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Directeur de la publicationJacques Richardson

Rédacteur adjointRobert Maybury

IllustrationsLe Noir

CouvertureRolf Ibach

Préparation de copieJacques Lagrue

Secrétaire de rédactionAriette PignoloLes références supplémentaires de la rubriqueintitulée « Pour approfondir le sujet », quiapparaît à la fin de la plupart des articles, sontnormalement choisies par la rédaction de larevue.

CorrespondantsA . A . Buzzati-Traverso, MilanNobuyuki Fukuda, Sakura (Japon)Ignacy Malecki, VarsovieMircea Malitza, BucarestJean-Claude Pecker, ParisCarol A . Tavris, N e w York

science et sociétéOrganisationdes Nations Unies pourl'éducation, la scienceet la culture,7, place de Fontenoy75700 Paris (France)

Imprimerie des Presses Universitairesde France, V e n d ô m e

La visionL'œil est-il une partie du cerveau ?

141 Présentation

143 L a vision : son pouvoir créateur, ses limites et ses paradoxesDharamjit Singh

157 L a vision colorée et ses anomaliesLéo M . Hurvich

173 L a vision et le travailE. S. Avetissov

181 Quelques aspects globaux de la cécitéBjörn Thylefors

192 L a vue dans la littérature scientifique et technique contemporaine: : %

193 Problèmes d'immunologie dans les greif es de cornée «Renato Frezzotti cî

°ö207 Les lunettes : thérapeutique ou obstacle pour la vue ?

Yantan Örs "^"o

217 L'acupuncture : une thérapeutique des troubles oculaires >

en ChineSun Qingyun

221 Ouvrir les yeux au NépalOrganisation mondiale de la santé

225 Les lasers au service de l'ophtalmologieDaniele Aron-Rosa, Jean-Jacques Aron

233 U n cas curieux : l'anorexie mentaleBuddhadasa Bodhinayake

247 L e comportement visuel et le professeur : application àl'apprentissage d'une langue étrangèreOdile Menot

263 Lettres

Appel aux lecteursNous serons heureux de publier des lettres contenant des avismotivés — favorables ou non — sur tout article publié dans impact ouprésentant les vues des signataires sur les sujets traités dans notre revue.Prière d'adresser toute correspondance à : Rédacteur, impact : scienceet société, Unesco, 7, place de Fontenoy, 75700 Paris (France).© Unesco 1981.

ISSN 0304-2944

L'autorisation de reproduire des extraits de cette revue et de les utiliser dansl'enseignement pour des cours et des travaux pratiques est subordonnée à la conditionz.) que les extraits reproduits ne fassent l'objet d'aucune transaction (vente ou autre)à des fins commerciales, h) qu'il soit fait mention de l'Unesco en tant que titulaire dudroit d'auteur.

Les auteurs sont responsables du choix et de la présentation

des faits figurant dans leurs articles ainsi que des opinions qui

y sont exprimées, lesquelles ne sont pas nécessairement celles

de l'Unesco et n'engagent pas l'Organisation.

Corrigendum

Par suite d'une erreur, la déclaration ci-dessus dégageant la

responsabilité de l'Organisation ne figure pas dans le

volume 31, n° 1 (1981), d'impact. Nous prions nos lecteurs de

nous en excuser.

Avis aux lecteurs

Impact : science et société est publié régulièrement en anglais par l'Unesco.L a revue est aussi publiée en espagnol par la Oficina de Educación

Iberoamericana, Ciudad Universitaria, Madrid 3 (Espagne).Al Hlmu wa-almujtama' est publié en arabe par le Centre de publications

de l'Unesco au Caire (Unesco Publications Centre in Cairo), 1 TalaatHarb Street, Tahrir Square, L e Caire (Egypte).

Les lecteurs désireux de s'abonner à impact dans l'une de ces languespeuvent entrer en contact directement avec ces bureaux.

Publié en 1981 par l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation,

la science et la culture, 7, place de Fontenoy, 75700 Paris

Imprimé par les Presses Universitaires de France, Vendôme

140 ISSFAF 31 (2) 139-276 (1981)

Cornee -?¿-

Iris —L-Cristallin -'--

Pupille .---Humeur aqueuse ——-

Muscle ciliaire -

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Fovea

Nerf optique

— Choroïde

Retine

Sclère

Chez l'être humain, l'œil atteint ses dimensions maximales à l'âge de treizeans : poids, 7,5 grammes ; volume, 6,5 millilitres ; diamètre moyen,environ 2,5 cm.

ÜCSa

PrésentationLes lecteurs reconnaîtront le diagramme ci-dessus. C'est unschéma qu'ils ont vu pour la première fois lorsque, écoliers, ilsfirent leur toute première expérience des merveilles de l'organisationet du fonctionnement du corps humain. Toutefois, l'œil, lesystème visuel dans son entier ainsi que leur fonctionnement nesont plus aussi simples que le laisse paraître ce croquis.

Il y a quelques années, cette revue a consacré l'un de sesnuméros au thème « L e cerveau, la mémoire et l'apprentissage »(vol. 28, n° 1, 1978). Les processus optiques jouent un rôleimportant dans notre façon de comprendre, aujourd'hui, l'étudesans doute la plus complexe qui soit — celle de l'intelligencehumaine — et pourtant, 1' « intelligence », la « connaissance » etF « esprit » n'ont pas besoin du canal de l'image pour se développerni pour permettre à un individu, h o m m e ou femme, d'exercer sonimagination et de la faire fructifier de façon à fournir denouvelles perceptions à ce tout que nous appelons la connaissance.E n effet, on a p u noter, chez certaines personnes privées de lavue, des signes remarquables d'une agilité tant intellectuelle quemanuelle : le pianiste gallois Alec Templeton, le mathématiciensoviétique Lev S. Pontryagin, le compositeur et joueur japonais dekoto classique à treize cordes Michio Miyagi et le poète mexicain 141

o Jaime Torres-Bodet (qui ont tous vécu dans notre siècle) enS sont des exemples.S Dans ce numéro de notre revue, nous avons choisi d'examiner

£ quelques-uns des excellents travaux accomplis au cours destrois dernières années ou plus, afin de mieux comprendrela combinaison des mécanismes physiologiques et psychologiquesqui constituent ce qu'on appelle la vision. O n assiste, à l'heureactuelle, à une véritable explosion de l'information dans cedomaine, et il est difficile — tant pour le spécialiste que pour leprofane — de se tenir au courant des toutes dernières découvertes.

Plusieurs de nos auteurs (Dharamjit Singh, E . S. Avetissov,Buddhadasa Bodhinayake) font le point de l'actualité sur notreconnaissance de l'oeil, sur son fonctionnement et sur la façon dontil peut, en général, contribuer à notre bonne santé ou à ce quenous soyons malades. U n autre groupe de collaborateurs ont faitporter leur contribution sur quelques-unes des principales anomaliesde la vision ; l'Organisation mondiale de la santé,Léo M . Hurvich et Y a m a n Örs examinent de près le daltonisme,les conséquences, sur certaines sociétés, d'une cécité totale, etl'efficacité des lunettes. U n troisième groupe de spécialistes(Sun Qingyun, Renato Frezzotti et Daniele Aron-Rosa) examinentles méthodes de la médecine traditionnelle et de la chirurgie aulaser pour la correction de déficiences visuelles spécifiques, tandisqu'Odile Menot dégage le rôle du mouvement de l'œil et ducorps dans le développement d'une autre faculté, à savoir la paroleet le langage.

Les lecteurs que cela intéresse pourront également trouver unebibliographie spéciale sur quelques documents de littératurescientifique générale qui reflètent la recherche contemporaine surl ' homme et sa vision.

Robert H . Maybury, le nouveau rédacteur en chef adjoint de cetterevue, qui a aidé à la préparation de ce numéro, apporte à votrepublication toute la richesse de son expérience du dialoguescience-société. Détaché auprès de nos services par le Bureaurégional de l'Unesco pour la science et la technologie en Afrique(et posté à Nairobi) où il a passé sept ans, le D r Maybury,physicien et chimiste, a enseigné la chimie à l'université, a travaillépour la Banque mondiale en qualité de consultant, puis à Y OpenUniversity (Royaume-Uni) et à l'Université Harvard, et il estl'auteur ou a collaboré à la rédaction de 25 communications, d 'unlivre*, ainsi que de divers bulletins et documents officiels. Noussommes heureux que notre honoré collègue se joigne à nos effortsen vue de la publication de

impact : science et société

* R . Maybury , Technical assistance and innovation in science education,142 N e w York, John Wiley and Sons, 1975.

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Le sens de la vue, ou vision, nous renseigne de façon extrêmement précise : oil est la clé de la perception des formes, des dimensions, des couleurs, adu mouvement, de la distance et d'autres aspects du milieu qui nous entoure. t EAucun autre système sensoriel ne peut rivaliser de complexité avec lemécanisme de la vision et la façon dont il est relié au système nerveux central.

La vision :son pouvoir créateur,ses limites et ses paradoxes*

Dharamjit Singh

L'auteur, originaire de l'Inde, est un journaliste photographe dont le nomest déjà familier aux lecteurs de cette revue. O n peut le contacter ens'adressant à la rédaction de la revue, Unesco, 7 , place de Fontenoy,75700 Paris, France.

* L'auteur souhaite remercier de leur aide très appréciable J. B . Lillie-Costello,ancien cadre de Shell-Mex, Londres ; Derrick Knight, président de la RoyalPhotographie Society, Londres ; et Robert Lassam, Kodak Ltd., Londres. 143

•g. L e s « rectificateurs » a u t o m a t i q u e s.c55:s_ Dans certaines conditions, les expériences visuelles peuvent avoir lieuË indépendamment de toute perception lumineuse; le mécanisme visuel

J prévaut sur le stimulus sensoriel. M ê m e dans l'obscurité totale, si l'onQ « regarde », on voit tournoyer des figures, des couleurs, des lumières et des

formes. Si vous contemplez u n ciel bleu limpide, vous apercevrez des formesimprécises qui se déplacent dans le c h a m p visuel. Ces effets sont le fruit del'activité spontanée du système nerveux autonome qui, de lui-même, produitcontinuellement des images, m ê m e au plus profond d u sommeil.

E n état de veille, notre perception visuelle consciente submerge cettesensation visuelle spontanée et assure l'acuité visuelle grâce à deux méca-nismes sélecteurs de l'organisme humain. L ' u n d'eux filtre les radiationsdu spectre lumineux en éliminant la plupart de celles qui sont nocives,l'autre interprète les images, et cela dans l'intérêt de notre vécu empirique :ces deux mécanismes sélecteurs nous rendent la vie vivable.

D e récentes recherches montrent que dans u n œil humain le nombre descellules sensorielles dépasse de plusieurs milliers celui des fibres d u nerfoptique, ce qui met en évidence le fait que le système visuel a toujourssynthétisé et enregistré les sensations avant m ê m e que le cerveau ait letemps de fonctionner. Il semble que la vision soit une fonction que le sys-tème visuel dans son ensemble protège pour assurer le bon fonctionnementde la perception, de la conscience et de la vie mentale. Notre vision doitfaire face à des paradoxes, est assaillie par des anomalies et des contradic-tions ; la vie à l'état brut — natura naturans — est très différente de la réalitéque nous connaissons, et ni le métabolisme humain ni la vision ou la per-ception humaines ne pourraient fonctionner c o m m e ils le font sans cesdeux « sélecteurs » autonomes. L'étude des résultats fournis par les « yeuxmécaniques » (lentilles, appareils photographiques et matériel de repro-duction graphique sous leurs diverses formes) nous éclaire sur les séries derelations de transformation symbiotiques qui caractérisent le système visuel.

L a vision et la perception humaines, bien qu'exceptionnelles à touségards, ont des limites que l'œil mécanique nous aide à déceler et à évaluer.H existe ainsi entre la vision humaine et l'œil mécanique une relation deréciprocité : l'œil mécanique emprunte à l'œil humain et, en retour, ce qu'ilrévèle nous aide à élargir le c h a m p de nos connaissances.

Perception de ta lumière et de la chaleur

Notre planète baigne dans une lumière visible qui provient non seulementd u Soleil mais également de la L u n e et des étoiles. Toutefois, il existe aussiu n rayonnement invisible qui, notamment, engendre et prépare la vie. O n acomparé l'étendue d u visible à une octave musicale, par rapport à laquelle,comparativement, le rayonnement invisible en couvrirait plus de soixante.

Si la vision humaine est, à maints égards, tout à fait remarquable, la visionanimale dépasse, dans certains cas, le c h a m p de la perception humaine.L'œil du lapin, par exemple, parvient à discerner la trajectoire du Soleildans le ciel ; une grenouille, parce que ses yeux sont réglés pour la perceptiond u mouvemen t , peut mourir de faim alors m ê m e qu'elle est entourée demilliers d'insectes morts ; et l'aigle est peut-être la seule créature à pouvoirregarder le Soleil en face. Ces capacités optiques ainsi que d'autres d u m ê m e

144 ordre, qui peuvent être attribuées dans une certaine mesure à la position

des yeux, sont le résultat d'interactions électrochimiques et physiologiques Sinternes. .g

Certains insectes possèdent des systèmes de balayage semblables à celui 2de la télévision, d'autres, des récepteurs analogues à un radar. L'abeille qui ^se dirige vers une fleur chargée de nectar utilise des rayons polarisés pro- »venant de la lumière du ciel ; dans les organismes luminescents qui peuplent «l'obscurité des profondeurs de la mer s'est développée une glande semblable §à une lentille, émettrice de lumière, dotée d'un réflecteur pigmenté, qui est .Sapparemment une variante des cellules dermiques. Ainsi, ces différentes 'Zformes de vie, de m ê m e que l'œil et l'organisme humains, offrent des ™modèles suffisants pour tous les appareils à « œil mécanique » jamais inventés. S

Efficacité de la perceptiono

Toute vie consciente repose sur la perception. D e m ê m e que pour la lumière s(dont la nature a fait, pendant trois cents ans, l'objet de controverses qui &obscurcissent encore des réalités essentielles), les cinquante dernières années oont vu naître une série d'interprétations erronées et d'affirmations gratuitesconcernant la perception et la cognition. .o

L a perception est u n sujet qu'il faut commencer par élucider si l'on - |veut comprendre la nature du mécanisme de la vision. Je m e fonderai, à cet £égard, sur les études approfondies de la perception qui ont été effectuéesen Inde, d'abord à cause des racines c o m m u n e s de l'Inde et de l'Occident,et aussi parce que ces études fournissent des renseignements intéressants.L'Inde s'est aventurée dans des domaines de connaissance fermés à l'Occi-dent, parce qu'elle ne s'est pas heurtée ce faisant à un ordre établi, à u nd o g m e , à une théologie et que son épistémologie ne s'est jamais encombréed u faux problème de Dieu.

E n résumé, la perception humaine est entourée d'une énorme zone depénombre, d'un substrat accessible à la conscience (corporelle) « éveillée ».Notre perception de la vie courante est secondaire ; elle a pour objets notrem o n d e et nos relations humaines. L a perception primaire touche aux prin-cipes m ê m e s de l'existence et de la vie, dont nous ne voyons et ne connaissonsque des fragments. L a vision humaine comble le fossé entre la perceptionprimaire et la perception secondaire. L a perception primaire connaît etrévèle : elle se manifeste aux autres. L a perception secondaire, dont dépendnotre m o d e de connaissance de l'extérieur, est u n intermédiaire : elle nefait que révéler ; ainsi, le m o n d e réel des principes originels, des formes origi-nelles de Platon, est fortement occulté. Parce que l'organisation perceptuellea un caractère pratique, elle est associée aux modèles et aux structures géo-métriques les plus simples et les plus factuels, qui s'écartent le moins desprincipes premiers de la vie, et protège l ' h o m m e du sort d'un Nietzschepar exemple, qui perdit la raison en s'écriant : « M o n Dieu, combien devérité, combien de vérité l'esprit humain peut-il supporter ! »

Dimensions cachées

L a perception des situations de la vie courante a donc la priorité, mais nefournit qu'une vision tronquée. L a vie se compose du visible et de l'invi-sible : les choses peuvent exister sans se manifester. L'invisible aussi tientune place dans le système humain et constitue une force créatrice de l'orga-nisme humain. Cette différence de nature entre le domaine tangible et 145

' S l'intangible, agent activateur, est à l'origine des transformations lentes, gra-¿ | duelles, symbiotiques, faites de changements et d'échanges, qui ont fini par:ä_ donner naissance à de nombreuses formes de vie, y compris la vie humaine.S L a perception et la vision de la vie se trouvent encore compliquées parJ le fait que jamais nous ne voyons ou ne connaissons les choses isolément,Q c'est-à-dire telles qu'elles sont en réalité. Tout ce que nous connaissons est

le résultat d'une analyse et d'une reconstitution instantanées (comparables àla photovision). Jamais nous ne prenons conscience que rien ne correspondvraiment, dans notre conception, à des processus mentaux (ni, dans le casde la vision, à l'acte de « voir ») : les deux sélecteurs nous ont judicieusementconditionnés de manière que nous ne connaissions et ne voyions que ce quifavorise la vie courante, l'évolution et la stabilité de la vie sur terre. L a visionhumaine procède de cette évolution conditionnée. U n e merveilleuse nourricenous protège avec soin de toute rencontre non filtrée avec la vie à l'état brut.

L a connaissance est complexe. Les atomistes indiens ont défendu la thèseque rien n'est perçu (ou vu) isolément. N o u s sommes conditionnés par unefoule de souvenirs, par la mémoire psychique de la race humaine, et par u ngrand nombre d'éléments divers qui contribuent à obscurcir le fait que notrevécu ordinaire et nos expériences perceptuelles sont le résidu du processusde sélection mentionné plus haut. Les pragmatistes indiens et occidentauxsoutiennent qu'il n'y a dans la vie rien d'autre que cela. Pourtant, dans laperception et la vision de la vie totale, l'existence des objets précède laconnaissance qui relie à nous les objets et les choses. Il s'agit là, bien entendu,d'une question qui a stimulé la recherche, la science et l'activité créatrice.

L a nature de cette dimension perdue ou cachée de la vision apparaît plusclairement si nous considérons le spectre du rayonnement invisible et quenous comparons les résultats du fonctionnement de l'œil mécanique à lavision humaine. L a vision humaine est organisée, élastique et photo-élastique.Elle peut abstraire des figures, des motifs, des formes et des significations.Elle peut interpréter des images et des objets dans l'espace et dans le temps ;la façon dont elle reçoit la lumière et filtre les quelque soixante octaves durayonnement électromagnétique déjà mentionnées est très caractéristique.

Lumière et spectre visible

C'est par l'intermédiaire d u rayonnement électromagnétique que le m o n d ese révèle à nous, n existe des rayons visibles et invisibles et, c o m m e l'aétabli M a x Planck, le rayonnement électromagnétique est émis en « fais-ceaux » discontinus de quanta. L a répartition des longueurs d'onde du rayon-nement émis par u n corps — son spectre — est fonction de sa température.Dans le spectre visible, la longueur d'onde moyenne est de 1/25 000 de milli-mètre. Notre capacité de photodétection et de photoréception fait de la vueu n mécanisme sensoriel plus efficace que, par exemple, celui de l'ouïe.

« Voir, c'est croire », ou presque, si l'on fait abstraction des deux méca-nismes sélecteurs. Notre lumière est constituée par le rayonnement électro-magnétique visible, mais il existe, dans le spectre invisible, des radiationsdont l'énergie suffit à produire des modifications et des réactions chimiquesqui influent sur la vie et sur la vie potentielle. Elles opèrent par le moyende systèmes de photodétection qui sont présents dans certaines formes devie humaine, animale ou sous-marine, dont la survie dépend de la détectionimmédiate des modifications lumineuses. Les formes de vie non seulement

146 recherchent des milieux présentant u n rayonnement et une température

appropriés, mais elles optent inconsciemment pour les relations symbio- Stiques qui déterminent l'évolution et assurent la simple survie. C e sont .§précisément ces facteurs qui ont produit la vision et l'œil humains dans ce §qu'ils ont d'unique. Les phénomènes en question ressortissent principa- £*lement au champ invisible. Par exemple, certaines espèces de bactéries, Svertes, violettes ou rouges, sont capables de synthétiser de la matière orga- «nique à partir de C O 2 quand elles absorbent une bande étroite d u rayon- Hnement invisible. B

Chez l'être humain et chez d'autres espèces, le fonctionnement de l'œil "2peut être attribué aux réactions chimiques provoquées par la lumière, avec "pour résultat la photodétection. L a lumière reçue par l'œil — l'organe |photoréceptif— traverse u n système de lentille optique, formant une image Ssur les cellules photosensibles. Les photorécepteurs, s'ils sont mal « conçus », bpeuvent produire des anomalies et des images floues. Plus la lentille que -3constitue le cristallin de l'œil est perfectionnée et correctement conçue, %plus les images sont précises, les réactions chimiques étant d'autant plus aactives. Les yeux sont à la fois sensibles et vulnérables à la lumière ; c'est opourquoi, bien que le rayonnement électromagnétique soit partiellementabsorbé (et modifié) par l'atmosphère terrestre, les deux sélecteurs internes Jmentionnés plus haut restent nécessaires, l'altération la plus légère pouvant •£bouleverser le réseau arachnéen des éléments en interaction. L'œil est conçu «Spour ne présenter de véritable sensibilité à la lumière qu'en deux points,de telle sorte que l'effet des radiations nocives se trouve écarté. Par leurconfiguration anatomique, les orbites protègent les yeux, qui bénéficienten outre de la protection du front et de celle de l'arête nasale. L a perceptiondes couleurs se fait par l'absorption de certaines longueurs d'onde et par lerejet de certaines autres, ce qui, encore une fois, est le résultat du méca-nisme de sélection autonome.

Les photorécepteurs et l'œil

Les photorécepteurs et les photogénérateurs sont des instruments perfec-tionnés constitués de groupes de cellules spécifiques sensibles à la lumièregrâce à leur contenu pigmentaire, et dont le fonctionnement, paradoxale-ment, est dû à leur instabilité. Des modifications photochimiques ultérieuresagissent sur le réseau neural et le système nerveux autonome.

Les électrorétinogrammes aident beaucoup à comprendre comment , dansl'œil, la lumière se transforme en vision (et en perception). O n sait depuisquatre-vingts ans environ que la lumière provoque une réponse élec-trique dans les photorécepteurs des vertébrés. Cette réponse se traduitpar une différence de potentiel entre la cornée et une autre partie quelconquedu corps (généralement la bouche) et comprend une onde a correspondantà l'inhibition de la rétine causée par les impulsions lumineuses, une onde bdont l'amplitude mesure la réponse à la lumière, et une onde c qui fait suiteà l'extinction de la lumière. L'enregistrement de la réponse électrique— rélectrorétinogramme — permet le calcul précis de l'absorption d'énergieen différents points et couches de la rétine.

L a plupart des yeux se sont développés pour répondre à des fonctionsspécifiques. L a position frontale des yeux humains, que partagent certainsprimates, est liée à la nature de Vhomo sapiens, à son jugement, à sa percep-tion des formes géométriques, d u plan mathématique et de ses propriétés,de la dimension, des proportions et des mesures et, partant, à son sens 147

•§, esthétique. Certains animaux ont également acquis cette disposition frontale¡S des yeux ; le hibou compte parmi eux mais, contrairement à l ' h o m m e , il est¿ capable d'effectuer une rotation du cou de i8o° pour regarder derrière lui.G Les yeux disposés latéralement sont conçus pour la détection des m o u v e -a ments périphériques, et donc pour la survie. L a pieuvre, cette créature

Q extrêmement curieuse, a également acquis des yeux frontaux, qu'accompagneun système nerveux extrêmement développé.

Si l'on considère les aspects négatifs, l'œil humain est sujet à des défi-ciences c o m m e , par exemple, la parallaxe binoculaire, c'est-à-dire que leschoses semblent occuper une position différente selon qu'elles sont vuesde l'œil gauche ou de l'œil droit. Mais cette disparité m ê m e permet la visionstéréoscopique qui résulte d'un assemblage d'images. Les deux yeux sontfendus de façon asymétrique, et les réactions de chacun d'eux à un objetse confondent pour former une image stéréoscopique symétrique. E noutre, c o m m e l'œil n'est pas destiné à demeurer en position fixe, il estglobulaire et savamment incurvé, d'une manière qui non seulement enpermet le mouvement , mais aussi contribue, grâce au renflement corneen,à défléchir les rayons lumineux de telle sorte qu'ils se concentrent surl'épithélium où des récepteurs cellulaires microscopiques, plus fins quechez n'importe quel animal ou insecte, les recueillent.

Dans la rétine, le cône de sensibilité maximale est la tache jaune (maculalutea), où la densité des photorécepteurs est la plus forte et où, de surcroît,il n'existe pas de couche épithéliale, ce qui explique la légère dépressionà l'emplacement de la macula et son efficacité d'absorption de la lumière.

Vision diurne, vision nocturne

Bien que la description qui précède — notamment de la rétine et desmécanismes nerveux — soit loin d'être complète, elle suffit à montrer queles appareils photographiques fondés sur le fonctionnement de l'œil humainsont, par rapport à ce dernier, des mécanismes relativement simples, m ê m elorsqu'ils sont dotés des systèmes optiques les plus élaborés et les pluscoûteux. Les procédés d'imagerie utilisés à bord des satellites et par lesmissions d'observation spatiales (telle l'observation de Saturne, l'an dernier,par Voyager-i), s'ils représentent u n progrès sensible de la technologieélectro-optique, sont encore à mille lieues de la perfection de l'œil.

L e fonctionnement de l'œil humain est impressionnant à maints égards,notamment par les modifications chimiques qui interviennent dans lespigments. Ces modifications se produisent surtout dans la vision scotopiqueou nocturne, ainsi que dans la vision périphérique, mais aussi, dans unecertaine mesure, dans la vision photopique ou diurne. Si la vision, chezl ' h o m m e , est principalement photopique, il possède également une certainevision scotopique ; la nature de la vision humaine est donc double. Lesanimaux nocturnes ont une vision scotopique inégalée ; cela tient à la prépon-dérance, dans la rétine, des cellules en bâtonnets sur les cellules en cône,les bâtonnets étant plus sensibles aux violets et aux bleus, alors que lescônes le sont davantage aux rouges et aux jaunes. Les bâtonnets contiennentu n pigment qu'on appelle la rhodopsine. A u contact de la lumière, ellecommence par se décolorer, puis se reconstitue instantanément d'une façonqui favorise la détection, par faible éclairement, l'acuité étant maximaledans l'obscurité totale ou quasi totale. L a production de rhodopsine est

148 indispensable aux animaux nocturnes ; si elle fait défaut, ces derniers sont

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voués à une mort certaine. Dans l'obscurité, la rhodopsine est régénérée Spar le sang qui apporte aux bâtonnets rétiniens de la vitamine A et du .§carotène. L a décoloration et la régénération instantanées de ce pigment 2exigent une lumière très faible, ce qui explique pourquoi beaucoup d'ani-m a u x sont aveuglés lorsqu'on les chasse au projecteur. L a rhodopsinereconstituée est cause de la lueur étrange des yeux des animaux nocturnes.

Chez les humains, la vision scotopique peut être intensifiée par la pratiqueet par le régime alimentaire ; toutefois, ceux qui ont une carence en rhodop-sine sont pour ainsi dire aveugles dans l'obscurité. Dans la région de l'Inded'où je suis originaire, le Pendjab, les gens jouissent non seulement d'unevue légendaire mais aussi d'une vision nocturne très développée. Cela estdû à un régime équilibré composé de carottes — source de carotène qui,dans l'organisme, se transforme en vitamine A — de légumes verts, de bproduits laitiers, de lentilles, de viande et de céréales complètes. A u cours •§des deux guerres mondiales, les soldats indiens, les Sikhs notamment, étaient p

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ocapables d'opérer impunément derrière les lignes ennemies, pendant la o,nuit. §

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La vision des couleurs -2•?

U n rayonnement d'une longueur d'onde spécifique comprise entre 380 et ^720 nanometres se manifeste à nous par une couleur. L e nanometre est lemilliardième du mètre, c'est-à-dire un millionième de millimètre. L'angs-tröm (Â), qui correspond à un dixième de nanometre, est l'unité de mesurecommunément utilisée pour les longueurs d'onde ; le spectre visible s'étendde 3 800 à 7 600 Â . E n établissant une analogie avec l'échelle musicale, onconsidère qu'il équivaut à l'intervalle d'une octave, alors que l'ensemble durayonnement électromagnétique, y compris les rayons infrarouges etultraviolets proches du champ visible, ainsi que les rayons X , les rayonsg a m m a , les micro-ondes, les ondes hertziennes et d'autres radiations encore,en couvre soixante. Les correspondances entre longueur d'onde et couleursont les suivantes : 4 000 Â , violet ; 4 800 Á , bleu ; 5 200 Â , vert ; 5 700 Â ,jaune, devenant orangé à 6 300 Á et franchement rouge à 7 000 Â .

L a perception de la couleur se fait grâce à l'existence de trois types decônes, différemment pigmentés, chaque type présentant ainsi des caracté-ristiques d'absorption différentes : l'absorption maximale y correspondrespectivement au rouge, au vert et au bleu*. L a perception de la « couleur »blanche, couleur qui en réalité n'existe pas dans la nature, car elle necorrespond à aucune longueur d'onde particulière, est l'impression donnéepar un mélange approprié des teintes que l'œil est capable de détecter.

L'action réciproque qui se produit entre les cellules de la rétine nousaide à comprendre quelques-uns des phénomènes liés à la perception descouleurs, notamment ce qu'on appelle le « contraste simultané ». U n e zoneéclairée sur fond clair apparaîtra plus sombre que sur fond sombre ; lapartie de la rétine sur laquelle se projette l'image du fond clair a un effetinhibiteur sur la zone moins éclairée. O n explique de la m ê m e façon l'appa-rente altération mutuelle de couleurs voisines.

Ces ajustements, et d'autres encore, interviennent sans que nous en

* Voir l'article de Léo M . Hurvich, qui commence à la page 157 du présentnuméro. 149

•a ayons conscience. Par exemple, au cours de la lecture normale d 'un texte55 imprimé, il faudra, pour une seule ligne, environ sept mouvements saccadés. £ de l'œil, mais c'est entre les pauses de fixation que s'exerce la vision, aprèsS quoi l'ensemble est intégré dans le temps. U n phénomène similaire se

J{ produit en cas de variations de la fréquence du rayonnement : l'œil distingueO les changements lorsqu'ils acquièrent une certaine importance. Autrement

dit, l'œil ne perçoit que les nuances de teinte nettement différenciées. U n egrande partie des variations de fréquence de la lumière ne sont donc pasperçues par l'être humain : les choses n'apparaissent sans doute jamais(visuellement) telles qu'elles sont dans la réalité, en raison peut-être desmécanismes nerveux qui sont en jeu. Ces caractéristiques s'accentuentdans le spectre invisible.

Perception du rayonnement invisible

M ê m e les emulsions sensibles normales qui sont destinées aux appareilsphotographiques conçus pour la reproduction des radiations vues parl'œil (longueurs d'onde de 4 000 à 7 000 Â , c'est-à-dire du violet au rouge)rendent perceptibles les variations de lumière considérables qui se produisententre le lever du jour et le coucher d u soleil, alors que l'oeil ne perçoit quedu blanc. Pour reproduire la lumière telle que notre conditionnement nousla fait percevoir, il faut une série de vingt filtres correcteurs de couleur etquelque trente autres filtres compensateurs de couleur : en photographieet en art, la vision et la reproduction des couleurs ne sont pas authentiquesmais illusoires.

Le spectre invisible

Par u n fait curieux, on appelle « fausses couleurs », alors qu'il s'agit decouleurs vraies, la lumière et les couleurs obtenues à partir des bandesinvisibles et les effets produits par divers appareils à œil mécanique dontil est question plus loin. Rien de ce qu 'un tel œil complémentaire détectedans la lumière ou dans la vie n'est jamais faux. Les appareils de détectionne se trompent jamais. L'objet non plus n'est jamais faux. C'est l'œil quivoit faux en raison du processus sélecteur qui intervient dans la perceptionvisuelle.

Parmi les méthodes de production de « fausses couleurs », citons la divisiondes faisceaux, destinée à obtenir un faisceau de lumière polarisée, la photo-élasticimétrie, rinterférométrie et la codification par couleur des sourceslumineuses. Ces diverses méthodes servent à faire apparaître tout ce quise produit en dehors des limites du spectre visible et de la capacité visuellede l'œil nu . Les lumières, couleurs et figures qui apparaissent de cette façonsont les précurseurs des moyens et des techniques de l'avenir, car l'œil etl'organisme humain détiennent les éléments de base des capacités d' « inven-tion » des yeux mécaniques. C'est ainsi que l'œil humain n'a pas besoind'un œil mécanique pour détecter la lumière ultraviolette proche ou loin-taine, que notre peau détecte également.

L e champ de rayonnement des ultraviolets s'étend de 40 à 4 000 Á envi-ron, depuis l'extrémité violette du champ visible jusqu'aux rayons X .Dans la lumière solaire, les ultraviolets ont un rayonnement qui va de 2 870à 3 900 Â . Les rayons ultraviolets sont actiniques, et ce champ est donc

150 riche d'effets biologiques puisqu'il produit la vie, provoque des mutations

génétiques, influe sur la division cellulaire, élimine les bactéries qui pour- Sraient entraver le processus d'évolution et stimule les relations symbiotiques .§entre les diverses formes existantes. A partir de 2 ooo  , le rayonnement 2peut avoir des effets générateurs ; de 300 à 2 000  , il a des effets germicides. ^Souvent appelés « lumière noire », les ultraviolets compris dans la bande «de longueur d'onde allant de 4 000 à 3 000  provoquent la fluorescence «des matières naturelles et synthétiques. Ils produisent des effets colorés faétonnants, que certaines techniques photographiques récentes essaient de Jreproduire en utilisant des filtres qui suppriment les ultraviolets et des tubes "2fluorescents émetteurs de lumière noire, afin de rendre visible ce qui ne ^l'est pas. Naturellement, aucun photomètre ne peut déterminer le temps de Spose nécessaire lorsqu'on utilise le rayonnement ultraviolet : il faut procéder apar tâtonnements. b

L'appareil photographique et Pémulsion sensible traditionnelle sont •§directement fondés sur la photochimie des ultraviolets. Notre vision de base %est liée à la photochimie génératrice de vie. Cette dernière englobe, outre o.les réactions chimiques, la lumière sous son aspect cinétique : sous une forme oou sous une autre, l'absorption et l'émission de lumière pénètrent le cosmostout entier, et sensibilisent les cellules pour créer la vie, la vision et, plus oparticulièrement, la vision humaine. Les effets des rayons ultraviolets -pcomprennent le hâle et la brûlure de la peau, une action germicide, la °jtransformation de l'ergostérol en vitamine D , et beaucoup d'autres phéno-mènes. Par exemple, dans la photo-activation, des cellules au repos peuventêtre activées par une brève pose photographique intermittente d'une duréedéterminée, analogue à la pose à l'aide d'un flash électronique. L'effet durayonnement ultraviolet générateur de vie sur les formes de vie latentesest plus important quand il se produit sous la forme d'impulsions lumineusesque lorsque le rayonnement provient d'une source lumineuse continue.L e D N A des cellules dermiques des animaux et des cellules épidermiquesdes végétaux endommagés par une exposition à la lumière ultraviolette peutretrouver son état normal sous l'effet de la lumière visible, par un processusconnu sous le n o m de photorestitution. D e la m ê m e façon, la lumière visibleen ondes courtes peut ouvrir les liaisons chimiques produites par la lumièreultraviolette entre certains composés organiques et rendre ceux-ci à leurétat originel : c'est le photorétablissement. U n autre phénomène photo-chimique bien connu est la photoconductivité, qui accroît la capacité decertaines matières, les cristaux par exemple (tel le sucre), de laisser passer,lorsque la lumière les atteint, un courant électrique. L a lumière est absorbéepar quelques électrons, qu'elle libère en leur permettant de circuler plusaisément d'un atome à un autre. C e phénomène cesse lorsque l'on soustraitces matières à la lumière.

Les procédés techniques de production d'images

La caméra de télévision et le tube kinescope

Si l'on observe de près les images d 'un écran de télévision en couleur, ons'aperçoit que la lumière blanche est en réalité u n mélange régulier detaches rouges, bleues et vertes, au nombre d'environ 100 000 pour chaquecouleur, soit 3 millions en tout. Ces taches forment l'image en couleur dela m ê m e façon que l'œil humain, et de la m ê m e façon également que la« photographie » biologique, génératrice de vie, produite par la lumière 151

"â ultraviolette. L a technique doit, pour cela, réussir à abuser l'œil humain.•£ Les changements d'intensité lumineuse provoquent la prédominance ou le. £ déséquilibre d'une couleur, ce cauchemar qui, dans les circonstances| courantes, est la ruine du travail de prise de vues.ja Dans la caméra de télévision, des signaux vidéo électroniques trans-Q forment les différents composants de la lumière « blanche » en une image

couleur. L e balayage se fait et la lumière est dirigée par un canon à électrons,qui bombarde des luminophores. L e canon à électrons est doté à la foisd'un contrôle des signaux et d'un contrôle de la lumière.

O n achemine à travers trois tubes séparés trois couleurs et trois imageségalement séparées, qui conservent la m ê m e position relative l'une parrapport à l'autre. L a division des faisceaux (voir, plus loin, la lumière pola-risée) par l'intermédiaire d'un canal, qui forme trois images séparées utilisantu n circuit de balayage c o m m u n , rend possible l'apparition de l'image.L'emploi de trois canaux séparés étant de toute évidence peu pratique, lacaméra de télévision utilise un codeur, et le tube un décodeur (correspon-dance tant avec l'œil humain qu'avec la photobiologie et la photochimie).L e codeur divise l'image en trois couleurs, et le décodeur les reconstituepour former une image couleur.

E n résumé, le rouge, le bleu et le vert sont déposés sur une matrice, ilssont mélangés, et ils fournissent des données lumineuses qui utilisent desimpulsions et des signaux synchrones réglés de façon à s'accorder au c h a m pde luminosité de notre vision et de notre perception.

L'interférence

L'interférence compte au nombre des facteurs c o m m u n s à la réception età la reproduction télévisuelles, à la photobiologie, la photochimie et laphotoconductivité, à l'œil humain et à l'irradiation virale.

Sans exposer en détail la manière dont elle se produit, nous dirons quel'interférence se caractérise par un effet paradoxal d'inhibition, qui setraduit, dans le spectre visible, par la formation de figures colorées et,dans le spectre invisible, par de remarquables effets de couleur. L'inter-férométrie optique trouve son application en métrologie, en astronomie etdans l'étude des systèmes stellaires binaires. L'interférence est fondée surla combinaison des faisceaux lumineux, telle que les amplitudes des ondesqui les composent s'ajoutent. Les ondes que l'on veut combiner peuventêtre obtenues par la division d'une seule onde d'origine. O n produit, àl'aide de miroirs et de lentilles, des séries concentriques de franges circulairesverticales. Lorsque le réseau d'interférences est trop fin pour la sensibilitéde l'œil, le résultat perçu est monochromatique.

Les images en lumière polarisée

Ces images intéressent la microscopie en lumière polarisée, les systèmesde stéréoscopie, l'utilisation d'obturateurs en photographie à très grandevitesse, la photo-élasticimétrie et ce qu'on appelle couramment le traitementanti-reflets.

Les techniques utilisant la lumière polarisée sont fondées sur la biré-fringence (double réfraction) des cristaux, qui divisent un faisceau incidenten deux faisceaux composants polarisés à angle droit l'un par rapport à

152 l'autre. Dans chaque plan, les deux faisceaux polarisés ont un indice de

réfraction différent — d'où vient que l'on parle de cristal biréfringent — Sparce qu'ils traversent la matière à des vitesses différentes. L ' u n des .gfaisceaux est retardé, et lorsque les faisceaux sont recomposés, il y a inter- |férence en raison de la différence de phase entre eux. Si la matière est °*

CO

sujette à des tensions internes, c o m m e c'est le cas du verre trempé, cette "interférence peut produire des couleurs d'une saturation superbe et d'une «qualité inhabituelle. jy

D a n s certains procédés, les zones o ù l'on supprime la lumière apparaissent Jen noir, alors que celles o ù les amplitudes sont accentuées forment des ~Zfigures isochromatiques qui, lorsqu'on les photographie en noir et blanc, ™apparaissent sous la forme de configurations frangées abstraites et Ssymétriques. jS

C e sont les polariseurs croisés qui produisent, à partir de matières visuel- blement incolores, les effets colorés les plus intenses. D a n s ce cas encore, -gdeux sélecteurs (les deux plaques de matière polarisante) et u n modérateur §(le compensateur) contribuent à créer la couleur que , normalement, l'œil o<h u m a i n ne serait pas en mesure de distinguer. L e microscope polarisant oproduit, à partir d'objets neutres incolores, des couleurs éclatantes etsuperbes. L e premier microscope que j'ai utilisé pour la photographie od'images en lumière polarisée était m u n i d ' u n compensateur d 'une longueur •£d 'onde placé de façon à former u n angle de 4 5 o avec le plan de polarisation, «ce qui engendre une interférence complète et u n retardement artificiel dansle domaine (phénomène de premier ordre), de telle sorte que de petits déca-lages dans u n débris de verre suffisent à produire u n déploiement de lumièrecolorée analogue à celui d 'une aurore boréale. Il ne s'agit pas là de faussecouleur, mais de la couleur telle qu'elle se révèle quand nous adjoignons ànotre vision humaine limitée u n œil mécanique pour faire interférence etprovoquer ainsi l'apparition de la couleur telle qu'elle est réellement.L e polariseur révèle des couleurs qui seraient difficilement supportablespendant toute une journée d'observation normale.

L'holographie

Inventée en 1948 par Dennis Gabor, l'holographie a acquis une importancenouvelle avec l'utilisation de la lumière cohérente produite par les lasers.Cette technologie visuelle, la plus récente de toutes, est une méthode quipermet de produire des images tridimensionnelles si convaincantes que lesgens cherchent à les contourner. U n simple déplacement de la tête ou ducou suffit pour percevoir stéréoscopiquement l'image sous des angles diffé-rents. O n peut, par exemple, apercevoir le dessous du châssis d'une auto-mobile et, en bougeant légèrement, le dessus. L'œil peut m ê m e parcourirles divers plans d'une image d'une façon sélective. Aucun objectif n'est utilisé.L'information, enregistrée sur une plaque photographique, consiste en unesurface d'onde transmise ou réfléchie à partir d'objets. Jusqu'à présent,on n'a utilisé que des ondes lumineuses monochromatiques provenant duspectre visible. Les hologrammes finiront sans doute par inclure la couleuret ils s'étendront au spectre invisible, y compris les ondes acoustiques.C o m m e le montre l'illustration, il est possible de reconstituer des figuresd'interférence d'ondes en activant les surfaces d'onde telles qu'elles sontenregistrées sur une plaque photographique, de façon à créer des imagestridimensionnelles.

A l'heure actuelle, les hologrammes tels que les produisent les scientifiques 153

•§) sont dénués de toute prétention esthétique. Mais les photographes•J viendront sûrement relayer les h o m m e s de science. O n utilise d'ores et déjà.£_ des machines permettant l'impression en couleur des rayons laser pour| reconstituer d'une façon sélective et créatrice des images optiques (et desa perceptions) conventionnelles. Peut-on espérer voir bientôt apparaître des

Q hologrammes en couleur ?A la base, l'hologramme est un axiome mathématique transposé en milieu

visuel. Lorsque j'étais enfant, on m e faisait pratiquer des exercices mentauxqui sont traditionnels en Inde. O n jetait, dans un plan d'eau calme, cinqcailloux semblables en cinq points équidistants. E n s'élargissant, les cerclesformés à la surface de l'eau se rencontraient, s'entrelaçaient et formaientun réseau (mándala) assez semblable à la surface d'onde photographiéesur un hologramme. (J'ai photographié La Joconde, au Louvre, à l'aide d 'unprisme à cinq faces et en ai tiré une diapositive en couleur qui illustre cechevauchement des ondes.) E n regardant très intensément les cercles concen-triques de l'eau, non seulement l'ensemble s'amplifie et apparaît tridimen-sionnel, mais les dépressions semblent des reliefs, et les franges des creux ;notre sentiment de la réalité — c'est-à-dire notre perception et notre visua-lisation normales — est fortement perturbé. Cet exercice fait l'objet de laforme de yoga appelée dhyana, ou jhan par les bouddhistes (¿han et zen).

Nous avons noté les relations constantes entre l'œil mécanique et la visionnormale ; cette « interférence » sert à mettre en évidence certains élémentsde la structure de la vie : enjambements, quadrants, symbiose, renver-sements, inversions et transformations qui en découlent. Il y a des éléments,géométriques et mathématiques, l'opposition binaire, les éléments opposésdu mándala (une double rétroaction, selon la perception indienne) quitendent à élargir la vision c o m m e la perception de cette octave uniquementionnée plus haut à l'ensemble des soixante octaves. L a vision humainene se modifiera pas mais l'œil mécanique continuera à nous aider à explorerle substrat du réel et à étendre le champ de notre perception et de notreconscience au-delà de la réalité empirique et des situations de la vie courante,sans pour autant déprécier celles-ci.

D e la technique à la créativité esthétique

Q u ' e n est-il de la photographie, le plus familier de nos yeux mécaniques ?Aujourd'hui déjà, la photographie est devenue, de simple outil de documen-tation, une façon d'explorer par l'image, désormais en couleur, les possi-bilités et les potentialités de la vie. Aujourd'hui, la photographie ne demandeplus seulement de l'acuité visuelle : elle exige une grande acuité de per-ception. Demain , elle réclamera une conscience qualitative et, dans un avenu-plus lointain encore, seuls ceux qui posséderont une certaine infrastructurementale seront à m ê m e de produire des photographies d'un très haut niveaude créativité.

Les moyens que ces spécialistes emploieront sont ceux-là m ê m e s qui ontété brièvement exposés dans cet article : division des faisceaux lumineux,méthodes d'interférence, jeux électroniques, codage et décodage de la couleuret de la lumière, jeux de longueurs d'onde, faisant ainsi apparaître, à forced'expériences, les effets visuels du rayonnement invisible. Notre maîtrisedu rayonnement électromagnétique et des électrorétinogrammes nouspermettra de produire des tableaux photographiques encore inconcevables

154 aujourd'hui. Les instruments de laboratoire seront extraordinaires. L a prise

d'une photographie pourra durer non pas u n instant, mais une journée ou Sune semaine tout entière. B o n nombre de ces photographies seront sans .§doute sans intérêt, mais quelques-unes feront éclater la réalité empirique, 2pénétrant au-delà de celle-ci aussi loin que notre perception accrue le ^permettra. "

N'oublions pas que la lumière est une forme de conscience mineure et &que la conscience naît du choc d'éléments incompatibles. Derrière la lumière Use tient l'esprit, dont le spectre est plus vaste qu'un milliard de galaxies. • .G

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L'absence du sens visuel chromatique empêche certaines personnes d'exercerdes professions essentielles et prive ceux qui en sont atteints de sensationsutiles d'ordre esthétique. Un spécialiste de la vision colorée traite dela perception de la couleur chez les sujets normaux et explique commentcertaines distorsions des trois mécanismes qui régissent cette perceptionconduisent au daltonisme, au dichromatisme jaune ¡bleu et à l'absence de touteperception colorée.

La vision coloréeet ses anomalies

Léo M . Hurvich

L'auteur est professeur honoraire de psychologie et membre de l'Institutdes sciences neurologiques de V Université de Pennsylvanie. Ses recherches ontporté notamment sur la psychophysique et la psychophysiologie de la vision(et en particulier de la vision colorée) et sur le codage neural. Membrede l'Académie nationale des sciences et de l'Académie américaine des lettreset des sciences, le professeur Hurvich a reçu, avec Dorothea Janeson,la Howard Crosby Warren Medal en 1971, la Distinguished ScientificContribution A w a r d de l'Association américaine de psychologie en 1972, et/ ' I . H . Godlove A w a r d de l'Inter-Society Color Council en 1973. Le professeurHurvich a écrit et traduit de nombreux ouvrages spécialisés et a égalementparticipé à la rédaction d'ouvrages collectifs. Son adresse professionnelleest la suivante : Department of Psychology, 3813-1$ Walnut Street T3,University of Pennsylvania, Philadelphia, P A 19104 (États-Unis d'Amérique). 157

o

•§ Introduction

I"S . N o s rapports avec le m o n d e extérieur sont essentiellement visuels et la vueg a joué un rôle capital au cours de la longue évolution humaine. Pour l'êtreo humain, la lutte pour la vie est en effet étroitement liée à l'acuité visuelle et à

la perception des reliefs, auxquelles s'ajoute la perception des couleurs, quiaméliore encore la vision et permet, ce qui est vital, une reconnaissancedifférenciée des amis, des adversaires et des aliments. L e plaisir esthétiqueque peut procurer la vue d 'un coucher de soleil ou d 'un arc-en-ciel est sansdoute venu plus tard.

Pourtant, m ê m e à l'heure actuelle, les anomalies congénitales de la visioncolorée ne sont pas rares. Selon une étude récente portant sur quelque30000 jeunes Grecs, par exemple, la fréquence de ces anomalies seraitd'environ 8 %, c'est-à-dire qu'elles affecteraient un individu sur douze1.C e résultat concorde avec de nombreux rapports antérieurs sur des groupesde race blanche ; la fréquence de ces troubles est en revanche nettement plusfaible dans divers groupes asiatiques, ainsi que dans des groupes américainstels que les Indiens, les Noirs et les Mexicains2.

Les déficiences de la perception des couleurs posent des problèmes pra-tiques importants, en particulier dans les sociétés industrielles hautementdéveloppées, où beaucoup d'activités et de professions exigent des individusl'aptitude à discriminer les couleurs. L'inquiétude et l'intérêt que suscitentles anomalies de la vision colorée dépassent cependant le simple plan pra-tique. O n sait depuis au moins deux cents ans que ces anomalies sonthéréditaires et qu'en outre leur fréquence est beaucoup plus élevée (d'en-viron vingt fois) chez les h o m m e s que chez les femmes. L e rapport de JohnDalton de 1798 sur ses propres confusions de couleurs3 a éveillé u n intérêtconsidérable pour ce phénomène et ses explications possibles, intérêt quine s'est pas démenti jusqu'à notre époque4. O n s'est ensuite rendu compteque les anomalies de la vision colorée n'étaient pas seulement dues à desfacteurs manifestement génétiques, mais que beaucoup étaient acquises,c'est-à-dire qu 'un individu pouvait les contracter pendant sa vie, en généralà la suite d'une maladie ; cela a amené les chercheurs à accroître, au coursde ces dernières années, les efforts qu'ils font pour mieux comprendre cestypes complexes d'anomalies héréditaires ou pathologiques.

Perception normale des couleurs

L'examen de toute anomalie nécessite une définition et une délimitation dece qui est normal. Dans la vie de tous les jours, nous arrivons à distinguerdes centaines et des centaines de couleurs, tant naturelles qu'artificielles.L e nombre des couleurs disponibles dans le commerce atteint peut-être u ndemi-million. Et, en laboratoire, ce sont des millions de couleurs différentesque nous pouvons discerner, en comparant par paires des excitations lumi-neuses. L e scientifique peut en effet contrôler de manière très précise larépartition physique des excitations de la rétine, en faisant varier à la fois lafréquence de la lumière dans le spectre électromagnétique auquel l'œil estsensible, et son intensité. Il existe beaucoup moins de n o m s de couleurs quede couleurs pouvant être discernées, mais m ê m e ces n o m s se chiffrent parmilliers. Si nous laissons de côté les n o m s fantaisistes et dénués de sens quiont été inventés par des rédacteurs publicitaires, il en reste encore plusieurscentaines, dérivés de n o m s de fleurs, de fruits, de minéraux (y compris les

a

métaux) et d'animaux : rose, violet, orange, citron, lilas, marron, albâtre,cobalt, émeraude, chamois, cardinal. Nous pouvons cependant classer lamultitude et la diversité apparemment infinie des couleurs que nous perce- 2vons d'une manière simple et rationnelle. Pour parvenir à une économie determes aussi grande que possible, nous pouvons décrire l'ensemble des cou- ."leurs que nous discernons en n'en retenant que six et en les combinant. Il •«s'agit du rouge, du jaune, du vert et du bleu, les quatre teintes fondamentales(ou primaires), et du noir et du blanc, les deux tons extrêmes de la sérieachromatique. ^

Toutes les teintes que nous percevons peuvent être ordonnées en u n cercle •§fermé, souvent appelé cercle chromatique. E n plaçant côte à côte les teintes '>qui présentent un m i n i m u m de différence, on obtient une série continue qui >3tourne sur elle-même, ces teintes choisies étant de vivacité moyenne et devaleur égale. L a figure i représente un cercle de ce genre. A partir d'uneteinte rouge (R-j) située par exemple au niveau du chiffre i d'un cadran, eten allant dans le sens des aiguilles d'une montre, les couleurs deviennent deplus en plus jaunes et de moins en moins rouges, jusqu'à l'orangé (R-J).Puis la proportion de jaune s'accroît ( J-r), et l'on arrive à un jaune ne compor-tant aucune trace de rouge (J). N o u s avons ensuite des jaunes contenant deplus en plus de vert, à mesure que la proportion de jaune diminue, pouratteindre u n vert entièrement dépourvu de jaune. Les verts se transformentprogressivement en bleus et la teinte verte s'efface jusqu'à ce que nousobtenions un bleu sans trace de vert, auquel succèdent des bleus contenantde plus en plus de rouge et de moins en moins de bleu ; puis la dernière tracede bleu disparaît et cède la place à un rouge pur. C e rouge est suivi de teintesrouges contenant des traces de jaune et aboutissant au rouge qui nous avaitservi de point de départ (R-/) .

Les quatre couleurs fondamentales (R, J, V , B ) , situées respectivement auniveau des chiffres 12 ,3 ,6 et 9 du cadran, divisent le cercle en quatre secteurset nous constatons que, dans chacun de ces secteurs, les couleurs situéesentre deux couleurs fondamentales sont d'une teinte intermédiaire : ce sontdes couleurs binaires. Dans chaque quart de cercle, toutes les teintes inter-médiaires ressemblent aux deux teintes primaires qui les délimitent, mais àdes degrés différents. Notons que les couleurs fondamentales rouge et vertesont diamétralement opposées : il n'existe ni rouges-verts ni verts-rouges. D em ê m e , nous ne connaissons pas de jaunes-bleus ou de bleus-jaunes : c o m m ele rouge et le vert, le bleu et le jaune sont en opposition sur le cercle chroma-tique et ne se chevauchent pas.

La gamme complète des couleurs

Tous les objets colorés naturels ou artificiels qui nous entourent —lumières, morceaux de papier coloré, affiches, photographies en couleur, filsà coudre, étiquettes, papiers d'emballage, vêtements et tissus, pigmentspour peintures — peuvent être décrits par référence aux quatre couleursprimaires d u cercle chromatique et à leurs diverses combinaisons binairespossibles5.

Afin d'embrasser dans leur multiplicité l'ensemble des couleurs dont j'aiparlé, il nous faut ajouter au tableau une autre dimension pour tenir comptedes tons achromatiques noir/blanc. Il s'agit de la série noir/gris/blanc, quiva du noir le plus profond qu'on puisse imaginer au blanc le plus pur, enpassant par le noir grisâtre, le gris-noir, le gris et le blanc grisâtre (figure 2). 159

Rouge Blanc•fe-

. .

ovu

Bleu

gnsatre

blanchâtre

•gnsatre

F I G . i. Cercle chromatique, où les quatre teintes F I G . 2.fondamentales, rouge, jaune, vert et bleu, se trouvent L a sérierespectivement au niveau des chiffres 12, 3, 6 et 9 d'un achromatiquecadran. Les teintes binaires se situent en des points noir/gris/blanc.intermédiaires entre les deux teintes fondamentalesqui limitent chaque quart de cercle. Les lettresminuscules r, v, j, et b signifient : rougeâtre, verdàtre,jaunâtre, et bleuâtre. Ainsi V-¿> désigne le vert bleuâtre,B - V le bleu-vert, et B-v le bleu verdàtre. Les teintesintermédiaires sont représentées de la m ê m e manièredans les autres quarts de cercle.

Si nous figurons cette dimension achromatique par une droite coupant per-pendiculairement en son centre le cercle chromatique, le gris se trouvant dansle m ê m e plan que la série de couleurs primaires et binaires décrite précédem-ment, nous pouvons, ainsi que le montre la figure 3, construire un trianglechromatique pour chaque teinte du cercle chromatique. Chaque trianglerenferme la totalité des nuances d'une teinte donnée, qu'il s'agisse d'uneteinte primaire ou binaire. L'ensemble des triangles chromatiques, ordonnéspar similarité de teintes c o m m e sur la figure 1, forme un solide chromatiquereprésentant la g a m m e complète des couleurs. L a figure 4 indique lescontours de ce solide, mais seuls les quatre triangles correspondant auxcouleurs fondamentales y sont représentés. O n voit que les triangles rouge etvert sont en opposition polaire, de m ê m e que les triangles jaune et bleu.Toutes les couleurs qu'un observateur normal peut généralement percevoirse retrouvent à l'intérieur et à la surface de ce double cône géométrique,c o m m e on l'appelle souvent.

Cette systématisation fait apparaître une propriété fondamentale de laperception des couleurs, que j'ai déjà évoquée : les rouges et les vertss'excluent mutuellement, de m ê m e que les jaunes et les bleus. Les effets de

Blanc

Non- Jaune

F I G . 3. U n trianglechromatique représentantla g a m m e complète desnuances d'une teinte (ici, lejaune).

F I G . 4 . Ensemble de quatretriangles chromatiquesdisposés de manière que lescouples de trianglesrouge/vert et jaune/bleusoient perpendiculaires l'unà l'autre. L a série complètedes triangles constitue unsolide chromatique, ou« double cône ».

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contraste successif (post-images) et simultané sont les moyens les plussimples de mettre en évidence le caractère antagonique des couleurs dechacun de ces couples. L'ensemble blanc/noir forme également un couplede tons opposés. E n résumé, le système normal de vision colorée se composede trois systèmes de couleurs indépendants, dont deux sont chromatiques(rouge/vert et jaune/bleu) et le troisième achromatique (blanc/noir).

Modèle théorique

L e modèle quantitatif théorique représenté à la figure 5 montre comment estorganisé le mécanisme normal de la vision colorée6. C e schéma conceptuel dusystème visuel normal nous permet de comprendre quels sont les rapportsentre les diverses formes d'anomalies congénitales de la vision colorée et laperception des couleurs chez l'observateur normal.

L a partie supérieure de la figure 5 montre comment les deux fonctions deréponse chromatique (rouge/vert, jaune/bleu) et la composante blanche de lafonction de réponse achromatique (blanc/noir) se distribuent dans le spectrepour un œil normal. Les fonctions chromatiques de l'œil normal ont étémesurées expérimentalement en utilisant l'antagonisme qui caractérisechaque couple chromatique, et elles expriment la sensibilité nerveuse dessystèmes rouge/vert et jaune/bleu à l'énergie de la lumière pour chaquelongueur d'onde du spectre7. A l'intérieur de chaque système chromatique,les valeurs ont été affectées arbitrairement des signes plus et moins, qui sontseulement destinés à faire apparaître l'opposition entre les deux termes dechaque couple8. L a composante blanche de la sensation achromatique semesure aussi expérimentalement et s'appelle fonction de luminosité spec-trale. L e noir ne peut être évoqué qu'indirectement ; il est produit par effet decontraste spatial ou temporel (post-image succédant à une stimulation lumi-neuse blanche). Il ne peut donc être mesuré directement en termes de 161

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400 500 600 700Longueur d'onde (nm)

F I G . 5. à) Distributions spectrales de l'absorption photopigmentaire ; 6) Sensibilitéchromatique (réponses opposées rouge/vert et jaune/bleu) et achromatique(blanc).

162

stimulus lumineux et, par conséquent, ne figure pas dans cette représentationde la sensibilité spectrale achromatique.

C e modèle est fondé sur l'hypothèse d'une corrélation directe entre lesphénomènes nerveux (post-réceptifs) et les perceptions ; il suffit donc de liresur le diagramme l'ampleur des réponses tant achromatiques que chroma-tiques en n'importe quel lieu spectral pour avoir la mesure de la couleurcorrespondante perçue. A u x extrémités du spectre visible, la sensibilité à lacomposante blanche apparaît relativement faible, alors que cette sensibilitéest à son sommet dans les zones médianes du spectre. Les extrémités d u

spectre paraissent en effet extrêmement saturées par rapport à la zone vert- Sjaune et jaune, dans laquelle l'excitation blanche est beaucoup plus impor- *2tante. Notons en particulier la nature des réponses au niveau des radiations 2.de 475 n m , 500 n m et 580 n m . L a fonction rouge/vert s'équilibre à la valeur a

zéro à 475 n m , longueur d'onde où la sensation colorée est d'un bleu Sblanchâtre. L e système jaune/bleu s'équilibre à 500 n m et cette longueur «d'onde provoque une impression blanc-vert. U n second point d'éauilibre 'Jjrouge/vert est atteint à 5 8 0 n m et, p o u r cette longueur d ' o n d e , le st imulus %excite s e u l e m e n t les systèmes jaune et blanc. C e s longueurs d ' o n d e corres- ^pondent aux lieux spectraux des teintes monochromatiques. L e rouge -2monochromatique ne peut être produit par un stimulus spectral unique, >mais seulement par le mélange de deux stimuli, un en ondes courtes et un i_)autre en ondes longues.

Les relations entre photopigment et réponse neurale

Pour obtenir la valeur des réponses dans le cas de sources lumineuses oud'objets caractérisés par des courbes de large réflectance spectrale, il suffit defaire la s o m m e algébrique des différentes réponses suscitées dans l'ensemblede la zone spectrale en cause. Mais la lumière n'excite pas le tissu nerveuxdirectement. E n atteignant l'œil, elle est d'abord absorbée par des pigmentsphotosensibles présents dans les récepteurs rétiniens. Les phénomènes qui seproduisent dans les cônes rétiniens déclenchent ensuite une excitation ner-veuse au niveau du nerf optique et du cortex. Les méthodes de la microspec-trophotométrie ont permis de mesurer chez le primate trois fonctionsd'absorption photopigmentaire9. Ces trois courbes spectrales d'absorptionpigmentaire, auxquelles sont arbitrairement attribués les symboles a, ß et y,sont représentés dans la partie inférieure de la figure 5 (a). (La vision photo-pique, ou diurne, donc la vision colorée, intéresse principalement les cônesrétiniens et les photopigments qui leur sont associés ; les autres cellulesphotoréceptrices, les bâtonnets, dont on a réussi à bien identifier le pigment,la rhodopsine (ou pourpre rétinien), qui a un m a x i m u m de sensibilité àenviron 505 n m , sont surtout actives à des niveaux de lumière scotopiques,pour l'adaptation à l'obscurité.)

O n considère c o m m e admises les relations quantitatives suivantes entreces absorptions photopigmentaires et les phénomènes nerveux ultérieurs :

rouge X / vert X = 0,37 ocX + 1,66 yX — 2,23 ßX (1)jaune X / bleu X = 0,06 ßX -f 0,34 yX — 0,71 aX (2)blanc X / (noir X) = 0,01 aX + 0,15 ßX + 0,85 yX (3)

Les valeurs ci-dessus représentent des valeurs moyennes. Il existe bien sûrune certaine marge de variabilité suivant les personnes ; la forme exacte descourbes d'absorption et la localisation spectrale de leurs m a x i m u m s peuventainsi être différentes d'un individu à l'autre. Il n'est donc pas étonnant que larépartition spectrale des teintes monochromatiques varie quelque peu ausein d'un groupe d'observateurs normaux. L e vert monochromatique, parexemple, peut occuper des positions assez différentes sur le spectre, maisvarie autour d'une valeur moyenne d'environ 500 n m . C o m m e le montrentcet exemple ainsi que les variations de la localisation spectrale des autresteintes monochromatiques pour un groupe de sujets normaux, on peuts'attendre que les perceptions chromatiques diffèrent quelque peu d'un 163

'S individu à l'autre. Les écarts sont en général peu importants, car dans la vie| de tous les jours nous avons surtout affaire à des répartitions spectrales à

X bande large, et non à des stimuli limités à des bandes étroites de longueurs•g d'onde du spectre.o Mais l'on comprend qu'il puisse y avoir à l'occasion des divergences dans[-4 l'appréciation de certaines couleurs, dans la distinction entre les bleus et les

verts par exemple, puisque le degré de sensibilité des mécanismes nerveuxvarie également suivant les individus. Les différences d'appréciation serévèlent surtout dans la discrimination de couleurs voisines et lorsqu'il s'agitde teintes pastel ou de couleurs très foncées. C'est dans le cadre d'activitéscommerciales ou industrielles où les distinctions de couleur jouent parfoisun rôle décisif que les écarts de sensibilité différentielle apparaissent de lafaçon la plus évidente.

Anomalies de la vision colorée

L e modèle représenté sur la figure 5 nous permet de comprendre d'embléela nature du problème des anomalies de la vision colorée (ou dyschroma-topsies). Mise à part la variabilité normale, que se passera-t-il en cas dedistorsion des fonctions d'absorption photopigmentaire ? Qu'arrivera-t-il sileurs pointes se situent à des niveaux nettement différents de la normale ?O u si tel ou tel type de pigment fait défaut ? Étant donné que les messagestransmis par les cellules photoréceptrices commandent les phénomènesnerveux aux étapes suivantes, et en supposant valables les relations définiespar les équations 1, 2 et 3 , il est évident que la forme et la distribution descourbes de réponse nerveuse seront alors différentes, de m ê m e que lesperceptions qui s'y rattachent. E n outre, le comportement de l'appareilnerveux lui-même est sujet à des variations considérables. Il est donc conce-vable que des personnes différentes puissent présenter des degrés différentsde sensibilité dans les systèmes rouge/vert ou bleu/jaune, ou dans les deuxà la fois. Et si l'un ou l'autre de ces systèmes chromatiques, ou les deux,font défaut, ou tout au moins ne fonctionnent pas ? L'accumulation desdonnées fournies par l'examen de milliers de cas nous donne à penser qu'enfait toutes ces hypothèses correspondent à des situations réelles.

Trichromatisme anormal

Parmi les personnes qui présentent des anomalies de la vision des couleurs,on estime à environ 6 % la proportion de celles qui sont capables de discernerles couleurs suivant les trois dimensions de la vision colorée normale,c'est-à-dire rouge/vert, jaune/bleu et blanc/noir, mais qui se distinguent del'observateur normal à deux égards : leur perception des couleurs révèleparfois des « déséquilibres » marqués par rapport à la perception normale, etleur sensibilité différentielle tend à s'écarter considérablement de lamoyenne. L a meilleure façon de mettre en évidence ces deux caractéris-tiques, qui varient indépendamment l'une de l'autre, consiste à utiliser enlaboratoire un instrument optique appelé anomaloscope. Cet appareil permetde réaliser une égalisation chromatique de lumières spectrales apparaissantdans les deux moitiés d'un petit c h a m p circulaire divisé horizontalement.L e demi-cercle inférieur reçoit une lumière spectrale de 589 n m qui paraîtd'un jaune légèrement rougeâtre à la plupart des observateurs normaux,

164 tandis que dans la plage supérieure on peut mélanger par superposition

deux radiations différentes, 535 n m (vert jaunâtre) et 670 n m (rouge jau- .0nâtre). O n obtient une égalisation chromatique des deux moitiés de champ "gen faisant varier les proportions relatives de ces deux derniers stimuli. O n gpeut ensuite régler la luminosité du stimulus de 589 n m de manière à faire a

paraître identiques les deux plages (champ jaune légèrement rougeâtre). «4.1

O

v(535 nm) + w(67O nm) EE q(589 nm) (4) -uo"o

Cette équation colorimétrique est dite équation de Rayleigh, d'après lord £Rayleigh, qui fut le premier à l'employer en 1881 pour une étude comparative -2sur un groupe de sujets10. '>

Les mesures faites sur u n grand nombre d'observateurs servent à établir jdes normes : on détermine ainsi les proportions moyennes du mélange desdeux stimuli (535 n m et 670 n m ) qui permet l'égalisation avec la radiation589 n m , ainsi que la fourchette des valeurs dans laquelle ce dosage peutvarier tout en préservant une égalisation chromatique parfaite.

U n e fois fixées les limites des valeurs moyennes d'égalisation, ainsique celles des fourchettes pouvant être considérées c o m m e normales danscette évaluation du système chromatique rouge/vert, on peut soumettre àl'expérience de l'anomaloscope un grand nombre de personnes prises auhasard, ce qui permet de définir trois catégories fondamentales de sujetsprésentant des anomalies de la vision colorée : les neutéranomaux, les prota-n o m a u x et les deutéranomaux11.

L e sujet neutéranomal utilise les stimuli d'égalisation dans les m ê m e sproportions moyennes que l'observateur normal, mais ses marges detolérance sont particulièrement larges. Il peut être caractérisé c o m m e ayantun système chromatique rouge/vert relativement inefficace, qui se manifestepar une « faiblesse » de la vision des couleurs.

Variations. Les sujets protanomaux et deutéranomaux ont quant à eux dessystèmes de vision colorée « décalés ». Dans le cas d'un décalage des fonctionsd'absorption pigmentaire vers des longueurs d'onde plus courtes, les fonc-tions de réponse chromatique qui leur sont liées sont également entraînéesvers des ondes plus courtes. Si l'on vérifie la sensation provoquée isolémentpar le stimulus spectral 589 n m , elle apparaît relativement plus rouge quechez un sujet normal : il s'agit d'un observateur protanomal. Dans le casd'un décalage des fonctions photopigmentaires vers des ondes plus longues,les fonctions de réponse chromatique se déplacent dans le m ê m e sens et laradiation 589 n m , par exemple, apparaît plus verte : c'est ce qui se produitchez u n sujet deutéranomal. L a réalité de tels décalages du point moyend'égalisation chromatique chez ces deux types d'observateurs est maintenantcorroborée par u n grand nombre de données. E n outre, l'ampleur de cedécalage spectral dans l'un ou l'autre sens diffère selon les individus.

Variations dans la sensibilité. Qui plus est, les sujets protanomaux et deuté-ranomaux, quel que soit le décalage spectral qu'ils présentent, ont égalementdes marges de tolérance différentes par rapport à leurs propres valeurs d'éga-lisation chromatique. Cela traduit des différences d'efficacité de la fonctionde réponse chromatique rouge/vert, qui peut être aussi sensible que celled'un observateur normal, avec un degré d'efficacité de 100 %, ou aucontraire n'avoir que 10 ou m ê m e 3 % d'efficacité. Les trichromates anor-m a u x , dont les systèmes chromatiques peuvent ainsi varier de deux manières, 165

13 par des décalages spectraux et par des différences de sensibilité, comprennent£ donc à la fois des sujets chez qui les valeurs d'égalisation chromatique sont

S comparables à celles d'observateurs normaux, mais dont la capacité deg discrimination est faible, et des sujets dont la perception chromatique peuto s'éloigner considérablement de la normale, mais qui cependant jouissentli d'une sensibilité différentielle extrêmement fine.

Il faut souligner que, dans la vie de tous les jours, les différences de per-ception des objets selon l'observateur n'ont la plupart du temps qu'uneimportance négligeable. Ainsi, un certain violet paraîtra sans doute plusrouge à un trichromate anormal qu'à un observateur normal, qui le verraplus bleu, mais cela ne prêtera généralement pas à conséquence et les deuxpersonnes appelleront le m ê m e objet par le m ê m e n o m . Ces différencesprésentent par contre plus d'importance dans le secteur commercial et danscertains domaines de la technique c o m m e la photographie en couleur.

L e système chromatique jaune/bleu doit bien sûr aussi être pris en comptelorsque l'on passe en revue les anomalies de la vision des couleurs et la litté-rature spécialisée mentionne en effet des cas de « tritanomalie ». Mais cetteforme d'anomalie, qui ne peut être détectée de manière rigoureuse que pardes tests d'égalisation chromatique dans la région spectrale des ondes courtes,est plus difficile à diagnostiquer à cause de la présence de filtres inertes desélection des couleurs dans l'œil. Ces filtres sont pourvus d'obturateurs dansles ondes courtes qui diffèrent considérablement selon les individus. O n nesignale qu'un nombre relativement faible de cas de ce genre.

Dichromatisme

Les anomalies de la vision colorée que l'on remarque le plus sont en généralcelles des sujets dits daltoniens, c'est-à-dire des personnes qui confondentle rouge et le Vert. Cette anomalie est à l'origine de nombre d'anecdotesamusantes pour les sujets normaux : ainsi ces histoires de tailleurs mettantdes pièces rouge vif aux coudes d'une veste de couleur foncée, de personnesqui par mégarde se peignent le visage en vert, ou ces professeurs de chimieforcés de consulter leurs élèves pour savoir si u n papier de tournesol a viré.

Deutéranopie. E n examinant la figure 5, on peut facilement imaginer que lafonction de réponse chromatique rouge/vert (dont l'efficacité paraît êtreréduite à divers degrés dans les formes mineures d'anomalie) peut tomberà un niveau d'efficacité nul, c'est-à-dire faire totalement défaut, ou ne pasfonctionner du tout. Quelles seront les perceptions d'un tel sujet soumis àdes excitations lumineuses spectrales ? Si seuls ses systèmes chromatiquejaune/bleu et achromatique blanc/noir sont intacts, il déclarera sans douteque l'extrémité d u spectre située dans les ondes courtes lui paraît bleue,et que celle située dans les ondes longues lui semble jaune. Ces stimulispectraux paraîtront plus ou moins saturés en fonction de la quantité deblanc qui leur est associée. L a radiation de 500 n m est une zone de tran-sition : là où un individu normal voit u n vert sans jaune ni bleu, le dichro-mate en question voit une zone grise ou neutre.

Si l'on demande à des dichromates d'égaliser des couleurs selon l'équationde Rayleigh, ils jugent acceptable l'égalisation de la longueur d'onde 589 n mavec des radiations de 535 n m ou de 670 n m , présentées isolément. Celan'a rien d'étonnant : si nous nous reportons à la figure 5, nous voyons qu'en

166 l'absence de réponse rouge/vert, chacun des trois stimuli employés dans

l'égalisation chromatique de Rayleigh ne provoque que des sensations Sblanches et jaunes. Il suffit dans ce cas d'ajuster la luminosité respective de "gchacun des stimuli pour obtenir une égalisation chromatique. E n fait, il g:est possible d'obtenir une égalisation parfaite entre 535 n m et 670 n m avec ™un instrument approprié. Cette méthode de diagnostic permet de reconnaître "ceux que l'on appelle des deutéranopes, terme longtemps employé dans la «littérature spécialisée pour désigner les sujets que l'on peut ranger dans la •§catégorie des dichromates, par opposition aux trichromates normaux ou •§

o

Protanopie. Il existe un autre type de dichromate, appelé protanope, qui, >c o m m e le deutéranope, ne perçoit que les jaunes et les bleus, ainsi que les ¿Jblancs et les gris. Cependant, il s'agit sans doute chez ce sujet d'un décalagedes photopigments vers des longueurs d'onde plus courtes, provoquant u ndéplacement de la fonction chromatique jaune/bleu et de la fonction achro-matique dans le m ê m e sens. C e déplacement entraîne un assombrissementde la zone des ondes longues chez les dichromates relevant de cette catégorie,phénomène qui permet de les distinguer des deutéranopes.

H est bien connu que la désignation des couleurs par les dyschromatop-siques est pour le moins sujette à caution, mais lorsqu'il s'agit d'un brillantscientifique de la stature de Dalton, le rapport qu'il écrivit sur son proprecas mérite qu'on s'y arrête. L u i - m ê m e était convaincu que les seules cou-leurs qu'il voyait étaient le jaune et le bleu et toutes les mesures faites ulté-rieurement en laboratoire confirment ce fait, m ê m e si les conclusions qu'ona tirées ont souvent le caractère de déduction. Mais on connaît aussi quelquesrares cas de dyschromatopsie unilatérale d'axe rouge/vert, dans lesquels lesujet peut affirmer avec certitude qu'alors que son œil normal perçoit lesrouges et les verts aussi bien que les bleus et les jaunes, l'œil déficient estlimité à la seule dimension chromatique jaune/bleu. Il existe aussi des caspeu fréquents de dyschromatopsies consécutives à u n accident, dans lesquelsun individu auparavant normal peut décrire avec précision ses perceptionschromatiques et celles qu'il a perdues. C'est ce qui se produisit pour l'undes patients de George Wilson, M . B . , qui, ayant subi une commotion à lasuite d'une chute de cheval, perdit sa capacité de discrimination rouge/vert13.

Tritanopie. L e schéma de la figure 5 nous amène à penser qu'il peut existerun autre type de dichromatisme, d'ailleurs connu depuis longtemps. L atritanopie est maintenant une anomalie très documentée, bien que sa fré-quence soit faible. Si la fonction de réponse chromatique jaune/bleu m a n q u etotalement chez un sujet, on peut s'attendre qu'il distingue seulementles rouges et les verts parmi les couleurs spectrales et celles des objets. L afigure 5 nous inciterait à penser qu'il existe deux points spectraux neutres ;or, bien que ce fait ait parfois été observé13, seul le point neutre situé dansles ondes longues à environ 580 n m a été signalé dans la majorité des cas.Cela signifie que la partie de la courbe de réponse rouge/vert située dans lesondes courtes ne recoupe pas la ligne du zéro c o m m e elle le fait sur lediagramme. U n e fonction rouge/vert de ce type, ne comprenant qu'un seulpoint d'insersection, peut résulter d'une répartition particulière de l'absorp-tion pigmentaire, due à u n m a n q u e ou à une absence de photopigment pourles ondes courtes. C e genre d'explication, c'est-à-dire la perte de tel ou teltype de photorécepteur dans les cônes et du pigment qui lui est associé, estcelle qui est le plus souvent avancée pour rendre compte des diverses formes i6j

' S de dyschromatopsies : ainsi, l'on suppose que les protanopes manquent deu photopigment y et les deutéranopes de pigment ß . C'est là une explicationffi valable, à côté du schéma théorique que nous venons d'exposer.

S45 Monochromatisme

Enfin, par simple extension, en l'absence simultanée des mécanismes deréaction rouge/vert et jaune/bleu, nous avons une « cécité totale des cou-leurs », ou achromatopsie, c'est-à-dire une vision des couleurs monochro-matique. C e genre de défaut est souvent associé à d'autres symptômesvisuels, tels que la photophobie (sensation pénible lors de l'exposition à unelumière forte) et le nystagmus (mouvements involontaires des globesoculaires), et il existe diverses classifications de cette forme d'anomalie. L emonochromatisme des cônes, forme simple et sans complications, s'expliquefacilement par le modèle de vision des couleurs que nous avons décrit. L esujet possède une bonne vision fovéale et une acuité normale, mais les objetsqu'il perçoit ne se différencient que par leur clarté, c o m m e nos blancs, griset noirs. C e qu'il perçoit se limite à ce que voient des observateurs normauxquand ils regardent des photographies ordinaires ou les images d 'un écrande télévision en noir et blanc. Il ne distingue absolument aucune teinte.

O n trouve également une autre forme de monochromatisme, le m o n o -chromatisme des bâtonnets, ou achromatisme typique. L e sujet présentegénéralement une faible acuité visuelle, des taches aveugles, du nystagmuset de la photophobie. Sa vision diurne est mauvaise, et, c o m m e les m o n o -chromates de l'autre catégorie, il ne perçoit que les blancs, les gris et les noirs.

Schémas d'hérédité

Les dyschromatopsies congénitales sont héréditaires : il existe des centainesd'arbres généalogiques retraçant leurs schémas de transmission de générationen génération. L a transmission des anomalies d'axe rouge/vert est de typemendélien, l'anomalie constituant u n caractère lié au sexe et récessif : lespetits-enfants l'héritent de leur grand-père par l'intermédiaire de sa fille,qui garde une vision colorée normale. L e fondement génétique des dyschro-matopsies jaune/bleu est beaucoup moins clair. Certains chercheurs pensentqu'elles sont liées au sexe, d'autres qu'elles seraient dues à des gènes autoso-miques imparfaitement dominants, c'est-à-dire portées par des chromosomesnon sexuels, d'autres encore sont d'avis que toutes les dyschromatopsiesjaune/bleu sont acquises et non congénitales.

Dyschromatopsies acquises

Les dyschromatopsies acquises sont des anomalies de la vision coloréeconsécutives à des affections oculaires ou en rapport avec des maladies. Desmédicaments et des toxines sont parfois mis en cause. A la différence desdyschromatopsies congénitales, qui résultent de mutations héréditaires dansdes régions spécifiques des gènes, dans les molécules pigmentaires, ou dansles réactions enzymatiques, on attribue l'origine des anomalies acquises àl'altération d'un mécanisme de la vision colorée normal au départ14.

Les dyschromatopsies acquises (ou secondaires) sont liées à des affectionsde la macula, d u nerf optique ou du cortex occipital et les ophtalmologistes

168 utilisent un certain nombre d'indices pour les distinguer des dyschroma-

u

J

topsies congénitales. Ces anomalies sont en général monoculaires, ou .Saffectent les deux yeux à des degrés différents, ou encore ne concernent "gqu'une région restreinte d 'un seul œil, alors que les déficiences unilatérales gde type congénital sont extrêmement rares, certains doutant m ê m e que leur ™existence ait jamais été prouvée. Les dyschromatopsies acquises sont souvent "associées à d'autres troubles visuels, c o m m e une mauvaise acuité ou u n «champ visuel anormal, alors que les anomalies congénitales de la vision descouleurs s'accompagnent d'ordinaire d'une fonction visuelle intacte. L esujet atteint de dyschromatopsie secondaire, dont les perceptions coloréesétaient auparavant normales, remarque les changements qui se sont produitsdans sa vision et désigne les couleurs telles qu'il les voit avec sa nouvelle >vision, alors que le dyschromatopsique congénital attribue aux objets, enutilisant tous les renseignements à sa disposition, les n o m s de couleur qu'ila appris des gens normaux, bien qu'il ne puisse percevoir les couleurs enquestion15. Enfin, les anomalies acquises peuvent évoluer dans le temps,alors que les anomalies congénitales restent stables.

A l'heure actuelle, on étudie les dyschromatopsies acquises davantage quepar le passé, mais c'est encore u n des premiers schémas de classification,proposé dès 1912 par Köllner, qui sert aujourd'hui de ligne directrice16.D'après ses analyses, les lésions rétiniennes donneraient lieu à u n dysfonc-tionnement d'axe jaune/bleu, tandis que les lésions du nerf optique provo-queraient plutôt des déficiences d'axe rouge/vert. Il y a des exceptionsnotoires à cette règle et de nombreuses dyschromatopsies acquises affectentà la fois les systèmes jaune/bleu et rouge/vert, mais la « règle de Köllner »demeure u n principe valable, particulièrement dans les stades précocesd'une maladie oculaire.

Tests de vision des couleurs

Les maladies oculaires affectant la vision des couleurs se chiffrent pardizaines et les dyschromatopsies acquises posent de nombreux problèmesaux ophtalmologistes et aux spécialistes de la vision. L e diagnostic estsouvent compliqué et difficile17. L'application des procédés types dediagnostic des dyschromatopsies congénitales est malaisée. E n particulier,l'anomaloscope de laboratoire de type standard, cet important instrumentde diagnostic qui fut introduit par Nagel et dont nous avons déjà parlé,est u n spectroscope à vision directe pourvu d 'un oculaire, et les patientsdont l'acuité visuelle est défectueuse éprouvent souvent des difficultés àl'utiliser.

E n dehors de l'anomaloscope, employé surtout pour analyser le compor-tement d'égalisation chromatique, divers autres procédés de mesure de lacapacité et de la performance visuelles peuvent être employés en laboratoire :mesure des égalisations chromatiques dans l'ensemble d u spectre visible,mesure des seuils-paliers, discrimination des longueurs d'onde, discrimi-nation de la saturation, lieu spectral des points neutres, etc. Mais les outilsde diagnostic les plus c o m m u n é m e n t utilisés sont les tables pseudo-iscchromatiques : des lettres, des figures géométriques ou des chiffres d'unecouleur spécifique sont placés sur des fonds de couleur différente, et l'apti-tude du sujet à les discerner dépend de la mesure dans laquelle il distingueles différentes couleurs. C e type de test de détection existe dans le commercesous plus d'une douzaine de formes (atlas d'Ishihara, de Boström-Kugelberg)et les résultats varient sensiblement d 'un test à l'autre. 169

'S U n autre type de test met en jeu la capacité du sujet d'ordonner une série£ de couleurs. O n trouve également différentes versions de ce procédé, dont

K les plus connues sont le Farnsworth-Munsell ioo-Hue (ou « grand Farns-g worth »), qui dans sa forme actuelle comprend 85 teintes, et le Farnswortho Panel D - 1 5 (ou « petit Farnsworth »), qui en comprend 15. C e dernieri-l permet u n diagnostic différentiel, suivant que les classements ont été

effectués par des protanopes ou par des deutéranopes. L e grand Farnswortha été utilisé avec succès pour les dyschromatopsies acquises, tandis que letest D - 1 5 e s t particulièrement bien adapté au dépistage des dichromatismescongénitaux. E n général, il est préférable d'utiliser, si possible, une batteriede tests de différents types.

Incidences professionnelles

Les anomalies de la vision des couleurs ont des incidences évidentes sur leplan pratique, ainsi que je l'ai déjà mentionné. George Wilson, dans sesrapports présentés à la Royal Scottish Society of Arts il y a plus d 'un siècle,« signala à maintes reprises les dangers qui pourraient résulter de la présencedans des gares de chemin de fer ou à bord de navires de signaleurs insensiblesaux couleurs et. susceptibles par conséquent de se tromper dans la présen-tation ou l'interprétation de signaux colorés »1S.

O n utilisait en effet déjà à cette époque des signaux lumineux rouges,verts et blancs, correspondant aux indications « sécurité, prudence et danger ».L e v œ u de George Wilson que « les personnes chargées du recrutementdes signaleurs soient informées des moyens les plus simples de détectionde l'insensibilité aux couleurs et d'évaluation de son ampleur » a été satisfait.Les dyschromatopsiques sont maintenant écartés des emplois sur les voiesde chemin de fer ainsi que dans la navigation maritime et fluviale où ladiscrimination des couleurs est essentielle ; en revanche, les normes exigéesdans l'aviation paraissent moins rigoureuses19.

O n s'accorde généralement à reconnaître que, dans la vie de tous lesjours, l'incapacité de discerner des couleurs, ou les erreurs dans leur dési-gnation, sont plus souvent gênantes que dangereuses. Cependant, les jeunesqui pensent avoir une anomalie de la vision des couleurs devraient se faireexaminer, car de nombreuses professions risquent de leur être barrées,et notamment tous les métiers où il faut procéder à des égalisationschromatiques.

E n revanche, dans d'autres professions, c o m m e l'électronique, la m é d e -cine ou la chimie, un appareillage adéquat et l'aide des collègues de travailpeuvent suffire à pallier une telle anomalie ; dans d'autres encore, c o m m eles professions d'architecte ou de paysagiste, les métiers de la m o d e , unevision colorée normale est sans doute préférable, mais elle n'est pasindispensable19.

Prétendue correction des anomalies de la vision colorée

Les anomalies de la vision des couleurs peuvent-elles être corrigées ? L etraitement d'une maladie oculaire peut certes aider à améliorer une visioncolorée déficiente du fait de cette maladie, mais la réponse est un « non »catégorique pour ce qui est des anomalies congénitales. Aucun traitement,qu'il soit à base de médicaments, de vitamines ou d'exercices, n'a d'effet

170 prouvé sur ce genre d'anomalies. L a seule possibilité est de fournir au

JJ3

dyschromatopsique u n dispositif filtrant sélectif lui indiquant la présence .8d'une différence de couleurs en convertissant celle-ci en une différence de 1luminosité à laquelle il est sensible. Cette technique a été employée pour la gpremière fois en 1817, quand James Clark Maxwell proposa de fabriquer *une « monture de lunettes » comportant u n verre rouge et l'autre vert, de »manière qu'un œil regarde toujours par u n verre et l'autre par l'autre verre : "les objets rouges paraissent plus brillants que les verts à travers le verrerouge, alors que les objets verts ressortent au contraire davantage que les "3rouges quand on les regarde à travers le verre de m ê m e couleur. « U n eautorité indépendante doit faire savoir au sujet daltonien qui utilise ces •§verres lequel est rouge et lequel est vert », écrivait George Wilson, conseil '>qui reste valable. >-)

Mais, m ê m e si cela lui facilite la discrimination des couleurs, la perceptioncolorée normale ne lui en est pas rendue pour autant. B

Notes

1. J. Koiliopoulos, P . IordanideSj G . Palimeris et E . Chimonidou, <c Dataconcerning colour vision deficiencies amongst 29,985 Y o u n g Greeks. Int.S y m p . Ill, Colour Vision Deficiencies, Amsterdam », dans : G . Verriest (dir.publ.), Mod. Prob. Ophthalmol, vol. 17, p . 161, Basel, Karger, 1976.

2 . I. Iinuma et Y . H a n d a , « A consideration of the racial incidence of congenitaldyschromats in males and females », dans : Verriest, op. cit., p . 151.

3. J. Dal ton, « Extraordinary facts relating to the vision of colours », Mem. Lit.Phil. Soc. (Manchester), vol. 5, 1798, p . 28.

4 . G . Verriest (dir. publ.), op. cit., vol. n , 13, 17, 19, 1972-1978.5. Les marron sont principalement des orangés ou des jaunes mélangés de gris

foncé ou de noir. Voir dans le texte la description de la g a m m e complètedes couleurs.

6. D . Jameson, « Theoretical issues of colour vision », dans D . Jameson etL . Hurvich (dir. publ.), Handbook of sensory physiology (visual psychophysics),vol. VII/4, Berlin, Springer Verlag, 1972.

7. L . Hurvich, Color vision, Sunderland, M a s s . , Sinauer Associates, 1981.8. U n e importante accumulation de données électrophysiologiques confirme à

présent l'existence chez u n grand nombre d'organismes, dans diverses cellulesrétiniennes, de potentiels gradués de polarité opposée, en réponse à desstimuli de zones spectrales différentes [voir P . Gouras, « S-Potentials », dans :M . Fortes (dir. publ.), Handbook of sensory physiology (physiology ofphotoreceptors), vol. VII/2, Berlin, Springer Verlag, 1972]. O n a aussi mesuré,dans le nerf optique, le corps genouillé latéral et le cortex de divers animaux,dont les primates, des potentiels d'action neuro-électriques en tout ou rien,qui mettent en évidence des schémas de décharge opposés (ouvert/fermé) enréponse à des stimuli lumineux tant spatiaux que spectraux [voir R . de Valois,« Central mechanisms of colour vision », Handbook of sensory physiology(Centralprocessing of visual information), vol. VIÏ/3, part. A , Berlin,Springer-Verlag, 1973]-

9. P . L iebman, « Microspectrophotometry of photoreceptors », dans :H . Dartnall (dir. publ.), Handbook of sensory physiology (photochemistry ofvision), vol. VII/i, Berlin, Springer Verlag, 1972.

10. J. Strutt (Lord Rayleigh), « Experiments in colour », Nature, vol. 25, 1881,p. 64.

11. L . Hurvich, « Colour vision deficiencies », dans : D . Jameson et L . Hurvich,op. cit. 171

' S 12. G . Wilson, Researches on colour-blindness, Edimbourg, Sutherland andH Kaoj 1855.¡3 13. Voir L . Hurvich, dans : D . Jameson et L . Hurvich, op. cit., p . 610.

• 14. A . Linksz, « Reflections, old and new, concerning acquired defects of color^ vision », Sur. ophthalmol., vol. 17, 1973, p . 229.•<u 15. D . Jameson et L . Hurvich, « Dichromatic color language: Tleds' and 'Greens'

don't look alike but their colors do », Sens. Processes, vol. 2 , 1978, p . 146.16. H . Köllner, Die Störungen des Farbensinnes, ihre klinische Bedeutung und ihre

Diagnose, Berlin, Karger, 1912.17. J. Pokorny, V . Smith, G . Verriest et A . Pinckers, Congenital and acquired

color vision defects, N e w York, Grune and Stratton, 1979.18. Voir note 12.19. Voir note 17, en particulier chap. E .

172

ooON

o

Un spécialiste soviétique nous propose quelques remarques préliminaires osur le nouveau domaine de Vophtalmo-ergonomie — l'étude des capacités avisuelles dans le cadre du travail — les moyens d'accroître ces capacités dans Ele cadre de l'activité professionnelle, de prévenir et d'en guérir les affections.

La vision et le travailE . S . Avetissov

L'auteur, homme de science émérite de l'Union des républiques fédérativessocialistes et de la République socialiste soviétique d'Ouzbékistan, est professeuret directeur scientifique adjoint de l'Institut Helmholtz de recherche sur lesaffections oculaires, à Moscou.

o Introductionen .en

s> Notre époque tumultueuse nous confronte sans cesse et partout à de nou-

veaux problèmes. Il en est ainsi de l'interface h o m m e - m a c h i n e dans le travail.Avec sa grande dynamique, le déplacement rapide des objets du travail,

l'abondance des pièces fines et complexes, le déferlement ininterrompudes signaux visuels et sonores et des bruits, la nécessité constante de prendrerapidement des décisions, le travail productif contemporain exige beaucoupde l'organisme humain, et en particulier d u système nerveux et des organessensoriels.

D e nouveaux métiers sont apparus dans lesquels l ' h o m m e est ce qu'onappelle un « opérateur », constituant un maillon d'une chaîne complexed'appareils et de machines automatiques. Il agit sur l'objet par l'intermédiaired'un dispositif de c o m m a n d e , l'évaluation des résultats obtenus se faisanttoutefois à l'aide de divers systèmes d'information. D ' o ù la naissance d'unenouvelle science, fort importante et riche de promesses : l'ergonomie, qui sedonne pour tâche d'étudier l'optimisation du travail humain.

Étant donné le rôle fondamental qui incombe à l'analyseur visuel dans leprocessus de travail, l'une des branches de l'ergonomie connaît u n dévelop-pement particulier : il s'agit de l'ophtalmo-ergonomie, qui étudie les diversaspects de l'activité visuelle dans le processus du travail. L a multiplicationdes publications traitant du rôle de la vision dans des situations profes-sionnelles concrètes témoigne de l'importance considérable que revêt cettediscipline.

Problèmes majeurs en ophtalmo-ergonomie

II va de soi que la fonction d'opérateur dans les systèmes h o m m e - m a c h i n eest un domaine d'élection des méthodes ophtalmo-ergonomiques. E n outre,celles-ci peuvent utilement contribuer à accroître l'efficacité du personnelchargé d'opérations de finesse et de précision.

Il convient de noter que l'ophtalmo-ergonomie en tant que disciplinescientifique en est à ses balbutiements et que son objet et sa fonction ne sontpas encore assez clairement définis. Aussi le présent article vise-t-il à pré-ciser les tâches et méthodes principales de cette nouvelle branche du savoir.

Celle-ci a pour objectif d'adapter les conditions de travail aux possibilitésdu système visuel de l ' h o m m e et d'exploiter au m a x i m u m ces possibilitésdans l'activité professionnelle afin d'accroître l'efficacité du travail, d'unepart, et d'éliminer les effets néfastes de ce dernier sur l'organe de la vision,d'autre part.

Les tâches principales auxquelles elle doit faire face sont les suivantes :Étude et description des caractéristiques de l'analyseur visuel en tant que

composante du système h o m m e - m a c h i n e .Optimisation des conditions de travail et de l'activité visuelle professionnelle

en vue d'augmenter au m a x i m u m l'efficacité de la production.Élaboration de mesures visant à prévenir l'influence néfaste des conditions

de travail sur l'organe de la vision.Établissement de « professiogrammes », c'est-à-dire définition des principales

caractéristiques de l'activité visuelle de l'individu dans des situations detravail données.

Mise au point de principes de sélection, d'orientation et de réinsertionI 7 4 professionnelles en fonction de la vue.

Étude des conditions de travail s

Depuis quelques années se développent certains groupes de professions où ol'activité visuelle joue u n rôle fondamental. L'étude et l'optimisation des "yconditions de travail de ces groupes constituent une orientation importante ades recherches ophtalmo-ergonomiques. Examinons ces groupes de pro- ÍS3fessions de plus près. *

_!Les conducteurs de tous les types de moyens de transport (des sous-marins auxvaisseaux spatiaux). Es doivent simultanément suivre une situation réellerelativement mouvante et surveiller u n tableau de c o m m a n d e complexe,réagir avec rapidité et précision à u n changement de situation, travaillerdans des conditions très diverses de luminosité et de contraste, supporterd'éventuelles lumières aveuglantes dans le c h a m p visuel, distinguer lessignaux dans des conditions de mauvaise visibilité et, souvent, faire faceà des stress non visuels considérables (sonores, vibratoires et gravitationnels).

Pour exercer un tel métier, il faut avoir une bonne vision centrale et péri-phérique et pouvoir déceler et différencier rapidement les objets, évalueravec précision leur éloignement absolu et relatif, changer rapidement depoint fixe en fonction de la distance et de la direction, s'adapter en tempsvoulu aux variations de luminosité, recouvrer rapidement la vue après u néblouissement et conserver un pouvoir de résolution suffisant en cas debaisse du contraste.

Les opérateurs qui surveillent en permanence un affichage d'information. L avision est particulièrement importante pour ceux qui observent des signauxsur les écrans cathodiques. Citons notamment les opérateurs de radars dedifférents types et ceux qui contrôlent des processus technologiques sur u nécran d'oscillographe. Il importe que ces spécialistes soient capables dedistinguer des signaux d'un nouveau caractère sur u n fond relativementcomplexe, hétérogène et apériodique. O n appelle cette capacité visuelle« détection de la nouveauté », ou « attention visuelle ».

Outre l'écran, qui se trouve généralement au centre du c h a m p visuel, ilfaut souvent surveiller en permanence u n tableau de contrôle, qui occupeune grande partie d u c h a m p d u regard. A lui seul, cet exercice visuel suffità montrer le peu d'utilité que présentent pour les opérateurs les méthodesophtalmologiques habituelles telles que l'évaluation de l'acuité visuelle,du c h a m p visuel, etc.

Les spécialistes qui passent le plus clair de leur temps à examiner des clichéscomportant des zones plus ou moins foncées et inégalement réparties— radiographies, microphotographies et macrophotographies de structureset de reliefs différents. O n peut ranger dans cette catégorie les radiologues, quiétudient des photographies radioscopiques, les spécialistes de la défectoscopiedes métaux, les astronomes, qui étudient des photographies du ciel étoile.

C o m m e pour les professions des deux premiers groupes, la capacité derepérer u n signal — c'est-à-dire de détecter sur un fond fourmillant de détailsl'indice, la trace unique qu'il faut déceler — est ici une qualité visuelleindispensable.

Les spécialistes de la mécanique de précision : ouvriers de machines-outilsfabriquant des pièces très petites ou exigeant une grande précision, ouvriers 175

o responsables du controle et du triage de ces pièces, monteurs de construction•a mécanique (montres, par exemple). Dans ce genre de métiers, la vision est> sollicitée surtout par les mesures angulaires des pièces et par le degré de

précision du travail à effectuer. D'autres facteurs peuvent aussi entrer en• jeu : luminance des pièces, couleur et contraste par rapport au fond.

Pour exercer ces professions, il faut une bonne vision centrale, la capacitéde déterminer l'épaisseur relative d'objets proches et un fonctionnementnormal des systèmes d'accommodation et de convergence. Outre l'acuitévisuelle, les qualités dites « visiométriques » jouent ici u n grand rôle : apti-tude à détecter l'asymétrie, à trouver le centre d'objets ronds et de fragments,à évaluer les dimensions relatives de certaines pièces, etc. Il est évident quel'examen ophtalmologique habituel ne peut donner une idée suffisante deces qualités visuelles.

Les spécialistes de la fabrication des pièces et du montage d'appareils radio-électroniques. Il s'agit de manipuler des pièces que la miniaturisation rend deplus en plus petites. L e montage de lampes électroniques et de tubes catho-diques, la fabrication de plaquettes à câblage à circuit imprimé et, en parti-culier, l'assemblage de matrices à ferrite (blocs de la mémoire des ordinateurs)exigent que l'ouvrier manipule avec une extrême précision des objets quisont à la limite du pouvoir de résolution de l'œil. E n outre, nombre deces pièces sont très brillantes et offrent un faible contraste par rapport aufond. Il faut donc nécessairement les placer très près de l'œil (parfois à dixou douze centimètres seulement), ce qui entraîne un effort importantd'accommodation et de convergence. Les travaux de ce genre exigent beau-coup de la vue de l'opérateur : outre une forte acuité visuelle, nécessaire autravail de près, il lui faut une capacité normale d'accommodation, associéeà une bonne convergence.

Ceux qui travaillent toujours ou très souvent avec des instruments d'optique,surtout des loupes et des microscopes. E n fait, il s'agit des m ê m e s spécia-listes que ceux des deux dernières catégories, mais ceux-ci travaillent surdes pièces encore plus petites. A part les « microspécialités » traditionnellesde l'horlogerie, de la joaillerie, de la mécanique et de l'optique de précision,la majorité des travaux de l'industrie radioélectrorùque exigent l'utilisationde loupes et de microscopes. L a microélectronique a d'ailleurs tendance àdevenir une branche indépendante. Les microscopes sont de plus en plusutilisés en biologie et en médecine. O n n'en voudra pour exemple que lamicrochirurgie du globe oculaire lui-même.

Les instruments optiques imposent à l'appareil visuel un effort considé-rable : il faut en particulier fixer en permanence un objet et fusionner deuximages dans des conditions de séparation forcée de l'accommodation et dela convergence. D e plus, au microscope, l'ouverture oculaire étroite limitela liberté du mouvement des yeux pendant l'observation.

A la nécessité de manipuler des objets au microscope s'ajoute celled'assurer la coordination entre le mouvement de la main et le déplacementvisible de l'objet, et, de ce fait, le mouvement des yeux. L a moindre impré-cision dans le réglage entraîne u n déséquilibre vertical de l'image, ce quirend la convergence encore plus difficile.

Tout cela fait énormément travailler les systèmes oculomoteurs quirégissent la vision, y compris ceux d'entre eux qui ne sont pas, en principe,

176 soumis à une telle tension pendant l'observation au m o y e n d'instruments

optiques binoculaires — ceux de l'accommodation et de la convergence. ^Pour utiliser de tels instruments dans la vie professionnelle, il faut une g

grande stabilité de ces systèmes et une bonne vision binoculaire. Malheu- ureusement, il n'existe pas encore, dans l'arsenal des pratiques ophtalmolo- £giques, assez de méthodes de recherche fonctionnelles adéquates. «

CO

-gDernier groupe (mais non des moindres) qui présente u n intérêt du point mde vue ophtalmo-ergonomique, les personas qui travaillent principalement **sur des textes imprimés : ensembles de lettres, de chiffres, de notes de musique.Il convient, à première vue, de distinguer deux types d'activité :

L'analyse, la synthèse et la reproduction, où c'est la compréhension dutexte qui l'emporte sur le repérage de chaque signe ; à cet égard, les erreurssont sans importance.

L a correction du document imprimé, le travail sur des codes chiffrés(activité arithmétique, perforation de fiches d'ordinateur). L a vue et l'atten-tion sont alors beaucoup plus sollicitées.

L e façonnement du texte joue un grand rôle — dimension et nature descaractères, contraste et luminosité du fond, espacement entre les signes etles lignes, fréquence des intervalles.

L e nombre de ceux qui travaillent sur la chose imprimée ne fait qu'aug-menter. C e n'est pas u n hasard si les publications consacrées à la psychologieet à l'optométrie accordent une attention croissante aux techniques de lectureet à leurs inconvénients. Mais les processus fondamentaux — nature desmouvements oculaires et rôle de la vision centrale et périphérique dans lesdivers types de lecture — ne sont pas assez étudiés. D e m ê m e , on ne disposepas de méthodes de diagnostic et de traitement des troubles de la lecture(légasthénie).

Tests et dépistage

N o u s s o m m e s loin d'avoir fait le tour des professions où la vision joue u nrôle particulier. O n pourrait ajouter, par exemple, un certain nombre d'acti-vités de l'industrie textile (travail sur des métiers à filer et à tisser), la fabri-cation de fils de fer, la polygraphie et les métiers artistiques. Certains sportségalement, c o m m e le tir, exigent beaucoup de la vue.

D e toutes les professions et spécialités qui ont été énumérées, deux groupesappellent une attention particulière : la conduite d'engins mobiles et lestravaux de haute précision. D ' o ù le développement particulier de deuxbranches de Pophtalmo-ergonomie : celle des transports et celle des micro-manipulations.

C e qui précède montre la diversité des tensions auxquelles l'activitéprofessionnelle soumet les fonctions visuelles et l'insuffisance des infor-mations que donnent sur ces dernières les méthodes traditionnelles d'analyseophtalmologique.

Aussi l'ophtalmo-ergonomie s'efforce-t-elle, actuellement, de concevoirdes méthodes spécifiques d'investigation des fonctions visuelles permettantde rendre compte fidèlement de l'aptitude de l'analyseur visuel à accomplirun travail donné. Les tests ophtalmologiques traditionnels relatifs à la sélec-tion, à l'orientation et à l'affectation professionnelles portent sur l'évaluationdes fonctions visuelles — photosensibilité, différenciation, vision en pro-fondeur — indépendamment du temps de la présentation des stimuli,d'une part, du caractère de l'activité professionnelle, d'autre part. Telles 177

o sont les méthodes classiques d 'examen de l'acuité visuelle, du champ visuel,•2 de la vision des couleurs, de l'adaptation à l'obscurité et de la vision enJ profondeur. Dans le meilleur des cas, ces méthodes peuvent servir à repérer

les inaptitudes manifestes à telle ou telle spécialité ; mais elles sont alorstrop complexes et exigent beaucoup de temps.

O n cherche actuellement à mettre au point des méthodes de prophylaxiesystématique visant à détecter les anomalies de la vision. C e dépistage sepratique dans u n certain nombre de pays. O n utilise habituellement destests qui permettent d'évaluer l'acuité visuelle de près et de loin, la vision descouleurs, l'équilibre oculomoteur, la perception stéréoscopique, et parfoism ê m e le champ visuel. L e fonctionnement des appareils utilisés étant sim-plifié à l'extrême, leur capacité de rendement est assez élevée, mais les testsne permettent pas d'estimer la vue avec assez de précision par rapport àl'activité professionnelle.

Nécessité de trouver de meilleures méthodes

Concevoir les tests de façon à reproduire le plus fidèlement possible lestâches professionnelles réelles, telle est l'une des orientations d'avenir desméthodes ergonomiques d'investigation de la vision. Les tests doiventsimuler les principales opérations visuelles auxquelles procède l'intéressé.Il ne saurait donc y avoir de méthode unique permettant d'examiner lesfonctions visuelles dans toutes les professions. Les méthodes doivent sedifférencier, la complexité des tests destinés à évaluer l'aptitude profession-nelle augmentant en fonction directe de celle des tâches visuelles à accomplir.Toutefois, certaines caractéristiques générales distinguent les méthodesophtalmo-ergonomiques des méthodes ophtalmologiques traditionnelles :introduction de paramètres de temps ; large utilisation d'objets-tests enmouvement ; introduction d'éléments demandant u n effort visuel ; associa-tion d'épreuves purement visuelles et de tests psychologiques, c'est-à-direintroduction, dans la majorité des tests, d'éléments de prise de décision(passage de l'étude des fonctions à celle des aptitudes visuelles).

D u fait du développement des activités productives exigeant finesse etprécision dont il a été question plus haut, l'appareil visuel est mis à rudeépreuve, ce qui peut provoquer des troubles fonctionnels. Cela dit, cestroubles ne sont pas nécessairement fonction de telles activités productives.Leur apparition favorise des anomalies du système optique et de l'équilibreoculomoteur ainsi qu 'un affaiblissement des réserves des systèmes d'accom-modation, de convergence et de coordination binoculaire. Cet affaiblisse-ment peut lui-même être lié à des affections somatiques, nerveuses ouendocriniennes générales, voire à des situations de stress.

L a prophylaxie de l'asthénopie (affaiblissement de la vue) et de la myopieprofessionnelle est l'une des tâches qui incombent aujourd'hui à l'ophtalmo-ergonomie. Dans la pratique, elle peut être favorisée par les mesuressuivantes :Sélection rationnelle des individus qui seront chargés des micromanipula-

tions, selon des méthodes soigneusement mises au point ; optimisation desconditions dans lesquelles s'effectuent les opérations de finesse et deprécision (bonne hygiène, alternance des temps de travail et de repos,aménagement rationnel des postes de travail, introduction, dans la g y m -nastique de relaxation, de mouvements spéciaux pour les yeux, en parti-

178 culier pour l'accommodation).

Amélioration des conditions de luminosité. Rationalisation de Péclairement ^général et local, accentuation du contraste et réduction de la brillance des gpièces (éventuellement par l'utilisation de la lumière chromatique et £polarisée). «

L e cas échéant, recours aux instruments, optiques notamment, qui amélio- arent la visibilité. Loupes, lunettes sphériques ou sphéroprismatiques Í2(« orthoscopiques »), microscopes ordinaires, microscopes permettant de ^projeter l'image sur u n écran mat , appareils de télévision agrandissant "-1

l'image de l'objet (l'utilisation de tous ces instruments et appareils devantencore faire l'objet d'études minutieuses).

Recommandation

E n conclusion, l'automatisation des micromanipulations dans toutes lesbranches de l'industrie est le m o y e n le plus efficace de prévenir les troublesvisuels et la myopie professionnelle.

Il faut aussi mettre au point des directives judicieuses pour que soientmutés en temps voulu à u n autre poste les travailleurs qui sont soumis à unetension visuelle trop forte pour eux. •

179

World Conferenceon theHolocaustandgenocide

There will be an International Conference on the Holocaust and

Genocide, to be held 20.24 June Ï98 2 m Tel Aviv. T h e theme of the

meeting will be, 'Towards Understanding, Intervention, and

Prevention of Genocide'.

T h e goal of this conference is to present genocide as a problem in

the history and future of all peoples. T h e organizers hope to develop

knowledge that can help avert or reduce future calamities by analyzing

the processes leading to the Holocaust, as well as to genocides at

other times in other places. T h e interdisciplinary meeting will be

preceded by a two-day Institute of Intensive Dialogue Workshops.

T h e conference is open to all w h o are concerned with genocide, and

will include leaders in business, domestic and international affairs,

specialists in communication, international law and relations, h u m a n

rights, political science, psychology and sociology, philosophy and

theology, medicine and public health, and treatment of survivors and

their families.

T h e president of the conference, Ehe Wiesel, will conduct a

workshop during the two-day Institute. T h e language of all the

workshops and the conference is English.

If you have done work on the Holocaust or genocide, or if you

desire further information as to h o w to register and attend—or if you

wish to submit a paper, contact Prof. I. W . Charny, Executive

Director, International Conference on the Holocaust and Genocide,

P . O . Box 29784, Tel Aviv, Israel; telephone 654571, Telex K E N S IL.

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Si l'on ne sait pas avec précision combien d'aveugles il y a dans le monde,on a fait une estimation en se fondant sur les différentes définitions dela cécité adoptées par diverses institutions, ce qui n'est pas sans compliquerVanalyse des données disponibles. Il existe également des sources possiblesd'erreur, telles des données démographiques incertaines et, très souvent, uneabsence d'études chiffrées pour les zones rurales. L a signification et lesconséquences de la cécité varient selon que Von considère celle-ci d'un point devue médical, d'un point de vue social ou d'un point de vue économique.Généralement, ce terme implique une perte considérable de la vue, entraînantune incapacité visuelle, ce qui constitue un sérieux handicap dans la viequotidienne de la communauté.

Quelques aspects globauxde la cécité

Björn Thylefors

Björn Thylefors, ophtalmologiste qui a travaillé pendant plusieurs annéesdans des pays en développement, est le directeur par intérim du Programmede prévention de la cécité de l'Organisation mondiale de la santé,I2II Genève 27 (Suisse).

g D'après u n récent examen des données que l'on possède sur la cécité dans leÜij monde 1 , et selon certaines extrapolations effectuées à partir des chiffres dontJ3 on dispose, il y aurait, au total, entre 28 et 42 millions d'aveugles de par lec m o n d e . L a définition que l'on donne alors de la cécité est l'incapacité de:o compter les doigts de la main à une distance de trois mètres, avec l'œil le plusm valide et les meilleurs verres correctifs possible2. L a méthode d'auscultation

qui consiste à compter les doigts d'une main à différentes distances est cou-ramment utilisée dans le m o n d e entier et présente l'avantage de ne pas avoirà recourir à u n équipement médical sophistiqué dont on ne dispose pastoujours. U n individu doué d'une vue « normale » peut distinguer les doigtsd'une main de taille ordinaire à une distance de 60 mètres : d 'où l'on diraqu'un patient qui ne peut voir les doigts de la main à trois mètres a uneacuité visuelle qu'on estime inférieure à 3/60, c'est-à-dire moins de 5 % de lavue normale, ce que l'on appelle alors la cécité. D e la m ê m e façon, uneincapacité de compter les doigts d'une main à une distance de 6 mètresreprésente moins de 10 % de la vue normale, ce qui, dans de nombreuxpays, constitue le seuil que l'on a défini pour l'assistance sociale aux aveugleset les mesures de rééducation de ces derniers. Si l'on applique ce seuil surune base globale, le nombre de personnes appartenant à cette catégorie seraitd'environ 42 millions.

L a terminologie relative à la cécité prête parfois à confusion quant auxdéfinitions et aux critères de cette affection. Les deux termes communémen temployés sont ceux de cécité « sociale » et « économique » ce qui, en principe,signifie simplement que l'individu en question n'est pas capable de menerune vie sociale normale ni d'exercer une activité professionnelle sans béné-ficier d'une assistance ou de mesures de rééducation. Les implicationsmédicales de ces définitions peuvent varier considérablement en fonction dela communauté considérée et de la nécessité de jouir d'une bonne vue dans lavie quotidienne.

La cécité est très importante dans les paysen développement

C o m m e il a été dit précédemment, dans la plupart des pays, on ne connaît pasavec précision le nombre des personnes aveugles, sans m ê m e considérerl'utilisation des différentes définitions de la cécité. Dans les pays en dévelop-pement, il n 'y a, en général, pas de recensement des aveugles et les activitésd'assistance sociale se limitent souvent aux communautés urbaines. Il est,par conséquent, souvent très difficile de calculer, pour un pays, la proportionglobale ou le taux de cécité, et l'on ne peut, en principe, qu'en fournir desestimations approximatives. Ces chiffres tendent à être peu élevés pour denombreuses raisons, telles que des données démographiques peu fiables, ladifficulté, pour les personnes aveugles, de se présenter en vue de leurrecensement ou de leur immatriculation, des données incomplètes sur lespopulations migrantes et, peut-être, une moindre espérance de vie desaveugles dans certaines parties du m o n d e . Si l'on tient compte de tous cesfacteurs, il convient d'interpréter avec prudence la plupart des chiffres quefournissent les pays sur la cécité.

L a comparaison des taux de cécité dans les pays en développement et lespays développés hautement industrialisés fait apparaître que le pourcentaged'aveugles est toujours plus élevé — souvent de 10 à 20 fois — dans les

182 premiers. Si l'on utilise la définition de la cécité qui est internationalement

reconnue, le taux moyen de cécité représentatif d 'un pays développé .tjdoté de bons services de santé, y compris les services d'ophtalmologie, est 'gd'environ 0,1 à 0,2 %. Dans bon nombre de pays en développement d'Afrique 3ou d'Asie, le chiffre correspondant est de 1 ou 2 %, ou plus encore. L'expli- -acation de ces différences si prononcées est complexe, car elle est fonction §tant des causes existantes de cécité que des mesures préventives et curatives .2qui sont prises en vue de combattre cette infirmité. " M

Dans les pays en développement, il existe de nombreuses maladies Sophtalmologiques que l'on rencontre couramment partout ailleurs dans le o,m o n d e ; toutefois, les ressources qui permettraient de traiter ces maladies "sont souvent très limitées et, en conséquence, la cécité est, d'une façon gcourante, l'aboutissement de troubles qui, dans les pays développés, ne -fj"constituent pas en général une cause importante de cécité. L 'une des consé- ¿yquences importantes de la nature des maladies qui entraînent la cécité dansles pays en développement est qu'il est possible de prévenir ou d'éviter quede telles causes ne conduisent à la cécité, si l'on considère la technologiedont on dispose aujourd'hui dans le m o n d e pour combattre les infections etles maladies de la nutrition.

Dans les pays développés, la nature des causes de la cécité est très diffé-rente et à forte prédominance de maladies métaboliques, dégénératives etcongénitales. Dans ces pays, la perte de la vue provoquée par le diabète sucréest de plus en plus courante, et la proportion croissante de personnes âgéesdans la population tend à produire davantage de cas de perte de la vue dus àune dégénérescence rétinienne. D e plus, la médecine et la technologiemodernes ont remarquablement changé l'espérance de vie des nouveau-nés,y compris ceux qui sont atteints de malformations, au nombre desquellespeut figurer la cécité.

Les principales causes de cécité dans les régions du m o n d e en développe-ment sont les suivantes : le trachome, la cécité des fleuves ou onchocercose,la carence en vitamine A et la cataracte.

Le trachome

C'est l'une des maladies les plus courantes dans le m o n d e , car on estime à450 millions le nombre de personnes qui souffrent du trachome à l'heureactuelle, et à au moins 2 à 5 millions le nombre de celles qui sont aveugles dufait de cette maladie. L e trachome est une maladie infectieuse causée par lemicro-organisme appelé Chlamydia trachomatis, dont il existe plusieurssouches. Cet organisme présente certaines caractéristiques propres auxbactéries et d'autres propres aux virus puisqu'il s'agit d 'un parasite exclusi-vement intracellulaire, et sensible à certains antibiotiques. L a périoded'incubation du trachome va de cinq à douze jours, et les premiers s y m p -tômes de la maladie se manifestent en général par des démangeaisons et desdouleurs dans l'œil, qui devient rouge, et sur la conjonctive, c'est-à-dire lesparois de l'orbite et l'intérieur des paupières ; l'inflammation produit depetits follicules, semblables à de petits grains gris-blanc situés sur la faceinterne des paupières. Dans le m ê m e temps, de petits vaisseaux sanguinspeuvent commencer à gagner la cornée, qui est la « fenêtre » transparentede l'œil, et sur laquelle, en temps normal, n'apparaît aucun vaisseausanguin.

Si la maladie n'est pas traitée, les follicules situés à l'intérieur de l'œils'agrandissent et mûrissent progressivement et finissent par percer, avant 183

g de se vider et de donner naissance à u n tissu cicatriciel qui répare la conjonc-ji tive. Si ce processus se prolonge dans le temps, et, notamment, s'il se produitxi de fréquentes réinfections, l'ensemble de la conjonctive pourra finir par êtrec couverte de petites cicatrices, qui entraîneront une difformité de la paupière.:o E n général, cette difformité se traduit par le fait que le rebord des paupièresm est tourné vers l'intérieur, c'est-à-dire vers le globe oculaire, et, de plus, les

cils empruntent souvent une mauvaise direction et finissent par frotter contrela cornée. Cette affection s'appelle le trichiasis et elle peut rendre rapidementaveugle du fait de Popacification graduelle de la cornée. E n outre, la présenceaccrue de vaisseaux sanguins à l'intérieur de la cornée, qu'on appelle uneformation de pannus, peut contribuer à détruire la transparence du tissucorneen, indispensable à la vision.

Conséquences et gravité du trachome

L e trachome sévit principalement en Afrique du Nord , dans les pays situésau sud du Sahara, au Moyen-Orient et dans la plupart des pays de l'Asie etde l'Amérique latine. L a propagation de la maladie est favorisée par lem a n q u e d'hygiène, l'entassement des populations et l'insuffisance deséquipements sanitaires là où elles vivent. C'est pourquoi le trachome estsouvent considéré c o m m e une maladie de la pauvreté, et on le rencontregénéralement sous ses formes les plus graves dans les zones rurales isolées et,en milieu urbain, dans les quartiers à taudis. L a propagation de la maladie etle degré d'infection trachomateuse peuvent varier dans de très larges limitesen fonction de la communauté qui en est atteinte et des conditions danslesquelles se transmet l'infection. Dans les communautés gravementatteintes, on peut d'ores et déjà trouver des signes actifs de la maladie chezla plupart des enfants âgés d'un à trois ans, et la quasi-totalité de la popu-lation adulte peut montrer des signes de trachome actif ou cicatrisé. Dans lesvillages les moins touchés, les enfants ont encore tendance à contracter lamaladie dans les premières années de leur vie, alors que les adultes en sontatteints à un moindre degré, à l'exception des cas de complications imputablesà cette maladie.

L a gravité du trachome dépend de plusieurs facteurs, notamment larécurrence des infections, qui tendent à être nombreuses dans les c o m m u -nautés peu développées, où les conditions d'hygiène sont généralement peusatisfaisantes. E n outre, le fait que surviennent des infections bactériennesde l'œil, qui constituent souvent u n phénomène saisonnier dans certainesparties du m o n d e en développement, contribue de façon significative à lagravité du trachome en termes de complications entraînant la cécité. Ainsi,il peut y avoir, dans certaines régions, u n cercle vicieux d'infections tracho-mateuses récurrentes et de conjonctivites bactériennes saisonnières, avecpour résultat un nombre considérable de cas de perte de la vue chez lespopulations concernées. Dans ce contexte, l'abondance des mouches dansle milieu environnant peut revêtir une certaine importance, car elles favo-risent la transmission des infections de l'œil.

E n général, le trachome est une maladie chronique qui entraîne, avec letemps, des complications se traduisant par le trichiasis et l'opacité de lacornée, et conduisant à la cécité. D ' u n point de vue épidémiologique, lesfemmes ont tendance à en être plus souvent et plus gravement atteintes queles h o m m e s , et l'on a observé, dans certains pays, que les nomades étaient

184 relativement moins touchés que les populations sédentaires. Les nourrissons

et les enfants d'âge préscolaire constituent souvent, au sein d'une famille, un .afoyer infectieux, ce qui est lourd de conséquence sur le traitement de la -gmaladie. Généralement, les complications et la perte de la vue imputables .2au trachome surviennent après l'âge de vingt ans et, encore une fois, elles se -oproduisent souvent plus tôt et de façon plus courante chez les femmes. gToutefois, dans les communautés gravement atteintes, on peut également ,2trouver certains cas de trichiasis et de pannus dans les groupes moins âgés de *3óla population. Si l'on a, à ce propos, fait valoir l'importance des facteurs gimmunologiques, il est nécessaire de poursuivre les recherches dans cedomaine. Il est possible que, dans certaines conditions, l'état nutritionneld'un individu et la fréquence, chez ce dernier, de microtraumatismes de l'œil |jaient une influence particulière sur le développement du trachome. ~

L e Chlamydia trachomatis est sensible aux sulfamides et à certains anti- ¿ybiotiques tels que la tétracycline et rérythromycine. L'administration systé-matique de ces médicaments ne peut se faire que dans des cas particuliers etsous la surveillance d'un médecin en raison des graves effets secondairesqu'elle peut entraîner. Par ailleurs, il convient, dans le traitement dutrachome, de tenir compte des aspects épidémiologiques et communautairesde la maladie, car le traitement de quelques individus seulement au seind'une famille ou d'une communauté gravement atteinte n'aboutirait à aucunrésultat durable. C'est la raison pour laquelle le trachome a fait, depuis denombreuses années, l'objet de campagnes nationales dans un certain nombrede pays. L e type de traitement utilisé au cours de ces campagnes consistegénéralement en une p o m m a d e ou en gouttes ophtalmologiques antibiotiquestelles que la tétracycline à i %, que l'on appliquera, chaque mois, de trois àcinq jours de suite. Il a été démontré que ce traitement réduisait efficacementl'intensité et la gravité du trachome, ce qui empêche la maladie d'aboutir àune perte de la vue. Toutefois, ce traitement doit être poursuivi jusqu'à uneamélioration générale de la situation au sein de la communauté touchée, et ilpourra encore être nécessaire de traiter plus intensivement certains casparticuliers de trachome à caractère grave. Dans la lutte contre le trachome,l'éducation sanitaire et l'amélioration des conditions de vie revêtent uneimportance primordiale, et la maladie tend à régresser considérablement dèslors que les conditions d'hygiène s'améliorent. Dans les cas de trichiasis, lacorrection chirurgicale des difformités de l'œil est tout à fait recommandéedans la prévention de la cécité à condition que l'intervention ait lieu suffi-samment tôt. Il existe plusieurs techniques chirurgicales simples, ce quipermet au personnel médical auxiliaire d'effectuer l'opération dans lesrégions où les équipements médicaux et le personnel spécialisé fontdéfaut.

La cécité des fleuves

L'onchocercose est une maladie parasitaire qui sévit dans certaines régionssituées d'un bout à l'autre du continent africain au sud du Sahara ; il enexiste également certains foyers en Amérique centrale et en Amérique d uSud. O n estime que le nombre de personnes qui souffrent, dans le m o n d e ,d'onchocercose est de 20 à 30 millions, dont 500 000 à u n million sontaveugles. L a maladie est provoquée par le ver Onckocerca volvulus, dont leslarves sont transmises par une mouche noire, le Simulium, dont il existeplusieurs espèces. Lorsque le Simulium femelle aspire le sang d'un individuatteint d'onchocercose, dans le m ê m e temps, il ingère les petits vers 185

g appelés microfilaires, que le ver adulte Onchocerca produit en énorme quan-ti tité. Les vers se développent dans la mouche jusqu'à devenir des larves-a infectieuses, qui sont alors à nouveau transmises à l ' h o m m e lors d'unee prochaine piqûre de l'insecte. Pendant u n an environ, la larve infectée ainsi:o_ injectée sous la peau voyage dans le corps humain et, au bout de cettew période, les vers mâles et femelles peuvent former u n nodule sous-cutané.

L a femelle du ver produit des milliers de microfilaires qui viennent se logersous la peau, d'où ils pourront être transmis à un autre individu par unepiqûre de la mouche Simulium.

Pour se reproduire, il faut à la mouche noire Simulium une eau douce bienoxygénée et non stagnante, ce qui, fort heureusement, limite le champ deprolifération de cet insecte à certains fleuves de l'Afrique et des Amériques,où ces conditions se trouvent réunies. E n général, la reproduction a lieu dansles petits cours d'eau, à proximité des cascades, où le nombre de mouchespeut être très élevé. C'est surtout dans les environs immédiats de cescours d'eau que l'on peut trouver la mouche noire adulte et c'est ainsique l'onchocercose et ses complications, notamment la cécité, se répandenten foyers à proximité des lieux où se reproduit la mouche noire. C'est cequi a donné naissance au terme bien connu de cécité des fleuves, qui désignel'onchocercose.

L'onchocercose se manifeste de façon caractéristique par des d é m a n -geaisons dans les premiers stades de la maladie et, par la suite, par la pré-sence, sous la peau, de nodules palpables, ainsi que par des modifications dutissu cutané. L a maladie provoque souvent la cécité en raison de la présence,dans l'œil, de microfilaires. Si l'on ne connaît pas bien le trajet qu'empruntentles microfilaires pour pénétrer dans le globe oculaire, on associe la présenced'un nombre accru de microfilaires sous la peau, notamment autour desyeux, à une présence et à u n nombre relativement plus élevé des microfilairesdans l'œil. Assez curieusement, il semble que la présence de microfilairesvivantes à l'intérieur de l'œil soit assez bien acceptée par ses tissus, mais lamort d'une microfilaire provoque des réactions inflammatoires. O n peutalors trouver des signes d'inflammation de la cornée et de l'iris pour ce quiest de la partie antérieure de l'œil et, dans sa partie postérieure, de la rétine,de la choroïde et du nerf optique.

Ainsi, la cécité provoquée par l'onchocercose peut résulter de la lésionde plusieurs tissus oculaires m ê m e si, en général, il y a surtout destructiond'une partie de l'œil en particulier. Dans la cornée, où l'on peut observerun nombre élevé de microfilaires à l'aide d'un microscope corneen, la mortd'une grande quantité de microfilaires provoque une kératite sclérosantequi adopte une répartition très typique le long de la circonférence inférieure.E n général, cette lésion se produit à la suite d'infections dues à une oncho-cercose grave et à caractère ancien, alors qu'il semble que les inflammationsde la rétine et du nerf optique fassent leur apparition en présence m ê m ed'un nombre relativement peu élevé de microfilaires. L'inflammation del'iris — Firitis de l'onchocercose — peut entraîner diverses complications,telles que la pression intra-oculaire (glaucome) ou Fopacification du cris-tallin (cataracte). Lorsque la rétine et le nerf optique sont atteints, lesconséquences sur la vue sont souvent très graves, et l'acuité visuelle peutdiminuer rapidement, ce qui peut aboutir à une incapacité visuelle équi-valant à la cécité.

186

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2^

Un traitement complexe et souvent dangereux "2

L'intensité et la gravité de l'onchocercose dépendent du développement de .3l'infection et de l'accumulation des parasites dans le corps. Dans les régions .goù cette maladie est très endémique, on peut généralement remarquer une ginfection chez les enfants âgés de trois à quatre ans, et, dans les villages d'une ,2telle région, pratiquement l'ensemble de la population adulte est contaminée. • &L e nombre des parasites que l'on trouve dans le corps augmente progres- *3sivement avec l'âge, et les complications provoquées par cette maladieapparaissent à partir d'un certain stade d'infection. Ainsi, on remarque §généralement des cas de cécité chez les jeunes adultes âgés de vingt à trente |ans et, dans les régions les plus touchées, cette maladie peut provoquer la *cécité d'un tiers à la moitié de l'ensemble de la population adulte. Lesh o m m e s tendent à être plus gravement contaminés que les femmes et, enconséquence, ils sont aussi plus souvent rendus aveugles par l'onchocercose.

C e type de cécité, ainsi que la très grande proportion de personnes aveuglesdans les petites communautés rurales, explique les conséquences socio-économiques désastreuses de l'onchocercose dans certaines parties del'Afrique. Si la cécité entraîne une perte considérable de la productivité, ellemenace également la survie des petites communautés et, en Afrique, danscertains foyers importants d'onchocercose, la population a émigré loin desfleuves contaminés. Cela entraîne une répartition inégale de la population,avec un nombre accru de personnes vivant dans les régions moins fertiles.C'est pourquoi il est de plus en plus tenu compte, aujourd'hui, dans la plani-fication du développement des pays concernés, des conséquences démogra-phiques et économiques de l'onchocercose.

L e traitement de l'onchocercose est malheureusement compliqué etsouvent dangereux. Pour combattre les vers Onchocerca adultes et les micro-filaires, on doit faire usage de différents médicaments, et le traitement doitêtre prescrit sur plusieurs semaines et sous stricte surveillance médicale enraison des risques de graves réactions néfastes que courent les patients.Pour tuer les vers adultes, on procède, pendant six ou sept semaines, à uneinjection hebdomadaire de suramine sodique ; le traitement est efficace,mais peut entraîner des effets secondaires sur la peau et les reins. L'élimi-nation efficace des microfilaires peut se faire par l'absorption de comprimésde citrate de diéthylcarbamazine ( D E C - c ) , mais, là encore, elle peut pro-voquer de graves réactions néfastes, au nombre desquelles figurent l'étatde choc et m ê m e la syncope, qui sont dus à la mort soudaine d'un grandnombre de microfilaires. C'est pourquoi la chimiothérapie de l'onchocercosen'est pas praticable dans le cadre de vastes campagnes au sein des popu-lations, et l'on ne peut considérer le traitement de cette maladie que danscertains cas graves que l'on aura sélectionnés. M ê m e ainsi, il faut tenircompte, chez les malades qui vivent dans des foyers fortement contaminés,du risque d'une réapparition rapide de l'infection provoquée par l'oncho-cercose, qui peut rendre nécessaire la répétition de certains traitements etsuppose un risque accru de complications.

Chez les malades contaminés, l'exérèse des nodules s'est malheureusementavérée de peu d'effet sur la réduction du nombre des microfilaires ou lerisque de cécité, à l'exception peut-être des foyers de l'Amérique centraleoù, d'une façon plus courante, les nodules se situent sur la tête, à proximitéde l'œil. Si, dans ces régions, l'ablation systématique des nodules de la têtea peut-être réduit le nombre des cécités imputables à l'onchocercose, il

g n'est en général pas possible, en Afrique, de localiser au toucher ou d'exciserju tous les nodules chez les malades très atteints. C'est pourquoi l'on a, dansJ3 la lutte contre cette maladie, fait porter tous les efforts sur la possibilité d'enc éliminer le vecteur, la m o u c h e noire Simulium, que l'on peut effectivement:o détruire sur les sites riverains de reproduction grâce à l'usage d'insecticides.m Cette technique a été utilisée pendant cinq ans, en Afrique de l'Ouest, dans

la région d u bassin de la Volta, dans le cadre d'un programme à grandeéchelle3 de lutte contre l'onchocercose, et elle a donné de très bons résultats.O n peut employer efficacement, et à très petites doses, des insecticidesmodernes biodégradables, qui n'entraînent pas d'effets secondaires nuisiblesà l'environnement. Toutefois, si l'on veut éliminer définitivement ce réservoirde parasites chez les populations concernées, il est nécessaire de poursuivreces opérations d'éradication de la mouche noire pendant dix à quinze ansconsécutifs en raison du long cycle de vie de YOnchocerca volvulus.

Dangers de la carence en vitamine A

L a cécité nutritionnelle est la cause la plus courante de cécité chez les enfantsdes pays en développement. U n e carence en vitamine A , vitamine indis-pensable à la vie normale des cellules et à la transparence de la cornée,peut provoquer de graves lésions de l'œil. O n estime que, dans les régionsdu m o n d e en développement, de 200 000 à 400 000 enfants perdent la vuechaque année et qu'il s'agit de cécité nutritionnelle, principalement causéepar u n apport insuffisant en vitamine A dans le régime alimentaire. Sic'est dans la région du Sud-Est asiatique que cette maladie sévit le plus,on la trouve également dans certaines parties de l'Afrique et de l'Amériquelatine. L'apparition de cette affection est souvent liée à la famine et à dessituations particulières, c o m m e c'est le cas des camps de réfugiés, où ilpeut se produire que l'absorption de calories et de vitamine A soit insuffisante.

L a carence en vitamine A se manifeste tout d'abord par une modificationde la conjonctive de l'œil, qui perd son aspect clair et brillant pour paraîtresèche et ridée. O n peut également observer, sur le tissu conjonctif superficiel,de petites taches jaunes d'apparence mousseuse ou caséeuse, appelées lestaches de Bitot. A u n stade plus avancé, la cornée peut également paraîtregrisâtre et sèche, et c'est cette impression de sécheresse de l'œil qui a donnénaissance au terme de xérophtalmie, affection connue de toutes sortes decivilisations depuis des millénaires. Lorsque la cornée est atteinte, le tissucorneen présente une tendance accrue à s'ulcérer, et il s'ensuit u n risque dediminution de la vue. Lorsque l'œil est atteint au dernier degré, ce qu'onappelle la kératomalacie, la cornée devient généralement opaque et souventelle se dissout, entraînant une perforation du globe et, dans bien des cas, lacécité. H peut arriver que la perforation du globe oculaire soit suivie d'unecicatrisation, mais, quoi qu'il en soit, le tissu cicatriciel ainsi formé provoquegénéralement une grave diminution de la vue.

Lorsque l'on évalue l'impact de la cécité nutritionnelle ou que l'on enplanifie les mesures préventives, il convient de tenir compte de plusieursaspects épidémiologiques de cette maladie. E n général, la carence en vita-mine A n'apparaît pas isolément, mais elle s'associe à une carence protéiniqueet calorique générale, qui a des implications pronostiques et thérapeutiques.E n outre, la kératomalacie est une affection extrêmement grave, qui va depair avec une mortalité élevée chez les enfants qui en souffrent : il est

188 probable que plus de la moitié d'entre eux en meurent lorsque le traitement

n'intervient pas suffisamment tôt. Il est, par conséquent, très difficile .yd'évaluer avec précision l'ampleur du problème de la cécité nutritionnelle, -get la plupart des enquêtes menées sur le terrain tendent à en fournir une .2sous-estimation. ^

clEffets du régime alimentaire sur la prévention et le traitement

C'est dans les zones rurales isolées ou, en zone urbaine, dans les quartiers Sà taudis — où la déclaration des maladies et des décès est rudimentaire ou g,fait totalement défaut — que l'on rencontre le plus fréquemment des cas «de kératomalacie. D e plus, ces zones sont d'accès malaisé et il est difficile |d'assurer le traitement des personnes qui les habitent. L a rougeole, qui, JSdans les pays en développement, entraîne souvent la mort chez les enfants, 5 ,semble un important facteur déclenchant de la kératomalacie, et il se pourraitqu'elle soit responsable d 'un grand nombre de cécités chez les enfants quisouffrent déjà de malnutrition. Dans les régions du m o n d e en développement,l'utilisation accrue du vaccin contre la rougeole sera d'une grande impor-tance dans la prévention de la cécité provoquée par cette maladie.

L e traitement des cas manifestes de xérophtalmie et/ou de kératomalacieconsiste à distribuer des doses massives de vitamine A , sous forme d'injec-tions ou de capsules. Les symptômes, visibles dans l'œil, d'une carence envitamine A étant le signe d 'un épuisement des réserves normales de vita-mines dans le foie, il pourra être nécessaire d'administrer plusieurs dosesde vitamine A espacées dans le temps, aussi longtemps que l'apport quotidienen vitamine A sera insuffisant. Telle est la stratégie adoptée dans le cadrede plusieurs campagnes importantes contre la cécité nutritionnelle dans lespays intéressés, où l'on distribue à la population à haut risque — c'est-à-direaux nourrissons et aux enfants d'âge préscolaire—des capsules de vitamine Aà intervalles de six mois. Si cette mesure d'urgence prévient efficacementla perte de la vue chez les enfants malades, il est rarement possible, dansune région donnée, d'atteindre tous les enfants et il se peut, par consé-quent, que les soins prodigués pendant une période déterminée se révèlentinsuffisants.

C'est pourquoi il est indispensable, pour circonscrire de façon significativele problème de la cécité nutritionnelle, de modifier le régime alimentairedes enfants, qui devra comporter un apport suffisant et régulier en vita-mine A . A cette fin, il convient d'inclure progressivement dans le régimealimentaire de l'enfant, après la période d'allaitement au sein, des légumesverts à feuilles, de l'huile de palme, certains fruits tropicaux, etc. U n eattention particulière devra être accordée aux sources importantes de vita-mine A disponibles localement ainsi qu'à leur acceptabilité auprès despopulations concernées. A ce propos, une éducation sanitaire mettant l'accentsur la nutrition revêt également une importance primordiale.

La cataracte

L a cataracte est une maladie qui entraîne l'opacification du cristallin del'œil, lequel, en temps normal, est parfaitement transparent. L e dévelop-pement de cette maladie est étroitement lié à l'âge du patient et, en consé-quence, u n certain degré d'opacification du cristallin constitue, chez lespersonnes âgées, u n phénomène physiologique.

Dans certains cas, il se peut que la cataracte soit congénitale, et elle est 189

g souvent associée à d'autres anomalies, à moins qu'elle ne résulte d'unejy maladie inflammatoire de l'œil de caractère ancien. Toutefois, la cataractexi sénile est, de loin, la forme la plus courante de cette maladie et, d 'un pointc de vue global, son influence sur le développement de la cécité est très impor-

Q tante. O n estime que, sur les 28 millions d'aveugles qu'il y a dans le m o n d e ,ffl plus de la moitié ont perdu la vue à cause de la cataracte4, et ces aveugles

vivent, pour la plupart, dans les pays en développement, où l'absence deservices médicaux ne leur permet pas de se faire soigner. Si la cataracte estune maladie que l'on rencontre chez tous les peuples du m o n d e , il sembletoutefois que Popacification importante du cristallin soit plus courante etse produise plus tôt dans certains pays de l'Asie et de l'Afrique. Ainsi, enInde, il est assez fréquent de rencontrer des adultes de trente à cinquanteans atteints de cataracte, alors que, dans la population européenne, c'estrarement le cas avant l'âge de soixante ans. Cela tend à alourdir inutilementle fardeau que constitue la cécité dans les régions du m o n d e en dévelop-pement, qui comptent déjà la majeure partie des cas evitables de cécité.

O n ne connaît pas les causes de l'opacification précoce d u cristallin chezcertaines populations et dans certaines régions, et il est donc absolumentindispensable de poursuivre les recherches à ce sujet afin de déterminerl'influence des facteurs raciaux, nutritionnels et immunologiques. Il sepourrait qu'à l'avenir la cataracte occupe une place plus grande parmi lescauses de la cécité, en raison de l'augmentation générale, de par le m o n d e ,de l'espérance de vie.

L'opération de la simple cataracte sénile est une intervention facile, quiconsiste à retirer le voile qui recouvre le cristallin de l'œil, et la vue seraalors restituée à l'aide de verres optiques. L'acte chirurgical en tant que teln'est pas très difficile, et il peut être pratiqué rapidement après une for-mation appropriée. Toutefois, dans bon nombre de pays en développement,l'absence de services et d'infrastructures sanitaires est cause du nombreconsidérable de malades atteints de cataracte qui attendent encore de pouvoirêtre opérés. E n Inde seulement, on estime à six millions le nombre desaveugles qui pourraient recouvrer la vue grâce à la chirurgie. Il se pourraitque le nombre des malades atteints de cataracte et qui attendent d'être opérésaugmente du fait que, chaque année, il se déclare beaucoup de cas nouveaux,à moins que l'on puisse consacrer des moyens importants à la lutte contrecette forme curable de cécité. L 'une des méthodes utilisée dans plusieurspays d'Asie afin de résoudre ce problème consiste à mettre sur pied desunités mobiles de soins ophtalmologiques, où l'on peut réunir un grandnombre de malades et les opérer en un temps relativement court. Si cesunités se sont avérées efficaces, le personnel et l'équipement nécessaires àl'élimination du problème de la cataracte — cause de cécité — font encoregravement défaut.

Perspectives et besoins en matière de recherche

H est probable que le nombre d'aveugles dans le m o n d e doublera d'icià l'an 2000 si l'on n'intervient pas rapidement en vue de prévenir les prin-cipales causes de la cécité, dans les cas où elle pourrait être évitée. A cepropos, il convient de mettre l'accent, dans les pays en développement, oùl'on trouve la majorité des aveugles, sur les mesures préventives visant às'attaquer aux maladies infectieuses et à la malnutrition, qui, d 'un point de

190 vue global, restent les principales causes de la cécité.

D e plus en plus, on se rend compte qu'il ne faut pas accepter la cécité "«c o m m e une fatalité, mais que l'on peut, en recourant à une technologie •§relativement simple, réduire de façon significative le nombre trop élevé .«d'aveugles que l'on aurait pu sauver dans les régions du m o n d e en -3développement. H n'en est pas moins évident que le nombre d'ophtalmo- glogistes qualifiés ne suffira pas, dans un avenir proche, à résoudre le problème .2de la cécité dans la plupart des pays en développement. C'est pourquoi la • &stratégie doit consister à faire bénéficier les populations concernées de soins ïïophtalmologiques essentiels, prodigués par un personnel auxiliaire de santé. g.A u niveau de la communauté, l'éducation sanitaire relative à la prévention rt

de la cécité et l'amélioration générale des soins ophtalmologiques consti- gtuent des éléments importants des activités futures en vue de combattre la ~cécité lorsqu'elle est evitable. ¿y

L e besoin se fait sentir de poursuivre la recherche dans tout u n ensemblede domaines liés à la cécité. Des types améliorés et simplifiés de traitementdu trachome et de Ponchocercose adaptés aux campagnes massives pour-raient, tout c o m m e , à l'avenir, l'utilisation possible de vaccins, contribuerde façon considérable à réduire le nombre de cécités imputables à ces mala-dies. D e la m ê m e façon, une meilleure compréhension de la nature du pro-cessus de la kératomalacie et de la cataracte ainsi que des facteurs qui ledéterminent pourrait déboucher sur l'amélioration du traitement et de laprévention de ces maladies. Si l'on pouvait découvrir un médicamentde nature à retarder l'évolution de la cataracte, il en résulterait d'énormeséconomies d'argent et de main-d'œuvre.

Enfin, il est de plus en plus nécessaire d'adopter une approche interdisci-plinaire de la recherche dans le domaine de la cécité, y compris des aspectstels que les facteurs liés à l'environnement, à l'immunologie et à l'hérédité,l'interaction entre les maladies et l'utilisation des services de santé aux finsde promouvoir, d'une façon générale, la santé des yeux, ainsi que l'attitudedu consommateur à cet égard. H

Notes

1. Surveillance de la cécité, Genève, Organisation mondiale de la santé ( O M S ) ,septembre 1979.

2 . Groupe d'étude de l'OMS sur la prévention de la cécité (Série de rapportstechniques, n° 518), Genève, O M S , 1973.

3. Programme de lutte contre l'onchocercose dans la région du bassin de la Vclta.Rapport d'évaluation, I" partie : 1974-1979 (OCP/78.2), Genève, O M S , 1979.

4 . Agence internationale pour la prévention de la cécité, La cécité dans le mondeet sa prévention, Oxford, Oxford University Press (Oxford MedicalPublications), 1980.

191

'™ La littérature technique concernant l'œil, la vue et ses anomalies ainsi que0 les prothèses et l'informatique médicale, qui aident à conserver ou à^ améliorer le fonctionnement des mécanismes psychobiologiques de la vision,o\ devient de plus en plus abondante à mesure que la recherche dans ce domaine^ se développe. On trouvera ci-après un choix de titres d'ouvrages et d'articlesm originaux publiés récemment en français et en anglais.

i-•§

S La vue dans la littérature| scientifique et technique; contemporaine(0

a— Colloque international Vision et scolarité (actes), Institut de recherche pour

l'amélioration des conditions de travail (Toulouse), Centre international d'étudeset de recherches en anthropologie médicale (Paris) et Institut de médecinesociale et préventive (Genève). Paris, Unesco, 23-25 octobre 1980.

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Sons, 1979.S . Z E K I . T h e representation of colours in the cerebral cortex. Nature, vol. 284,

192 3 avril 1980.

M

COOS

o

es

Un médecin, spécialisé dans la correction des anomalies cornéennes, passeen revue l'état actuel des connaissances sur les greffes de l'œil et quelques-unsdes phénomènes immunologiques concernant l'acceptation ou le rejet destissus greffés.

Problèmes d'immunologiedans les greffes de cornée

Renato Frezzotti

L'auteur s'occupe d'ophtalmologie depuis 1950. Il est professeurd'ophtalmologie à V Université de Sienne, où il dirige depuis 1967 VInstitutd'ophtalmologie et, depuis 1972, la Scuola di specializzazione inoftalmología. L'adresse du professeur Frezzotti est la suivante : Istituto diclínica oculística, Università di Siena, 53100 Siena (Italie).Tél. : (0577) 284-183. 193

IntroductionNNN

£ U n e greffe peut se définir correctement, c o m m e dans ['Encyclopaedia bri-o tannica, en termes qui ont l'avantage d'être simples et pratiques : « U n ec greffe est une portion de tissu ou un organe complet prélevés, sur u n indi-

Pí vidu, à l'endroit où ils se trouvent naturellement et transférés sur une autrepartie du corps de celui-ci ou sur le corps d 'un autre individu. C e terme a étéemprunté à l'horticulture par les chirurgiens. ïl implique que le succès del'opération (qu'on peut appeler aussi transplantation) se traduira par unegreffe saine et fonctionnant bien... »

Cette définition, pour simple qu'elle soit, laisse entrevoir immédiatementune classification rationnelle en greffes de tissus et greffes d'organes. Parmiles premières figurent les greffes de peau, de vaisseaux sanguins, de valvulescardiaques, d'os, de cartilage, de fascia (membranes fibreuses ou cellulaires),de nerfs, de moelle osseuse et enfin de cornée.

Il est évident qu'il existe entre les greffes d'organes et les greffes de tissus(et parmi ces dernières) de grandes différences dues à des problèmes spéci-fiques, mais il est tout aussi évident qu'elles présentent toutes d'importantspoints c o m m u n s qui découlent de problèmes fondamentaux et caractéris-tiques. Ainsi, la législation de chaque État réglemente de manière homogènele prélèvement sur le donneur des diverses parties du corps à greffer (organeset tissus), avec, entre les États, des divergences qui tiennent pour une bonnepart à la diversité des modalités et des moments de prélèvement de tissuset d'organes donnés. Quoi qu'il en soit, les différentes législations se fondenttoutes obligatoirement sur la doctrine de la prédominance de l'intérêt de lacollectivité sur celui de l'individu, de l'observation de règles strictes etsurtout du respect d'impératifs éthiques et de garanties rigoureuses, renduesnécessaires par des craintes peut-être plus ancestrales que rationnelles ence qui concerne les méthodes de constatation de la mort du donneur.

Parmi les divers types de greffes mentionnés plus haut, celle de la cornéeest peut-être la plus ancienne : la première tentative sur l ' h o m m e sembleavoir été faite en 1834 et de nouveaux efforts, sans nul doute méritoires etdignes d'admiration, ont été déployés dans ce sens au cours des décenniesqui ont suivi.

Les pionniers ne tenaient pas compte — et peut-être ne le pouvaient-ilspas tant que n'avaient pas mûri certaines connaissances dans ce domaine —de la différence génétique caractérisée qui existe entre deux organismes,celui du donneur et celui du receveur, à tel point qu'avec une désinvolturequi ne pouvait se comparer qu'à l'ampleur de leurs échecs ils utilisaient nonseulement des cornées humaines, mais souvent aussi des cornées d'autresespèces animales.

Il a fallu attendre les grands spécialistes des années vingt, c o m m e Elschniget Magitot, pour voir naître le soupçon que l'échec d'une greffe cornéenneétait peut-être dû , aussi, à une incompatibilité biologique, et ce n'est qu'avecles travaux de Paufique et de son école (1948) que la « maladie du greffon »a été définie nosographiquement (description, classification des maladies),encore que son origine immunologique ait été longtemps mise en doute.

194

A propos de la cornée

L a cornée est une structure avasculaire caractérisée, à l'état normal, parune transparence parfaite et une courbure régulière ; d 'un diamètre d'en-viron 11 ,5 m m , elle a la forme d 'un petit verre de montre dont l'épaisseur estde i m m environ à la périphérie et de 0,7 m m au centre. Sa couche antérieureest épithéliale (c'est-à-dire pourvue d 'un revêtement protecteur), donc richeen cellules pluristratifiées. L e corps principal de la cornée est le stroma,constitué par des lamelles particulières de tissu connectif, structurées demanière telle qu'elles lui donnent une transparence absolue, avec descellules très peu nombreuses (kératocytes). L a face postérieure de la cornéeest u n monostrate cellulaire dit « endothélium », d'origine mésenchymateuse(le mésenchyme est un tissu connectif embryonnaire), qui sépare la cornéede l'humeur acqueuse (située derrière) et dont la vitalité et l'intégrité sontfondamentales pour la trophicité de la cornée, et à plus forte raison de lacornée greffée. D e nos jours, on est très exigeant sur la vitalité de la coucheendothéliale, au point qu'il est assez utile de disposer d 'un instrumentperfectionné, le microscope spéculaire, et l'on conseille de ne pas grefferde cornées non dotées d'une vitalité cellulaire d'au moins 2 000 à 3 000 unitéspar millimètre carré. U n e réaction de rejet sélective qui affecterait lescellules endothéliales produirait plus de lésions que s'il s'agissait du stromaou de l'épithélium.

Les cellules de la cornée restent vivantes environ douze heures après lamort du sujet, mais il est jugé prudent de ne pas pratiquer le prélèvementau-delà de quelque six heures après le décès, compte tenu de la températureambiante.

L a matière à greffer, conservée en chambre humide, à + 4 ° C , avecadjonction d'antibiotiques, est utilisée le plus vite possible et jamais aprèsplus de douze à quatorze heures de stockage. Toutefois, on peut prolongerle délai d'utilisation en conservant la cornée, par exemple, dans un milieude culture de tissus appelé milieu M - K ; dans ce cas, la cornée reste utilisable

T A B L E A U I. Méthodes de conservation des cornées à greffer

•8

§u

•S

ci'Eà*oC3

Méthode Caractéristiques Durée de conservation

Classique, au frais

Milieu M - K

(McCarey et Kaufman)

Cryoconservation

(Rycroft, Stucchi)

Cryoconservation

(Kaufman et Capella)

Silicodessiccation

(Payrau et Pouliquen)

Culture de tissus

Chambre humide,

à + 4°CMilieu de culture de

tissus, T C - 1 9 9

+ dextrane, à + 4 °C

Cryoprotection cellulaire

à la glycérine, à — 79 °C

Cryoprotection cellulaire

au diméthylsulfoxyde

(DMSO), à — 196 °C

Déshydratation dans

l'anhydride silicique

colloïdal, à la

température ordinaire

Incubation en milieu

de culture de type

Eagle, à + 37 °C

12-14 heures

4-7 jours

90 jours

Indéfinie (?)

Sans limite de temps

(affaiblissement

probable de

l'antigénicité)

Méthode complexe non

encore en usage :

3-4 semaines ( ?)

195

sNNpendant plusieurs jours (de quatre à sept) après le prélèvement. Pourallonger encore ce délai, on expérimente entre autres des méthodes deconservation à — 79 °C ou, dans de l'azote liquide, à — 196 °C en employantc o m m e cryoprotecteurs cellulaires la glycérine et le diméthylsulfoxyde( D M S O ) , afin d'empêcher la formation de cristaux de glace intrastructurelset surtout intracellulaires (voir tableau 1).

L e très grand intérêt des méthodes de conservation à long terme descornées n'est probablement pas à démontrer. Elles constituent non seulementune fin en elles-mêmes (en ce sens qu'elles justifient la création de banquesdes yeux en leur conférant une réelle utilité et qu'elles permettent d'améliorerles actes chirurgicaux en laissant au praticien le choix du m o m e n t où ilprocédera à une intervention, qui aujourd'hui doit être faite de touteurgence), mais aussi u n m o y e n , manifestement précieux, de disposer d utemps nécessaire pour effectuer les analyses immunologiques que beaucoupd'entre nous considèrent c o m m e une condition indispensable du succès desgreffes de cornée.

U n survol global des diverses possibilités qui s'offrent en ce qui concerneles modalités de recherche des cornées à greffer et des donneurs montre queles trois principaux types de donneurs susceptibles de se présenter revêtentu n intérêt très différent d u point de vue des analyses immunologiques quenous venons d'évoquer (tableau 2).

T A B L E A U 2. Types de donneurs de cornée

Prélèvement à effectuerdans un délai assez courtPrélèvement qui peutsouvent être différépendant quelque temps

Prélèvement pouvantêtre planifié etdifféré m ê m e au-delàde 7 ou 8 jours

Faible possibilité d'étudeimmunologique suffisantePossibilité d'étudeimmunologique suffisante

Possibilité d'étudeimmunologique complète

196

Décès par arrêt cardiaque

Donneurs maintenusen vie végétativesous réanimationbien que leur cerveausoit irréversiblementatteint (« cadavresdont le cœur bat »)Donneurs volontairesvivants, consanguinso u non". Donneurs vivants« involontaires »de tissus et d'organes« libres » (par exemplede globes oculaires àextraire par suited'affectionsextra-cornéennes)

a. Les prélèvements sur des donneurs vivants ne sont autorisés par la loi que dans de trèsrares pays, c o m m e la France (loi n° 76-1181 du 22 décembre 1976 — loi Caillavet — etdécret d'application n° 78-501 du 3t mars 1978) pour toute structure susceptible ou nonde régénération. Ils ne sont autorisés en Italie que pour la greffe du rein (loi n° 458 du26 juin 1967) et seulement entre individus consanguins (parents, enfants, frères ou demi-frères). L a résolution n" 29 du 11 mai 1978 du Comité des ministres du Conseil de l'Europeest à noter à cet égard. Son article 4 , notamment, stipule que « les prélèvements de subs-tances non susceptibles de régénération doivent être limités aux transplantations entrepersonnes génétiquement apparentées, sauf en cas exceptionnel, lorsqu'il existe deschances sérieuses de réussite ».

Quelques remarques sur les indications et sur la technique opératoires 4JUt

oO n peut pratiquer soit une greffe lamellaire, qui consiste à remplacer u n "segment de cornée de dimension variable, mais toujours superficiel, sans "toucher à la couche profonde (et à Pendothélium) d u receveur, soit une iegreffe portant sur toute l'épaisseur d u tissu, la kératoplastie transfixiante, qui g,consiste à remplacer u n disque corneen comprenant toutes ses strates, dont Sle diamètre varie généralement entre 4 et 9 m m , mais peut parfois atteindre "g11 ou 11,5 m m (greffe totale). .g

L a kératoplastie transfixiante pose des problèmes plus complexes et plus .«délicats, mais son intérêt potentiel est plus grand. C'est d'elle qu'il sera ,0essentiellement question dans la présente étude. s

C o m m e le montre le tableau 3, les indications de la greffe de cornée sont gdiverses : elles découlent des fonctions naturelles de la cornée, qui, tout en JÜconstituant u n élément indispensable à l'intégrité de la face antérieure de "l'œil, assure une transmission correcte de la lumière. g

L e tableau 3 met en évidence la futilité des indications esthétiques et la 3nécessité, pour la réussite de la greffe, de maintenir, dans les indications 2optiques et réfractives, la parfaite transparence du tissu greffé (cette transpa-rence n'est pas indispensable, en revanche, dans les indications structurellesou tectoniques, ce qui rend plus acceptables, dans ce cas, certaines méthodesde conservation des cornées qui ne conviennent pas pour les autres indica-tions plus délicates). Il en ressort, enfin, que la cornée du receveur, dans lesindications mentionnées au point 2 d u tableau, est altérée seulement dans sacourbure, mais non dans sa structure, et qu'en revanche, dans les cas visésau point 3 et surtout au point 1, la cornée est sensiblement différente d'unecornée normale avasculaire parce qu'elle présente très souvent une néovas-cularisation et davantage de fibroblastes et surtout de cellules dans le stroma,phénomènes évidemment très importants sur lesquels, curieusement,l'attention ne s'est portée qu'assez tard et u n peu faiblement.

Aujourd'hui, la greffe de cornée est pratiquée dans de très nombreuxcentres d'ophtalmologie. Elle exige toutefois u n soin à la mesure de sonutilité clinique et sociale. Dans bon nombre de cas, elle constitue en faitle seul m o y e n de soustraire u n individu à u n état d'invalidité totale.

T A B L E A U 3. Indications de la greffe de cornée

Optiques Remplacement, pour restaurer la vision, d'une cornéestructurellement altérée et opaque par une cornée transparente

Réfractives Remplacement, à des fins fonctionnelles, d'une cornéetransparente, mais dont le pouvoir de réfraction est altéré,c o m m e il arrive surtout dans le kératocône, altération àétiopathogénèse (origine de la maladie) inconnue, qui ne peutêtre soignée qu'ainsi

Structurelles Rétablissement de l'intégrité anatomique de la face antérieure deou tectoniques la paroi oculaire, à la suite de lésions avec perte de matière,

d'origine traumatique ou non, par une cornée de préférencetransparente

Esthétiques Remplacement de la cornée, à seule fin esthétique, dans u n œilayant perdu sa fonction par suite de maladie

197

B Pour ne pas m'écarter de m o n sujet, je m e bornerai à mentionner briève-S ment les problèmes complexes qui se posent au stade de l'intervention£ chirurgicale : choix et conduite de l'anesthésie, qui doit aussi assurero l'akinésie (perte de la capacité de mouvement) et l'hypotonie (baisse d uc tonus musculaire) du globe oculaire (médications osmoactives) ; nécessitéPi d'instruments chirurgicaux extrêmement sophistiqués, depuis les trépans

manuels ou mécaniques, qui servent à découper la rondelle de cornée,jusqu'au microscope opératoire binoculaire à pouvoir d'agrandissementvariable (10 à 25 fois), équipé de sources lumineuses coaxiales et orientables,qu'il est indispensable d'employer. Certains chirurgiens tiennent à ce que lemicroscope comprenne aussi u n instrument de mesure par réflexion (kéra-tomètre) de la régularité de la courbure du disque greffé. Enfin, il fautdisposer de matériaux et d'aiguilles de suture ; il convient de rappeler, à cesujet, qu'on juge indispensable aujourd'hui de faire une double suture :quelques points séparés et surtout une suture circulaire continue danslaquelle le fil passe alternativement et avec régularité du receveur au segmentgreffé. Pour cette suture, qui vise à assurer la solidité parfaite et l'herméticitéde la fermeture, on utilise maintenant u n matériau synthétique monofil(nylon ou perlón) de gauge 10/0 et 11/0, c'est-à-dire de 25 et 18 microns dediamètre respectivement, monté sur micro-aiguille.

L'état de la cornée du donneur et la qualité de la technique des instrumentset des matériaux employés constituent, certes, des facteurs extrêmementimportants du succès de l'intervention (le pourcentage de réussite n'est pasnégligeable), mais il est caractéristique qu'on ait si longtemps hésité àreconnaître que les échecs étaient surtout à attribuer à des causes qui sesituaient en dehors du domaine non immunologique, auquel on attachaittrop d'importance, et qu'il fallait replacer le problème dans une autredimension conceptuelle.

Cette attitude s'expliquait non seulement par la surestimation des aspectsproprement chirurgicaux et par l'importance primordiale accordée à l'emploid'appareils techniquement très au point, mais aussi par une foi excessivedans le « privilège » immunologique providentiel qui serait toujours, dansune mesure notable, un attribut de la cornée à cause de son avascularité etsurtout du faible pouvoir antigène lié à sa faible densité cellulaire (du moinsaprès extraction, c o m m e cela se fait dans certains cas, de la couche épithé-liale, qui se reconstitue ensuite par prolifération concentrique de l'épi-thélium de la cornée du receveur). C e raisonnement est incontestablementjuste, du moins qualitativement, puisqu'un des principes premiers dePimmunologie des greffes est que la propension au rejet est en rapport nonseulement avec l'éventuelle avascularité du tissu — condition d'isolation quis'oppose à l'intervention des mécanismes humoraux et cellulaires — maisaussi avec la densité des antigènes d'histocompatibilité ; cette densité,variable selon les tissus, est basse dans la cornée, du moins dans une cornéenormale (exception faite d'une réserve concernant la masse antigénique pourles greffons de grande dimension).

Distinction entre le moi et le non-moi

U n aspect particulier des problèmes que posent actuellement les greffes decornée tient justement au fait que l'on tend à négliger ou à refuser, ens'appuyant ou non sur des arguments, de prendre en considération leurs

158 dimensions immunologiques.

A m o n avis, la remarque faite récemment par un célèbre médecin italien, -uGianfranco Lenti, dans une revue sérieuse de vulgarisation constitue u n gthème de réflexion enrichissant. Il écrit en effet : « Q u a n d Barnard a greffé JJpour la première fois le cœur d'un h o m m e , les profanes se sont émerveillés "et ont considéré (à juste titre) qu'il s'agissait d'un événement d'une impor- fötance extraordinaire. E n revanche, les chirurgiens, notamment ceux qui sont S>spécialisés en cardiologie, ne se sont nullement émerveillés, car les techniques Semployées étaient celles que chacun d'eux utilisait tous les jours dans son gtravail. Quant aux biologistes, ils ont été horrifiés par l'inqualifiable légèreté .§avec laquelle avait été totalement négligé le problème du rejet, qui s'est . Hrévélé par la suite fondamental et qui était déjà bien connu de tous ceux .2qui s'intéressaient à cette discipline. » ö

Aujourd'hui, les acquis remarquables de l'immunologie des greffes et de Sl'immunogénétique, qui ont découlé nécessairement de l'implication stimu- ¡Slante des spécialistes dans les activités des greffeurs d'organes, notamment de "reins, obligent également les ophtalmologues, à m o n avis, à accorder beau- gcoup plus d'attention qu'ils ne l'ont fait jusqu'à présent aux aspects i m m u - 3nologiques de ce problème. Ces acquis constituent les éléments d'une vaste, Sdifficile et fascinante discipline, dont le chirurgien qui procède à des greffesd'organes ou simplement de tissus ne saurait se désintéresser.

O n ne peut en effet ignorer un tel ensemble d'observations et deconcepts, ne serait-ce que pour comprendre le m o d e d'organisation dontdoit tenir compte une activité, m ê m e si on la considère c o m m e uniquementexpérimentale.

Dans l'hypothèse de Burnet, chaque organisme animal est en mesure dedistinguer toutes les structures qui lui sont propres (le moi) de celles quine sont pas les siennes (le non-moi) et de réagir contre ces dernières afinde les détruire.

Les agents de cette identification sont les antigènes (antigènes d'histo-compatibilité) que les cellules portent sur leurs membranes . Il s'agit demolécules glycoprotéiques, reconnaissables aux récepteurs que l'on trouveà la surface des lymphocytes (lymphocytes T ) * , qui sont les principauxvecteurs de la réaction de défense immunitaire. Il est admis en fait que dansles réactions d'intolérance immunitaire ou de rejet, la composante principaleest l'immunité à médiation cellulaire, encore que la contribution de l ' immu-nité humorale (anticorps circulants ou immunoglobulines sériques synthé-tisées par les lymphocytes B sensibilisés) joue également un rôle importantdans les réactions très intenses provoquées par des antigènes hautementhétérogènes, ainsi que dans les réactions de rejet avec état vasculitique aiguet dans le second set phenomenon (une réaction de rejet de seconde intentiond'une greffe provenant du m ê m e donneur résulte d'une reconnaissance plusrapide d'un antigène par les cellules du système immunitaire qu'au cours deleur première rencontre).

H est évident que, du moi au non-moi , on passe par divers degrés dedifférence qui fournissent une base rationnelle pour une classification desgreffes, laquelle n'est pas sans analogie avec celle qui avait autrefois été

* Dans ce paragraphe et dans les paragraphes suivants, il est fait référence auxérythrocytes (globules rouges du sang), aux leucocytes (globules blancs du sang)et aux lymphocytes (globules blancs qui composent 25 % de la totalité desglobules blancs et qui sont formés dans le système lymphatique). 199

Frez

zott

S

Ren

sl A B L E A U 4 . .Les types ae greaes

Relation entre donneuret receveur

Entre individus d'espècesdifférentes

Entre individus de m ê m e espècemais de souche différenteEntre individus de m ê m e espèceet de m ê m e souche,identiques pour certainsantigènes seulement(SD identiques et L D différentsou vice versa — voir plus loin)Entre individus de m ê m eespèce, identiques ouextrêmement proches d upoint de vue génétique(jumeaux véritables3 oumonozygotes, ou m o n o -ovulaires), ou bien animauxprovenant de souchesendogames, absence decroisements depuis au moinsvingt générations)Transplantation d'une partieà une autre du m ê m eorganisme

et leur terminoiogn

Appellation

Xénogéniques(xénogreffes)

Allogéniques(allogreffes)Congéniques

Syngéniques ouisogéniques(isogreffes)

Autogéniques ouautologues(autogreffes)

e

Observations

Importante réaction àmédiation cellulaire ethumoralePrédominance de l'immunitéà médiation cellulaireMeilleure possibilité deprise lorsque ce sont lesantigènes S D qui diffèrent,les L D étant identiques

Les lymphocytes du receveurtraitent les antigènesd'histocompatibilité dudonneur c o m m e s'ils'agissait des leurs. Aucuneréaction

Évidemment aucune réaction

200

formulée empiriquement en utilisant une terminologie aujourd'hui aban-donnée (tableau 4).

Les antigènes entrent en scène

Les antigènes d'histocompatibilité (qui sont donc à la base des identitésou des différences génétiques entre donneur et receveur et des réactionsd'intolérance constatées dans une plus ou moins large mesure) sont présents,c o m m e on l'a vu plus haut, sur les cellules de l'organisme et peuvent êtreclassés en divers systèmes : le système A B O (groupes sanguins), où lesantigènes sont érythrocitaires, et le système H L A {human leucocyte antigen),où les antigènes sont leucocytaires et tissulaires. Bien que l'incidence dela compatibilité A B O dans la greffe de cornée puisse être considérée c o m m etout à fait insignifiante, certains expérimentateurs conseillent d'en tenircompte.

Néanmoins, il ne fait pas de doute que les antigènes tissulaires jouenten l'occurrence un rôle nettement plus important : on les classe en fortset faibles, et la greffe est pratiquée quand il y a au moins un certain niveaud'histocompatibilité pour les antigènes forts. L a non-identité des antigènesfaibles peut entraîner des réactions de rejet moins intenses et plus tardivesqu'il est possible de surmonter par une thérapie.

Les antigènes forts constituent le système d'histocompatibilité H L A

proprement dit : ils sont déterminés par un capital génétique particulier, 4Jsitué sur les bras courts du sixième chromosome, dans une zone dénom- gmée M H C {mayor histocompatibility complex), qui comprend plusieurs usecteurs appelés loci. Les loci, qui codifient les antigènes faibles, sont "situés sur de nombreux autres chromosomes. Lorsqu'on pratique une SBgreffe, il convient principalement de tenir compte du M H C du système H L A . fcfcD'importantes recherches ont été menées à bien ces dernières années en Simmunologie et en immunogénétique sur le principal complexe d'histo- «compatibilité de la souris, dit « H - 2 », puis sur celui de l 'homme, dit juste- .§ment « H L A ». .Si

M*o

Dépister les antigènes p

Depuis les travaux de Dausset (1958), on considère que le M H C de l ' homme 3comprend cinq loci situés sur le sixième chromosome. U n certain nombre m

d'antigènes ont été décelés, identifiés et répertoriés dans chaque locus. A u gcours d'une série de colloques internationaux (international histocompatibility 3workshops), le Comité de la nomenclature, patronné par l ' O M S , a accepté et Scatalogué successivement une quantité croissante d'antigènes en les définissantà l'aide d'une terminologie unifiée : depuis la réunion de 1975, les loci sontappelés respectivement H L A - A , H L A - B , H L A - C et H L A - D . L a réunionde 1977 a ajouté le locus H L A - D R (D related). L e sigle est suivi d'unchiffre arabe qui désigne l'antigène ; si celui-ci n'est accepté qu'à titreprovisoire par le comité, le chiffre arabe est précédé de la lettre w (workshop)— par exemple dans H L A - B W 4 . A la fin de la réunion la plus récente(Los Angeles, 1980), quatre-vingt-dix antigènes avaient été identifiés etrépertoriés.

Les antigènes (voir tableau 5) des loci A , B , C et D R peuvent être reconnusà l'aide d'antisérums spécifiques sur des lymphocytes intégraux (pourle D R sur les lymphocytes B ) , par le test de la lymphotoxicité codifié parle National Health Institute. Ces antigènes sont appelés antigènes S D(sérologiquement définis).

Les antigènes du locus D , qui sont, avec ceux du locus D R , plus parti-culièrement et plus fréquemment responsables du rejet des greffons, sontdénommés antigènes L D (lymphocytairement définis) parce que, nepouvant être définis sérologiquement, ils le sont par l'activation ou lablastisation réciproque de lymphocytes différents, dite « culture » ou « réac-tion lymphocytaire mixte » ( M L C ou M L R ) . Ce test requiert au moinssept jours, ce qui le rend irréalisable et inutile, m ê m e si c'est celui qu'ilimporterait le plus de mener à bien. Il apparaît aujourd'hui qu'il seraitsans doute possible d'accélérer l'opération en employant des lymphocytesprésensibilisés ou « amorcés », P L T (primed lymphocyte test).

O n voit ainsi se dessiner, dans un domaine de connaissances aussi impor-tant que passionnant — dont le développement a été surtout stimulé par sesapplications aux greffes de rein — des exigences communes à tous les typesde greffes, y compris les greffes ophtalmologiques. Toutefois, la greffe derein est à cet égard un domaine d'avant-garde parce qu'il n'existe pas,pour les autres types de greffes, de centres à m ê m e de s'appuyer sur desétudes de cas assez nombreuses pour permettre d'évaluer correctement,par des méthodes d'analyse statistique, l'importance de la déterminationde l'identité H L A . Voilà pourquoi certains d'entre nous sont convaincusqu'il est souhaitable que le plus grand nombre possible de centres pratiquent 201

•34 *

fi§J

des greffes de cornée assorties d'analyses immunologiques adéquates ethomogènes, de manière à disposer, dans u n délai raisonnable, d'études decas fournissant des informations pouvant être considérées c o m m e défini-tivement dignes de foi.

T A B L E A U 5. Systèmes des déterminants génétiques M H C du H L A

Locus H L A - A Antigènes S D (sérologiquementdéfinis), identifiables par letest de la lymphotoxicité,pratiqué avec des antisérumsspécifiques sur des lymphocytesintégraux

Locus H L A - B Antigènes S D , comme ci-dessus

Locus H L A - C Antigènes S D , comme ci-dessus

Locus H L A - D

Locus H L A - D R(D related)

Antigènes L D(lymphocytairement définis)reconnaissables seulement autest de culture mixteleucocytaire, M L R (mixedleukocyte reaction)

Antigènes S D , identifiables pardes techniques sérologiquessur les lymphocytes B (test dela microlymphotoxicité)

20 antigènes ont été identifiéset répertoriés ; les identitésau locus H L A - A paraissentles moins importantes

40 antigènes ont été identifiéset répertoriés ; les identitésau locus H L A - B sontsensiblement plus importantesque pour le locus H L A - A ,probablement parce quele locus B est le plus prochedes loci D et D R ; on atendance à donner beaucoupd'importance à lacaractérisation par deuxantigènes particuliers, définisc o m m e supertypiques,le H L A - B W 4 et le B w 6 .L a présence des antigènesH L A - B 1 2 et/ou H L A - B 2 7chez u n receveur souffrantde kératocône rendrait lagreffe très risquée8 antigènes ont été identifiéset répertoriés

12 antigènes ont été identifiéset répertoriés ; ces antigènessont les plus puissants et lesplus capables de provoquerde fortes réactions deblastisation lymphocytaireet sont, en définitive, lesprincipaux responsables desréactions de rejet10 antigènes ont été identifiéset répertoriés ; ces antigènesont les m ê m e s caractéristiquescliniques que les précédents,auxquels ils sont liés ; ilss'en différencient toutefois dufait qu'ils sont S D et non L D

202

S'assurer de la compatibilité 43des transplantations 5

uo

Compte tenu des connaissances déjà acquises, l'analyse immunologique „devrait, en vue d'assurer le meilleur appariement possible donneur-receveur, {ëporter dans la pratique sur les points indiqués ci-après (voir tableau 5) : ä

Définition de la constitution antigénique du donneur et du receveur par Sle test de la lymphotoxicité et comparaison du degré d'identité antigénique g{match grading). O n a tendance aujourd'hui à considérer que les antigènes .§du locus B sont plus importants que ceux du locus A ; il y a m ê m e des .Hpraticiens qui, pour économiser du temps et de l'argent, tentent de limiter S,l'analyse aux deux antigènes H L A - B W 4 et H L A - B w 6 , qui sont des déter- gminants supertypiques et plurispécifiques, représentatifs, en un sens, Sd'autres spécificités H L A - B . L'école d'ophtalmologie d'Helsinki a montré ¡Sen outre, à partir de l'étude de cent greffes, que la présence chez le receveur Vdes antigènes H L A - B 1 2 et/ou H L A - B 2 7 accentuait considérablement le grisque de rejet, m ê m e pour les cornées avasculaires que la plupart des 3spécialistes considèrent c o m m e sans risque. S

L a culture mixte leucocytaire, nécessaire pour la recherche des antigènesdu locus D , théoriquement la plus intéressante, n'est pas pratiquée à causedu délai inacceptable qu'elle implique. O n pense toutefois que, chez lessouris congéniques, les greffes réussissent mieux entre individus dont lesantigènes L D sont identiques qu'entre individus dont les antigènes S Dsont identiques. A cet égard, il serait souhaitable d'être en mesure d'allongerle délai de conservation de l'élément à greffer ou de disposer de donneursse prêtant à une programmation plus souple de l'opération, ou encore deraccourcir le temps que prend la culture mixte leucocytaire (test P L T— voir plus haut).

Il importe également de pratiquer le test croisé {cross-match testing)entre les lymphocytes du donneur et le sérum du receveur, pour déceler laprésence d'anticorps antilymphocitaires correspondant, chez le receveur,à un état de préimmunisation produit par des contacts antérieurs avec desantigènes H L A étrangers, à l'occasion de greffes précédentes, de transfu-sions sanguines ou de grossesses répétées.

C o m m e on peut aisément s'en douter, le système H L A présente uneextrême diversité génétique dans la population. Il est donc très difficile(nettement plus que dans la greffe de rein, où la transplantation est admiseentre membres d'une m ê m e famille) d'obtenir une compatibilité optimaleentre donneur et receveur, soit quatre identités H L A sérologiquementdéfinies, de sorte qu'on recherche des degrés moindres d'identité, enprenant particulièrement en considération certains antigènes, c o m m eles H L A - B W 4 et B w 6 , et les H L A - B 1 2 et B27 .

Depuis 1977, la clinique que je dirige fait faire pour toutes ses greffesdes analyses immunologiques, des études de typologie tissulaire et des testscroisés par le Centro regionale di tipizzazione tissutale della Toscana(Centre régional toscan de typologie tissulaire) dirigé par le professeurP. L . Mattiuz. Je crois que quelques autres centres d'ophtalmologie italiensprocèdent de m ê m e (par exemple, celui de Pavie). D'autres établissementsont acquis une expérience bien plus étendue représentée par un grandnombre d'études de cas, c o m m e le Queen Victoria Hospital d'East Grinstead,dans le Sussex (J. R . Batchelor et ses collaborateurs), les centres de Leyde 203

o

aaa

Pi

( H . J. M . Völker-Dieben et ses collaborateurs), d'Helsinki (S. Vannaset ses collaborateurs), d'Aahrus (F. Kissmeyer-Nielsen), de Baltimore( W . J. Stark et ses collaborateurs) ; et ils ne sont certainement pas les seuls.

Classification des probabilités de réussite

Si l'on admet que, d'après des estimations plutôt optimistes, le pourcentaged'insuccès des greffes de cornée serait, d'une manière générale et sansventilation par cause, de l'ordre de 10 à 30 % dans les cas « faciles » et de70 à 80 % dans les cas « difficiles », les observations du groupe de Batchelor(200 cas) paraissent très intéressantes. Selon ces observations, exceptionfaite des échecs qui ne sont pas liés à des causes immunologiques, le succèssur des cornées vascularisées est de 100 % pour 3 identités H L A , de 70 %pour 2 identités et de 35 % pour 1 ou o identité.

Tout aussi intéressants et cohérents sont les résultats de Kissmeyer-Nielsen (140 cas), selon lesquels le pourcentage de succès est le suivant,sur les cornées vascularisées (avec entre parenthèses le pourcentage pourles cornées non vascularisées) : 100 % (100 % ) pour 3 identités ; 80 %(94 % ) pour 2 identités ; 40 % (79 % ) pour I identité et 41 % (72 % )pour 0 identité. A u total, le succès est de 48 % pour les cornées vasculariséeset de 81 % pour les cornées non vascularisées.

L e groupe de Völker-Dieben donne les m ê m e s résultats pour ce qui estde l'importance de l'identité H L A , mais souligne celle de la préimmuni-

T A B L E A U 6. Classification des affections de la cornéedonnant lieu à une greffe et des facteurs qui entrent en jeu

204

Situationstypiques

Faible risque

Haut risque

Aspects cliniques

Kératocône

(protubérance de la

cornée)

Leucomes peu étendus

et avasculaires

Dystrophies

héréditaires

Kératite

perforante

en cours

Leucomes étendus etvascularisés

Séquelles de brûlures

Kératopathie bulleuse

Dystrophie endo-épithéliale de Fuchs

Dégénérescences

acquises

Facteurs d'ordreimmunologique

Présence d'au moins 2 ou

3 identités H L A , notamment pour

le locus B ; identité,

particulièrement pour les

antigènes supertypiques B w 4

et B w 6

Test croisé négatif

Absence chez le receveur

d'antigènes B 1 2 et/ou B27

Compatibilité A B O

Absence totale ou partielledes conditions décrites

ci-dessus

sation consécutive à des greffes antérieures. L e groupe de Stark, •&lui, ne constate aucune corrélation entre les échecs et le nombre de non- gidentités H L A , mais en trouve une avec les résultats du test croisé. u

L e groupe de Vannas, enfin, constate, sur les ioo greffes étudiées, que ^la réaction de rejet est liée au degré d'histocompatibilité, mais que la laprésence chez le receveur des antigènes H L A - B 1 2 et/ou B27 a une nette &influence sur la réaction (36 % contre 2 % ) et que cette influence s'exerce JSà un degré égal, qu'il s'agisse de cornées vasculaires ou avasculaires (essen- gtiellement kératocônes). .§

Il paraît donc légitime de proposer une classification des risques inhérents .Haux greffes de cornée en distinguant les greffes à faible risque et les greffes S,à haut risque, compte tenu à la fois des éléments empiriques traditionnels gdu pronostic, qui découlent de l'expérience clinique, et des acquis de Ël'immunologie ou des hypothèses les plus prometteuses que les spécialistes -ßde cette discipline ont formulées ou que les ophtalmologistes qui pratiquent ^la greffe en l'assortissant d'analyses immunologiques ont élaborées g(tableau 6). 3

o

PH

Un sage compromis

E n conclusion, les indications dont on dispose semblent montrer de manièresuffisamment nette qu'il convient, m ê m e pour les greffes de cornée, derechercher une compatibilité donneur-receveur optimale en mettant à profitles études immunologiques. Les analyses effectuées devraient porter sur lacompatibilité A B O , mais surtout sur la compatibilité H L A (examens detypologie tissulaire, test croisé et, autant que possible, test des antigènes L Ddu locus D et des antigènes S D du locus D R ) . Toutes ces précautionsparaissent absolument indispensables dans les greffes à haut risque (cornéesfortement cicatrisées et vascularisées), mais, dans la mesure où se confirmentquelques découvertes, il semble que certaines conditions accroissent consi-dérablement les risques dans des situations apparemment à faible risque etqui sont traditionnellement considérées c o m m e telles (par exemple, laprésence chez un receveur atteint de kératocône d'antigènes H L A - B 1 2et/ou B27) , que l'on ne peut déceler que par une analyse tissulaire. Celaamène à douter de la validité de procédures et de dispositions réglementairessélectives libéralisant la pratique des greffes définies traditionnellementc o m m e étant à faible risque, mais prévoyant en revanche l'établissementde liens avec des centres d'analyse pour les greffes à haut risque. Toutefois,on ne saurait négliger l'intérêt social d'une pratique plus large et plussouple de la greffe, étant donné qu 'un nombre significatif d'invalidespourraient en bénéficier.

Il faut donc trouver un juste milieu entre la nécessité de multiplier lesinterventions et la méfiance avec laquelle il convient d'accueillir les postulatssimplistes fondés sur le mythe d 'un privilège immunitaire absolu de lacornée, mythe qui, s'il n'est pas entièrement dépassé, apparaît du moinsc o m m e très discutable si l'on veut faire en sorte que les opérations de greffesoient non seulement assez nombreuses, mais surtout valables sur lesplans scientifique et technique, et donc sur le plan social. a

205

' H Pour approfondir le sujet

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206

o

oo

o

11

Un médecin intéressé par Vétude des effets de l'histoire et deVenvironnement sur le fonctionnement du corps humain nous fait part de pointsde vue opposés sur la manière dont s'effectue Vaccommodation de l'œil pourdes objets placés à des distances variables. Il fait état aussi des conceptionsnon conformistes de Walter Bates, et nous laisse le soin de réfléchir surl'utilité de porter des lunettes.

Les lunettes : thérapeutiqueou obstacle pour la vue?

Yaman Örs

L'auteur, diplômé en anatomopathologie et en histoire de la médecine,enseigne à la faculté de médecine d'Ankara. Le Dr Örs a formulé, en histoirede la médecine, un concept auquel il a donné le nom d'évolution médicale.On lui doit également des études sur la maladie et l'évolution, sur le canceret l'environnement, sur l'écologie générale et l'histoire, ainsi que sur desquestions sociopolitiques et médico-sociales. Adresse : Département d'histoirede la médecine, Faculté de médecine d'Ankara, Sihhiye, Ankara (Turquie). 207

S Constituant l'une des branches principales de la médecine, l'ophtalmologiea a acquis elle aussi u n caractère scientifique. C o m m e dans tout autre domaineg d'activité scientifique, cependant, il semble exister des divergences dans

>ï cette discipline médicale, m ê m e sur le plan des principes de base. D ' o ùdes incidences sur tous les aspects de l'ophtalmologie, applications, recherche,enseignement, ainsi que sur la théorie. Dans cet article, nous démontronsque le problème de l'existence de différentes manières d'aborder le méca-nisme d'accommodation — c'est-à-dire l'adaptation de l'œil à des distancesdiverses — constitue une divergence aux conséquences importantes pourle traitement des anomalies de la vision les plus communes : la myopie etla presbytie.

L'importance de l'accommodation dans le trides informations visuelles

Avec sa vision tridimensionnelle améliorée, l'équipement sensoriel desprimates supérieurs est dominé bien davantage par la vision que, parexemple, par l'odorat1. Il n'est pas exagéré d'affirmer que la vue est le sensle plus important chez l ' homme et il n'est pas étonnant que des phénomènestels que les rêves et les hallucinations aient une prédominance visuelle.

Notre grande acuité visuelle fovéale se développe après la naissance2,c'est-à-dire en association avec les relations dynamiques que nous entre-tenons avec le m o n d e extérieur. E n tant que perception de la distance, lavision nous rend conscients de la place des objets dans l'espace et de notreéloignement par rapport à eux — révélant normalement la forme des choseset ce qui les sépare — et s'oppose ainsi aux autres sens, qui ne permettentpas de percevoir nettement la forme des objets et leur distance par rapportà notre corps3. Les yeux réagissent plus vite que les autres organes sensorielsaux transformations d u m o n d e pour ce qui est de fournir des informationssur l'environnement. C'est certainement pourquoi la cécité, état patho-logique extrême de la vision, est une privation si grave, tant sur le plansocial que sur le plan individuel.

D u point de vue cybernétique, l'accommodation de l'œil à la visionrapprochée et éloignée constitue u n bon exemple d'automation dans u norganisme où l'enchaînement des événements est contrôlé et, le cas échéant,modifié4 ; c'est un mécanisme de « rétroaction ». E n termes de bionique, leprocessus d'élimination des informations inutiles provenant du m o n d eextérieur commence dans nos organes sensoriels. D e cette manière, l'orga-nisme peut s'adapter aux modifications de l'environnement5.

L'observateur humain, doté d'une capacité limitée de traitement del'information, est plongé dans une mer de signaux et, étant u n primatepourvu d'une vision fovéale précise, il sélectionne les éléments d'informationen prêtant attention. Cette attention visuelle à prédominance sélective estgénéralement dirigée vers une source à la fois, encore que des études récentesaient insisté sur le fait que : a) elle peut parfois être orientée dans deux ouplusieurs directions ; b) des informations émanant de plusieurs sourcespeuvent s'ajouter ou s'intégrer. L a localisation très extensive des systèmesneuraux, qui pourrait expliquer l'orientation sélective de l'attention visuelle,donne à penser que l'information qui les concerne ne converge vraisem-blablement pas sur les neurones d'une seule section du système nerveux,mais est projetée vers l'ensemble du système6.

208 L'analyse du tracé encéphalographique dans certaines expériences a

confirmé l'hypothèse selon laquelle le cortex se protège contre le bombar- "*dement constant qui lui parvient par tous les canaux sensoriels. D'autres §.observations effectuées sur les enregistrements électriques d u cerveau .3confronté à des situations simples o u complexes ont montré que , lorsqu'un sanimal rencontre une situation nouvelle, une très grande partie de son o<cerveau est absorbée par des formes d'activité nouvelles, mais que , lorsque 75l'expérience est renouvelée à de nombreuses reprises, une certaine forme §d'économie s'instaure7. "o

Faits et théories sur l'accommodationo

Un aperçu de l'Antiquité au XVIIIe siècle a

L'évolution des théories sur l 'accommodation et les défauts de réfraction Snous a m è n e à l'histoire des lunettes. N o u s savons qu'il y a peut-être sept ^mille ans déjà (avant que les lunettes ne soient faites en verre) o n se servait £de cailloux o u de pierres transparentes semi-précieuses pour lire. A u cXI e siècle, la pierre devient plus fine et o n la tient devant l'œil c o m m e une ~loupe. E n 1270, M a r c o Polo rapporte qu ' en Chine les vieillards utilisent ,_)des lentilles convexes pour déchiffrer les petits caractères. Et , presque àla m ê m e époque, Roger Bacon explique c o m m e n t le verre o u d'autressubstances transparentes permettent de grossir les lettres. Les lunettesposées sur le nez furent probablement fabriquées pour la première fois enItalie et les verres à double foyer furent introduits par Benjamin Franklindans la seconde moitié d u xviiie siècle8.

A u XVIIIe siècle, les chirurgiens ophtalmologistes prétendaient qu'ilétait impossible de traiter totalement l'hypermétropie mais q u ' u n e guérisonspontanée pouvait se produire avec l'âge. Pour la myopie , le traitementradical consistait à attendre que les enfants grandissent. Il existait néanmoinsu n traitement palliatif de ces deux affections, qui consistait à utiliser u ntube noir sans verres o u u n petit trou dans une feuille de papier, o u encoreà porter des verres concaves pour la myopie et des verres convexes pourl'hypermétropie9.

Des théories du XIXe siècle

D a n s son traité de physiologie humaine , u n grand médecin d u siècle dernierparlait de la vision dans u n chapitre consacré aux « relations de l'organismeavec le m o n d e extérieur ». Il évoquait les muscles ciliaires en parlant de1' « adaptation de l'œil à la vision à différentes distances » et estimait que lapresbytie était provoquée par u n e perte d'élasticité lenticulaire due à l'âge.Lorsque l'œil était trop long, la myopie apparaissait, lorsqu'il était tropcourt, il y avait hypermétropie10. L'explication scientifique mode rne del'accommodation était également celle d ' u n autre médecin de r e n o m ,contemporain d u premier et spécialiste de la physiologie humaine : sathéorie était fondée sur la contraction d u muscle ciliaire et les modificationsde courbure d u cristallin. D e s preuves expérimentales convaincantes exis-taient à l'époque, c o m m e en font foi les ouvrages de Cramer aux Pays-Baset de Helmholz en Allemagne1 1 .

D a n s la seconde moitié d u siècle dernier, plusieurs dizaines d'annéesavant les ouvrages de He lmho lz et Donders sur le mécanisme d ' a c c o m m o -dation et de réfraction d u cristallin12, le Hongrois Josef Plenck publiait u n 209

oPetit glossaire

Accommodation. N . f. Modification de la convexité du cristallinpermettant aux rayons lumineux provenant d 'un objet extérieur deconverger sur la rétine (selon la conception classique).

Amblyopie. N . f. Affaiblissement de la vision ou perte partielle de la vue.Area centralis ou macula. N . f. Petite tache ( 3 x 5 m m ) jaune orangé,

ovale, située sur la surface interne de la rétine. C'est le point où lavision est la plus nette, au centre de la rétine.

Astigmatisme. N . m . Asymétrie des courbures le long des méridiens d'unesurface réfringente c o m m e la cornée ou le cristallin, qui empêche unpoint lumineux de donner une image ponctuelle sur la rétine.

Bionique. N . f. Étude des mécanismes et fonctions biologiques appliquésà l'électronique.

Ciliaire. Adj. Relatif ou ressemblant aux cils ; disposés en anneau autourde l'œil des vertébrés, les muscles ciliaires produisent Y accommodation(selon la conception classique).

Dioptrie. N . f. Unité de mesure de la réfraction d'une lentille dont ladistance focale est d'un mètre.

Fovéa. N . f. Petite dépression médiane de la macula sur la rétine decertains vertébrés.

Hypermétropie, hyperopk. N . f. État de l'œil dans lequel des rayons parallèlesconvergent au-delà de la rétine en raison d'une réfraction défectueuseou d'un aplatissement du globe oculaire.

Myopie. N . f. État opposé à l'hypermétropie, la convergence se faisanten deçà de la rétine.

Névroglie. N . f. Tissu conjonctif de soutien du tissu nerveux, qui auraitd'importantes fonctions métaboliques.

« Palming ». N . m . Geste consistant à poser les paumes des mains sur lesyeux fermés en évitant d'appuyer sur le globe oculaire ; c'est l'unedes méthodes de détente préconisées par Bates.

Parenchyme. N . m . Cellules fonctionnelles caractéristiques d'un glandeou d'un organe ; elles sont entourées et soutenues par du tissuconjonctif (stroma).

Presbytie. N . f. Diminution physiologique du pouvoir d'accommodationde l'œil due à l'âge.

Rétinoscopie. N . f. Méthode de dépistage des défauts de réfraction paréclairage de la rétine : elle permet de suivre les mouvements de lalumière lorsqu'on fait pivoter un miroir.

« Shifting ». N . m . Autre méthode de Bates pour reposer l'œil et améliorerla vue, qui consiste à imiter consciemment le déplacement inconscientdes yeux dans la vision normale et à réaliser le mouvement apparentproduit par ce déplacement.

Strabisme (hétérotropie). Défaut caractérisé de parallélisme des axes del'œil qui fait loucher.

Stroma. N . m . T rame du tissu conjonctif (voir Parenchyme).Torticolis. N . m . Raidissement du cou avec inclinaison de la tête qui

tourne généralement en sorte que le menton pointe dans la directionopposée.

210

livre sur les affections de l'œil. Professeur d'anatomie, de chirurgie et ^« maître en obstétrique », Plenck faisait état de plusieurs types de myopie : >celle due à u n e convexité excessive de la cornée, celle causée par la longueur Sexcessive d u globe oculaire, d'autres encore provoquées par u n e convexité 3excessive de la surface antérieure d u cristallin, par la densité excessive °<de la cornée et des h u m e u r s o u par u n e dilatation excessive de l'œil 75(mydriase). (Il existe également une myopie de l'enfant.) Pour Plenck, la §presbytie (désignation qu'il appliquait à l'hypermétropie) était causée par odes modifications des m ê m e s parties de l'œil : aplatissement de la cornée, olongueur insuffisante d u globe oculaire, courbure insuffisante d u cristallin, 3trop faible densité de la cornée o u des h u m e u r s , étroitesse de la pupille. -aElle pouvait être due aussi au vieillissement o u au fait de regarder conti- ^nuellement des objets éloignés". 2

ILe point de vue radical de Bates (XXe siècle) g

4O

U n médecin ophtalmologiste new-yorkais, William Bates, donna u n pointde vue tout à fait nouveau sur l 'accommodation avec la publication, en 1943,de son ouvrage Better eyesight without glasses13. »J

L e livre s'ouvre sur la remarque selon laquelle la plupart de ceux qui ontécrit sur l'ophtalmologie semblent croire que le dernier m o t a été dit surles problèmes de la réfraction, alors que , d'après leurs théories, ce dernierm o t est bien affligeant. D e s millions d'années avant q u ' o n n e construisedes écoles o u q u ' o n ne fabrique des machines à imprimer, des ampoulesélectriques o u des films, l'évolution de l'œil était parvenue à son terme.E n ces temps reculés, il répondait parfaitement aux besoins de l'animalh u m a i n . Celui-ci chassait, gardait les troupeaux, cultivait la terre, sebattait. Il avait surtout besoin, nous dit-on, de voir de loin ; et puisque,au repos, l'œil est adapté à ce type de vision, o n pense que la vue étaithabituellement u n e activité aussi passive que la perception d u son et nedemandait aucune action musculaire. O n pense que la vision rapprochéeétait l'exception et qu'elle exigeait u n e adaptation musculaire d ' une duréesi courte qu'elle était réalisée sans guère d'effort pour le mécanismed'accommodat ion. . .

Le rôle du rétinoscope

A v e c les années, Bates découvrit q u ' o n peut provoquer à volonté la myop ieet l'hypermétropie, de m ê m e que l'astigmatisme, et que la myopie n'étaitpas liée à l'utilisation des yeux pour voir de près, mais à une fatigue imposéeà l'œil pour voir de loin, la fatigue imposée pour voir de près étant liée àl'hypermétropie. A u c u n vice de réfraction n ' a jamais été permanent etl'on peut éliminer les moins graves et corriger les plus graves.

U n des points essentiels de la théorie de Bates est son refus de la théorieclassique de l'accommodation, selon laquelle l'œil change sa focalisationpour voir à des distances variées en modifiant la courbure d u cristallin.D e fait, des quatre éléments réfringents de l'œil, à savoir la cornée, l 'humeuraqueuse, le cristallin et l 'humeur vitrée, seul le cristallin peut subir u n emodification fonctionnelle sous l'action d ' u n organe spécifique connexe,le muscle ciliaire. « E n cherchant à expliquer l'irrégularité d ' u n vice derétraction en principe constant, déclare Bates, les théoriciens ont eu l'idéetrès ingénieuse d'attribuer au cristallin la capacité de modifier sa courbure 211

£ non seulement pour réaliser une accommodation normale, mais encorea pour masquer ou provoquer des erreurs d'accommodation. »g O n sait que, dans le langage courant, on dit improprement que l'hyper-

¡2 métrope voit de loin alors qu'il ne peut voir nettement ni de loin ni de près.Bates montre : à) qu'il est impossible d'expliquer le passage temporaired'un vice de réfraction à u n autre et à la normale par la longueur insuffisantedu globe oculaire dans le cas de l'hypermétropie ou par sa longueur excessivedans le cas de la myopie ; b) qu'on ne peut l'expliquer non plus par lacontraction plus ou moins continue des muscles ciliaires ou par la convexitécontinue du cristallin qui en résulte, c o m m e l'ont prétendu les théoriciensorthodoxes.

L a rétinoscopie simultanée fournit à Bates une masse considérable defaits à l'appui de sa théorie révolutionnaire. Par ce procédé, en effet, l'ophtal-mologiste peut déterminer l'indice de réfraction en une fraction de seconde,alors que la m ê m e opération prend beaucoup de temps si l'on utilise uneéchelle optométrique et une série de lentilles. Cette dernière méthode nepermet pas d'obtenir de données sur la réfraction chez les personnes enmouvement, chose tout à fait réalisable avec le rétinoscope. Les résultatsd'un examen à l'échelle optométrique sont entièrement subjectifs puisqu'ilsdépendent des déclarations du patient, qui est souvent préoccupé et troublépar les conditions artificielles de l'examen. Les résultats obtenus au moyendu rétinoscope sont fiables parce qu'il s'agit d'une méthode objective quipeut être appliquée dans toute sorte de conditions (et qui peut égalementservir à examiner les yeux d'êtres autres que l ' homme) . Bates a ainsi étudiéla réfraction de l'œil chez des milliers d'animaux, chats, lapins, chevaux,oiseaux, tortues, poissons, ainsi que chez des dizaines de milliers d'écolierset chez des centaines d'enfants en bas âge et d'adultes, au repos et enactivité, éveillés ou endormis, et m ê m e sous anesthésie générale, le jouret la nuit, et lorsque les sujets disaient la vérité ou lorsqu'ils mentaient.

Après tous ces travaux, Bates n'a eu d'autre choix que de « rejeter toutl'enseignement orthodoxe sur l'accommodation et les vices de réfraction ».Après ses observations et ses expériences sur les yeux d'adultes et d'enfantsayant une vision normale ou souffrant de vices de réfraction ou d'amblyopieet sur les yeux d'adultes n'ayant plus de cristallin parce qu'ils avaient étéopérés de la cataracte ou ayant reçu des gouttes d'atropine, Bates est parvenuà la conclusion que le cristallin n'intervient pas dans l'accommodation.

Ayant ainsi rejeté la théorie selon laquelle les vices de réfraction sont laconséquence de déformations permanentes du globe oculaire et que l'œilnormal a une réfraction normale et une vision normale à tout m o m e n t , Batesfonde sa propre théorie sur les modifications de la forme du globe oculairedues aux muscles externes de celui-ci. O n comprend dès lors aisémentqu'aucun indice de réfraction, qu'il soit normal ou non, ne saurait êtrepermanent. Bates trouva peu de personnes — que celles-ci fussent desadultes, des enfants ou des nourrissons — capables de maintenir une visionparfaite plus de quelques minutes d'affilée. Souvent, il constatait que laréfraction changeait plus d'une demi-douzaine de fois en l'espace d'uneseconde, les variations allant de vingt dioptries de myopie à la normale.Lorsque l'œil apercevait u n objet inconnu, il y avait toujours erreur deréfraction. C o m m e Bates l'a fait souvent observer, cela a d'importantesimplications pour la théorie et la pratique de l'éducation.

A u cours du sommeil, la réfraction de l'œil est rarement normale, si tant212 est qu'elle l'ait jamais été. Les personnes dont la réfraction est normale à

2

l'état de veille manifestent une myopie, une hypermétropie ou de l'astigma- ^tisme lorsqu'elles sont endormies, et les vices de réfraction existant à l'état ?de veille s'accentuent pendant le sommeil. C'est pourquoi, explique Bates, .3les yeux sont plus fatigués au réveil qu'à tout autre m o m e n t et qu'on p-peut m ê m e souffrir alors de migraines graves. Des études récentes sur le &sommeil ont montré qu'il existe une corrélation constante entre les m o u v e - 75ments oculaires et les phases de l'activité cérébrale au cours du sommeil*. §

Bates est parvenu à la conclusion qu'il ne faut pas placer le rétinoscope "oà moins de deux mètres des yeux pour éviter de rendre le sujet nerveux, ce oqui modifie la réfraction de ses yeux et empêche de faire des observations sfiables. Chez l'animal, il faut souvent utiliser l'appareil à une distance plus sgrande. Les observations de Bates sont conformes à celles d'études bien g_plus récentes sur l'espace individuel ou les zones tampons intercorporellesdans le domaine de la cinétique ou du langage corporel.

Un point de vue contemporain

O n peut dire que la chirurgie générale a été le tronc principal d'où sontissues les branches de la chirurgie moderne. J'ai parlé plus haut des travauxd'ophtalmologie d 'un chirurgien du xvine siècle. Dans un traité de chirurgieparu au milieu du siècle dernier, on trouve des observations sur la sectionde tendons et de muscles opérée à des fins thérapeutiques dans des cas destrabisme, de myopie, de fatigue oculaire, ainsi que de bégaiement, decontraction des mâchoires, de torticolis, de pied-bot et de fractures14.A mesure que la chirurgie moderne accède à des parties jusqu'alors inac-cessibles de l'organisme, il n'est pas étonnant d'apprendre que la micro-chirurgie cornéenne sert maintenant à corriger des vices de réfraction.

Pourtant, les méthodes chirurgicales sont tout autant des instrumentsde recherche que des procédés cliniques. Dans une récente étude expéri-mentale sur les bases physiologiques de l'acuité visuelle et du mécanismede l'amblyopie, par exemple, les chercheurs ont mis en évidence quel'amblyopie est associée à une perte du pouvoir de fixation de la macula del'œil atteint de strabisme et que certaines cellules (« soutenues ») de cettezone ne développent pas leur capacité fonctionnelle optimale si elles nereçoivent pas les stimuli appropriés au cours de la période critique dudéveloppement qui, chez l ' homme , paraît se situer au cours des deux pre-mières années de la vie. Ces données suggèrent donc que l'amblyopie estun défaut périphérique précoce caractérisé par la réception d'images flouessur la fovéa, bien que le mécanisme cortical de suppression généralementadmis, qui élimine l'image indésirable dans l'œil incapable de fixation, doivejouer lui aussi un rôle dans ce processus. Il se peut que la suppression cor-ticale soit l'effet plutôt que la cause de l'amblyopie, mais il convient, detoute façon, de corriger le plus tôt possible les vices de réfraction et lestrabisme chez l'enfant en bas âge3.

Selon des observations cliniques bien établies, la myopie apparaît chezl'enfant à la suite de certaines maladies accompagnées de fièvre. E n augmen-tant simultanément la température du corps et la pression intraoculaire,on a pu provoquer la myopie chez de jeunes animaux de laboratoire, mais

* Voir J. Matsumoto, « L'éveil, le sommeil et le cerveau : structure cyclique desrelations avec la société », Impact, vol. 28, n° r, 1978. 213

2 non chez des sujets adultes. Il se peut donc que, par exemple, quand ils sec frottent les yeux, les enfants augmentent très fortement leur pressiong intraoculaire15.

>3 Certaines études expérimentales sur les propriétés élastiques de la capsulecristalline chez l ' h o m m e ont confirmé que les modifications de la forme,de la capsule et de la substance du cristallin dues au vieillissement suffisentà expliquer la diminution du pouvoir d'accommodation à tout âge16. Selonla conception classique, le centre du cristallin est plus rigide que le pourtouret, à mesure que l'on avance en âge, la rigidité s'étend à la périphérie, etles muscles ont de plus en plus de mal à déformer cette structure pourproduire l'accommodation17. E n outre, fait très intéressant, un chercheurqui avait étudié les variations du pouvoir d'accommodation de diversespersonnes du m ê m e âge, et qui a procédé plus tard à des comparaisons avecleur durée de vie subséquente, a mis en évidence une corrélation positiveentre le pouvoir d'accommodation et la longévité. N o u s pouvons nousdemander ce que Bates aurait dit de cette découverte et nous pouvonsnous demander aussi ce que d'autres pourraient penser des découvertes deBates sur le caractère dynamique de la vision et de sa pathologie.

Conséquences, pour ia thérapeutique,d'un point de vue particulier

Avant d'essayer d'évaluer les conséquences des différentes, conceptions del'accommodation sur le traitement des troubles de la réfraction et des défi-ciences de la vision en général, je voudrais insister sur un point essentiel,qui a trait à l'organe de la vue. Contrairement aux organes des autres sens,la rétine, tissu récepteur de l'œil, se développe directement à partir dusystème nerveux central de l'embryon, le tube neural. Les cellules duparenchyme rétinien sont donc des cellules nerveuses d 'un type spécial,et les tumeurs de la rétine présentent une ressemblance histologique frap-pante avec celles du tissu nerveux. L e stroma de la rétine est identique autissu névroglique du système nerveux central. L a structure de l'ensembledu tissu rétinien et celle du tissu nerveux sont fondamentalement les m ê m e s ,avec leur arrangement cellulaire particulier, leurs cellules associatives etleur relation parenchyme-stroma. D u point de vue structurel c o m m e dupoint de vue embryologique, la rétine peut donc être considérée c o m m eune extension du cerveau.

L'acte thérapeutique vise à améliorer u n état existant. Quelle que soitsa définition et contrairement à la prévention qui remonte aux causes, l'actethérapeutique s'attaque aux effets, maladies ou lésions18. E n ce qui concerneles troubles de la réfraction, les verres correcteurs, sous couvert d'actionthérapeutique, maintiennent ou consolident l'état existant au lieu de lemodifier. C'est la raison pour laquelle William Bates, il y a plus d 'un demi-siècle, les qualifiait de « béquilles optiques ». U n e fois qu'on a, pour ainsidire, confirmé une vision défectueuse en plaçant devant l'œil du patient descorps transparents rigides et immuables, on ne peut espérer u n retour àl'état antérieur, c'est-à-dire à une vision normale. Les verres correcteursconstituent donc un obstacle à celle-ci.

Dans son chapitre sur l'action des verres correcteurs (« W h a t glassesdo to us »), Bates rappelle que l'utilisation d 'un verre fortement convexeou concave, ou m ê m e d 'un verre plan (vitre, par exemple), rend toujours la

214 couleur moins intense que lorsqu'elle est perçue à l'œil nu . Étant donné que

la perception de la forme dépend de celle de la couleur, il s'ensuit, selon °"Bates, qu'on perçoit moins nettement l'une et l'autre avec des lunettes. gSi l'on obtient une bonne vision à l'aide de lentilles convexes, concaves ou .2corrigeant l'astigmatisme, cela signifie que l'on maintient un certain vice sde réfraction qui, autrement, ne demeurerait pas constant. Lorsque des clpersonnes cassent leurs lunettes et cessent de s'en servir pendant une •§semaine ou deux, elles observent fréquemment que leur vision s'est a m é - §liorée. Bates parle également de la gêne que le port de lunettes occasionne "odans certaines circonstances et donne c o m m e exemples les changements oatmosphériques, certaines professions, les activités sportives, les jeux des genfants, etc. Quelles que soient les améliorations qui ont p u être apportées •«"à la fabrication des verres depuis son époque pour remédier à ces dim- Scultes, les inconvénients inhérents au port de béquilles optiques sont restés 2fondamentalement les m ê m e s . -g

Bates consacre une grande part de son livre au traitement. L'essentiel '¿de sa méthode repose sur l'hypothèse qu'une vision défectueuse est la consé- §quence d'un trouble de l'esprit, trouble influant sur l'action des muscles Öexternes de l'organe de la vue. L'aspect principal de ses diverses techniques ~— qui visent à corriger non seulement les vices de réfraction, mais encore jdes défauts tels que le strabisme, l'amblyopie ou les « mouches » — consisteà se détendre d'abord l'esprit, puis les yeux, et à éliminer la fatigue. D ' o ùle recours à la fixation centrale, au palming, à l'exposition au soleil, à lasuggestion, à la mémoire et à l'imagination c o m m e auxiliaires de la vision,au shifting, l'utilisation des yeux dans des conditions défavorables venants'ajouter à la pratique de tests à l'échelle optométrique.

Pour résumer, il faut exploiter au m a x i m u m la relation anatomique œil-cerveau au niveau fonctionnel de l'esprit et de la vue, et créer un rapportdynamique et positif avec le m o n d e extérieur. E n fin de compte, la pratiquemédicale consiste en cas d'espèce qui sont autant d'exemples particuliersde « maladies » ; le cas est inévitablement plus complexe que la maladie19.L'ophtalmologiste avisé reconnaît qu 'un patient ayant une déficience dela vue a besoin de changer sa vision du m o n d e et non pas ses lunettes, etque bien des malades sensibles ont été rendus hypersensibles quand on leura prescrit repos et verres fumés. L e praticien devrait tirer fierté de ne pasprescrire de verres ou de ne changer ceux-ci que le moins possible, plutôtque de se glorifier du nombre d'ordonnances qu'il délivre20.

Maintenant que tous les types de vices de réfraction peuvent être corrigésavec précision grâce au port de lunettes confortables et bien ajustées, letemps viendra-t-il où toutes ces belles lunettes si utiles disparaîtront pourcéder la place à de minuscules lentilles cornéennes en plastique ?

Historiquement, l'idée des verres de contact remonte à l'époque deLéonard de Vinci, bien qu'il ait fallu attendre la seconde moitié du siècledernier pour que ces verres soient effectivement fabriqués21. Et, de m ê m eque les lunettes deviennent de plus en plus des symboles sociaux, politiquesou sexuels, et, à l'instar des vêtements, de plus en plus détachés d'uneappartenance de classe ou de sexe22, de m ê m e il semble que le port de verresde contact soit considéré de plus en plus c o m m e u n signe de modernitéet de supériorité « technique » par rapport au fait de ne pas en utiliser.

Étant donné la tendance générale des h o m m e s à résister au changement,une résistance « ophtalmologique » ou d'autres formes de résistance à uneconception de la vision c o m m e celle de Bates ne seraient pas pour noussurprendre. Et la résistance de ceux dont les intérêts économiques sont en 215

2 jeu (industriels, opticiens ou médecins du secteur privé) serait compréhen-c sible. Quant à ceux qui ont tendance à résister pour des raisons psy-g chologiques et qui le feraient selon u n mécanisme analogue à celui de>-i 1' « inattention sélective23 », il serait bon qu'ils se penchent sur l'évolution

de la médecine et étudient ce qui a été rejeté depuis longtemps plutôt quece qui a survécu24. •

Notes

1. D . Morris, The naked ape, p . 17 et 26, Londres, Corgi, 1969.2 . H . Ikeda, « Visual acuity, its development and amblyopia », Journal of Royal

Society of Medicine, vol. 73, 1980, p . 546.3. J. Heaton, The eye, phenomenology and psychology of function and disorder,

p . 297-306, Tavistock, 1968.4 . W . W e n k , « W a s ist Kybernetik ? », Kosmos, août 1964, p . 369.5. R . Wells, Bionics, nature's ways for man's machines, p. 44, 75, 84 et 92,

N e w York, Dodd , M e a d and C o . , 1966.6. V . Mountcastle, « Brain mechanisms for directed attention », Journal of Royal

Society of Medicine, vol. 71, 1978, p. 14.7. J. Gaito, Molecular psychobiology. A chemical approach to learning and other

behaviour, p . 21, 22 et 184, Springfield (111.), Charles C . T h o m a s , 1966.8. G . Cashell, « A history of spectacles » (resume), Proceedings of Royal Society

of Medicine, vol. 64, 1971, p . 1063.9. J. Plenck, Tratado de las enfermedades de los ojos (trad, du latin par D . Vidal),

p . 173-178, Cadix, D . Manuel , 1797.10. G . Le Bon , La vie : physiologie humaine appliquée à l'hygiène et à la médecine,

p . 618-622 et 637, Paris, J. Rothschild, 1874.ir. J. Béclard, Traité élémentaire de physiologie humaine, comprenant les principales

notions de la physiologie comparée, 4 e éd., p . 780-787, Paris, P . Asselin, 1862.12. F . Garrison, An introduction to the history of medicine, 4 e éd., p . 533 et 611,

Philadelphia, W . B . Saunders, 1929, 1966.13. W . Bates, Better eyesight without glasses (éd. rev. E . Bates), N e w York, Holt,

Rinehart and Winston, 1943, 1967, passim.14. A . Bonnet, Traité des sections tendineuses et musculaires dans le strabisme, la

myopie, la disposition à la fatigue des yeux, le bégaiement, les pieds-bots, lesdifformités du genou, les torticolis, les resserrements des mâchoires, lesfractures, etc., Paris, J . -B. Baillière, 1841.

15. M . Maurice et A . Mushin, « Production of myopia in rabbits by raised body-temperature and increased intraocular pressure », Lancet, vol. 2 , 1966, p . 1160.

16. R . Fisher, «Some experimental studies of h u m a n accommodation and presbyopia »(summary), Proceedings of Royal Society of Medicine, vol. 66, 1973, p. 1037.

17. B . Strehler, Time, cells and aging, p . 128, N e w York, Academic Press, 1963.18. J. Edwards, « T h e genetical background of therapy », Proceedings of Royal

Society of Medicine, vol. 63, 1970, p . 169.19. Y . Örs, « Philosophies of medical evolution », International medicine, vol. 1,

1979, P . 16.20. E . Weiss et O . English, Psychosomatic medicine. A clinical study of

psychophysiologic reactions, 3 e éd., p . 474 et 477, Philadelphie, W . B . Saunders,1958.

21. L . Girard et J. Soper, « Contact Iens », dans : Encyclopedia Americana, vol. 7 ,p . 685, N e w York, Encyclopedia Americana Corp., 1979.

22. C . M a c Innés, « Eye power », New society, vol. 21, 1972, p . 83.23. E . F r o m m , Beyond the chains of illusion, p . 107, N e w York, Pocket Books, 1963.24. Y . Örs, « Impact of the past upon our concepts in medicine », Hacettepe

216 bulletin of medical surgery, vol. 11, 1978, p. 1.

oo

53

Une expérience clinique effectuée sur soixante-quatre patients chinois soumis oà une thérapeutique pour de graves anomalies de l'œil s'est révélée concluante Q ,dans 90 % des cas; 45 % des patients ont obtenu une guérison complète, alors _Eque 8 % seulement n'ont pas eu d'amélioration.

L'acupuncture :une thérapeutiquedes troubles oculairesen Chine*

Sun Qingyun

L'auteur est membre de l'Institut d'acupuncture et de moxibustion del'Académie de médecine traditionnelle chinoise, Beijing (République populairede Chine).

* Nous remercions l'Association française d'acupuncture, 251, rue Saint-Jacques,Paris, d'avoir bien voulu nous donner accès à son centrede documentation (NDLK). 217

§ Introduction>.a L'acupuncture est une forme de thérapeutique applicable avec succès — à

& des degrés variables — aux maladies oculaires. E n effet, on a p u établir3 que l'électropuncture conduit à une amélioration notable dans le cas d'ulcé-

ration de la cornée, de conjonctivite aiguë, d'inflammation de l'iris, denystagmus (mouvement involontaire des globes oculaires), de céphaléeconsécutive au glaucome aigu, de douleur ophtalmique, d'agitation etd'insomnie. Face à des maladies de la cornée ( comme le leucome, la cata-racte au stade initial), la rétinite, l'hémorragie rétinienne, l'ophtalmoplégie(paralysie des muscles oculaires), l'ophtalmie de la lumière électrique(inflammation causée par la lumière électrique) et l'amétropie (imperfectionsde la réfraction), les résultats enregistrés sont moins bons. L'objet de cetarticle est de présenter le bilan d'une expérience de traitement à l'électro-puncture portant sur les maladies de la région centrale de la rétine.

Examen préliminaire des yeux des patients

Sur les 64 patients considérés — h o m m e s et femmes — 4 8 souffraient d'uneaffection unilatérale et 16 d'une affection bilatérale, ce qui veut dire quel'expérience a porté sur un total de 80 organes oculaires. L'échantillon secomposait de patients âgés de dix-sept à cinquante-quatre ans, 38 ayantentre trente et u n et quarante-cinq ans.

Pratiqué sur tous les sujets après application de néosynéphrine à 2 %,l'examen du fond de l'œil a révélé dans tous les cas u n œ d è m e de la régionde la macula avec présence d'exsudats blancs de taille variable et pertedu réflexe photomoteur. O n a constaté, en outre, des troubles de la pigmen-tation et la présence de dépôts organiques chez les patients dont la maladieévoluait depuis longtemps. Dans cinq des cas, l'affection s'étendait au-delàde la région de la macula.

Méthodes cliniques de l'acupuncture

Les aiguilles ont été appliquées en deux points spécifiques de la tête désignésen pratique de l'acupuncture c o m m e Xinming I et II. U n e fois atteinte laprofondeur requise, la manipulation a consisté en des mouvements de vrilleassociés à de légers retraits et enfoncements de l'aiguille. Peu après la per-ception de la piqûre dans la région de l'œil, on a branché sur les aiguillesun stimulateur électrique (80-100 cycles par minute et 6,0 m A d'intensitémaximale). Chez les patients souffrant d 'un seul œil, on est intervenu surles deux points trois fois par semaine du côté ipsilatéral de la lésion. Chezles autres, les piqûres ont été effectuées tantôt sur les deux Xinming I,tantôt sur les deux Xinming II alternativement. L'opération a été faite troisfois par semaine, le traitement comportant dix séances. O n a laissé s'écoulertrois jours entre deux traitements.

Résultats

Afin d'indiquer l'efficacité du traitement, plusieurs critères ont été établis,tels que :Guérison. L'acuité visuelle redevient normale (10/10 ou plus) et les

manifestations pathologiques (par exemple, œ d è m e et exsudats de la rétine218 et de la choroïde) disparaissent pratiquement.

Amélioration sensible. L'acuité est améliorée d'au moins 5/10 ou portée cde 1/100 à plus de 2/10. L a plupart des troubles pathologiques sont §atténués. c

Amélioration. L'acuité gagne 1 à 4/10 et l'état pathologique est stationnaire "ou marque une légère amélioration de la vue. . |

Échec. N i l'acuité visuelle ni l'état pathologique n'enregistrent d ' amé- "3lioration. °

öl

L e traitement a été efficace dans 72 cas (sur un total de 80 yeux malades), 2ce qui donne un taux brut de réussite de 90 %. Le tableau 1 donne un résumé gdes résultats obtenus. ö

T A B L E A U I . Efficacité d u

N o m b r e d'yeux

Pourcentage

traitement

Guérison

3645

Amélio-rationsensible

16

20

Amélio-

ration

20

25

Absence

d'amélio-

ration

810

Total

80

100

•8

itia

ue

i-*

U

1•5

:ure

G

o.L'efficacité du traitement est également en corrélation avec la durée de 3

celui-ci. D e 56 % pour les sujets soignés depuis un an, le taux de guérison jtombe à 14 % quand la période de traitement se prolonge au-delà d 'un an.Cette nette différence indique que plus la durée du traitement est courte,plus celui-ci est efficace.

T A B L E A U 2. Corrélation entre la durée et l'efficacité d u traitement

Durée

de

l'évolu-

tion

Moinsd 'un an

Plus

d'un an

Total

Étude

éris

on

O

33

3

36

d'un cas

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tion

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ble

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il

12

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20

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59

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10

56

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Pourcentage

tion

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19

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tion

élio

ra

B

20

38

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d'am

élio

i

5

24

L a patiente, D o n g X . . . , de sexe féminin, âgée de quarante ans, a été admise àl'institut le 27 janvier 1978. Elle souffrait depuis u n an de troubles récurrentsde la vision binoculaire. D e nombreux traitements, procédant aussi biende la médecine occidentale que de la médecine traditionnelle chinoise, luiavaient déjà été administrés, sans grand succès. L a fréquence des récidivesn'était pas bien définie, mais l'œil droit de la patiente avait rechuté u n mois 219

§ avant l'admission de celle-ci. Les injections intraveineuses de pénicilline,M de rimifon, d'acétate de prednisone, de solution concentrée de glucose

Qf mélangée à de l'acide nicotinique, ou encore l'administration de papavérineg et autres médicaments à base de plantes par voie parentale et orale, n'avaient

oo donné aucun résultat. L'acuité visuelle était de 8/10 et le fond d'oeil révélaitun léger œ d è m e de la macula, des troubles de la pigmentation et l'absencedu réflexe photomoteur. L a vision avait atteint 10/10 après huit séancesd'acupuncture, et 12/10 au terme de la quinzième. Après la trente-quatrièmeséance, on constata la disparition de l 'œdème de la macula et le rétablisse-ment du réflexe photomoteur.

Conclusions

Sur les 80 organes oculaires atteints de rétinopathie d'origine centrale(60 patients), 72 ont été traités par des interventions d'acupuncture auxpoints Xinming, avec un taux de réussite de 90 %. L a thérapeutique estdonc efficace*.

Les punctures pratiquées aux points Xinming I et II provoquent uneréaction sensitive qui atteint la région de l'œil. Dans le traitement de larétinopathie d'origine centrale, l'électropuncture a peut-être pour effet dedrainer les méridiens affectés et de régulariser l'énergie sanguine et vitale,ce qui conduit à une atténuation des symptômes et à une amélioration del'acuité visuelle.

Les meilleurs résultats dans le traitement par l'acupuncture sont obtenuslorsque la durée d u traitement ne se prolonge pas au-delà d'une année. •

* Nous informons nos lecteurs que l'auteur n'a pas mentionné les observationsfaites, au cours d'une période similaire, sur un groupe témoin, par exempleun groupe de malades souffrant des m ê m e s maladies oculaires que le groupe

220 expérimental, mais n'ayant pas reçu de traitement par l'acupuncture. (NDLR.)

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'S"vu

Le Népal, ce petit pays bordé par la chaîne de VHimalaya, devient le sited'un ambitieux programme de prévention de la cécité. Sur les treizemillions d'habitants que compte le Népal, 2 % environ sont aveugles. Troisvictimes sur quatre auraient pu ne pas l'être, car leur cécité aurait pu êtreévitée ou guérie. Le but de ce programme est de permettre au Népal d'êtreautonome dans le domaine de la cécité evitable, dans le contexte del'approche OMS des soins de santé primaires.

Ouvrir les yeux au NépalOrganisation mondiale de la santé

Voici l'adresse de l'Organisation mondiale de la santé : O M S , 1211 Genève 27(Suisse). 221

"g L e Népal, ce petit pays bordé, au nord, par la haute chaîne de l'HimalayaS et, sur ses autres côtés, par la plaine gangétique de l'Inde, va devenir le site

-2 d'un ambitieux projet de prévention de la cécité, qui concentrera sur cet•a important problème sanitaire l'énergie et la compétence administrative du•3 programme d'éradication de la variole.^ L e Népal — revenu moyen : 50 dollars des États-Unis par an — est| identifié par les Nations Unies c o m m e l'un des pays les moins développésc du globe.

•g Sur les 13 millions d'habitants que compte le Népal, 2 % environ sont•2 aveugles. Trois victimes sur quatre auraient pu ne pas l'être, leur cécité§> étant soit evitable, soit guérissable.

O L a cécité est toujours une tragédie, mais, dans un pays en développement: c o m m e le Népal, où 93 % de la population résident dans les zones rurales,

elle constitue une catastrophe non seulement pour les individus, mais égale-ment pour leurs familles et pour l'économie de leurs villages. Les sentierspittoresques de l'Himalaya — si beaux pour les voyants — sont dangereuxet traîtres pour ceux qui ont perdu totalement ou partiellement la vue. A uNépal, la vue, c'est la vie.

La situation actuelle

A l'heure actuelle, les possibilités de prévention et de traitement de lacécité font cruellement défaut. Il existe quelques modestes départementsd'ophtalmologie dans quatre hôpitaux de district, mais il n'y a aucun centrede soins dans la région située à l'ouest de Kathmandou et de Pokhra, quigroupe la moitié de la population environ. L e personnel médical ou auxiliaireà l'échelon du district et du poste sanitaire n'a jusqu'ici entrepris aucuneaction préventive ou curative.

Les unités ophtalmologiques mobiles du Népal ne peuvent établir leursvastes cliniques provisoires sous tente que dans 20 districts sur 75 chaqueannée. Elles effectuent environ 6 000 opérations de la cataracte par an, mais200000 personnes, qu'il est impossible d'atteindre, attendent encorel'opération.

L'action entreprise

E n 1979, un programme de prévention de la cécité au Népal a été élaboré,par l ' O M S , dans le dessein d'alléger le fardeau considérable que représentela cécité evitable pour ce pays. Il est pleinement opérationnel depuis 1980.

U n petit groupe de personnes dévouées, inspirées par l'expérience qu'ellesont elles-mêmes acquise au cours des campagnes fructueuses d'éradicationde la variole en Asie et en Afrique, ont lancé le mouvement. L a Sociétéd'épidémiologie et d'assistance bénévole ( S E V A ) , dont le siège se trouve auMichigan (États-Unis), et le Centre des maladies transmissibles d'Atlanta,en Géorgie (États-Unis), ont financé la phase initiale de planification duprogramme.

E n mars 1979, à l'invitation du gouvernement du Népal, la S E V A aeffectué une enquête destinée à évaluer l'ampleur de la cécité. Il s'est révéléque 90 % des cas de cécité détectés étaient soit evitables, soit guérissables.

Aujourd'hui, grâce à une généreuse contribution du gouvernement desPays-Bas, une vaste étude a été mise en place à l'échelon national pour

222 recueillir les données qui indiqueront la prévalence des principales causes de

L'œil, l'un des biens les plus précieux de l 'homme, est depuis la plus hauteantiquité source d'inspiration pour les sculpteurs et les peintres. L'ceil de Bouddha,symbole de la connaissance suprême de la bienveillance divine, représenté ausommet du temple de Swayambhunath à Kathmandou.

Photo : Unesco / George Vicas

223

g cécité, telles que le trachome, la xérophtalmie (due à une carence en vita-S mine A chez les enfants), les traumatismes oculaires et la cataracte. Ces

•2 données révéleront la distribution géographique de ces maladies et leurs•a corrélations socio-économiques. Dans le m ê m e temps, on commencera à•g former dans les villages des auxiliaires sanitaires et communautaires capables^ de prodiguer des soins de santé de base, et une campagne d'éducation pour2 la santé sera lancée à l'intention des populations des zones prioritaires. Desa médicaments et des instruments essentiels seront distribués dans les centres

s sanitaires et dans les postes de santé. U n département d'ophtalmologie sera•ïï établi dans la région occidentale et une unité mobile commencera à fonc-g, tionner dans cette m ê m e région.Ô

Les objectifs d'ensemble

L e but de ce programme est de permettre au Népal d'être autonome dans ledomaine de la cécité evitable, dans le cadre de l'approche O M S sur les soinsde santé primaires. Pour le réaliser, des soins élémentaires des yeux doiventêtre mis à la disposition de toutes les collectivités dans ce cadre. Par consé-quent, l'éducation sanitaire et la formation des personnels des services desanté en mesure de prodiguer des soins oculaires essentiels sont de la plushaute importance. E n outre, il faut pouvoir disposer de ressources suffisantespour traiter les cas de cécité guérissable, qui attendent des soins. D'icicinq ans, des Népalais formés sur place devraient être en mesure de s'occuperdes cas de cécité evitable et guérissable sur une base continue. L a formationen cours d'emploi constitue un programme national ambitieux pour laprévention de la cécité, qui permettra de rattraper le retard accumulé, deforger de nouvelles armes pour la prévention de la cécité ; ainsi les Népalaiseux-mêmes pourront protéger la vue de nombreuses personnes, notammenttous les enfants, ou la leur redonner. L'objectif est ambitieux mais réalisable.

La volonté existe

Sous la direction du D r Nicole Grasset, anciennement responsable duprogramme O M S d'éradication de la variole en Asie du Sud-Est, une équipese trouve sur le terrain, animée de l'esprit et de la confiance acquis au coursde la fructueuse campagne d'éradication de la variole.

Aujourd'hui, la variole ne rend plus aveugle. Si l'on utilise une technologieappropriée, l'effort des h o m m e s , une gestion saine et des mesures adminis-tratives efficaces, on pourra éliminer les causes evitables de la cécité auNépal. L'équipe O M S du programme de prévention de la cécité veutprouver que — avec de la volonté, des ressources financières et une coopé-ration internationale — des objectifs « ambitieux » tels que celui-ci peuvent,c o m m e ce fut le cas pour la campagne O M S contre la variole, être réalisésnon pas dans un avenir nébuleux, mais en cinq ans. Il est possible de vaincrela cécité evitable si les gouvernements, les collectivités et les organisationsinternationales en manifestent la volonté et coordonnent leurs activités. •

224

o

o

L'innovation technique apporte chaque jour de nouveaux instruments de travail oaux spécialistes de la vue. Deux praticiens en ophtalmologie expliquent §,les nombreuses possibilités offertes par le laser. £

Les Basers au servicede l'ophtalmologie

Daniele Aron-Rosa, Jean-Jacques Aron

Le docteur Daniele Aron-Rosa est professeur d'ophtalmologie à V Universitéde Paris-VI, chef du service ophtalmologique de VHôpital Trousseau et dela Fondation ophtalmologique Adolphe-de-Rothschild, et chef du Laboratoirede recherches sur les lasers en ophtalmologie Trousseau-Rothschild. (Sonadresse : Fondation Adolphe-de-Rothschild, 25-29, rue Manin, 75940 ParisCedex 19, France). Son mari, le docteur Jean-Jacques Aron, est professeurd'ophtalmologie à l'Université de Paris-Ouest, chef du service d'ophtalmologie àl'Hôpital américain de Paris et chef du même service à l'Hôpital Ambroise-Paré. 225

§ Le laser se répand<•7» Les domaines actuels d'application des lasers sont immenses et s'accroissent*- chaque jour : soudure, forage, durcissement de surface, tunnellisation, pro-S duction de plasmas, séparation isotopique, télécommunications, illuminationtí des spectacles au théâtre ou dans les boîtes de nuit, enregistrement optique,§ photochimie, spectroscopie, expériences de fusion nucléaire, et aussi en

< médecine, qu'il s'agisse de recherches hématologiques, de chirurgie etQ surtout d'ophtalmologie ; le public peut voir divers rayons lasers dans les

expositions holographiques et dans certains spectacles. Les lasers ont aussides applications militaires de plus en plus étendues : télémétrie, chercheursde cibles, guidage de missiles, communications et autres équipements.

Ainsi, des individus de plus en plus nombreux, que ce soit dans l'industrie,les sciences, la médecine, le domaine militaire, ou m ê m e u n large publicrisquent d'être soumis à des radiations lasers au fur et à mesure que davan-tage de lasers sont produits et que leurs applications s'étendent. Et laprolifération d'instruments à laser augmente la fréquence du risque d'acci-dents par irradiation laser. M ê m e dans le domaine très limité des instrumentsà laser d'usage courant (totalement réservés à des professionnels spécialisésdans leur utilisation et au fait des dangers qu'ils représentent), il arrivechaque année de nombreuses expositions accidentelles, entraînant des lésionsdont certaines, en particulier dans le domaine de l'œil, peuvent être la causede dégâts irréversibles.

O n doit s'attendre à voir augmenter ces accidents professionnels à causede l'extension constante des applications des lasers, surtout dans le domainequi touche les lasers à haute énergie à rayonnement non limité à une seulelongueur d'onde — lasers à colorants (utilisés en aéronautique, météorologie,navigation, télécommunications) — et dans l'utilisation des lasers m ê m emonochromatiques, mais dont la « bande » se situe dans une longueurd'onde au-delà du spectre visible pour l'œil (infrarouge, ultraviolet).

O n peut penser d'ailleurs que dans une guerre, m ê m e conventionnelle, leschamps de bataille terrestres, navals ou aériens seront saturés de radiationslasers de longueurs d'onde multiples, ce qui rendra la protection préven-tive — surtout visuelle — aléatoire, sinon impossible, et, m ê m e si unecertaine prévention peut être imaginée dans le domaine civil, il sera difficilede lutter contre les applications militaires, car certaines lunettes de viséebinoculaires militaires augmentent la concentration d'énergie laser sur larétine.

Le laser et l'œil

L'œil est l'organe d u corps le plus accessible, donc le plus vulnérable pour lelaser ; sur la peau, qui est presque aussi accessible, les dangers immédiatsd'une irradiation par le laser sont mineurs comparés aux risques oculaires.Les lasers les plus couramment utilisés émettent dans le spectre visible etjusqu'aux zones voisines de l'infrarouge : leurs radiations électromagnétiques(faisceau de lumière cohérent) sont transmises et focalisées par le systèmeoptique de l'œil. L e faisceau est concentré sur une petite zone de la rétine,provoquant une concentration intense d'énergie à ce niveau. C'est cettegrande concentration d'énergie qui va provoquer des lésions de la rétine etéventuellement des tissus avoisinants.

226 Si une telle source de laser est directement regardée par l'œil, l'œil fixant

avec la fovéa* concentrera sur ce point de la rétine l'énergie du rayon laser, •-et la lésion, bien que de surface minime, entraînera une réduction définitive -|de l'acuité visuelle1. G

U n rayon laser situé dans l'ultraviolet ou l'infrarouge, c'est-à-dire dans j¿une zone du spectre à mauvaise transmission par le dioptre oculaire, pourra §*entraîner des lésions de la cornée et, à un plus faible niveau, du cristallin. ^

Les lésions produites par un rayon laser ne dépendent pas seulement de la "place sur le spectre (longueur d'onde) et du niveau d'énergie, mais aussi de la •£géométrie du rayon, de la distribution spatiale de l'énergie dans le rayon ului-même, du diamètre de l'image du rayon sur la cible, du m o d e d'émission gpuisé ou continu, m o n o m o d e ou multimode, du temps d'exposition et du gpulse repetition rate, c'est-à-dire de la fréquence de pulsion. |

C'est de tous ces facteurs réunis qu'il faut tenir compte lorsque l'on essaied'apprécier les risques d'accidents oculaires d'un instrument à laser.

Les facteurs oculaires jouent u n rôle, mais moindre : ils modulent lagravité de l'accident possible. C e sont le diamètre pupillaire, le degré depigmentation indienne ou rétinienne, la réfraction.

Les brûlures rétiniennes sont dues à la transformation en chaleur del'énergie lumineuse d u laser par absorption au niveau de l'épithélium pig-menté de la rétine. L'énergie absorbée au niveau de la choroïde est plusfaible. L'énergie ainsi transformée en chaleur par l'épithélium pigmenté vaprovoquer des lésions thermiques sur celui-ci et les structures adjacentes. Sil'élévation thermique est suffisamment rapide et élevée, une onde choc sedéveloppera, adjoignant aux lésions thermiques des lésions mécaniques. Leslasers puisés ultrarapides provoquent sans doute des lésions destructrices parproduction très brève d'un c h a m p électrique de haute tension. D ' u n emanière générale, pour une énergie donnée, plus la pulsion laser est brève,plus la lésion engendrée est importante.

Laser et lésions oculaires

Quelles sortes de lésions peut-on provoquer avec les lasers ?Les lésions les plus légères se traduisent par des altérations mineures de la

perception colorée bleu-jaune, et/ou par des lésions paucicellulaires seule-ment décelables au microscope électronique.

Pour des énergies plus importantes, on observe une baisse de l'acuitévisuelle et des lésions décelables à l'examen du fond d'œil (ophtalmoscope),tache grise rétinienne centrée par une zone de tissu coagulé de plusieursmicrons et entourée d'une aréole œdémateuse.

Plus l'énergie est élevée, plus la coagulation des tissus sera intense, etl 'œdème avoisinant sera plus étendu, pouvant aboutir à de véritables décolle-ments de rétine par œ d è m e .

U n e autre sorte de lésion s'observe avec les lasers puisés à partir de lamilliseconde ou encore plus rapides. C e sont les ruptures de la m e m b r a n echoriocapillaire et de la lame élastique de Bruch (tissus sous-jacents à larétine), provoquant ainsi des hémorragies intrarétiniennes qui peuventdiffuser dans le corps vitré.

* Fovéa : tache jaune. L a rétine comprend deux sortes de cellules visuelles :à) les cônes, concentrés au niveau de la fovéa, qui sont responsables de la visionquantitative, donc de l'acuité visuelle ; b) les bâtonnets, répandus dans le restede la rétine et réservés à l'adaptation. 2 2 7

o Les symptômes subjectifs de ces lésions seront des troubles de la vision< des couleurs, scotomes, baisse de l'acuité visuelle temporaire ou permanente.<-p L e s lésions cornéennes p r o v o q u é e s pa r les lasers travaillant d a n s l'ultraviolet"- o u l'infrarouge p e u v e n t aller d e l'abrasion épithéliale à la destruction d eS l ' endothél ium co rneen avec opacités définitives et dystrophies œ d é m a t e u s e s

Pi d e la cornée . ( H s'agit d e lésions organiques d u e s à la disparition des cellulesg endothéliales de la cornée, qui fait que l'humeur aqueuse pénètre dans la

<î cornée et la rend œdémateuse).

QLa sécurité et la législation

C'est ainsi que beaucoup de pays ont une législation stricte pour l'usage desinstruments à laser afin d'assurer la sécurité des utilisateurs et de prévenir lesexpositions accidentelles ; malgré cela, on réalise tous les jours que cesréglementations ne couvrent pas toutes les possibilités accidentelles. Parexemple, des lésions rétiniennes minimes finissent par s'observer sur lesyeux exposés à des radiations lasers répétées de très basses énergies (théâtres,music-hall). Cela est d'ailleurs en accord avec les lésions rétiniennes causéespar des sources lumineuses non cohérentes de lumière très vive, et leproblème actuel est de mettre au point des tests de détection pour déterminerle « seuil de lésion possible » pour chaque type de laser et quels sont lesphototraumatismes rétiniens acceptables ou dangereux. C e n'est pas évident,car les expériences sont conduites surtout sur des singes et ce qui est vraipour leur rétine ne l'est pas forcément pour la rétine humaine.

Chaque fois que cela est possible, les systèmes lasers doivent être parfaite-ment clos, évitant ainsi toute fuite possible de rayonnement. Pour les systèmeslasers ouverts, il faut choisir les lasers dont les dangers pour l'œil sont les plusréduits, à savoir ceux qui travaillent dans l'infrarouge et au-delà, et dans tousles cas protéger l'œil, en particulier quand on travaille avec u n laser àlongueur d'onde (X) invisible (c'est-à-dire supérieure à 6 400 Â ) .

Mais il faut savoir qu'assurer la protection de l'œil en radiation m o n o -chromatique (c'est-à-dire quand le laser travaille sur une seule longueurd'onde d u spectre) est facile. E n revanche, pour les lasers à colorantstravaillant sur longueurs d'onde multiples, il n 'y a pas de solution vraie deprotection, car toutes les protections actuelles jouant sur plusieurs longueursd'onde à la fois sont telles qu'elles empêchent carrément l'opérateur d'y voirclair, donc d'accomplir sa tâche. Ainsi, pendant que les physiciens et lesconstructeurs ingénieurs essaient de répondre à u n certain nombre deproblèmes sur les lasers, les ophtalmologistes, eux, doivent étudier certainsaspects de l'utilisation des lasers et leurs applications.

N o u s ne disposons actuellement d'aucune méthode clinique pour diagnos-tiquer les lésions au laser infracliniques non visibles en ophtalmoscope ; lapathogénie et les complications des lésions supraliminaires sont elles-mêmesimparfaitement connues.

Quelques avantages du laser

II y a peu de recherches en cours sur le traitement des traumas oculairesinduits par laser ; tout est interprété par parallélisme avec la traumatologieoculaire classique, ce qui ne constitue pas forcément la meilleure approched u problème. L a plupart des ophtalmologistes ont l'habitude des accidents

228 causés par les lasers utilisés en ophtalmologie, et non de ceux provoqués

. 2B

par les autres lasers. C'est pourtant — puisque l'œil est très exposé — auxophtalmologistes de contribuer à étudier les risques oculaires de chaqueapplication de chaque laser. C'est pour cela qu'il est indispensable de créerdes équipes mixtes ophtalmologiques et physiciennes pour éviter les paniques Jinutiles et dramatiques, telles que celles qui entourent l'utilisation de §*l'énergie nucléaire, et aussi pour trouver les meilleures applications des ^lasers. "

Les lasers trouvent actuellement des indications de plus en plus étendues •"non seulement en chirurgie ophtalmologique, mais dans toute une série Sd'autres spécialités. N o u s ne parlerons ici que des lasers ophtalmologiques. 3

E n ophtalmologie, les lasers peuvent être utilisés soit pour couper u n «tissu, soit pour brûler, en formant ainsi une cicatrice le plus souvent "adhérente2. L e premier laser utilisé en ophtalmologie a été le laser au ^ 'rubis (X : 5 600 Â ) . Il avait pour but de coaguler choroïde et rétine, de jfaire cicatriser une déchirure rétinienne sans entraîner de lésions dela cornée, d u cristallin ou d u corps vitré. E n effet, le faisceau parallèle etcohérent de lumière rouge se transforme, au niveau des couches noires(epithelium pigmenté) de la rétine et de la choroïde, en chaleur qui brûleet coagule les tissus visés. Cela explique l'intégrité des milieux non pig-mentés traversés et le fait que l'interposition de liquide dans la rétine(décollement) séparant la rétine de l'épithélium pigmenté empêche lachaleur dégagée par ce dernier d'arriver jusqu'à la rétine et donc de pro-voquer une cicatrice adhesive par coagulation.

L e laser a des avantages considérables sur le photocoagulateur au xénonqui le précédait : spot de coagulation rétinien plus petit, élimination desélévations thermiques dans les milieux transparents de l'œil traversés parle rayon lumineux, temps d'exposition très bref qui permettent une simpleanesthésie de surface par collyre et réduisent la quantité d'énergie thermiquerépandue dans la choroïde.

Les lasers au rubis et à l'argon émettent tous deux dans le spectre visibleet sont ainsi sélectifs pour les tissus pigmentés : le laser à l'argon a cependantl'avantage d 'un impact plus petit et plus concentré, qui permet les coagu-lations discrètes de la région maculaire, et surtout parce que, travaillantdans le bleu vert, il a u n effet accru sur les structures vasculaires et voitson énergie mieux absorbée par les tissus et le sang. Les applicationsophtalmologiques d u laser à l'argon comprennent toutes les lésions dégéné-ratives de la périphérie rétinienne — déchirures incluses — à conditionqu'il n 'y ait pas de décollement de rétine (c'est-à-dire qu'aucun liquide nes'interpose entre rétine et couches pigmentées), les lésions maculairesdégénératives ou inflammatoires, les rétinopathies diabétiques, les néo-vascularisations rétiniennes quelles que soient leurs etiologies. O n utiliseaussi les lasers à l'argon sur les tissus pigmentés du segment antérieur del'œil, en particulier dans le traitement de certains glaucomes, mais l'élévationthermique dans la chambre antérieure de l'œil n'est pas toujours sansinconvénient.

Quelques caractéristiques supplémentaires

Les lasers au néodyme-Yag (Nd Y A G ) et au carbone dioxyde (CO 2 )émettent tous les deux dans l'invisible (infrarouge) du spectre3. Jusqu'àprésent, ils sont utilisés avec un système indicateur visible (tel le laser àl'hélium-néon), qui émet un rayon rouge — contrairement aux lasers qui 229

g travaillent dans le spectre visible, les rayons lasers infrarouges seront< absorbés par tous les tissus, transparents ou non, pigmentés ou non. L e-p rayon au C O 2 émet une énergie lumineuse totalement absorbée par l'eau"^ et par tous les tissus vivants qui contiennent 90 % d'eau4.S E n principe, le pouvoir de coupe d'un rayon laser est proportionnel àc4 son coefficient d'absorption dans l'eau. Plus celui-ci est élevé, plus il yg aura de vaporisation et d'évaporation tissulaire. A u contraire, plus un

< rayon laser a u n pourcentage faible d'absorption par les tissus, plus ceQ rayon sera pénétrant et pourra être à l'origine de destruction des couches

tissulaires les plus profondes, avant que la vaporisation du tissu visé nesoit complète.

L e laser au néodyme-Yag possède une absorption moins élevée dansl'eau et une transmission plus grande que le laser au C O 2 , il a donc dansles conditions classiques d'utilisation une efficacité de coupe moindreque le C O 2 , mais pénètre dix fois plus profondément les tissus. D'autrepart, bien qu'émettant dans l'infrarouge il est influencé par la teinte de lazone visée et a un pouvoir hémostatique très supérieur au laser au C O 2 ,mais moindre que celui du laser à l'argon. D o n c , théoriquement, les lasersau C O 2 devraient avoir u n avenir dans la chirurgie d u segment antérieurde l'œil (cornée, cristallin, iris et corps vitré). L'équipe de Karlin5 ad'ailleurs déjà pratiqué des incisions de sclère, de cornée et de cristallinsur des yeux cadavériques et entrevoit ses applications dans les biopsieschoriorétiniennes transvitréennes — la chirurgie du corps vitré et d ucristallin. Elle a démontré que le laser au C O 2 avait u n m a x i m u m d'effetau point d'application et n'entraînait pratiquement aucune lésion des tissusadjacents. O n peut aussi envisager les applications des lasers au C O 2 pourles dissections sclérales au cours des opérations filtrantes des glaucomes.Il semble d'ailleurs que les lasers superpuisés rapides fassent moins dedégâts que les lasers à m o d e continu.

Les avantages du « couteau ou bistouri laser au C O 2 superpuisé » enchirurgie sont nombreux : ni sang ni instrument dans le c h a m p opératoire ;pas d'introduction d'instruments tranchants à l'intérieur de l'œil ; inhibitiondes cicatrices adhérentes et chéloïdes au bord des incisions à cause de lacoagulation tissulaire immédiate du bord de la plaie par le laser ; enfin,rôle antibactérien de l'effet de la coupure thermique.

L'efficacité et l'insuccès

Encore plus intéressantes sont les applications à la vitrectomie et à la thermo-kératoplastie des lasers au C O 2 . U n « couteau » laser au C O 2 peut vaporiserle vitré sans traction aucune sur la rétine, et avec une élévation thermique sifaible qu'elle reste bien au-dessous du seuil de danger pour la rétine pourdes distances supérieures à deux millimètres du centre du faisceau.

E n revanche, pour la kératoplastie au laser au C O 2 (tel qu'il est conçuactuellement), il y a peu d'avantages puisque le m a x i m u m d'élévationthermique se fait au point d'impact, donc, pour une section cornéenne, surcelle-ci m ê m e , provoquant des lésions du collagène, du stroma, ce qui esttout à fait indésirable dans les greffes de cornée.

O n a également tenté, sans succès, de pratiquer des modifications durayon de courbure cornéenne chez le lapin : échec complet, car la cornéereprend sa forme initiale en cicatrisant.

230 Les lasers au C O 2 sont aussi en cours d'expérimentation pour pratiquer

2|

des photocautérisations rétiniennes. Les expériences sur l'animal (Miller)6 •-ont montré que 99 % de l'énergie d u laser était absorbée à une profondeur - |de 46 microns, permettant ainsi l'occlusion des gros vaisseaux rétiniens d u Blapin sans abîmer les structures adjacentes. Les premières photocoagula- j |tions intraoculaires chez des patients atteints de rétinopathie diabétique §•très proliférante avec hémorragies vitréennes ont été satisfaisantes. E n ^revanche, le laser au C O 2 reste inefficace dans le traitement des néo- "vascularisations de l'iris. .g

CO

De la théorie à ia pratique §

Les appareils précités voient leur efficacité basée sur l'absorption des tissusà leur longueur d'onde d'émission; l'énergie que leur rayonnement cèdeà la matière est convertie en chaleur : c'est u n effet thermique. L e chirurgienqui pratique des incisions au m o y e n d'un laser au C O 2 l'utilise u n peu à lamanière d'un chalumeau oxycoupeur ou d'un bistouri électrique. L a voieplus inusitée qu'utilise l'équipe Aron-Griesmann est basée sur le principesuivant : dépôt d'une quantité d'énergie minime ( 1 3 5 millijoules) en destemps très brefs (quelque io~8 s — 10 à 20 milliardièmes de seconde) surune surface de 40 microns de diamètre7. L a densité de puissance lumineuserégnant en ce point est de 40 gigawatts par centimètre carré. Elle est suffi-sante pour provoquer la dissociation des atomes en noyaux et électrons d useul fait d u c h a m p électrique ainsi induit ; c'est le claquage électrique froidbien connu des isolants électriques. Cet effet est indépendant de la longueurd'onde d u rayon laser utilisé. O n peut le comparer à celui d'une balle defusil par rapport au chalumeau. L e type de laser le mieux adapté à cetteopération est le laser au néodyme-Yag, fonctionnant en impulsions trèsbrèves.

Ainsi, contrairement au laser au rubis, le laser au néodyme-Yag couperaà la fois les tissus colorés, les tissus blancs et les tissus transparents. L eprincipe de l'utilisation de ce laser est le suivant : le faisceau irradiant dulaser ionise le tissu visé, provoquant la formation d'un écran de plasmacapital, car il va protéger les tissus alentour. L a formation d u plasma estsuivie d'une onde de choc hydrodynamique à la limite de la zone irradiée,qui provoquera ainsi, sans élévation thermique, la section d u tissu visé8.

Ainsi, en augmentant les effets mécaniques de l'onde de choc d u laser,en créant u n écran de plasma et en réduisant presque à néant les effetsthermiques, on peut sans danger éviter les accidents des lasers thermiqueset, sans aucune anesthésie, pratiquer une chirurgie endoculaire à globefermé.

L'utilisation de ce laser en est déjà au stade clinique et trouve ses appli-cations dans les sections de brides vitréennes, l'ouverture des capsules descristallins avant de poser des cristallins artificiels, l'ouverture de toutesles membranes obturantes intraoculaires quelles que soient leur couleur,le traitement des cataractes congénitales, les iridectomies pour glaucome.

Conclusions

Les avantages de cette technique sont considérables : pas d'ouverturechirurgicale de l'œil, traitement ambulatoire au cabinet de l'ophtalmolo-giste, aucune anesthésie locale ou générale.

Ainsi, les deux applications les plus récentes des lasers à l'ophtalmologie 231

§ sont : a) l'utilisation d'un rayon laser au C O 2 , employé c o m m e u n bistouri< hémostatique pour la chirurgie endoculaire à globe ouvert ; b) la m a x i m a -• 7 lisation des effets mécaniques avec neutralisation des effets thermiques des"2 lasers au néodyme-Yag puisés ultrarapides. Ces lasers permettent une| chirurgie endoculaire et la section froide, non coagulante, de n'importe

M quel tissu à l'intérieur de l'œil sans avoir à ouvrir celui-ci, ni à utiliser une§ quelconque anesthésie. •

QNotes

1. M . Landers, M . Wolbarsht et H . Shaw, « T h e current status of laser usage inophthalmology », dans : L . Goldman (dir. publ.), Third Conference on Laser,p . 230-244, N e w York, T h e N e w York Academy of Sciences, 1976.

2 . H . Freeman, O . Pomerantzeffet C . Schepens, « A n evaluation of the ruby laseras retinal coagulating sources », dans : H . Whipple (dir. publ.), The laser,P- 783-789, N e w York, T h e N e w York Academy of Sciences, 1965 ; L . Goldmanet R . Rockwell, Lasers in medicine, N e w York, Gordon and Breach Inc., 1971 ;H . Zweng, H . Little et A . Vassiliadis, Argon laser photocoagulation, Saint-Louis(États-Unis), C . V . Mosby, 1977 ; S . Podos, B . Kels, A . Moss et al,« Continuous wave argon laser iridectomy in angle-closure glaucoma »,American journal of ophthalmology, 1979, vol. 88, p . 836 ; P . Lee, « Argon laserphotocoagulation of the ciliary processes in cases of aphakic glaucoma »,Arch, ophthalmology, 1979, vol. 97, p . 2135.

3. I. Kaplan, U . Sharon et R . Ger, « T h e carbon dioxide laser in clinical surgery »,dans : M . Wolbarsht (dir. publ.), Lasers application in medicine and biology,vol. 2 , p . 302, N e w York, Plenum Press, 1974 ; E . Karbe, R . Beck, W . Englishet al., « Experimental surgery with neodymium holmium, C O and C O 2 lasers »,dans : I. Kaplan (dir. publ.), Laser surgery, Proceedings of the first internationalsymposium on laser surgery, p . 174-177, Jérusalem, Jerusalem AcademicPress, 1976.

4 . R . Verschueren, The C O 2 laser in tumor surgery, Amsterdam, Van Gorcum,1976.

5. E . Karlin, C . Patel, O . W o o d et I. Llovera, « C O 2 laser in vitreoretinal surgery:I. Quantitative investigation of the effects of C O 2 laser radiation on oculartissue », Ophthalmology, 1979, vol. 86, p . 290.

6. H . Beckman et T . Fuller, « Carbon dioxide laser scierai dissection and filteringprocedure for glaucoma », American journal of ophthalmology, 1979, vol. 88,p . 73 ; M . Mainster, « Ophthalmic applications of infrared lasers, thermalconsiderations », Invest, ophihalmol. vis. sei., 1979, vol. 18, p . 414 ; G . Peyman,B . Larson, M . Raichand et A . Andrews, « Modification of rabbit cornealcurvature with use of carbon dioxide laser burns », Ophthalmic surgery, 1980,vol. 11, p . 325 ; J. Miller, M . Smith, F . Pincus et M . Stocken, « Intraocularcarbon dioxide photocautery: I. Animal experimentation », Arch, ophihalmol.,I979J vol. 97, p . 2157 ; J. Miller, M . Smith et D . Boyer, « Intraocular carbondioxide laser photocautery: II. Preliminary report of clinical trials », Arch,ophthalmol., 1979, vol. 97, p . 2123.

7. D . Aron-Rosa, J.-J. Aron, M . Griesemann et R . Thyzel, « Use of theneodymium-Yag laser to open the posterior capsule after lens implantsurgery: a preliminary report », American intraocular implant social journal, 1980,vol. 6, p . 352-354 ; D . Aron-Rosa et J. Griesemann, « Utilisation des effetsmécaniques des lasers Yag par neutralisation de leurs effets thermiques.Applications : sections des membranes néofonnées intraoculaires », Cliniqueophthalmologique, 1980, vol. 3, p . 47-59.

8. D . Aron-Rosa et al., op. cit. ; D . Aron-Rosa et M . Griesemann, op. cit.

232

oo

o

Un spécialiste d'Asie du Sud décrit ici un curieux dysfonctionnement qui se omanifeste chez des adolescents ou chez de jeunes femmes, le plus souvent Q ,dam les pays occidentaux industrialisés — la maladie est étayée par une £vision déformée du corps, de son volume et de ses proportions.

Un cas curieux :l'anorexie mentale

Buddhadasa Bodhinayake

L'auteur a collaboré à notre série de publications sur « L'utilisationrationnelle des ressources sanitaires » (Impact : science et société, vol. 25 ,n" 3,1975). N é à Sri Lanka, le docteur Bodhinayake est actuellementpsychiatre consultant au Warley Hospital, War ley Hill, Brentwood CM14 5HQ(Royaume-Uni), où il se spécialise dans la médecine de Vadolescence.Téléphone : Brentwood 213241. 233

M Introduction

I2 L'anorexie mentale est une maladie énigmatique dont souffrent surtout*o les adolescentes du m o n d e occidental. E n effet, la proportion sexe masculin /™ sexe féminin, chez les personnes atteintes, varie de i pour ro à I pour 201 .S Dans le tiers m o n d e , c'est un diagnostic encore peu fréquent, jusqu'à pré-jS sent du moins, par opposition à la situation en Occident. Ainsi, on constate? qu'au Royaume-Uni cette maladie, sous sa forme grave, frappe environM une adolescente sur 200 dans le secteur de l'enseignement privé (fréquenté

par les classes sociales supérieures) et une sur 330 dans le secteur de l'ensei-gnement public2, tandis qu'en Suède on compte un cas grave pour 150 adoles-centes3. C e type de maladie est encore rarement diagnostiqué à Sri Lanka,où se développe une population adolescente fort nombreuse, puisque, surles 14 millions d'habitants, 45 % environ ont moins de dix-huit ans4.E n 1978, M . Roland Moyle, ancien ministre de la santé, citant les statis-tiques concernant la mortalité imputable à l'anorexie mentale, a indiquéqu'au cours des cinq années précédentes cette maladie avait causé le décèsde 21 à 26 personnes par an ; A . H . Crisp, de la St. George's Medical Schoolde Londres, met en question la pertinence de ces chiffres, relativementfaibles ; selon lui, en effet, le nombre des décès enregistrés peut induire enerreur, d'abord parce que la mort ne se produit qu'après cinq ans de maladieou plus, ensuite parce que le décès est rarement attribué à l'anorexie mentale,étant donné que les victimes parviennent souvent à masquer leur étatjusqu'à la dernière extrémité.

Quelle que soit l'exactitude des statistiques concernant le coefficientde létalité de l'anorexie mentale dans les sociétés où elle sévit, les pouvoirspublics reconnaissent qu'elle est de plus en plus fréquente5 et qu'elleentraîne de terribles souffrances pour des milliers de malades et leursproches.

Pourquoi l'anorexie mentale est-elle si c o m m u n e dans le m o n d e occidentalet pourquoi frappe-t-elle davantage les classes sociales supérieures" ?C'est une question sur laquelle nous reviendrons plus tard.

Comment diagnostiquer l'anorexie mentale?

Parmi les manifestations cliniques de l'anorexie mentale, on citera :

L'aménorrhée, ou arrêt de la menstruation normale. L'aménorrhée est undes premiers symptômes et précède quelquefois la perte de poids ; ellepersiste souvent, parfois plusieurs années7. D'après des spécialistes, l'absencede menstruation doit se prolonger au moins trois mois pour pouvoir étayerle diagnostic d'anorexie8. Chez l ' homme, les symptômes équivalents sont lemanque d'intérêt sexuel et l'impuissance.

La suppression des aliments jugés engraissants. C'est un comportementdélibéré du malade, qui parfois emploie aussi d'autres moyens pour perdredu poids : se faire vomir, prendre des purgatifs, s'imposer un exercicephysique excessif.

La perte de poids. C o m m e Daily l'a fait remarquer, cette perte doit repré-senter au moins 10 % du poids. Frisch a montré que le poids constitue au

234 moins l'un des facteurs déterminants de la puberté physiologique puisque,

au m o m e n t de la première menstruation, dans une population féminine •§normale, le poids se situe autour de 46,500 kg9. Les cliniciens ont été frappés Spar le fait que de nombreux sujets souffrant d'anorexie mentale refusent de Ss'imaginer pesant plus de 42 kg10. •«

gLes caractéristiques psychologiques. Gerald Russell — un des spécialistes Ü

mondiaux faisant autorité en ce domaine — cite dans un commentaire T.(en 1970) sur les traits psychologiques de cette maladie : « U n e crainte gmorbide de grossir ; la peur de ne pouvoir maîtriser son appétit ; une •£appréciation faussée des besoins alimentaires ; la perte de l'image corpo- "relie — phénomène que, dès 1972, Hilde Bruch a proposé de classer parmi gles symptômes pathognonomiques, c'est-à-dire caractéristiques de la cmaladie considérée11. »

Troubles de l'image corporelle

D'après Schilder*, l'image corporelle est « la représentation psychique quele sujet se fait de son propre corps, c'est-à-dire la manière dont notre corpsest perçu par nous-même ». Jusqu'en 1973, P e u d'études expérimentalesavaient été effectuées pour vérifier l'hypothèse de Bruch selon laquelle l'imagecorporelle est nettement perturbée dans le cas de l'anorexie mentale ; c'estalors que Russell et Slade ont confirmé, dans une série d'expériences devenueclassique, l'existence de cette vision déformée en utilisant une toise lumi-neuse et ont montré, en outre, que cette déformation ne s'applique paségalement à toutes les parties du corps12.

Dans leur première étude, Russell et Slade ont comparé un groupe d'ano-rexiques avec un groupe témoin de femmes normales ; contrairement à cesdernières, les patientes atteintes d'anorexie mentale surestimaient nettementla largeur de leur propre corps et, en particulier, celle de certaines parties :le visage, la poitrine, la taille et les hanches. L a distorsion la plus fréquenteétait celle de la largeur du visage. Les chercheurs, ayant songé que cettedéformation de l'image corporelle pouvait se rattacher à un trouble perceptifplus général (plutôt qu'être une fonction particulière d'une perceptionfaussée du volume du corps), ont effectué une série de tests supplémentairesprouvant que cette tendance ne se manifestait pas pour la perception desobjets physiques.

Les résultats d'une deuxième étude expérimentale de Russell et Slade ontmontré que la surestimation de la largeur du corps était moins forte quelorsqu'on demandait aux patientes d'évaluer les dimensions d 'un modèleféminin. E n outre, on a constaté que ces patientes pouvaient évaluer avecune précision remarquable la taille des modèles et de leur propre corps.

Russell et Slade ont procédé à une troisième analyse qui s'est révélée plusintéressante encore : étudiant les effets de l'alimentation sur l'image exagé-rément large de leur corps que se représentent les patientes, ils ont constatéque cette tendance s'atténue à mesure que les patientes prennent du poids.

Dans u n editorial publié en 1977 dans Psychological medicine, Russell,résumant les progrès accomplis récemment dans l'étude de l'anorexie m e n -tale, note à juste titre : « L e paradoxe est que la prise de poids diminue lapropension de la patiente à s'imaginer qu'elle est obèse. »

* Paul Shilder (18S6-1940) : psychiatre austro-américain. 235

JA L'auteur cite une autre de ses études expérimentales où il s'est avér飕 que les anorexiques, contrairement aux sujets normaux, modifient leur ali-•J mentation en fonction de la représentation qu'elles se font de leur corps ;"o si on leur fait croire qu'elles ont pris du poids, elles mangent moins, et inver-™ sèment. Russell conclut : « Dans l'anorexie mentale, l'absorption de nour-8 riture dépend excessivement de l'idée que les patientes ont du volume deS l é i é dé fé i l ld iJSJS leur corps, cette représentation étant déformée puisque la malade se voit

5 toujours trop grosse ; en conséquence, elle s'affame pour tenter de retrouverdes proportions à ses yeux plus normales. Toutefois, le jeûne et la perte depoids peuvent accentuer la déformation de l'image de soi. Tel est le cerclevicieux qui permet à l'anorexie mentale de se perpétuer. »

Histoire de l'anomalie

Q u ' u n état d'esprit morbide contribue au maintien de cette maladie, c'étaitune évidence pour les premiers médecins qui l'ont décrite. William Gull,médecin du Guy's Hospital de Londres, qui (parallèlement à CharlesLasègue, psychiatre de l'hôpital de la Pitié à Paris) décrit cette maladie telleque nous la connaissons aujourd'hui, fait les remarques suivantes sur l'étatd'esprit de la jeune anorexique : il est bien connu que les humeurs peuventfaire perdre l'appétit et l'on admettra que les jeunes femmes, aux âges enquestion, sont particulièrement sujettes aux dérèglements psychiques13.

Gull a d'abord appelé cette maladie apepsia hysterica, puis a préféré len o m d'anorexia nervosa (anorexie mentale). Lasègue l'appelait anorexiehystérique. L e premier tableau clinique détaillé de l'anorexie mentale,datant de 1689, est dû à Richard Morton, qui l'appelle nervous atrophy,citant le cas d'une fille et d'un garçon14. L a primeur en est aujourd'huicontestée par H . G . Morgan, qui affirme qu' « il existe une descriptionantérieure, jusque-là méconnue, faite par Pedro Mexico en 1613 ; il s'agitd'une jeune Française manifestant u n syndrome qui apparaît c o m m e étantcelui de l'anorexie mentale. U n e jeune fille, du n o m de Jane, après un épisodeconfusionnel accompagné de fièvre qui dura quelques jours, se détourna dela nourriture. L a perte d'appétit persista trois ans, provoquant un amaigris-sement extrême de l'abdomen, mais sans atrophie des seins. Cela entraînaaussi la disparition des menstrues15. Mexico lui-même n'a peut-être pasété le premier à décrire l'anorexie mentale puisqu'on trouve apparemmentune référence à cette maladie chez Galien, médecin grec du 11e siècleaprès J . - C , et plus certainement encore dans les œuvres de Soranus,médecin romain, qui a écrit : « L'anorexie frappe le plus souvent les femmessouffrant d'aménorrhée16. »

Caractéristiques physiques de la patiente

O n a déjà indiqué la perte de poids et l'aménorrhée. E n outre, la patientedéploie une grande activité, de façon caractéristique, malgré une importanteperte de poids ; on constate également une bradycardie (ralentissement durythme cardiaque), de l'hypotension des mains et des pieds bleus (glacés)et des œdèmes des extrémités — en particulier au début de la réalimentation,sans doute en raison de troubles électrolytiques.

236

Anomalies biochimiques ü

i. O n observe une diminution du métabolisme de base, qui, naturellement, Bremonte pour un temps après u n repas copieux. - |

2 . Les taux urinaires de gonadotrophines et d'oestrogènes (hormones gstimulant les glandes sexuelles) sont faibles chez les patientes amaigries, gde m ê m e que les taux urinaires de gonadotrophines et de testosterone 71chez les hommes 1 7 . D e façon analogue, les taux plasmatiques de gonado- Ptrophines baissent lorsque le poids est faible. C o m m e nous le verrons -nplus loin, tous ces taux remontent lorsque le poids augmente à la suite 3d'un traitement. g

3. Les taux d ' A C T H et de cortisol peuvent augmenter16. a4 . L e taux de l'hormone de croissance s'accroît19.5. L'hypocalcémie (insuffisance du taux de calcium sanguin), qui pro-

voque des crises de tétanie à cause de Palkalose, peut se rencontrer, accompa-gnée d'autres effets divers (certains spasmes musculaires), notamment lafaiblesse musculaire et les modifications électrocardiographiques.

6. L a glucosurie (c'est-à-dire la présence de sucre dans les urines) apparaîtdès la réalimentation.

7. Les injections de glucose par voie intraveineuse provoquent uneimportante réponse insulinique — caractéristique que l'on a retrouvée éga-lement chez u n groupe de patients obèses cliniquement.

8. U n e forte urémie (l'urée est le principal poison éliminé par les reins)apparaît en particulier lors de la réalimentation et lorsque se produit unediminution de la clearance rénale*, imputable à un mécanisme indéterminé.

9. L'hypercholestérolémie que l'on trouve parfois est attribuée à unesuralimentation intermittente20.

10. L a caroténémie peut résulter d'une consommation excessive decarottes et d'épinards, qui provoque un stockage de vitamine A dans le foie.

Quelles sont ¡es causes de l'anorexie mentale?

L a réponse la plus raisonnable à cette question est que les causes de l'anorexiementale restent inconnues — bien que l'on ait accumulé ces dernièresannées une masse d'informations concernant les aspects endocriniens de lamaladie.

Les causes psychologiques du mal sont restées dans l'ombre jusqu'en 1949 ;cette année-là, Sheehan et Summers ont fait part de leurs découvertessur une série de patients, post mortem, qui avaient souffert d'une atrophiede la glande hypophysaire sans mise en cause de l'hypothalamus**. Leurconclusion était que l'amaigrissement pathologique n'est pas régulièrementassocié à ces types de lésion. U n e conception erronée avait prévalu, jusque-là,selon laquelle l'atrophie hypophysaire était une cause de l'émaciation dansl'anorexie mentale. Il est probable que de nombreux cas avaient été traitésavec des extraits hypophysaires et des implants sans qu'il fût prêté attentionaux facteurs psychologiques.

* T a u x d'élimination naturelle de l'urée et d'autres produits par le rein.** L'hypothalamus est la partie d u prosencéphale qui contrôle le système nerveux

végétatif ; ce dernier régit le fonctionnement (involontaire) des principauxorganes et constitue la base physique de nos émotions. 2 3 7

& Russell a émis l'hypothèse que l'anorexie mentale est partiellement dueg" à u n dysfonctionnement de l'hypothalamus, ce qui est étayé par u n certainj5 nombre d'études21. A cet égard, il faut citer :"o L a similitude entre les lésions expérimentales de l'hypothalamus et les^ traits cliniques de l'anorexie. Chez le rat, ces lésions provoquent u n refus« de nourriture et d'eau et perturbent la fabrication œstrogénique, l'ovu-J3 latioh et l'accouplement22. Dans l'hypothalamus, la destruction des noyaux? latéraux de l'appétit entraîne un refus de nourriture, tandis que la destruc-m tion des noyaux médioventraux provoque une suralimentation et freine

l'activité physique, ce qui conduit à l'obésité.Les m ê m e s aires de l'hypothalamus régissent l'alimentation, le compor-

tement sexuel et le cycle menstruel23.Les tumeurs de l'hypothalamus produisent des syndromes semblables à

celui de l'anorexie mentale24.Les manifestations hormonales constituent l'indication la plus probante

que l'hypothalamus joue u n rôle dans l'anorexie mentale. Avec le retourà u n poids normal, les taux urinaire et sanguin des gonadotrophines aug-mentent progressivement, mais ne connaissent pas immédiatement lesfluctuations cycliques qui annonceraient la réapparition de menstruesrégulières25.

O n pense que le traitement au clomiphène antiœstrogène, utilisé pour aug-menter la fertilité chez les femmes, agit en inhibant les effets de rétroactionnégative des œstrogènes sur l'hypothalamus : l'éthinyl œstradiol (œstrogènede synthèse absorbé par voie orale) agit en provoquant une rétroactionpositive qui n'est manifeste qu'après trois jours de traitement — unerétroaction négative restant prédominante pendant la période d'adminis-tration du médicament. L a recherche a montré que, malgré le prompt retourdes effets de rétroaction négative, une rétroaction positive provoquée à lasuite de trois jours de traitement à l'éthinyl œstradiol ne se produit que chezun faible pourcentage de patientes26. Russell résume la question en cestermes : « Les troubles endocriniens spécifiques de l'anorexie mentale nedépendent qu'en partie de l'amaigrissement de la patiente et sont dus à uneanomalie plus durable de l'hypothalamus27. »

Déséquilibre hydrique des patientes

O n constate chez les patientes une régulation thermique défectueuse. Cetterégulation redevient normale lorsque le poids est pleinement rétabli28.Considérant ces facteurs endocriniens, H . G . Morgan estime que « les causespsychologiques sont prépondérantes dans l'anorexie mentale, bien que l'onne puisse exclure absolument l'intervention de facteurs endocriniens ».A u x yeux du profane, ces deux opinions — c'est-à-dire le rôle essentiel del'hypothalamus et le caractère prépondérant des causes psychologiques —peuvent sembler extrêmement divergentes. Il n'en est rien, cependant, caron sait aujourd'hui que les facteurs psychologiques influent profondémentsur les fonctions endocriniennes29.

Endocrinologie de la maladie

L a fonction endocrinienne dans l'anorexie mentale a fasciné médecins etpsychiatres pendant des dizaines d'années. Sans vouloir entrer dans tous lesdétails de la recherche, il m e faut cependant en mentionner certains aspects,

238 et notamment retracer l'histoire de la théorie.

Sheldon a suggéré que l'anorexie mentale était une forme d' « hypopi- -^tuitarisme fonctionnel30 ». Sheehan et Summers 3 1 ont infirmé, cette hypothèse gen montrant que le panhypopituitarisme décrit précédemment par S immonds Ëne s'accompagnait que rarement d'un amaigrissement pathologique. D'autres -gchercheurs ont souligné que les patients, du moins au début de l'anorexie "mentale, sont hyperactifs, tandis que les sujets atteints de panhypopitui- §tarisme sont léthargiques32. Bliss et Migeon ont découvert que les fonctions 7!thyroïdiennes et corticosurrénales ne sont pas diminuées c o m m e dans le %panhypopituitarisme33. E n outre, ainsi qu'on l'a déjà dit, le rôle de l'hypo- -Gthalamus dans l'anorexie mentale est aujourd'hui largement admis. 3

Ces dernières années, une relation éventuelle entre la prolactine et l'ano- grexie mentale a fait l'objet de débats passionnés. L a prolactine, sécrétée par ala posthypophyse, est sous la dépendance de l'hypothalamus34. L e principalfacteur déterminant la production de la prolactine est le prolactin inhibitingfactor (PIF), qui se rattache (sans lui être identique) à la dopamine. Certainssignes prouvent que la sécrétion de prolactine est favorisée par la substancenaturelle appelée T R F * .

M a w s o n a étudié la neuropharmacologie des mécanismes centraux del'appétit en ce qui concerne l'anorexie mentale : la satiété est provoquée pardes mécanismes cholinergiques, tandis que l'appétit dépend de mécanismesnoradrénaline/dopamine35. Dans l'anorexie mentale, on suppose qu 'unépuisement du système noradrénaline/dopamine aboutit à une prédominancecholinergique — d'où une augmentation du taux de prolactine. Cependant,Mecklenburg a découvert que ces taux de prolactine restent normaux chezquatre patients sur cinq36.

Williams considère que la persistance de l'aménorrhée chez certainesconvalescentes ayant repris u n poids normal peut être imputable à la chlor-promazine que leur organisme continue de produire et qui relève le taux deprolactine, c o m m e on l'a vu précédemment.

Quels sont les traits psychodynamiques marquants?

Selon Crisp, les facteurs psychologiques ci-après sont à l'œuvre dans l'ano-rexie mentale :Les patients sont incapables d'accepter une prise de poids normale ; c'est

ce qu'on appelle la phobie du poids.Les patients ne peuvent admettre non plus les modifications sexuelles

normales de la puberté.Leur mère, hyperprotectrice, les nourrit trop et, ce faisant, rend peut-êtrepossible un développement accéléré lors de l'adolescence. Bruch pensequ ' « elle souffre parfois d'hyperanxiété et de sentiments exagérés d'insécuritéqu'elle communique éventuellement à sa fille ou à son fils ; elle les surali-mente, par réaction contre u n désir de les rejeter ; parfois, elle aurait préféréavoir u n garçon ou souhaite avoir un autre enfant lorsque le patient auragrandi ; elle peut aussi avoir souhaité une séparation à ce moment-là37 ».

L a perte d 'un parent auquel le patient était particulièrement attaché peutégalement être u n facteur important de la maladie.

T h o m a cite les facteurs psychodynamiques suivants, auxquels il attribueun rôle étiologique : a) fixation au stade oral et pouvoir exercé par le biais

* Facteur hypophysaire hormonal stimulant la thyroïde. ( N D L R . ) 239

M de la nourriture; b) privation de nourriture conçue c o m m e une formeg? d'autopunition.

•J Pour Russell, le refus de nourriture constitue une défense contre u n fan-"o tasme inconscient de conception par voie orale.ma

•§ Le traitement de l'anorexie mentalea

? C'est une vaste entreprise où l'on peut distinguer deux phases :pq Première phase. A u départ — pour sauver la vie de la patiente — on

s'attache aux problèmes nutritionnels aigus, notamment le déséquilibreélectrolytique, tout en essayant d'atténuer les graves troubles psychiquesqui se manifestent.

Deuxième phase. U n traitement à long terme doit prévenir les rechutes ; ilse fonde essentiellement sur la psychothérapie.

A u cours de la première phase, le traitement est relativement simple etdonne habituellement de bons résultats ; en revanche, il n'en est pas toujoursainsi lors de la phase suivante. Les deux tiers environ des patientes ne serétablissent qu'après plusieurs années de traitement38.Quelques détails sur le traitement de la première phase

A u cours de la première entrevue avec la malade, celle-ci exprime parfoisla crainte de grossir — c'est-à-dire d'atteindre u n poids normal pour uneadolescente. Elle est en général d'accord pour atteindre u n poids prépu-bertaire et prémenstruel de 38 à 48 kg, sans le dépasser.

O n fait appel uniquement à des infirmières ayant une expérience théra-peutique de l'anorexie mentale. Chacune prend contact avec la malade dontelle est chargée et lui explique, au cours d'un entretien amical, les objectifsd u traitement, puis, avec l'autorisation de l'intéressée, procède à u n examencorporel pour trouver toute pilule ou purgatif que la patiente aurait p uapporter à l'hôpital et dissimuler sur elle. Cela, contrairement à ce que l'onpourrait attendre, renforce la confiance mutuelle entre infirmière et patiente ;avant toute chose, l'infirmière manifeste clairement ses bonnes intentions.Elle reste avec la patiente au m o m e n t des repas, et, faisant alterner les cajo-leries et les gronderies amicales, persuade la patiente de manger tout cequi lui est servi. Elle la rassure aussi sur les résultats esthétiques d u trai-tement, citant à l'appui des exemples d'anciennes anorexiques qu'elle aconnues personnellement.

L a patiente n'est pas autorisée à se rendre aux toilettes, d u moins au début(elle peut en effet tenter, sitôt après le repas, de se faire vomir). O n utilisedonc u n bassin de lit. L a patiente peut se reposer quelques instants si elle ades nausées après l'absorption de nourriture.

D a n s u n premier temps, on limite ses activités quotidiennes (recevoir descoups de téléphone, des amis et des connaissances, ou m ê m e prendre l'air)pour les autoriser ensuite progressivement, c o m m e « récompense » de la prisede poids.

Ration calorique et types d'aliments. Pendant les six à huit premières semaines,u n régime liquide s'ajoute aux repas normaux : il se compose de C o m p l a n ,de lactose ou de glucose et de Nescafe. L a valeur calorique d u régime quoti-dien est portée progressivement à 3 0 0 0 - 5 oookilocalories en l'espace de deux

240 semaines. Il n'est pas rare d'obtenir ainsi u n gain de 13 kg en huit semaines

uenviron. L a patiente s'oppose généralement à l'adjonction d'hydrates de -a

carbone dans son régime, mais elle finit par l'accepter. aS

Médicaments. O n peut utiliser la chlorpromazine39, dont l'efficacité est -gcependant rarement garantie si la patiente n'est pas hospitalisée ; on a "obtenu, sans l'utiliser, des résultats tout aussi fructueux tant que la patiente §était admise à l'hôpital. 7;

Retour à un poids normal. Il faut compter deux ou trois mois pour atteindre le -Hpoids moyen correspondant à l'âge, au sexe et à la taille de la patiente. u

en

SDeuxième phase du traitement S

Elle est fondée essentiellement sur la psychothérapie, qui détermine le succèsà long terme de la cure, pour les raisons suivantes :

Les patientes sont secrètement résolues à maigrir rapidement dès qu'ellesne seront plus prises en charge.

Il importe d'établir clairement, dès le début, que le thérapeute n'a nulle-ment l'intention d' « engraisser » la malade et il faut savoir interpréter lesangoisses de cette dernière à cet égard.

L a psychothérapie est amorcée en m ê m e temps que le programme initiald'alimentation et, si les relations avec le psychothérapeute sont bonnes, lapatiente absorbe, en l'espace d'une semaine ou deux, de 2 000 à 3 000 caloriespar jour. E n revanche, si les relations thérapeutiques ne sont pas satisfai-santes, il se peut que la patiente : a) souhaite en son for intérieur interromprela cure ; b) reste en bons termes avec le ou la thérapeute, mais cesse deprendre du poids de façon sensible ; c) manifeste une répugnance croissanteà rester à l'hôpital ; d) tente de convaincre le médecin que la prise de poidsest désormais suffisante, afin de sortir de l'hôpital (pour immédiatementrechuter).

La patiente peut décider ses parents à la retirer trop tôt de l'hôpital engagnant leur sympathie par divers arguments. Il est donc vital que le théra-peute entretienne de bons rapports avec les parents et les autres membres dela famille dont les relations avec la patiente ont peut-être contribué àdéclencher et à entretenir la maladie. Autant que possible, il faut aussigarder quelques contacts avec les amis intimes de la patiente.

Résultats de la psychothérapie

T h o m a a constaté que les patientes les plus coopératives ont une réactionaffective déclenchée par la cure ; cependant, le succès ou l'échec ne semblentpas liés à la durée du traitement.

Les résultats obtenus par T h o m a en psychothérapie — réaction assezmarquée chez huit patientes sur dix-sept et amélioration spontanée chez deuxpatientes sur dix — n'ont guère de signification statistique ; d'ailleurs, lespsychothérapeutes ne se fient pas beaucoup aux statistiques.

E n cas de décès ou de séparation d 'un parent aimé, le thérapeute doitparfois tenir un rôle parental protecteur pendant une longue période. E n toutétat de cause, il faudra éventuellement poursuivre la psychothérapie pendanttrois ans environ.

L a patiente devrait avoir au moins une séance de psychothérapie activechaque semaine. Il est en outre utile que le thérapeute donne, à l'occasion, 241

Jj quelques interpretations thérapeutiques. U n e étude conduite au Maudsleyg> Hospital montre par ailleurs qu'il s'agit là essentiellement d'une thérapie de

2 soutien.*ooP3o Critère d'évaluationCO

•3

j3 L'amélioration de l'état des patientes en traitement pour anorexie mentale se3 mesure aux aspects suivants40 :m L'état nutritionnel. L e poids est considéré en pourcentage de la norme.

Les menstrues. Qu'elles soient absentes, irrégulières, cycliques par inter-mittence, régulières de temps à autre ou cycliques.

L'état psychologique. Selon qu'il s'écarte grandement, modérément oulégèrement de la norme.

L'adaptation sexuelle. O n considère notamment l'attitude à l'égard desquestions sexuelles, les finalités des relations sexuelles, les preuves d'uneactivité sexuelle et l'attitude à l'égard de la menstruation.

La situation socio-économique. A ce titre, on évalue la stabilité du milieufamilial de la patiente, l'indépendance qu'elle acquiert à l'égard de sesparents, ses contacts sociaux à l'extérieur et ses activités professionnelles.

Critères d'un pronostic à Song terme

L'âge où se déclare la maladie a son importance : plus la patiente est jeune,meilleur est le pronostic.

Évolution de la maladie : a) durée (en prenant pour point de départ ladisparition des règles ou en mesurant l'intervalle entre la puberté et l'amé-norrhée) ; plus la durée est longue, moins le pronostic est favorable ; b) passépsychiatrique ; le pronostic est défavorable si la patiente a déjà subi u ntraitement psychiatrique.

Poids au m o m e n t de l'hospitalisation ; si le poids est inférieur de 6o % à lanorme, le pronostic est défavorable.

D'autres facteurs qui prédisposent à la maladie incitent à faire un pronosticpessimiste ; ainsi : à) des relations familiales perturbantes avant le début de lamaladie ; b) une personnalité névrotique dans l'enfance ; c) une mauvaiseadaptation scolaire.

Durant l'application du programme thérapeutique, les patientes qui sur-estimaient le volume de leur corps obtiennent des résultats médiocres ; enoutre, leur état clinique, qui, à l'époque de l'évaluation initiale, avait relative-ment peu évolué, semble s'aggraver d'après les études postcure. Il est intéres-sant de relever que, d'après les recherches publiées par Russell et Morgan ,les vomissements, une obésité antérieure à la maladie, les résultats scolaireset les facteurs accélérant les processus n'ont aucune valeur pour le pronostic.

Anorexie mentale chez le sujet masculin

L a maladie est beaucoup plus rare chez l ' h o m m e que chez la f e m m e , maispossède des caractéristiques analogues, à savoir le refus d 'un poids normal,avec une privation volontaire d'hydrates de carbone qui provoque u namaigrissement pathologique.

Certains spécialistes pensent que, chez l ' h o m m e également, la maladie est242 u n m o y e n d'éviter certaines des exigences de maturation psychologique qui

accablent l'adolescent. C o m m e chez la f e m m e , le contexte antérieur et le 73milieu familial se caractérisent par la suralimentation du sujet et la person- Snalité pathologique de ses proches. S

Chez l ' h o m m e anorexique, les symptômes correspondant à l'aménorrhée -gsont la disparition de l'intérêt sexuel et l'impuissance. u

Perspectives d e la recherche "•*•

Nous avons indiqué au début de cet article que l'anorexie mentale est encore -apeu répandue dans les pays du tiers monde . N o s recherches de données 3informatiques tirées de séries de publications sur des cas d'anorexie mentale §dans le tiers m o n d e ont été peu fructueuses. O n peut toutefois se demander 0si le petit nombre des publications correspond bien à la morbidité réelle.L'anorexie mentale est-elle effectivement rare dans ces pays ou bienéchappe-t-elle au diagnostic parce qu'on ne cherche pas vraiment à déceler saprésence dans la population des adolescents ? U n e enquête préliminaire surles problèmes des adolescents à Sri Lanka a recensé un nombre consi-dérable de patientes qui souffrent d'aménorrhée et ne parviennent pas à sedévelopper.

A l'époque, on n'a pas jugé utile de pousser les choses plus loin et dechercher un diagnostic du côté de l'anorexie mentale. S'agit-il de casd'anorexie nerveuse, ou peut-être simplement de cas de malnutrition,l'aménorrhée tenant uniquement au fait que le corps n'a pas atteint le seuilpondéral de la puberté ou, plus précisément, qu'il ne comporte pas unpourcentage décisif de graisse ? Peut-être aussi le Sri Lanka — épargné parl'idéologie de la minceur et n'attachant pas aux régimes alimentaires lam ê m e valeur sociale et culturelle que l'Occident — a-t-il su préserver unebienheureuse « économie hypothalamique ».

A m o n avis, l'incidence de l'anorexie mentale dans les pays en développe-ment mérite l'attention des chercheurs. Ceux-ci pourraient apporter quelqueséclaircissements qui nous aident à comprendre cette maladie énigmatiqueet permettent éventuellement de la prévenir grâce à une éducation desmasses.

A cet égard, gardant présentes à l'esprit mes origines orientales, je vou-drais, pour conclure, rappeler les paroles de J. Neki : « E n Asie du Sud-Est,les psychiatres sont de plus en plus nombreux à vouloir porter sur les pro-blèmes de la santé mentale un regard neuf qui échappe à l'influence occi-dentale. Cette position est bien compréhensible ; toutefois, on ne peutignorer que l'on tient trop souvent pour acquis les faits culturels de sonpropre milieu, dont on ne perçoit plus les bizarreries, à moins qu'un étrangerne nous en renvoie l'image41. »

Remerciements

Je tiens à exprimer toute m a gratitude au docteur G . F . M . Russell,professeur de psychiatrie à l'Institut de psychiatrie de Londres, et audocteur A . Wakeling, professeur de psychiatrie à la Royal Free School ofMedicine (Université de Londres), qui m ' o n t incité à étudier l'anorexiementale. Je remercie aussi les docteurs Sheila M a n n , psychiatre consultantau University College Hospital de Londres, Niall Farnan, chef des servicesde psychiatrie d u Warley Hospital, à Havering, Denis Cronin et MichaelMarkus , psychiatres consultants au Warley Hospital, et A . Wijeyekoon, 243

J< archiviste principal d u Warley Hospital, ainsi que les docteurs A . T . E k a -j? nayake, C . Hewavisenti, D . K u r u p p u et L . R . Nawaratne — d u milieu

2 médical sri-lankais —, qui ont bien voulu lire la première version de cet"o article et ont su m e conseiller et m'encourager. M m e s Elizabeth A m e s et^ M a u r e e n Rouse ont eu l'amabilité de se charger des références et ont fait,« à m a d e m a n d e , les recherches de données informatisées que j'ai évoquéesja précédemment. Enfin, le présent article doit beaucoup à l'excellent travail de5 secrétariat de M m e Helen Field. H&

Notes

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2. A . Crisp, R . Palmer et R . Kalinsky, « H o w c o m m o n is anorexia nervosa? Aprevalence study », British journal of psychiatry, vol. 128, 1976, p . 549-554;A . Crisp, « Prevalence of anorexia nervosa » (Tribune des lecteurs), Britishmedical journal, vol. 2 , 1978, p . 500.

3 . 1 . Nylander, « T h e feeling of being fat and dieting in a school population »,Acta sociomedica Scandinavia, vol. 3, 1971, p . 17-26.

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5. D . Kay, « Anorexia nervosa », Medicine (2e série), vol. 11, 1975, p . 487-492 ;R . Kendall et al., « T h e epidemiology of anorexia nervosa », Psychologicalmedicine, vol. 3, n° 2 , 1973, p. 200-203.

6. A . Crisp et al., op. cit.7. G . Russell, « Anorexia nervosa; its identity as an illness and its treatment »,

dans : Harding Price, J. (dir. publ.), Modern trends in psychological medicine,vol. 2 , p . 131-164, Londres, Butterworth, 1970.

8. P . Dally et W . Sargant, « A new treatment of anorexia nervosa », Britishmedical journal, vol. 1, i960, p . 1770 ; A . Crisp, « Anorexia nervosa », Hospitalmedicine, vol. 1, 1967, p . 713 ; H . T h o m a , Anorexia nervosa (trad, parG . Baydone), N e w York, International University Press, 1967.

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12. G . Russell, P . Campbell et P . Slade, « Experimental studies on the nature ofthe psychological disorder in anorexia nervosa », Psychoendocrinology, vol. 1,1975, p . 45-56.

13. W . Gull, « T h e address in medicine delivered before the annual meeting of theB . M . A . at Oxford », Lancet, vol. 2 , 1968, p . 171.

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246

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Une phonéticienne, professeur de français langue étrangère, explique le rôlede la vision et des mouvements du corps dans un domaine — l'apprentissageet renseignement d'une langue — traditionnellement dominé par l'audition.

Application à l'apprentissaged'une langue étrangère

Le comportement visuelet le professeur

Odile Menot

Odile Menot est attachée à l'Institut d'études linguistiques et phonétiques del'Université de Paris-III, 19, rue des Bernardins, 75005 Paris (France).Elle a reçu une formation en phonétique appliquée, enseignement du françaislangue étrangère et science de l'éducation. Chargée de missions deformation¿le professeurs en Australie, en Côte-d'Ivoire, au Japon, au Mali et auxÉtats-Unis, elle a élaboré une méthodologie et des matériaux d'enseignementdu français en fonction des besoins de communication personnelle,professionnelle et interculturelle des différents publics. 247

o Introductiontí

o L'oreille et le processus audio-oral, dans ses aspects directement observables,^3 ont traditionnellement occupé une place privilégiée dans les attitudes des° apprenants et des enseignants de langue étrangère. Cependant, le rythme et

l'intonation (la prosodie), malgré leur rôle essentiel dans la production et laperception auditive du discours oral, sont longtemps restés méconnus ouinexploités et, aujourd'hui encore, il est difficile d'en faire reconnaîtreexplicitement l'importance et la priorité dans les processus de communicationinterpersonnelle et d'apprentissage langagier.

L e développement et la vulgarisation des recherches dans le domaine descommunications non verbales et interculturelles ont mis en lumière nonseulement des phénomènes constitutifs des échanges oraux, jusqu'alorsinconnus et/ou occultés dans la vie quotidienne c o m m e dans les situationsdidactiques, mais aussi les systèmes d'interrelations qui régissent l'articula-tion entre comportement verbal et comportement non verbal, composantesprosodiques et composantes kinésiques, comportements auditifs et comporte-ments visuels — qu'il s'agisse de compréhension ou de production de lalangue orale, maternelle ou étrangère.

Ainsi, il est désormais possible d'aborder l'étude, l'apprentissage et l'ensei-gnement de l'oral, en langues étrangères, à travers l'intégration des apportsrécents de différentes disciplines, dans une perspective dite « macrolinguis-tique » ; celle-ci tend à retrouver, au-delà des aspects phonématiques,lexicaux et syntaxiques auxquels l'on réduit volontiers la communicationorale, l'importance fondamentale des aspects vocaux, prosodiques, kiné-siques (dont les aspects visuels ne sont qu 'un cas particulier) et proxémiquesdes conduites orales. U n e perspective de renouvellement semble donc sedessiner quant aux objectifs et aux méthodologies de formation des maîtres.

L a réflexion que je propose ici sera centrée sur les aspects visuels ducomportement, leur rôle c o m m e m o y e n et source de communication, tanten situation pédagogique qu'en situation quotidienne, ainsi que sur leursrelations aux caractéristiques rythmiques spécifiques de la langue parlée ouà acquérir, particulièrement dans le cas du français. J'envisagerai quelques-unes des implications dans le domaine de la communication à travers lescultures et dans celui de l'enseignement des langues.

Le professeur et le comportement visuel

L'œil, instrument du climat pédagogique

L a classe de langue étrangère — ainsi que toute situation d'enseignement,d'ailleurs — est une minisociété où les relations interpersonnelles, c o m m edans la vie quotidienne, se fondent d'abord sur la perception visuelle et lesinterprétations réciproques, par les différents partenaires, des éléments deleur comportement non verbal, enregistrés et utilisés de manière plus oumoins consciente, intentionnelle et pertinente, selon la personnalité et laformation des uns et des autres.

Chacun des partenaires, acteur ou observateur participant, à la fois regardeet est regardé. L'œil est pour le professeur u n outil de repérage et d'inter-prétation du comportement non verbal des apprenants, une source de m e s -sages et u n moyen de régulation du fonctionnement du groupe, donc un

248 déterminant du climat pédagogique.

L'œil, outil de perception et de compréhension Ü

E n effet, le professeur de langue a d'abord la possibilité de détecter les divers §réseaux d'affinités entre les participants, les différents degrés d'attention, de '"compréhension, d'accord, d'intérêt, d'anxiété, l'intention o u le refus §>d'expression : la rencontre plus o u moins prolongée des regards (l'échange Sd u regard et le contact oculaire), l'observation des postures et gestes jouent nu n rôle considérable. Il s'agit d'ailleurs de percevoir les manifestations non ^verbales dans leur ensemble et leur interdépendance. Ainsi, une velléité de g,prise de parole, vite réprimée pour des raisons de réserve personnelle o u |culturelle (certains ne prennent la parole que si la « figure d'autorité » les '§sollicite explicitement) peut-elle se traduire, no tamment , par u n léger 8gonflement d u thorax, accompagné o u non d ' u n bruit d'aspiration, une semi- §*ouverture de la bouche, u n froncement o u u n relèvement de sourcils associés ^à une tension brusque d u visage, u n imperceptible changement de posture. cL a perception de ces différents signes, au m o m e n t opportun, contribue à la 'gcapacité d u professeur d'obtenir la participation de tout le m o n d e , d'intégrer ¿chacun au sein d u groupe et donc, compte tenu de la perspective c o m m u - Snicative qui s'impose aujourd'hui dans l'enseignement des langues, de fonderl'apprentissage sur la nature, l'évolution et la transformation des phénomènesrelationnels au sein d u groupe.

L'œil, source de messages

E n effet, le regard participe en outre, par sa fréquence, sa durée, sa directionet son caractère de réciprocité, à l'émission de messages et à la création d 'unerelation ouverte o u fermée de façon plus o u moins consciente et contrôlée.L e professeur manifeste par exemple son enthousiasme, son h u m o u r ; il peuttémoigner une attention individuelle égale à tous (le regard remplace o urenforce l'utilisation systématique des n o m s ou des prénoms) ; il peutapprouver, encourager, manifester une attente, valoriser, solliciter, donnero u reprendre la parole (moduler le n o m b r e et le volume des interventions),enclencher des processus de communication transversale, rompre unedépendance psychologique o u linguistique. O n connaît les phénomènes dedécentration de l'attention, voire d' « indiscipline » (bruits, agitation phy-sique, conversations, évasion intellectuelle...) liés au fait que certainsm e m b r e s d u groupe-classe sont presque constamment hors d u c h a m p visuelde l'enseignant (par exemple en raison de la disposition spatiale des lieux).L'absence de regard fréquent, sous forme de contacts directs des yeux, estinterprétée — à tort o u à raison — c o m m e une manifestation de désintérêt,voire d'hostilité.

L'œil, source d'intervention corrective

L'observation visuelle peut être également source d'intervention directe surla production orale. Il est aisé, par exemple, de diagnostiquer, au cours d 'unerépétition collective, des écarts de prononciation non acceptables en françaisà travers la simple observation d u tonus facial o u des chutes brusques demâchoires inférieures. Autre exemple : la M é t h o d e silencieuse proposée parGattegno relie très étroitement la nature des apprentissages à la mobilisationvisuelle des apprenants et aux conduites non verbales codées de l'enseignant.

249

g Les difficultés de Vinterprétation visuelleI„ L a subjectivité propre, les idées reçues, le décalage entre la réalité et la

=3 conscience qu'on en a — ou les moyens dont on dispose pour en rendrecompte — le conditionnement culturel sont autant de sources de difficultédans l'interprétation des signes et des comportements non verbaux repérés.L e regard lui-même est polyvalent et n'est « désambiguïsable » que parrapport à son contexte facial, gestuel, situationnel et verbal.

Des sensibilités différenciées au non-verbal

Certains des mouvements qui sont perçus ne sont compréhensibles, de parleur caractère conventionnel (gestes emblématiques spécifiques d'uneculture) qu'à travers une confrontation et u n ajustement verbal entrepartenaires. Professeurs et enseignés disposent d'ailleurs, hors formationpréalable, de sensibilités différenciées au non-verbal. J'ai souvent faitl'expérience de confier simultanément des tâches d'observation portant surle non-verbal à des professeurs de divers pays d'Afrique d'expressionfrançaise et à des professeurs français ; j'ai alors remarqué la répétition dum ê m e phénomène, les professeurs africains relevant deux fois plus d'itemsque leurs collègues français.

Les classes multiculturelles : exemples

Dans des cours multiculturels, tels que ceux qui m'ont été confiés dans lecadre d'une organisation internationale, ou dans des classes où enseignants etapprenants sont d'origines ethniques et culturelles différentes, les difficultéssont tout à fait spécifiques, et la mise en œuvre d'une méthodologie c o m m u -nicative dépend non seulement d'un décodage correct des comportementspar le professeur, mais aussi d'une explicitation collective, portant à la fois surle vécu individuel et sur les aspects culturels des styles de communicationdes « interactants ». Parmi les risques de « malentendus », et donc les impé-ratifs d'observation vigilante et décentrée qui sont ceux du professeur defrançais, citons les quelques exemples suivants :

Reconnaître un regard qui se pose en oblique sur la ligne des épaulesc o m m e une marque culturelle, plus ou moins liée à la représentation desstatuts réciproques, et non c o m m e celle d'une absence de sincérité de lapersonne ou celle d'un évitement de la relation ; le point ou la zone defixation oculaire de l'interlocuteur varie selon les cultures.

Attendre placidement la fin de la pause « rituelle » que font certainespersonnes avant de répondre à une question qui leur a été posée, sansinterpréter ce silence c o m m e un refus ou une incapacité de répondre— le tonus général du corps indiquant bien une préparation à la prisede parole ; un élément culturel intervient en effet dans la durée du tempspréparatoire.

Repérer, dans la posture et le regard d'un participant, l'intention decontinuer à parler, malgré l'emploi d'un ensemble [contour prosodique+ pause] ayant, en français, une valeur conclusive ; si l'interférence entrelangue maternelle et langue étrangère entraîne une utilisation inadéquate deséléments prosodiques, l'intention de continuation d'expression peut êtrenéanmoins clairement explicitée par l'attitude kinésique et le regard.

250

Tout ce que nous venons d'évoquer peut faire l'objet d'apprentissage, sans Jd'ailleurs concerner seulement le professeur de langue étrangère, mais tout aenseignant qui s'adresse à des étrangers, et est bien connu des animateurs de Üréunions en milieu international. C'est donc d'abord à travers les inter- Zactions visuelles que se construisent l'évolution des échanges et la stratégie 3>d 'une progression dans la tâche d'apprentissage linguistique. M a i s c'est . Saussi dans les relations qu'il entretient aux autres comportements kinésiques öet aux conduites verbales q u e se déterminent les différentes fonctions de ^communication d u regard. ¡u

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.2Fonctions de communication des comportements visuels aILes travaux sur le regard „«

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D e nombreux travaux ont été consacrés, depuis le début des années soixante, gaux expressions du regard et aux expressions faciales concomitantes dans la 5

scommunication quotidienne. Ils ont tenté de dégager des comportements ¡sexpressifs universels et des fonctionnements individuels et sociaux. M o n aobjectif n'est pas ici de rendre compte des résultats des travaux effectués ence domaine — tâche à la fois trop vaste et qui, dans sa simplification néces-saire, et hors contexte, risquerait d'induire des stéréotypes d'intérêt limité ;d'ailleurs, il convient d'interpréter avec prudence certaines conclusions, quisont susceptibles d'être remises en cause à travers la prise en considérationdes caractéristiques prosodiques et tensionnelles de la langue parlée par lessujets étudiés. Parmi les aspects traités, je m e bornerai à citer le regard, larencontre des regards (échange du regard ou regard mutuel et contactoculaire), le point ou la zone de fixation(s) oculaire(s) (la « réaction faciale »,selon Vine), les coups d'oeil. O n a tenté de déterminer le temps total desregards pour une période d'interactions donnée, la fréquence, la durée desfixations, la direction, l'intensité, la dilatation de la pupille et la distributionpar rapport à la parole — en fonction de facteurs tels que : la situationd'auditeur ou de locuteur, le type de rencontre ou de situation, le sexe, lestatut social, la distance par rapport à l'objet ou à la personne, la nature et ladifficulté du sujet de conversation, le m o m e n t de l'échange, la structuresyntaxique des énoncés, les pauses, la personnalité et la nature des attitudesinterpersonnelles (états émotifs, degré de sympathie ou d'antipathie, voirede haine, degré d'intimité, de sincérité ou d'excitation sexuelle...).

Un essai de classification

L e tableau ci-après donne un aperçu du regroupement auquel il est possiblede procéder sous l'angle des fonctions de communication. Il est inspiré — et,parfois, délibérément adapté — non seulement des travaux cités en réfé-rence, mais aussi des recherches conduites dans le domaine des études linguis-tiques et phonétiques, intonatives plus particulièrement, puisqu'il sembleintéressant, du point de vue pédagogique, d'axer la réflexion sur les analogiesentre comportements kinésiques et comportements prosodiques lorsquecela est possible.

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Comportement visuel, comportement gestuel 2et langue parlée "M

Parmi les travaux qui ont été consacrés aux aspects non verbaux des compor- -"tements de communication, ceux de W . Condon, axés sur les correspon- |dances entre parole et mouvement corporel, apportent une contribution ginfiniment précieuse au traitement des difficultés rencontrées dans l'appren- *otissage et la pédagogie des langues. J'en évoquerai rapidement quelques-uns „sdes aspects qui nous intéressent ici, puis, à travers un essai d'adaptation au ^français, je montrerai comment les mouvements des yeux et des paupières «constituent des mouvements spécifiques du corps (« gestes* », au sens large -adu terme), étroitement dépendants du rythme de la langue parlée. S

Travaux portant sur la synchronisation verbale / non verbale -1

U autosynchronisation. Condon a en effet défini l'un des principes fonda- -2mentaux de l'association — de la coordination corps/parole — grâce à u n .3travail extrêmement long, pénible et complexe d'analyse microkinésique de "gsujets filmés en situation de conversation et d'entretien. E n poursuivant "l'analyse à un double niveau — les mouvements du corps les uns parrapport aux autres, les mouvements du corps par rapport à la parole —il a p u formuler le concept d'autosynchronisation rythmique, montrant,pour l'anglais des Blancs d'Amérique du Nord, par exemple, que les partiesdu corps du locuteur bougeaient toutes simultanément, bien qu'à des vitesseset dans des directions différentes, en m ê m e temps que l'organisation ryth-mique de la parole, et que l'organisation des mouvements du corps corres-pondait à la hiérarchisation syntaxique des phrases. « A body motion is formedof 'bundles' of movements... the speaker moves in organisations of change ofthe body which are precisely synchronous with the articulatory structure ofhis own speech » ; « self synchrony occurs within the consonant vowel consonantstructure » ; « there is isomorphisms between microorganisation of body move-ments and speech movements »**.

La synchronisation interactionnelle. Par ailleurs, Condon a formulé, en étu-diant des adultes et des nouveau-nés, le concept de synchronisation interac-tionnelle, émettant l'hypothèse que là pourrait résider la base de l'interactionde communication et de l'apprentissage de la langue***. C'est ainsi qu'ilévoque la « danse » de l'auditeur avec le locuteur, la configuration rythmiquedes mouvements de l'auditeur étant parallèle à celle des mouvements dulocuteur. Pour lui, ce phénomène serait automatique et correspondrait àl'une des premières phases dans le développement des processus de per-ception auditive****, les comportements pathologiques se caractérisant parune asynchronisation.

* Le terme « geste », au sens étroit, est souvent pris c o m m e synonyme demouvement des mains et des bras.

** Communication personnelle.*** « Sustained synchrony of organized correspondences between adult speech and

neonate body movements at this microkinesic level (...) suggests that the'bond' between human beings should be studied as the expression of aparticipation within shared organisational forms rather than as somethinglimited to isolated entities sending discrete messages. » W . C o n d o n , 1974.

**** « There can be muscular responses to auditory stimuli within ten milliseconds. » 253

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S Les avis sont partagés quant à ce qui est susceptible de déterminer cesJJ phénomènes ; mais les études d ' A . Kendon appuient l'hypothèse de cetteo double synchronisation.=8O

Un exemple d'application au français

Ces travaux m'on t permis d'approfondir m a recherche pédagogique et desystématiser, tout en en contrôlant la mise en œuvre méthodologique etl'efficacité par l'intermédiaire d'enregistrements vidéo successifs et de m o n -tages comparatifs*, les nouvelles techniques d'enseignement du françaisque j'avais entrepris d'élaborer. L'analyse que je propose ici c o m m e essaid'application au français n'a évidemment rien de c o m m u n avec cellesauxquelles procède Condon, dont le travail nécessite à la fois équipementet savoir-faire spécifiques, sans c o m m u n e mesure avec les enjeux de l'étudeau magnétoscope. Mais mes objectifs d'analyse et d'exploitation diffèrentégalement. U n entraînement progressif des apprenants et des enseignants,combiné à des observations visuelles répétées d'une m ê m e séquence et guidépar une réflexion sur les éléments de rythme du français, permettent derepérer les manifestations les plus visibles à l'œil nu de ce principe d'auto-synchronisation. L e segment d'enregistrement présenté ici a été pris auhasard et soumis à l'observation d'étudiants et d'enseignants français etétrangers, en formation universitaire ou en stage de recyclage. U n e analyseauditive1 seule a été menée par une partie des observateurs ; les résultats enont été comparés à ceux de l'analyse vidéo. Je m e propose donc, dans unpremier temps, d'examiner, pour le français, les possibilités d'analyse parsimple observation visuelle de l'action de diverses parties du corps. Mais,compte tenu des moyens employés et des perspectives d'utilisation didac-tique envisagées, l'intérêt porte prioritairement sur les mouvements quicorrespondent à la structuration accentuelle et intonative d'une séquencede discours, indépendamment de toute mesure temporelle.

Commentaire

Cette étude appelle notamment les remarques suivantes :1. L'observation au magnétoscope ne permet naturellement pas d'aper-

cevoir la synchronisation d 'un point de vue segmentai — peut-être àl'exception du mouvement des paupières et de la pression des mains sur latable, qui semblent plutôt coïncider avec les phonèmes consonantiques.

2 . Cependant, il est évident que les mouvements du corps s'organisenten séquences d'activité à configurations rythmiques identiques et parallèlesà celles que déterminent les accents, les pauses et les plans mélodiques.

3. Dans le groupe qui avait procédé à l'analyse auditive seule, les diver-gences de résultats quant à l'identification des syllabes accentuées ont étéréduites dès que les observateurs se sont centrés sur le repérage des accentskinésiques ou des changements de direction dans les mouvements. Il s'agitlà d'une illustration du soutien que peut apporter l'observation visuelle àl'observation auditive.

* Notamment grâce aux moyens mis à m a disposition par L . Wylie, à256 l'Université Harvard, en 1977 et 1979.

4 . C h a q u e syllabe accentuée finale de groupe est synchrone d ' u n chan- J2g e m e n t dans u n o u plusieurs des segments corporels observés. L e s chan- cgements de direction dans le m o u v e m e n t des yeux sont ainsi coordonnés, §dans cet exemple , à la fois aux accents verbaux et aux autres accents kiné- <usiques. L e contact visuel n e se fait donc pas au hasard dans cette séquence g>d e discours. . S

5 . A l'analyse auditive c o m m e à l'analyse vidéo, la présence des deux Stypes d'organisation rythmique q u e Fonagy 2 signale pour le français con tem- ^porain a été identifiée : ry thme oxytonique (ex. : cette découverte!) et ry thme g,barytonique (ex. : |des| nouveautés] — ¡absolument étojnnantesj). ¡j

6 . M a i s , dans les unités accentuelles de type oxytonique, le corps semble §prendre en relais l'accent final de l'unité précédente, de manière à constituer ^par chevauchement u n « arc accentuel2 » en certains points d u corps. D'ail- §*leurs, les m o u v e m e n t s des yeux et de la tête paraissent ici plus immédiate- ^m e n t liés aux unités accentuelles, tandis q u e la structuration des m o u v e m e n t s gdes autres segments corporels semble s'articuler conjointement en fonction "3des unités accentuelles et des groupes intonatifs. Cet emboî tement de struc- atures indique l'intérêt d ' u n e analyse effectuée simultanément au niveau de P<plusieurs canaux de communicat ion et dans u n e perspective d y n a m i q u e .

7 . D e s analyses d'autres séquences confortent l'hypothèse d ' u n e orga-nisation et d ' u n e différenciation de l'activité kinésique coverbale en h a r m o -nisation avec les différents niveaux de l'organisation prosodique des énoncés.L a communicat ion s'accomplit automatiquement et inconsciemment par lamise en œ u v r e simultanée d e plusieurs canaux interdépendants.

8 . E n dépit des variations dues au style personnel, à la nature de la relationet aux conditions matérielles de l'échange, existeraient donc des contraintesrythmiques c o m m u n e s aux locuteurs d ' u n e m ê m e variété d e langue, surlesquelles peut s'appuyer la démarche pédagogique.

9 . A u x m o u v e m e n t s de structuration rythmique se superposent, simulta-n é m e n t o u complémentairement, des m o u v e m e n t s qui assument d'autresfonctions de communicat ion ; en effet, les m o u v e m e n t s de la tête sur « A h ! »remplissent u n rôle de commentaire anticipé par rapport au texte qui vasuivre ; les m o u v e m e n t s de la tête et des yeux qui se font en synchronie avecla dernière syllabe d ' « étonnantes » ont u n e fonction d e désignation et d'anti-cipation de la signification véhiculée par les gestes de la m a i n et d u bras quivont accompagner le groupe rythmique suivant ; de m ê m e , le jet de la m a i nqui occupe la pause meublée par la reprise de souffle après « anneaux »peut avoir deux significations, c o m p t e tenu d u contexte : interpellation d utéléspectateur (« écoutez-moi ») et énoncé type (« par exemple »). Cependant ,il est de si courte durée, inséré entre deux énoncés verbaux, qu'il contribuesans doute a u sens de manière occulte. N o t o n s la répétition et la complexitéd u m ê m e p h é n o m è n e : la signification d ' u n énoncé est n o n seulement ren-forcée (sous forme de commentaire o u d'illustration) par l'unité kinésiqueconcomitante, mais elle est aussi annoncée par l'unité kinésique qui leprécède dans l'activité d u m ê m e segment corporel.

Le mouvement des yeux en français

J'ai présenté ici u n exemple d u type d e conclusions auxquelles permetd'aboutir l'étude vidéo de n o m b r e u x échantillons de documents françaisauthentiques. Quelle q u e soit la personne qui s'exprime, au-delà d u stylepersonnel et des variations émotives et situationnelles, le principe d e la 257

o Synchronisation est identifiable à la simple observation visuelle. Les m o u v e -£ ments du corps — et plus particulièrement les mouvements des yeux qui

u nous intéressent ici — ne s'accomplissent pas de manière fortuite. Ils sont^ en étroite relation avec la structuration prosodique d u discours. L a synchro-

nisation s'observe m ê m e dans l'activité des paupières. Les mouvements ducorps remplissent des fonctions de « marqueur prosodique » en quelque sorteet, en tant que tels, constituent l'élément fondamental de la signification3,m ê m e s'ils sont perçus en m ê m e temps que d'autres mouvements, dont lesfonctions de communication paraissent plus évidentes4. Mais il va sans direqu'il existe toute une série de mouvements du corps qui n'ont aucune relationtemporelle et qualitative avec la parole.

Implications pédagogiques et intercultureiles

Vers une redéfinition de P « accent étranger5 »

Si, après avoir observé le comportement d 'un locuteur francophone, onexaminait, par exemple, celui d 'un anglophone qui « déplace » les accentsquand il parle français (prononçant « université » avec un accent sur la troi-sième syllabe et une réduction vocalique sur la dernière), on verrait qu'àcet accent déplacé correspondent à la fois u n mouvement oculaire et des« pulsions kinésiques » à différents niveaux du corps, plus ou moins visiblesselon la zone corporelle observée, la personnalité et le contexte situationnel.Les accentuations — visuelle, gestuelle et verbale — simultanées, produites« par erreur », se réalisent en fait conformément au schéma accentuel del'anglais. Dans le cas d 'un accent étranger, la synchronisation rythmiquepersonnelle se produit automatiquement, mais elle est inacceptable du pointde vue des normes rythmiques de la langue cible, et donc de la qualitéphonématique requise. E n outre, la nature de cette synchronisation ne permetpas la synchronisation interactionnelle du locuteur étranger et du locuteurnatif. Les possibilités d'anticipation des messages par chacun des deuxinterlocuteurs s'en trouvent donc perturbées et les difficultés de compréhen-sion réciproque accrues.

L'accent étranger, considéré non dans son caractère d'écart par rapportà une norme idéale de prononciation des sons, mais dans l'optique dynamiquedes perturbations qui interviennent dans l'organisation prosodique del'énoncé et du discours, au cours de l'interaction, pourrait donc être redéfinic o m m e l'émergence, dans l'expression en langue étrangère, de rythmescorporels « parasites », liés aux rythmes de la langue maternelle. L'acqui-sition d'une compétence minimale de communication, à laquelle participel'amélioration de l'accent, passe alors par la neutralisation de ces rythmes,sur tous les plans, afin de retrouver une harmonisation rythmique verbal/non-verbal spontanée, équivalant à celle qui a été acquise et est possédée dansla langue maternelle6.

Les yeux dans le diagnostic et le « traitement »

L'observation visuelle peut par conséquent complementer l'analyse auditivede façon efficace. E n procédant à une analyse visuelle contrastive souple,on peut diagnostiquer rapidement quelques-unes des difficultés prioritaires,tout en faisant plus activement participer l'apprenant à la construction de

258 son apprentissage. L'intervention formative consiste alors à permettre de

faire restructurer certains mouvements clés (aisément repérables au bout Jd'une période d'entraînement approprié, en fonction d 'un inventaire des Géléments rythmiques pédagogiquement pertinents pour la modification de la §performance de communication en français). Il ne s'agit pas là d'imposer uun modèle de forme, d'amplitude, de direction liées à des facteurs plus spé- Mcialement personnels, situationnels ou socioculturels ; il ne s'agit pas non .3plus d 'un « changement » de personnalité, mais d'une transposition des Gmoyens d'expression personnels, à travers la diversité possible des styles de ^production et de communication orales. E n quelque sorte, une manière de g¡dépasser la gêne physique et psychologique issue de la dualité corps/parole, »liée à la rencontre conflictuelle de deux types de rythmes linguistiques "g— gêne qui, sans doute, intervient dans l'absence de motivation à la parole £et à l'apprentissage. g1

E n s'inspirant de techniques auxquelles on a recours dans le domaine de ^la rééducation d u langage*, qui se fondent sur la possibilité d'influencer la gmicromotricité par la macromotricité, on peut tirer parti de la mise en évi- 'gdence des isomorphismes de fonctionnement entre rythmes corporels, 3oculaires et verbaux. E n effet, les yeux sont susceptibles d'être utilisés de adeux manières complémentaires pour modifier la parole. U n e interventionpertinente au niveau de la partie du corps où l'interférence est particuliè-rement visible entraîne u n reconditionnement rythmique et tensionnelapproprié à l'échelon des autres segments corporels. D ' u n e part, des m o u -vements correctifs spéciaux, suggérés sur la base d'un diagnostic à la foisvisuel et auditif, sont perçus et reproduits grâce à l'observation visuelle ;ils agissent directement sur l'émission du son ou bien donnent lieu à uneproprioception et permettent d'accéder à la représentation mentale du son,sans passer par l'audition**. D'autre part, la restructuration rythmique desmouvements oculaires, par sa participation à la distribution et à la qualitévocalique et expressive des syllabes accentuées, ainsi qu'à un fonctionnementmieux approprié aux règles implicites de la culture étrangère, aide à réduirele décalage entre l'intention communicative et la nature de l'effet obtenu ;la confiance de l'apprenant dans sa performance de communication s'entrouve accrue — ce qui entraîne de nouvelles modifications plus autonomes,dans le comportement global, verbal et non verbal.

Dans le domaine kinésique c o m m e dans le domaine verbal, la contrainterythmique exercée de manière clairement délimitée et transitoire faciliteune liberté et une efficacité d'expression plus grandes. O n peut acquériru n « bon accent » non pas au prix de l'effacement de sa propre gestualité,mais grâce à l'exploitation dynamique de celle-ci***. Et les mouvements desyeux et des paupières, que l'on n'a pas l'habitude de faire intervenir à ceniveau, jouent u n rôle fondamental, complémentaire des fonctions évoquéesen première et en deuxième partie.

* Je pense particulièrement aux techniques de la rythmique phonétique,appliquées aux jeunes sourds, dont j'ai tenté de faire une transposition aufrançais langue étrangère, grâce à l'aide d'I. Gospodnetic, puis deM . Decormeille, à partir de 1973.

** Travaux non publiés de M . Decormeille.*** L a nature du travail de phonétique corrective, qui néglige souvent de

considérer les problèmes dans leur globalité et au niveau de leurs causes,contribue à expliquer l'image de marque négative de la phonétique qui estparfois gardée de la période scolaire d'apprentissage des langues vivantes. 259

o L'interprétation visuelle de la différence culturelle

Io L'accent étranger est donc en m ê m e temps fait verbal et fait non verbal.5 L a compréhension du comportement, compréhension orale dans la mesure

^ où celui-ci est lié à la langue d'origine, se fonde sur l'interprétation de ladifférence rythmique et tensionnelle — grâce à la perception visuelle —plus que sur celle de la différence vocale et intonative — grâce à la percep-tion auditive. D e u x exemples en fourniront l'illustration ; ils sont tirés del'enregistrement d'étudiants anglophones américains, essayant de restituer— après apprentissage au cours de visionnements répétés du film et deséances au laboratoire de langues — le dialogue authentique filmé de deuxétudiants français.

Premier cas

Énoncé :« T u t'adaptes. »

Rythme verbal :Irrégularité syllabique, accent sur la dernière syllabe.

M o u v e m e n t d'accompagnement :Déplacement en courbe de la main droite dont la fin est visible sur la

dernière syllabe et qui est peut-être initié sur l'avant-dernière syllabe(synchronisme des accents, mais absence de synchronisme des unitésaccentuelle et kinésique).

Variations de vitesse et de tension dans le déroulement.Interprétation par des locuteurs français :

Incompréhension. Verbe non reconnu à cause de la modification des sonsrésultant de l'organisation rythmique et tensionnelle.

Impression de mollesse, de désintéressement (main « jetée » vers le bas),geste compris c o m m e un commentaire implicite ambivalent quant àson point d'application. O u bien : « Je sais que tu t'en moques » ; oubien : « A m o n avis, cela n'a pas d'importance/devrait t'être égal »(mimique faciale invisible : personne de profil).

Problèmes :Interprétation incompatible avec le contexte.Interprétation rejetée par le locuteur américain.

Deuxième cas

Énoncé :« D e plus en plus de travail. »

Rythme verbal :Irrégularité syllabique — de accentué —, pas d'accent sur la syllabe finale,

à peine audible et diphtonguée — réduction de la durée syllabique etde la qualité vocalique sur [tra] - > [tra].

M o u v e m e n t d'accompagnement :Déplacement de la main identique au précédent ; jet rapide en courbe,

vers le bas, sur le début du groupe (énergie décroissante) ; la fin dumouvement est antérieure à celle de l'unité accentuelle (absence desynchronisme dans les unités accentuelle et kinésique ; synchronisme

260 inadéquat sur la syllabe accentuée).

Interprétation par des locuteurs français : JîIncompréhension d u segment verbal et/ou de la signification d u geste. aImpression de mollesse, de désintéressement, de « je-m'enfoutisme » Ü

et de gaucherie de la part d u locuteur. <uProblèmes : eo

Irrégularité syllabique et absence de la syllabe accentuée finale également .3nécessaire. ö

Interprétation incompatible avec le contexte. ^Interprétation rejetée par le locuteur américain. g¡

<sCOCO

C e s exemples, sélectionnés parmi d'autres et confrontés à la réalité des diffi- 'gcultes d'adaptation à la « vie en France » de beaucoup d'étrangers, témoignent £à la fois de la relation bien connue entre rythme et qualité phonématique et §*de la façon dont la production et la perception de rythmes et de tonus ^corporels, d'abord liés à la langue d'origine — donc à u n e forme de différence gculturelle — tendent à être interprétés à toute sorte de niveaux, emprisonnant ' 3l'individu dans une compréhension inadéquate aussi bien de son message ¿!que de sa personnalité. D ' o ù l'intérêt de recourir à une méthodologie précise £pour aider l'apprenant à bénéficier de documents authentiques (films o uvidéo) proposés c o m m e échantillons culturels et c o m m e modèles de réfé-rence pour l'expression. D ' o ù aussi l'intérêt d'élargir la notion de « gestesculturels » à d'autres éléments que les gestes-énoncés propres à u n pays,qui sont en passe de faire l'objet d'exploitations pédagogiques simplistesmais publicitaires. Ainsi, il n'est pas interdit de penser que la répétitionde phénomènes identiques chez des sujets de m ê m e origine linguistiquepuisse fonder certains stéréotypes nationaux. Si le regard français est parfoisressenti par des étrangers c o m m e exprimant la colère o u l'agressivité(« il pénètre, fouille, fixe, pèse »), il convient sans doute de mettre ce p h é -n o m è n e en relation avec certains traits phoniques d u français contemporain.Par exemple, la stabilité vocalique et la place de l'accent, généralement enfin de groupe o u d'énoncé, confèrent au regard u n e impression de fixation etde durée qui contraste avec le m o u v e m e n t de balayage lié, par exemple,aux diphtongues de l'anglais et à la place variable de l'accent.

Conclusion

L e comportement visuel est donc l'une des composantes des interactionspsychosociolinguistiques, par sa participation à la compréhension de certainsaspects d u fonctionnement des relations interpersonnelles, mais aussi parl'influence qu'il exerce sur la structure et le déroulement de l'échange, àtravers u n e conformité culturelle manifestée à plusieurs niveaux. L a soli-darité rythmique à la langue parlée — le français dans l'exemple proposé —en représente le niveau fondamental sur lequel les autres marques viennentse greffer. Les yeux sont l'un des instruments privilégiés d u dialogue descultures.

Si la prise en considération de la relation entre non-verbal et prosodiereprésente u n progrès par rapport aux attitudes traditionnelles qui ontdominé l'apprentissage et l'enseignement des langues étrangères, réapprendreà regarder constitue une nécessité aussi fondamentale que réapprendre àentendre/écouter. L'enseignement et l'apprentissage d 'une langue peuventainsi être reliés de manière très systématique aux fonctions associées de l'œil,de l'oreille et d u corps dans la perception et la production de l'oral. L a mise 261

g au point d'une méthodologie d'observation visuelle à des fins d'apprentissageJj didactique, parallèlement à celle de l'observation auditive, apporte une„ possibilité de renouvellement dans le domaine de la phonétique appliquée3 et fait partie du problème, plus vaste et récent, de la méthodologie d'exploi-

^ tation des documents authentiques, sonores ou vidéo. •

Notes

1. Elle comporte, c o m m e toute analyse auditive, une marge d'incertitude.2 . I. Fonagy, « L'accent français : accent probabilitaire », dans : Studio, phonetica 15,

Paris, Didier, 1979.3. C e qui détermine les limites pédagogiques des documents statiques, tels que

dessins et photos.4 . L a m ê m e activité corporelle peut remplir plusieurs fonctions simultanées.5. Pris c o m m e équivalent du terme « prononciation », au sens large : place de la

voix, rythme, intonation, phonèmes.6. D ' o ù toutes les difficultés rencontrées — psychologiquement et

linguistiquement — dans des situations où jouer des sketches préfabriqués oucréés et insérer des gestes « typiquement français » se transforme souvent en« gesticulation tous azimuts », libérant sans contrepartie constructive desrythmes parasites et accentuant le manque de coordination nuisible à une parolenaturelle, voire au désir de parler français.

Pour approfondir le sujet

(Références arbitrairement choisies parmi les publications des cinq dernières années,à l'exception des travaux de W. S. Condon)

A R G Y L E , M . ; C O O K , M . Gaze and mutual gaze. Cambridge University Press, 1976.B U R N S , J. ; K I N T Z , B . Eye contact while lying during an interview. Bulletin of

Psychomic Society, vol. 7 , 1976, p . 87-89.C O N D O N , W . S . Method of micro-analysis of sound films of behaviour. Behavioural

research methods and instrumentation, vol. 2, 1970, p. 2.. Communication and order. T h e micro 'rhythm hierarchy' of speaker

behaviour. Dans : Harries et Nickerson (dir. publ.), Play therapy in theory andpractice, 1973.

; S A N D E R , L . W . Neonate movement is synchronized with adult speech:international participation and language acquisition. Science, vol. 183, 1974,p . 99-101.

C O O K , M . ; S M I T H , J. T h e role of gaze in impression formation. British journalof social and clinical psychology, vol. 14, 1975, p. 19-25.

E L L S W O R T H , P . C . ; Ross, L . Intimacy response to direct gaze. Journal ofexperimental social psychology, vol. 11, 1975, p. 592-613.

; L A N G E R , E . T . Staring and approach: an interpretation of the stare asnonspecific activator. Journal of personality and social psychology, vol. 33,I976, p . II7-I22.

G A A K D E R , K . R . Eye movements, vision and behaviour. N e w York, Wiley, 1975.H E S S , E . T h e role of pupil size in communication. Scientific American, vol. 233,

I975> P- 110-122.L A F R A N C E , M . ; M A Y O , C . Racial differences in gaze behaviour during

conversations: 2 systematic observational studies. Journal of personality andsocial psychology, vol. 33, 1976, p . 547-552.

T H A Y E R , S . ; S C H I F F , W . Eye contact, facial expression and the experience of time.262 Journal of social psychology, vol. 95, 1975, p. 117-124.

Lettres o

00

o

Régulation du complexe socio-écologique §"G

M . Miroslav Soukup, qui a publié un article dans le numéro de notre revue Jintitulé « Science et guerre » (vol. 26, n° 1/2,1976), nous fait part gaujourd'hui de ses réflexions sur ce que sont à notre époque le rôle et les §•responsabilités des chercheurs. Il expose en particulier ses vues sur les récents •-numéros de notre publication qui traitent de « la gestion de la biosphère »(vol. 30, n°s 3 et 4,1980) et de « la science pourvoyeuse d'armes »(vol. 3 1 , n° 1,1981). M . Soukup appartient à la section de sociologie del'Institut de philosophie et sociologie de l'Académie tchécoslovaque des sciences,Jilska 1,11000 Prague 1 (Tchécoslovaquie).

L a recherche a plusieurs tâches fondamentales à remplir dont l'une consisteà déterminer, avec la plus grande exactitude possible, l'importance et ladynamique des divers problèmes et l'incidence de leurs interactions et deleur corrélation avec les autres. L a nécessité d'en rechercher la solution defaçon complexe tient aussi au fait que beaucoup de processus s'excluentles uns les autres ; et l'on risque, en engageant un certain processus sur unevoie rationnelle, de provoquer des effets secondaires qui aggraveront lesautres problèmes.

L'ensemble des problèmes méthodologiques liés à l'analyse des processusmondiaux constitue l'un des domaines spécifiques de recherche. Il est detoute évidence nécessaire de mettre au point une nouvelle méthodologiepour l'analyse de différentes formes de développement mondial et derechercher les processus décisionnels correspondant le mieux à la complexitéet à l'importance de ces nouveaux problèmes. Il conviendrait d'analyser,dans le cadre de cette nouvelle méthodologie, les possibilités d'utiliserl'analyse des systèmes (y compris l'établissement de modèles mondiaux) etcette méthodologie devrait faire constamment l'objet d'une évaluationapprofondie, compte tenu des résultats qu'elle permettra d'obtenir et quel'on comparera à l'évolution effective des processus mondiaux. L e scienti-fique doit s'employer à dégager une conception de la recherche qui soit denature à améliorer fondamentalement la base de connaissances requise pourorienter dans la bonne direction les efforts nationaux et internationaux derecherche à court et à long terme qui sont menés sur les plans national,régional et mondial.

Je pense, pour l'essentiel, que l'on assiste en cette seconde moitié duX X e siècle à l'apparition d 'un complexe socio-écologique global, c'est-à-dired'un système « humanité-biosphère », et qu'il est indispensable que l ' h o m m e 263

S apprenne à le contrôler. Qui plus est, nous sommes appelés à apporter auy moins un commencement de solution à ce problème sans précédent, à un• m o m e n t historique de la coexistence et de la concurrence entre deux sys-

tèmes socio-économiques différents, le capitalisme et le socialisme.C'est dans ces conditions qu'il va falloir élaborer et appliquer un pro-

gramme minimal réaliste de développement de l ' homme, qui tiendra comptede l'ensemble des « forces de classes » fondamentales de l'humanité contem-poraine. L a complexité sans précédent de cette nouvelle tâche exige avanttout une restructuration profonde de la science contemporaine. Dans cettenouvelle structure, les sciences sociales sont appelées à jouer un rôle essentielen raison du caractère social des problèmes mondiaux.

Pour définir une tâche de cette nature, il faudra notamment mettre progres-sivement au point des méthodes uniformes et coordonnées de rassemblement,d'élimination et d'évaluation des données, et établir une terminologie norma-lisée pour la recherche fondamentale et la recherche appliquée. U n tel travaildevra être exécuté dans un temps relativement court, étant donné la rapiditéavec laquelle évoluent les processus à l'échelon international. Il est impos-sible de résoudre les problèmes mondiaux si l'on ne dispose pas des moyensadéquats — tant matériels que scientifiques — pour répondre à ces nécessités.A notre époque, une part intolérable de nos ressources est consacrée àpréparer la guerre.

A la question des moyens matériels s'ajoute un problème politiqued'importance primordiale, à savoir que la détente est la condition préalableessentielle à l'instauration d'une coopération démocratique mondiale. L adétente est une ressource fondamentale du globe. Tout ce qui peut nuireà la mise au point de mécanismes propres à atténuer les tensions — touteinitiative que prennent ceux pour qui la détente n'est qu'une marchandisetout juste bonne à vendre sur le marché diplomatique — risque d'entraînerdes dépenses et des conséquences incalculables.

Telles sont les raisons pour lesquelles tous les scientifiques doiventabsolument envisager le problème de la responsabilité et du devoir sousun jour nouveau, appliquer toute leur énergie créatrice à la recherche de lasolution des problèmes mondiaux et contribuer eux-mêmes de manièreefficace à leur solution. C'est en effet de la solution de ces problèmes entemps voulu que dépend le sort de l'humanité.

Miroslav S O U K U P

L'accès aux réserves de semences

Du Canada nous parvient une lettre intéressante en réponse à nos deuxrécents numéros sur « la gestion de la biosphère » (vol. 30, n°s 3 et 4,1980),adressée par Pat R . Mooney, R.R.i, Brandon RyA 5Y1 (Canada).

Lors de l'élaboration d'une Stratégie mondiale de la conservation, j'ai notéavec soulagement et ravissement, d'une part, l'attention particulière accordéeà la préservation des ressources phytogénétiques et, d'autre part, la prise deconscience de la menace d'extinction qui pèse sur ces ressources — élémentsfondamentaux de l'amélioration des espèces végétales et pierre angulaire dela sécurité alimentaire à long terme. D e m ê m e , les préoccupations suscitées

264 au sein de la communauté scientifique par certaines des vastes implications

politiques et économiques de la conservation de ces ressources est un signe Spositif. L'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, gle Programme des Nations Unies pour l'environnement et le Groupe ^consultatif sur la recherche agricole internationale se sont tous consacrés àl'étude de certaines des questions législatives épineuses qui touchent auxressources phytogénétiques. U n grand nombre de ces questions ayant toutd'abord été soulevées par la Coalition internationale, qui regroupe desinstitutions bénévoles de dix-huit pays industrialisés ( I C D A ) , j'aimerais, enleur n o m , développer certains des points essentiels, bien que moins connus,relatifs aux ressources génétiques.

C'est une vérité universellement reconnue dans le m o n d e scientifique,mais universellement méconnue dans le m o n d e politique, que l'hémisphèrenord tire sa subsistance d 'un système vivrier presque totalement originairedu tiers m o n d e . A de rares exceptions près, on peut affirmer que l'hémisphèresud est le berceau des trente plantes qui constituent 95 % de l'alimentationmondiale. L a dépendance du Nord vis-à-vis du Sud est évidente dans le casdes exportations de blé du Canada : ce sont des croisements d'espèces enprovenance de Pologne et de l'Inde qui, à l'origine, ont rendu ces exporta-tions possibles il y a près d 'un siècle. D e m ê m e , en Australie, la productionovine a été tributaire de l'importation de gènes et d'espèces en provenanced'Afrique du Nord, et l'Amérique n'a pu maintenir la culture de certainslégumes, tels les épinards et les pois, qu'en faisant appel à l'Asie. L e Nordest peut-être riche en céréales, mais il est pauvre en gènes.

Il n'est donc pas surprenant que les préoccupations suscitées par l'ame-nuisement des richesses génétiques se soient tout d'abord manifestées dansle Nord et aient abouti, un peu au hasard, à la création de « banques » degènes dans de nombreux pays. Tandis que la Révolution verte se généralisaitet que les familles rurales utilisaient les semences anciennes pour leuralimentation (Garrison Wilkes a comparé ce processus à celui qui consiste àconstruire le toit avec des pierres extraites des fondations), nous étions entrain de saper les fondements technologiques de la sélection future. Cepen-dant, des scientifiques clairvoyants se sont empressés d'agir et l'on a finale-ment assisté, sous les auspices de la F A O à R o m e , à la création du Conseilinternational pour les ressources phytogénétiques (CIRP).

On ne peut pas compter exclusivementsur la bonne volonté

Tout au long des années soixante-dix, de louables efforts ont été déployéspour recueillir et emmagasiner du matériel génétique, ce qui a permis dejeter les bases des plans actuels de conservation. Néanmoins, force est dereconnaître que la bataille désordonnée menée pour préserver le matérielgénétique a peut-être eu des effets négatifs d'une grande importance pour lespays du tiers m o n d e producteurs des ressources actuellement emmagasinées.Les recherches effectuées ces derniers mois par l ' I C D A font ressortircertaines préoccupations à cet égard.

Plus de 90 % des stocks de matériel génétique sont conservés dans le Nordsous le contrôle, en dernier ressort, des gouvernements. Sur le pourcentagerestant, inférieur à 10 %, la moitié au moins est soumise à un contrôleinternational par l'intermédiaire des principaux centres de recherche agro-nomique et l'autre moitié, sans doute moins de 5 %, est placée sous lasouveraineté des États du tiers m o n d e . 265

S L e C I R P a désigné douze grandes cultures vivrières originaires du tiersS m o n d e pour lesquelles il convient d'établir des collections sur une base'-' mondiale. Dans l'hémisphère nord, pour certaines cultures importantes

telles que le blé, le maïs, l'avoine et le sorgho, le matériel génétique est placésous contrôle national (en vertu d'un accord international) ; pour d'autres,il est laissé sous la responsabilité de quatre centres internationaux derecherche agronomique, dont un seulement (pour certaines espèces demillet) relève directement de l'autorité du tiers m o n d e .

Il peut arriver que le matériel génétique du Sud subsiste à l'état naturel etque sa mise en « banque » dans le Nord n'ait peut-être pas beaucoup d'impor-tance. Cependant, dans de nombreux cas, ce matériel est en voie d'extinction.D'après une enquête de la F A O effectuée en 1970, quatorze des vingt-septpays où les États-Unis ont pu se procurer du matériel génétique pour le blén'ont eux-mêmes aucune réserve et il est probable qu'une grande partie deces ressources ne sont disponibles que dans le Nord.

Dans un m o n d e où l'on voit de plus en plus l'alimentation utilisée c o m m eune arme politique, les scientifiques ne peuvent plus présumer allègrementqu'un pays quelconque fera éternellement preuve de bonne volonté. Il estinquiétant que le matériel génétique autochtone ait échappé au contrôle despays et des agriculteurs qui sont à l'origine de son existence. Cependant,aux préoccupations politiques s'ajoute un grave obstacle technologique. Surles vingt-cinq pays européens possédant des banques de gènes identifiables,six seulement, semble-t-il, ont publié un inventaire des ressources génétiquesen stock. Aucun, sauf un peut-être, n'a procédé à un relevé complet descaractéristiques des semences ainsi conservées. U n e fois exportés, ces gènesfranchissent une frontière technologique qui risque de rendre leur retour etleur utilisation dans le tiers m o n d e quasi impossibles.

A ce jour, les banques de gènes qui se constituent peu à peu en un « réseau »privilégient beaucoup les intérêts du Nord. Sur la s o m m e d'environ unmillion de dollars accordée l'une de ces dernières années sous forme de donspar l'intermédiaire du C I R P , les deux tiers ont été canalisés vers le Nord— vers des pays c o m m e les États-Unis (qui ont tiré deux fois plus de dollarsqu'ils n'en ont versé) et la France (qui n'a rien versé du tout). Il faut, detoute évidence, inverser cette tendance et le C I R P doit organiser une meil-leure campagne de ventes dans le tiers m o n d e . L e C I R P doit égalementélargir ses bases financières et élaborer un programme efficace de conserva-tion des ressources génétiques dans le tiers monde , tant dans des banques quedans le milieu naturel. Il faut arrêter 1' « exode des richesses génétiques » et leremplacer par un partage de ces ressources entre toutes les nations.

Amélioration des espèces végétaleset brevets a1 invention

L ' I C D A n'a pas été en mesure de définir le rôle du secteur privé dans laconservation du matériel génétique. Dans la communauté scientifique, il estde notoriété publique que les grandes sociétés de produits alimentairespossèdent d'importantes réserves de matériel génétique. Ainsi, Unilever enmet généreusement une partie à la disposition des chercheurs extérieurs.Tout le m o n d e sait également que le matériel génétique de plusieurs culturesde plantation est entre les mains de sociétés privées (selon la F A O , l'une de

266 ces sociétés, United Brands, contrôle les deux tiers des réserves génétiques

pour les bananiers). Dans ses prévisions, qui vont jusqu'en 1985, le C I R Plaisse au secteur privé la responsabilité primordiale des productions végé-tales telles que les betteraves à sucre, le cacao et le caoutchouc. Les milieuxcommerciaux accomplissent peut-être une œuvre importante dans cedomaine, mais il faudrait que leurs ressources soient recensées et, là aussi,que le contrôle politique de ces ressources émane d'accords internationaux.

Parallèlement à l'exode du Sud vers le Nord, le matériel génétique devientl'objet de législations monopolistiques en matière de brevets d'invention.Suivant une tendance qui s'est amorcée dans les pays membres du Marchéc o m m u n et qui s'est ensuite étendue à l'Amérique du N o r d et au tiersm o n d e , les pouvoirs publics accordent des brevets aux sélectionneurs devariétés nouvelles. O r , cette tendance est contraire tant à la sécurité alimen-taire mondiale qu'au principe de la liberté d'accès au matériel génétique,considérée c o m m e u n droit universel.

L'octroi de plus en plus fréquent de brevets crée, surtout pour le tiersm o n d e , une série d'importants problèmes concernant l'amélioration desespèces végétales, problèmes que je résume ici.

1. L a délivrance de brevets pour des nouveautés végétales institue u nrapport de force inégal entre les détenteurs de variétés traditionnelles (doncnon brevetables) et les détenteurs de variétés récemment brevetées, car depuissants motifs économiques militent en faveur de l'exploitation desvariétés brevetées sans qu'aucune mesure soit prise en contrepartie pourprotéger les variétés traditionnelles. Par conséquent, les groupes d'intérêtpeuvent exercer des pressions en recourant à des moyens tels que l'établisse-ment de « listes nationales » ou d'un « catalogue c o m m u n » pour éliminer lematériel génétique non breveté. L a F A O estime ainsi que l'Europe occi-dentale perdra, de la sorte, les deux tiers de son matériel génétique végétal.

2 . Dans le Sud, les titulaires de brevets s'efforcent d'imposer leurs variétésbrevetées aux dépens des cultivars traditionnels de la m ê m e plante oud'autres végétaux.

3. Les titulaires de brevets axent leurs programmes de sélection surles cultures très rentables et ne s'intéressent guère, par exemple, aux2 000 « plantes des pauvres » recensées par l'Académie nationale des sciencesdes États-Unis. Pour paraphraser la remarque de Boswell à propos de lapendaison, les brevets concentrent merveilleusement l'esprit sur les chosessusceptibles d'être brevetées.

4 . L e monopole conféré par les brevets tend à réduire le nombre decréations novatrices dans le secteur privé puisque l'innovation, de l'avisgénéral, est m u e par l'esprit de compétition. O r , le monopole qu'assurent lesbrevets est à l'opposé de la concurrence ; il peut aboutir à ce que les juristesdénomment 1' « effet Rip V a n Winkle* » : les dix-huit années de protectionassurées par ces brevets constituent pour leurs titulaires une période desomnolence pendant laquelle ils relâchent leurs efforts de recherche et dedéveloppement. A u lieu de stimuler l'innovation, les brevets favorisent lesimitations dans le domaine de la sélection, c o m m e l'a constaté l'Académienationale des sciences aux États-Unis à la suite d'une enquête menée en 1978.

5. Les brevets soumettent l'art et la science phytogénétiques à un forma-lisme qui peut retarder l'innovation. Afin de protéger un brevet, les juristes

* Personnage célèbre d'un roman américain qui, s'étant endormi pendant unsiècle3 eut l'impression de se réveiller d'un court sommeil. (Note du traducteur.) 2 6 7

S sont forcés d'établir des définitions assez sommaires des variétés et desS espèces. L a fixation des trois critères de « caractère unique », d' « uniformité »1-1 et de « stabilité » pour la délivrance d'un brevet semble avoir découragé toute

recherche nouvelle intéressante en France, les bailleurs de fonds n'étant pascertains que le produit final pourra être breveté.

La fusion des entreprises : une menace

Enfin, l'octroi de brevets pour des organismes vivants pose des problèmeséthiques et sociaux. Lorsqu'une nouvelle machine à écrire est brevetée, soninventeur n'exerce un contrôle que sur le produit final. Il n'en a aucun surl'acier, le cuivre, le chrome ou Pétain qui entrent dans la fabrication del'objet. Dans le cas d'une variété végétale, cependant, le brevet ne peutcertes porter que sur le produit final, mais il donne à son titulaire la possi-bilité de « thésauriser » les matières premières — en l'occurrence, des gènesqui peuvent présenter u n caractère unique. L a nature fourmille d'exemplesde matériel génétique de ce type, tel le célèbre gène « russe » de l'orge, quiconfère une résistance à toutes les formes de charbon, ou un gène analogue,le gène « éthiopien », qui confère une résistance à une forme de jaunisseprovoquant le nanisme. Dès qu'ils sont contenus dans une variété brevetée,ces gènes peuvent être librement utilisés par d'autres chercheurs ; mais ilreste toujours à craindre que la communauté scientifique ne se trouve privéed'un matériel génétique fort utile en raison de sa rentabilité éventuelle.

Il est inquiétant de voir les producteurs de semences demander, c o m m eils l'ont fait récemment, que le régime des brevets soit étendu à certainsgènes et que la période de protection légale soit portée à trente ans. Danscertains cas, une telle mesure pourrait aboutir en fait à instituer u n monopolesur toute une culture pendant une génération.

L a fusion de sociétés, qui tend à se développer dans le secteur des produc-teurs de graines, est u n autre sujet de préoccupation pour l ' I C D A . L e régimedes brevets étant désormais appliqué aux espèces végétales, l'acquisition desfirmes productrices de graines paraît u n objectif intéressant aux sociétésmultinationales. L a chose n'aurait là rien que de très naturel si les acheteursn'étaient presque exclusivement des sociétés ayant une participation impor-tante dans l'industrie des produits chimiques agricoles. L a Royal DutchShell est actuellement la plus grande société productrice de semences d um o n d e , suivie de très près par Sandoz et Ciba-Geigy — deux sociétéspharmaceutiques suisses qui ont, dans le m o n d e entier, de très gros intérêtsdans le secteur des produits chimiques agricoles. Les autres grandes firmessont Upjohn, Pfizer, Union Carbide, Monsanto, Occidental Petroleum etAtlantic Richfield. A u x Pays-Bas, Sandoz tente actuellement d'acheter laRoyal Sluis ainsi que Sluis et Groot. Atlantic Richfield vient d'acheter laDesert Seeds aux États-Unis. A quelques exceptions près, la totalité desgrandes sociétés productrices de semences est actuellement entre les mainsdes sociétés de produits chimiques.

L'instauration d'un régime d'oligopole en matière d'agriculture est doncun danger réel. A u x États-Unis, cinq sociétés et leurs filiales possèdent,semble-t-il, plus d'un tiers de l'ensemble des brevets délivrés en vertu d uPlant Variety Protection Act de 1970 (loi portant protection des variétésvégétales). Si l'on considère les espèces individuellement, la situation estencore plus préoccupante ; dans presque chaque cas, quatre sociétés ou

268 moins encore détiennent plus de la moitié des brevets. Il arrive m ê m e que

ces quatre sociétés évitent de se faire concurrence dans une zone géogra-phique donnée, ce qui laisse l'une d'elles en situation de monopole danscette zone.

Semences, produits chimiques et oligopole

C e problème, si grave soit-il, n'est rien en comparaison des conséquences àlong terme de l'évolution qui tend à faire des sociétés de produits chimiquesagricoles les productrices mondiales de semences. Si les sociétés chimiquess'intéressent tant à la production de semences, c'est pour trois raisons.

1. Il est possible d'offrir aux agriculteurs une combinaison globale trèsrentable de semences et de produits chimiques. Si la redevance sur lessemences est réglementée, on peut relever le prix des pesticides. O n peutencourager les agriculteurs à utiliser plus de semences ou plus de produitschimiques qu'il n'en faudrait autrement.

2. Les nouvelles inventions techniques concernant la production desemences (notamment l'enrobage, les gamétocides pour la mise au pointd'hybrides et la culture des tissus) sont toutes liées à l'industrie chimique.Il est également possible de rendre les agriculteurs tributaires des produitschimiques agricoles en accordant moins d'importance à la résistance auxmaladies lors de la production de semences sélectionnées.

3. E n s'assurant le contrôle des produits chimiques et des semences, il estpossible de s'enrichir sans effort. Si une culture est attaquée par une maladiepour le traitement de laquelle la société qui fournit les semences dispose deproduits chimiques, cette société n'est guère incitée à chercher une solutionorganique, phytogénétique, pour lutter contre cette maladie ; il lui suffit deconseiller aux agriculteurs d'employer les pesticides qui se trouventdans le commerce. Certains indices donnent déjà à penser qu'en Europeet aux États-Unis les semences sélectionnées sont moins résistantes auxmaladies.

L e meilleur m o y e n de promouvoir la sécurité alimentaire mondiale consiste-rait à développer les programmes de sélection entrepris par les pouvoirspublics afin d'accroître la diversité génétique des espèces, leur robustesse etleur résistance aux maladies. L a Stratégie mondiale de la conservation doitnon seulement se préoccuper de la préservation des ressources phyto-génétiques, mais aussi reconnaître qu'il est indispensable, du point de vuesociopolitique, d'assurer d'abord la constitution de réserves génétiques dansles pays grâce auxquels ce matériel génétique existe. D ' o ù la nécessité vitaled'un échange libre et total des richesses génétiques. C e serait, de la part duNord , aller à l'encontre du but visé que d'encourager le développement durégime des brevets dans le domaine phytogénétique. Les semences de notreglobe sont trop indispensables à la vie humaine pour être la propriété desintérêts privés.

Pat Ray M O O N E Y

269

Recherche d'une optimisation des dépenses antipollution

La lettre ci-dessous nous a été adressée par Mikhaïl Yakovlevitch Lemechev,professeur et directeur du département des problèmes économiques liés auxutilisations des ressources naturelles, Institut central de mathématiqueéconomique, Académie des sciences, Moscou. Cettre lettre de M . Lemechevse rapporte aux deux numéros (vol. 30, nos 3 et 4) que nous avons consacrésdernièrement aux problèmes de la gestion de la biosphère.

Vos auteurs démontrent clairement que le bien-être socio-économiquedépend de plus en plus des deux facteurs suivants : d'une part, la quantité deressources naturelles qui sert à la production sociale et l'efficience aveclaquelle elle est utilisée, et, d'autre part, l'état de l'environnement.

Si l'on analyse les causes des incidences négatives de l'activité humainesur les écosystèmes, on s'aperçoit qu'elles tiennent à des différences fonda-mentales entre les circuits décrits par la matière dans les systèmes artificiels(économiques) et dans les systèmes naturels (écologiques) : alors que dans lessystèmes écologiques la matière circule en circuit relativement fermé, lesressources naturelles qui entrent dans les systèmes économiques n 'y sontutilisées que pour une fraction infime, la majeure partie étant restituée à labiosphère mais avec des propriétés physico-chimiques nouvelles et générale-ment nuisibles, acquises au cours du processus de production. O n a estiméque seulement quelque 2 % de la quantité de matière qui sert à la productionsociale est transformée en produit final consommé par la société ; les 98 %restants deviennent des déchets industriels. C'est à cette partie non utiliséeque sont imputables les effets négatifs produits sur l'environnement. L aprincipale cause des incidences écologiques néfastes de la production résidedonc moins dans l'expansion du champ de celle-ci que dans la nature de latechnologie qu'elle met en œuvre.

La lutte contre la pollution du milieu

II existe deux moyens de combattre la pollution de l'environnement. L epremier, largement connu, consiste à épurer les déchets industriels et agri-coles. Pourtant, en continuer l'usage ne se justifie guère dans la mesure où ilne s'attaque pas à la racine du problème. Les stations d'épuration ne permet-tent pas toujours d'éliminer complètement les substances nuisibles desdéchets industriels. E n outre, d 'un coût de construction relativement élevé,elles occupent des superficies étendues et créent un problème secondaire nonmoins difficile à résoudre : celui du traitement des déchets solides et dessédiments. Tous ces inconvénients réduisent l'efficience de cette méthode.

Il semble que le second m o y e n soit à la fois plus radical et économiquementplus avantageux. Il consiste à imiter le mieux possible la nature dans laconception m ê m e des divers processus technologiques de production, encréant par exemple des entreprises fonctionnant en circuit fermé (c'est-à-dire, d'entrée, peu productrices de déchets) afin d'utiliser toutes les sub-stances nuisibles (nombreuses au départ). Cette méthode n'a guère étéutilisée jusqu'à présent faute d'estimations des coûts économiques de lapollution de l'environnement.

L'emploi de technologies nouvelles (« propres ») dans la transformationdes matières premières peut paraître antiéconomique aux gestionnaires, dans

la mesure où le coût de la maîtrise de ces technologies excède en général la Svaleur des produits supplémentaires tirés des déchets. Comparée aux £dommages que la pollution inflige à l'environnement, 1' « économie » réalisée ^sur la technologie se traduit pourtant par des pertes nettes pour la société.

L'expérience de nombreux pays industrialisés montre que les perteséconomiques résultant de la pollution se chiffrent chaque année à plusieursmilliards de dollars. L a pollution atmosphérique étant néfaste pour la santé,il s'y ajoute des manques à gagner dus à l'inemploi de temps de travailpotentiel et à la réduction du taux de croissance de la production. Sans parlerdu fait que la pollution atmosphérique accélère l'usure des machines, équi-pements et autres matériels essentiels, qu'elle réduit les rendements agri-coles, dégrade l'état général des forêts et amoindrit la qualité du bois.

Quelques effets de la technologie « polluante »

Des coûts économiques analogues résultent de la présence de polluants dansles eaux et les sols. Enfin, la pollution de l'environnement cause d'immensespréjudices culturels, moraux et esthétiques impossibles à évaluer dans lapratique.

O n dispose de quelques chiffres qui donnent une idée de l'ampleur desdommages économiques imputables à la technologie « polluante ». U ndoublement de la densité de la pollution atmosphérique réduit de moitiéla durée de fonctionnement des installations industrielles jusqu'au m o m e n toù elles nécessitent des réparations majeures. L e blé cultivé à proximitéd'usines de traitement des métaux non ferreux a un rendement inférieurde 40 à 60 % à celui du blé cultivé hors des zones subissant les effets de cetteactivité, et sa teneur en protéines est de 25 à 35 % plus faible.

L a solution qui paraît s'imposer naturellement est celle du passage à latechnologie « propre ». Toutefois, à moins de prévisions économiques m i n u -tieuses, elle présente des risques considérables. Il ne s'agit pas seulementd'un problème de double dépendance ; l'accroissement des dépenses peutrendre déficitaires des installations ou des usines et conduire finalement àleur fermeture. D ' u n autre côté, la pollution est d'autant plus d o m m a -geable que les dépenses consacrées à la protection de l'environnement sontfaibles. Les dommages causés peuvent devenir si sensibles qu'ils excèdent leséconomies réalisées sur la technologie et qu'ils se soldent par une baissegénérale de la production. D ' o ù la nécessité de rechercher le niveau optimalde dépenses à consacrer aux mesures de lutte contre la pollution de l'envi-ronnement. Cet opt imum est atteint lorsque les coûts additionnels de pro-duction encourus afin de prévenir la pollution sont au moins compensés par laréduction des dommages qu'elle engendre. Quelle que soit la méthode de lutteutilisée, il faut donc déterminer le niveau de la pollution, en tenant compted'impératifs d'ordre social et en particulier des effets des polluants sur la santé.

L'estimation des d o m m a g e s économiques imputables à chaque cas depollution permettra d'établir les sanctions (des amendes, par exemple) àimposer aux entreprises polluantes. L'application de ces sanctions devraitêtre réservée à l'État ou aux administrations régionales, et leur produitfinancier devrait servir à concevoir et exécuter des projets de grande enver-gure dans le domaine de la protection de la nature, ainsi qu'à récompenserles entreprises qui auraient maîtrisé les nouvelles technologies propres àassurer la pleine utilisation ou l'élimination des déchets nuisibles afin deprévenir la pollution de l'environnement. 271

« Comment réduire les coûts d'équipementS et d'exploitation des entreprises

II ressort d'estimations préliminaires qu'en règle générale les économiesréalisées grâce à l'élimination des d o m m a g e s causés par une pollution sontsupérieures aux dépenses encourues pour empêcher cette pollution.

A u cours des années de la construction du socialisme, l ' U R S S a acquisune ample expérience de la planification de la production sociale, et notam-ment de la mise en valeur rationnelle des ressources naturelles. Depuis 1975,les plans soviétiques de développement économique comprennent de vastesétudes, recherches et interventions pratiques dans les domaines de la pro-tection de l'environnement et de l'exploitation rationnelle des ressourcesnaturelles. L'Union soviétique n'a cessé d'améliorer les technologies indus-trielles afin d'assurer que ces ressources soient moins gaspillées.

Les forts taux de développement économique, l'expansion rapide de laconsommation de ressources naturelles et les « pressions » croissantes que laproduction industrielle moderne exerce sur la biosphère exigent que l'onperfectionne encore les méthodes employées pour planifier l'utilisation dela nature. L a segmentation des approches par branche et par département,l'absence d'optique globale et l'application du principe de la libre consom-mation des ressources naturelles sont les principaux défauts des méthodesactuelles. L'exemple suivant illustre de manière frappante la justesse decette remarque.

E n Union soviétique, la production d'une tonne de fonte, par exemple,exige 250 m 3 d'eau, alors que la norme moyenne de consommation indus-trielle d'eau est fixée à 115 m 3 . L'adoption du procédé de refroidissement parevaporation est donc d'une importance capitale pour économiser l'eau dansl'industrie métallurgique. C e nouveau procédé permettra en outre de réduireconsidérablement les coûts d'équipement et d'exploitation des usines etd'allonger la durée de vie du matériel ainsi refroidi, c'est-à-dire finalementd'améliorer l'efficience économique globale des entreprises.

Le cas de Veau

L a situation est analogue dans l'agriculture, principal secteur consommateurd'eau. Les défauts des réseaux et le non-respect des régimes d'irrigation setraduisent par une consommation excessive d'eau, une salinisation intensivedes sols, accompagnée d'une réduction de leur productivité, et u n accrois-sement des dépenses consacrées au dessalement.

L'absence d'estimations économiques relatives à l'eau, conjuguée à laliberté d'accès à cette ressource qui est laissée aux usagers, constitue l'unedes causes de cette consommation excessive dans l'industrie c o m m e dansl'agriculture. L a libre consommation, que ce soit celle de l'eau ou celled'autres ressources naturelles, ne facilite en rien le respect de la législationsur leur utilisation rationnelle.

Cette remarque vaut particulièrement pour les sols : le rythme rapide del'industrialisation, de l'urbanisation et des constructions routières exigel'étalement des zones urbaines. Il est impossible d'arrêter totalement cetteexpansion industrielle. Par ailleurs, l'État soviétique réalise chaque annéede vastes investissements pour assurer l'extension progressive des terresmises en culture. O r , les gains résultant de ces vastes débours annuels sont

272 pratiquement réduits à néant par les effets de l'expansion industrielle.

O n pourrait pourtant faire en sorte que les sols soient utilisés ration-nellement et sans gaspillage en mettant en œuvre une série de mesures ten-dant notamment à résoudre les problèmes socio-économiques, techniques,industriels, biologiques et autres qui se posent à cet égard.

S'il est aujourd'hui possible d'estimer avec plus ou moins de précision lescoûts des mesures prises pour protéger l'environnement et permettre lasauvegarde et la reconstitution de la nature, il reste, dans la plupart des cas,impossible d'évaluer leurs résultats économiques : de là l'impression deleur inefficience économique pour les entreprises et pour l'ensemble de l'éco-nomie nationale. Lorsque les ressources naturelles pourront faire l'objetd'évaluations économiques, d'immenses possibilités s'ouvriront de planifieret de gérer la protection de l'environnement selon les principes de l'économie.Et les recettes tirées de ces activités deviendront aussi tangibles économi-quement que les dépenses qu'elles entraînent.

U n autre problème étroitement lié à celui de l'application de l'analyseéconomique aux ressources naturelles est celui de l'évaluation des d o m m a g e squ'engendre la pollution de l'environnement en accroissant par exemple lamorbidité, en accélérant Pobsolescence d'équipements productifs essentielset en réduisant la productivité des ressources naturelles dans les zonesd'intense concentration des polluants dans l'air, l'eau et le sol. L'estimationde ces coûts de la pollution devrait reculer considérablement les limites del'efficience économique des techniques de production sans déchets.

M . Yakovlevitch L E M E C H E V

Un sujet de désaccord

La lettre qui suit a été suscitée par la parution dans notre revue, en 1979,d'un article signé par le professeur Geneviève Benezra, de V Université deMontréal. Tout effort pour reprendre contact avec Mme Benezra qui estfrancophone s1 étant révélé vain, nous reproduisons la critique duprofesseur Y. F. Le Coadic sans autre commentaire.

Dans votre numéro qui traitait de la recherche et des besoins sociaux(vol. 29, n° 3, juillet-septembre 1979), j'ai été fortement intéressé maisaussi déçu par l'article de Geneviève Benezra sur les « Problèmes d'orien-tation de la recherche universitaire ». Intéressé par cette évaluation, car j'aiété le concepteur-réalisateur de ce programme gouvernemental sous l'auto-rité du directeur général de l'enseignement supérieur de l'époque, M . LouisRousseau, et déçu parce que la philosophie et les objectifs de ce programmetels qu'ils apparaissent dans cet article sont fort éloignés de celle et de ceuxque nous avions définis, ce qui remet en question cette évaluation.

Je voudrais essayer de restituer cette création dans ses cadres éducatif,scientifique, social, politique et idéologique et évaluer son intégration dansle système actuel de la recherche scientifique et technique au Québec.

Un programme éducatif

C o m m e l'indique son titre — u n programme québécois d'aide à la rechercheuniversitaire, de subvention de formation des chercheurs et d'action 273

S concertée — ce programme de subventions visait d'abord à former des§ chercheurs. Pour cela, il fallait envisager une structure d'accueil pédagogique*"* et scientifique qui serait à m ê m e d'assurer cette formation. Je l'avais appelée

« unité de recherche » (La revue de l'A UPELF, vol. I X , n° 2 , décembre 1971)et l'envisageais différente des deux formes d'équipes de recherche qui avaient(et ont encore) cours et qui ressemblent aux formes traditionnelles del'organisation économique, et correspondent respectivement à l'apprentissageouvrier et à l'association de deux ou plusieurs entrepreneurs économiques.Je formulais à son égard des exigences quantitatives (organisation) qui,espérions-nous, auraient des retombées qualitatives (démocratisation).J'aurais aimé retrouver dans l'évaluation de Geneviève Benezra cette analysestructurale des unités de recherche.

Un programme scientifique

II allait de soi que ces équipes étaient des lieux de la création scientifique ettechnique et que des productions scientifiques (productions de savoirs etde méthodes) devaient être le résultat de l'activité de ces unités. Mais iln'allait pas de soi, c o m m e le croit M m e Benezra (p. 246 de son article),que ces équipes allaient produire plus de brevets. Quel raccourci mutilant !

Un programme social

Si orientation il y avait, elle allait dans le sens d 'un développement dans ledomaine de la recherche orientée où préoccupations théoriques et utilitairesse mêlent dans des proportions diverses. Ces recherches répondent à desbesoins sociaux. Mais, là, ces recherches orientées, traduites dans des actionsconcertées, ne pouvaient être le fait que de chercheurs ayant pris consciencedes rapports entre besoins et recherche, entre science et société, Or , il setrouve qu'à l'époque — et encore de nos jours, malheureusement — leschercheurs dans leur ensemble en étaient plus à l'âge de l'innocence qu'àcelui des responsabilités. E n effet, que recouvre l'autonomie de la rechercheuniversitaire ? Fétichisation de la science, pure, neutre, autonome par rapportaux puissances économiques et politiques ; insularité des scientifiques, quiprétendent former une communauté autonome qui oriente sa recherche selonses propres critères. Il n'est donc pas étonnant que, sous le coup de cetteidéologie régnante, les chercheurs comprennent mal ce qu'on leur demande.Et ce n'est pas l'analyse de Geneviève Genezra qui aidera à faire disparaîtrecette irresponsabilité collective des chercheurs scientifiques en véhiculantdes poncifs du type : « Dans u n milieu académique, il est plus habitueld'exiger des travaux de haute qualité scientifique sans se préoccuper de leurutilisation socio-économique immédiate. »

Un programme politique

Pour moi , oui. E n ce sens que la volonté de libération que j'ai tout de suiteressentie chez les Québécois ( m ê m e libéraux) devait transparaître dans cetteentreprise scientifique progressiste. Elle prenait en tout cas une place laisséevide par le pouvoir fédéral, qui subventionnait les individus et les grandscentres de recherche, ce qui est révélateur de la conception élitiste et centra-liste qui animait cette instance. Mais ce programme n'avait pas mission de

274 permettre, c o m m e le dit votre auteur, aux universités francophones de

s'aligner — ô aberration. ! — sur les grandes universités anglophones duQuébec (McGill en particulier) et du reste du Canada. Qu'est-ce qu'unegrande université ? U n e université qui sert l'idéologie dominante, légitimeet garantit l'ordre social en place. Quelles sont les grandes universités anglo-phones du Québec ? M e risquerai-je à avancer que l'ordre social que semblepréférer Geneviève Benezra au Québec est anglophone et capitaliste ? E ntout état de cause, l'histoire récente — la venue au pouvoir du parti québé-cois, le récent livre vert sur la recherche scientifique — m ' a donné raison,peut-être u n peu trop vite.

Un programme idéologique

II y a derrière toute entreprise une idéologie. C e programme portait en luila promesse d'une nouvelle science à l'université : non plus la science acadé-mique, mais la science critique. Va-t-il échouer alors qu 'un nouvel ordresocial triomphe au Québec ? L a balle est dans le camp des chercheurs : illeur reste à renoncer à l'insularité, à la caste, à la rareté, à l'élite et au secretpour devenir des travailleurs parmi d'autres, prenant en charge toutes lesdimensions d u combat social. Et, si j'excuse encore l'innocence de m e scollègues scientifiques et littéraires quant à la connaissance de leur « image »,je suis assez surpris de trouver chez M m e Benezra des analyses aussi pas-séistes, une connaissance par trop superficielle des phénomènes scientifiques.

Yves F. L E COADIC

Technolog ie et retour à la nature

C. S. Sunandana, de V Indian Institute of Technology, à Madras, nous faitpart de ses observations sur le récent numéro ¿'Impact consacré à l'hommeutilisateur d'outils de demain. L'adresse de notre correspondant est :X-5,12th Cross Road. I.I.T., Madras 600036 (Inde).

J'ai lu avec un grand intérêt votre numéro consacré à « L ' h o m o faber dedemain » (vol. 20, n° 2 , 1980) et j'ai été frappé par la manière directe dontK . K . Murthy, dans son article « L ' h o m m e , la technologie et Porganicismenaturel », parlait de la nécessité de modifier radicalement nos conceptionsde la nature, de la société et de la religion. C e qu'il faudrait sans doute à latechnologie, c'est un élément modérateur qui lui donne une colorationhumaine. Cela permettrait à l ' h o m m e de se rapprocher de la nature, four-nissant ainsi une réponse à son problème d'identité. Il est réconfortant denoter que les spécialistes des sciences sociales reprennent les idées et lesthèmes d ' h o m m e s de lettres célèbres tels que William Wordsworth etD . H . Lawrence. Les poètes, qui sont sans doute les meilleurs traits d'unionentre la société et la nature, possèdent l'intuition et l'imagination néces-saires pour prévoir l'avenir dans sa perspective naturelle.

L e m o n d e doit faire face à la double menace de la crise de l'énergie(l'insuffisance des ressources énergétiques en général) et de la pollution del'environnement, qui est une insulte à la nature. Dans un pays tel quele nôtre, l'urbanisation et l'industrialisation à grande échelle ont aggravéla situation. Il est facile de constater l'influence de l'Occident dans notre 275

engouement croissant pour l'acquisition de biens matériels et la consom-mation, qui aboutit à l'exploitation de l'individu. Paradoxalement, cettesituation a créé un « m o n d e inégal, où les chances sont inégales », soit l'exacteantithèse des concepts de communauté et d'harmonie communautaire.

Les préceptes donnés par Murthy pour l'avènement d'une société d'auto-suffisance sont plus nécessaires que jamais. L'avenir sera peut-être témoinde 1' « autoréalisation » de l 'homme, c o m m e diraient les spécialistes de lagestion. Les sociétés futures feront certainement tout ce qui sera en leurpouvoir pour préserver et protéger un environnement qui se dégrade et tirerun parti maximal de ressources toujours plus maigres.

C . S . S U N A N D A N A

276

EighthOcean EnergyConferenceSponsored by the United States Department of Energy, the Eighth OceanEnergy Conference will be held in Washington, D . C . , 7-11 June 1981,at the Capital Hilton Hotel. T h e m e of the meeting: 'Ocean Energy—MeetingNational Goals'.

T h e ocean covers almost three-fourths of the earth's surface andintercepts and stores an enormous amount of energy radiated by the sun.Energy in the form of low-grade heat can be extracted economicallyfrom the seas by ocean thermal energy conversion ( O T E C ) , a processconverting heat into electricity.

Using the ocean's energy could help solve national energy problems.T h e five-day conference will provide a forum concerning all aspectsof exploitation of the ocean's energy. T h e conference will also celebratethe centenary of the original publication by d'Arsonval in which hesuggested the ocean thermal option—one capable of a-significantimpact on plans for future actions to achieve energy goals throughresearch and engineering.Contact: Marine Technology Society, 1730 M Street N W ,Washington D C 20036, United States of America,telephone (1) (202) 659-3251.

THE EUROPEANFEDERATIONOF CHEMICALENGINEERING

andTHE INSTITUTION

OF CHEMICALENGINEERS

announce an

International Symposiumon Chemical

Engineering Education

This, the 253d event of the Federation, will be held at ImperialCollege, London (United Kingdom), from 16 to 18 September 1981.Interested participants and exhibitors should contact theSymposium's secretariat:

E . F . C . E . Education SymposiumThe Institution of Chemical Engineers12 Gayfere Street, WestminsterLondon S W i P 3 H P , United Kingdom,

w h o will provide further details concerning the meeting'sobjectives, papers, publications, and accommodations.

Les défis et les problèmes posés par la formation du personnelspécialisé, le choix du matériel et de l'infrastructure et le maintiende la sécurité dans le domaine de

L'aviation civileau servicedu développementsont les sujets traités avec pertinencedans le prochain numéro.

G é o R . Besse, ParisMichael Donne, LondresD . Freer, J. Vivian, Organisation de l'aviation civile internationaleWerner Guldimann, BerneA . Kotaite, OACIEdouard Lombolou, Commission africaine de l'aviation civileAdele Schwanz, WashingtonT i m Sharp, BangkokY . Y . Zenikov, Moscou

seront les principaux auteurs du volume 31, n° 2 , de ce périodiquequi paraîtra vers le Ier mai. Réservez dès maintenant votre exemplaire.

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Vol. 31, n° 4 (septembre-décembre 1981)La modélisation : concepts et outils

Vol. 32, n° 1 (janvier-mars 1982)Cataclysmes naturels

Vol. 32, n° 2 (avril-juin 1982)Les bactéries, amies ou ennemies

Vol. 32, n° 3 (juillet-septembre 1982)Climat : physique et chimie de l'atmosphère

Vol. 32, n° 4 (octobre-décembre 1982)Les jouets, les jeux et la science

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of UtopianStudies

In recentissues: A n -

drew Feenbergon scientists and

science fiction; RobertS. Fogarty on communal

societies; Hazel Hendersonon recycling ourselves; David E.Ingersoll and Daniel Rich on the

limits of scientific futurology; GeorgeKateb on anti-utopianism; Tom Kitwood on

science, utopia, and Marxism; Isabel F. Knighton alienation, eros, and work; Donald N. Michael

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THE BULLETIN: OF THE ATOMIC SCIENTISTS

ANNOUNCES THE 1931

International EssayCompetitionIn honor of its founding Editor, Eugene Rabinowitch, theBulletin of the Atomic Scientists and the Albert Einstein Fundoffer a $5000.00 prize for the best essay on

Prospects and Possibilitiesfor Eliminating the Threat ofNuclear W a r in EuropeNuclear weapons—unambiguously aimed at war-fightingrather than war-deterrence—are being rapidly deployed inEurope. In 1980 the Soviet Union and the United States of-ficially declared nuclear war thinkable.

The Editors and Directors of the Bulletin believe that nuclearwar cannot be limited and cannot be w o n . W e appeal to thepost-Hiroshima generation to address the issue of peace andsurvival in Europe.

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T h e Rabinowitch Essay CompetitionThe Bulletin of the Atomic Scientists1020-24 East 58th StreetChicago. Illinois 60637 U S A

Additional copies of this announcementare available at the above address.

Competition Requirements

The Competition is restricted to indi-viduals born on or after August 6,1945.

Previous winners are not eligible.

Contestants must submit an original andthree copies of an English language essaynot to exceed 4000 words.

A self-addressed manuscript-sizeenvelope and return postage must beincluded with each entry.

The contestant must submit a statementgiving the Bulletin of the Atomic Scientistsfirst and exclusive publication rights forone year from date of submission.

Entries must be postmarked byJuly 1,1981.

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The Bulletin Editors and Editorial Councilwill review all essays. The final decisionwill be m a d e by an international andindependent jury whose members will beselected by the board of directors.

The Award

$5000.00

In the event of a tie. the prize wiltbe shared.

The Rabinowitch Award Essay will bepublished in the January 1932 Bulletinof the Atomic Scientists.

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Integrated Technology TransferJ. G . Richardson, editor

Preface, by the editorResearch co-ordination and funding in developing nations, by V . G . DesaTechnology transfer and industry, by Roberto Salas CaprilesUniversity-based science and technology for development, by K . Nagaraja RaoKnowledge transfer and the universities: a policy dilemma, by Ubiratan D'AmbrosioTechnology and development: the historical experience, by Manfredo MaciotiEnergy conservation—a global imperative, by K . K . MurthySolar energy to desalinate water in arid regions, by Harry Z . TaborSelf-sufficiency through local innovation, by James E . ClaysonMicrobial technology for economic progress, by E . J. DaSilva, R . Olembo, A . BurgersCan the management of technology transfer be learned? by H . - C . de BettigniesTechnology assessment and public policy, by Hajime Eto, Ryujiro IshidaKnowledge transfer in North Africa—the case of electronics, by Abderrahamane

Benazzouz, Albert BaezSoviet technical co-operation with developing countries, by Leon Z . ZevinDepoliticizing science, by M . W . JacksonPostface, by Surendra J. Patel

162 p . $12.75Published by L o m o n d Publications, Inc.

form L o m o n d Publications, Inc., P . O . Box 56,M t . Airy, Maryland 21771 (United States)

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Clothbound: S12.75—ISBN 0-912338-19-9 Microfiche: $9.50—ISBN 0-912338-20-2

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Librería Cultural Nicaragüense, calle 15 de Septiembre y avenida Bolivar, apar-tado 807, M A N A G U A .Librairie Mauclert, B . P . 868, N I A M E Y .The University Bookshop of Ife. T h e University Bookshop of Ibadan, P . O .Box 286, I B A D A N . The University Bookshop of Nsukka. The University Book-shop of Lagos. The A h m a d u Bello University Bookshop of Zaria.Toutes les publications : Johan Grundt T a n u m , Karl Johans gate 41/43, O S L O I.n Le Courrier » seulement : A / S Narvesens Litteraturtjeneste, Box 6125, O S L O 6.Government Printing Office, Government Bookshops : Rutland Street, P . O .Box 5344, A U C K L A N D ; 130 Oxford Terrace, P . O . Box 1721, C H R I S T C H U R C H ;

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Keesing Boeken B . V . , Postbus 1118, 1000 B C A M S T E R D A M .Editorial Losada Peruana, Jirón Contumaza 1050, apartado 472, L I M A .The Modern Book C o . , Inc., 922 Rizal Avenue, P . O . Box 632, M A N I L A 2800.Ars Polona - Ruch, Krakowskie Przedmiescie 7, 00-068 W A R S Z A W A . O R P A N -Import, Palac Kultury, 00-901 W A R S Z A W A .Librería « Alma Mater », Cabrera 867, Río Piedras, P U E R T O R I C O 00925.Dias & Andrade Ltda., Livraria Portugal, rua do Carmo 70, L I S B O A .Librairie Sayegh, Immeuble Diab, rue du Parlement, B . P . 704, D A M A S .Korean National Commission for Unesco, P . O . Box Central 64, S É O U L .Librairies internationales ou Buchhaus Leipzig, Postfach 140, 701 LEIPZIG.Librería Blasco, avenida Bolívar n.° 402, esq. Harmanos Deligne, S A N T O D O M I N G O .Dar es Salaam Bookshop, P . O . Box 9030, D A R ES S A L A A M .Le secrétaire général de la Commission nationale de la République unie duCameroun pour l'Unesco, B . P . 1600, Y A O U N D E .Textbook Sales (PVT) Ltd., 67 Union Avenue, S A L I S B U R Y .I L E X I M , Romlibri, Str. Biserica Amzei n° 5-7, P . O . B . 134-135, B U C U R E S T I .Abonnements aux périodiques : Rompresfilatelia, calea Victoriei n° 29, B U C U R E S T I .H . M . Stationery Office, P . O . Box 569, L O N D O N S E I 9 N H .Government bookshops : London, Belfast, Birmingham, Bristol, Cardiff, Edin-burgh, Manchester.Librairie Clairafrique, B . P . 2005, D A K A R . Librairie « Le Sénégal », B . P . 1594,DAKAR.N e w Service Ltd., Kingstate House, P . O . Box 131, M A H É .Fourah Bay, Njala University and Sierra Leone Diocesan Bookshops, F R E E T O W N .Federal Publications (S) Pte Ltd., N o . 1 N e w Industrial Road, off Upper PavaLebar Road, S I N G A P O R E 19.Modern Book Shop and General, P . O . Box 951, M O G A D I S C I O .Al Bashir Bookshop, P . O . Box 1118, K H A R T O U M .Lake House Bookshop, Sir Chittampalam Gardiner Mawata, P . O . Box 244,COLOMBO 2.

Toutes les publications : A / B C . E . Fritzes Kungl. Hovbokhandel, Regeringsgatan 12,Box 16356, S-103 27 S T O C K H O L M .I Le Courrier » seulement : Svenska FN-Förbundet, Skolgränd 2, Box 15050,S-104 65 S T O C K H O L M .Europa Verlag, Rämistrasse 5, 8024 Z U R I C H . Librairie Payot, 6, rue Grenus,1211 G E N È V E II.S N T L Spalena 51, P R A H A I (Exposition permanente). Zahranícni literatura,II Soukenicka, P R A H A I. Pour la Slovaquie seulement : Alfa Verlag, Publishers,Hurbanovo nam. 6, 893 31 B R A T I S L A V A .Nibondh and C o . Ltd., 40-42 Charoen Krung Road, Siyaeg Phaya Sri, P . O .Box 402, B A N G K O K . Suksapan Panit, Mansion 9, Rajdamnern Avenue, B A N G K O K .Suksit Siam Company, 1715 R a m a IV Road, B A N G K O K .Librairie évangélique, B . P . 378, L O M É . Librairie du Bon Pasteur, B . P . 1164,L O M É . Librairie moderne, B . P . 777, L O M É .National Commission for Unesco, 18 Alexandra Street, St. Clair, T R I N I D A D W . I .Société tunisienne de diffusion, 5, avenue de Carthage, T U N I S .HasetKitapevi A.S.,IstiklâlCaddesin°469, Posta Kutusu 219, Beyoglu,ISTANBUL.Mezhdunarodnaja Kniga, M O S K V A G-200 .Editorial Losada Uruguaya, S . A . , Maldonado 1902, M O N T E V I D E O .Librería del Este, avenida Francisco de Miranda 52, Edificio Galipán, apar-tado 60337, C A R A C A S . La Muralla Distribuciones S . A . , 4 . a avenida entre 3.a y4 . a transversa!, Quinta <t I R E N A L I S s, Los Palos Grandes, C A R A C A S 106.jugoslovenska Knjiga, Trg. Republike 5/8, P . O . B . 36, 11-001 BeOGRAD. DrzavnaZalozba Slovenije, Titova C . 25, P . O . B . 50-r, 61-000 L J U B L J A N A .La Librairie, Institut national d'études politiques, B . P . 2307, K I N S H A S A , Commis-sion nationale zaïroise pour l'Unesco, Commissariat d'État chargé de l'éducationnationale, B . P . 32, K I N S H A S A .

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Dans les numéros précédents

Vol. 30 (1980), n° 3

La gestion de la biosphère — 1Ressources et besoins énergétiquesimportants

Présentation.Développement rural, science et pouvoirpolitique : divergences ou convergences?,par Hector Luis'Morales Zavala.Interactions de l 'homme et de la forêt dans leKalimantan oriental, par A . P. Vayda.Carol J. Pierce Colfer, M o h a m a d Brotokusumo.Pollution de l'environnement et informationgénétique, par Rada I. Khiltchevskaya.Techniques de pointe et populationsaborigènes : le déboisement enPapouasie - Nouvelle-Guinée et au Canada,par Colin De'Ath et Gregory Michalenko.Aménagement des ressources forestières dansles régions tropicales, par Albert Sasson.Le nucléaire : l'autre choix énergétique pourl'avenir de l'Iran, par Mansour S . Kashfi.Estimations du potentiel énergétique desphénomènes naturels, par William S . von Arx.Systèmes héliobiologiques et microbiensrenouvelables et développement « éco-rural »,par E. J. DaSilva, W . Shearer et B . Chatel.

Vol. 30 (1980), n° 4

La gestion de la biosphère — 2Intégration de l 'hommeaux systèmes naturels

Présentation..L'écologie d'un projet scientifiqueinternational, par Francesco di Castri,Malcolm Hadley, Jeanne Damlamian.Bio-écologie et environnement,par James J. Talbot.Réserves de la biosphère et parcs nationaux :deux systèmes complémentaires deprotection de la nature, par Gonzalo Halfter.Écologie d'un système nomade deproduction animale, par H . J. Schwartz.La chimie des substances naturelles : gestiond'un réseau, par Phichai Tovivich, ColinR. Elliott.Traitement des sols attaqués par les sels,par Istvan Szabolcs.La sécheresse, un goulet d'étranglementpour la productivité végétale, par DossouFirmin Adjahossou.Demain, une agriculture plus écologique ?,par Jean-Marie Collombon.L'utilisation des bassins solaires pouraccumuler l'énergie du soleil,par Harry Z . Tabor.

L'héliotechnique et les économies d'énergie,par Bernard G . Eldrige.Les besoins de l'Inde dans les domainesde la technologie et de l'environnement,par Pierrette Posmowski.Gérer l'environnement physique : uneapproche empirique, par Rahat Nabi Khan.

Vol. 31 (1981), n° 1

La science pourvoyeuse d'armesLa civilisation piégée

Présentation.La recherche-développement militaire : un malnécessaire ?, par G . S . Sundaram.Anathème, par Richard J. Ruffini.L'évolution des armements : du simple aucomplexe, par James Fallows.Le cas du Brésil : forteresse ou rideau depapier?, par Clovis Brigagâo.Science, technologie, armement et durée del'espèce humaine, par Marta Marcucciet Pietro Passerini.L'influence du développement des armementssur la recherche scientifique,par Ignacy Malecki.L'effet de la course aux armements sur lasociété, par Marek Thee.Progrès scientifique et technique etdésarmement, par V . M . Kulish.Les répercussions sociales et économiques dela recherche militaire, par Frank Barnaby.Recherche civile et innovation militaire : uncompte rendu, par Rolf E. Glitsch.La limitation des armements, le désarmementet les petits États, par Bert V . A . Röling.L'utilisation de satellites militaires et civils pourle maintien de la paix. Conférences Pugwashsur la science et les affaires mondiales.Science et armements : rétablir le primat dupolitique, par Pierre Dabezies et J.-F. Bureau.

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