Dictionnaire Philosophique Garnier (1878) Fanatisme

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Dictionnaire philosophique

Voltaire

 

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FANATISME.

SECTION PREMIÈRE[1].

C’est l’effet d’une fausse conscience qui asservit la religionaux caprices de l’imagination et aux dérèglements des

passions.En général, il vient de ce que les législateurs ont eu des vuestrop étroites, ou de ce qu’on a passé les bornes qu’ils seprescrivaient. Leurs lois n’étaient faites que pour une sociétéchoisie. Étendues par le zèle à tout un peuple, et transportéespar l’ambition d’un climat à l’autre, elles devaient changer et

s’accommoder aux circonstances des lieux et des personnes.Mais qu’est-il arrivé ? c’est que certains esprits d’un caractèreplus proportionné à celui du petit troupeau pour lequel ellesavaient été faites, les ont reçues avec la même chaleur, en sontdevenus les apôtres et même les martyrs, plutôt que dedémordre d’un seul iota.  Les autres, au contraire, moins

ardents, ou plus attachés à leurs préjugés d’éducation, ont luttécontre le nouveau joug, et n’ont consenti à l’embrasser qu’avecdes adoucissements ; et de là le schisme entre les rigoristes etles mitigés, qui les rend tous furieux, les uns pour la servitudeet les autres pour la liberté.

Imaginons une immense rotonde[2]  un panthéon à mille

autels ; et, placés au milieu du dôme, figurons-nous un dévotde chaque secte, éteinte ou subsistante, aux pieds de la divinité

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qu’il honore à sa façon, sous toutes les formes bizarres quel’imagination a pu créer. À droite, c’est un contemplatif étendusur une natte, qui attend, le nombril en l’air, que la lumière

céleste vienne investir son âme. À gauche, c’est un énergumèneprosterné qui frappe du front contre la terre, pour en faire sortirl’abondance. Là, c’est un saltimbanque qui danse sur la tombede celui qu’il invoque. Ici, c’est un pénitent immobile et muetcomme la statue devant laquelle il s’humilie. L’un étale ce quela pudeur cache, parce que Dieu ne rougit pas de sa

ressemblance ; l’autre voile jusqu’à son visage, comme sil’ouvrier avait horreur de son ouvrage. Un autre tourne le dosau midi, parce que c’est là le vent du démon ; un autre tend lesbras vers l’orient, où Dieu montre sa face rayonnante. Deeunes filles en pleurs meurtrissent leur chair encore innocente

pour apaiser le démon de la concupiscence, par des moyenscapables de l’irriter ; d’autres, dans une posture tout opposée,sollicitent les approches de la Divinité. Un jeune homme, pouramortir l’instrument de la virilité, y attache des anneaux de ferd’un poids proportionné à ses forces ; un autre arrête latentation dès sa source, par une amputation tout à faitinhumaine, et suspend à l’autel les dépouilles de son sacrifice.

Voyons-les tous sortir du temple, et, pleins du dieu qui lesagite, répandre la frayeur et l’illusion sur la face de la terre. Ilsse partagent le monde, et bientôt le feu s’allume aux quatreextrémités ; les peuples écoutent, et les rois tremblent. Cetempire que l’enthousiasme d’un seul exerce sur la multitudequi le voit ou l’entend, la chaleur que les esprits rassemblés se

communiquent, tous ces mouvements tumultueux, augmentéspar le trouble de chaque particulier, rendent en peu de temps le

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vertige général. C’est assez d’un peuple enchanté à la suite dequelques imposteurs, la séduction multipliera les prodiges, etvoilà tout le monde à jamais égaré. L’esprit humain, une fois

sorti des routes lumineuses de la nature, n’y rentre plus ; il erreautour de la vérité sans en rencontrer autre chose que deslueurs, qui, se mêlant aux fausses clartés dont la superstitionl’environne, achèvent de l’enfoncer dans les ténèbres.

Il est affreux de voir comment l’opinion d’apaiser le ciel parle massacre, une fois introduite, s’est universellement répandue

dans presque toutes les religions, et combien on a multiplié lesraisons de ce sacrifice, afin que personne ne pût échapper aucouteau. Tantôt ce sont des ennemis qu’il faut immoler à Marsexterminateur, les Scythes égorgent à ses autels le centième deleurs prisonniers, et par cet usage de la victoire on peut jugerde la justice de la guerre ; aussi chez d’autres peuples ne la

faisait-on que pour avoir de quoi fournir aux sacrifices ; desorte qu’ayant d’abord été institués, ce semble, pour en expierles horreurs, ils servirent enfin à les justifier.

Tantôt ce sont des hommes justes qu’un Dieu barbaredemande pour victimes : les Gètes se disputent l’honneurd’aller porter à Zamolxis les vœux de la patrie. Celui qu’un

heureux sort destine au sacrifice est lancé à force de bras surdes javelots dressés : s’il reçoit un coup mortel en tombant surles piques, c’est de bon augure pour le succès de la négociationet pour le mérite du député ; mais s’il survit à sa blessure, c’estun méchant dont le dieu n’a point affaire.

Tantôt ce sont des enfants à qui les dieux redemandent une

vie qu’ils viennent de leur donner : justice affamée du sang del’innocence, dit Montaigne[3]. Tantôt c’est le sang le plus cher :

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les Carthaginois immolaient leurs propres fils à Saturne,comme si le temps ne les dévorait pas assez tôt. Tantôt c’est lesang le plus beau : cette même Amestris qui avait fait enfuir

douze hommes vivants dans la terre pour obtenir de Pluton, parcette offrande, une plus longue vie, cette Amestris sacrifieencore à cette insatiable divinité quatorze jeunes enfants despremières maisons de la Perse, parce que les sacrificateurs onttoujours fait entendre aux hommes qu’ils devaient offrir àl’autel ce qu’ils avaient de plus précieux. C’est sur ce principe

que, chez quelques nations, on immolait les premiers-nés, etque chez d’autres on les rachetait par des offrandes plus utilesaux ministres du sacrifice. C’est ce qui autorisa sans doute enEurope la pratique de quelques siècles, de vouer les enfants aucélibat dès l’âge de cinq ans, et d’emprisonner dans le cloîtreles frères du prince héritier, comme on les égorge en Asie.

Tantôt c’est le sang le plus pur : n’y a-t-il pas des Indiensqui exercent l’hospitalité envers tous les hommes, et qui sefont un mérite de tuer tout étranger vertueux et savant quipassera chez eux, afin que ses vertus et ses talents leurdemeurent ? Tantôt c’est le sang le plus sacré : chez la plupartdes idolâtres, ce sont les prêtres qui font la fonction des

bourreaux à l’autel ; et chez les Sibériens on tue les prêtrespour les envoyer prier dans l’autre monde à l’intention dupeuple.

Mais voici d’autres fureurs et d’autres spectacles. Toutel’Europe passe en Asie par un chemin inondé du sang des Juifs,qui s’égorgent de leurs propres mains pour ne pas tomber sous

le fer de leurs ennemis. Cette épidémie dépeuple la moitié dumonde habité : rois, pontifes, femmes, enfants et vieillards,

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tout cède au vertige sacré qui fait égorger pendant deux sièclesdes nations innombrables sur le tombeau d’un Dieu de paix.C’est alors qu’on vit des oracles menteurs, des ermites

guerriers ; les monarques dans les chaires, et les prélats dansles camps ; tous les états se perdre dans une populaceinsensée ; les montagnes et les mers franchies ; de légitimespossessions abandonnées pour voler à des conquêtes quin’étaient plus la terre promise ; les mœurs se corrompre sousun ciel étranger ; des princes, après avoir dépouillé leurs

royaumes pour racheter un pays qui ne leur avait jamaisappartenu, achever de les ruiner pour leur rançon personnelle ;des milliers de soldats égarés sous plusieurs chefs, n’enreconnaître aucun, hâter leur défaite par la défection ; et cettemaladie ne finir que pour faire place à une contagion encoreplus horrible.

Le même esprit de fanatisme entretenait la fureur desconquêtes éloignées : à peine l’Europe avait réparé ses pertesque la découverte d’un nouveau monde hâta la ruine du nôtre.À ce terrible mot : Allez et forcez, l’Amérique fut désolée etses habitants exterminés ; l’Afrique et l’Europe s’épuisèrent envain pour la repeupler ; le poison de l’or et du plaisir ayant

énervé l’espèce, le monde se trouva désert, et fut menacé de ledevenir tous les jours davantage par les guerres continuellesqu’alluma sur notre continent l’ambition de s’étendre dans ces

 îles étrangères.

Comptons maintenant les milliers d’esclaves que lefanatisme a faits, soit en Asie, où l’incirconcision était une

tache d’infamie ; soit en Afrique, où le nom de chrétien était uncrime ; soit en Amérique, où le prétexte du baptême étouffa

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l’humanité. Comptons les milliers d’hommes que l’on a vuspérir ou sur les échafauds dans les siècles de persécution, oudans les guerres civiles par la main de leurs concitoyens, ou de

leurs propres mains par des macérations excessives.Parcourons la surface de la terre, et après avoir vu d’un coupd’œil tant d’étendards déployés au nom de la religion, enEspagne contre les Maures, en France contre les Turcs, enHongrie contre les Tartares ; tant d’ordres militaires fondéspour convertir les infidèles à coups d’épée, s’entr’égorger au

pied de l’autel qu’ils devaient défendre, détournons nos regardsde ce tribunal affreux élevé sur le corps des innocents et desmalheureux pour juger les vivants comme Dieu jugera lesmorts, mais avec une balance bien différente.

En un mot, toutes les horreurs de quinze siècles renouveléesplusieurs fois dans un seul, des peuples sans défense égorgés au

pied des autels, des rois poignardés ou empoisonnés, un vasteÉtat réduit à sa moitié par ses propres citoyens, la nation laplus belliqueuse et la plus pacifique divisée d’avec elle-même,le glaive tiré entre le fils et le père, des usurpateurs, des tyrans,des bourreaux, des parricides et des sacriléges, violant toutesles conventions divines et humaines par esprit de religion :

voilà l’histoire du fanatisme et ses exploits.

SECTION II[4].

Si cette expression tient encore à son origine, ce n’est quepar un filet bien mince.

 Fanaticus était un titre honorable ; il signifiait desservant  oubienfaiteur d’un temple.  Les antiquaires, comme le dit le

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ictionnaire de Trévoux,   ont retrouvé des inscriptions danslesquelles des Romains considérables prenaient ce titre defanaticus.

Dans la harangue de Cicéron pro domo sua, il y a un passageoù le mot fanaticus me paraît difficile à expliquer. Le séditieuxet débauché Clodius, qui avait fait exiler Cicéron pour avoirsauvé la république, non-seulement avait pillé et démoli lesmaisons de ce grand homme ; mais, afin que Cicéron ne pûtamais rentrer dans sa maison de Rome, il en avait consacré le

terrain, et les prêtres y avaient bâti un temple à la Liberté, ouplutôt à l’esclavage dans lequel César, Pompée, Crassus etClodius, tenaient alors la république : tant la religion, dans tousles temps, a servi à persécuter les grands hommes !

Lorsque enfin, dans un temps plus heureux, Cicéron futrappelé, il plaida devant le peuple pour obtenir que le terrain de

sa maison lui fût rendu, et qu’on la rebâtît aux frais du peupleromain. Voici comme il s’exprime dans son plaidoyer contreClodius (Oratio pro domo sua, cap, XL) :

« Adspicite, adspicite, pontifices, hominem religiosum, et,....monete eum, modum quemdam esse religionis : nimium essesuperstitiosum non oportere. Quid tibi necesse fuit anili

superstitione, homo fanatice, sacrificium, quod alienæ domifieret, invisere ? »

Le mot fanaticus  signifie-t-il en cette place insenséfanat ique, impitoyable fanatique, abominable fanatique,comme on l’entend aujourd’hui ? ou bien signifie-t-il pieux,consécrateur, homme religieux, dévot zélateur des temples ? cemot est-il ici une injure ou une louange ironique ? Je n’en saispas assez pour décider, mais je vais traduire :

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« Regardez, pontifes, regardez cet homme religieux ;avertissez-le que la religion même a ses bornes, qu’il ne fautpas être si scrupuleux. Quel besoin, vous consécrateur, vous

fanatique, quel besoin avez-vous de recourir à des superstitionsde vieille pour assister à un sacrifice qui se faisait dans unemaison étrangère ? »

Cicéron fait ici allusion aux mystères de la bonne déesse,que Clodius avait profanés en se glissant déguisé en femmeavec une vieille, pour entrer dans la maison de César et pour y

coucher avec sa femme : c’est donc ici évidemment une ironie.Cicéron appelle Clodius homme religieux ; l’ironie doit donc

être soutenue dans tout ce passage. Il se sert de termeshonorables pour mieux faire sentir la honte de Clodius. Il meparaît donc qu’il emploie le mot fanatique  comme un mothonorable, comme un mot qui emporte avec lui l’idée de

consécrateur, de pieux, de zélé desservant d’un temple.On put depuis donner ce nom à ceux qui se crurent inspirés

par les dieux.

Les dieux à leur interprèteOnt fait un étrange don :

Ne peut-on être prophèteSans qu’on perde la raison ?

Le même Dictionnaire de Trévoux   dit que les ancienneschroniques de France appellent Clovis fanatique  et païen.  Lelecteur désirerait qu’on nous eût désigné ces chroniques. Jen’ai point trouvé cette épithète de Clovis dans le peu de livres

que j’ai vers le mont Krapack, où je demeure.On entend aujourd’hui par fanatisme une folie religieuse,

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sombre et cruelle. C’est une maladie de l’esprit qui se gagnecomme la petite-vérole. Les livres la communiquent beaucoupmoins que les assemblées et les discours. On s’échauffe

rarement en lisant : car alors on peut avoir le sens rassis. Maisquand un homme ardent et d’une imagination forte parle à desimaginations faibles, ses yeux sont en feu, et ce feu secommunique ; ses tons, ses gestes, ébranlent tous les nerfs desauditeurs. Il crie : Dieu vous regarde, sacrifiez ce qui n’est

qu’humain ; combattez les combats du Seigneur[5]  ; et on va

combattre.[6] Le fanatisme est à la superstition ce que le transport est à

la fièvre, ce que la rage est à la colère.

Celui qui a des extases, des visions, qui prend des songespour des réalités, et ses imaginations pour des prophéties, estun fanatique novice qui donne de grandes espérances : il pourra

bientôt tuer pour l’amour de Dieu.Barthélemy Diaz fut un fanatique profès. Il avait à

Nuremberg un frère, Jean Diaz, qui n’était encorequ’enthousiaste luthérien, vivement convaincu que le pape estl’antechrist, ayant le signe de la bête. Barthélemy, encore plusvivement persuadé que le pape est Dieu en terre, part de Romepour aller convertir ou tuer son frère : il l’assassine ; voilà duparfait, et nous avons ailleurs rendu justice à ce Diaz[7].

Polyeucte, qui va au temple, dans un jour de solennité,renverser et casser les statues et les ornements, est un fanatiquemoins horrible que Diaz, mais non moins sot. Les assassins du

duc François de Guise, de Guillaume prince d’Orange, du roiHenri III, du roi Henri IV, et de tant d’autres, étaient des

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énergumènes malades de la même rage que Diaz.

Le plus grand exemple[8]  de fanatisme est celui desbourgeois de Paris qui coururent assassiner, égorger, jeter par

les fenêtres, mettre en pièces, la nuit de la Saint-Barthélemy,leurs concitoyens qui n’allaient point à la messe. [9]  Guyon,

Patouillet, Chaudon, Nonotte, l’ex-jésuite Paulian[10], ne sontque des fanatiques du coin de la rue, des misérables à qui on neprend pas garde ; mais un jour de Saint-Barthélemy ils feraientde grandes choses.

Il y a des fanatiques de sang-froid : ce sont les juges quicondamnent à la mort ceux qui n’ont d’autre crime que de nepas penser comme eux ; et ces juges-là sont d’autant pluscoupables, d’autant plus dignes de l’exécration du genrehumain, que, n’étant pas dans un accès de fureur comme lesClément, les Chastel, les Ravaillac, les Damiens, il semble

qu’ils pourraient écouter la raison[11].

Il n’est d’autre remède à cette maladie épidémique quel’esprit philosophique, qui, répandu de proche en proche,adoucit enfin les mœurs des hommes, et qui prévient les accèsdu mal : car dès que ce mal fait des progrès, il faut fuir et

attendre que l’air soit purifié. Les lois et la religion ne suffisentpas contre la peste des âmes ; la religion, loin d’être pour ellesun aliment salutaire, se tourne en poison dans les cerveauxinfectés. Ces misérables ont sans cesse présent à l’espritl’exemple d’Aod, qui assassine le roi Églon ; de Judith, quicoupe la tête d’Holopherne en couchant avec lui ; de Samuel,

qui hache en morceaux le roi Agag ; du prêtre Joad, quiassassine sa reine à la porte aux chevaux, etc., etc., etc. Ils ne

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voient pas que ces exemples, qui sont respectables dansl’antiquité, sont abominables dans le temps présent : ils puisentleurs fureurs dans la religion même qui les condamne.

Les lois sont encore très-impuissantes contre ces accès derage : c’est comme si vous lisiez un arrêt du conseil à unfrénétique. Ces gens-là sont persuadés que l’esprit saint qui lespénètre est au-dessus des lois, que leur enthousiasme est laseule loi qu’ils doivent entendre.

Que répondre à un homme qui vous dit qu’il aime mieux

obéir à Dieu qu’aux hommes, et qui en conséquence est sûr demériter le ciel en vous égorgeant ?

[12] Lorsqu’une fois le fanatisme a gangrené un cerveau, lamaladie est presque incurable. J’ai vu des convulsionnaires qui,en parlant des miracles de saint Pâris, s’échauffaient par degrésparmi eux ; leurs yeux s’enflammaient, tout leur corpstremblait, la fureur défigurait leur visage, et ils auraient tuéquiconque les eût contredits.

Oui, je les ai vus ces convulsionnaires, je les ai vus tordreleurs membres et écumer. Ils criaient :  Il faut du sang. Ils sont

parvenus à faire assassiner leur roi par un laquais[13], et ils ont

fini par ne crier que contre les philosophes.Ce sont presque toujours[14]  les fripons qui conduisent les

fanatiques, et qui mettent le poignard entre leurs mains ; ilsressemblent à ce Vieux de la montagne qui faisait, dit-on,goûter les joies du paradis à des imbéciles, et qui leurpromettait une éternité de ces plaisirs dont il leur avait donné

un avant-goût, à condition qu’ils iraient assassiner tous ceuxqu’il leur nommerait. Il n’y a eu qu’une seule religion dans le

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monde qui n’ait pas été souillée par le fanatisme, c’est celledes lettrés de la Chine. Les sectes des philosophes étaient non-seulement exemples de cette peste, mais elles en étaient le

remède : car l’effet de la philosophie est de rendre l’âmetranquille, et le fanatisme est incompatible avec la tranquillité.Si notre sainte religion a été si souvent corrompue par cettefureur infernale, c’est à la folie des hommes qu’il faut s’enprendre.

Ainsi du plumage qu’il eut

Icare pervertit l’usage :Il le reçut pour son salut,Il s’en servit pour son dommage.

(BERTAUD, évêque de Séez.)

SECTION III[15].

Les fanatiques ne combattent   pas toujours les combats du

Seigneur[16]. ils n’assassinent pas toujours des rois et desprinces. Il y a parmi eux des tigres, mais on y voit encore plusde renards.

Quel tissu de fourberies, de calomnies, de larcins, tramé parles fanatiques de la cour de Rome contre les fanatiques de lacour de Calvin ; des jésuites contre les jansénistes, et vicissim !

et si vous remontez plus haut, l’histoire ecclésiastique, qui estl’école des vertus, est aussi celle des scélératesses employéespar toutes les sectes les unes contre les autres. Elles ont toutes

le même bandeau sur les yeux, soit quand il faut incendier lesvilles et les bourgs de leurs adversaires, égorger les habitants,

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les condamner aux supplices, soit quand il faut simplementtromper, s’enrichir et dominer. Le même fanatisme lesaveugle ; elles croient bien faire : tout fanatique est fripon en

conscience, comme il est meurtrier de bonne foi pour la bonnecause.

Lisez, si vous pouvez, les cinq ou six mille volumes dereproches que les jansénistes et les molinistes se sont faitspendant cent ans sur leurs friponneries, et voyez si Scapin etTrivelin en approchent.

[17]  Une des bonnes friponneries théologiques qu’on aitfaites est, à mon gré, celle d’un petit évêque (on nous assuredans la relation que c’était un évêque biscayen ; noustrouverons bien un jour son nom et son évêché) ; son diocèseétait partie en Biscaye et partie en France.

II y avait dans la partie de France une paroisse qui futhabitée autrefois par quelques Maures de Maroc. Le seigneurde la paroisse n’est point mahométan ; il est très-boncatholique comme tout l’univers doit l’être, attendu que le motcatholique veut dire universel.

M. l’évêque soupçonna ce pauvre seigneur, qui n’était

occupé qu’à faire du bien, d’avoir eu de mauvaises pensées, demauvais sentiments dans le fond de son cœur, je ne sais quoiqui sentait l’hérésie. Il l’accusa même d’avoir dit enplaisantant qu’il y avait d’honnêtes gens à Maroc comme enBiscaye, et qu’un honnête Marocain pouvait à toute forcen’être pas le mortel ennemi de l’Être suprême, qui est le pèrede tous les hommes.

Notre fanatique écrivit une grande lettre au roi de France,

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seigneur suzerain de ce pauvre petit seigneur de paroisse. Ilpria dans sa lettre le seigneur suzerain de transférer le manoird e cette ouaille infidèle en Basse-Bretagne ou en Basse-

Normandie, selon le bon plaisir de Sa Majesté, afin qu’iln’infectât plus les Basques de ses mauvaises plaisanteries.

Le roi de France et son conseil se moquèrent, comme deraison, de cet extravagant.

Notre pasteur biscayen, ayant appris quelque temps aprèsque sa brebis française était malade, défendit au porte-Dieu du

canton de la communier, à moins qu’elle ne donnât un billet deconfession par lequel il devait apparaître que le mourant n’étaitpoint circoncis, qu’il condamnait de tout son cœur l’hérésie deMahomet, et toute autre hérésie dans ce goût, comme lecalvinisme et le jansénisme, et qu’il pensait en tout comme luiévêque biscayen.

Les billets de confession étaient alors fort à la mode. Lemourant fit venir chez lui son curé, qui était un ivrogneimbécile, et le menaça de le faire pendre par le parlement deBordeaux s’il ne lui donnait pas tout à l’heure le viatique, dontlui mourant se sentait un extrême besoin. Le curé eut peur ; iladministra mon homme, lequel, après la cérémonie, déclara

hautement devant témoins que le pasteur biscayen l’avaitfaussement accusé auprès du roi d’avoir du goût pour lareligion musulmane, qu’il était bon chrétien, et que le Biscayen

était un calomniateur. Il signa cet écrit par-devant notaire [18]  ;tout fut en règle : il s’en porta mieux, et le repos de la bonneconscience le guérit bientôt entièrement.

Le petit Biscayen, outré qu’un vieux moribond se fût moqué

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de lui, résolut de s’en venger ; et voici comme il s’y prit.

Il fit fabriquer en son patois, au bout de quinze jours, uneprétendue profession de foi que le curé prétendit avoir

entendue. On la fit signer par le curé et par trois ou quatrepaysans qui n’avaient point assisté à la cérémonie. Ensuite onfit contrôler cet acte de faussaire, comme si ce contrôle l’avait

rendu authentique[19].

Un acte non signé par la partie seule intéressée, un acte signépar des inconnus, quinze jours après l’événement, un acte

désavoué par des témoins véritables, était visiblement un crimede faux ; et comme il s’agissait de matière de foi, ce crimemenait visiblement le curé avec ses faux témoins aux galèresdans ce monde, et en enfer dans l’autre.

Le petit seigneur châtelain, qui était goguenard et pointméchant, eut pitié de l’âme et du corps de ces misérables ; il nevoulut point les traduire devant la justice humaine, et secontenta de les traduire en ridicule. Mais il a déclaré que dèsqu’il serait mort, il se donnerait le plaisir de faire imprimertoute cette manœuvre de son Biscayen avec les preuves, pouramuser le petit nombre de lecteurs qui aiment ces anecdotes, etpoint du tout pour instruire l’univers : car il y a tant d’auteurs

qui parlent à l’univers, qui s’imaginent rendre l’universattentif, qui croient l’univers occupé d’eux, que celui-ci necroit pas être lu d’une douzaine de personnes dans l’universentier. Revenons au fanatisme.

C’est cette rage de prosélytisme, cette fureur d’amener lesautres à boire de son vin, qui amena le jésuite Castel et leésuite Routh auprès du célèbre Montesquieu lorsqu’il se

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mourait. Ces deux énergumènes voulaient se vanter de lui avoirpersuadé les mérites de l’attrition et de la grâce suffisante.Nous l’avons converti, disaient-ils ; c’était dans le fond une

bonne âme ; il aimait fort la compagnie de Jésus. Nous avonseu un peu de peine à le faire convenir de certaines véritésfondamentales ; mais comme dans ces moments-là on atoujours l’esprit plus net, nous l’avons bientôt convaincu.

Ce fanatisme de convertisseur est si fort que le moine le plusdébauché quitterait sa maîtresse pour aller convertir une âme à

l’autre bout de la ville.Nous avons vu le P. Poisson, cordelier à Paris, qui ruina son

couvent pour payer ses filles de joie, et qui fut enfermé pourses mœurs dépravées : c’était un des prédicateurs de Paris lesplus courus, et un des convertisseurs les plus acharnés.

Tel était le célèbre curé de Versailles Fantin. Cette liste

pourrait être longue ; mais il ne faut pas révéler les fredainesde certaines personnes constituées en certaines places. Voussavez ce qui arriva à Cham pour avoir révélé la turpitude deson père ; il devint noir comme du charbon.

Prions Dieu seulement, en nous levant et en nous couchant,qu’il nous délivre des fanatiques, comme les pèlerins de laMecque prient Dieu de ne point rencontrer de visages tristes

sur leur chemin.

SECTION IV.[20]

Ludlow, enthousiaste de la liberté plutôt que fanatique dereligion, ce brave homme qui avait plus de haine pour

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Cromwell que pour Charles Ier  rapporte que les milices duparlement étaient toujours battues par les troupes du roi, dansle commencement de la guerre civile, comme le régiment des

portes-cochères ne tenait pas, du temps de la Fronde, contre legrand Condé. Cromwell dit au général Fairfax : « Commentvoulez-vous que des portefaix de Londres et des garçons deboutique indisciplinés résistent à une noblesse animée par lefantôme de l’honneur ? Présentons-leur un plus grand fantôme,le fanatisme. Nos ennemis ne combattent que pour le roi ;

persuadons à nos gens qu’ils font la guerre pour Dieu. Donnez-moi une patente, je vais lever un régiment de frères meurtriers,et je vous réponds que j’en ferai des fanatiques invincibles. »

Il n’y manqua pas, il composa son régiment des frèresrouges de fous mélancoliques ; il en fit des tigres obéissants.Mahomet n’avait pas été mieux servi par ses soldats.

Mais pour inspirer ce fanatisme, il faut que l’esprit du tempsvous seconde. Un parlement de France essayerait en vainaujourd’hui de lever un régiment de portes-cochères ; iln’ameuterait pas seulement dix femmes de la halle.

Il n’appartient qu’aux habiles de faire des fanatiques et de lesconduire ; mais ce n’est pas assez d’être fourbe et hardi, nous

avons déjà vu que tout dépend de venir au monde à propos[21].SECTION V[22].

La géométrie ne rend donc pas toujours l’esprit juste. Dansquel précipice ne tombe-t-on pas encore avec ces lisières de la

raison ? Un fameux protestant[23]

, que l’on comptait entre lespremiers mathématiciens de nos jours et qui marchait sur les

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traces des Newton, des Leibnitz, des Bernouilli, s’avisa, aucommencement de ce siècle, de tirer des corollaires assez

singuliers. Il est dit[24] qu’avec un grain de foi on transportera

des montagnes ; et lui, par une analyse toute géométrique, sedit à lui-même : J’ai beaucoup de grains de foi, donc je feraiplus que transporter des montagnes. Ce fut lui qu’on vit àLondres, en l’année 1707, accompagné de quelques savants, etmême de savants qui avaient de l’esprit, annoncerpubliquement qu’ils ressusciteraient un mort dans tel cimetière

que l’on voudrait. Leurs raisonnements étaient toujoursconduits par la synthèse. Ils disaient : Les vrais disciplesdoivent faire des miracles ; nous sommes les vrais disciples,nous ferons donc tout ce qu’il nous plaira. Des impies saints del’Église romaine, qui n’étaient point géomètres, ont ressuscitébeaucoup d’honnêtes gens : donc, à plus forte raison, nous, qui

avons réformé les réformés, nous ressusciterons qui nousvoudrons.

Il n’y a rien à répliquer à ces arguments ; ils sont dans lameilleure forme du monde. Voilà ce qui a inondé l’antiquité deprodiges ; voilà pourquoi les temples d’Esculape à Épidaure, etdans d’autres villes, étaient pleins d’ex-voto ; les voûtes étaient

ornées de cuisses redressées, de bras remis, de petits enfantsd’argent : tout était miracle.

Enfin le fameux protestant géomètre dont je parle était de sibonne foi, il assura si positivement qu’il ressusciterait lesmorts, et cette proposition plausible fit tant d’impression sur lepeuple, que la reine Anne fut obligée de lui donner un jour, une

heure et un cimetière à son choix, pour faire son miracleloyalement et en présence de la justice. Le saint géomètre

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choisit l’église cathédrale de Saint-Paul pour faire sadémonstration : le peuple se rangea en haie ; des soldats furentplacés pour contenir les vivants et les morts dans le respect ;

les magistrats prirent leurs places ; le greffier écrivit tout surles registres publics ; on ne peut trop constater les nouveauxmiracles. On déterra un corps au choix du saint ; il pria, il seeta à genoux, il fit de très-pieuses contorsions ; ses

compagnons l’imitèrent : le mort ne donna aucun signe de vie ;on le reporta dans son trou, et on punit légèrement le

ressusciteur et ses adhérents. J’ai vu depuis un de ces pauvresgens ; il m’a avoué qu’un d’eux était en péché véniel, et que lemort en pâtit, sans quoi la résurrection était infaillible.

S’il était permis de révéler la turpitude de gens à qui l’ondoit le plus sincère respect, je dirais ici que Newton, le grandNewton, a trouvé dans l’ Apocalypse  que le pape est

l’antechrist, et bien d’autres choses de cette nature ; je diraisqu’il était arien très-sérieusement. Je sais que cet écart deNewton est à celui de mon autre géomètre comme l’unité est àl’infini : il n’y a point de comparaison à faire. Mais quellepauvre espèce que le genre humain, si le grand Newton a crutrouver dans l’ Apocalypse l’histoire présente de l’Europe !

Il semble que la superstition soit une maladie épidémiquedont les âmes les plus fortes ne sont pas toujours exemptes. Il ya en Turquie des gens de très-bon sens, qui se feraient empalerpour certains sentiments d’Abubeker. Ces principes une foisadmis, ils raisonnent très-conséquemment ; les navariciens, lesradaristes, les jabaristes, se damnent chez eux réciproquement

avec des arguments très-subtils ; ils tirent tous desconséquences plausibles, mais ils n’osent jamais examiner les

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principes.

Quelqu’un répand dans le monde qu’il y a un géant haut desoixante et dix pieds ; bientôt après tous les docteurs

examinent de quelle couleur doivent être ses cheveux, de quellegrandeur est son pouce, quelles dimensions ont ses ongles : oncrie, on cabale, on se bat ; ceux qui soutiennent que le petitdoigt du géant n’a que quinze lignes de diamètre font brûlerceux qui affirment que le petit doigt a un pied d’épaisseur.« Mais, messieurs, votre géant existe-t-il ? dit modestement un

passant. — Quel doute horrible ! s’écrient tous ces disputants ;quel blasphème ! quelle absurdité ! » Alors ils font tous unepetite trêve pour lapider le passant ; et après l’avoir assassinéen cérémonie, de la manière la plus édifiante, ils se battententre eux comme de coutume au sujet du petit doigt et desongles.

1. ↑  Cette première section est tirée mot pour mot de l’article FANATISME  deL’ Encyclopédie, par M. Deleyre ; M. de Voltaire n’a fait ici que l’abréger etle mettre dans un autre ordre. (K.) — Ce morceau a paru pour la premièrefois dans les éditions de Kehl. (B.)

 — Le philosophe Deleyre était compatriote de Montesquieu, et fut l’amide Thomas et de J.-J. Rousseau. Après avoir été attaché à l’ambassade deVienne, il devint pendant quelque temps bibliothécaire de l’infant de Parme,dont Condillac fut le précepteur. En 1792, le département de la Gironde ledéputa à la Convention nationale. En 1795, il fut chargé de surveillerl’École normale ; il siégea ensuite aux Cinq-Cents et mourut en 1797. Sonarticle FANATISME  est célèbre. On l’intercala par prudence dans l’articleSUPERSTITION  avec cet avis : « Le fanatisme étant la superstition mise enaction, nous allons faire connaître ici ce zèle aveugle et passionné qui naîtdes opinions religieuses. » L’article se termine par la glorification dufanatisme du patriote, qu’il semble opposer à l’autre. (G. A.)

2. ↑ Tout ce paragraphe est le début de l’article Deleyre.3. ↑ Livre II, chapitre XII.

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4. ↑  Section première de l’article dans la sixième partie des Questions sur

l’Encyclopédie, 1771. Mais une portion avait paru dès 1764. (B.)5. ↑  Prœliare bella Domini, se lit dans la Bible, I, Reg. XVIII, 17.6. ↑ Dans la première édition du Dictionnaire philosophique,  en 1764, ce qui

suit, jusques et y compris les quatre vers de Bertaud, composait tout l’articleFANATISME ; sauf les différences que j’indiquerai. (B.)

7. ↑  Voltaire indique probablement sa lettre au roi de Prusse, de décembre1740, qu’on a longtemps imprimée en tête de Mahomet, et qu’on trouveradans la Correspondance, à sa date.

8. ↑ En 1764 on lisait : « Le plus détestable exemple. » (B.)9. ↑ Cette phrase, qui n’existait pas en 1764, fut ajoutée en 1771. (B.)

10. ↑ Tous adversaires de Voltaire.11. ↑ Allusion aux juges des Calas, des La Barre, etc. — En 1764, c’était ici que

se trouvait l’alinéa ci-après, qui commence par : « Lorsqu’une fois. » (B.)12. ↑  Cet alinéa n’avait pas été conservé en 1771, dans les Questions sur

l’Encyclopédie.  Il a été reporté ici par les éditeurs de Kehl, qui, aucommencement du suivant (ajouté en 1771), ont mis le mot Oui. (B.)

13. ↑ Damiens ; voyez le chapitre XXXVII du Précis du Siècle de Louis XV .14. ↑ En 1764 on lisait : « Ce sont d’ordinaire les fripons. » (B.)15. ↑  Section II, dans la sixième partie des Questions sur l’Encyclopédie,  en

1771. (B.)

16. ↑ Voyez la note 1 de la page 79.17. ↑  Ce qui suit a rapport à la querelle de Biord, évêque d’Annecy, avec

l’auteur, de laquelle il est question dans le Commentaire historique

( Mélanges, année 1776) ; dans la Correspondance, année 1768, et ailleurs.(K.) — Voyez aussi la lettre à d’Argental, du 21 octobre 1772, et ci-aprèsles articles PERSÉCUTION, et QUAKERS (à la note).

18. ↑ Tout cela est exact. Il y a un premier acte signifié le 30 mai 1769, au curéde Ferney, pour le prier de faire tout ce que les ordonnances du roi et les

arrêts des parlements lui commandent à l’égard d’un malade, conjointementavec les canons de l’Église catholique professée dans le royaume..., leditacte signé Voltaire, Bigex et Wagnières ; puis c’est une déclaration dumême jour par-devant notaire qui dément ce qu’ont dit Nonotte, ci-devantsoi-disant jésuite, et Guyon, soi-disant abbé, ladite déclaration faite enprésence du révérend sieur Adam, prêtre, ci-devant soi-disant jésuite, dusieur Simon Bigex, bourgeois de la Balme de Rhin en Genevois ; du sieurClaude-Étienne Maugier, orfèvre-bijoutier ; de Pierre L’Archevêque, syndic,

tous demeurant audit Ferney, témoins requis, — et signée de Voltaire.Ensuite vient une autre déclaration de Voltaire en recevant la communion lemême jour dans son lit. Il a prononcé ces paroles : Ayant mon Dieu dans la

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bouche, je déclare que je pardonne sincèrement à ceux qui ont écrit au roi

des calomnies contre moi, et qui n’ont pas réussi dans leur mauvais

dessein.  (Il désigne là l’évêque d’Annecy.) Ont signé Gros,  curé ; Adam,

Bigex, Claude Joseph, capucin, Maugier, L’Archevêque,  avec Voltaire et lenotaire. (G. A.)

19. ↑  Ce quatrième acte, intitulé Profession de foi de M. de Voltaire,   a étérédigé, en effet, quinze jours après les autres, c’est-à-dire le 15 avril 1769,par-devant le notaire du bailliage de Gex, et hors de la présence de Voltaire.On y fait déclarer à Voltaire qu’il croit fermement tout ce que l’Églisecatholique croit et confesse, qu’il croit un seul Dieu en trois personnes, qu’ilcroit que la seconde personne s’est faite homme, qu’il croit qu’elle s’appelleJésus-Christ ; qu’il condamne toutes les hérésies ; qu’il jure, qu’il promet,qu’il s’engage de mourir dans cette croyance, etc., etc. ; le tout contrôlé àGex ; reçu 15 sols. (G. A.)

20. ↑  Section III  et dernière des Questions sur l’Encyclopédie,  sixième partie,1771. (B.)

21. ↑ Voyez la fin de la septième  des Lettres philosophiques  ( Mélanges,  année1734, et aussi l’article À PROPOS, dans le Dictionnaire philosophique.

22. ↑  Ce qui forme cette section a été imprimé dès 1742 dans le tome V desŒuvres de Voltaire. (B.)

23. ↑ Fatio Duillier. ( Note de Voltaire.)

24. ↑ Saint Matthieu, XVII, 19.

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