonction du produit fini que l'on obtient.

La filière huile ou « ester » De nombreuses espèces végétales sont oléifères comme le palmier à huile, le colza, le tournesol, le ricin,.... L'extraction d'huile se fait par un pressage à froid ou par voie chimique. L'huile végétale peut être utilisée directement dans les moteurs diesels adaptés. Les acides gras peuvent également être transformés en biodiesel, appelé diester en France. Les rendements à l'hectare varient fortement d'une espèce à l'autre. En 2005, la production de diester atteignait, en France, 320 000 tonnes pour 300 000 hectares cultivés, soit le même niveau qu'en 2000.

La filière alcool ou « éther »

De nombreuses espèces végétales sont cultivées pour leur sucre et leurs dérivés synthétiques, comme la canne à sucre, la betterave à sucre, la pomme de terre, le maïs, le blé ou encore l'ulve (algue). La fermentation des sucres obtenue à partir de levures permet la création de bio-éthanol. Cet alcool peut remplacer partiellement ou totalement l'essence. Il peut également être mélangé à du gazole, mais cette pratique reste marginale. 100 000 tonnes de bio-éthanol sont produits à partir de 20 000 hectares cultivés. 3 000 litres d'éthanol peuvent être produits à partir d'un hectare de blé. L'Ethyl-tertio-butyl-éther (ETBE) est un dérivé de l'éthanol. Il est utilisé comme additif à hauteur de 15% à l'essence. Le bio-butanol est obtenu grâce à une bactérie qui a la capacité de transformer les sucres en buthanol. Ce carburant peut être réalisé sur les mêmes unités de production que le bio-éthanol. Le méthanol ou « alcool de bois », obtenu à partir du méthane, peut également être utilisé comme produit de remplacement partiel de l'essence ou comme additif dans le gasoil. Ce biocarburant a l'inconvénient d'être fortement toxique pour l'homme.

La filière gaz Le bio-méthane est issu de la fermentation méthanique des boues des stations d'épuration, des

lisiers d'élevage, des effluents des industries agro-alimentaires et des déchets ménagers. Ce gaz peut se substituer au gaz naturel.

La filière charbon de bois Le charbon de bois est un biocarburant solide obtenu par une décomposition chimique du bois, de la paille ou d'autres matières organiques sous l'action de la chaleur. Ce biocarburant n'est presque jamais valorisé actuellement.

Les filières qui font l'objet de recherche

Les biocarburants entrent pour certains en concurrence avec les cultures alimentaires et les forêts, ce qui posent des problèmes dans le contexte actuel de crise alimentaire, de déforestation de certaines parties du globe et de préservation de l'environnement et de la biodiversité. De nouvelles filières non concurrentielles de l'alimentation sont en voie d'expérimentation, comme l'éthanol cellulosique, mais leur rendement est pour l'instant faible.

La filière lignocellulosique - biocombustible Cette filière, objet de recherches dans le monde entier, transforme le bois et la paille en alcool ou en gaz. La transformation dont le processus est complexe permet l'apparition d'éthanol cellulosique.

Les biocarburants issus des microalgues Les algues et micro-algues sont une alternative aux cultures céréalières et oléagineuses pour la production de biocarburants. De plus, leur rendement est plus élevé que celui des filières classiques de transformation des cultures alimentaires (céréales et oléagineux).

Les autres filières Il existe d'autres filières de production de biocarburants. Ces filières sont encore à l'étude. Le lactosérose ou petit lait permet l'utilisation et la valorisation d'un sous-produit de l'industrie laitière. Le jatropha curcas, arbuste qui se plaît en zone aride, est une filière possible de biocarburant grâce à ses graines huileuses. Sa culture est possible sur des sols impropres aux cultures. Il n'entre donc pas en concurrence avec les cultures alimentaires. De plus, sa plantation permet de lutter contre la désertification. Le pongamia pinnata ou karanj est un arbre qui possède les mêmes qualités que le jatropha curcas mais dont la croissance est très rapide. L'Inde encourage actuellement sa plantation en vue de transformer son huile en biocarburant. A titre indicatif, le rendement de cet arbre est excellent : 5 tonnes de graines / an / ha permet la production de 1,7 tonnes d'huiles et 5,3 tonnes de patte compacte ou cakes, également valorisés, dès la dixième année de croissance. D'autres arbres oléifères cultivés dans les zones arides pourraient également permettre la production de biocarburants.4

Les différentes filières de biocarburants