DIPLOME - "Coup de théâtre" [mémoire]

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COUP DE THÉÂTRE

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Mémoire de diplôme Ecole Spéciale d'Architecture

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  • COUP DE THTRE

  • 2 COUP DE THTRE : LA VILLE EST UN THTRE

  • 3MARINE CHARLOTAUTOMNE 2014

    SOUS LA DIRECTION DE JACQUES POCHOYECOLE SPECIALE DARCHITECTURE

    LA VILLE EST UN THTRE

    COUP DE THTRE

    DIPLME DE FIN DTUDESMMOIRE POUR LOBTENTION DU DIPLME DE LESA GRADE 2

  • MEMBRES DU JURY

    Jacques POCHOY, architecte-urbaniste Philippe GUILLEMET, sculpteur Susanne STACHER, enseignante ENSA-V Henri LEROY, architecte Jean-Claude JALLAT, architecte Marie-Claude BEAUDEAU, prsidente duComit La Dfense Beaugrenelle

    Directeur de diplmeEnseignant ESAEnseignant extrieurArchitecte DESA -10ans Personnalit extrieure Personnalit extrieure

  • 6 COUP DE THTRE : LA VILLE EST UN THTRE

    Accoud la fentre, la vie sactive sous vos yeux. Le soleil semble avoir frapp ses trois coups pour que la rue sanime. Ces quelques minutes sannoncent encore passionnantes aujourdhui. Votre point de vue lgrement en hauteur vous permet de plonger dans la chambre du voisin, qui sengueule avec sa fille en pleine crise dadolescence. La ngociation semble mal mene, elle nest pas prte davoir son premier tlphone portable comme toutes ses copines. Les odeurs qui vous arrivent jusquaux narines vous font pivoter la tte quelques fentres plus loin. La voisine est en pleine effervescence dans sa cuisine. Elle doit recevoir du monde aujourdhui pour sy mettre si tt. Il est temps dy aller. Dans lascenseur, vous tombez sur le voisin du dessus. Vous vous souvenez que vous avez reu lautre jour une carte postale qui lui tait destine. Vous lui proposez de la lui remettre maintenant, il vous attend sur le palier. Sur le pas de la porte de limmeuble, vous tenez la porte la dame ge qui hisse son caddie, et vous remercie en vous scrutant du coin de loeil. Rien ne lui chappe, elle connait toute la vie de limmeuble. Dans la rue, une dame vtue de couleurs criardes attire votre attention sur le trottoir den face. Vous dpassez un homme qui marche lentement en samusant intrieurement suivre de prs le mouvement de ses pieds qui longent la ligne de dmarcation de la piste cyclable. Des clats de rire provenant du banc sur votre droite vous font remarquer la jeune femme qui tente de charmer son compagnon ses cts. Une autre femme passe devant leurs yeux dun pas dcid vers la boulangerie. Le pyjama quelle na pas voulu retirer vous fait sourire. La Seine que vous apercevez au bout de la rue se rapproche de plus en plus. Cest comme si vous y tiez dj.

    Arrtez-vous un instant et regardez plus attentivement autour de vous. Vous vous apercevrez que votre quotidien est un spectacle. Vous tes le tmoin de cette vie qui se droule sous vos yeux, des vnements qui sorchestrent. Ils attirent votre regard, captent votre attention, veillent en vous des sentiments, des souvenirs, des ractions. Vous tes le spectateur de spectacle.La socit vous donne des rles, vous vous forgez un comportement en fonction des situations et des personnes avec qui vous tes. Ainsi, vous tes aussi acteurs de cette socit, des hros du quotidien votre chelle. Votre masque est cette attitude qui va vous permettre dentrer dans ce rle, de vous donner en spectacle. Ce masque est une manire de se mettre en scne dans la socit, qui rgit vos relations avec lautre.

    Lorsque vous sortez de chez-vous, vous franchissez diffrents seuils qui vous amnent dans lespace public. Ce franchissement correspond votre entre en scne dans la socit. Descendre dans la rue, cest monter sur scne. Ainsi, la rue est une scne o les acteurs vont pouvoir sexprimer, entrer dans la socit, sy mettre en scne. Ce lieu bien en vue, sous le regard de tous, permet la thtralit de lactivit humaine de sorchestrer. La rue reflte la socit par la diversit de ses situations.

    LES TROIS COUPS

  • 7LES TROIS COUPS

    Par le biais de cette fentre, on dcouvre que larchitecture est un dcor. Elle sculpte le dcor de chaque espace, conu comme une scne de notre quotidien, en lui donnant une ambiance, une identit. Chacune delle doit permettre une multitude dinteractions selon les situations. Elle cre des scnes intimes o lon va retirer le masque, des espaces pour se retrouver avec soi-mme, de protection, mais aussi des scnes o lon va pouvoir sexposer dans la socit. La faade devient une interface entre lespace priv et lespace public. Ainsi, la porte est un lment pivot entre lextrieur de la rue et lintrieur de notre chez-soi. Le seuil est cette transition pour se prparer sexposer dans la socit, ou correspond notre sortie de scne. La fentre, quant elle, souvre sur lintimit de chacun, et son rideau cache ou laisse entrevoir. Chacun de ses lments darchitecture devient donc porteur dun sens prcis, au service dune mise en scne o lhomme en est lacteur. Derrire ce dcor en effet, il y a la personne, lenjeu social, qui donne tout son sens larchitecture.

    Encore quelques pas pour arriver au bout de la rue et vous dbouchez sur la Seine. Son tendue soffre vous yeux. Face vous, le Front de Seine se dresse. Ses hautes tours forment un nuage au-dessus de la ville. Au milieu, au niveau de la rue, le nouveau centre commercial Beaugrenelle se dessine comme une perce dans ce front pour rejoindre le 15me arrondissement. Ce temple de la consommation sonne les trois coups dune pice tragique. Promesse dun nouvel avenir pour le quartier en reconstruisant lancien centre commercial des annes 60 qui priclitait et dsertait le quartier, il semble perptuer un chec. Il dresse une faade trompeuse dune centralit qui sloigne de la vie locale et tente de cacher les dysfonctionnements du Front de Seine qui lencercle, dont la particularit est que lespace public nest plus une rue mais une dalle.

    Comment notre perception de la ville peut-elle nous donner les clefs pour faire fonctionner un espace public tel que la dalle du Front de Seine?

    Le thtre est le lieu par excellence o la socit se met en scne, o le spectacle nest pas sur la scne mais dans la salle. Un thtre au Front de Seine sera le prtexte pour crer une activit sur la dalle, et ainsi ces vnements viendront orchestrer la mise en scne de cet espace public.

    Ce thtre lvera le rideau sur un avenir pour le quartier en donnant un nouveau visage au Front de Seine. Avec cette intervention simple, et une visibilit stratgique, ce thtre ne modifiera pas laspect du Front de Seine, mais en changera son sens, lui permettra de fonctionner. Le quotidien pourra se donner en spectacle et la dalle sanimera pour laisser place la thtralit de lactivit humaine.

  • 8 COUP DE THTRE : LA VILLE EST UN THTRE

    Le masque est un objet physique que lhomme fabrique pour laider se glisser dans un nouveau rle, devenir quelquun dautre. Cet objet peut nous aider nous positionner dans une certaine attitude, pour sortir de notre ralit, et entrer dans un imaginaire o le champ des possibles devient plus vaste, pour aller plus loin dans nos capacits. Le masque nest pas quun objet physique, mais lattitude de lobjet en tant que tel. Derrire ce masque, il y a ce comportement que lon se forge pour entrer dans notre rle que nous donne la socit. Le masque se revt mentalement au quotidien.

    Le tableau Les Amants de Magritte illustre au-travers de ses deux amants ce masque du quotidien. Il nous permet de dcouvrir lautre au fil de la relation, de se mettre sa place pour mieux le comprendre et partager son vcu. Porter un masque, cest se glisser dans le masque de lautre. De plus, ils nous montrent quils voient au-del des masques qui forgent leurs rles, ce quil y a derrire le masque de lautre. Ils se voient diffremment. Ainsi, on comprend que lon a une autre vision de chacun derrire son masque et que retirer son masque permet davoir une vision diffrente des choses.

    Ce mmoire propose lespace de quelques lignes dter ce masque pour mieux le remettre. De marquer un temps darrt dans notre quotidien afin de regarder diffremment le monde qui nous entoure. Ce masque est le fil rouge conducteur du mmoire, les lunettes au-travers desquelles on va regarder la ville.

    En regardant la ville comme un thtre, notre comprhension de la ville et de son fonctionnement change. Notre perception de la ville est modifie, et elle nous donne les clefs pour aborder une manire de la concevoir, de la mettre en scne. Ce mmoire tente de regrouper ces clefs, et le projet tentera de les mettre en pratique dans sa ralisation.

    VOIR AU-TRAVERS DU MASQUE

    LA RGLE DU JEU

  • 9LA RGLE DU JEU: VOIR AU-TRAVERS DUN MASQUE

    Les Amants, Magritte, 1928

  • 10 COUP DE THTRE : LA VILLE EST UN THTRE

    PROGRAMME

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    LES TROIS COUPS

    LA RGLE DU JEU: VOIR AU-TRAVERS DU MASQUE

    PROGRAMME

    ACTE PREMIER LARCHITECTURE EST UN DCOR.

    Scne 1 - Lendroit du dcor a. La faade b. Une utopie ralise Scne 2 - Composition du dcor a. Planter le dcor b. Un dcor fig Scne 3 - Lenvers du dcor a. Le sens de larchitecture b. Un premier plan qui en cache un autre c. Dtournement de plans

    ACTE SECOND LA RUE EST UNE SCNE.

    Scne 1 - Le thtre est dans la rue a. Quand la rue est devenue thtre b. Les couleurs de chaque tableau c. La signaltique comme point de fuite Scne 2 - Entre en scne a. Le chez-soi : loge dune prparation b. Les seuils : coulisses dun changement dattitude c. Lespace public : monte sur scne Scne 3 - Quand la rue devient dalle a. La dalle porteuse dun nouveau mode de vie b. Le Front de Seine, un thtre fantme ranimer c. Affiche dun nouveau spectacle d. Une rue sur dalle

    ACTE TROISIEME LE QUOTIDIEN EST UN SPECTACLE.

    Scne 1 - Les rles du quotidien a. Porter un masque: simulation et dissimulation b. Retirer le masque: dvoilement c. Les acteurs du quotidien d. Jeu de socit Scne 2 - Mise en scne de la socit a. Le monde est un thtre b. Regarder la ville c. Voir et tre vu d. Jeux scniques urbains Scne 3 - Mise en abyme du thtre a. Le thtre, un instant hors du temps : htrotopie? b. Lacteur devient spectateur de sa propre ralit c. Le prtexte du thtre: thtralisation esp. public d. Le Pari(s) de la dalle

    PROGRAMME

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    BIBLIOGRAPHIE

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    LARCHITECTURE EST UN DCOR

    ACTE PREMIER

  • 14 COUP DE THTRE : LA VILLE EST UN THTRE

    LA FAADE

    LAPPARENCE ARCHITECTURALE Larchitecture est le dcor de nos villes. Cet ensemble de pleins et de vides sordonne pour laisser place la vie qui sy droule. Par sa volumtrie, elle sinsre dans une organisation et un rseau de circulations. Ses faades tracent des limites entre un espace public et un espace priv. Lorsque lon se promne, chaque faade ajoute sa pierre la composition de ce dcor qui volue au cours de notre avance. Un paysage se forme, il faonne notre perception de la ville. Chacune delles soffre notre regard comme entit dans ce paysage. Elle nous donne une premire impression dun btiment, comme lorsque lon rencontre quelquun. Cest sa partie apparente, expose la ville. Derrire, nos chez-soi se laissent dcouvrir, sentrevoir. Par leurs ouvertures, ils viennent crer un dialogue avec la ville qui les entoure. Ils animent ce dcor de la ville, lui donne une profondeur.

    Ainsi, larchitecture cre un dcor qui participe la mise en scne de la socit. Au-travers de ces faades qui sexposent la ville, nous nous exposons dans la socit. Elles crent des ambiances, sculptent le dcor de chaque lieu, qui devient ensuite une scne pour la socit. Ainsi, frquenter tel endroit, habiter dans tel quartier, etc fait rfrence une scne particulire. Chaque lieu acquiert une identit aux yeux de la socit.

    Au fil des sicles, les faades voluent, et portent la vision des diffrents thories architecturales. Dans le Mouvement moderne, la faade est repense. Elle nest plus porteuse, et permet donc une plus grande libert dans sa conception. Le Corbusier la qualifie de faade libre. Larchitecture tant lpoque ladquation entre la forme et la fonction, la faade doit donc traduire cette fonction. Cest ainsi que le Mouvement moderne fait tabula rasa et se libre de tout ce qui a t ralis durant les poques antrieures. Il en est de mme pour lornementation, considre comme un crime daprs Adolph Loos1. Elle na plus lieu dtre, tant considre comme du superflu, de linutile, et donc du temps et de lesprit gch 2. Lessentiel est la matire de chaque matriau qui va

    1 - 2 LOOS Adolph, Ornement et crime, Editions Payot et Rivages, 20033 - 4 AMY Sandrine, Les nouvelles faades de larchitecture, Appareil, n spcial - 2008

    La faade est la premire chose que l on voit, cest la surface dun btiment. Elle peut tre imposante, superficielle, ou encore voquer une certaine scurit urbaine. Jai toujours aim parcourir la ville, errer au fil des rues, observer et imaginer ce qui se cache derrire les murs... une lueur derrire un volet entrouvert, un bruit -travers une fentre, des rires et des larmes, anonymes, comme un numro sur une porte. Tout peut paratre tranger, faire natre l angoisse comme la curiosit; il sagit l dune errance dans une ville que l on ne connat pas, dune premire rencontre o tout est construire. Que se passerait-il si nous restions sur cette premire vision? Si du quotidien de l autre nen ressortait quun dcor? Une vision dun monde inconnu qui ne serait quune image, sans espace intime, l apparence pour seul refuge. Zacharie Gaudrillot-Roy

  • 15ACTE PREMIER : LARCHITECTURE EST UN DCOR

    SCNE 1 LENDROIT DU DCOR

    Zacharie Gaudrillot-Roy, FAades

  • 16 COUP DE THTRE : LA VILLE EST UN THTRE

    composer lintrieur. Ainsi, ils ne lont jamais radique, mais rduite au minimum 3. Loos concevait la faade comme une enveloppe austre et froide qui dissimulait la vie prive. Rien ou presque ne devait filtrer derrire ce masque danonymit, de moralit et de respectabilit4. Ainsi, la faade na plus un rle dexposition dans la ville, mais plutt de dissimulation de tout ce qui se passe derrire cette faade. Le Front de Seine dans le 15me arrondissement de Paris est un exemple de la concrtisation des thories de ce mouvement. Les tours en sont sa ralisation, o leur noyau de circulation est porteur de lensemble, leurs hauteurs sont similaires et les faades neutres et rptitives tmoignent dune volont de supprimer toute hirarchie et de garder un anonymat au-travers de lapparence architecturale.

    Adolph Loos souligne l aussi un point essentiel: Aujourdhui, ce nest pas seulement au moyen de la chane de montre en toc ou de linstallation intrieure tous en imitations, mas cest aussi au moyen dhabitation, du btiment dhabitation que chacun veut se faire passer pour plus haut quil nest5. Loos explique en effet que ce rejet pour cette ornementation rside dans labus que lon en fait, en voulant montrer tous une certaine supriorit sociale. Il est prsent autant sur la faade, que dans les intrieurs o lornement veut en jeter plein la vue. Ainsi, cest cette hirarchie de la socit, qui transparat notamment par larchitecture, qui est remise en cause. Cependant, derrire les propos de Loos, on comprend que la faade est surtout porteuse dintgration sociale, malgr ses abus. Elle permet de donner chacun une certaine dignit. Une neutralit de larchitecture me parat conduire une neutralit de dcor, et ainsi neutraliser la mise en scne de la socit, o tout le monde serait lgal de lautre. Il ny aurait plus de vritable jeu de socit.

    Larchitecture est donc un dcor, un masque, que lon orne pour contribuer la mise en scne de la socit. Ainsi, cette faade a donc un rle important car elle vhicule un message aux yeux de la socit, elle forge une apparence. Cest ce mme masque que lon retrouve au quotidien dans lattitude de chacun. Cette apparence est importante, car elle est porteuse dintgration sociale. Mais lessentiel reste ce quil y a derrire le masque, et comment va-t-on donner de la profondeur ce masque pour quil ne reste pas quune apparence.

    5 LOOS Adolph, Ornement et crime, Editions Payot et Rivages, 2003, p.38

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    SCNE 1 LENDROIT DU DCOR

    ACTE PREMIER : LARCHITECTURE EST UN DCOR

    Zacharie Gaudrillot-Roy, FAades

  • 18 COUP DE THTRE : LA VILLE EST UN THTRE

    UNE UTOPIE RALISE

    HISTORIQUE DUNE OPPORTUNIT UNIQUE Le Front de Seine du 15me arrondissement de Paris est caractristique du Mouvement Moderne, et plus prcisment de lurbanisation par dalle dans les annes 60. Processus de fabrication de la ville moderne, il est porteur dun rve devenu ralit. Pour mieux comprendre lampleur de cette opration, il est intressant de revenir sur lhistoire du quartier. lextrieur de lenceinte des Fermiers Gnraux, la plaine de Grenelle, lorigine agricole, se lotit au dbut du XIX me sicle avec le lotissement Violet. En parallle de cette petite ville nouvelle qui se dveloppe, les terrains inondables du bord de Seine accueillent les industries et deviennent un port fluvial en 1825. Le quartier devient populaire, attirant les ouvriers de ces industries.Aprs la Seconde Guerre Mondiale, une grande opration de rnovation est lance Paris dans les annes 60-70. Pour faire face aux destructions de la guerre, et une demande forte de logements, il faut construire trs rapidement et avec peu de moyens. Les procdures administratives sont simplifies, la standardisation des matriaux et lindustrialisation de la construction favorise et acclre les initiatives. Ainsi, les industries sont dlocalises, comme sa population ouvrire qui se dplace lextrieur de Paris. Ces grandes parcelles inoccupes deviennent une opportunit unique pour tout raser et construire une vaste opration porteuse de la vision du futur de Paris. Suite des rflexions sur les secteurs de Paris rnover, le Front de Seine est dans la ligne de mire du plan durbanisme directeur (PUD). La ville de Paris, au-travers de la SEMEA XV (Socit dconomie Mixte dquipement et dAmnagement (public), auparavant Compagnie Foncire CFXV (priv)) commande une opration de rnovation publique. Elle est confie larchitecte Henry Pottier, associ avec larchitecte Raymond Lopez, dont Michel Holley remplacera aprs son dcs et deviendra larchitecte en chef. Ils seront lorigine de lensemble du projet, et des premiers btiments. Les autres seront raliss par des architectes de la SEMEA XV, puis sur concours. Derrire le programme du projet et les logements sociaux, qui souhaite crer une mixit sociale, on commence se questionner, quelques annes aprs, sur limpact de lopration et dnoncer le processus de gentrification qui sopre.

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    SCNE 1 LENDROIT DU DCOR

    ACTE PREMIER : LARCHITECTURE EST UN DCOR

    zone industrielle avant lopration du front de seine

    de gaulle (centre), avec H. Pottier (gauche), et p.sudreau (droite) devant la maquette en 1959

    insertion du front de seine, rue urbanisme, 1963

  • 20 COUP DE THTRE : LA VILLE EST UN THTRE

    NOUVELLE CONCEPTION DE LA VILLE ET DE LA SOCIT Cette opration du Front de Seine concrtise un nouveau mode de vie, une nouvelle manire de penser la socit et la ville. Elle est la concrtisation mme du Mouvement Moderne. Il est avanc par le principe de lautonomie qui voit le jour la fin du XVIII me sicle. Les lments de la ville ne sont plus relis, il ny a plus de hirarchie dans larchitecture. Cette thorie rvolutionnaire lpoque rejetait, au del de larchitecture et de lurbanisme, la socit de lpoque. Puis ce Mouvement moderne se concrtise entre les deux guerres, avec la Charte dAthnes en 1933, rdige lors des CIAM (Congrs Internationaux dArchitecture Moderne). Ses grands principes sont tablis, qui ont t appliqus au Front de Seine. On y retrouve les diffrentes fonctions qui organisent la ville, savoir habiter (les tours), circuler (la dalle et la sous-dalle), travailler (les immeubles bas), sarticulent ici verticalement, crant un zoning vertical. La ville est gre sur plusieurs niveaux. La premire gnration des architectes modernismes a confr la forme un pouvoir de transformation du monde, et a nourri lespoir que le changement social accompagnerait une esthtique novatrice1. Ainsi, ils dessinent leur nouvelle vision du monde, et concrtisent leurs utopies. La fonction dicte la forme , il ny a plus de symbole2.

    Ce mouvement se dtache du contexte existant pour se permettre plus de liberts dans larchitecture. Il a donc t nourri par de nombreuses utopies, porteuses dune nouvelle manire de penser et construire la ville ainsi que le mode de vie des habitants en rponse lvolution de la socit.Il est porteur didaux galitaires, qui se traduisent par larchitecture. Il se veut tre en opposition avec la socit hirarchise de lpoque, en supprimant toute hirarchie dans larchitecture. Elle nest plus la cration pour une lite mais une production de masse pour le plus grand nombre. Les tours, tant toutes de mme hauteur (98m pour 30 32 tages), montrent cette volont dgalit et de supprimer toute hirarchie, notamment par leur uniformisation selon un gabarit de tour-type.

    Le Front de Seine est un des premiers projets de rnovation majeure Paris o cette capitale devait tre restructur en majorit par des grands ensemble desservis par des voies express. Parmi les projets de la mme ampleur, on peut citer Les Olympiades, la Dfense et la dalle Montparnasse qui sont des tmoins de cette poque.

    Ainsi, le Front de Seine se dresse comme un nuage au-dessus de la ville et porte, au-travers du Mouvement moderne, lide dune nouvelle mise en scne de la socit au-travers de sa manire de concevoir la ville.

    1- 2 GUIBET LAFAYE Caroline, Larchitecture de la Postmodernit: de la forme au symbole

  • 21ACTE PREMIER : LARCHITECTURE EST UN DCOR

    charte dathnes: habiter, travailler, circuler

    COUVERTURE DE PARIS MATCH EN 1967

    SCNE 1 LENDROIT DU DCOR

  • 22 COUP DE THTRE : LA VILLE EST UN THTRE

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  • 23ACTE PREMIER : LARCHITECTURE EST UN DCOR

    SCNE 1 LENDROIT DU DCOR

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    Tour Mercure B1Tour Evasion 2000 H2Tour Mars H3Tour de Seine H4Immeuble Hachette B5Tour Avant Seine H6Immeuble Le Village H7Tour Flatotel H8Tour Reflets H9Tour Novotel (ex Nikko) H10Tour Totem H11Tour Rive gauche H12Tour Panorama H13Tour Perspective 1 H14Tour Beaugrenelle H15Tour Cristal B16Tour Keller H17Tour Perspective 2 H18Tour Espace 2000 H19Immeuble Mirabeau B20

    8.056 m bureaux200 logements 200 logements200 logements9.625 m bureaux295 logements180 logements203 logements256 logements784 chambres208 logements200 logements200 logements180 logements192 logements31.109 m bureaux432 logements234 logements202 logements39.670 m bureaux

    MM. POTTIER, PROUX, DAUFRESNESMM. POTTIER, PROUXMM. POTTIER, PROUXMM. POTTIER, PROUXMM. POTTIER, PROUXM. JC. BERNARDMM. JALLAT, PROUXMM. LAURENTI, PECOUDM. H. BERNARDMM. LE BAIL, PENVENMM. ANDRAULT, PARATMM. MAURY, PROUXMM. POTTIER, PROUX CHOQUEMM. POTTIER, PROUXM. PROUXMM. LE BAIL, PENVENM. GREGOIREMM. POTTIER, PROUXMM. DELAAGE, TSAROPOULOSMM. LE MARESQUIER, HECKLY

    19731971197419701970197519731977197719761979197519741973197919901970197519761972

  • 24 COUP DE THTRE : LA VILLE EST UN THTRE

    PLANTER LE DCOR

    La faade dun btiment est son dcor, sa face apparente. Il se ddouble en plusieurs paisseurs qui lui donne sa profondeur, ce qui lui donne vie. Ainsi, on peut parler dun dcor compos de plusieurs plans, o la faade devient son premier plan, et ce qui se passe derrire, lespace priv, serait larrire-plan. Ces deux plans sont en interaction lun avec lautre, mais dialoguent aussi avec ce qui se passe dans lespace public, devant le dcor. Le spectacle ne se droule pas seulement devant le dcor, il habite ce dcor.

    La composition dun dcor est particulire. Il est dtermin par des lments pleins et des lments ouverts. Chaque lment va donc mettre en place un lien sensoriel avec la ville. Ce lien fait vivre ce dcor, cre un dialogue entre lespace public et lespace priv. Ainsi, une ouverture dans ce dcor comme une fentre cre un lien visuel, auditif, et/ou olfactif. Une porte cre un lien corporel. La circulation engendre invite au franchissement dun espace un autre. Un plafond donne une hauteur un espace, et donc une volumtrie diffrente. Un mur cre un lien aussi, que lon pourrait qualifier de rupture. Il divise un espace en deux, les fait exister sparment. Il empche une circulation, un lien visuel, etc.

    Chaque espace est pens en tant que mise en scne prcise. Chaque lment, comme les ouvertures, les fentres, les portes, les murs, le sol, la lumire, lacoustique,... deviennent des outils, que lon va utiliser pour mettre en scne chaque espace, mais aussi les uns par rapport aux autres. Ils sont au service dune volont. Cette composition donne une singularit chaque dcor, lespace vcu. Lespace offert est vcu, peru par chacun sa manire. Il impacte sur le ressenti de chacun qui se lapproprie diffremment. Il en modifie indirectement lusage.

    Ainsi, la composition dun dcor est la concrtisation de plusieurs volonts de mise en scne. Ces intentions dictent cette conception, lui donne un sens. Larchitecte est le metteur en scne du quotidien.

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    SCNE 2 COMPOSITION DU DCOR

    LE LIVRE, Mallarm, mise en scne de Jacques polieri, 1967

    ACTE PREMIER : LARCHITECTURE EST UN DCOR

  • 26 COUP DE THTRE : LA VILLE EST UN THTRE

    UN DCOR FIG

    LE COMPLEXE-DALLECe dcor du Front de Seine est la rsultante de volonts lies une nouvelle manire de concevoir la ville, ainsi qu plusieurs contraintes lies au site.

    La dalle est la solution pour faire face plusieurs contraintes techniques et fonctionnelles. Une vie sur dalle semble tre la solution face aux problmes de circulation en ville et damliorer le cadre de vie des habitants. Ce nouveau sol au-dessus de la rue est exclusivement rserv au piton. En-dessous de la dalle, il est rserv lusage des transports dont la rapidit peut tre augmente. Ainsi, le cadre de vie de cet espace public est amlior. Il est plus appropri au piton, plus scuris et moins pollu. Il offre une meilleure facilit daccs aux diffrents lieux de la ville; tout est porte de main. Surlever le niveau de la ville par cette dalle permet aussi de faire face au caractre inondable de ce site, situ en bordure de la Seine. Les fondations sur pieux, ainsi que la rpartition des volumes permettent de contrer les inondations possibles sur ce site. Ainsi, lors dune inondation, le dernier niveau de parking, construit sur un radier dun mtre dpaisseur, est inond volontairement pour faire contre-poids la pousse verticale gnre par la nappe phratique.

    La dalle, qui correspond un sol artificiel au niveau NGF +38m, est un systme assez complexe du fait de sa surface importante (800 mtres linaires sur 80 200m de largeur, soit 12 hectares) et de ses connexions avec les btiments. La hauteur des tours est fixe 98 mtres, et elles possdent en majorit une taille de gupe, cest--dire quelles sont construites en porte--faux pour rduire leur emprise au sol (de 12m sur 30 40 mtres). Les plans de logements fonctionnent selon un dispositif quasiment identique, sparant les pices de service des pices vivre. Le noyau central structurel regroupe lensemble des flux verticaux et les tours sont des structures indpendantes. Les btiments bas fonctionnent aussi de manire autonome, en reprenant un soubassement, un principe structurel fort, une gomtrie simple et une hauteur modre. Lpaisseur de la dalle de 1,50 mtres est compose de dalles en surface, soutenues par des plots. Les rseaux de cbles passent dans le vide, au-dessus de la couche dtanchit. Une structure en bton scande de poteaux en pyramides renverses (technique des plots) quadrille avec une trame de 9,45x 9,45 mtres a t retenue comme tant la plus rentable pour construire les parkings. Elle permet de venir sadapter aux parcelles pour la construction des tours, autonomes structurellement. Ce quadrillage permet de dterminer les diffrentes phases de lopration, la construction de la dalle pouvant ainsi se faire par fragments.

  • 27ACTE PREMIER : LARCHITECTURE EST UN DCOR

    SCNE 2 COMPOSITION DU DCOR

    Coupe tour keller

    coupe sur la tour evasion 2000 (H2) et la tour de seine (H4)

    local techniquesous-sols

    maison des jeunescrcheparkings

    rue R. Keller

    tagesdhabitations

    Rue Emeriau

    Quai de Grenelle

    parkings

  • 28 COUP DE THTRE : LA VILLE EST UN THTRE

    UN PARCELLAIRE QUI CRISTALLISECet ouvrage a ncessit la mise en place dun statut juridique trs particulier. La complexit de louvrage avec ses imbrications et ses superpositions impliquent des statuts juridiques diffrents sur des niveaux superposs. Louvrage appartient en grande partie une socit dconomie mixte dquipement et damnagement, la SemPariSeine, auparavant la SEMEA XV. Derrire cette socit, la Ville de Paris est majoritairement propritaire de louvrage car elle dtient une grande partie du capital social. Les droits immobiliers perptuels ne peuvent pas tre cds aux constructeurs ou aux acqureurs. Ils obtiennent par contre un droit de jouissance de longue dure et illimit dans le temps. Les baux constructions sont de 30 ans pour les parkings, 60 et 65 ans pour les difices de bureaux et de 70 ans pour lhtel Novotel. La rception du paiement anticip des baux a financ lopration du Front de Seine. Ainsi, sur le long terme, la Ville de Paris rcupre lensemble des terrains et des constructions, qui dmontre une politique de municipalisation des sols. La SemPariSeine est propritaire de tous les terrains et immeubles nappartenant pas des personnes prives (les tours de logement). Elle a la proprit du sol artificiel qui compose la dalle, usage public, entretenue en partie par les coproprits. Elle dtient aussi les quipements comme les parkings, les aires daccs aux btiments, les espaces verts, les circulations pitonnes et verticales, et les espaces usage particulier du sol naturel. Les btiments bas, dlimits par leur emprise au sol naturel, font donc partie de cet ensemble de louvrage-dalle dtenu par la SemPariSeine. Les rues sous la dalle appartiennent au domaine public, dont lemprise volumtrique sarrte au niveau de la sous-face de la dalle. Ainsi, la Ville de Paris assure, sa charge, son entretien et sa scurit. Les tours, quant elles, suite aux fortes demandes des acqureurs et promoteurs pour mieux les commercialiser, ne sont pas soumises aux baux construction. Elles appartiennent des coproprits prives. Leur parcelle correspond lemprise de leurs fondations, ou leur taille de gupe. Cette concession pour cder le partage des proprits cristallise les tours dans la ville, et empche une mutation de lopration ultrieurement, qui a lorigine a t conue pour une dure de 70 ans.

    Ainsi, au regard de ce dcor cristallis par les statuts juridiques, comment peut-on transformer ce dcor en profondeur en lui donnant un nouveau sens qui lui ouvrira de nouvelles perspectives davenir?

  • 29

    TOURS

    BATIMENTS BAS

    btiments privs

    bail construction

    Annexe 7 : Axonomtrie du Front de Seine.Imbrication des stauts juridiques

    ./010

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    imbrication des statuts juridiques, etude ralise par emmanuelle allaire

    SCNE 2 COMPOSITION DU DCOR

    ACTE PREMIER : LARCHITECTURE EST UN DCOR

    Annexe 2b: Coupes transversale et longitudinale de la dalle de Maine-Montparnasse.

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    DALLE

    PARCELLAIRETRAME VIARE

    proprit prive de la SEMEA15dusage public

    domaine public de la Ville de Paris

    statuts juridiques, dans le front de seine, histoire prospective, p.48

    Domaine public

    Proprit prive

    Domaine public

    Proprit prive

    Volume dclass

    DalleDalle

    Voie Voie

    TOURSbtiments privs

    BATIMENTS BASbail construction

    PARCELLAIREdomaine public de la Ville de Paris

    DALLEproprit prive de SEMEA 15 usage public

  • 30 COUP DE THTRE : LA VILLE EST UN THTRE

    LE SENS DE LARCHITECTURE

    Le Front de Seine est une utopie du Mouvement moderne ralise. Derrire son architecture, une vision de la socit et de la ville est concrtise, btie. Face des problmatiques de lpoque, cest une solution relle qui est propose ici. Il offre un nouvel espace public par la dalle face la rue qui est juge inapproprie pour des raisons dhygine et de scurit. La manire dhabiter la ville est entirement repense. Tous les grands principes du Mouvement Moderne sy retrouvent: lautonomie (avec ses tours isoles dans un ensemble isol), labsence de toute hirarchie (il ny a pas de dominante: hauteur gale des tours), la sparation des fonctions (lhabitat et le travail), la sparation des circulations (le piton et lautomobile), le sol dgag (grce aux tailles de gupes), lhabitat en hauteur (grce aux tours), les plans et les faades libres (grce au maillage de lopration)1.

    A mon avis, cest le point retenir du Front de Seine, qui rend ce projet remarquable. Il peut, bien-sr, tre critiqu, et aujourdhui requestionn face lvolution de notre pratique de la ville, mais il garde ce mrite de porter des idaux et sa vision de la ville au-travers dune ralisation.

    Au-travers de ce projet, le sens de larchitecture se rvle nous. En effet, chaque projet devient lopportunit de concrtiser des idaux qui font partie de notre vision de la ville. Et ceci face des contraintes/ demandes respecter de la part des autres intervenants dans la ralisation dun projet (structure, rentabilit, contraintes financires, rglementation, etc). Le projet doit russir jongler entre ces contraintes pour rsister. Il rsiste lorsquil est porteur dun sens. Cest lobjectif ne pas perdre de vue.

    Un diplme comme celui-ci permet justement un travail sur soi-mme. Il sagit de dcrypter sa pense, et de comprendre quel sens se cache derrire ce quon a conu auparavant. Ce travail sur soi est une tape primordiale car elle permet une meilleure lisibilit de notre pense, et ainsi trace un fil rouge conducteur pour le quotidien de notre future vie darchitecte. Il nous donne lopportunit de trouver le sens de ce que lon conoit.

    Ainsi, chaque entit du projet doit tre porteuse de ce sens. Chacune delle a un impact plus puissant que celui dtre utile ou fonctionnel pour ses usagers. Un projet va au del, il porte une vision du monde, de la ville. Ainsi cette prise de conscience permet de mesurer limpact quun projet peut avoir pour ouvrir une nouvelle perspective davenir pour un lieu, si petite soit elle.

    Larchitecture est donc bien un dcor. Au-travers dune faade, elle nous livre une apparence architecturale, mais derrire, ce qui fait vivre ce dcor est le sens quelle porte en elle. Ce projet de thtre tentera donc dtre porteur dune vision de la ville, et de la concrtiser au-travers de la conception de son architecture. Chaque lment du projet devra mettre en pratique cette vision.

    1 SEMEA XV, Le Front de Seine Paris XVe, Editions Hervas, 1994 p.23

  • 31ACTE PREMIER : LARCHITECTURE EST UN DCOR

    SCNE 3 LENVERS DU DCOR

    la cantatrice chauve, ionesco, mise en page de massin

  • 32 COUP DE THTRE : LA VILLE EST UN THTRE

    UN PREMIER PLAN QUI EN CACHE UN AUTRE

    LES PAILETTES DU CENTRE COMMERCIAL Beaugrenelle est le troisime plus grand centre commercial de Paris. Son ouverture en octobre 2013 a fait lobjet dun gros coup de publicit dans la capitale. Le projet a consist rhabiliter le centre commercial existant, datant de 1978 qui priclitait au milieu des annes 2000, puis compltement dsert. Tout le monde saccordait pour cette rhabilitation qui rpondait aux besoins du quartier et devait lui redonner une nouvelle image. Le nouveau Beaugrenelle est trois fois plus grand que lancien. Stalant sur 50.000 mtres carrs, il regroupe cent dix boutiques, un ple de restauration et un nouveau cinma. Le projet est port par les promoteurs Apsys et Gcina, soutenus par la SEMEA XV et la Mairie de Paris. Il sinspire des grands magasins parisiens. Cependant, on saperoit que le centre commercial dresse une faade trompeuse, o derrire les paillettes, de vrais problmes sont en jeux.

    Le centre commercial a engendr des transformations importantes dans le quartier, tant trop grand par rapport ses besoins. Son impact sur le quartier se retrouve en particulier sur les commerces aux alentours, o plus de 700 emplois ont dj t dtruits ou dlocaliss par les promoteurs, que ce soit dans lancien centre Beaugrenelle ou dans les bureaux attenants 1 . De mme, le centre mdical, rare centre de sant conventionn, frquent par 30.000 assurs (30% bnficient de la couverture mdicale universelle) est chass du quartier cause dune forte augmentation du loyer. Le centre commercial propose des services en dsaccord avec le niveau de vie des habitants. La disparition de la caftria pour faire place aux restaurants panoramiques de Beaugrenelle illustre les transformations des lieux de vie du quartier. De mme, le cinma, qui a t agrandi, na peine augment son nombre de salles, et les tarifs ont explos (14 euros la place adulte), et ne suivent plus avec le niveau de vie du quartier. Au cours de llaboration de Beaugrenelle, face son ampleur, les habitants avaient propos de rduire la surface du centre commercial pour inclure, dans le btiment nord o se situe le cinma, un ple culturel pour le quartier, avec le cinma, un thtre, une cole de musique,... Mais leur voix nest pas toujours prises en compte face aux promoteurs qui ny trouvent pas les mme intrts.

    Ainsi, on comprend que la clientle vise nest pas vraiment les habitants du quartier, mais ceux du sud-ouest parisien, notamment du XVI me arrondissement qui se situe de lautre ct de la Seine. En tirant profil des avantages gographiques du lieu, le projet du centre commercial a permis de profiter dune situation o la ncessit de rhabilitation taient une opportunit idale pour en faire un lieu dinvestissement. Cette ncessit a forg un masque au centre commercial comme raison dtre, et les impacts sur la vie du quartier semblent bien secondaires compars aux profils raliser. Derrire ce masque, cest la loi du fric qui fait des ravages. Lavenir de Beaugrenelle semble en plus incertain, le concept adopt vise une clientle intermdiaire entre luxueuse et populaire, qui ne semble pas trs rentable.

    1 - Blog La Dfense Beaugrenelle http://defense-beaugrenelle.over-blog.net/

  • 33

    centre commercial beaugrenelle, Valode & Pistre, 2013

    ACTE PREMIER : LARCHITECTURE EST UN DCOR

    Arrire- plan

    FRONT DE SEINE

    Premier plan

    CENTRE COMMERCIAL BEAUGRENELLE

    SCNE 3 LENVERS DU DCOR

  • 34 COUP DE THTRE : LA VILLE EST UN THTRE

    UN CENTRE COMMERCIAL DE DOS Son insertion a t entirement privilgie au niveau de la rue pour crer un lien avec le quartier. Il constitue une porte dentre sur le 15me arrondissement. Sa visibilit de la Seine est donc primordiale, il fallait quil se remarque dans ce paysage de tours.Ainsi, les entres principales du centre commercial sont tournes vers la rue, de mme que certaines grandes enseignes par lesquelles leur accs se fait directement par la rue. Cette connexion avec la rue est intressante pour sintgrer dans le quartier. Cependant, cest aussi une brche dans le Front de Seine, qui constitue un vritable front que lon perce pour ouvrir le quartier du 15me arrondissement la Seine. La partie de la dalle qui passait au-dessus de la rue de Linois a t supprime pour construire le centre commercial.

    Derrire les promesses de redonner un nouveau visage la dalle grce ce projet, on saperoit quil en est tout autre. Lorsque lon regarde de plus prs larticulation de ce centre commercial avec le Front de Seine, on comprend que ce projet na fait quune brche dans la dalle, qui la divise en deux. Le parti pris est de lui tourner le dos compltement. Ce centre commercial est un masque que lon a bien dcor, qui architecturalement cre les murs de cette brche au-travers de cette dalle. On la cache pour que ses problmes ne viennent pas perturber la vie du centre commercial. Il est tonnant de voir quel point Beaugrenelle tourne le dos la dalle, et la cache compltement. Elle nest peine visible de la rue de Linois. Les tours ne forment quun vague paysage entourant le centre commercial.

    Le centre commercial a donc cre une brche dans la dalle en la divisant en deux. Il aurait pu justement crer un lien entre la rue et la dalle, mais il en a t fait autrement. Une passerelle relie les deux parties du centre commercial en passant par-dessus la rue. Dans la partie o se trouve le cinma et les restaurants, on peut accder la dalle par une entre qui est presque de lordre dune sortie de secours. De lautre partie du centre commercial, on ne peut pas rejoindre la dalle, sauf en passant par des couloirs de service. Cette passerelle na donc quune utilit pour Beaugrenelle, elle ne fait aucunement transition entre les deux morceaux de la dalle.Le projet du centre commercial ne comprenait lorigine quune seule passerelle, et ne prvoyait pas de connexion entre ces deux morceaux. Les habitants ont d mener une lutte importante pour enfin obtenir la construction dune seconde passerelle plus discrte, pour connecter les deux parties de la dalle. Ils ont pu obtenir une voix dans les modifications du quartier. Les arguments avancs ont t de faire appel aux critres durbanisme de lpoque o il y avait cette volont dune continuit de la dalle pour aller dun point lautre sans rencontrer de voiture. Lunit du projet tait mise en pril, ce qui aurait conduit dfinitivement un morcellement de la dalle et son isolement le plus total.Ce centre commercial cache donc la dalle et ses problmes derrire. Il forme un cache-misre au lieu de traiter les problmes. Il nest ni un lien entre la rue et la dalle, ni seulement un point de vue sur le Front de Seine. Ainsi, Beaugrenelle forme un premier plan qui efface le Front de Seine en arrire-plan.

  • 35

    2me passerelle : relier les 2 parties de la dalle

    acces de la dalle vers le centre commercial morceau de dalle apparent rue de linois

    passerelle du centre commercial

    schma des circulations dalle/ centre commercial

    3

    3

    4

    2

    1

    4

    1 2

    SCNE 3 LENVERS DU DCOR

    ACTE PREMIER : LARCHITECTURE EST UN DCOR

  • 36 COUP DE THTRE : LA VILLE EST UN THTRE

    DTOURNEMENT DE PLANS

    UN FRONT PERC une chelle plus large, une autre perception du site se profile. Ce complexe-dalle, porteur du Mouvement moderne, a t pens comme quartier autonome. Il sest dtach du contexte pour se donner plus de liberts. Ainsi, les limites du Front de Seine sont fortes: la ville semble stoppe ses pieds, due une fracture dans sa morphologie architecturale. Ainsi, il porte bien son nom car il forme un vritable front entre le 15me arrondissement et la Seine, et par extension avec le 16me arrondissement de lautre ct de la Seine. En effet, sa traverse implique de passer sous la dalle, ce qui est peu engageant, tout comme ses accs pour monter sur la dalle qui sont peu lisibles. Il est devenu une frontire physique, alors qu lorigine, il se voulait tre un vrai balcon sur la Seine. Ainsi, il souffre dun manque de lisibilit et de signalisation dans le quartier, malgr ses qualits qui lui permettraient de fonctionner.

    Louverture du centre Beaugrenelle a eu un impact important dans la transformation du quartier. Il a contribu isoler encore plus le Front de Seine en le cachant et ne mettant pas en valeur une monte sur dalle. Il tend devenir la nouvelle centralit du quartier, en prolongeant la vie de quartier qui sorganise autour de la place Charles Michels vers la rue de Linois. La rue Saint Charles, qui la prolonge en regroupant des commerces, fait lobjet dune mutation avec la disparition de nombreux commerces de proximit. La Poste, qui tait lorigine situe sur la dalle, a t dplace sur la Place Charles Michels. Ainsi, on constate une mutation des lieux de vie. Il ne reste donc plus de raisons dy monter, mme pour poster une lettre. La dalle a perdu tout attrait qui pouvait lintgrer aux lieux de vie du quartier, ce nest plus quun jardin o personne ne va. Le quartier de Grenelle devient aujourdhui le spectacle dune centralit qui gravite autour du centre commercial. Cependant, mme sil a fragment la dalle et que la connexion entre les deux morceaux reste plus complique, il a eu le mrite de remettre ciel ouvert la rue de Linois. Cette perce perpendiculaire au front a pu tablir une connexion plus visible et fluide entre le 15me et le 16me arrondissement. Il a t conu comme une porte dentre sur le 15me.

    TIRER PARTI DE LA SITUATION ACTUELLEOr, la vie dun quartier se met en scne autour dun centre, dun point de gravit. Pour en faciliter laccs, les commerces y sont regroups. Parfois, les centres commerciaux les centralisent en un seul lieu, comme cest le cas au Front de Seine. Ils tendent devenir les nouvelles places, mais restent lobjet dun but prcis, on ny flne pas.Mon attitude va tre de tirer parti de cette situation engendre par Beaugrenelle pour ouvrir la dalle du Front de Seine au quartier et ainsi donner une nouvelle perspective de lieux de vie dans le quartier. Cette intervention va utiliser cette brche de circulation (rue de Linois) pour implanter le point de gravit du thtre, et ainsi lui donner une visibilit. Ce point stratgique sera un carrefour qui permettra de monter sur la dalle pour quelle devienne une scne limage de la rue. Ainsi, ce sera une perce dans ce premier plan de Beaugrenelle qui occulte le Front de Seine en arrire-plan, pour quon le dcouvre et quil sanime.

  • 37

    UN FRONT ENTRE SEINE ET QUARTIER

    Sein

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    Fron

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    Place Saint Charles

    Place Charles Michels

    Dalle du Front de Seine

    Rue de la Convention

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    La Seine

    15me arrondissementPARIS

    Centre commercialBeaugrenelleFR

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    16 m

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    UN FRONT ENTRE SEINE ET QUARTIER

    Sein

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    UN FRONT ENTRE SEINE ET QUARTIER

    Sein

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    Place Saint Charles

    Place Charles Michels

    Dalle du Front de Seine

    Rue de la Convention

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    La Seine

    15me arrondissementPARIS

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    Superposition de plans: le Front de Seine tait devenu un vritable front sur la Seine, entre le 15me et le 16me arrondissement.

    Changement de perception: avec la perce, le centre commercial devient le premier plan du dcor qui cache le Front de Seine en arrire-plan.

    Point de gravit de l intervention au niveau de cette ouverture cre par Beaugrenelle, et ainsi traverser le premier plan pour faire dcouvrir le Front de Seine et sa dalleront de Seine. On perce le dcor en premier plan pour faire dcou-vrir l arrire-plan, et quil devienne le dcor de la scne sur dalle.

    1er planscne1er planArrire-plan

    Arrire-plan

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    SCNE 3 LENVERS DU DCOR

    ACTE PREMIER : LARCHITECTURE EST UN DCOR

    rue de Linois

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  • 38 COUP DE THTRE : LA VILLE EST UN THTRE

    REALISE PAR UN PRODUIT AUTODESK A BUT EDUCATIF

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    REALISE PAR UN PRODUIT AUTODESK A BUT EDUCATIF

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    Rue de la Convention

  • 39

    REALISE PAR UN PRODUIT AUTODESK A BUT EDUCATIF

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    REALISE PAR UN PRODUIT AUTODESK A BUT EDUCATIF

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    Centre commercial

    Beaugrenelle

    Place Charles Michels

    Ile aux cygnes

    Tour Eiffel

    15 me ARRONDISSEMENT

    Monoprix

    FRONT DE SEINE

    RueCharles Michels

    Avenue Emile Zola

    0 100 200 300 mN

  • 40 COUP DE THTRE : LA VILLE EST UN THTRE

  • 41

    POINT DE GRAVIT/ ENTRE SUR SCNE

    Superficie 1540 m

    Existant Morceau de dalle visible de la rue de Linois (rue du centre commercial) qui signale discrtement la prsence de la dalle

    Potentiel Position stratgique: circulation importante due au centre commercial

    Intervention envisage Entre principale du thtre. Escalier thtral qui viendrait dtourner la circulation existante pour ouvrir la dalle, crer un lien de la dalle la rue.

    0 100 mN

    50

  • 42 COUP DE THTRE : LA VILLE EST UN THTRE

  • 43

    LA RUE EST UNE SCNE

    ACTE SECOND

  • 44 COUP DE THTRE : LA VILLE EST UN THTRE

    DE LAGORA LA RUE L espace public, lorsque lon remonte lAntiquit, tait dj un lieu de rencontres. En Grce, lagora est la place principale de la ville, le lieu o lon se rassemble et o lon prend les dcisions. Elle a dabord t le lieu sacr des dcisions avec le cercle sacr qui incluait le roi, puis celui de lEcclsia o lAssembl du peuple citoyen avait lieu. Lagora dAthnes accueillait un thtre en bois amovible que lon utilisait, entre autre, pour les runions de lEcclsia. Il a ensuite t dplac sur les flans de lAcropole pour pouvoir y creuser des gradins1. Puis, entre le XI me et le XV me sicle, le thtre avait lieu lintrieur des glises. De la mme manire que les vitraux racontaient les textes religieux par des illustrations, son rle tait de transmettre ces textes en le faisant vivre. Ce lieu sacr participait crer le dcor de ce thtre pour mieux transmettre. Ensuite, il sest dplac progressivement lextrieur de lglise, sur le parvis. Le parvis, tant une esplanade en hauteur, permettait dattirer un public plus large, et participait la thtralisation de la pice, autant par la distance instaure par la hauteur du parvis que par le dcor imposant de lglise derrire. Le lieu o se jouait le thtre tait trs important car il tait le dcor de la pice et par sa thtralisation, avait un rle bien prcis. Il devait avoir limpact dsir. Le thtre religieux est ensuite devenu profane, en se retrouvant dans la rue.

    La rue est le lieu par excellence de la vie en socit et le lieu dexpression du quotidien. Il parat donc logique quil sy soit retrouv. Lespace public, au-travers dune rue, dune place, est un lieu propice pour le thtre car il permet de sexprimer librement, et de toucher un public plus large interpell au passage. Le thtre de rue trouve sa forme populaire par le public quil touche. Le festival dAvignon se joue dans la Cour dhonneur du Palais des Papes, mais les lieux de reprsentations investissent de nombreux lieux dans la ville comme des coles, gymnases, etc... Mais le spectacle de ce festival reste surtout dans la rue, o tous les festivaliers se retrouvent ainsi que les acteurs qui font la promotion de leurs pices. En thtralisant la rue, ce festival transforme la rue en scne de ce thtre.

    Chaque scne devient donc une opportunit pour la socit de pouvoir se mettre en scne. Ce sont les scnes de la vie quotidienne qui se jouent ainsi. La rue devient une scne. Larchitecture qui dlimite lespace public est donc bien le dcor qui entoure cette scne et lui permet de lanimer.

    1 Wikipdia: Agora dAthnes http://fr.wikipedia.org/wiki/Agora_dAth%C3%A8nes#cite_note-1

    QUAND LA RUE EST DEVENUE THEATRE

  • 45

    FESTival davignon, france

    ACTE SECOND : LA RUE EST UNE SCNE

    SCNE 1 SCNES DE VIE

  • 46 COUP DE THTRE : LA VILLE EST UN THTRE

    LES COULEURS DE CHAQUE TABLEAU

    Pina Bausch tait peintre et nous tions les couleurs de ses tableaux , explique un danseur dans le film Pina1

    Dans la mise en scne de Pina Bausch, qui a travaill sur la danse-thtre, le danseur/acteur est au centre de ses compositions. Elle en parle comme des couleurs qui animent ses tableaux. Le mouvement prend une dimension encore plus importante dans ce lien entre la danse et le thtre, car les acteurs sexpriment par leurs mouvements, et font vivre lespace.

    La ralit apparat dun bond sur la scne. Inutile dessayer de vous cacher, Pina Bausch sait tout de vous. Tout ce que vous nosez pas voir dans votre vie quotidienne ? Cela dfile sous vos yeux, sous la plus simple expression 2. Ainsi, cette dimension du mouvement est particulirement importante. Il ne sagit pas seulement de concevoir des espaces, mais des espaces o les couleurs sont en mouvement. Les couleurs habitent lespace, et elles doivent tre au centre de toute conception.

    Adolph Loos fait apparatre cette notion de thtralit dans la conception dun espace. En architecture, le travail sur lespace trois dimensions ne manque pas dengendrer une certaine thtralit quon associera aux promesses du mouvement 3 Ainsi, un espace doit faire lobjet dune mise en scne pour quil devienne scne. Cette thtralit doit se retrouver dans la conception de chaque espace, comme si lon cre une pice dont on nen matriserait pas entirement le droulement. Larchitecte sera le peintre de chaque tableau, de chaque scne. En concevant un espace, il propose une mise en scne o les acteurs vont venir se la rapproprier. Ils composent le tableau. Ce sont eux qui vont faire vivre cette mise en scne, lui donner ses couleurs.

    Cette scne ne peut exister sans ses couleurs qui la mettent en mouvement, la font vivre. Les acteurs dtiennent la finalit de lhistoire par lusage quils en feront.

    1 Pina, ralis par Wim Wenders, 106 minutes, couleur. Date de sortie: 6 avril 20112 CALAFOL Ernst, Kontakthof de Pina Bausch : la ralit dun bond sur la scne, retourdactu.fr, 14 juin 20133 LOOS Adolph, Ornement et crime, Editions Payot et Rivages, 2003, p.18

  • 47

    1980, pina bausch, 1980

    cafe muller, pina bausch, 1978

    ACTE SECOND : LA RUE EST UNE SCNE

    SCNE 1 SCNES DE VIE

    Kontakthof, pina bausch, 1978

  • 48 COUP DE THTRE : LA VILLE EST UN THTRE

    LA SIGNALTIQUE COMME POINT DE FUITE

    Une rue trace une direction, donne une orientation notre avance. Ainsi, un premier plan apparat, ce qui nous entoure, ainsi quune succession de plans qui nous amne vers larrire-plan. Il donne un point de fuite vers lequel le dcor soriente et nous guide. Ainsi, notre avance est ponctue dvnements. Le dcor qui dfile sous nos yeux participent cette cration dun vnement. Ainsi, lombre et la lumire, la vgtation, les pleins ou les vides qui se forment, un point de repre qui surgit, une situation qui a lieu, etc. sont tout autant dlments qui vont capter notre attention. Certains sont permanents et donnent un rythme de base; dautres sont temporels, et viennent crer un spectacle qui se renouvle en continu au fil de la journe. Ainsi, ils rythment le cheminement, captent lattention du passant. Ces vnements marquent des scnes qui se forment un instant t. La rue devient cette grande scne o des vnements ont lieu continuellement au fil des journes.

    Le travail de Gordon Cullen nonc dans The Concise Townscape est intressant car il pense la ville vue doeil dun piton. Un plan prend son sens lorsquil noffre pas que la vision dune organisation globale vue du dessus, mais quil est en relation avec les diffrentes perspectives qui soffrent la vue dun piton dans ce mme plan. Dans son plan, chaque flche correspond un vnement dessin au-travers dune perspective ct. De cette manire, les vnements conus en plan apparaissent et prennent tout leur sens. Le plan prend vie.

    Ainsi, on comprend que la rue possde sa signaltique. Elle est dlimite par les faades des btiments,, et laxe trac donne une direction la dambulation. De plus, elle est ponctue de points de repre daprs lesquels on peut se situer, comme le clocher dune glise, ou les places qui deviennent des points de rendez-vous. Sur la dalle, lespace public est diffrent car il na pas de dlimitation verticale continue. Cest un grand vide, comme une place qui nest pas dlimite par les faades, mais par le contour de la dalle. Les tours deviennent les nouveaux points de repre qui oriente cet espace public. Cependant, la signaltique de la dalle est plus complexe, plus subtile. Une signalisation plus ou moins lisible se fait dj le long dun axe principal existant, tablit par son usage, et soulign par un traitement de sol et lumineux. Mais notre regard nest pas dirig, il se perd entre toutes ses tours qui nous encerclent. Comment peut-on capter lattention du passant, orienter son regard? Comment va-t-on inviter le passant monter sur la dalle en captant sa curiosit et en lui donnant une direction, comme la rue qui nous guide vers un autre endroit? Quel point de fuite va-t-on crer sur la dalle? Quel fil conducteur?Quelle est la signaltique adopter pour crer une invitation dcouvrir la dalle?

    Un clatement du projet face cette dimenson de la dalle semble donc tre une solution pour le rendre visible. Chaque entit devra interpeller le passant et le guider sur la dalle. Ce sont des scnes qui vont suivre le cheminement existant, mais avec une signaltique particulire en tant chacun un point de repre qui va capter lattention de chacun et lattirer en devenant le point de fuite de son avance.

  • 49ACTE SECOND : LA RUE EST UNE SCNE

    LA PLACE DU POT Dtain, lisabeth balletFlonville, Wilkinson, Lausanne

    THE CONCISE TOWNSCAPE, GORDON CULLEN

    SCNE 1 SCNES DE VIE

  • 50 COUP DE THTRE : LA VILLE EST UN THTREAccs sur dalle axe principal de la dalle

  • 510 100 200 300 m

    N

  • 52 COUP DE THTRE : LA VILLE EST UN THTRE

    LE CHEZ-SOI La maison est le lieu o lon se retire du regard extrieur, et o lon peut sisoler du monde. Cest un univers connu, autant par le lieu que les personnes avec qui lon vit. On se considre chez-nous car cest notre point de repre, que nous nous sommes forgs, il nous est familier. Le chez-soi est compos de plusieurs pices qui ont chacune un degr dintimit plus ou moins important. Nous avons besoin davoir des espaces plus intimes, o personne ne nous voit ou ne nous entend, et o lon se retrouve face soi-mme. On peut retirer le masque que lon porte lextrieur qui nous permet dentrer dans un attitude en fonction des situations. Ce masque tant comme une carapace lextrieur, larchitecture doit prendre le relais de ce rle protecteur. Ainsi, le masque se transpose en lment architectural. Cette carapace, autant mentale que physique, devient le chez-soi. Il doit saccoutumer la vie qui se droule autour de lui. Une porte dentre entrouverte peut laisser entrevoir des scnes dune habitation, les pas qui rsonnent laissent imaginer le dplacement du voisin du dessus, une fentre de chambre donne un aperu de ce quil sy passe, ... Ainsi, ce sont tout un ensemble dlments qui sorchestrent et nous laissent entrevoir la vie qui se droule autour de nous, autant lintrieur qu lextrieur.

    Notre maison est un endroit trs personnel. Elle laisse transparatre beaucoup dinformations sur nous, notre comportement, nos gots, nos habitudes, notre vcu, nos souvenirs. Les photos, un tableau, la place de notre bureau, les couleurs de notre chambre, ce quil y a dans notre rfrigrateur, sont des traces, des indices de notre personnalit, de notre mode de vie. Ainsi, notre maison est un arrangement de choses. La place des choses rsulte de lusage. Ainsi, nous rangeons les objets pour les avoir tous sous la main, mais en rendant lespace vivable 1. Lagencement dans une maison est plus ou moins contrl. Certaines sont organises telles des mises en scne utiles ou dcoratives, dautres relvent de notre inconscient ou ne font lobjet daucune importance particulire nos yeux.

    Cet arrangement de choses que lon se constitue, qui nous entoure, est notre petit thtre. Il cre le dcor de notre univers.

    Ainsi, notre maison devient notre miroir en quelque sorte. Nous ne pouvons que difficilement contrler cette image que nous donnons de nous quand quelquun vient chez nous. Notre maison fait en quelque sorte partie de nous, nous avons besoin de nous identifier un lieu comme un point de repre.La maison devient donc une empreinte de soi, grave derrire le masque. Cette empreinte est la plus raliste dun visage, mme si elle reste toujours un peu diffrente du visage. Lempreinte est fige, contrairement au visage, o les expressions apparaissent, se dissimulent, disparaissent. Notre chez-soi est lenvers de notre masque. 1 Thorie des maisons, Benoit Goetz, Verdier, 2011, p. 109

    LE CHEZ-SOI : LOGE DUNE PRPARATION

  • 53

    Thtre du moulin caf, thtre litalienne, Saint-Omer, france

    Les Estivants, Maxime Gorki, scnographie emmanuel-clolus, 2010

    Souvenirs dEnfance, Le Hall , Un Coin Chez Soi , Bretagne - France

    SCNE 2 ENTRE EN SCNE

    ACTE SECOND : LA RUE EST UNE SCNE

  • 54 COUP DE THTRE : LA VILLE EST UN THTRE

    LES TOURS DHABITATION Le Front de Seine du 15me arrondissement de Paris est porteur dune nouvelle manire dhabiter. La dalle conue dans les annes 60 est pense comme prolongement du logement. Aller faire ses courses, travailler, se promener, ... peut se faire sans sortir du chez-soi. Etant une entit autonome, elle voulait offrir aux habitants une facilit daccs, quils aient tout porte de main.

    Ces tours ont fait lobjet dtudes trs prcises pour dfinir une tour-type qui soit la plus rentable et la mieux conue. Elle a t dtermine tout dabord par sa parcelle doccupation en simplantant vis--vis de la trame de la dalle. Sa taille de gupe permet de rduire son emprise foncire. Ce modle est autonome structurellement. Un rapport a t tabli entre le noyau des distributions verticales et la rpartition des appartements. Le gabarit le plus rentable selon Michel Holley est de 100m de hauteur pour 30 niveaux, sur 20m dpaisseur, pour faire face aux normes de scurit, problme densoleillement, des contreventements, etc. 1

    Les tours regroupent donc un ensemble de chez-soi en modifiant les rapports entre eux. Nayant plus vraiment de vis--vis, il est donc normal de pouvoir repenser les ouvertures diffremment. Cest pourquoi lon trouve ces larges baies-vitres, qui seraient difficilement pensables dans la ville traditionnelle, car tout le monde plongerait dans les chez-soi des autres. Il y a donc ici un contraste intressant. Les logements possdent de trs grandes ouvertures qui offrent des vues imprenables sur Paris, sans pour autant influer sur ce rapport de protection que le logement doit offrir. En effet, dans un immeuble, les ouvertures doivent tre gres de telle manire quelles nentravent pas lintimit de chacun des habitants. Elles doivent permettre un apport suffisant de lumire, tout en protgeant de la vue des autres pour que chacun sy sente bien et puisse se crer sa carapace. Leur rapport lextrieur est donc modifi. Les grandes ouvertures en faade donnent un rapport lintimit diffrent. Les endroits intimes sont plutt ferms. Or, ici les grandes ouvertures en faade des appartements permettent de faire pntrer la lumire et le paysage lintrieur, sans vis--vis. Ainsi, un habitant ne se rend pas compte quil nest pas sorti de chez lui. Il vit en parallle du temps qui change et qui passe.Ses rapports avec le voisinage sen trouvent modifis. Le vis--vis disparat. Les habitants sont donc assimils une tour, et non plus un quartier ou une rue. Ainsi, une vie de tour sinstalle.

    Les tours proposent donc une nouvelle manire de concevoir le chez-soi. En modifiant le rapport lintimit, le vis--vis, la lumire, etc, elles influent sur la manire de vivre de chacun par son rapport lextrieur qui est modifi. Ainsi, le chez-soi, mme sil forme une carapace, garde toujours un troit lien avec lextrieur.

    1 BRESLER Henri et GENYK Isabelle, Le Front de Seine, Histoire prospective, SEMEA 15, 2003, p.74

  • 55

    perspective du salon, tour perspective 1

    SCNE 2 ENTRE EN SCNE

    ACTE SECOND : LA RUE EST UNE SCNE

    plan de ltage courant , Perspective 1

    plan du niveau dacces de la dalle, perspective 1

  • 56 COUP DE THTRE : LA VILLE EST UN THTRE

    LES SEUILS, TRANSITIONS Par dfinition, le seuil est lentre de la maison, le commencement. Le seuil est un dispositif, mais aussi un parcours. Il est la transition entre lespace public de la rue, et le chez-soi. Les espaces qui composent le seuil peuvent se dcomposer, ils forment diffrentes tapes.

    Chaque logement dcline diffremment ses seuils qui constituent un vritable cheminement, une prparation mentale cette transition du public au priv. Cette prparation mentale correspond un changement dattitude de lhomme. En effet, il passe dun espace public, o il est expos dans la socit, confront au regard des autres, des inconnus, interagit avec lautre, pour se diriger petit petit dans des espaces de plus en plus intimes, qui lui sont familiers, et o il va se retrouver avec des personnes proches, pour ensuite se retrouver avec lui-mme. Le changement dambiance est particulirement important, au niveau de la lumire, du bruit, il y a comme une coupure dans le temps. Ce changement dambiance influe sur ltat desprit. Cette transition seffectue linverse comme une prparation pour entrer sur scne, sous le regard de lautre. Le seuil, en tant la limite entre lintrieur du chez-soi et lextrieur de lespace public joue le rle de protection. La maison tant un espace intime, o lon se rfugie, il est normal davoir un espace qui cre une transition entre ces deux mondes. Cette notion de protection se retrouve dans de nombreuses traditions, comme au Burkina Fasso o lon enterre des mdicaments face la maison pour la protger, ou encore en Turquie avec lil, le nazar boncuk, plac sur le seuil des maisons, en signe de protection, la fois des habitants de la maison, mais aussi des biens.Cette transition consiste donc une transition mentale, dont larchitecture se doit daccompagner. Si ces seuils se dclinent trop rapidement, ou sont trop complexes, ils peuvent entraner des gnes ou un mal-tre chez les usagers.

    Le seuil est donc le processus de transition pour se prparer porter un masque ou le faire tomber. Une manire de se protger, une carapace pour cacher son intimit, et mieux se confronter lautre. Le seuil devient les coulisses de ce thtre, avant dentrer en scne, ou pour sortir de scne. On sy prpare pour entrer sur scne, dans lespace public. Cest un moment de concentration, un moment avec soi-mme, o lon va se prparer porter un masque, qui correspond au rle que nous donne la socit. A linverse, la fin du thtre, on sort du regard du public, on redevient soi-mme, on fait tomber le masque. On retourne vers sa loge, son chez-soi. Le seuil devient donc le lieu de tansition pour entrer sur scne.

    LES SEUILS : COULISSES DUN CHANGEMENT DATTITUDE

  • 57

    SCNE 2 ENTRE EN SCNE

    ACTE SECOND : LA RUE EST UNE SCNE

    PROCESSUS DE TRANSITION CHEZ-SOI / ESPACE PUBLIC

    Chez-soi

    Seuils

    Espace public

    CHEZ-SOIPrparation

    SEUILSTransition

    ESPACE PUBLICExposition

    ENTRE EN SCNE

    LOGES

    COULISSES

    SCNE

    chez-soi

    seuils

    espace public

  • 58 COUP DE THTRE : LA VILLE EST UN THTRE

    LES SEUILS DU FRONT DE SEINE Cette transformation de la conception de la ville a des consquences importantes sur le mode de vie de chacun. En effet, la rue, en perdant son organisation traditionnelle, modifie le rapport entre le chez-soi et lespace public. L organisation de ce complexe-dalle amne une conception des seuils bien particulire. Initialement, le projet prvoyait que les usagers des tours entrent par les entres principales situes et reprables au niveau de la dalle par des halls aux proportions gnreuses. Les accs au niveau de la rue sont peu engageants, ils sont conus pour tre des accs secondaires, et techniques. Cependant, on observe que les accs par la dalle sont peu frquents. Les habitants descendent directement dans la rue pour accder au reste du quartier, ou vont directement rejoindre leurs voitures par les parkings. En effet, ils pourraient passer par la dalle pour se diriger vers un endroit du quartier, mais les escaliers qui assurent la liaison entre la dalle et les rues sous-dalle sont peu engageants. Ainsi, les usagers nempruntent pas les accs dfinis par le projet initialement. Il avait dans loptique que la ville se construirait au niveau de la dalle, et quelle deviendrait le nouvel espace public, mais le niveau de la rue est rest celui qui est pratiqu par les usagers pour assurer une transition entre la ville et le complexe-dalle. Les seuils se trouvent modifis, et ils nont plus la mme lisibilit. Ils forment un parcours trs tendu et complexe.

    Lorsque lon regarde de plus prs ces transitions, on saperoit quelles sont marques par des changements dambiance. Les diffrences dunivers entre la dalle et la sous-dalle sont importants. En effet, la dalle est un espace trs calme compar au trafic de la rue, ce qui cre une coupure sonore. Elle forme un univers minral de plus en plus vgtalis, et contraste avec la vie sous la dalle, ses parkings et ses accs o la brutalit des matriaux est trs prsente, ainsi que le bruit de fond constant, accentu par le trafic et le fait que les rues soient couvertes. De plus, la lumire engendre une coupure visuelle. Sous la dalle, la lumire orang renforce cet univers glauque, o les trmies de la dalle apportent des respirations ponctuelles, un peu inquitantes quand on aperoit ce quil se trame au-dessus de nos ttes. A linverse, lorsque lon arrive sur la dalle, lunivers est trs blanc, et froid. Le rle de la lumire est pourtant fondamental pour la perception dun lieu forme les espaces, et lombre forme les espaces. De mme, un changement dchelle et de densit se cre. Lorsque lon arrive sur la dalle, on est frapp la fois par la hauteur des tours qui nous entoure, mais aussi par cette densit dispatche qui cre des vides trs forts, contrairement la ville qui est beaucoup plus compacte.

    Ainsi, les seuils contribuent au bien-tre de chaque habitation. Ils peuvent paratre ngligeables, et ne font pas toujours lobjet dune attention particulire, mais prsentent une relle importance sur la qualit de lhabitat. Au Front de Seine, on se rend compte que ces seuils ont t penss dans la continuit o la dalle serait le nouvel espace public. Or, lusage en a fait autrement, et du coup, ils ne sont pas adapts pour entrer en scne dans la rue. Au lieu de descendre directement dans la rue, sur scne, les usagers se retrouvent sous la dalle, qui reste un espace de transition vers la rue. Larrive des acteurs sur scne na pas fonctionn.

  • 59

    SCNE 2 ENTRE EN SCNE

    ACTE SECOND : LA RUE EST UNE SCNE

    LE FRONT DE SEINE LUSAGE

    CIRCULATION LUSAGE :

    CHEZ-SOI

    SOUS-DALLE

    RUE

    CIRCULATION PRVUE :

    CHEZ-SOI

    DALLE

    (RUE )

    RUE

    RUESOUS- DALLE

    CHEZ-SOI

    CHEZ-SOI

    DALLE

    11

    Les travaux de rnovation des parkings Le Front de seine compte 4 370 places de stationnement en sous-sol, rparties sur 4 niveaux sous la dalle. Lensemble de ces places est la location avec des baux longue dure, rservs aux habitants des tours du Front de seine ou aux socits installes sur le site, et des baux trimestriels, ouverts toute personne intresse.

    Les travaux de rnovation raliss dans les parkings intgrent plusieurs lments : mise en conformit vis--vis de lvolution des rglementations, tant sur le plan de la scurit incendie que de lenvironnement et de laccessibilit aux personnes mobilit rduite, renforcement et modernisation des clairages, amlioration de la signaltique, de lambiance et du fonctionnement interne du parc, mise en place dune gestion centralise, dveloppement de la vido-surveillance. Dans tous les parkings, les travaux de mise en peinture raliss ont un double objectif : rendre les lieux plus accueillants et faciliter lorientation des automobilistes. Ainsi, chaque niveau a sa couleur pour permettre aux usagers de mieux se reprer.

    6 parkings ont dj t rnovs, reprsentant 1 900 places de stationnement. Les travaux du parking Centaure commenceront courant novembre 2013 avec une premire phase de dsamiantage, et les niveaux -1, -2 et +1 devraient tre termins au 1er trimestre 2015. il restera ensuite la rhabilitation du parking Brnice ouest dont le calendrier des travaux na pas encore t arrt.

    Dans le cadre des travaux dans les parkings, les places de stationnement ont d tre neutralises par tranche : des solutions de stationnement provisoire sont chaque fois proposes aux usagers des parkings concerns et la SemPariSeine sattache, dans la mesure du possible, limiter les dplacements successifs des vhicules et proposer des solutions de stationnement au plus proche de lemplacement initial.

    38,00

    PLACE CHARLES MICHELS

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    La Seine

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    Avenue Emile Zola

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    Vers PlaceCharles Michels

    Rue Robert de Flers

    PISCINE KELLER

    CENTRE COMMERCIAL

    Piscine MOURLONCOLLEGE GUILLAUME APPOLINAIRE

    GROUPE SCOLAIRE

    EMERIAU

    SQUAREBELA

    BARTOK

    STADE MOURLON

    RnovationA venirEn coursRalis

    Accs parkingEntreSortieEntre/sortie

    31 - 37

    17

    22

    5

    5

    2 1313

    13

    14

    13-15

    11

    13

    16-18

    17

    154

    25 -27

    20

    14

    61

    8

    43

    Vga1 000 places

    Orion321 places

    Andromde570 places

    Cassiope500 places

    Centaure735 places

    Brenice Est210 places

    Brenice Ouest727 places

    Harmonie26 places

    Antars280 places

    Vga1 000 places

    Orion321 places

    Andromde570 places

    Cassiope500 places

    Centaure735 places

    Brenice Est210 places

    Brenice Ouest727 places

    Harmonie26 places

    Antars280 places

    LES TRANSITIONS GRER

    DALLESOUS-DALLE

    QUARTIERRUE

    LES TRANSITIONS GRER

    DALLESOUS-DALLE

    QUARTIERRUE

    tours

    Dalle

    ruesous-dalle

    parkingsous-dalle

    le front de seine lusage

    LE FRONT DE SEINE LUSAGE

    CIRCULATION LUSAGE :

    CHEZ-SOI

    SOUS-DALLE

    RUE

    CIRCULATION PRVUE :

    CHEZ-SOI

    DALLE

    (RUE )

    RUE

    RUESOUS- DALLE

    CHEZ-SOI

    CHEZ-SOI

    DALLE

  • 60 COUP DE THTRE : LA VILLE EST UN THTRE

    COUPE de principe DU FRONT DE SEINE

    Dalle

    local sous

    parkings

    Voie publique

    Tours

  • 61

    SCNE 2 ENTRE EN SCNE

    ACTE SECOND : LA RUE EST UNE SCNE

    Equipement collectif

    Dalle

    Btiments bas sur dalle

    Btiments bas sous dalle

    dallepiscine

    localsous dalleparkings

    Voie publique

    local sous dalle parkings

    Tours

  • 62 COUP DE THTRE : LA VILLE EST UN THTRE

    LESPACE PUBLIC Il soppose lespace priv. On est hors de la maison, lextrieur. Cest l que lon va se confronter aux autres, tre expos dans la socit. Bruno Giorgini, physicien de la ville, le souligne lorsquil dit que l on devient des citoyens lorsque lon sort de chez soi 1. En effet, nous devenons un parmi dautres, nous faisons partie dune socit, avec des droits et des devoirs. Dans la maison Kabyle, le monde extrieur est masculin. Il regroupe la vie publique et le travail agricole. Lhomme se retrouve donc confront aux autres, pour se valoriser, se mettre en valeur dans la socit. Il avait un rle trs important car il reprsentait sa famille lextrieur 2. On comprend bien ici limportance du rle de reprsentation lextrieur, dans la socit. Notre comportement change donc, nous ne sommes plus dans un lieu connu, personnel. Nous avons donc dans lespace public une deuxime apparence, car nous ne sommes plus situs dans notre maison. Nous avons laiss derrire nous des traces de notre personnalit. On prend de la distance vis--vis de notre univers. Ainsi, nous pouvons jouer plus facilement sur notre apparence, la contrler. Cela permet chacun de pouvoir sen dtacher pour mieux se glisser dans ce rle que nous donne la socit. Ce travail sur soi-mme permet dadopter une attitude pour entrer dans notre rle. Ainsi, on entre en scne dans lespace public. Il se dfinit comme scne car on entre sous le regard des autres, on sexpose. Au-travers de ce rle, on entre dans la socit. L espace public, notamment la rue et la place, regroupe ces lieux qui deviennent nos scnes du quotidien. Et par extention, tout btiment public, ou les pices de rception dun habitat. Ce sont les scnes o lon joue nos rles en socit, et au-travers desquelles on porte un masque en tant quattitude. L espace public est donc le thtre de nos relations, et thtralise la socit dont nous sommes les acteurs.

    LA DALLE ET LA SOUS-DALLE Le Front de Seine compose lespace public de la ville sur deux niveaux: une dalle artificielle surleve 6m du sol naturel, et un rseau de rues sous la dalle au niveau naturel qui le relie au quartier. La rue principale, la rue Robert de Flers suit la dalle dans sa longueur, parallle la Seine. Elle est coupe perpendiculairement par des rues comme la rue du Thtre, la rue de Linois (centre commercial). Des perces dans la dalle permettent dapporter ponctuellement un peu de lumire dans ces rues couvertes. Elles abritent quelques commerces et services, comme des restaurants et un bowling, qui alternent entre les entres de parking, et les entres secondaires des tours.Ce complexe avait pens la dalle comme une scne, qui serait le nouvel espace public, et sa sous-dalle une coulisse desservant la dalle. Cependant, la dalle na pas trouv son entit de scne, la socit ne sy met pas en scne. La sous-dalle reste pratique comme une rue, ou plutt comme une transition vers la rue. Cet espace sous-dalle ne peut tre une scne. On la traverse, on ne sy arrte pas. Cet espace public reste un seuil, une transition des accs secondaires des tours vers lespace public de la rue -scne. 1 Confrence au sminaire Paradoxe du contemporain lESA2 BOURDIEU Pierre, Esquisse dune thorie de la pratique, Points, 2000, p.66

    LESPACE PUBLIC : MONTE SUR SCNE

  • 63

    une Rue et une place sur la dalle du front de seine

    SCNE 2 ENTRE EN SCNE

    ACTE SECOND : LA RUE EST UNE SCNE

    une rue/ une place

  • 64 COUP DE THTRE : LA VILLE EST UN THTRE

    LA DALLE PORTEUSE DUN NOUVEAU MODE DE VIE

    LURBANISME DE DALLE Le Mouvement moderne a t nourri par des utopies qui apparaissent mme au XV me sicle avec la Citt Ideale de Lonard de Vinci. Il avait dj la volont de sparer la ville par niveaux, pour des raisons dhygine, car la peste svissait lpoque. Les utopies nourrissent au fil des sicles cette volution de la ville verticale. Le projet City of the future de Harley Wiley Corbett par exemple montre cette complexit de grer la ville sur plusieurs niveaux.Puis la Charte dAthnes, en 1933, thorise cette vision de la ville sur plusieurs niveaux, o la dalle devient le nouvel espace public. Cette sparation des fonctions de la ville a dcoul dune vision plus hyginique et moins pollue de la ville. La dalle est aussi pense comme prolongement du logement. Aller faire ses courses, travailler, se promener, ... peut se faire sans sortir du chez-soi . Voulue comme entit autonome, elle voulait offrir aux habitants une facilit daccs, et avoir tout porte de main. Le sol naturel de la ville, avec lvolution des modes de circulation, ne semble plus tre adapt la ville. Elle est repense pour les vhicules. Une vie sur dalle semblerait rsoudre ce problme de circulation dans la ville en proposant un nouveau fonctionnement des espaces publics. Elle permettrait pour le piton daller dun point lautre sans croiser de voiture, et daugmenter la rapidit des transports. Ainsi, le cadre de vie des usagers serait privilgi, lespace public de la rue traditionnelle qui peut paratre dangereux et pollu, devient un espace vert, au calme. Ce nouveau sol artificiel deviendrait le nouveau sol frquent de la ville, plus appropri au piton. Se dplacer dans la ville se ferait diffremment. La voiture serait privilgie pour les grandes distances, et la marche pour les distances proches, car il y aurait tout porte de main.

    Lurbanisme de dalle a t porte par des opportunits de laprs-guerre sans lesquelles la dalle naurait pas vu le jour, notamment aux vastes zones dvastes par les bombardements de la guerre qui ont ncessit des remembrements en profondeur, la pnurie du foncier, et les progrs dans les techniques de construction pour raliser les fondations de dalle moindre prix1. En 1963, le Rapport Buchanan fixe les grands principes et idologies de lurbanisme de dalle, et explique que les problmes de circulation et damnagement urbain sont insparables. Elles sont le rsultat dune volont de superposer les flux (et non un problme de densit pour mettre le plus de personnes lhectare), face la crainte et la fascination de lexpansion des grandes mtropoles. Le Front de Seine est donc la concrtisation dutopies et de penses. Cest le rve de la ville la verticale, o les circulations de vhicules sont un niveau de desserte.Or, il est difficile de prvoir lvolution des modes de dplacement qui voluent rapidement. Ce projet na pas t assez flexible dans le choix des modes de dplacement, les rpercussions engendres aujourdhui sont assez lourdes. Les voies de circulation du sol naturel sont penses pour lautomobile, alors quaujourdhui ces rues accueillent les circulations pitonnes. La nature fainante de lhomme le pousse souvent aller au plus court. Il ne montera pas sur la dalle sil nen voit pas lintrt et quil ne sy passe rien. Une activit sur la dalle semble tre une solution pour attirer la curiosit des pitons, pour la rvler sous un nouveau jour, comme sa sous-dalle. 1 Ateliers dEt de Cergy, Lurbanisme de dalles, Continuits et ruptures, Presses de lcole nationale des Ponts et Chausses, 1993

  • 65

    City of the Future,Harvey Wiley Corbett,1913

    La ville spatiale, Yona Friedman

    RApport buchanan

    La Citt Ideale, leonard de vinci, 1487-1490

    ACTE SECOND : LA RUE EST UNE SCNE

    SCNE 3 QUAND LA RUE DEVIENT DALLE

    plan voisin, le corbusier, 1925

  • 66 COUP DE THTRE : LA VILLE EST UN THTRE

    A y regarder plus attentivement, ce spectacle fig qui prend ses marques sur la dalle du Front de Seine ne serait finalement quun thtre fantme. Les tours qui la surplombent sont les balcons qui donnent sur son spectacle, ainsi que sur tout Paris. Les habitants profitent dun vue privilgie en hauteur, o ce thtre se met en scne sous leurs yeux. Ainsi, leur niveau, ils peuvent voir les autres tours du Front de Seine, comme lon peut observer les autres invits au thtre, perchs dans leurs balcons. Ils sont entours dun panorama impressionnant sur tout Paris, comme le dcor dune salle de thtre qui participe la mise en scne des spectateurs. Plus bas, ltendue de la dalle stend sous leurs yeux. Par sa restauration presque exclusivement paysagre, elle sembellit pour devenir un jardin, mais un jardin fig o presque personne ne passe. Cest en effet les acteurs qui ne sont pas entrs aprs le retentissement des trois coups lanant la pice. Ils ne sont pas monts sur cette scne de la dalle, o tout avaient pourtant t planifi. Ils ne sont pourtant pas loin. Ils sont encore en coulisses. Ils passent sous cette dalle, ils restent encore dans lombre.

    Ce Front de Seine nest donc quun thtre fantme quil faut ranimer. Il faut que les acteurs puissent se mettre en scne sur cette dalle, comme ils se mettent en scne dans la socit, dans la ville qui sarrtent au pied du Front de Seine.

    Un thtre dans le Front de Seine prend donc son sens pour ranimer ce thtre fantme. En sinspirant du Thtre dOrsay, install au milieu de la Gare dOrsay, il tait le lieu dun spectacle continu. Lorsque lon attend, on se retrouve spectateur de la foule qui dfile devant nos yeux. La gare est donc un thtre, et ce thtre dOrsay nest quune mise en abyme de celui-ci.

    A linverse, instaurer ici un thtre dans le thtre permettra que ce thtre engendre lanimation du second thtre. En effet, le thtre est le lieu par excellence o les personnes y viennent pour se mettre en scne et deviennent spectateur de leurs propre mise en scne. Nous avons besoin de thtraliser notre quotidien, de nous mettre en scne, de crer une sorte de jeu de socit. Ainsi, il sagit de retrouver le spectacle du quotidien dans le Front de Seine pour le ranimer. Le projet consiste donc concevoir un petit thtre dans ce grand thtre du Front de Seine qui deviendrait le moteur pour ranimer ce grand thtre en mettant en scne la vie sur dalle et ses acteurs.

    LE FRONT DE SEINE, UN THTRE FANTME RANIMER

  • 67ACTE SECOND : LA RUE EST UNE SCNE

    SCNE 3 QUAND LA RUE DEVIENT DALLELE THTRE FANTME

    SCNE

    BALCON

    BALCON

    COULISSES

    LE THTRE DANS LE THTRE

    LE THTRE DANS LE THTRE

    LA RUE EST UN THTRE

    un thtre fantme

    un thtre dans le thtre

    LA VILLE

  • 68 COUP DE THTRE : LA VILLE EST UN THTRE

    LA DALLE, UN SPECTACLE FIG Aujourdhui, on constate une rsidentialisation de la dalle. Elle est engendre par le manque de lisibilit au niveau des accs, qu sont souvent cachs et peu engageants, comme des issues de secours. Lusager nest pas invit monter sur la dalle. Ainsi, seuls de rares flneurs ou curieux vont venir sy promener, la dalle restant frquente par ses habitants (enfin pour ceux qui vont promener leur chien). De plus, cette dalle fait actuellement lobjet dune rnovation, rpartie sur plusieurs phases par lots. Cependant, cette opration, outre les quelques problmes dtanchit rgler, reste principalement paysagre, comme on peut le constater sur ces images du projet. Ainsi, on embellit le paysage de la dalle, en croyant quelle va devenir plus agrable et attirer plus de monde sil y a un peu plus de verdure. Cette opration ne sattaque pas au fond du problme, qui nest pas un problme dapparence, mais un problme de fond. Ce nest pas que les gens ne montent pas sur la dalle parce quelle na pas lair accueillante (la dalle est trs vente, donc personne ny va lhiver car il y fait trs froid). On ne va pas rsoudre le problme en mettant des plantes, cest juste quils nont pas de raisons particulires pour monter. Il ny a pas dactivits sur la dalle, il faut repenser son programme.

    Ainsi, la dalle nest plus quun jardin impratiqu que lon regarde des tours. Les perspectives de rnovation ne font quembellir ce jardin, ce qui en fait un spectacle fig. Il sagirait ici de la transformer sans en changer son apparence, mais dy intgrer un vrai programme. Et ainsi de rendre cet espace public la ville.

    POTENTIALITS DES PLACES METTRE EN VALEUR La dalle a pour particularit, par sa densit, de crer des vides forms entre les tours sur la dalle qui deviennent de vritables places. Lorsquon les analyse, on remarque quelles ont chacune des caractristiques, des ambiances qui leurs sont