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DIANA PALMER DIANA PALMER

A L'AUBE DE L'AMOUR A L'AUBE DE L'AMOUR

COLLECTION ROUGE PASSION

Résumé

Malgré ses allures de femme libérée et sans complexe, Elissa Glorie Dean n'avait jamais eu d'amant et seule une amitié tendre et complice l'attachait à Kingston Roper. Aussi, lorsque pour se débarrasser des trop pressantes avances de sa belle-sœur, King lui demanda de jouer le rôle de sa maîtresse, elle accepta sans hésiter. La comédie fût un succès et Elissa parfaite, presque...Trop convaincante. En la voyant à demie-nue dans son lit, King eut du mal à garder son sang-froid. La façon dont elle se blottissait dans ses bras le bouleversait... Elle était si pure, si douce...

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Chapitre 1.

C'était la première fois qu'Elissa était couchée dans le lit d'un homme, et pas n'importe quel homme ! Son hôte n'était autre que Kingston Roper.

Kingston Roper ! Il avait bien de la chance d'être son ami, ou jamais elle n'aurait accepté à l'improviste de lui rendre ce « petit service »... Elle soupira. Dire que son petit lit douillet l'attendait, à quelques mètres seulement, dans sa maison située face à l'immense résidence de King, au bord de cette ravissante plage de sable blanc de la Jamaïque.

Elissa se surprit à sourire. Au cours des deux années qui venaient de s'écouler, elle avait réussi un véritable tour de force : devenir la seule, l'unique amie de King. Car c'était bien l'amitié et seulement l'amitié qui les liait l'un à l'autre. D'ailleurs, malgré ses allures de femme libérée et sans complexe, dont la conduite frisait parfois l'excentricité, Elissa Gloriana Dean n'avait jamais eu d'amant.

Le soin tendre mais sévère dont ses missionnaires de parents l'avaient entourée en était-il la cause ? Certainement ! Et ni le succès flamboyant qu'elle avait rencontré en devenant l'une des stylistes les plus cotés, ni la fréquentation du milieu sophistiqué de la mode n'avaient suffi à la guérir de sa timidité, à la débarrasser de ses inhibitions. Le moindre geste ambigu, la moindre flamme de désir brillant dans un

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regard masculin la faisaient toujours prendre ses jambes à son cou.

Elissa se tourna dans le lit et étouffa un bâillement. Il n'y avait que quelques heures qu'elle était revenue à la Jamaïque et, après avoir frappé sans succès à la porte de King, avait passé la journée à travailler à sa nouvelle collection de vêtements colorés, décontractés, dans lesquels, au premier coup d'oeil, on reconnaissait sa griffe.

Et puis, à peine une heure plus tôt, en début de soirée, Kingston lui avait téléphoné pour lui demander cet incroyable « service », avant de raccrocher sans un mot d'explication. Quelle mouche l'avait piqué? Pourquoi avait-il insisté pour qu'elle vienne se coucher dans son lit, et avec sa chemise de nuit la plus sexy, par-dessus le marché ? Avait-il besoin d'une excuse pour décourager une petite amie trop envahissante ? Pourtant, créer de tels mystères ne lui ressemblait guère. En général, lorsqu'il avait quelque chose sur le cœur, il ne mâchait pas ses mots. Elissa en savait quelque chose. Et puis zut ! A quoi bon se poser autant de questions inutiles puisque, de toute façon, Kingston la rejoindrait d'ici quelques minutes et lui expliquerait tout !

Elle s'étira langoureusement et, dans le mouvement qu'elle fit, sa chemise de fine cotonnade rose, fendue jusqu'en haut des cuisses et décolletée en pointe, s'écarta légèrement. Les draps de satin grège crissèrent contre sa peau un instant dénudée et elle frémit sous cette froide caresse.

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C'était étrange, cette attirance qu'avait Elissa pour les vêtements sexy...

Un peu comme si, malgré toute la réserve dont elle faisait preuve dans sa vie quotidienne, elle aimait à se rêver sirène, venue du fond des âges pour attirer les hommes dans ses filets...

Pourtant, il ne s'agissait que d'un rêve. Un rêve que seul King avait le droit de partager, précisément parce qu'il n'avait jamais tenté de la séduire. Avec lui, elle se sentait tellement en sécurité qu'elle pouvait même faire semblant de flirter, sans qu'il se méprenne sur ses intentions. Au contraire, avec les autres hommes de son entourage, elle s'efforçait toujours d'établir des rapports aussi clairs que possibles, ne laissant aucune place à la moindre confusion.

D'ailleurs, dès que l'un d'entre eux, prenant pour une invite une plaisanterie lancée sur un ton amical, s'approchait d'un peu trop près, Elissa; apeurée, se renfermait immédiatement dans sa coquille. Jouer avec le feu pouvait être délicieusement tentant, mais Elissa savait bien que vouloir mettre à exécution ses rêves les plus fous pouvait présenter de sérieux risques. Cela, une expérience marquante, vécue en pleine adolescence, le lui avait révélé.

Avec Kingston, pourtant, elle ne courait aucun danger. Tout au long des deux années écoulées, il était devenu son ami et confident et, avec lui du moins, Elissa n'avait jamais besoin de se tenir sur ses gardes. Devant qui d'autre, par exemple, aurait-elle

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pu porter cette chemise de nuit, ravissante certes, mais plutôt... déshabillée ?

Oui, King était différent ! D'ailleurs, puisqu'il ne paraissait même pas avoir remarqué qu'elle avait un corps, elle n'avait strictement rien à craindre. Elle sourit. Elle se sentait belle, extrêmement féminine, farouchement désirable et prête à jouer son meilleur numéro de charme devant la petite amie présumée de King.

Sacré Kingston ! C'était un homme qui ne manquait jamais de lui réserver des surprises et Elissa se posait parfois bien des questions à son sujet. Pour autant qu'elle sache, il avait hérité avec Calhoun, son demi-frère, une compagnie pétrolière au bord de la faillite et, grâce à de nombreux efforts alliés à un solide sens des affaires, en avait fait une entreprise florissante. Depuis lors, Calhoun avait fait des pieds et des mains pour ne pas se sentir en reste.

Bien que très proches, Kingston et Elissa n'évoquaient que rarement leur vie personnelle, et Elissa se rendait compte que, au fond, elle ignorait presque tout de la famille de Kingston. Ah, si... Calhoun était marié, elle s'en souvenait à présent. King avait même dit un jour qu'il attendait la visite du jeune couple. Voyons... à quand cela remontait-il ? Probablement à la dernière fois qu'elle s'était rendue aux Etats-Unis pour superviser l'assemblage de sa collection la plus récente.

Un large sourire se forma sur ses lèvres, en pensant au succès éclatant qu'elle avait remporté. Elle avait

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travaillé dur pour y arriver mais aujourd'hui, la partie était gagnée. Sa griffe, Elissa, remportait tous les suffrages d'une clientèle de choix, qui jugeait, à juste titre, que ce style sportswear flattait autant l'œil que l'imagination. La gamme de couleurs qu'utilisait Elissa avait pour dominantes le rouge, le noir et le blanc, et ses vêtements étaient toujours coupés de façon à mettre particulièrement en valeur la silhouette. Comme tous les jeunes stylistes, Elissa avait eu du mal à percer, mais à présent qu'elle commençait à être reconnue, son chiffre des ventes était monté en flèche et elle pouvait même s'offrir de temps en temps des périodes de semi-détente, au soleil de la Jamaïque. Deux ans auparavant, lors d'un premier séjour sur cette île idyllique, elle avait eu un véritable coup de foudre pour une maisonnette qu'elle avait achetée une bouchée de pain et dans laquelle elle venait désormais se reposer ou chercher l'inspiration, loin de Miami, où résidaient ses parents.

Fille unique, Elissa avait connu une enfance et une adolescence extrêmement protégées, mais heureuses. Ses parents, individualistes à tout crin, lui avaient inculqué le sens des responsabilités et le goût de l'indépendance. A une exception, cependant. Bercée des années durant par leur moralité rigoureuse, Elissa, arrivée à l'âge adulte, se sentait souvent un peu décalée par rapport au monde dans lequel elle vivait. L'aspect positif de cette situation était que, à bien des égards, et notamment dans ses dessins de mode les plus extravagants, elle était parfaitement autonome et allait au bout de ses passions.

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Chaque fois qu'elle revenait à la Jamaïque, Elissa commençait par rendre une petite visite à Kingston, qui semblait quitter l'île de moins en moins souvent. Lorsqu'elle l'avait connu, deux ans plus tôt, elle l'avait trouvé beaucoup trop triste et introverti. Il ne souriait jamais et ne paraissait pas avoir d'autre intérêt dans la vie que son travail. Et puis, au fil des mois, elle avait eu le grand plaisir de le voir se détendre peu à peu.

Elissa s'immobilisa. Quelqu'un avait parlé dans la pièce adjacente. Kingston était-il enfin rentré? Elle dressa l'oreille. Fausse alerte ! Ce n'était que Géronimo qui parlait tout seul, dans sa cage pourtant couverte.

Ce magnifique perroquet amazonien appartenait à la jeune femme qui n'avait jamais voulu le ramener aux Etats-Unis tant il semblait chez lui sur cette île tropicale. Elle avait craint de le dépayser ou, pire, qu'il ne survive pas à un voyage en avion. Du reste, tout était pour le mieux puisque King le gardait, chaque fois qu'elle s'absentait.

Géronimo avait tenu une place importante dans l'amitié de Kingston et Elissa, puisque c'est à lui qu'ils devaient leur toute première rencontre. Elissa venait de dépenser ses dernières économies pour acheter le superbe oiseau vert.

Son propriétaire s'apprêtait à emménager dans un appartement où il ne pouvait décemment pas l'emmener, étant donné le caractère expansif de ce volatile et l'enthousiasme assourdissant avec lequel il

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saluait aussi bien le lever que le coucher du soleil.

Ses cris perçants ne ressemblaient d'ailleurs à rien de connu, si ce n'est à ceux d'un chef indien sur le sentier de la guerre. D'où son nom.

A l'époque, Elissa ignorait tout des mœurs des oiseaux et ce n'est qu'une fois de retour chez elle qu'elle comprit, à la tombée de la nuit, pourquoi son propriétaire semblait aussi heureux d'avoir réussi à le vendre.

Elle avait bien essayé de couvrir la cage, mais cela avait eu pour seul effet d'exciter le perroquet de plus belle. Paniquée, elle avait feuilleté frénétiquement les vieux magazines spécialisés que son vendeur lui avait offerts en prime. « Ne jetez surtout pas d'eau à un oiseau qui hurle et mord, conseillait un journaliste avisé. Si vous commettez cette grossière erreur, vous obtiendrez un oiseau qui hurle, qui mord, et qui de surcroît est mouillé. » Si, à présent, Elissa savait exactement ce qu'il ne fallait pas faire, elle n'avait pas pour autant trouvé de solution à un problème... criant!

Se mordant la lèvre, elle se boucha les oreilles à deux mains, tandis que son perroquet se mettait à imiter la sirène d'une voiture de police. A moins que... Non, ce n'était pas possible... Qui aurait pu appeler la police ? Son nouveau voisin, celui qui habitait dans cette immense maison blanche ? Elle en était à formuler toute sorte d'hypothèses lorsque quelqu'un frappa violemment à la porte.

— Géronimo, tais-toi, je t'en prie ! supplia-t-elle.

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Intraitable, l'oiseau poussa un hurlement encore plus

strident que les précédents et, du bec, cogna les barreaux de sa cage, comme un prisonnier qui veut intimider son gardien.

— Oh, mon Dieu !

Elle jeta un coup d'oeil discret par la fenêtre.

Ce n'était pas la police, hélas ! Tout aurait été préférable à la visite de cet homme au visage si dur, à l'attitude glaciale, qui était son voisin le plus immédiat. Cet homme aimable comme une porte de prison et qui se déplaçait avec la grâce d'un bulldozer. Et, comble de l'horreur, il semblait positivement hors de lui ! Elissa se demanda un instant s'il ne serait pas plus sage de lui faire croire qu'elle était sortie.

— Ouvrez immédiatement cette porte, ou la police s'en chargera !

Sa voix, teintée d'un fort accent de l'Ouest, résonnait comme un gong. Elle poussa un soupir résigné, prit son courage à deux mains et s'exécuta.

Il était nettement plus grand que la moyenne et sa minceur accentuait encore cette impression. Tout en lui exprimait le danger: ses cheveux bruns en bataille, sa chemise largement ouverte, le short immaculé qui mettait en valeur le bronzage parfait de ses longues jambes musclées... Une femme plus libérée qu'Elissa aurait sûrement frémi devant sa large poitrine, son visage aux traits rudes, virils, son nez aquilin, sa bouche sensuelle. Et son corps ! Il était tout

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simplement superbe !

Auprès de lui, Elissa, malgré sa taille élancée, se sentait aussi fragile qu'une poupée de porcelaine. Pourtant, de toutes ses forces, elle refusa de se laisser intimider. Bluffer, voilà ce qu'il lui fallait faire !

— Bonsoir, dit-elle en souriant. Vous désirez?

— Que se passe-t-il ici? demanda-t-il sèchement.

Pas de chance, il était insensible à son charme ! Elissa ouvrit de grands yeux étonnés.

— Pardon ?

— J'ai entendu des cris.

Il posa sur elle un regard noir, inquiétant.

— Vous avez bien entendu, mais...

— Sachez que j'ai choisi cette maison pour son calme, interrompit-il. Je suis venu d'Oklahoma pour l'acheter et je préfère vous prévenir tout de suite : je ne supporte pas les fêtes échevelées !

— Ça tombe bien, moi non plus !

Elle n'eut pas le temps d'en dire davantage car Géronimo lança un cri qui aurait brisé le cristal le plus pur.

— Pourquoi cette femme hurle-t-elle ? Quel genre de soirée donnez-vous, ma belle ?

L'homme de l'Oklahoma lui jeta un regard accusateur avant de l'écarter pour se précipiter à l'intérieur de la maison, à la recherche de la source de ce tumulte.

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Résignée, Elissa s'appuya au chambranle de la porte et le regarda s'engager tour à tour dans la chambre et dans la cuisine, tout en critiquant, pêle-mêle et entre ses dents, le manque de savoir-vivre, la montée de la violence et le peu de respect que certains ont pour leurs voisins.

Géronimo se mit à rire à gorge déployée, en imitant de façon cocasse la voix grave d'un homme. Puis il poussa un nouveau cri, le ton de plus en plus aigu.

Aussitôt, l'homme de l'Oklahoma fit volte-face et, les mains sur les hanches, inspecta la pièce d'un œil perçant.

C'est alors qu'il aperçut la cage, couverte d'un morceau de tissu.

— Au secouuuuurs! lança alors Géronimo.

Les sourcils de l'homme se soulevèrent d'étonnement.

— C'est ici que se tient la « fête échevelée », annonça calmement Elissa, l'index pointé vers la cage. Et « échevelé » est bien le terme qui convient !

— Au secouuuuurs! Je veux sortiiiiir! reprit le perroquet.

Du geste ample et noble du torero qui fait tournoyer sa cape, l'homme retira d'un coup le chiffon et, aussitôt, Géronimo lui fit les yeux doux.

— Bonsoir ! susurra-t-il, en sautant à bas de son perchoir pour frotter son bec à la porte de la cage. Je suis gentil. Qui es-tu ?

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— Un... un perroquet! fit l'homme, interloqué.

— Je suis gentil, reprit Géronimo dans un nouvel éclat de rire.

Remontant sur son perchoir, il se suspendit la tête en bas, légèrement penchée sur le côté. Il ferma un œil et, de l'autre, fixa intensément le nouveau venu.

— Tu es a-do-rable... , dit-il, en faisant des mines.

Adorable ! Ce n'était certainement pas le mot qu'Elissa aurait choisi, mais enfin, son perroquet avait de la classe, il fallait bien le reconnaître.

Elle porta la main à sa bouche et étouffa un petit rire.

Géronimo étala en éventail les plumes de sa queue, s'ébouriffa et, dilatant ses pupilles dorées, laissa échapper son cri le plus sonore.

L'homme posa sur Elissa un regard lourd de sens.

— Que fait-on de ce volatile ? On le fait frire ou vous le préférez en hachis parmentier ?

— Ne soyez pas cruel ! Il faut lui pardonner, vous voyez bien qu'il est encore trop petit pour comprendre ce qu'il fait !

Comme pour appuyer les dires d'Elissa, l'oiseau renchérit de plus belle.

— Doucement ! grogna l'homme, ou je me plains à une association protectrice des animaux !

Cette fois, Elissa pouffa franchement.

— Il est extraordinaire, n'est-ce pas ? Et dire que je

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me demandais pourquoi son propriétaire ne pouvait pas l'accueillir dans son nouvel appartement ! Ce n'est qu'au coucher du soleil que j'ai commencé à saisir la justesse de son point de vue.

— Et vous n'avez toujours pas trouvé la solution ? Et tous ces magazines, là, sur la table, que recommandent-ils?

— De couvrir la cage. Il paraît que c'est un truc infaillible. En tout cas, c'est un expert qui le prétend !

Il jeta un coup d'œil plein de suspicion au magazine qui couronnait la pile.

— C'est dans celui-ci que vous l'avez lu? Pas étonnant ! Il est déjà vieux de trois ans.

— C'est l'ancien propriétaire de Géronimo qui me les a donnés et sur cette île, il est difficile de dénicher des informations plus récentes.

A son expression exaspérée, Elissa devina aisément ce qu'il pensait des magazines, de Géronimo et de son ancien propriétaire. D'elle aussi, probablement.

Sous ce regard brûlant, elle se redressa, prête à la riposte.

— Et alors ? Que lui reprochez-vous ? Il crie un peu, c'est vrai, mais à part ce petit détail, il est plutôt gentil. Il se laisse même caresser.

— On parie ?

Elissa n'avait aucun goût pour les paris stupides, mais elle n'avait jamais su rester de marbre face à un défi. Avec une assurance toute feinte, elle fit un pas

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en avant et tendit une main vers la cage. Le perroquet caqueta et, sans crier gare, donna un coup de bec si rapide qu'elle n'eut que le temps de retirer sa main.

— Bon, d'accord. Il se laisse presque caresser, corrigea-t-elle.

— On monte les enchères ? insista l'homme, ses bras bronzés résolument croisés sur sa poitrine massive.

— Non merci, répliqua vivement Elissa, les mains derrière le dos. Au risque de vous paraître trop sentimentale, je préfère vous avouer tout de suite que je suis particulièrement attachée à chacun de mes dix doigts.

— C'est un sentiment que je comprends. Mais aussi... acheter un perroquet ! Quelle idée saugrenue !

De toute évidence, il était exaspéré.

— Je me sentais un peu seule, confia-t-elle, les yeux rivés sur la pointe de ses chaussures.

— Il fallait prendre un amant !

Piquée au vif, elle se redressa aussitôt et vit une lueur de malice briller dans les yeux noirs de son interlocuteur. Comme souvent, elle eut recours à l'humour pour dissimuler la gêne que suscitait en elle une telle suggestion.

— Le prendre comment ? Au lasso ?

Son visiteur esquissa un sourire.

— Adorable, commenta-t-il.

— Tu es a-do-rable ! reprit en chœur Géronimo.

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Toutes plumes au vent, il fit la grande roue autour de

son perchoir et hurla à pleins poumons.

— Assez, mon vieux ! lança l'homme d'un ton autoritaire.

— Peut-être est-ce une fille. Après tout, cet animal n'a d'yeux que pour vous !

— Et moi, je n'aime pas la façon dont il me regarde. J'ai l'impression qu'avec un bec de cette taille, il ne ferait qu'une bouchée de moi.

— La personne qui me l'a vendu m'a assuré qu'il ne mordait pas.

— Mais oui, bien sûr ! C'est classique. Et vous, vous l'avez cru !

Il tendit doucement la main. Géronimo sembla sourire, puis projeta violemment son bec entre les barreaux de sa cage.

« Il n'est pas méchant, se répéta Elissa. Il veut juste tester sa force. »

Et, en l'occurrence, il fallait bien admettre qu'il avait trouvé son maître. L'homme de l'Oklahoma saisit calmement le bec du perroquet, le maintint quelques secondes, puis le relâcha sans hâte.

— Non! dit-il, d'un ton sans réplique.

Puis il ramassa le morceau de tissu qu'il replaça sur la cage et, à la grande surprise d'Elissa, le perroquet se tut.

— Et voilà! Il suffit de lui faire clairement

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comprendre qui est le chef, commenta l'homme. Soyez ferme et ne montrez jamais que vous avez peur, ou il n'en fera plus qu'à sa tête.

Belle maîtrise de la situation ! songea Elissa, fortement impressionnée.

— Vous... vous semblez bien connaître les oiseaux.

— J'avais un cacatoès, mais j'ai dû le confier à un ami, parce que je n'étais que trop rarement chez moi.

— Vous venez de l'Oklahoma, c'est ça ?

Il hocha fièrement la tête.

— Et moi de Floride, confia Elissa. Je suis styliste. Je dessine surtout des collections de vêtements de sport. Si vous voulez, je pourrais vous dessiner un maillot de bain, ajouta-t-elle en souriant.

Il l'incendia du regard.

— D'abord ce maudit volatile, et maintenant ça ! A la réflexion, vous êtes pire que la propriétaire précédente.

Elissa fronça les sourcils.

— Vraiment? Et que faisait-elle de si déplaisant?

— Elle faisait exprès d'attendre que je me baigne pour prendre son bain de soleil. Nue.

Elissa se retint pour ne pas éclater de rire. Elle ne se souvenait que trop bien de cette respectable quinquagénaire, presque aussi large que haute.

— Ce n'est pas drôle !

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— Je vous assure que si !

Mais il conserva son sérieux et Elissa se dit que, malgré quelques remarques amusantes, son visiteur n'avait probablement pas un sens de l'humour très développé.

— J'ai encore trois bonnes heures de travail avant de pouvoir aller me coucher, fit-il d'un ton acerbe. A partir de maintenant, vous couvrirez sa cage dès qu'il commencera à crier. Il finira bien par comprendre ! Et surtout, ne le faites pas veiller. Les oiseaux ont besoin de douze heures de jour et de douze heures de nuit.

— Oui, monsieur. Bien, monsieur. Autre chose, monsieur ? demanda-t-elle, frondeuse, en le raccompagnant jusqu'à la porte.

Il s'arrêta net et la toisa.

— Au fait, quel âge avez-vous ? Vous êtes majeure, au moins?

— Vingt-six ans aux cerises. A peu près la moitié de votre âge, n'est-ce pas?

Il la regarda d'un air stupéfait. Apparemment, il n'avait pas l'habitude qu'on lui parle de la sorte.

— J'ai trente-neuf ans, fit-il, absent.

— Eh bien, vous faites beaucoup plus vieux ! Des vacances, voilà ce qu'il vous faudrait ! En tout cas, il suffit de vous voir pour comprendre que l'argent ne fait pas le bonheur.

— Riche, oui! Mais pas malheureux...

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— Oh si ! Et vous ne vous en rendez même pas compte. Après le service que vous m'avez rendu ce soir, vous pouvez compter sur moi. Je vais m'occuper de vous et bientôt, vous serez un autre homme !

— Je n'ai pas besoin que l'on s'occupe de moi, coupat-il sèchement. Sur ce, bonsoir!

C'est ainsi qu'avait débuté la plus étrange des amitiés. Au cours des mois qui suivirent, Elissa l'observa de loin et commença par déposer des petits mots sur sa porte, sur le pare-brise de sa voiture et même sur les rochers où il aimait à s'asseoir. Puis, elle s'enhardit et déposa sur le seuil de sa demeure des gâteaux faits maison et même un bouquet de fleurs. Kingston qui, jusque-là, avait fait mine de l'ignorer, vint lui rendre visite pour lui demander d'arrêter ce petit jeu.

Quelle ne fut pas surprise de voir qu'Elissa l'attendait et que la table était dressée pour deux ! Ce fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Elissa avait gagné ! A partir de ce jour, Kingston prit l'habitude de venir dîner une fois par semaine et de faire de longues promenades avec elle.

Dès le début, elle lui avait fait totalement confiance et lui la traitait comme une jeune sœur, ce qui convenait parfaitement à Elissa. Elle ne se souvenait que trop du seul homme qu'elle avait présenté à ses parents, il y avait six ans de cela. Il avait accepté son invitation, mais n'avait plus jamais manifesté le moindre désir de la revoir, découragé sans doute par la collection de lézards que M. Dean lui avait montrée

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tout l'après-midi.

Elle s'en était très bien remise. Puisque aucun homme n'était à même d'apprécier à leur juste valeur ses parents, elle resterait seule et n'en serait pas moins heureuse !

D'ailleurs, Kingston lui aussi était de nature solitaire. Il était extraordinairement beau, son corps athlétique présentait tous les critères de la perfection, et pourtant, il était presque toujours seul. S'il lui arrivait d'avoir des aventures, Elissa ne le sut jamais. Pourtant, malgré son innocence, elle trouvait anormal qu'un homme comme lui n'ait pas de petite amie. Un jour, elle poussa l'insolence jusqu'à aborder le sujet, mais se tut vite devant son air buté.

Malgré sa curiosité naturelle, Elissa était soulagée que King ne lui ait jamais fait la cour. D'ailleurs, une soirée à laquelle elle s'était rendue en cachette de ses parents, l'avait guérie une fois pour toutes des troubles que peut causer une imagination romantique. Ce soir-là, Elissa avait échappé de justesse aux propositions malhonnêtes de son cavalier et elle en avait conservé une image on ne peut plus désagréable du désir masculin.

Heureusement, ses parents n'en avaient rien su, pas plus qu'ils n'apprendraient qu'elle avait passé une partie de la nuit dans le lit de son voisin, Kingston Roper ! Mais à quoi bon s'inquiéter ? Quand bien même ils la verraient en cet instant même, ils la connaissaient si bien qu'ils éclateraient de rire en lui demandant en quoi consistait la plaisanterie.

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King serait de retour sous peu et le rôle d'Elissa se bornait à s'allonger dans son lit et à avoir l'air comblée. Pourquoi ? Mystère. Mais il faudrait bien qu'il s'en explique tôt ou tard, devant un bon steak, de préférence.

La clé tourna dans la porte d'entrée et des voix résonnèrent dans le couloir. L'espace d'un instant, elle s'imagina qu'elle allait vraiment passer la nuit avec lui, qu'il la prendrait dans ses bras... Contre toute attente, cette pensée n'éveilla en elle aucune crainte. En fait, son corps fut parcouru de tant de petits frissons qu'elle se demanda ce qui lui arrivait.

C'est alors que la porte de la chambre s'ouvrit sur King et la plus jolie blonde qu'Elissa eût jamais vue.

En un éclair, le visage de la blonde exprima la surprise, puis une déception cuisante. Derrière elle, celui de King, habituellement si peu expansif, reflétait une tendresse anxieuse.

Qui était cette femme ? Et pourquoi King voulait-il la décourager alors que, de toute évidence, elle l'attirait follement ?

Submergée par ce flot de questions, Elissa en oublia presque de jouer son rôle.

— Bonsoir, mon chéri ! dit-elle, de sa voix la plus langoureuse.

Elle remonta doucement le drap de satin et bâilla délicatement.

— Je suis épuisée, ajouta-t-elle, avec un sourire heureux.

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Et elle attendit la réaction de la blonde.

Chapitre 2.

Sa réaction ne se fit pas attendre. Portant la main à sa bouche, elle étouffa un petit cri et se figea. Elle posa sur Elissa de grands yeux brillants d'émotion et, à l'effort qu'elle fit pour trouver quelque chose à dire, ses joues se colorèrent, la rendant plus belle encore.

— Je... je suis désolée, parvint-elle enfin à articuler.

— Elissa, ma chérie, je ne m'attendais pas à te trouver ici à mon retour, s'exclama Kingston, en arborant un sourire quelque peu forcé.

Jouant son rôle à la perfection, Elissa ferma à demi les paupières avant de déclarer, entre deux bâillements :

— J'espère ne pas avoir abusé de ton hospitalité.

— Bien sûr que non. Tu as très bien fait, au contraire. Bess, si tu n'y vois pas d'inconvénient... , il y a une autre salle de bains dans le couloir.

— Je... j'y vais... excusez-moi...

Elle était à présent tout à fait décontenancée et sa voix semblait sur le point de se briser. Tournant les talons, elle s'éloigna à pas rapides.

Kingston referma la porte et s'y adossa, le regard vide. Il avait blêmi et paraissait ne plus voir Elissa.

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Sans prêter la moindre considération à sa tenue, la jeune femme sauta à bas du lit et se carra en face de lui.

— Si tu m'expliquais ce qui se passe ? Lorsqu'il le faut, je suis muette comme la carpe et toi, tu m'as tout l'air d'en avoir gros sur le cœur.

La mâchoire de King se crispa. Il plongea un regard douloureux dans les yeux bleus levés sur lui et, l'espace d'un instant, elle le vit vaciller.

— C'est Bess, ma belle-sœur, dit-il enfin.

Il marqua une pause avant d'ajouter:

— Calhoun nous rejoindra d'ici une heure ou deux, quand il aura terminé son travail.

Voilà donc pourquoi il parlait si peu de sa famille ! Elissa fronça les sourcils.

— Et elle te poursuit de ses assiduités, je suppose? C'est pour cela que tu m'as demandé de venir faire de la figuration dans ton lit?

— Ce n'est pas tout à fait aussi simple...

— Et si tu m'en parlais? Je t'écoute...

Sans la quitter des yeux, Kingston hésita quelques secondes, puis il respira un grand coup et entama son récit. Calhoun était venu à la Jamaïque pour lancer un nouveau complexe hôtelier et Bess l'avait accompagné. Hélas ! L'emploi du temps de son mari était si chargé qu'elle n'avait pas tardé à s'ennuyer et, pour lui être agréable, Kingston s'était chargé de la divertir. Depuis quelques jours, pourtant, ses

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rapports avec la jeune femme s'étaient sensiblement modifiés et c'était pour échapper à cette situation délicate qu'il avait demandé à Elissa de venir s'installer dans son lit.

— Si j'avais su, je me serais dispensée de chemise de nuit ! s'exclama Elissa, pour le taquiner. Imagine un peu le tableau : moi, en costume d'Eve, étendue sur tes draps de satin...

Contre toute attente, Kingston imagina si bien la scène qu'il se sentit soudain envahi d'une étrange chaleur. Il repoussa de toutes ses forces l'idée qui commençait à se faire jour dans son esprit. Mais voyons, que lui arrivait-il ? Ce n'était pas Bess, mais Elissa qui était devant lui et Elissa était si jeune, si naïve, si confiante. Ne l'avait-il pas toujours considérée comme sa petite sœur ?

Elissa vit ses joues s'empourprer et son regard de braise caresser son corps à moitié dénudé. Jamais encore il ne l'avait regardée comme cela. Sans doute était-il encore sous l'emprise de la présence de Bess... Il la prit par l'épaule et elle frissonna, étonnée du plaisir que lui procurait ce simple contact.

— C'était... c'était parfait comme cela, dit-il, la gorge sèche. Tu restes avec nous jusqu'au retour de Calhoun ?

Il avait l'air désespéré.

— Bien sûr, répondit-elle en souriant. Sinon, à quoi serviraient les amis?

Pourquoi avait-il à ce point besoin d'un chaperon ?

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Pour décourager Bess... ou pour se protéger de ses propres impulsions ? Rien en lui ne trahissait ses sentiments à l'égard de sa belle-sœur. Il était si renfermé qu'elle se demandait parfois si elle le connaissait vraiment.

— Est-elle amoureuse de toi, King?

— Je crois qu'elle l'ignore elle-même, fit-il d'une voix lasse. Elle se sent seule. Calhoun la délaisse trop, tu comprends.

« Et moi, je passe trop de temps avec elle, ajouta-t-il mentalement. Et le problème, c'est que j'ai de moins en moins envie de lui résister. » Mais cela, pour rien au monde, il ne l'avouerait à Elissa.

De tout temps, il avait éprouvé une immense affection pour sa belle-sœur. Il revoyait avec une précision aiguë la première fois que Calhoun avait amené à la maison cette adorable petite blonde, annonçant à la famille leur prochain mariage. Bess, qui venait d'un milieu social défavorisé, était vêtue d'une petite robe toute simple et semblait horriblement intimidée. King avait immédiatement fait tout ce qu'il avait pu pour la mettre à l'aise et, depuis lors, ils avaient toujours nourri l'un envers l'autre un sentiment d'amitié fraternelle.

— Ils se sont mariés à dix-huit ans, poursuivit King, perdu dans ses souvenirs. A l'époque, j'en avais vingt-neuf et je m'émerveillais de leur complicité. Et puis, Calhoun s'est mis à travailler de plus en plus et la crise du pétrole n'a pas arrangé les choses. Cette histoire n'est qu'un terrible malentendu entre eux.

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Calhoun a peur de ne pas réussir parce qu'il pense que Bess ne supporterait pas de connaître à nouveau la pauvreté. Quant à Bess, elle croit qu'il ne s'intéresse plus à elle. Je l'aime beaucoup et je ne veux faire de mal à personne, mais si elle insiste davantage, j'ai peur de ne plus pouvoir répondre de moi. C'est là que tu entres en jeu. Ah ! Au fait, je lui ai dit que tu avais passé quelques mois aux Etats-Unis à la suite d'une querelle. A présent, nous sommes réconciliés.

— Je commence à comprendre. Et je suppose que nous sommes censés être amoureux ?

— Follement ! Nous ne pouvons pas nous passer l'un de l'autre.

— Parfait! approuva Elissa, avec un sourire jusqu'aux oreilles. Il ne reste qu'un détail à régler. Avec l'éducation que j'ai reçue, comment comptes-tu lui faire croire que tu m'auras séduite aussi facilement?

— Je t'en supplie, Elissa, ne lui dis pas que tes parents étaient missionnaires, il en va de la réussite de mon plan et je ne peux pas me permettre d'échouer.

— D'accord, je jouerai le jeu. Mais je dois rentrer aux Etats-Unis dans trois semaines, alors dépêche-toi de la convaincre !

— De toute façon, ils ne devraient plus tarder à partir. Heureusement, ajouta-t-il dans un souffle. Quelle chance que j'aie aperçu de la lumière chez toi, avant de partir chercher Bess. J'étais déjà en retard,

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c'est pourquoi je ne suis pas passé te voir, mais je t'ai téléphoné dès que j'ai pu.

— Tu as plus de chance que tu ne le crois : je n'avais pas projeté de venir avant un ou deux mois ! A présent, tu n'as plus de souci à te faire, je vais te sauver. Le temps de sortir de ma valise ma cape de Superwoman, et je suis à toi ! Enfin, en attendant, je suppose que je ferais mieux de m'habiller.

Kingston hocha la tête et coula un long regard vers la porte.

Bon sang, il est amoureux de Bess ! se dit Elissa. Cela ne faisait aucun doute. Sinon, il ne craindrait pas de devoir l'affronter seul.

— Souris ! dit-elle, d'un ton léger. J'ai fait du karaté, tu sais. Si elle fait mine de se jeter sur toi, je n'hésiterai pas à défendre ton honneur, fût-ce au péril de ma vie !

Il éclata de rire. Et dire qu'il avait été si long à accepter une amitié aussi précieuse !

— Je t'adore ! lança-t-il.

— Merci. Tu n'es pas mal non plus.

Très digne, elle ramassa ses vêtements et se dirigea vers la salle de bains.

— Quoi ? Tu ne peux pas t'habiller devant moi ?

— Non. J'ai sans doute tout d'une femme libérée, mais, à part mon médecin de famille, aucun homme ne m'a jamais vue en petite tenue.

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Cette confession sembla le stupéfier.

— Aucun?

— Aucun, répéta-t-elle calmement, parfaitement consciente de l'aveu qu'elle venait de lui faire.

Il fronça les sourcils. A cause des réticences d'Elissa, il avait toujours supposé qu'elle avait eu une expérience malheureuse. A présent, découvrir qu'elle n'avait jamais connu l'amour le troublait plus qu'il ne le désirait.

— Pourquoi? demanda-t-il tout de go.

— Je suppose que je suis victime de ma bonne éducation !

Tout à coup, Kingston s'aperçut qu'en deux minutes, il venait d'en apprendre plus sur Elissa qu'au cours des deux années écoulées et, sans même s'en rendre compte, il se mit à la regarder différemment. Soudain, sous cette chemise de nuit délicieusement sexy, il vit ses seins ronds et fermes, sa taille menue, ses hanches pleines, ses jambes longues et fuselées. Et ce visage adorable, à l'expression frondeuse !

— C'est curieux, confia-t-il, je t'ai toujours prise pour une femme sophistiquée, qui ne détestait pas un brin de provocation. Je n'aurais jamais imaginé que... que tu... que tu étais vierge !

— Qu'étais-je censée faire? Escalader un volcan et m'y jeter, tête la première ?

Il éclata de rire. C'était fou, cette façon qu'elle avait de le faire rire d'un rien, lui qui était d'un naturel si

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sérieux. Bien sûr, il avait ses raisons, car la vie ne l'avait guère épargné. Né d'un père indien et d'une mère blanche, il avait appris à combattre les deux mondes. Son père, un véritable Apache, avait désespérément tenté pendant des années de se conformer aux mœurs de sa femme et de s'intégrer à son milieu social. En vain. Force lui avait été de constater que ce mariage était une erreur. Un soir, en plein milieu d'un cocktail, il s'était éclipsé pour ne jamais revenir. Quelques années plus tard, la mère de King se remariait, avec un magnat du pétrole cette fois. Et puis Calhoun était né et Kingston avait appris à se débrouiller tout seul.

Elissa lui jeta un regard inquiet. Pourquoi semblait-il soudain si préoccupé, si lointain ? Quelles idées contradictoires traversaient son esprit, pour qu'il passe si rapidement de la joie à la tristesse ? Saurait-elle jamais décrypter son mystère ?

Elle en était là de ses pensées, quand King lui adressa un grand sourire.

— Va vite t'habiller, je t'attends ! dit-il.

Une fois seule dans la salle de bains, elle revêtit l'une de ses créations : un pantalon moulant en élasthane noir et un bustier rouge vif à une seule manche. Se tournant vers le miroir pour se brosser les cheveux, elle sourit à son image. Elle avait vraiment trouvé la tenue idéale pour l'occasion mais avait encore un peu de mal à se persuader que c'était bien elle, Elissa Dean, cette créature de rêve, sexy en diable, que lui renvoyait le miroir ! Un brin de rouge à lèvres, et tout

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serait parfait...

Elle fouilla dans son sac, posé au pied du lit, et leva

une mine contrie vers Kingston, toujours adossé à la porte.

— Zut ! J'ai oublié mon bâton de rouge !

— Désolé de ne pas pouvoir te dépanner ! De toute façon, ajouta-t-il en s'approchant d'elle et en détaillant effrontément sa silhouette mince, même si tu en avais mis, mes baisers fougueux l'auraient probablement effacé.

A voir l'éclat étrange qui brillait dans ses yeux, le cœur d'Elissa se mit à battre à tout rompre. Son regard dérangeant parcourait d'une caresse brûlante son visage, la ligne de son cou, sa poitrine ronde et elle en vint à regretter de ne pas avoir choisi un vêtement plus sage.

— Nous devrions y aller. Bess va nous attendre.

Jamais encore, elle ne s'était sentie nerveuse en sa présence. Pourtant, lorsqu'elle le contourna pour atteindre la porte, elle éprouva ce petit pincement au cœur si caractéristique. Exactement comme chaque fois qu'un soupirant lui faisait des avances, elle n'eut qu'un désir : disparaître dans un trou de souris.

Au moment où elle s'y attendait le moins, il la prit par la taille et l'attira à lui.

— Que... que fais-tu ? demanda-t-elle, quelque peu effrayée.

— Je t'arrange, murmura-t-il. Tu es trop nette, trop

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bien coiffée, pour être tout à fait convaincante.

Elle passa une main tremblante dans ses cheveux.

— Et comme ça?

— Ce n'est pas suffisant.

Lentement, le regard de Kingston se posa sur ses lèvres et il essaya d'en deviner le goût. Fruité, il l'aurait parié.

Sur la taille d'Elissa, les mains puissantes de King se resserrèrent imperceptiblement.

— Doucement mon vieux ! dit-elle gentiment. N'oublie pas que je ne suis pas au programme !

— Aurais-tu peur de moi?

Elle ne lui connaissait pas ce ton sensuel, à la fois grave et un rien narquois.

— Peu importe. Mais je ne veux pas que tu te serves de moi pour te consoler de tes déboires avec ta belle-sœur.

Le visage figé, King la relâcha aussitôt.

— Je ne me souviens pas de te l'avoir demandé, répliqua-t-il sèchement.

— Tant mieux. Tant qu'il s'agit d'un jeu, nous sommes bien d'accord.

Alors pourquoi ses jambes menaçaient-elles de se dérober sous elle? Pourquoi, maintenant qu'il s'était éloigné, respirait-elle toujours la senteur troublante de son eau de toilette? Changer de sujet. Vite.

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Echapper à une situation qui devenait beaucoup trop intime.

— Calhoun te ressemble? demanda-t-elle.

— Pas vraiment, dit-il en allumant une cigarette. De toute façon, tu pourras bientôt vérifier par toi-même.

Il avait l'air si mal à l'aise qu'elle eut envie de le réconforter.

— Ne t'inquiète pas. D'ici quelques jours, ils repartiront et tu retrouveras ta vie tranquille.

I! poussa un soupir à fendre l'âme, tira quelques bouffées de sa cigarette et l'éteignit presque aussitôt.

— Je suis dans une position extrêmement inconfortable. Surtout que Calhoun est déjà jaloux de moi sur le plan professionnel. Lorsque la crise du pétrole est survenue, nous avons été contraints de diversifier nos activités. Nous avons choisi des voies différentes et j'ai mieux réussi que lui. A présent, il veut se prouver qu'il peut faire aussi bien que moi. Le projet qu'il est en train de traiter est vital pour lui. Ou bien il lui permet de remonter la pente, ou bien il le coule à tout jamais. C'est pourquoi il travaille d'arrache-pied.

Elissa garda le silence. Elle se sentait profondément désolée pour Bess. Quoi de pire, pour une femme, que de penser que son mari ne s'intéresse plus à elle ?

— Tout cela ne résout pas notre problème, déclara soudain Kingston. Prête à entrer en scène?

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— Tout à fait ! D'ailleurs, j'ai toujours rêvé d'être actrice, le temps d'une soirée. Je me vois déjà, allongée sur mon lit, jouant la grande finale de La Dame aux camélias !

Fermant à demi les yeux, elle lui jeta un regard fatal et fit mine de tousser.

— Tu me feras mourir de rire ! s'exclama King. Tu es si... imprévisible. Ravissante et imprévisible. Je me demande par quel hasard aucun jeune homme entreprenant n'a encore réussi à te séduire.

— A vrai dire, cela a bien failli m'arriver une fois, confia-t-elle. Je me suis ravisée à temps parce que je me suis aperçue que je n'aimais pas cet homme et que je n'agissais ainsi que pour défier mes parents. D'ailleurs, si un homme devait me séduire, j'aimerais qu'il te ressemble.

Kingston en resta bouche bée et, à voir son air stupéfait, Elissa se demanda si elle n'aurait pas mieux fait de tenir sa langue.

— Je... je veux dire que j'ai beaucoup d'affection pour toi, corrigea-t-elle à la hâte. J'ai l'impression que tu n'as plus rien à te prouver et que tu ne ferais pas souffrir une femme simplement pour t'assurer de ton emprise sur elle. Question d'expérience, peut-être...

— Peut-être.

Tête baissée, elle n'osait le regarder.

— Viens, Bess nous attend, ajouta-t-il en lui prenant la main.

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Autour de la sienne, la main de King était chaude, possessive, rassurante et, dans ses veines, son sang se mit à battre plus vite. Etonnée, elle leva le menton vers lui et reçut son regard en plein cœur.

Electrisée, elle se sentait étrangement absente, avait du mal à retrouver le fil de ses idées.

Subjuguée, elle ne cessait de contempler cette bouche si belle, si indéniablement masculine.

Du bout des doigts, Kingston effleura ses cheveux, surpris de lui arracher un léger tremblement. Ses yeux descendirent le long de son cou, vers ce corsage si rouge sous lequel pointaient fièrement ses seins. Elle ne portait pas de soutien-gorge, c'était évident à présent, et il eut le désir fou de caresser longuement sa poitrine, de baiser ses lèvres, de sentir son corps souple ployer sous le sien.

— Ne... ne me regarde pas comme ça, supplia-t-elle. Je me sens toute drôle.

— Tu ne veux pas que je regarde tes seins ? demanda-t-il, les yeux dans les yeux.

Délicieusement choquée, elle ouvrit la bouche, se mit à respirer de façon plus précipitée et songea que jamais encore il ne lui avait parlé ainsi. Quant à lui, il regrettait déjà sa remarque impertinente. Quel démon s'était emparé de lui ? C'était Elissa, sa meilleure amie, celle qui allait l'aider à échapper à Bess. Il n'avait pas le droit, il... Il soupira. Comment avait-il pu être assez aveugle pour ne pas remarquer ce petit diable au visage d'ange et au corps délicieux.

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Relâchant brusquement son étreinte, il lui tourna le dos et alluma une cigarette pour se donner une contenance.

— Désolé, je ne sais pas ce qui m'a pris. Je suppose que c'est cette situation qui m'affecte plus que je ne le pensais. Viens, il est temps d'en finir.

— D'accord.

Elle le suivit, bouleversée, la tête emplie de mille pensées contradictoires. Quelle conduite étrange ! Etait-ce son désir pour Bess qui le faisait agir de la sorte ? Oui, c'était certainement cela. Il l'avait regardée elle, Elissa, mais c'était Bess qu'il avait vue. Il n'y avait aucune raison de paniquer.

Sur le seuil, il lui tendit à nouveau la main et, après une seconde d'hésitation, elle y glissa la sienne.

— Oh, Kingston ! murmura-t-elle en battant des cils. Sais-tu que je te trouve follement sexxxy!

Il éclata de rire.

— N'en fais pas trop ! Tu es censée la convaincre !

En arrivant dans le salon, ils découvrirent Bess, très raide, assise sur le bord d'une chaise, les yeux rivés sur le couloir. Pendant un instant, ses pupilles se rétrécirent dangereusement et ses prunelles bleues exprimèrent une franche hostilité. L'instant suivant, elle affichait son plus beau sourire.

— J'ignorais que Kingston avait une... amie, dit-elle, en hésitant volontairement sur le mot. Je croyais que vous vous étiez disputés et que vous étiez retournée

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en Floride. Apparemment, vous vous êtes réconciliés.

— Oh oui ! acquiesça Elissa. Et de la plus délicieuse façon, n'est-ce pas, chéri?

Le regard qu'elle lança à King était si langoureux, si amoureux qu'il se retint pour ne pas éclater de rire. Il évita de regarder Bess.

— Absolument.

— Où habitez-vous, en Floride ? poursuivit Bess.

— A Miami, la majeure partie de l'année. Ainsi, vous êtes la belle-sœur de King ?

— Oui. J'ai épousé son frère Calhoun, répondit Bess, les yeux rivés sur le verre qu'elle s'était servi.

— A-do-raaable ! intervint Géronimo.

Comme il fallait s'y attendre, il se mit à tournoyer dans sa cage et appuya sa remarque d'une série appropriée de sifflements et de caquetages.

— Vil flatteur! fit Bess, amusée.

Elissa se détendit un peu. Bess aimait les animaux, c'était un bon point pour elle.

— Il vous aime bien, expliqua-t-elle. Pourtant, c'est de King qu'il est vraiment amoureux. Lorsque je le ramène à la maison, il boude.

— Oh ! Il est à vous ?

— Exact. King me le garde durant mes séjours aux Etats-Unis. Je ne suis rentrée que ce matin.

Kingston lui adressa un regard inquiet. « Attention !

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semblait-il lui dire. Ne parle pas trop ! » Pour faire diversion, il proposa à Elissa un rafraîchissement qu'elle accepta.

— Et vous, Bess, vous avez des animaux? demanda-t-elle.

— Non. Ni enfants, ni animaux. Rien. Seulement moi... et Calhoun quand il est là.

Toute la tristesse du monde transperçait dans sa voix. Elle essaya de la masquer par un rire qui sonna faux.

— Les temps sont durs, Bess, lui rappela Kingston. Et puis, si Calhoun n'est pas aux aguets vingt-quatre heures sur vingt-quatre, il te faudra renoncer à tes diamants.

— Je me moque de mes diamants ! Ce n'est pas pour eux que j'ai épousé Calhoun.

Elle leva vers son beau-frère un regard plein de nostalgie.

— Oh ! Souviens-toi, Kingston ! Souviens-toi comme nous nous aimions, Calhoun et moi. Nous passions des heures à nous amuser comme des enfants. Parfois, tu prenais un après-midi de congé pour te joindre à nous, et nous nous régalions de glaces et de barbe à papa...

— Tu as tort de te pencher sur le passé.

— C'est que l'avenir ne me réserve rien de bon. Je passe des journées entières dans des chambres d'hôtel ou seule à la maison, à attendre son retour. Ce

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n'est pas une vie, Kingston.

— Vous n'avez pas de travail ? Pas d'intérêt particulier? demanda Elissa, sans réfléchir.

A la mine déconfite de Bess, elle vit ce que sa remarque pouvait avoir de blessant et se hâta d'ajouter :

— Je ne voulais pas vous faire de peine, mais il me semble que si vous aviez de quoi vous occuper par vous-même, vous souffririez moins de la solitude.

— Je ne sais rien faire, dit Bess d'une voix triste. Je me suis mariée au sortir de l'école et je n'ai rien appris... si ce n'est à être une bonne épouse.

— Ce n'est pas possible, dit Elissa pour l'encourager. Nous savons tous faire quelque chose, que ce soit peindre, écrire, jouer d'un instrument...

— Au début de mon mariage, je jouais du piano. J'étais même assez bonne. J'ai renoncé parce que Calhoun trouvait que je passais trop de temps à faire des gammes. Quelle ironie !

— Mais c'est merveilleux! s'enthousiasma Elissa. J'aimerais tant savoir jouer.

Elle jeta un bref coup d'oeil à King, très grave, et se demanda comment alléger la tension qui régnait dans la pièce.

— Et vous, vous êtes dessinatrice de mode, n'est-ce pas ? demanda à son tour Bess. C'est vous qui avez créé ce que vous portez ?

— Oui. Ça vous plaît ? Je me demande quelle tête

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feraient mes parents s'ils voyaient cette tenue. Ils sont...

Elle croisa le regard de Kingston, garda sa phrase un instant en suspens.

— Je pense qu'ils seraient ravis, conclut-elle platement.

— Certainement ! approuva Kingston. Ils sont toujours si fiers de toi !

— Que font-ils ? demanda poliment Bess.

Elissa se mordilla la lèvre.

— Eh bien... Ils... Ils s'occupent d'histoire ancienne. Après tout, ce n'était pas très loin de la vérité!

— Très intéressant, fit Bess d'un ton neutre.

Elle finit son verre, se passa la main dans les cheveux, les repoussa en arrière et consulta sa montre-bracelet sertie de diamants.

— Calhoun est en retard. Une autre réunion de travail qui aura fini tard. Enfin, c'est ce qu'il me dit ! Quel dommage que je ne sois pas son attaché-case ! Sans doute m'accorderait-il un peu plus d'attention !

— Patience, Bess, l'encouragea King. Tu sais très bien que Calhoun traverse une passe difficile. Son projet est ambitieux et il doit veiller personnellement à la construction de l'hôtel. Tout cela prend du temps.

— Mais cela dure depuis des mois...

— Ce sera bientôt terminé et vous rentrerez chez vous, à Oklahoma City.

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— Fantastique ! Au lieu de murs d'hôtel, je pourrai enfin contempler ceux de ma propre maison ! lança-t-elle d'un ton lugubre. Oh ! Kingston ! Pourquoi tes visites se font-elles si rares ? Tu sembles ne plus vouloir quitter cette île.

Kingston fit tournoyer le whisky dans son verre et mit son autre main dans sa poche.

— J'aime la Jamaïque, dit-il.

Et, avec un regard appuyé à Elissa, il ajouta :

— Je m'y sens vraiment très bien.

Bess respira à fond, vida son verre d'un trait et le tendit à Kingston.

— Un autre, s'il te plaît.

— Non, Bess, tu as assez bu.

Il lui prit le verre des mains et le posa sur la table. Bras croisés autour des genoux, Bess semblait soudain particulièrement abattue.

Elissa se demandait désespérément comment les distraire de leurs idées noires, lorsqu'un bruit de moteur s'approchant de la maison fit diversion. Des freins crissèrent sur le gravier, un klaxon retentit et, quelques secondes plus tard, une portière claqua.

— C'est Calhoun, constata Bess, d'un ton morne.

King se dirigea vers la porte pour aller à sa rencontre et Elissa s'aperçut que Bess le suivait des yeux, le visage empreint d'une tristesse résignée.

— Comment avez-vous rencontré votre mari ?

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demanda-t-elle soudain.

Bess la considéra avec étonnement.

— Quelle question inattendue ! C'était à l'école. Calhoun était capitaine de l'équipe de football et je ne manquais aucun de ses matches.

— Je vais sans doute vous paraître indiscrète, mais j'ai l'habitude d'être franche. King m'a dit que vous étiez mariés depuis dix ans et vous n'avez pas d'enfants. C'est vous qui n'en voulez pas ?

Les yeux baissés, Bess poussa un gros soupir.

— Où Calhoun trouverait-il le temps ? C'est à peine si je parviens encore à le voir entre deux portes.

D'un geste nerveux, elle secoua la tête, rejeta les mèches rebelles qui lui retombaient sur le front.

— Je n'aurais jamais imaginé que notre couple se dégraderait ainsi. De toute façon, pourquoi voudrais-je des enfants ? J'ai suffisamment de problèmes comme ça. Si au moins je pouvais recommencer à jouer du piano... , fit-elle, un instant rêveuse. Mais non, je suppose que mes gammes empêcheraient Calhoun de travailler.

Elle fronça les sourcils, leva les yeux vers Elissa et déclara :

— Vous savez, j'ai eu un choc lorsque vous m'avez demandé à quoi j'occupais mon temps. J'en arrive parfois à me dire que je suis incapable de faire quoi que ce soit par moi-même.

— Vous avez tort, Bess, dit doucement Elissa. Nous

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avons tous besoin de nous réaliser en tant qu'êtres humains et, ce qui est merveilleux, c'est que nous en avons les moyens également.

Elissa était la proie de sentiments confus. Malgré sa compassion pour Bess, elle avait beau se répéter que l'attirance de King pour cette femme amère, désabusée, n'avait aucune raison de la chagriner, de l'agacer, elle sentait parfaitement que c'était peine perdue. Elle était bel et bien agacée, contrariée. Très contrariée.

Au grand soulagement d'Elissa, la porte s'ouvrit et Kingston et Calhoun firent leur apparition.

— Tu as enfin pu t'arracher à... ton travail ? demanda Bess.

Dans son ton léger perçait une pointe de méfiance.

— Oui, enfin! répondit Calhoun, en lui jetant un regard éloquent.

Calhoun ne ressemblait en rien à son demi-frère. Pourtant, il était séduisant lui aussi, avec ses cheveux châtain clair, ses yeux bleus et sa bouche bien dessinée. Mince mais musclé, il semblait plutôt agréable à vivre. Seule ombre au tableau : son expression lasse et ses traits tirés.

— Ton mari vient d'approuver les sous-traitants, annonça Kingston sur l'air de la victoire. Et il a remporté sa négociation dans des conditions extrêmement satisfaisantes. Tu vas devenir une femme très riche, Bess!

— Génial! Je vais pouvoir m'acheter un nouveau

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vison ! répondit-elle, avec une mine d'enterrement.

— Vous élevez des visons? Quelle bonne idée ! s'exclama Elissa, une lueur malicieuse dans le regard.

Bess eut l'air franchement étonné, mais Calhoun éclata de rire. Les traits détendus, il paraissait dix ans plus jeune.

— Avec un tel esprit, vous ne pouvez être qu'Elissa ! Depuis deux ans que Kingston ne cesse de me parler de vous, j'ai l'impression de bien vous connaître. Dites-moi votre secret. Comment faites-vous pour le supporter ?

Deux ans ? Il avait bien dit depuis deux ans ? Intéressant...

— Tu exagères, intervint sa femme. Kingston est loin d'être aussi désagréable que tu l'affirmes. S'il n'avait pas été là, j'aurais passé deux semaines à m'ennuyer mortellement sur cette île.

Trop occupé à contempler Elissa, Calhoun ne vit pas le regard tendre que sa femme décochait à Kingston.

— Mon frère s'est montré un hôte parfait, approuva-t-il. Kingston ne m'avait pas menti. Vous êtes vraiment délicieuse, continua-t-il à l'adresse d'Elissa.

La jeune femme sourit et marmonna une réponse polie. L'expression outrée de Bess la prit totalement au dépourvu.

Chapitre 3.

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Calhoun lança à sa femme un regard vaguement étonné, puis reporta toute son attention sur Elissa.

— En tout cas, je suis content que vous soyez de retour. Ces jours derniers, Kingston a été plus pénible que jamais !

Kingston fronça les sourcils, mais se garda bien d'émettre la moindre remarque. Elissa lui fit les yeux de velours.

— Mon pauvre chéri, je t'ai tant manqué que ça ?

— Ne me dis pas que tu en doutais! répondit-il, un brin trop sec. Calhoun, que veux-tu boire?

— Rien, intervint calmement Bess. Je suis fatiguée et j'aimerais rentrer.

Calhoun la défia du regard.

— Parce que tu crois peut-être que siéger à un conseil d'administration quatre heures d'affilée est une partie de plaisir? Ecoute, Bess, nous partons demain. Nous risquons de ne pas revoir Kingston avant plusieurs semaines et j'ai un projet à lui soumettre.

— Eh bien, tu lui téléphoneras ! De toute façon, tu trouves toujours le moyen de parler à tout le monde. Sauf à moi, bien entendu ! Bientôt, pour te dire un mot, il faudra que je prenne rendez-vous !

Sans autre forme de procès, elle se leva. Chaussée de ses talons aiguille, elle était pratiquement aussi grande que son mari.

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— Tu t'obstines à ne pas comprendre, n'est-ce pas? Eh bien, tant pis. Tu as gagné, nous y allons.

Avec un sourire résigné, il se tourna vers Kingston et Elissa.

— Merci pour l'invitation, grand frère. Je t'appelle demain.

— Nous pourrions aller faire un tour en voiture, lui souffla Bess à l'oreille.

— Faire un tour? J'espère que tu plaisantes ! Tu ne crois tout de même pas que je n'ai que ça à faire !

Bess ouvrit la bouche pour répondre, puis renonça aussitôt. Elle se contenta de se diriger vers la porte et, sans même se retourner, prit congé de Kingston et Elissa et sortit.

— Je me demande ce qu'elle a, dit Calhoun. Elle est de plus en plus irritable. Mais je ne peux quand même pas m'arrêter de travailler pour m'occuper d'elle. Tout semble l'ennuyer, ces temps-ci.

Il marqua un temps d'arrêt.

— Et si je rentrais seul en Oklahoma ? Elle resterait une semaine de plus ici, j'en profiterais pour mettre les bouchées doubles et, à son retour, j'aurais plus de temps à lui consacrer. Qu'en dis-tu, Kingston ? demanda-t-il en toute innocence.

Debout près de la porte d'entrée, Elissa sentit King se raidir contre elle. Il lui lança un regard impérieux.

— Elissa et moi avons projeté de passer quelque temps chez ses parents, en Floride. Mais si Bess veut

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rester ici...

— Oh non ! Il vaut mieux qu'elle ne reste pas seule, fit Calhoun, déçu. Vos parents habitent en Floride, Elissa?

— Oui. A Miami.

Elle n'en revenait pas. Kingston était-il sérieux ? Non, il bluffait, c'était évident. Pourtant, la simple idée de le présenter à ses parents suffisait à la rendre nerveuse. Etant donné qu'ils trouvaient déjà à redire sur ses dessins de mode, ils n'approuveraient certainement pas son amitié avec un homme tel que Kingston. Comment le verraient-ils ? Comme le type même du séducteur sans scrupules, probablement. Et King, que penserait-il de ces originaux qu'étaient M. et Mme Dean? Elle crut que son cœur allait s'arrêter de battre et se rappela juste à temps que Kingston avait essayé de gagner du temps. Il ne pouvait décemment pas mettre son projet à exécution.

— Que font-ils? insista Calhoun.

— Mon père est un ancien miss...

Elle sursauta. Kingston venait de la pincer discrètement.

— ... historien, finit-elle. Je veux dire qu'il s'occupe d'histoire ancienne. Ma mère l'assiste dans ses recherches.

Kingston regarda son frère d'un œil critique. Pourquoi s'intéressait-il tant à la vie d'Elissa ?

— Tu ferais mieux de rejoindre Bess. Telle que je la

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connais, elle ne va pas tarder à s'impatienter et à partir sans toi.

— Tu as raison, j'y vais. Bonne nuit.

Il s'éclipsa et, une minute plus tard, la voiture démarrait au quart de tour.

— Ça n'a pas l'air d'être le grand amour, remarqua Elissa en regardant disparaître leur véhicule.

— Ça l'a été. Au début, ils ne se quittaient jamais. On aurait dit que chaque difficulté financière soudait davantage leur couple. Et puis, quand l'argent a commencé à rentrer, Calhoun a couvert Bess de cadeaux et elle, elle était aussi heureuse qu'un enfant devant un arbre de Noël. Il a travaillé de plus en plus dur pour continuer à lui faire plaisir, et Bess s'est retrouvée seule. Quel dommage qu'ils n'aient jamais voulu d'enfants !

Il tourna le dos à Elissa et ne vit pas son expression étonnée. Comment pouvait-il être aussi aveugle ? Il était évident que Bess désirait des enfants. Elle n'osait pas l'avouer, voilà tout.

— Une vodka-orange ? proposa-t-il.

Elissa acquiesça.

— Et puis, il y a cette maudite obsession de la compétition. Calhoun a vingt-huit ans. Il a si peur de jouer les seconds rôles qu'il est prêt à tout pour réussir mieux et plus vite que moi.

Il remplit un verre qu'il tendit à la jeune femme, puis ouvrit la porte-fenêtre qui donnait sur la plage.

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Perdu dans ses pensées, il s'absorbait dans la contemplation des brisants qui s'écrasaient sur le sable. Elissa considéra sa silhouette longue, mince, inaccessible.

— Son père et moi avions le même sens des affaires et lorsque j'ai hérité une partie de sa fortune, Calhoun s'est senti trahi.

Pendant quelques minutes, ils savourèrent leurs boissons en silence. La brise vespérale leur effleurait le front, soulevait leurs cheveux. Elissa s'émerveillait de cet exaltant sentiment de liberté. Il est vrai qu'elle n'avait pas l'habitude de boire d'alcool. Ce soir, la tête lui tournait un peu et, tandis qu'à son côté, King devenait de plus en plus présent, délicieusement, douloureusement présent, son corps brûlait soudain de tentations nouvelles. Elle tendit la main pour poser son verre vide sur la table, et il lui sembla que son bras se mouvait au ralenti.

Elle s'approcha de Kingston qui, les yeux fixés sur la ligne d'horizon, buvait une gorgée de whisky. Il se mit à parler, à lui confier mille choses qu'il avait toujours tenues secrètes: des souvenirs d'enfance, le départ de son père, le remariage de sa mère...

Jamais il ne s'était ouvert à elle de la sorte et Elissa se réjouit qu'il éprouvât le besoin de lui faire de telles confidences. Etait-il encore sous l'emprise de Bess ou l'alcool commençait-il faire son effet, à chasser la tension qu'il ressentait toujours en présence de son frère et de sa belle-sœur? Peu importe après tout, songea Elissa. Cette nouvelle intimité lui plaisait

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infiniment.

Il avait déboutonné sa chemise, ôté sa cravate et Elissa ne pouvait détacher les yeux de son cou, de ce petit triangle de peau que la blancheur immaculée du tissu faisait paraître encore plus bronzé.

Kingston dut sentir son regard insistant car, revenant soudain à la réalité, il se tourna vers elle et soutint son regard. Affolée soudain, Elissa le vit, avec la lenteur caractéristique des rêves, jeter la cigarette qu'il venait à peine d'allumer, l'attirer à lui. Leurs poitrines se frôlèrent. A ce contact, elle sentit ses seins se tendre sous le fin tissu du bustier. Très gênée, elle s'écarta vivement.

— C'est fou ce que tu es farouche, remarqua-t-il à mi-voix. Tu sais bien que tu peux te fier à moi. Pourquoi ne pas te laisser aller, en toute simplicité ? Pourquoi ne pas te faire les griffes sur moi, en quelque sorte...

— Je... je ne peux pas ! avoua-t-elle, le souffle court.

Le dos contre la porte-fenêtre, elle avait l'impression d'être prise au piège. Ses seins étaient durs et gonflés contre le torse vigoureux de son compagnon. Il ne pouvait ignorer son trouble.

— Chhh... , lui chuchota-t-il à l'oreille. N'aie pas peur. Je ne te ferai pas de mal.

Il eut un sourire heureux. Grâce au whisky, il se détendait, appréciait l'instant présent. Les pensées douloureuses qui l'assaillaient depuis plusieurs jours ne le torturaient plus. Elles semblaient s'être évanouies comme par enchantement.

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Bess ne lui appartiendrait jamais, il en avait pris son parti. Mais Elissa ? La timide et virginale Elissa l'attirait plus qu'il n'aurait jamais osé l'imaginer. Et quel mal y aurait-il à lui faire connaître sa première expérience amoureuse? Ne lui avait-elle pas avoué qu'elle le trouvait séduisant ? Qui mieux que lui aurait pu venir à bout de ses inhibitions?

— King! Arrête, je t'en prie ! s'écria-t-elle soudain d'une voix irritée.

Résistant aux délicieuses sensations qu'il provoquait en elle, elle voulut le repousser des deux mains. Au lieu de quoi, elle se surprit à le caresser. Elle n'avait plus le cœur à lutter. Elle aurait tant voulu s'abandonner contre lui, se reposer sur lui, ne serait-ce qu'un instant.

Frissonnante, les jambes tremblantes, elle se laissa griser par la senteur musquée de son eau de toilette.

Voir son visage si près du sien, sentir son parfum, éprouver sous ses doigts la tiédeur de sa peau faisait naître en elle mille émois inconnus, affolants.

A travers ses paupières mi-closes, Kingston la guettait, tel un tigre prêt à fondre sur sa proie. Avec une lenteur étudiée, il effleura ses seins, arrondit autour d'eux ses paumes tièdes. Un vif plaisir s'empara d'Elissa, si vif, si soudain, qu'elle en eut le souffle coupé et se sentit rougir jusqu'à la racine des cheveux.

Curieuse et nerveuse à la fois, elle chercha ses yeux. Il soutint son regard, la prit par la taille et la plaqua

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contre lui en une caresse sensuelle, subtile.

Dans la nuit, on n'entendait plus que les vagues qui venaient s'écraser avec fracas sur le sable et la propre respiration d'Elissa, hachée, précipitée, entrecoupée de soupirs. La jeune femme sentait battre son cœur, à toute allure. En proie à des sensations inconnues, délicieuses, effrayantes, elle ferma les yeux et appuya son front contre l'épaule de King.

De la taille, ses mains remontèrent jusqu'à la petite poitrine ronde, ferme, si douce. Elle frémit à la fois anxieuse et impatiente de découvrir les réactions de son corps à ses caresses.

— Tu ne portes pas de soutien-gorge, n'est-ce pas? lui chuchota-t-il à l'oreille. Ton corsage est si fin, si soyeux que j'ai l'impression de te tenir toute nue entre mes bras.

Cette remarque lourde de promesses fit naître en Elissa des images si folles qu'elle se mordit la lèvre pour retenir un petit cri. Elle crut un instant que ses jambes allaient se dérober sous elle et ses mains se crispèrent sur les épaules de Kingston. Eperdue, elle s'abandonna contre lui.

— Elissa !

Encouragé et ému par son apparente capitulation, il la souleva légèrement, la pressa contre ses hanches. Dans un élan de tout son être, elle se serra contre lui, blottit son visage au creux de son cou. Tout son corps se tendait vers quelque chose qu'elle ne connaissait pas encore et elle l'étreignit de toutes ses forces. King

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lui mordillait l'oreille, l'enveloppait de chaudes et humides arabesques, lui arrachant des gémissements sourds. Jamais encore elle n'avait soupçonné qu'il pût exister de semblables sensations.

Elle crut tout à coup déceler en King comme un frémissement. Etait-ce possible ? Avait-elle rêvé ?

Il appliqua sa joue, rasée de frais, contre la sienne, la berça doucement dans ses bras, s'enivra de sentir contre lui ses formes tendres, voluptueuses.

— Oh ! Elissa ! Toi aussi tu me désires. Je le sens.

Elle hocha la tête. Soudain, la curiosité et l'envie, qu'elle avait de lui prenaient le pas sur la peur et, à travers le fin tissu du bustier, elle goûtait avec délices le frôlement de sa peau ferme sur ses seins.

Sans un mot, il laissa ses lèvres courir sur sa joue, son cou. Il pressa sa bouche brûlante sur la gorge ronde à peine voilée. Sous le choc du plaisir, elle poussa un petit cri et se tendit vers lui.

Brusquement, il sembla s'apercevoir de ce qu'il était sur le point de faire et se redressa d'un bond, l'air stupéfait, les yeux écarquillés, comme au sortir d'un rêve. Très vite, il se dégagea, la repoussa, inquiet à l'idée qu'elle pourrait se rendre compte de l'effet qu'elle produisait sur lui.

— Je suis désolé. Je n'ai pas voulu provoquer cela.

— Tu... tu as eu tort, s'entendit-elle répondre.

Et c'était exactement ce qu'elle pensait. Voir, sentir son désir... De sa vie, elle n'avait rien connu de plus

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affolant.

— Pourquoi ?

— Je ne sais pas, fit-elle, tête baissée. Je... je suis toujours aussi bouleversée.

Kingston semblait avoir de la difficulté à respirer normalement.

— As-tu déjà ressenti cela avec quelqu'un d'autre ? demanda-t-il, malgré lui, impatient de connaître sa réponse.

— Non.

Il devina ce non plus qu'il ne l'entendit, et Elissa, étonnée, vit la lueur d'indécision qui traversait soudain son regard. Qu'était-il en train de s'imaginer? Qu'elle allait s'allonger avec lui entre ses draps de satin grège ? Elle sentit ses joues s'empourprer.

— Kingston, je ne peux pas faire l'amour avec toi, murmura-t-elle. J'aime tes caresses, tu le sais, mais l'idée de me trouver nue devant toi me panique.

Le regard sombre de King parcourut son corps souple, remonta vers son visage, se planta dans ses yeux.

— Je peux t'aider à te débarrasser de toutes ces appréhensions, dit-il, d'une voix sensuelle qu'elle ne lui connaissait pas.

— Oui, mais après?

Il marqua un temps d'arrêt et aspira lentement une

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grande bouffée d'air frais.

— Tu as raison, Elissa. J'ai perdu la raison. J'aurais tant voulu que les choses soient différentes, ajouta-t-il, après un lourd soupir de frustration.

Il enfonça les deux poings dans ses poches, la mine sombre, la mâchoire crispée. Malgré son air assuré, la jeune femme devinait aisément la confusion qui était la sienne. Son désir pour Bess l'avait abusé et, à présent, il ne savait plus où il en était. Le mieux était de le laisser seul et sans doute demain aurait-il retrouvé sa bonne humeur et sa désinvolture.

— Je vais rentrer, dit-elle précipitamment. Inutile de me raccompagner, je connais le chemin.

— Merci de vouloir préserver mon honneur, commenta-t-il pour détendre l'atmosphère. Après tout, il se peut que je me marie un jour et ma femme voudra certainement être la première.

— La première ? Tu plaisantes ! Je suis certaine que tu as eu au moins... trois ou quatre petites amies !

Maintenant que le trouble des instants précédents semblait écarté, il lui était à nouveau facile de parler à King, de plaisanter avec lui tout en marchant le long de la plage.

— Oh non ! Pas tant que ça ! fit-il, l'expression indéchiffrable.

— Tu ne me feras pas croire que c'est en lisant des livres que tu as acquis un tel savoir-faire !

Il souleva un sourcil et eut un petit rire rauque.

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— Non, en effet.

Puis, lui prenant le menton :

— Mon Dieu, que c'était bon !

Elissa sentit son cœur s'emballer et le regarda intensément. Mais le rire de King se fit plus dur, tandis qu'il la prenait par le bras, un peu plus rudement que nécessaire.

— Je crois que j'ai un peu trop bu. C'est la seule explication possible à ma conduite, déclara-t-il.

Il pensait sincèrement ce qu'il disait. Ce soir, il n'était plus lui-même, ne savait pas ce qu'il faisait. Même parler lui était difficile. Que faire ? Prendre une douche froide ! Voilà qui lui remettrait les idées en place. Et inutile, bien sûr, d'alarmer Elissa. Inutile de lui laisser deviner son trouble. Il avait envie de lui arracher ses vêtements, de se jeter sur elle et de la prendre, là, sur le sable. La vision d'Elissa revêtue de sa seule chemise de nuit lui revint à l'esprit, plus vivace que jamais, et il retint un grognement. Bon, je suis saoul ! se répéta-t-il. Sinon, comment imaginer une telle union ? Comme si la situation n'était pas déjà suffisamment compliquée.

— Tu es bien silencieux, remarqua-t-elle, lorsqu'ils arrivèrent devant chez elle.

— J'ai l'impression de m'être conduit en parfait homme des cavernes.

— Tu as eu une journée difficile, dit-elle, en détournant les yeux. Il vaut mieux faire comme si rien n'était arrivé.

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— C'est la meilleure solution, en effet, mais ne retourne pas le fer dans la plaie ! Si à toi, cela ne pose aucun problème, il n'en va pas de même pour moi, répondit-il avec humeur. En ce moment, je n'ai qu'un désir : te rouler dans le sable et te faire l'amour, là, sous la lune. Un conseil, petite chérie : tiens-toi loin de moi jusqu'à ce que j'aie recouvré mes esprits. Parce que si je mettais mes projets à exécution, ce n'est pas toi que je tiendrais dans mes bras, mais l'ombre de Bess.

Sa remarque était cruelle, il le savait, mais c'était la seule qui puisse tenir Elissa à distance. Ne valait-il pas mieux la blesser par une réflexion cinglante que la faire renoncer à son innocence, alors qu'il ne savait plus lui-même où il en était ? Un jour, à n'en pas douter, elle lui en serait reconnaissante.

Elle serra les dents, folle de rage. Avec quel plaisir elle l'aurait poussé de l'autre côté du massif de corail ! Avec quelle délectation elle l'aurait donné à manger aux requins !

— Dans ce cas, bonne nuit, et merci pour cette charmante soirée !

— En tout cas, je ne commettrai pas deux fois l'erreur de t'offrir à boire ! fit-il, acerbe. On voit trop où ça peut te mener!

— C'est la meilleure ! Oublierais-tu que c'est toi qui as commencé?

— On ne peut pas dire que tu te sois débattue.

Quelle mauvaise foi ! Elissa en était outrée.

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— C'est bien la dernière fois que je t'aide à résoudre tes problèmes sentimentaux ! Si l'occasion se représente, ne compte pas sur moi pour t'aider !

Tremblante de colère, elle se mordit la lèvre. Surtout, ne pas pleurer devant lui. Elle serra les poings si fort que ses ongles s'enfoncèrent cruellement dans sa paume. Jamais elle ne s'était sentie aussi désespérée, aussi frustrée aussi.

— Je te déteste ! hurla-t-elle.

Contre toute attente, Kingston fit un pas vers elle et prit son visage entre ses mains.

— Vraiment?

Il avait voulu l'éloigner de lui et devant ses grands yeux trop brillants, toutes ses bonnes résolutions s'envolaient.

— Au diable la douche froide ! murmura-t-il.

Elissa vit son visage s'approcher dangereusement du sien. Il l'embrassa violemment, passionnément. Une langue exigeante s'insinua entre ses lèvres. Tremblante, bouleversée, elle accepta son baiser et se laissa aller contre ce corps solide.

A l'instant même où il la sentit s'abandonner contre lui, Kingston recouvra ses esprits. Il écarta doucement son visage, découvrit son expression éperdue, sentit ses seins si doux et pourtant durs se presser contre lui. Elissa. L'esprit en effervescence, le corps douloureux, il ferma un instant les yeux. Il la désirait, voulait la voir ployer sous lui sur le sable, sentir sous ses doigts sa peau chaude...

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Elissa... Il s'arrêta net, maudissant son manque de contrôle. Il se figea et la repoussa brusquement.

— C'est ce que tu voulais, n'est-ce pas? Eh bien, tu l'as eu ! A présent, tu ferais mieux de rentrer. Et ne compte pas sur moi pour terminer ton éducation !

Tout cela n'avait aucun sens. Il était complètement fou ! Pourquoi serrait-il les poings? Et ce frémissement qui agitait en cascade les muscles de sa poitrine... Un fou furieux, voilà ce qu'il était!

— Je n'ai pas besoin de tes services ! répondit-elle du tac au tac.

Elle n'aurait pas assez de toute sa vie pour le détester !

Elle ouvrit d'une main tremblante, s'engouffra chez elle, lui claqua la porte au nez et ferma à double tour.

Il lui sembla entendre un juron. A bout de forces, elle se laissa glisser contre le mur. C'était trop pour elle. Comment aurait-elle pu prévoir qu'il allait l'embrasser, alors qu'il ne l'avait encore jamais fait auparavant ? A la réflexion, ils ne s'étaient jamais disputés non plus. Elle sentit une boule de détresse se bloquer dans sa gorge.

Elle venait de perdre son meilleur ami et ne savait même pas pourquoi.

Dehors, un bruit de pas s'éloigna, puis mourut dans la nuit. Bientôt, elle n'entendit plus que le doux bruissement de la brise des Caraïbes. Du bout du doigt, elle toucha ses lèvres, gonflées par les baisers.

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C'était un rêve. Un rêve qu'elle devait s'efforcer d'oublier. King avait perdu la tête et elle en avait fait autant, mais demain tout rentrerait dans l'ordre tandis que la réalité reprendrait le dessus. Et, pour King, la réalité c'était son attirance pour Bess.

Elle resta un long moment assise par terre, à ressasser les événements passés. Puis, soudain, se dirigea résolument vers la salle de bains et s'apprêta à se coucher.

Une fois au lit, lumière éteinte, elle ne parvint pas à trouver le sommeil. Elle sentait sur les siennes les lèvres de King, douces, chaudes, insistantes. Comment avait-il osé l'accuser de s'être jetée à sa tête, alors qu'elle n'avait fait que répondre à sa passion ?

Un point cependant la rassurait: sa chemise de nuit était restée sur le lit de Kingston. De tout son cœur, elle espéra qu'elle lui donnerait les pires cauchemars. Elle se tourna, ferma les yeux et s'efforça de s'endormir. C'est la toute dernière fois que je te rends service, Kingston Roper, décida-t-elle rageusement.

Chapitre 4.

Dans son rêve à la fois tendre et ardent, les mains de Kingston la caressaient, redessinaient ses courbes, lui enseignaient de nouveaux gestes, de nouvelles sensations. Elle voyait son visage crispé par la passion, sentait l'imperceptible frémissement de ses

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muscles tandis qu'il lui faisait l'amour...

D'un bond, elle se redressa dans son lit, haletante, tremblante, un peu choquée aussi par ses propres réactions. La nuit précédente, ses appréhensions et ses craintes semblaient s'être évanouies et, pour la première fois de sa vie, elle avait ressenti la morsure du désir.

Je n'y suis pour rien. La véritable responsable de tout cet imbroglio, c'est la vodka ! se répéta-t-elle. C'était la seule explication plausible. D'ailleurs, ce rêve fantaisiste n'avait aucun sens : King s'était conduit comme un parfait goujat et elle n'était pas près de l'oublier. Comment avait-il osé l'accuser de s'être jetée à sa tête ? Le temps d'un soupir, elle le revit l'embrassant, la caressant, et en éprouva un délicieux picotement tout le long de l'échine.

Au comble de la nervosité, elle alla se préparer une boisson chaude, ouvrit une boîte de biscuits et en grignota distraitement un, tout en esquissant quelques modèles pour sa nouvelle collection. Rien à faire ! L'inspiration ne venait pas. Au bout de quelques minutes, agacée, elle renonça et sortit dans le patio.

Sa longue chevelure et son caftan aux couleurs vives dansaient au gré de la brise marine et, comme d'habitude, elle se laissa apaiser par le bruit du ressac sur la plage. A l'horizon, les voiles blanches d'un magnifique trois-mâts la firent songer un instant aux pirates qui autrefois se réfugiaient dans les criques sauvages de la Jamaïque.

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Elle fit quelques pas sur la grève et s'aperçut que la voiture de King n'était plus garée devant chez lui. Où était-il parti ? Ah ! Non ! se reprit-elle fermement. Elle n'allait pas continuer à s'intéresser à la vie de Kingston Roper ! Elle repoussa une mèche de cheveux, tourna le dos à la grande maison blanche et regarda le bateau s'éloigner vers la haute mer. Quelle chance inestimable que d'habiter à Montego Bay, ou Mo'Bay, comme chacun disait ici, et de profiter de cette vue magnifique !

Sa tasse de café à la main, elle s'assit sur le sable tiède, admira le lent balancement des palmes sous la caresse du vent. C'était si agréable d'habiter dans ce lieu idyllique, loin du reste du monde.

Les yeux mi-clos, elle eut soudain la vision d'un couple enlacé. Elle reconnut King et la femme qu'il tenait dans ses bras n'était autre qu'elle-même. Sous les rayons argentés de la lune, ils faisaient l'amour avec véhémence et passion, bercés par l'incessant éclatement des vagues...

Furieuse, elle se redressa si vite qu'elle faillit renverser son café. C'était ridicule ! Elle devait chasser au plus vite ces pensées idiotes. Elle rentra précipitamment chez elle et se remit au travail d'arrache-pied.

Ce fut la journée la plus dure de toute son existence. A la nuit tombante, Géronimo se mit à imiter le hurlement d'une sirène et, découragée, désespérément seule, elle eut une envie folle de partir en courant le chercher. Elle se retint pourtant car à le

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transporter sous cette fine bruine, elle n'aurait rien gagné, sinon lui faire prendre froid. Comme il lui manquait ! Elle aimait tant le voir, fièrement campé sur son perchoir au milieu de la salle de séjour, l'entendre caqueter ou mendier un biscuit chaque fois qu'elle faisait une pause. A la fin de la journée, son travail terminé, elle partageait toujours avec lui des fruits et des gâteaux qu'il dévorait avec un plaisir évident.

Elle s'éloigna de la fenêtre en soupirant. Géronimo lui manquait, c'était vrai, mais King allait lui manquer davantage encore. Après ce qui s'était passé la nuit dernière, il était évident qu'il ne chercherait plus à la revoir, mieux valait en prendre son parti !

Quelques instants plus tard, elle aperçut King qui rentrait chez lui en voiture, accompagné de Calhoun et de Bess. Elle fronça les sourcils. N'auraient-ils pas dû quitter la Jamaïque dans la journée ?

Peu après, son téléphone se mit à sonner.

— Bonsoir, ma chérie, je viens d'arriver, murmura King d'une voix si grave, si sensuelle, qu'elle sut immédiatement qu'il jouait la comédie. Je suis avec Calhoun et Bess. Viens donc nous rejoindre.

— Impossible. J'ai quelque chose sur le feu et...

— A tout de suite ! Nous t'attendons ! coupa-t-il sans tenir compte de ses excuses.

Il raccrocha. Il ne manquait pas de toupet ! Elissa fixa son téléphone d'un air perplexe. Que faire ? Le rappeler et lui dire qu'en raison de son attitude

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inqualifiable de la veille, il ne devait plus compter sur son aide? Elle ne pouvait s'y résoudre. A présent qu'elle avait commencé ce petit jeu stupide, elle se sentait obligée d'aller jusqu'au bout. Pourquoi? elle n'aurait su le dire.

Elle troqua son short et sa large chemise d'homme pour une petite robe noire aux fines épaulettes, enfila ses escarpins les plus élégants et se rendit chez King.

Dès qu'il la vit passer la porte, Géronimo l'accueillit d'un long hurlement d'extase.

— Doucement, mon beau !

Après un bref hochement de tête à Calhoun et Bess, elle fila tout droit vers son perroquet. Sous le regard surpris du jeune couple, Géronimo se fit docile. Il ferma un œil, pencha la tête sur le côté pour se laisser caresser.

— Vous n'avez pas peur qu'il vous arrache le nez d'un coup de bec ? demanda Bess.

— Il n'y a qu'Elissa qui puisse l'approcher en toute impunité, répondit Kingston.

— Et maintenant, dodo ! déclara la jeune femme en recouvrant la cage de son foulard pour se donner une contenance.

Jamais elle ne s'était sentie aussi mal à son aise en présence de King. Si mal à l'aise qu'elle n'osait affronter son regard.

— Je pensais vous trouver ici, remarqua Bess.

Vêtue d'une robe d'hôtesse jaune qui seyait

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particulièrement à son teint de blonde, elle prit place sur le grand canapé de cuir blanc.

— Je travaille mieux chez moi, expliqua Elissa. Penché sur une pile de dossiers, Calhoun ne s'était interrompu que quelques secondes pour l'accueillir. A présent, il semblait s'être à nouveau retiré sur une autre planète.

Un silence lourd s'installa dans la pièce.

— Que se passe-t-il? demanda tout à coup Bess, en faisant les yeux doux à Kingston. Vous n'avez pas échangé deux mots.

King se racla la gorge et jeta à Elissa un coup d'œil irrité.

— Tu es très observatrice, Bess. Elissa et moi avons eu une petite querelle, mais rien de grave, rassure-toi !

— En effet, acquiesça Elissa, il paraît que je me suis jetée à sa...

Avant qu'elle n'ait pu terminer sa phrase, King la saisit par la main et l'entraîna dans la chambre.

— Au secours ! Au viol ! hurla-t-elle.

Contre toute attente, Calhoun éclata de rire.

King ferma la porte derrière eux et s'y adossa, tandis qu'elle se réfugiait à l'autre bout de la pièce, face à la fenêtre.

— Elissa, tu ne peux pas me faire ça! Tu m'assassines ! Je te présente toutes mes excuses pour hier soir. Je

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ne sais pas ce qui m'a pris.

Il haussa les épaules. Qu'il était beau, avec son pantalon blanc et son pull marin rouge et blanc ! Et ses yeux... Ils la considéraient avec tant de tendresse qu'ils semblaient la caresser. A son expression, Elissa comprit que, comme elle, il se remémorait leur fugitive étreinte. A cette pensée, elle sentit son cœur s'emballer. Le temps parut s'arrêter.

— Calhoun a remis son départ à demain matin pour que nous puissions rentrer ensemble aux Etats-Unis, tous les quatre. Je suis désolé de contrarier tes projets, mais j'ai besoin de toi, Elissa. Si je reste à la Jamaïque, Bess trouvera un prétexte pour ne pas partir non plus. Quant à Calhoun, il est si absorbé par son travail que le monde pourrait s'écrouler autour de lui sans qu'il s'en aperçoive !

Elle allait protester, mais King l'en empêcha en posant les mains sur ses bras. A ce simple geste, tous ses souvenirs de la veille se ravivèrent et elle frémit. Ses doigts s'imprimaient sur sa peau, en éprouvaient la douceur, la tiédeur. Il était si proche que lorsqu'il se penchait, son souffle faisait voleter ses cheveux.

— Nous prendrons l'avion jusqu'à Miami et de là, je te conduirai chez tes parents.

Que penseraient ses parents de cette visite inopinée ? Comment leur expliquer ces vacances écourtées et la présence de King ? Il n'y avait vraiment qu'elle pour se fourrer dans un pareil pétrin ! Mais, bien malgré elle, elle compatissait à la situation de King.

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Elle accepta.

— Oh ! Elissa ! Merci. Tu es... tu es super !

— Je sais, dit-elle, en lui faisant face. Alors, tâche de t'en souvenir, la prochaine fois qu'il te prend l'envie de me faire des avances !

Il marqua un temps d'arrêt et la contempla, les yeux dans les yeux.

— Nous formons vraiment un mélange explosif! remarqua-t-il, la voix grave et mesurée.

Du bout de l'ongle, elle traçait d'invisibles dessins sur le devant de sa chemise.

— Jusqu'à hier soir, je ne concevais pas que l'on puisse succomber à l'appel de ses sens, confessa-t-elle. A présent, je le comprends et je suis même persuadée qu'il n'est pas aussi aisé qu'il le paraît de savoir toujours exactement où et comment s'arrêter. Il m'arrive de te taquiner, mais je ne voudrais pas que tu prennes mes plaisanteries pour une invite.

Elle baissa les yeux.

— J'ai toujours rêvé d'être une femme comme Bess, raffinée et désirable, poursuivit-elle. Mais c'est plus fort que moi: dès qu'un homme m'approche, une sorte d'appréhension me glace, prend le pas sur mes désirs.

— Cela, je l'ai toujours su, Elissa, dit-il en lui relevant le menton. C'est plus fort que toi. Hier soir, pourtant, tu t'es laissée aller, tu as un peu perdu le contrôle de toi-même.

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A ces mots, elle rougit comme une pivoine et King lui caressa la joue.

— Ce que j'essaie de t'expliquer, c'est que c'est par dépit que je t'ai dit toutes ces horreurs. Je te désirais trop, tu comprends? D'ailleurs, j'y ai repensé toute la nuit. Je te voyais nue, sur la plage. Tu me tendais les bras...

— Exactement comme...

Elle s'interrompit brusquement, horrifiée par ce qu'elle avait failli lui avouer.

— Il n'y a aucune raison d'avoir honte, de regretter ta réaction, dit-il gentiment. Nous sommes humains, voilà tout !

— King, tu... tu n'essaieras pas de me séduire, n'est-ce pas ?

— Le pourrais-je ?

— Oui, admit-elle, les yeux baissés.

King l'enlaça aussitôt, s'empara de ses lèvres avec emportement. Il la porta jusqu'à sa couche, la déposa délicatement au centre du couvre-lit de satin noir. Il couvrit de baisers sa tempe, son cou, les belles épaules dorées par le soleil, la gorge palpitante.

Lorsqu'il fit mine de vouloir baisser les fines bretelles, Elissa ouvrit la bouche pour protester. Mais comment l'aurait-elle pu, alors que tout son corps le réclamait ? Elle voulait ses mains sur elle, sa bouche...

Sans la quitter des yeux, Kingston défit lentement les

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nœuds de ses épaulettes.

— Quand tu me regardes ainsi, j'ai l'impression de lire tes pensées, dit-il. En ce moment, ton désir est plus fort que ta raison. Tu n'oses pas l'avouer, mais tu as envie que je te regarde, que je t'admire...

Le haut de sa robe glissa jusqu'à la naissance de ses seins.

— Tu as envie de sentir mes lèvres sur ta peau...

Il lui embrassa le cou, l'oreille. De temps à autre, comme par accident, ses doigts indiscrets frôlaient la pointe de son sein à travers son corsage. Affolée, profondément émue, Elissa respirait par saccades. Elle serrait les poings, se raidissait contre les violentes sensations qui l'assaillaient. Il ne fallait pas qu'elle s'abandonne !

— King ! gémit-elle.

— Tu es si fraîche, si pure...

Les yeux dans les yeux, il poussa plus avant son avantage, la dénuda jusqu'à la taille. La jeune femme sentit sur sa poitrine la caresse de l'air parfumé d'embruns, puis celle plus précise, plus troublante de King.

Ses paumes étaient douces, chaudes. Elles entouraient délicatement ses seins blancs, dressés, superbes. Incapable de parler, tout au plaisir de ces émotions nouvelles qui la submergeaient, la jeune femme le laissait faire. Pourtant, lorsque King s'enhardit encore et que ses lèvres chaudes remplacèrent ses mains, elle ne put réprimer un cri.

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Se soulevant sur un coude, Kingston alluma la radio, augmenta le volume.

— A présent, tu peux crier ton bonheur. Ne te retiens pas.

Elle voulut à nouveau protester mais n'en eut pas le temps car il l'étreignit de toutes ses forces, reprit sa bouche, glissa un genou entre ses jambes.

Bouleversée, Elissa enfouit les mains dans ses cheveux. Jamais elle ne se serait crue capable d'éprouver pareilles sensations. De tout son être, elle le désirait, souhaitait qu'il la fasse sienne.

Ses gémissements se firent plus fréquents, plus intenses aussi, comme la bouche de King quittait ses seins pour descendre jusqu'à son ventre nacré. Etourdie, grisée par le plaisir, elle le supplia.

— Je... Je veux faire l'amour avec toi...

Le visage enfoui dans son cou, tremblante, frémissante, elle s'agrippa à lui.

Il la souleva, la plaqua contre lui. Aussitôt, une brûlure intense la traversa, lui arrachant un soupir où se mêlaient plaisir et désir.

— Non, Elissa, c'est impossible... Tu... tu pourrais être enceinte.

Haletante, éperdue, elle leva les yeux vers lui, plongea son regard dans le sien. Elle l'aimait et ne s'en était pas rendu compte jusqu'alors. A présent, elle savait: King représentait pour elle bien plus qu'un ami et avoir un enfant de lui, son enfant...

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Elle le considéra avec tendresse, avec passion et, totalement abandonnée enfin, se mit à se mouvoir avec grâce et sensualité, au même rythme que lui, heureuse de le sentir réagir au moindre de ses gestes, à la moindre de ses caresses.

— Non, Elissa. Je t'en prie. Sois sage. Si tu continues, je ne réponds plus de rien. D'ailleurs, Calhoun et Bess sont juste à côté ! Ils peuvent nous entendre.

A nouveau maître de lui, il lui prit la tête entre ses mains déposa un rapide baiser sur ses lèvres, puis la contempla d'un œil admiratif.

— Tu es incroyable, Elissa. Aussi chaude, aussi possessive que moi. Nous formerions un couple... extraordinaire, ajouta-t-il avec une pointe de regret.

Il caressa lentement ses seins nacrés.

— Tu es très pâle, dit-il. J'aimerais t'initier au bonheur que l'on prend à se baigner nu.

— Tu l'as déjà fait, répondit-elle sans réfléchir.

Un petit sourire se dessina sur les lèvres minces de Kingston.

— Je sais que lorsque je prends un bain de minuit, tu m'observes parfois de la fenêtre de ta cuisine.

Horriblement gênée, Elissa ne détourna pourtant pas les yeux.

— J'ignorais que tu étais au courant. J'étais curieuse. Un soir, il y avait un clair de lune et tu t'es approché de chez moi. Je t'ai trouvé très beau, ajouta-t-elle dans un souffle.

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Il lui baisa les paupières, sauta à bas du lit, l'aida à se relever, rattacha lentement ses épaulettes.

— Tu as l'air épanoui, déclara-t-il soudain.

« C'est parce que je t'aime ! Je t'aime et je ne savais pas combien tu m'étais nécessaire ! » Soudain, elle s'apercevait que la merveilleuse complicité qui les unissait était bien plus que de l'amitié. Avec lui, tous ses principes rigides s'étaient envolés en fumée. Elle se sentait prête à dormir avec lui, à se donner à lui. Etait-ce cela le désir de ne faire qu'un?

Il l'embrassa encore une fois, puis se rhabilla.

— Non, ne te coiffe pas, dit-il, lorsqu'elle tendit la main pour saisir la brosse. Je veux que Bess te voie ainsi : lèvres gonflées, cheveux emmêlés. Je veux qu'elle sache ce que nous venons de faire.

— Tu es cruel, King!

— Je n'ai pas le choix. Calhoun est mon frère.

Elle s'approcha de lui, caressa ses sourcils froncés et sourit. A présent, elle avait d'autres souvenirs de lui, de tendres images auxquelles rêver.

— Il m'arrive de regretter que tu sois si pure, dit-il en soupirant.

— Que ferais-tu sinon ?

— Je te conduirais dans mon lit et je sais bien que tu parviendrais à me faire oublier Bess.

— J'aimerais que ce soit possible, King. Je n'avais jamais imaginé que faire l'amour puisse être une

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chose aussi merveilleuse.

Elle respira profondément et alla éteindre la radio, toute rougissante tout à coup en se rappelant ses gémissements voluptueux.

Kingston sembla deviner ses pensées.

— Ne rougis pas, Elissa. J'ai été très heureux et très fier de t'entendre crier ton plaisir. Sans Calhoun et Bess, cela ne m'aurait pas dérangé le moins du monde. Au contraire.

— Je suis un peu gênée. Ils savent... , dit-elle à voix basse.

— Oui. Ils savent. Heureusement ! répondit-il, lugubre.

Elle sortit la première.

Calhoun leva sur eux un regard amusé et se racla la

gorge.

— Bess est allée faire un tour sur la plage. Eh bien ! On dirait que vous avez fait la paix !

Elissa aurait voulu se cacher dans un trou de souris. Kingston comprit sa gêne et lui enlaça la taille.

— Désolé de vous avoir dérangés...

— Oh non ! Pas moi, répliqua Calhoun. Mais Bess a des réactions bizarres, ces temps-ci.

Il reposa son stylo sur la table.

— Nous étions comme vous, autrefois, elle et moi. Depuis, le temps a passé et elle s'est éloignée de moi.

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Nous ne nous voyons presque plus quand je rentre.

— Tu devrais rester davantage avec elle, conseilla Kingston.

— Tu as raison, d'ailleurs je vais la rejoindre sur-le-champ.

— Tu lui as fait de la peine, dit la jeune femme lorsqu'elle fut à nouveau seule avec King.

— Je sais.

Sa voix était grave et triste. Debout, près de la fenêtre de la cuisine, il guettait Bess, perdue dans la contemplation des vagues.

Elissa s'approcha de lui.

— Toi aussi, tu as de la peine. Je suis désolée de t'avoir déçu.

— Déçu?

— Oui, en me refusant à toi.

Kingston éclata de rire et la prit dans ses bras.

— Tu ne m'as rien refusé du tout ! Pas même lorsque je t'ai rappelé que tu risquais d'être enceinte !

— Ça ne m'inquiète pas, répondit-elle, les yeux baissés.

Il lui jeta un regard étonné et, à sa grande surprise, s'aperçut que lui non plus n'était pas inquiet.

Chapitre 5.

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— Tu es sûr que Bess ne veut pas d'enfants ? demanda soudain Elissa.

Il se tourna vers elle et, mains dans les poches, s'appuya au comptoir.

— Elle le dit. Au début, je croyais qu'elle avait peur de répéter l'erreur de ses parents. Ils ont eu sept enfants. Bess était parmi les aînés et elle a passé une bonne partie de sa jeunesse à s'occuper des petits. On ne peut pas dire qu'ils aient eu une enfance agréable.

King sourit tristement. Il ne se souvenait que trop combien le père de Bess terrifiait ses enfants, lorsqu'il avait bu.

— De toute façon, fonder une famille n'a jamais été un remède efficace contre le divorce. Parfois, c'est même tout le contraire.

— Pourquoi ? demanda Elissa, intriguée par son ton secret.

Il fronça les sourcils.

— Ma mère m'a souvent répété que, jusqu'à ma naissance, mon père et elle étaient parfaitement heureux. C'est ma venue qui aurait tout gâché.

— Dire une chose pareille à son propre enfant ! Quelle cruauté ! s'écria-t-elle, horrifiée.

— Ma mère était très mondaine et elle n'avait pas la fibre maternelle très développée. Si mon beau-père n'avait pas insisté, Calhoun n'aurait probablement jamais vu le jour. Quelle ironie du sort ! Autrefois,

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elle était gaie, vive, pleine d'allant, et aujourd'hui, elle est dans un hôpital et ne me reconnaît même pas quand je lui rends visite !

A en juger par la dureté de son expression, Elissa comprit que pour King la vie n'avait pas dû être rose tous les jours et elle éprouva une immense compassion pour le jeune garçon malheureux qu'il avait été.

— Peu importe le passé ! trancha King pour détendre l'atmosphère. D'ailleurs, ces difficultés m'ont certainement donné la volonté de réussir. L'esprit de revanche est le meilleur des stimulants.

— Tu as sans doute raison, mais est-ce à cause de ton enfance malheureuse que tu ne t'es jamais marié ?

Il soupira.

— Elissa, il n'y a que toi pour poser de telles questions!

Il la regarda servir le café qu'elle venait de préparer. En cet instant, elle était l'image même de la parfaite maîtresse de maison. Il aimait sa douceur, son esprit vif, sa nature chaleureuse. Quant à ses attraits physiques, ils lui faisaient tout bonnement perdre la tête !

— Si je me mariais, je suppose que ce serait avec toi, lança-t-il brusquement.

Elle faillit en lâcher sa tasse, mais réussit à se contrôler. Seules quelques gouttes de café se renversèrent sur le comptoir. Le geste mal assuré, elle s'empara d'une éponge pour réparer les dégâts.

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— Ce genre de coups bas est interdit entre nous, finit-elle par remarquer.

— Ce n'était pas un coup bas. Je suis parfaitement sincère. Le mariage ne fait pas partie de mes objectifs, mais il me semble que la vie avec toi serait agréable. Tu es calme, amusante et ton corps me rend fou.

Il lui adressa un regard entendu qui la fit éclater de rire.

— Le tien m'affole moi aussi, mais je ne suis pas celle que tu crois !

— Ce qui ne t'empêche pas de guetter les hommes qui se baignent nus au clair de lune!

— N'en parlons plus ! fit-elle, résignée. Puisque tu le prends sur ce ton, il ne me reste plus qu'à trouver un autre athlète à espionner !

— A trouver quoi ? demanda Calhoun hilare, sur le pas de la porte.

Derrière lui, très raide, Bess les observait sans dire un mot.

— Voilà le résultat de tes plaisanteries idiotes. A cause de toi, ton frère va croire que je suis une horrible voyeuse !

— C'est pourtant la vérité !

Elle lui tendit le plateau sur lequel étaient disposées les tasses de café et répondit avec un grand sourire :

— Tiens ! Et si tu le renverses, ne compte pas sur moi

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pour te plaindre !

— C'est ce que nous verrons ! Bess, ma chérie, ouvre-moi la porte s'il te plaît !

Bess rougit et tous deux échangèrent un regard qui plongea Elissa dans le désespoir. Fort heureusement, Calhoun était retourné dans le salon et n'avait pas assisté à la scène. Elissa regrettait amèrement de n'avoir pas quitté la cuisine en même temps que lui. King la désirait sans doute, mais la tendresse anxieuse avec laquelle il regardait Bess lui broyait le cœur.

Bess s'installa confortablement sur le canapé pour boire son café. De temps à autre, elle jetait un bref coup d'œil à Elissa.

— J'espère que nous ne te dérangeons pas en passant la nuit chez toi, Kingston, mais notre hôtel est tellement loin de l'aéroport...

— Vous avez très bien fait. Surtout que nous partons d'ici à huit heures.

— Dans ce cas, déclara Elissa, il vaut mieux que je rentre préparer mes affaires.

— Je te raccompagne, dit King en se levant lentement. Surtout, ne m'attendez pas, poursuivit-il à l'adresse des deux autres.

— Je ne vais pas tarder à aller me coucher, fit Bess, très maîtresse d'elle-même.

— J'aimerais pouvoir en dire autant, répliqua Calhoun, penché sur ses dossiers. J'ai bien peur d'en

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avoir pour toute la nuit. A moins que tu ne m'aides, bien sûr.

— Qui ? Moi ? Tu sais bien que j'ai horreur des chiffres !

— C'est vrai, j'oubliais. Bonne nuit, Elissa.

Elissa prit congé et sortit de la pièce en donnant la main à Kingston.

Une fois dehors, son compagnon alluma une cigarette. Il gardait obstinément le silence. Ce n'est que lorsqu'ils arrivèrent devant chez Elissa qu'il se décida à parler.

— Désolé pour ce voyage, mais je ne voyais vraiment pas d'autre issue.

— Ce n'est pas grave. De toute façon, je n'avais pas d'inspiration. Il vaut mieux que je laisse mes dessins en attente et que je reprenne des contacts à Miami.

Il se pencha vers elle, effleura sa bouche.

— Bonne nuit, Elissa. Je vais faire un tour avant de rentrer. Si le téléphone sonne au cours de l'heure qui vient, ne décroche pas, au cas où ce serait Bess.

Il tourna les talons. Elle le rattrapa par la manche de sa chemise.

— Tu ne veux pas venir boire un chocolat chaud avec moi ?

Il lui prit la main, la porta à ses lèvres.

— Elissa, je te trouve très belle, très attirante et j'ai une envie folle de te faire l'amour. Mais si je te

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séduis, j'ai trop peur que tu ne regrettes ce moment d'égarement, que tu m'en veuilles par la suite. Tu as été élevée dans le respect de certains principes. Si tu les trahis, quelle opinion auras-tu de toi ? Et puis, tu cours toujours le risque d'une grossesse non désirée.

— Je me sens si bien avec toi ! murmura-t-elle. Tu as toujours été si droit, si honnête. J'ai confiance en toi.

— Ce n'est plus tout à fait la vérité, corrigea-t-il.

— Tu ne m'as pas forcée ni poussée contre mon gré à faire quelque chose que je ne voulais pas. Même si je sais que je n'aurais pu l'accepter de personne d'autre, je crois que je t'aurais laissé faire tout ce que tu désirais. J'en aurais même tiré un réel bonheur. C'est si merveilleux !

Les pupilles de King foncèrent dangereusement et ses mains se crispèrent sur le fin visage à l'ovale parfait.

— Tu es trop sincère. Fais attention, je pourrais perdre la tête. Il vaudrait mieux changer de sujet ou je ne réponds plus de rien. Quelle catastrophe !

— Ne t'inquiète pas, tout va rentrer dans l'ordre. Se hissant sur la pointe des pieds, elle lui baisa les paupières, l'une après l'autre, puis se dégagea.

— Non, protesta-t-il, le souffle court. Ne t'arrête pas.

Elle répéta ses caresses puis parcourut son visage de baisers légers comme des ailes de papillons, avant de l'embrasser voluptueusement.

C'était plus que King ne pouvait en supporter. Il la souleva de terre, la plaqua contre la porte, appliqua

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ses hanches contre les siennes et commença à imprimer à leurs corps un mouvement lascif, sensuel, follement excitant.

— Oui, King, oui !

Au comble du délice, elle se tendit tout entière vers lui, se jeta à son cou, souriante sous ses baisers.

Il caressa la cuisse ronde et ferme sous la robe, se colla encore davantage à elle.

— Elissa, tu sais ce qui t'attend ?

— Oui, le paradis !

— Le paradis ! répéta-t-il, en s'écartant brusquement d'elle.

Jamais femme ne l'avait enflammé de la sorte et il lui en voulait presque de lui faire perdre la tête à ce point. Sans doute était-ce son manque d'expérience qui la poussait à agir ainsi, à tenter ce qu'une femme un peu avertie aurait pris garde d'éviter.

Toujours adossée à la porte, Elissa, le souffle court, lui souriait. Pour la première fois de sa vie, elle était fière de sa féminité, de son pouvoir de séduction. Jusqu'à présent, sa vie sensuelle était restée dans le domaine du rêve, mais tout était différent maintenant. Avec King, elle n'avait plus peur de ses désirs et voulait les vivre au grand jour.

— Lâche ! murmura-t-elle.

— A quoi joues-tu ? demanda-t-il, sourcils froncés.

— Je ne joue pas. J'essaie de t'attirer dans mon lit,

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dit-elle doucement. Viens. Je t'en défie.

Il la regarda, sidéré. Il sortit une cigarette du paquet, essaya de l'allumer. Impossible, ses mains tremblaient trop.

Avec un calme parfait, Elissa lui prit le briquet des mains et le lui tendit, allumé.

— Tu es fière de toi, n'est-ce pas ? fit-il, un sourire dur aux lèvres.

— Fière de l'effet que j'ai sur toi, oui. Tu sais parfois te montrer si inaccessible que j'ai plaisir à voir que tu es aussi humain.

— Tu as bien failli voir à quel point je suis humain, marmonna-t-il.

Elle chercha son regard et soupira doucement.

— C'est si bon ! J'en ai encore des frissons partout !

— Pas pour moi ! lâcha-t-il entre ses dents.

— Ah non? fit-elle étonnée. Je ne comprends pas.

— Je sais.

Il porta sa cigarette à ses lèvres, en aspira une longue bouffée et fit quelques pas sur la plage. Elle le suivit.

— Tu m'expliques?

Il la prit par la taille, l'attira contre lui et parla d'une voix sourde.

— Nous en avons déjà discuté, Elissa. J'ai très envie de toi mais, au-delà d'un certain point, il est difficile de revenir en arrière.

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— Je ne te l'aurais pas demandé.

— Cette fois, c'est toi qui perds l'esprit ! Nous n'allons tout de même pas faire l'amour sur la plage, sous les yeux de ma famille !

— Ça, c'est incroyable! soupira-t-elle. Je ressens pour toi un désir fou, sauvage. Tu m'as révélé l'existence de certaines parties de mon corps que j'ignorais jusqu'à présent, et toi, toi qui peux seul éteindre cet incendie, tu ne trouves rien de mieux à faire que te plaindre !

— Il ne manquait plus que ça ! fit-il, en éclatant de rire. Tes parents auraient honte de toi !

— Non. Mes parents savent que nous sommes tous humains. D'ailleurs, pourquoi aurions-nous des corps, si ce n'est pour nous en servir ?

— Soit ! Mais j'imagine que tu préférerais avoir la bague au doigt.

— Peut-être, mais ça ne m'apaise pas le moins du monde !

— Dans ce cas, dit-il en lançant sa cigarette au loin, je connais une autre méthode pour te refroidir !

Il la prit dans ses bras et courut avec son précieux fardeau jusqu'à la mer où il la jeta. Elle manqua boire la tasse, se releva, ruisselante, essoufflée, la robe collée au corps.

— Sauvage !

— C'est toi qui as l'air sauvage, répondit-il, une lueur étrange dans le regard. Tu ne peux pas rester ainsi.

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Il fit mine de vouloir lui ôter sa robe et elle se débattit un instant, avant d'abandonner la lutte, vaincue.

— Que tu es belle ! Je devrais t'étrangler pour ce que tu es en train de me faire.

— Je te signale, à toutes fins utiles, que c'est toi qui me déshabilles et pas le contraire !

— Tu m'as déjà vu nu !

— Oui. Oh, King ! Je voudrais que nous soyons seuls. Complètement seuls.

— Cesse de me tenter ! chuchota-t-il en se reprenant subitement.

Sa lucidité lui revint et avec elle sa volonté. D'une main autoritaire, il la rhabilla vivement et la prit dans ses bras. Le visage enfoui dans son cou, Elissa songea qu'elle ne s'était jamais sentie aussi délicieusement fragile et protégée.

Il la porta jusque chez elle.

— Change-toi et repose-toi bien, conseilla-t-il. Je n'entre pas. Tu es douce et infiniment désirable, mais je ne veux rien tenter que tu puisses regretter par la suite.

Il la déposa doucement à terre et lui donna un baiser qui la fit trembler de désir.

— Ne t'en vas pas ! D'ailleurs, je ne peux pas entrer.

— Pourquoi ?

— J'ai laissé ma clé à l'intérieur. Je suis partie si vite que...

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— Ah, les femmes ! interrompit-il.

Il se pencha, fouilla à tâtons un plant d'hibiscus et en retira une clé qu'il brandit triomphalement.

— Tiens, ton double ! Heureusement que j'ai meilleure mémoire que toi !

Elle le regarda, le cœur battant à tout rompre. Il était si viril, si grand, si fort que, pour une fois, elle prenait plaisir à se sentir faible, dépendante. Elle essaya d'imaginer ce que serait une nuit tout entière passée à son côté, lovée contre lui. L'élan si puissant qu'elle éprouvait pour lui ne pouvait être dicté par le seul désir. Ce qu'elle ressentait était trop tendre, trop doux, trop profond.

Il lui ouvrit la porte et alluma la lumière dans le couloir. A présent, il la voyait à contre-jour, et la robe ruisselante, plaquée contre elle, ne dissimulait rien de ses formes.

— Un jour, tu auras ma mort sur la conscience, dit-il. Ne t'étonne pas si j'ai un infarctus ! Allez, au lit, jolie sirène !

Sur le point de partir, il se ravisa et demanda :

— Pourquoi ce changement d'attitude, alors qu'il y a plus de deux ans que tu t'efforces de me tenir à distance ?

— Parce que je ne savais pas que c'était aussi extraordinaire, expliqua-t-elle d'une toute petite voix.

— J'en suis moi-même tout étonné ! Au cours des dernières vingt-quatre heures, tu as hanté mes jours

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et mes nuits, mais je resterai inflexible. Si j'acceptais de te faire mienne maintenant, complètement, ta conscience te le reprocherait, te tourmenterait sans cesse.

— Mais je ne veux pas te perdre. Tu es mon ami, King. Un jour, l'un de nous se mariera et nous ne nous verrons plus.

Il n'avait jamais envisagé les choses sous cet angle, mais elle avait probablement raison. Un jour, elle se marierait, son époux ne tolérerait peut-être pas cette amitié hors du commun, et c'en serait fini des longues promenades sur la plage, des coups de téléphone à deux heures du matin, des petits mots accrochés à sa porte.

— Moi non plus, je ne veux pas te perdre, confessa-t-il. Je n'ai que toi au monde, ajouta-t-il avant de tourner les talons et de disparaître dans la nuit.

Chapitre 6.

Sur le chemin de l'aéroport, Elissa était au supplice. A côté d'elle, Kingston avait pris le volant et parlait à Calhoun. Pourtant, ce n'était pas à son frère, mais à Bess que s'adressaient les regards éloquents qu'il ne cessait de lui jeter, par rétroviseur interposé.

Quelle sotte elle avait été d'idéaliser ces instants fabuleux passés avec King ! Il était évident que jamais il ne s'était senti engagé ou lié à elle de

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quelque manière que ce soit. Elle souffrait cruellement de s'apercevoir que son attachement pour lui augmentait de minute en minute et que King, lui, demeurait aussi indifférent qu'au premier jour.

Cela faisait deux ans qu'elle le connaissait et il avait fallu que Bess vienne pointer le bout de son nez mutin pour qu'Elissa ressente les tiraillements de la jalousie. Comment King aurait-il pu ne pas tomber amoureux de Bess ? Elle était belle, vulnérable et malheureuse, unie à un homme qu'elle aimait et qui ne lui prêtait pas attention. Quel homme n'aurait eu envie de protéger, de consoler une telle femme ?

Quel gâchis ! songea Elissa. Si, au moins, j'étais capable de m'amuser, de me distraire sans penser aux conséquences... Mais cela lui était impossible. King avait raison. Elle avait beau se sentir parfaitement bien avec lui, une simple aventure avec lui la détruirait moralement. D'ailleurs, comment King réagirait-il si elle lui cédait ? Peut-être la mépriserait-il ? L'idée de le perdre lui était insupportable. Et Bess ? Eprouvait-elle pour lui des sentiments semblables aux siens? Aussi profonds, aussi intenses ?

Elissa soupira en laissant son regard errer sur les palmiers qui défilaient sur le bord de la route, cachant partiellement la plage de sable blanc et l'incroyable gamme de bleus, de turquoises et de verts de la mer des Caraïbes.

Malgré elle, ses yeux se portèrent sur King. Quelle

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femme ne voudrait d'un homme comme lui, beau, riche et intelligent?

Elle baissa vivement les paupières, pour dissimuler ses larmes. Si Bess et lui décidaient de poursuivre leur vie ensemble, ils se marieraient, auraient des enfants... Cette pensée la faisait horriblement souffrir.

Le temps sembla s'étirer indéfiniment, tout comme la file de passagers devant le bureau des douanes. Lorsque toutes les formalités furent accomplies, ils prirent place à bord de l'énorme jumbo-jet. Bess s'assit à la droite de Kingston et Elissa, à sa gauche, le vit lui prendre la main au moment du décollage.

— Pas trop peur? demanda-t-il à sa belle-sœur, d'un ton si inquiet et si doux qu'Elissa en eut le cœur serré.

— Non, plus maintenant, répondit-elle, avec un regard où se lisait son âme.

Blessée, Elissa tourna vivement la tête. De l'autre côté de l'allée, Calhoun, une fois de plus plongé dans ses paperasses, n'avait rien remarqué.

Une fois à Miami, Elissa poussa un soupir de soulagement. Bientôt, elle serait chez ses parents et pourrait tout oublier. Une chose était sûre : jamais, au grand jamais, elle ne voulait revoir Bess et Kingston ensemble. Si cela signifiait qu'elle devrait vendre sa maison, eh bien...

Elle ne put aller au bout de sa pensée. Toute une vie sans King ! Ses yeux s'emplirent de larmes qu'elle

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ravala avant que les trois autres ne s'en aperçoivent. Comment en était-elle arrivée là? Peu importait.

Ce qu'il fallait, à présent, c'était passer dignement la douane, prendre rapidement congé et rentrer chez elle, dans le cocon familial.

Elle se tint un peu à l'écart, pendant que Kingston disait au revoir à son frère et à sa belle-sœur.

— Bon voyage, Calhoun, et prends bien soin de Bess, recommanda-t-il.

— Entendu, grand frère ! D'ailleurs, j'ai pensé qu'on pourrait se retrouver pour une promenade à cheval cette semaine. Avec pique-nique à la clé. Qu'en dis-tu, chérie ? demanda-t-il à Bess qui n'en croyait pas ses oreilles.

— Un pique-nique ? Viendras-tu avec ou sans ta calculatrice ?

— Ne sois pas méchante, chérie ! dit-il avec un petit rire. Au revoir, Elissa. J'espère vous voir bientôt au ranch.

— Certainement, murmura-t-elle, un peu trop poliment.

Pour tout au revoir, Bess se contenta d'un sourire forcé avant de tourner les talons pour aller rejoindre son mari.

Kingston la suivit des yeux avec une expression de tendresse douloureuse qui blessa Elissa au plus profond d'elle-même. Ramassant son sac d'une main résolue, elle se dirigea vers la sortie.

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En un clin d'œil, King la rattrapait et lui arracha son bagage des mains.

— Où vas-tu ?

— Chez moi. Ne te donne pas la peine de m'accompagner. Tu es hors de danger, à présent.

— J'ai dit que je te ramenais chez tes parents, fit-il d'un ton sans réplique. Assieds-toi cinq minutes pendant que je m'occupe de louer une voiture.

Elissa s'exécuta et s'efforça de venir à bout de sa mauvaise humeur. A quoi bon lui montrer combien elle tenait à lui ?

D'ailleurs, une autre pensée lui occupait l'esprit. Comment expliquer à ses parents ce retour subit? Heureusement qu'elle n'aurait pas à leur présenter King. Il y avait fort à parier en effet qu'il se hâterait de la déposer et de repartir.

Elle se trompait lourdement. Une fois arrivé devant la petite maison au bord des dunes, il ne sembla pas pressé de s'en aller. Il admira un instant les palmiers et le bananier que sa mère avait plantés des années plus tôt et lui fit remarquer que la maison de ses parents ressemblait beaucoup à celle qu'elle avait achetée en Jamaïque.

— Tu as peut-être raison. Merci de m'avoir raccompagnée et... au revoir.

Il la dévisagea en silence.

— Je t'en prie, Elissa, ne me tiens pas rigueur de cette situation. Ni Bess ni moi n'y pouvons rien...

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— C'est bien ce que j'ai compris, répondit-elle, la main sur la poignée de la portière. Vous avez beaucoup de chance que Calhoun soit aveugle. Les maris apparemment les plus calmes sont souvent les plus dangereux, les plus imprévisibles. Vous n'auriez sûrement pas très bonne mine, Bess et toi, en première page des journaux.

— Cette idée, pourtant, ne semble pas te déplaire.

Saisissant son sac, elle claqua la portière et s'apprêta à lui répondre de façon cinglante. Elle ouvrait la bouche, furieuse, lorsque sa mère, pieds nus et vêtue d'un boubou rouge, fonça sur elle comme une véritable tornade.

— Elissa, ma chérie !

Ses yeux bleus brillant de bonheur, elle serra sa fille sur son cœur à l'étouffer.

— Quelle bonne surprise ! C'est ton père qui va être ravi de te revoir si tôt ! Figure-toi qu'il vient juste d'acheter un nouveau lézard et que, justement, il mourait d'envie de le montrer à quelqu'un et... Mais qui êtes-vous ? demanda-t-elle à King.

— Kingston Roper. Et vous, je parie que vous êtes la mère d'Elissa !

— Exactement ! répliqua la grande femme mince. Je suis Tina Dean.

— Kingston est mon voisin, à la Jamaïque, expliqua Elissa. Il a eu la gentillesse de m'accompagner de l'aéroport jusqu'ici. Nous avons pris le même avion

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que son frère et sa belle-sœur.

Elissa avait beau parler très vite, elle ne parvint pas à tromper la vigilance de sa mère. Tout en écoutant sa fille d'une oreille distraite, Tina Dean étudiait King d'un œil tranquille, notait son costume de grand faiseur, ses chaussures cousues main, sa cravate de soie et sa montre luxueuse. Elissa lui avait maintes fois parlé de son amitié pour King et elle essayait de deviner ce que sa fille lui trouvait.

— Vous prendrez bien un petit verre de thé glacé, monsieur Roper ?

— King doit retourner à Miami, intervint vivement Elissa. N'est-ce pas, King ?

— Mais pas du tout ! fit-il, avec un sourire horripilant. J'ai tout mon temps !

— Parfait! conclut Mme Dean, amusée par cet échange. Et que pensez-vous des reptiles ?

— Eh bien, j'ai eu un crapaud à cornes qui...

— Oh, Maman ! Je t'en prie ! soupira Elissa, en se prenant la tête à deux mains.

Kingston lui jeta un regard indéchiffrable puis suivit Mme Dean qui l'avait pris par la main.

Dans son bureau, Elias Dean était fort occupé à recopier les étiquettes de son étrange collection. Il leva les yeux par-dessus ses lunettes cerclées de métal et, à la vue de sa fille, un large sourire illumina son visage. Elissa se précipita dans ses bras et, après l'avoir embrassé sur les deux joues, fit les

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présentations d'usage.

— Aimez-vous les lézards, monsieur Roper ?

D'un geste large, il lui désigna son royaume: tout autour de la pièce s'étalaient une dizaine de terrariums peuplés de toutes sortes d'animaux à écailles.

— Je ne les posséderai jamais tous, expliqua-t-il. Il y a tellement d'espèces différentes ! Mais je vais vous montrer mon plus beau spécimen.

Il ouvrit une porte et, à sa grande surprise, Kingston découvrit un bassin entouré de plantes tropicales. Perché sur un rocher éclairé d'une lampe fluorescente, Ludwig, un iguane d'un mètre cinquante, les regarda d'un œil ennuyé.

— Un iguane! s'exclama Kingston.

— Il est magnifique, n'est-ce pas? remarqua M. Dean avec fierté.

S'ensuivit une longue discussion au cours de laquelle le père d'Elissa exposa à Kingston l'intérêt de sa collection, jusqu'à ce que Mme Dean vienne soustraire leur invité à son mari.

— Papa est un peu excentrique, dit Elissa sur un ton d'excuse.

— Mon père, lui, collectionnait les roches, et j'ai une grand-tante qui lisait l'avenir dans le marc de café. Ce ne sont pas quelques lézards qui pourraient m'étonner.

Sans perdre une miette de cette conversation, Tina

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versa du thé ambré dans de grands verres emplis de glace, puis les posa sur la table de la cuisine.

— Tout de même, je suis sûre que vous devez nous trouver bien bizarres, monsieur Roper, dit-elle, en lui tendant un verre.

— Vous savez, chacun a ses particularités. Tenez, moi, par exemple, eh bien, je suis à moitié apache.

— Apache..., répéta Tina, en le considérant avec une curiosité totalement dépourvue de malice. Mais oui, j'aurais dû m'en douter ! Vos yeux sont noirs, vos pommettes saillantes...

— Maman ! gronda Elissa.

Kingston eut un petit rire.

— Elissa sait que je suis susceptible à propos de tout ce qui touche à mes ancêtres, mais les questions sincères ne me dérangent pas. Je suppose qu'il n'y a pas beaucoup d'Indiens en Floride.

— Non, en effet, fit Tina, avec un large sourire. Bien que cela ne soit pas flagrant, j'ai moi-même du sang séminole dans les veines.

— Tu ne me l'avais jamais dit ! reprocha-t-il à Elissa.

— Tu ne m'as jamais questionnée sur mes ancêtres !

C'était vrai et King se demanda comment il avait pu ignorer tant de choses d'elle.

— Monsieur Roper, aimez-vous la pêche ? interrompit le père d'Elissa, en entrant dans la cuisine.

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— Si vous parlez de la pêche en mer, non, répliqua Kingston. En revanche, je ne déteste pas taquiner le goujon.

— C'est bien ce que je pensais! Eh bien, il faut absolument que je vous montre un petit étang dont vous me direz des nouvelles ! C'est à peine à deux heures d'ici.

— Notre chambre d'ami est à votre disposition, si vous le désirez, ajouta Tina. Vous verrez, c'est très calme par ici et à en juger par vos traits tirés, un peu de repos vous fera le plus grand bien. Pourquoi cet air horrifié, Elissa ? Je peux vous rassurer, monsieur Roper. Si jamais les lézards d'Elias vous attaquaient, je vous défendrais au péril de ma vie !

Elissa se sentit rougir jusqu'aux oreilles. Elle avait oublié combien sa mère pouvait être directe. Maman, je t'en prie, ne me fais pas ça ! supplia-t-elle en silence. Il en aime une autre et je veux lui échapper.

Kingston se tourna vers Elissa et fut frappé par son expression.

— Si tu préfères, je peux aussi partir immédiatement, dit-il doucement.

Que répondre à cela ?

— Fais comme tu veux, murmura-t-elle, sans le regarder.

— Dans ce cas, merci, madame Dean, j'accepte votre invitation de grand cœur.

— Merveilleux ! s'écria son hôte. J'ai des milliers de

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projets à vous proposer.

— Et moi, je vais vous mitonner de bons petits plats. Vous avez bien besoin de vous remplumer !

Elissa ne put s'empêcher d'éclater de rire. Kingston était mince, certes, mais cela ne l'empêchait pas d'être musclé et bien bâti. Elle se demanda un instant ce que penseraient ses parents s'ils savaient qu'elle l'avait regardé se baigner nu. Elle baissa la tête, se plongea dans la contemplation de son verre, tandis que ses parents interrogeaient Kingston sur son métier.

— Il m'a tout l'air d'un garçon très sérieux, lui confia sa mère en préparant le dîner. Et travailleur avec ça. Ça ne doit pas être facile de travailler tous les jours dans un garage.

— Dans un garage? reprit Elissa, surprise.

— Oui. Il a bien parlé d'essence et de pétrole, non ? Il a dû mettre ses plus beaux habits pour venir nous voir et j'en suis très flattée. Ton père et moi le trouvons extrêmement sympathique, Elissa.

Elissa allait lui expliquer sa méprise, mais elle se ravisa. Après tout, il était trop tôt pour parler à ses parents de la fortune de King. Cela les mettrait peut-être mal à l'aise et elle ne voulait en aucun cas gâcher leur plaisir réciproque.

Elle ferma les yeux. Malgré toute l'effervescence créée par sa présence, elle était ravie d'avoir Kingston à côté d'elle, loin de l'influence de Bess. Même s'il ne devait rester qu'une nuit, elle n'en aimerait que

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davantage la maison de ses parents, les pièces qu'il avait traversées, les sièges dans lesquels il s'était assis, les livres qu'il avait feuilletés. Et s'il finissait par épouser Bess, personne ne pourrait lui ôter ses rêves.

Chapitre 7.

Après le dîner, Kingston et Elissa allèrent se promener au bord de la mer. De nuit, ce paysage ressemblait beaucoup à la Jamaïque, avec ses vagues qui venaient s'échouer sur la plage en un murmure mousseux.

— Cela ne te dérange pas que je sois resté ? demanda-t-il, très détendu.

— Non.

Elle avait troqué sa tenue de voyage contre un short et un tee-shirt et avait ôté ses sandales, pour mieux goûter sur ses pieds nus la caresse du sable encore tiède.

Kingston, lui, s'était contenté de déboutonner sa chemise. Lui aussi marchait pieds nus. Plus rien dans sa tenue ne permettait de deviner l'homme d'affaires efficace et dynamique, le richissime magnat du pétrole.

Ils marchèrent un long moment en regardant droit devant eux, sans dire un mot. Ce fut Kingston qui, le premier, rompit le silence.

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— Je suis heureux d'être ici. La nature y est superbe, quant à tes parents, j'apprécie beaucoup leur ouverture d'esprit et leur honnêteté. A les voir, je comprends mieux comment tu es devenue la jeune femme indépendante que je connais.

Elle eut un petit rire et se dit que, si ce n'était pas le bonheur, cet instant n'en était pas très loin.

— Tu n'imagineras jamais ce que ma mère s'est mis dans la tête à ton sujet.

Il s'arrêta et posa sur elle un regard où l'étonnement le disputait à l'intérêt et elle lui raconta en riant la méprise de ses parents.

— Ainsi, ils me croient mécanicien ! s'exclama-t-il en riant à son tour. Eh bien, cela ne me déplaît pas. Il y a trop longtemps que plus personne ne me traite comme un être humain. Depuis que j'ai réussi dans les affaires, très exactement.

— Plus personne, vraiment? fit Elissa, d'un ton de reproche.

— A part toi, bien sûr ! corrigea-t-il. C'est même ce qui m'a tout de suite rapproché de toi. Quand j'ai compris que ce n'était pas à mon portefeuille que tu en voulais, j'ai pensé que ce devait être... à mon corps !

— Quelle modestie !

Kingston lui sourit et ses dents blanches brillèrent sous la pâle clarté de la lune.

— Souviens-toi, reprit-il. Au tout début, je t'ai fait de

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subtiles avances. Tu t'es immédiatement figée et je n'oublierai jamais la lueur de panique qui a brillé dans tes yeux, à ce moment-là. Ça m'a servi de leçon et je n'ai plus jamais recommencé.

— Jusqu'à ces jours-ci...

— C'est vrai, mais cela n'avait pas l'air de te déplaire ! répliqua-t-il, du tac au tac.

— Merci de me le rappeler. Je suppose que cela fait de moi une femme facile. C'est cela, n'est-ce pas?

Il lui avait saisi les bras et la secouait de toutes ses forces.

— Je ne veux pas que tu dises ça, tu m'entends? Jamais !

— Je croyais que c'était toi qui le disais ! répondit-elle, d'une voix tremblante.

Elle sentit les doigts de King se crisper sur sa peau nue, puis se faire caressants.

— Je ne sais plus ce que je dis, confessa-t-il.

Il respira à pleins poumons et attira la jeune femme contre lui, l'enveloppant de sa chaleur et du parfum suave de son eau de toilette. Il posa la joue sur sa chevelure soyeuse.

A son attitude, Elissa comprit qu'il était gêné, confus. Elle lui entoura la taille de ses bras et se blottit contre lui, la tête contre sa poitrine. Les battements sourds de son cœur résonnaient à son oreille.

— Nous souhaitons tous des choses impossibles,

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irréalisables, dit-elle. Moi, par exemple, je voudrais ressembler à ces héroïnes de séries télévisées, qui vivent leurs rêves et leurs fantasmes sans jamais en subir les conséquences fâcheuses. Je n'aime pas prendre des risques. J'ai peur de souffrir.

Le nez contre sa chemise négligemment entrouverte, elle se grisa de son parfum d'homme, savoura cet instant comme si plus jamais elle ne devait avoir l'occasion de se retrouver dans ses bras.

— Je me suis toujours sentie si libre avec toi. Libre de te taquiner, d'éprouver sur toi mon pouvoir de femme. Je savais que je ne courais aucun danger.

— Jusqu'au jour où tu as failli brûler tes jolies ailes, dit-il, très grave. Tu as été choquée?

— Oui, confessa-t-elle. J'ai eu soudain la révélation d'un homme que je ne connaissais pas. Et puis, je ne me doutais pas que j'étais aussi vulnérable.

— Toi, peut-être pas, mais moi, si.

Il la serra plus fort.

— Tu vois, continua-t-il, nous avions tous les deux des raisons de museler notre passion, tout en sachant qu'un jour viendrait où nous ne pourrions plus la contenir. Je suis heureux que tu aies fait la découverte du désir avec moi. Un autre aurait sans doute profité de la situation pour te séduire vraiment.

— Impossible ! Avec quelqu'un d'autre, je ne me serais jamais abandonnée de la sorte !

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Il ne put retenir un frémissement de tout le corps.

— Tu ne devrais pas parler ainsi. Moi aussi, je suis vulnérable. Plus que tu ne le penses.

— Parce qu'elle est partie? Il marqua un temps d'arrêt.

— Oui, répondit-il d'une voix froide, mesurée. Parce qu'elle est partie.

Il l'engloba d'un regard indéfinissable, lui caressa les lèvres d'un doigt léger et demeura quelques instants silencieux.

— Et si nous allions nous baigner? proposa-t-il enfin.

— Tu n'y penses pas sérieusement !

— Bien sûr que si ! Tu es belle et j'aime admirer ton corps. Je voudrais que tu sois toute nue devant moi. Maintenant.

A ces mots, elle frémit, de désir, de confusion.

— Mais... je n'ai plus guère de secret pour toi.

Elle essaya de se dégager, mais il l'en empêcha.

— De quoi as-tu peur? murmura-t-il. Tu peux toujours appeler au secours.

— Je le sais, King, dit-elle en lui prenant la main. Mais l'idée que tu me fais la cour par dépit m'est insupportable. Comment réagirais-tu si je t'embrassais en rêvant d'un autre ?

La réponse fut immédiate.

— Je te tordrais le cou ! s'exclama-t-il en faisant

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mine de s'exécuter.

— Prends garde, King ! Si tu touches un seul cheveu de ma tête, mon père te fera dévorer par Ludwig !

Cette image saugrenue déclencha en Kingston un fou rire inextinguible.

— Il n'y a vraiment qu'avec toi que je peux rire ainsi, remarqua-t-il un peu plus tard, comme ils revenaient vers la maison.

— Je crois que quand je t'ai rencontré, tu ne savais même pas ce que cela voulait dire! Tu étais glacial.

— Extérieurement, sans doute. Mais j'avais déjà le sang chaud.

Elle préféra ignorer cette insinuation. Changer de sujet... vite...

— Tu vas à la pêche avec papa, demain ?

— Oui. Tu seras des nôtres ?

— Impossible, il faut que je prenne contact avec Angel Mahoney, la vice-présidente des boutiques Sea-wear. Je lui ai vendu l'exclusivité de ma collection. Elle a qualifié mes modèles de « délicieusement sexy ».

— Vraiment ! dit-il en jetant un coup d'œil critique à son short et à son tee-shirt dix fois trop grands pour elle.

— Vraiment. Tu n'espères tout de même pas que je vais me mettre en frais pour un simple ami ?

— Un simple ami ! C'est tout ce que je suis pour toi ?

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— C'est tout ce que je veux que tu sois !

— Pourquoi ?

— Tu le sais très bien !

Ils n'étaient plus qu'à quelques pas de la maison. Il la prit par la taille, l'attira contre lui.

— L'amour que j'éprouve pour Bess est sans espoir. Elle m'aime également, j'en suis persuadé, mais la situation est sans issue. Entre toi et moi en revanche, c'est différent...

Très émue, Elissa ferma les paupières sur cette image si tentante. Mais elle se reprit vite, elle serra les poings dans ses poches et lui donna la seule réponse possible :

— Non.

Elle se dégagea, aspira une grande bouffée d'air pur et entra chez ses parents. Kingston resta un instant pensif, puis la suivit à l'intérieur.

Le lendemain, M. Dean et Kingston se levèrent à l'aube pour aller à la pêche. Elissa, elle, paressa fort tard dans son lit et, après un bon bain de soleil, passa le reste de la matinée à travailler avec une énergie décuplée. Ses efforts furent largement récompensés car elle couvrit ses carnets de croquis de modèles tous plus originaux les uns que les autres.

Après un déjeuner agréable en compagnie de sa mère, elle décida de s'installer au soleil pour travailler. Elle enfila un maillot de bain noir et une jupe à fleurs et descendit sur la plage.

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Le soleil apparaissait et disparaissait au gré des nuages, et de temps en temps, Elissa fermait les yeux. Elle était sur le point de s'endormir lorsqu'une ombre la surplomba.

C'était King. Dans son demi-sommeil, sa jupe s'était relevée, révélant ses longues jambes brunes, et l'une de ses épaulettes avait glissé sur sa poitrine.

— Que tu es belle ! soupira-t-il, une pointe d'irritation dans la voix. Tu as de la chance que tes parents soient si près...

— Des promesses, toujours des promesses... , répondit-elle en s'étirant.

La mâchoire de King se crispa imperceptiblement. Sans un mot, il déboutonna sa chemise, l'ôta et la laissa tomber sur le sable devant la jeune femme fascinée. Son admiration, son trouble évident, le remplit de fierté et le bouleversa tout à la fois. Elle était trop inexpérimentée pour cacher son désir et, de constater à quel point elle avait envie de lui, l'émouvait infiniment, l'enivrait aussi.

— J'ai envie de me baigner, dit-il, en s'attaquant à la boucle de sa ceinture.

— King ! Tu ne peux pas !

Sans l'écouter, il enleva sa ceinture, fit coulisser sa fermeture Eclair. Son pantalon glissa à son tour sur le sable et, à son grand soulagement, Elissa s'aperçut qu'il portait un maillot.

— Pour... pourquoi fais-tu cela? demanda-t-elle, le souffle court.

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— Parce que j'adore la façon dont tu me regardes, quand je me déshabille.

Il s'approcha d'elle, une lueur dangereuse au fond de ses prunelles.

— Mon père..., fit-elle, en jetant des regards désespérés à droite et à gauche.

— Tes parents sont occupés. J'ai vérifié.

Il se laissa glisser auprès d'elle, déboutonna sa jupe d'une main habile. Puis, imperturbable, s'attaqua à son maillot de bain. Trop surprise pour réagir tout de suite, elle le regarda faire d'un air horrifié pendant un moment, avant de se rebeller.

— Non, King !

Elle lui saisit le poignet. En vain. Avec une tranquille assurance, Kingston roulait le vêtement sur ses hanches.

— Vas-y, dit-il d'un ton rauque. Ose prétendre que tu ne me désires pas.

— Et... et Bess ? demanda-t-elle en le repoussant de plus en plus faiblement.

Il murmura une réponse incompréhensible et se pencha sur elle, prit la pointe de son sein entre ses lèvres brûlantes. Elle se mit à trembler, absolument incapable de lui résister. Kingston leva la tête juste à temps pour voir ses yeux d'aigue-marine s'emplir de larmes.

— Ne pleure pas, je t'en prie, chuchota-t-il en baisant ses paupières.

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— Je te déteste, murmura-t-elle.

— Non. C'est ta vulnérabilité que tu détestes. Il en va de même pour moi. Mais nous aimons trop ces précieux instants pour nous en refuser le plaisir. Car c'est bien de plaisir qu'il s'agit, n'est-ce pas, Elissa ?

Il ne lui laissa pas le loisir de répondre, mais l'embrassa avec une habileté diabolique qui l'enflamma tout entière. Sous la pression de ses lèvres, elle ne put retenir un gémissement. Ses mains étaient partout à la fois, sur son cou, dans ses cheveux, sur sa gorge, ses seins. Elle renversa la tête en arrière pour mieux s'offrir à ses caresses. Au-dessus d'elle, à contre-jour, le visage de King affichait une expression inconnue, presque inquiétante.

— Oui, dit-il, en voyant un soupir entrouvrir sa bouche. Tu me veux, n'est-ce pas ?

Et il reprit ses lèvres, plus impétueusement cette fois. Comme malgré elle, les doigts d'Elissa se nouèrent autour de sa nuque et elle lui rendit son baiser avec une passion dont elle ne se serait pas crue capable. Son cœur battait à toute allure et de la lave en fusion coulait dans ses veines. C'était la sensation la plus extraordinaire qu'il lui ait été donné de connaître. Frémissante, tremblante, les jambes molles, elle se sentait totalement à sa merci et parfaitement impuissante à lui cacher sa faiblesse.

Il s'allongea sur elle, pesa de tout son poids sur son corps, la couvrit de baisers tantôt avides et exigeants, tantôt tendres et câlins...

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Ses seins s'émurent au contact de la poitrine de King, de la rude toison qui la recouvrait.

— Serre-moi fort, ma douce ! dit-il contre ses lèvres.

Incroyablement heureuse et bien dans ses bras, elle ne pouvait arrêter ses larmes. King la désirait, elle le savait, le sentait.

— Chuttt... Doucement... , murmura-t-il.

Avait-elle crié ? Elle n'aurait su le dire.

Une main effleura ses cheveux humides, puis se posa sur son ventre en une suave caresse. Peu à peu, Elissa revint à la réalité.

Kingston roula à côté d'elle et, le regard perdu au loin, accueillit sa tête au creux de son épaule. Des goélands traversaient le ciel pommelé de nuages gris, lançant des cris aigus, plongeant de temps à autre dans la mer.

— Je vais partir, dit soudain King. Cette situation ne peut pas durer.

L'instinct d'Elissa lui soufflait qu'il avait raison. Ils avaient failli aller trop loin et elle n'était pas sûre de pouvoir résister davantage à ses pulsions. Elle ferma les yeux. Elle le désirait tant qu'il lui sembla que si elle ne lui appartenait pas, ne serait-ce qu'une fois, elle en mourrait.

Lorsqu'elle ouvrit les yeux, King s'était soulevé sur un coude et la contemplait. D'un geste malhabile, elle rajusta ses épaulettes.

— Elissa, je crois que je pourrais passer ma vie à te

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regarder. Je te désire, Elissa, comme je n'ai jamais désiré aucune femme. Si tu te refuses à moi, je... je ne le supporterais pas.

Il marqua un temps d'arrêt, puis se releva d'un bond en la tirant par la main.

— Viens avec moi en Oklahoma ! lança-t-il d'un ton résolu.

Elissa hésita. Fallait-il accepter ?

— Comment expliquerons-nous mon départ à mes parents ?

— Nous leur dirons que nous envisageons de nous fiancer et que je voudrais te présenter à mes parents.

A ces mots, le visage d'Elissa s'éclaira d'un bonheur indescriptible.

— Marions-nous, Elissa ! Bess n'est pas pour moi et je te désire trop !

Oui ! Oui ! Mille fois oui ! eut-elle envie de crier, mais pouvait-elle accepter qu'il l'épouse par dépit ? Un jour, Bess finirait par se libérer et qu'adviendrait-il de leur couple ? Tout projet d'avenir était impossible mais elle ne se sentait plus la force de refuser les quelques jours de bonheur qu'il lui offrait. Tant pis pour ses principes !

— Je viens avec toi en Oklahoma, King, mais je ne t'épouserai pas car un jour tu le regretterais. Je déteste ma faiblesse, je déteste ce que je suis sur le point de faire avec toi, mais je ne peux plus lutter.

Emu par tout l'amour qu'il lisait dans ses yeux, il la

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prit contre lui.

— Viens seulement voir le ranch. Peut-être serons-nous assez forts...

— Entendu, dit-elle, en s'efforçant d'y croire.

Ils se rhabillèrent en silence, mais les regards qu'ils s'adressaient en disaient long. Lorsqu'ils furent prêts, il lui prit la main.

— Et si cela doit arriver, dit-il, solennel, je ferai en sorte que nous partagions un moment inoubliable.

— Je n'en ai jamais douté.

Il chercha sa main, joignit ses doigts aux siens. Jamais il ne s'était vu aussi beau, aussi important, que dans les yeux d'Elissa. Ce qui l'attirait vers elle n'était pas un désir purement physique, il en était sûr. C'était... un sentiment inconnu, indéfinissable. En quelques secondes, des images étranges lui vinrent à l'esprit. Elissa se serrant contre lui, Elissa enceinte...

— Tu aimes les enfants ? demanda-t-il à brûle-pourpoint.

Sans savoir pourquoi, cette question la transporta d'un bonheur intense.

— Oui, bien sûr. J'espère en avoir un jour. Pourquoi ?

Perdu dans ses pensées, il ne répondit pas. Bess avait toujours déclaré ne pas désirer d'enfants et, à sa grande surprise, il découvrait que lui en voulait. Avec Elissa.

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De retour à la maison, il resta silencieux et regarda la

télévision avec M. Dean, pendant que les deux femmes préparaient le repas. Elissa profita de ce moment de solitude pour parler à sa mère de son prochain départ.

— Tu es très amoureuse de lui, n'est-ce pas, Elissa ? demanda Mme Dean, en essayant de lire dans le regard de sa fille.

— Oui, répondit Elissa en soupirant. Mais je ne suis pas sûre de ce qu'il ressent pour moi.

— Il te désire. Fais bien attention, ma chérie. Les hommes suivent souvent leurs pulsions, sans être profondément attachés à une femme. Kingston m'est très sympathique, mais moi, je n'ai rien à craindre de lui.

— Je ne sais pas quoi faire, dit Elissa, la tête entre les mains. Je l'aime tant!

Tina se pencha et embrassa sa fille sur le front.

— Ma pauvre chérie. Toi seule peux trouver ton propre chemin. Je t'aime et cela ne changera jamais. Ton père et moi sommes peut-être vieux jeu, mais nous vivons selon ce que nous croyons juste. Si tu veux connaître le fond de ma pensée, je crois que le plaisir, aussi fort soit-il, ne comblera jamais le manque d'amour.

— Oh, Maman ! Toi, parler comme ça ! plaisanta Elissa.

— Tu ne t'y attendais pas, n'est-ce pas ? fit Tina, une

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lueur de malice dans les yeux. Que veux-tu, les temps changent et je m'adapte. Bien qu'il m'arrive parfois de regretter d'avoir quitté l'Amazonie, ajouta-t-elle. Là-bas, je me sentais en sécurité, loin des remous de la société.

— J'ai ce qu'il te faut ! s'écria Elissa. Je vais te ramener Géronimo et tu te croiras de nouveau en pleine forêt vierge!

— Impossible ! Il risquerait de gêner nos voisins.

— Comment ça ? Les voisins les plus proches habitent à un bon kilomètre d'ici.

— Justement, dit Tina. Justement, le son porte...

Chapitre 8.

A l'aéroport d'Oklahoma City, Kingston récupéra sa voiture, une superbe Lincoln grise et, après une courte visite de cette ville étrange, parsemée de derricks, il traversa les plaines, en direction de son ranch.

C'est avec des yeux émerveillés qu'Elissa découvrait ce paysage qui avait vu grandir King.

— Je n'ai jamais rien vu d'aussi beau, murmura-t-elle. On se croirait en plein western. Est-ce ici que se sont installés les Indiens ? Les Sioux et les Cheyennes ?

— Oui. C'est en Oklahoma qu'entre 1830 et 1840 le

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gouvernement a déporté cinq tribus : les Cherokees, les Chickasaws, les Choctaws, les Creeks et... les Sémi-noles, ajouta-t-il avec un clin d'oeil.

— Je comprends maintenant pourquoi je m'y sens chez moi ! fit Elissa, rayonnante. Et que dit-on de mes ancêtres ?

— Que c'étaient de valeureux guerriers. Il se sont battus pied à pied avec les autorités.

— Les Apaches aussi étaient très courageux.

Elle lui sourit, puis s'absorba de nouveau dans la contemplation de ces collines qui ondulaient à perte de vue.

— Que c'est grand ! On ressent une telle impression de liberté !

— Voilà ce que j'aime, dans l'Oklahoma. La paix qui y règne. Ici, pas de foule, juste du pétrole et du bétail. Tu vas voir, nous sommes presque arrivés.

Il lui indiqua une petite route poussiéreuse au bout de laquelle un bosquet entourait une imposante bâtisse blanche. Alentour, des vaches roux et blanc paissaient tranquillement dans des champs immenses qui s'étendaient à perte de vue.

— C'est le ranch? fit-elle avec une mine d'enfant ravie.

Il hocha la tête, enchanté de son enthousiasme.

— Ça te plaît ?

— Oui, beaucoup. Oh ! Des tournesols !

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— Comme tu peux t'en apercevoir, la végétation est très différente de celle de Floride. Je parie que la faune ne manquera pas non plus de te surprendre. As-tu déjà vu des élans ?

— Non. Tu m'en montreras ? C'est formidable !

— Ne t'emballe pas trop vite. La citadine que tu es pourrait être déçue.

Kingston en avait eu un exemple frappant en la personne de Bess qui avait toujours détesté le ranch. Sans doute, par son mariage espérait-elle oublier son enfance difficile en coulant une vie paisible dans un milieu plus sophistiqué mais, comme Kingston, Calhoun adorait les plaines d'Oklahoma.

— Ce n'est pas parce que j'habite près de Miami que je suis incapable d'apprécier la nature, objecta-t-elle.

« Surtout en ta compagnie », poursuivit-elle pour elle-même. Elle se demanda un instant si Bess pensait de même. Elle ne devait pas habiter très loin. Peut-être avait-elle eu l'occasion de faire de longues promenades avec King, main dans la main ?

— Où habite Calhoun ?

— Là-bas, fit-il en lui indiquant une maison moderne, au loin.

Comme il se garait devant le porche, le rideau de perles qui ornait la porte s'écarta.

— Bonjour Margaret ! s'exclama King.

Margaret Floyd, la gouvernante du ranch, était une forte femme d'une soixantaine d'années, aux cheveux

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blancs et au regard perçant. Elle portait une robe jaune paille, un tablier blanc et des mules mauves.

— Eh bien, il était temps ! fit-elle, les poings sur les hanches. Vous avez une bonne heure de retard et il ne faudra pas vous étonner si le rôti est calciné. Tiens, qui est-ce ?

En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, Elissa fut propulsée en haut des marches du perron.

— Margaret, je vous présente Elissa Dean.

— Enfin ! fit la gouvernante, dont le visage s'éclaira d'un large sourire.

Elle se précipita à la rencontre d'Elissa et l'embrassa sur les deux joues.

— Je commençais à me demander s'il aurait un jour le bon sens de vous amener. Depuis le temps que je lui disais que ces femmes de la ville ne lui valaient rien de bon ! Vous, par contre, vous m'avez tout l'air d'une fille bien. King m'a dit que vous habitiez encore chez vos parents...

Margaret avait l'expression extatique de quelqu'un dont le vœu le plus cher vient d'être exaucé.

— Mais je suis là, à vous saouler de paroles, alors que vous devez être affamée. Venez ! J'ai vérifié la cuisson du rôti, elle est à point, ajouta-t-elle avec un clin d'œil. Et je lui ai préparé son dessert préféré : un apple pie.

King retourna chercher les bagages en soupirant. Décidément, Margaret ne changerait jamais. C'était

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une cuisinière hors pair qui avait une volonté de fer et ne se gênait pas pour poser les questions les plus personnelles.

Quelques minutes plus tard, il parvint à arracher une Elissa rouge comme un coquelicot à l'embarrassante présence de sa gouvernante. Ce que la jeune femme ignorait c'est que, Bess mise à part, elle était la seule à avoir reçu de Margaret un accueil aussi chaleureux.

Elissa eut à peine le temps de terminer son dîner, délicieux au demeurant, que Margaret la prenait par la main et l'entraînait à l'étage supérieur. Kingston était sorti régler quelques affaires et, après avoir défait son sac, la jeune femme s'endormit d'un sommeil réparateur.

Le lendemain matin, elle fut éveillée par toutes sortes de bruits inhabituels : le cri du coq, le meuglement d'une vache, le gazouillis des oiseaux. Elle s'assit dans son lit, s'étira paresseusement, avide d'emplir ses poumons du bon air de la campagne. Puis, revêtue d'un jean et d'une chemise d'homme, les cheveux retombant en vagues souples sur les épaules, le visage libre de tout maquillage, elle descendit l'escalier quatre à quatre.

Dans la vaste cuisine, Kingston était attablé devant un copieux petit déjeuner. Quelque chose en lui avait changé. Ce n'était plus le Kingston qu'elle connaissait, celui de la Jamaïque ou de Miami, mais un vrai cow-boy, avec sa chemise à carreaux et son jean délavé. Son expression elle-même était différente. Elle s'immobilisa sur le seuil et l'observa

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en silence.

— Bonjour, Elissa, tu n'as pas faim ? demanda King en levant le nez de son journal.

— Si, bien sûr !

Elle prit place à côté de lui.

— Tu as bien dormi ?

— Très bien, et toi ?

— Bien, mais peu. J'ai travaillé tard dans la nuit.

— Je croyais qu'en ton absence, l'un de tes voisins était chargé de surveiller la bonne marche des affaires.

— Et c'est exactement ce qu'il a fait ! répondit une voix grave aux accents amusés. Mais rien ne vaut l'œil du maître !

Elissa se retourna d'un bond et fit face à un homme au regard inquiétant. On aurait dit un vrai sauvage, avec ses cheveux noirs en bataille, ses yeux vert d'eau et ses sourcils en broussaille. Long et mince, il n'avait pas l'air particulièrement amical. Quant à son nez cassé et la cicatrice qui lui barrait la joue, ils inspiraient sinon le respect, du moins la crainte.

— Elissa, je te présente Blake Donovan.

— Enchantée.

— Moi aussi, répondit Donovan, avec une froide indifférence.

Puis, se tournant vers King:

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— Roper, si tu n'as plus besoin de moi, je vais rentrer. J'ai du pain sur la planche.

— Entendu, Donovan, merci pour ton aide.

— Salut, Roper. Mademoiselle Dean, ajouta-t-il avec un petit salut en effleurant le bord de son chapeau.

Et il partit aussi discrètement qu'il était entré.

— C'est un de tes amis? Il n'a pas l'air commode ! remarqua Elissa.

— C'est la vie qui l'a rendu ainsi, mais il a un cœur d'or, répondit King, le regard brillant de compassion.

— Quel âge a-t-il ? Il est plus jeune que toi, non ?

King fronça les sourcils.

— Oui. De huit ans. Pourquoi? Il t'intéresse?

Elissa crut rêver. La réaction de King ressemblait fort à de la jalousie. Pourquoi se montrait-il soudain aussi possessif, alors que c'était Bess qu'il aimait ? Sans attendre sa réponse, il se leva.

— Il faut que j'aille travailler. Le ranch n'attend pas !

Se penchant sur elle, il déposa un baiser sur ses lèvres entrouvertes.

— Tu sais que tu as vraiment tout d'un cow-boy !

— Mais je suis un cow-boy ! J'ai beau voyager en première classe et posséder une fortune, c'est lorsque je galope sur ces plaines immenses et que je dors à la belle étoile que je suis le plus moi-même.

— Vraiment?

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Elle le prit par le cou et l'attira doucement à elle. Il ne lui opposa aucune résistance, heureux de goûter à sa bouche fruitée, savoureuse.

— Si tu veux, tout à l'heure, je te montrerai les petits veaux, proposa-t-il en se relevant.

— Volontiers.

Il regarda un instant le sourire paresseux qui illuminait le doux visage, avant de l'embrasser une dernière fois.

— Tu es vraiment très belle, chuchota-t-il. Je reviendrai pour le déjeuner. En attendant, ne laisse pas Margaret te tirer les vers du nez !

— Je l'aime bien, lui confia Elissa.

— Et Margaret vous le rend bien, ma jolie ! lança la gouvernante, qui revenait, une assiette d'œufs brouillés dans les mains.

Elle sourit à King de toutes ses dents.

— Et vous, vous avez trop de chance !

Elissa ne l'avait encore jamais vu rougir.

— Bon ! J'y vais! marmonna-t-il entre ses dents.

Saisissant son chapeau au passage, il se l'enfonça jusqu'aux sourcils et sortit à grandes enjambées.

— Il n'y a que quand je dis quelque chose qui l'ennuie qu'il marche comme ça, déclara Margaret avec un petit rire. Je m'en moque, je dis toujours la vérité et vous êtes la première qu'il amène ici depuis très longtemps. Il doit être sacrément amoureux de vous.

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Mais méfiez-vous quand même, ce n'est pas un enfant de chœur, loin de là !

Elissa éclata de rire.

— Margaret, vous êtes unique ! Pourtant, vous vous trompez. King ne m'aime pas. Je ne suis qu'une amie pour lui.

— Bien sûr ! Et moi, je suis Blanche-Neige !

Elle s'assit, se servit une tasse de café et croisa les bras sur sa poitrine.

— Et si vous me parliez de vous ? Je crois que vous êtes dessinatrice de mode...

Ce fut une véritable inquisition et quand, enfin, Elissa parvint à échapper à cette femme redoutable, Margaret n'ignorait plus rien d'elle, depuis son parfum préféré jusqu'à la passion de son père pour les reptiles.

Un peu plus tard dans la matinée, elle alla visiter les étables et découvrit même un splendide taureau, énorme, qui avait un bâtiment pour lui tout seul et occupait à son service un employé à temps plein.

Lorsque King rentra pour déjeuner, il la trouva en train d'admirer le superbe animal. Il lui fit remarquer qu'il s'agissait d'un excellent reproducteur, fruit de croisements soigneusement mis au point, l'orgueil du ranch. Après lui avoir expliqué mille détails sur les bovins, il l'invita à s'asseoir sur la balancelle, tandis que Margaret leur apportait des sandwiches qu'ils dévorèrent à belles dents.

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Après le déjeuner, il lui sella un cheval et lui prêta un chapeau de paille.

— Tu te souviens du jour où nous avons interrompu notre course au bord de la plage parce que ta monture t'avait désarçonnée et projetée dans les vagues? demanda-t-il. Eh bien, aujourd'hui, je t'accorde ta revanche !

— Pari tenu ! répondit-elle en saisissant les rênes. Et cette fois, ne t'attends pas à me perdre !

— C'est ce que nous verrons !

Il donna un petit coup d'étrier et son pur-sang s'élança dans un nuage de poussière. Vive comme l'éclair, Elissa le rejoignit et ils galopèrent côte à côte.

Ils arrivèrent à l'enclos où étaient parqués les veaux et Kingston lui raconta des histoires de cow-boys qu'elle écouta, les yeux écarquillés. Il trouva son expression si adorable qu'il s'approcha d'elle et s'empara de ses lèvres. Sous la sienne, la bouche d'Elissa s'entrouvrit et ce baiser qu'il avait voulu tendre, presque chaste, se fit passionné, ardent, impétueux.

— Elissa... , murmura-t-il enfin. Tu es si sensuelle, si délicieusement femme... Sais-tu que tu m'ensorcelles? Dès que je t'embrasse, je sens mon désir renaître.

Elle le considéra en souriant, les yeux brillants d'amour.

— Et sais-tu que j'en suis fière? Même si tu ne m'aimes pas, fit-elle, une nuance de regret dans la

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voix.

Il lui prit la main, la porta à ses lèvres.

— Si tu veux que je t'aime, épouse-moi, Elissa. Cela viendra avec le temps.

Elle se mordit la langue pour ne pas crier oui.

— J'y réfléchirai.

C'était tout réfléchi. Bien qu'alléchante, cette proposition était inacceptable.

King resserra son étreinte autour de son poignet.

— Très bien, dit-il.

Elle fit un effort pour changer de sujet.

— Calhoun sait que nous sommes arrivés?

— Oui. Je lui ai téléphoné. Il nous propose une promenade à cheval à quatre, demain après-midi.

Il lui souleva le menton, scruta ses yeux bleus.

— Ne décide rien maintenant. Tu me donneras ta réponse demain.

— Je... je tiens à toi, King.

— Alors dis-moi oui.

C'était pure folie !

— Oui ! s'entendit-elle répondre.

Chapitre 9.

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Elissa passa tout l'après-midi à aider Margaret à la cuisine. Kingston était retourné à son travail. Sous les regards insistants de la gouvernante, Elissa comprit que son trouble se voyait à l'œil nu.

— Je vous écoute ! finit par dire Margaret. Racontez-moi ce qui ne va pas.

— Il veut m'épouser, confessa la jeune femme en frottant rageusement le fond d'une casserole.

— Hourrah !

Elissa ne leva pas les yeux de son ustensile.

— Ce n'est pas si simple qu'il y paraît. Il ne m'aime pas.

Margaret poussa un petit gloussement.

— Les hommes n'ont aucune idée de ce qu'est l'amour, jusqu'au moment où ils s'aperçoivent qu'ils y sont plongés jusqu'au cou. Vous pouvez me faire confiance ! Je connais Kingston depuis son enfance et je peux vous dire qu'il n'a jamais regardé aucune femme comme il vous regarde.

Elissa ne savait plus que penser. King la convoitait, c'était indéniable. Peut-être l'aurait-il aimée, sans l'influence de Bess...

Elle poussa un lourd soupir.

— Ne vous inquiétez pas, la rassura Margaret. Contentez-vous de dire oui et je m'occupe de tout le reste : invitations, réception, tout !

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Trop préoccupée pour répondre, Elissa garda le silence.

Les deux femmes attendirent Kingston un long moment puis se résolurent à dîner seules. Après tout avoir rangé, Margaret rentra chez elle retrouver Ben, son mari. Elissa prépara une assiette pour King et s'apprêtait à la recouvrir lorsqu'il fit son entrée.

Il avait l'air très fatigué et ses bottes étaient poussiéreuses. Immobile, le pouce et l'index sur le bord de son Stetson, il l'observait depuis la porte de la cuisine.

— Ce caftan blanc et or te va à ravir. Il donne à ta peau l'éclat doré d'un abricot.

Elissa le remercia d'un sourire et l'invita à passer à

table.

— Et Margaret ?

— Elle est rentrée chez elle mais dans sa grande générosité, elle t'a gardé ta part.

Soudain gêné, King fixa le bout de ses bottes et se tortilla un peu.

— C'est que... Eh bien, Jim était au camp avec nous. Jim, c'est le cuisinier et il nous avait concocté un chili con carne avec des tortillas et, en dessert, un pudding dont je n'ai pas fini de rêver...

Il pencha la tête et lui adressa un sourire éclatant.

— Tu me promets de ne rien répéter à Margaret ? Ce serait terrible, si elle l'apprenait. Nous en serions

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réduits à manger des biscuits brûlés pendant au moins une semaine ! Si tu arrives à faire disparaître l'objet du délit en toute discrétion, je redescendrai dès que j'aurai pris une bonne douche et... je te remercierai pour ta coopération, conclut-il, la voix plus grave d'une octave.

A ces mots, le pouls d'Elissa s'accéléra, tandis qu'elle sentait sur elle la brûlure de son regard très noir.

La seconde suivante, il détourna brusquement la tête et s'engagea dans l'escalier.

Il s'arrêta pourtant à mi-chemin.

— Et si tu nous préparais du café ? Nous pourrions en boire une tasse en discutant.

Tout en parlant, il la caressait des yeux et Elissa crut que ses genoux allaient se dérober sous elle. En cet instant, discuter n'était pas la principale préoccupation de King, et elle le savait. Ils étaient tellement en phase qu'elle aurait presque pu le sentir respirer.

— Je m'en occupe, répondit-elle, la voix rauque.

— Et... resterait-il une petite tranche de gâteau? ajouta-t-il, une lueur espiègle dans le regard.

— Je vais te trouver ça. Satisfait, il monta se doucher.

Une fois le café prêt, Elissa disposa le service en argent sur un plateau qu'elle porta au salon, puis elle s'installa confortablement dans le canapé.

Quelques minutes plus tard, il la rejoignait, vêtu d'un jean délavé et d'une chemise bleue largement ouverte

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sur la poitrine. Ses cheveux étaient encore humides et il sentait bon l'eau de Cologne. Une lueur admirative dans les yeux, elle le regarda s'asseoir à côté d'elle.

— Je te sers? dit-elle d'une voix incertaine.

Pour cacher son trouble, elle se laissa glisser entre le canapé et la table basse.

— Tu me sembles bien nerveuse. Qu'est-ce qui ne va pas ?

— Je l'ignore.

Il attendit qu'elle repose la lourde cafetière et l'obligea à se tourner vers lui. Tout en la fixant intensément, il caressa du bout du doigt sa joue rosie par l'émotion. Elle avait un visage si ouvert, si expressif, que tous ses sentiments s'y lisaient comme à livre ouvert.

Elle l'adorait, c'était évident, et cela le troublait profondément. Un désir fou s'empara de tout son être. Il voulait la posséder et, pour la première fois de sa vie, il ne s'agissait pas d'un simple désir physique. Il la voulait, la désirait corps et âme.

Il l'embrassa, lentement, voluptueusement. Soudain, il se sentait aussi passionné qu'un adolescent. Soudain, il avait envie de s'enivrer à son parfum fleuri, de se laisser griser par sa réponse timide et pourtant violente.

Avec un long soupir, il l'aida à se relever et la fit asseoir sur ses genoux, avant d'effleurer encore ses lèvres, de laisser ses mains courir sur ses hanches, sa

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taille, la rondeur affolante de ses seins. Yeux grands ouverts, King se voyait la caressant, tout comme il voyait son corps souple frémir, se tendre vers lui.

— Je te désire plus que je n'ai jamais désiré quiconque, dit-il dans un souffle. Je veux... je veux que nous ne fassions qu'un !

— Oui, chuchota-t-elle.

Peut-être n'auraient-ils plus jamais l'occasion de partager un tel moment. Peut-être était-ce leur seule chance et elle voulait lui appartenir, ne serait-ce qu'une fois.

Elle fit coulisser jusqu'à sa taille la fermeture Eclair de son caftan. La respiration de King se fit plus rapide. Le vêtement glissa sur ses épaules, puis à terre.

King se pencha sur elle avec vénération et elle gémit en sentant ses lèvres se poser sur ses seins, son ventre. Son corps tout entier semblait aller à la rencontre de ses caresses et, bien avant qu'il n'ait terminé de la dévêtir, elle sut qu'elle avait perdu la tête.

Il se déshabilla à son tour et, revenant vers elle, frotta sa peau bronzée à la sienne, plus pâle, avec une sensualité telle qu'elle en eut le souffle coupé.

— N'aie pas peur, murmura-t-il. Ce sera merveilleux. Je te promets de faire de ce moment une fête somptueuse.

Levant le front vers lui, elle vit le sentiment tendre qui adoucissait son regard. Elle l'aimait tant qu'en cet

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instant magique, elle lui appartenait, se sentait totalement, inexorablement sienne.

— Oh King! soupira-t-elle.

Il la souleva et, la rapprochant encore de lui, lui prodigua mille caresses plus voluptueuses les unes que les autres. Prête à défaillir, Elissa lui répondait avec la même passion, la même sensualité. Quand il la sut aussi impatiente que lui, il se pencha vers elle. Elle ouvrit grands les yeux, un peu inquiète.

— Laisse-toi aller, Elissa. Détends-toi, ma chérie...

Il la prit par la taille et l'attira doucement contre lui.

Elle se raidit un instant, crispa ses doigts sur ses épaules. Le front posé contre le sien, elle s'offrit à lui, s'abandonna au rythme lascif qu'il imprimait à leurs deux corps. Violente, une onde de douleur la traversa un instant, si brève qu'elle crut l'avoir imaginée. Mais King continua à se mouvoir en elle, lentement, lascivement, et le plaisir revint. Encore et encore. Tremblante, elle lui mordilla l'épaule en gémissant.

Kingston l'observa entre ses paupières mi-closes.

— Tu es superbe. Et cette expression, sauvage, extatique, presque douloureuse... Mais ce n'est pas de la souffrance, n'est-ce pas ?

— Nnnon, articula-t-elle à grand-peine.

Il la caressa et elle poussa un petit cri, vite étouffé.

— Ne te retiens pas, Elissa. Crie ton plaisir.

Il la prit par les hanches pour mieux la souder à lui.

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Jamais Elissa n'aurait imaginé que ce moment serait aussi intense, aussi torride. Dans la nuit, les yeux de King brillaient, comme pour l'encourager à s'abandonner davantage encore. Elle cria et l'agrippa plus fermement aux épaules tandis qu'un frisson insoupçonné, plus puissant que tout ce qu'elle avait connu jusqu'alors, la projetait de toutes ses forces contre lui.

Il la sentit se figer dans ses bras et connut à son tour la même extase enfiévrée.

La réalité reprit peu à peu ses droits. Avec une grande douceur, Kingston prit entre ses mains le visage humide de larmes d'Elissa, l'embrassa tendrement en murmurant son nom.

— Elissa, lui confia-t-il en souriant, je n'ai jamais rien connu d'aussi fort... et je crois que toi non plus. Sais-tu que c'est très rare, la première fois ?

— Mon corps devait l'ignorer !

Il bougea imperceptiblement, lui arrachant un soupir.

— Délicieux, n'est-ce pas ? fit-il, sûr de lui. Puis, plus grave :

— J'espère que tu ne regrettes rien. Et surtout que tu ne me détesteras pas.

— Comment le pourrais-je ?

— Je t'ai fait déroger à tes principes.

— Non, King. C'est moi qui me suis offerte.

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— En es-tu certaine? N'est-ce pas plutôt moi qui ne t'ai pas laissé le choix?

Elissa ne dit mot, mais son visage épanoui constituait à lui seul la réponse à toutes ses interrogations. Apaisés, heureux, ils s'allongèrent dans le grand lit de Kingston et s'endormirent, tendrement blottis dans les bras l'un de l'autre.

Elissa eut l'impression d'avoir très peu dormi lorsque les bruits de la campagne l'éveillèrent. Elle ouvrit les yeux, sourit de voir à côté d'elle King nu, apparemment si vulnérable dans le sommeil.

— Il fait jour ! lui chuchota-t-elle à l'oreille.

— Vraiment?

Il l'attira à lui, roula avec elle sur le lit et, de désir en soupir, partagea avec elle d'autres instants fabuleusement sensuels qui les laissèrent épuisés, heureux, dans les bras l'un de l'autre.

La matinée touchait à sa fin et, après un dernier baiser, Kingston se leva et sortit de l'armoire un jean bleu ciel et une chemise assortie qu'il enfila. Assise au beau milieu du lit, Elissa ne le quittait pas des yeux.

Il s'approcha d'elle et, lui prenant la main, la porta à ses lèvres, baisa la paume tiède. Qu'elle était belle! Malgré son innocence, malgré ses inhibitions, elle s'était donnée à lui sans retenue. Et lui la désirait encore, pressentait qu'il en serait ainsi toute sa vie. Toute une vie avec Elissa ! Toute une vie à la chérir, la protéger... Le souvenir de Bess lui traversa un instant l'esprit et s'évanouit. C'était Elissa qu'il allait

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épouser, Elissa auprès de qui il dormirait chaque nuit.

— A quoi penses-tu?

— Je me demandais si tu m'aimais.

Elle rougit et il lui caressa la joue, étonné du bonheur intense que lui procurait sa réponse muette.

— Je me doutais bien que tu n'aurais pas pu te donner à un homme que tu n'aimes pas, dit-il à mi-voix.

Elle baissa les yeux.

— King... , est-ce que tu resteras quand même mon ami ?

Il s'assit près d'elle et la prit dans ses bras.

— Ton ami ? Mais je veux t'épouser, Elissa ! Au fond, je suis plus conventionnel que je ne l'imaginais. Je suis même prêt à tordre le cou au premier qui s'intéressera à toi d'un peu trop près !

Elle ouvrit la bouche pour lui répondre, mais d'un baiser, il l'empêcha de parler.

— Habille-toi, lui dit-il en relevant la tête. Je te propose un bon petit déjeuner et après, une promenade en voiture dans les environs.

— Formidable !

Quelques minutes plus tard, elle descendit à la cuisine et le trouva attablé devant une tasse de café.

— Tiens, c'est pour toi !

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Et il lui glissa au doigt une superbe émeraude.

— Cette bague appartenait à ma grand-mère. Plus tard, tu la donneras à notre fils aîné.

Emue aux larmes, Elissa était incapable d'articuler la moindre parole. Au fond d'elle-même, elle espérait que Kingston n'agissait pas ainsi pour satisfaire son sens des responsabilités. Il n'était pas amoureux d'elle, elle le savait. Mais puisqu'il l'appréciait, qui sait, avec le temps, elle parviendrait peut-être à gagner son cœur.

Elle se jeta à son cou.

— Je t'aime, King. Je t'aime très très fort.

Il la berça contre sa poitrine. Jamais elle ne lui avait paru aussi douce, fragile, délicatement féminine. Elle sentait les fleurs des champs, sa peau était aussi douce que la plus fine des soies et il voulait la garder contre lui à tout jamais.

— Qu'ils sont mignons ! s'exclama Margaret en s'arrêtant sur le pas de la porte.

— Regardez! dit Elissa en lui tendant sa main.

— Alors c'est sûr ? Vous allez vous marier ? Dieu soit loué ! C'est Ben qui va être content ! D'ailleurs, je vais de ce pas le prévenir !

Et elle sortit, tandis que King et Elissa échangeaient un baiser, bientôt interrompu par la sonnerie du téléphone.

— Ne te dérange pas, j'y vais ! déclara Kingston en se levant d'un bond.

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Il alla dans le couloir, souleva le combiné et resta quelques secondes silencieux, presque figé, avant de s'indigner.

— Que faisait-il à cheval !

Puis, soudain radouci :

— Non, ma chérie, non ! Ne pleure pas ! Je ne voulais pas te faire de peine. Ne bouge pas, j'arrive. Tout ira bien, je te le promets.

Il raccrocha et sortit les clés de sa voiture de la poche de son jean.

— C'était Bess. Calhoun vient de faire une chute de cheval. Il est à l'hôpital avec une jambe cassée et quelques traumatismes. Bess est très déprimée. Elle a besoin de moi.

Et, sans un regard pour celle qu'il venait de demander en mariage, il sortit en courant presque. La gorge serrée, Elissa le suivit des yeux.

Chapitre 10.

Lorsque Margaret arriva quelques minutes plus tard, Elissa, la tête entre les mains, la mine pâle et défaite, était attablée devant une tasse de café froid.

— Où est-il? demanda Margaret.

Elissa se redressa vivement.

— Calhoun s'est cassé la jambe en tombant de cheval

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et King est allé à l'hôpital.

— Ça devait arriver, fit Margaret, catastrophée. Calhoun a toujours été un piètre cavalier. Ce n'est pas trop grave ?

— Bess n'a pas donné de détails.

Margaret s'assit face à Elissa.

— Cette jeune femme dispose de beaucoup trop de loisirs. Son mari devrait s'occuper d'elle davantage. Calhoun veut tellement réussir que ça l'empêche de vivre. Il ne pense qu'à son travail, même quand il vient dîner ici. Bess le regarde tristement, mais il ne s'en aperçoit même pas. Notez bien que je comprends pourquoi il agit ainsi, mais enfin, Bess n'est pas femme à supporter ce genre de comportement.

Et Margaret d'expliquer en détail l'enfance difficile de Bess. Lorsqu'elle eut fini son exposé, Elissa éprouvait plus de compassion pour la jeune femme qu'elle ne l'aurait cru possible. Pourtant, elle ne pouvait s'empêcher de penser que King l'avait délaissée pour se précipiter à son secours.

— Ça ne vous dérange pas qu'il soit parti ?

— Non, dit Elissa en refoulant ses larmes. Je l'aurais même accompagné s'il me l'avait demandé. Il a dû juger que Bess avait besoin de lui.

Margaret fronça les sourcils.

— Bess aime Calhoun. Quant à King, il vous a demandée en mariage, non?

— Oui, mais c'est parce que nous avons...

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Elle se mordit la lèvre et se sentit rougir sous le regard insistant de Margaret.

— ... parce qu'il sait que je suis amoureuse de lui, termina-t-elle. Il s'y sent obligé.

— Eh bien, tant mieux ! Au moins, ça prouve que j'ai réussi à lui inculquer certaines valeurs morales ! Parce qu'en réalité, c'est moi qui l'ai élevé. Sa mère ne s'est jamais occupée de lui.

Elissa garda le silence. Les yeux baissés, elle contemplait l'émeraude qui ornait son doigt. La nuit dernière, cette bague lui avait paru un symbole de l'engagement de King. A présent, elle ne représentait plus rien.

Comment avait-elle pu être assez sotte pour imaginer qu'elle lui ferait oublier Bess?

— Si vous l'aimez, battez-vous! conseilla Margaret d'un ton sans réplique. Il n'éprouve que de la pitié et une grande affection pour elle. Vous, c'est différent : il vous apprécie pour vous-même.

— Il m'apprécie, répéta songeusement Elissa. Mais cela ne suffit pas !

— La pitié non plus ne suffit pas ! trancha la gouvernante. A présent, vous allez avaler un bon petit déjeuner pour reprendre des forces. Parce que si Calhoun doit passer plusieurs jours à l'hôpital, nous allons probablement accueillir une invitée.

A ces mots, Elissa faillit s'étrangler. Son cœur se serra. C'était une éventualité qu'elle n'avait pas envisagée et qui lui semblait pourtant évidente

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maintenant.

Quelques heures plus tard, en effet, Kingston revint, traînant dans son sillage une Bess blême, le visage ravagé par les larmes. Elle portait encore sa culotte de cheval et un superbe chemisier de soie largement échancré. Ses cheveux blond vénitien dansaient sur ses épaules et elle s'accrochait à King comme un naufragé à une bouée de sauvetage.

— Je vais l'installer, dit Kingston à Elissa. Appelle Margaret, pour qu'elle l'aide à se déshabiller. Ah ! Tu n'aurais pas une chemise de nuit à lui prêter?

— Bien sûr, répondit tristement Elissa. Et Calhoun ?

— Ça ira, dit King, un bras autour des épaules de sa belle-sœur. Il sortira d'ici quelques jours.

— Ouf ! Il l'a échappé belle ! soupira-t-elle, soulagée.

Apparemment, les deux autres ne partageaient pas ce sentiment.

Elle n'avait apporté que deux chemises de nuit, mais alla porter la bleue à sa rivale, sous le regard sinistre de Margaret, puis redescendit l'escalier.

Kingston se fit monter son dîner dans la chambre de Bess, abandonnant Elissa à la compagnie de Margaret.

— Quel idiot ! grommela la gouvernante, en offrant à Elissa un bol de soupe chaude.

— Je ne veux pas qu'on me plaigne, protesta celle-ci. J'ai agi en pleine connaissance de cause. A présent, je n'ai plus qu'à rentrer à Miami.

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— Impossible ! Si vous faites ça, ils vont rester seuls et les gens jaseront. Vous ne pouvez pas de sang-froid prendre cette responsabilité. Votre conscience vous le reprochera.

Ma conscience n'en est plus à ça près ! songea Elissa. De toute façon, sa décision était prise : elle partirait dès le lendemain. Elle n'avait pas le choix puisque voir King et Bess ensemble lui brisait le cœur.

Son repas avalé, elle remonta à l'étage. Margaret avait laissé la porte de Bess ouverte et en passant dans le couloir, Elissa la vit, radieuse, ses mains dans celles de King. Sans l'avoir cherché, elle entendit également des bribes de conversation. Bess se plaignait de la solitude.

— Je vais demander le divorce, Kingston. Calhoun ne m'aime plus et quand je suis avec toi...

C'en était trop ! Elissa donna trois petits coups secs et entra. Tous deux se retournèrent d'un bloc.

— Comment vous sentez-vous, Bess?

La jeune femme retira prestement sa main de celles de King et rougit, l'air embarrassé.

— Oh ! Bien mieux, merci ! J'avais oublié votre présence, ajouta-t-elle en triturant nerveusement ses draps.

— Vu les circonstances, c'est tout à fait compréhensible.

Elle hésita un instant, incapable de regarder King.

— Il ne me reste plus qu'à vous souhaiter une bonne

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nuit et à souhaiter que Calhoun se rétablisse vite.

Le cœur en miettes, elle sortit. A sa grande surprise, King murmura quelques mots à Bess et la suivit dans le couloir.

— Je suis ravie qu'elle reprenne le dessus, dit-elle, souriante mais le dos très droit, très raide.

— Elle a bien surmonté le choc, mais il fallait que je m'occupe d'elle.

D'elle, pas de son frère!

— Oui, bien sûr.

— Tu sais, Elissa... pour la nuit dernière...

— La nuit dernière ? Je comprends. Je suppose que c'est ceci que tu veux ?

Elle retira sa bague et la lui mit dans la main. Cette main qui, hier, l'avait fait frémir sous ses caresses... Pour un peu, elle en serait morte de honte.

Il lui décocha un regard furieux. Après ce qui s'était passé entre eux, comment pouvait-elle, comment osait-elle imaginer une chose pareille ?

— Je ne t'ai jamais demandé de me rendre cette bague! s'écria-t-il.

— C'est vrai, mais je suis certaine que cette idée t'a traversé l'esprit. J'ai entendu malgré moi votre conversation, King, confessa-t-elle. Puisque Bess veut divorcer, il ne me reste plus qu'à m'effacer et à vous souhaiter bonne chance.

Elle baissa les yeux, s'émut au spectacle de son torse

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vigoureux, de ses larges épaules, de ses mains solides qui savaient se montrer si douces. Des images folles défilaient devant ses yeux. Il ne fallait pas. Elle serra les poings et tourna prestement les talons pour qu'il ne la voie pas pleurer.

King la suivit du regard, abasourdi. Pourquoi s'enfuyait-elle ? N'avait-elle pas accepté de l'épouser? Pendant quelque temps en effet, il avait cru être amoureux de Bess. Mais ses yeux s'étaient dessillés à temps et il savait à présent que c'était Elissa qu'il aimait. Personne d'autre. Comment pouvait-elle être assez aveugle pour l'ignorer ?

— Et toi ? demanda-t-il. Qu'adviendra-t-il de toi ? As-tu réfléchi que tu pouvais être enceinte ?

— C'est mon problème !

— Jamais de la vie ! Cela me concerne aussi.

Toujours son sens des responsabilités, songea-t-elle, dépitée.

— Si c'est le cas, je t'en avertirai.

— Comment ça, tu m'en avertiras ? Nous allons nous marier, Elissa, l'aurais-tu déjà oublié ?

— J'ai changé d'avis. Je ne veux pas devenir comme Bess, une femme que son mari délaisse. J'attends davantage de la vie. Quelle sorte d'union me proposes-tu si à chaque fois qu'elle t'appelle tu pars en courant ?

— Je n'avais pas le choix, Elissa. Bess s'effondre devant la moindre difficulté et si Calhoun n'est pas là

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pour s'occuper d'elle, je me sens responsable. Comment peux-tu imaginer...

— Je ne m'imagine rien du tout! coupa-t-elle. J'ai même l'impression d'y voir soudain très clair, au contraire. Bess est fragile et a besoin de ta protection. Moi, je suis forte et je peux me débrouiller seule, c'est bien ça, King ?

— En effet! explosa King. Toi, tu n'as jamais eu besoin de personne !

Elle sourit pour lui cacher son désarroi.

— Alors, tout est pour le mieux. Je m'en vais, King, et ne crois surtout pas que je vais me consumer d'amour pour toi ! Tout est fini entre nous. Tu peux retourner consoler Bess, moi, j'ai mes valises à faire !

Elle s'engouffra dans sa chambre et en ferma la porte à double tour. Elle entendit les pas de King décroître dans le couloir. Parce que tu croyais qu'il allait venir te chercher, alors que Bess lui tend les bras ? songea-t-elle. Pauvre folle ! Incapable de contenir davantage son chagrin, elle s'effondra sur son lit et se mit à pleurer à chaudes larmes.

Le matin suivant, elle revêtit la plus flamboyante de ses créations, un pantalon blanc très moulant à taille haute, un chemisier de soie rouge vif très épaulé et compléta l'ensemble d'une paire d'escarpins rouges et d'un sac assorti. Elle remonta ses cheveux en un gracieux chignon et porta un soin tout particulier à son maquillage. Voilà, elle était prête. Le miroir lui renvoya l'image de la femme élégante et sophistiquée

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qu'elle avait toujours rêvé d'être, mais curieusement, elle s'aperçut que cela ne l'intéressait plus.

Elle cacha ses yeux rougis sous d'énormes lunettes de soleil et, rassemblant son courage, elle descendit, rayonnante, prendre son petit déjeuner.

— Bonjour tout le monde! lança-t-elle à Kingston, sombre, renfrogné, et à Bess, encore plus pâle qu'à l'accoutumée. Juste un toast, Margaret, s'il vous plaît. Je préfère manger léger quand je prends l'avion.

— Alors c'est irrémédiable, vous partez ? fit Margaret, catastrophée.

— Oui. J'ai réservé ma place et un taxi passera me chercher.

— Je te conduis à l'aéroport, proposa King.

— Pas question ! répondit-elle avec un sourire désarmant. Calhoun a besoin de toi.

— Je vais divorcer, lança Bess.

— Je sais. Vous avez sans doute raison. Je suis sûre que vous trouverez quelqu'un de plus attentionné que Calhoun.

— Calhoun travaille très dur ! répliqua Bess avec une vivacité qui étonna Kingston.

Elissa ne répondit pas et mordit à belles dents dans le toast que Margaret venait de déposer devant elle.

— Pourquoi ces lunettes de soleil ? demanda King. Tu as mal à la tête?

— Oui. Mais rassure-toi, ce n'est pas ce qui

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m'empêchera de partir.

— Elissa ! hurla King en frappant du poing sur la table. Assez d'enfantillages ! Cesse de te conduire comme si j'avais hâte de me débarrasser de toi, alors que tu sais pertinemment que je veux t'épouser !

Bess ouvrit de grands yeux.

— M'épouser ? fit Elissa, imperturbable. Il n'en est pas question ! Je préférerais... Tiens, je préférerais Blake Donovan !

— Va le chercher, ma belle ! C'est un cœur à prendre !

— Merci pour cet excellent conseil !

Résistant à la furieuse envie de lui lancer sa tasse de café à la figure, elle se leva dignement et sortit.

Un peu plus tard, Margaret la rejoignit dans sa chambre pour tenter de la faire changer d'avis.

— Ne partez pas. Je le connais et je ne lui donne pas trois jours pour comprendre son erreur.

— Je crois que vous vous trompez, dit Elissa en s'essuyant les yeux. Mais je vous remercie de vouloir m'aider. Au revoir, Margaret, je ne vous oublierai pas.

Elle s'empara de son sac, dévala l'escalier quatre à quatre et claqua la porte derrière elle.

— Que se passe-t-il ? grommela King, en se précipitant à la fenêtre.

Il eut juste le temps d'apercevoir Elissa s'engouffrer

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dans un taxi, puis disparaître dans un nuage de poussière.

— Oh non ! s'écria-t-il. Je ne peux pas la laisser faire ça !

— Mais Kingston, murmura Bess en lui faisant les yeux de velours, j'avais quelque chose à te dire...

— Eh bien ! Tu me le diras plus tard. Ecoute Bess, j'ai beaucoup d'affection pour toi et je sais que tu te sens très seule, mais c'est Elissa que j'aime.

— Je l'avais compris, soupira-t-elle.

— Ne t'inquiète pas, ajouta-t-il en souriant. A mon retour, nous l'aurons, cette grande discussion.

Sur la route de l'aéroport, il battit tous ses records de vitesse. Il devait à tout prix retrouver Elissa avant qu'elle ne s'envole pour Miami. Il y avait fort à parier qu'en ce moment, elle était rongée de remords en repensant à la nuit qu'ils avaient passée ensemble.

Lorsque, deux heures plus tard, elle le vit surgir devant elle, essoufflé, impatient, les cheveux en bataille, elle sentit son cœur se briser à nouveau.

— Il faut que je te parle ! dit-il en fonçant sur elle.

— Nous n'avons plus rien à nous dire.

— Le temps presse, alors tu vas m'écouter, Elissa, marmonna-t-il. Tu te fais de fausses idées, mais tu es trop têtue pour en démordre. Tu ne veux pas m'épouser, soit ! Cependant, tu vas me promettre une chose : si tu découvres que tu es enceinte, je veux être mis au courant immédiatement. Sinon, je téléphone à

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tes parents et je leur raconte tous les détails de cette histoire sordide.

Une histoire sordide ! Voilà ce qu'il pensait de leur relation ! Et elle qui était assez sotte pour l'aimer !

— Entendu, fit-elle, très froide. Je tiens quand même à te préciser une chose : j'ai cru t'aimer, mais je sais à présent que je me trompais.

— Tu mens !

— Non. L'amour n'intervient jamais dans les histoires sordides. Nous avons vécu une petite aventure sans lendemain, voilà tout. Sur ce, adieu, cow-boy!

Hors de lui, il jeta son chapeau à terre et se retint pour ne pas le piétiner. Une petite aventure sans lendemain ? C'est bien ainsi qu'elle avait qualifié la nuit merveilleuse qu'ils avaient passée ensemble, la plus belle nuit qu'il eût jamais vécue ? Eh bien, il ne lui restait plus qu'à l'oublier!

Il rentra chez lui de fort méchante humeur.

— Et voilà! s'exclama Margaret, rageuse, en guise d'accueil. Vous êtes satisfait, je suppose? C'est la première fois qu'une femme s'intéresse à autre chose qu'à votre argent et vous trouvez le moyen de la faire fuir ! Je me demande vraiment ce que vous avez dans la tête ! Et maintenant, la femme de Calhoun qui...

— Assez! menaça-t-il.

— Assez? fit Margaret en marchant droit sur lui. Vous croyez me faire peur? Je ne suis pas Bess, moi !

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— Que vient faire Bess là-dedans ?

— Elle est montée en courant dans sa chambre à la minute même où elle vous a entendu rentrer. Elissa, elle, ne s'en laisse pas compter, mais Bess... Au bout d'un mois, elle serait terrorisée devant vous. C'est ce que vous voulez pour elle? Vous croyez qu'elle n'a pas traversé assez d'épreuves dans son enfance?

Voilà qu'à présent, on l'accusait de terroriser les jeunes femmes sans défense ! Il ne manquait plus que ça ! Sans un mot, il s'assit, se servit une tasse de café et regretta que ce ne soit pas du whisky.

Bess n'était pas la femme qu'il lui fallait, et il n'avait pas attendu les bons conseils de Margaret pour s'en apercevoir. C'était Elissa qu'il voulait, Elissa qui lui manquait déjà. Il ferma les yeux et revit son visage épanoui, son regard brûlant d'amour. Il se souvint de la douceur de sa peau contre la sienne, de ses soupirs satisfaits...

Il se leva d'un bond. Le désir le torturait à nouveau. Sur le seuil, Bess le regardait timidement. Elle était blonde, belle, douce, mais c'étaient les yeux bleus et les cheveux noirs d'Elissa qu'il voyait.

— Tu m'en veux beaucoup ? fit-elle, d'une voix de petite fille.

Une petite fille, c'était exactement ce qu'elle était restée au fil des ans. Les traits de King s'adoucirent.

— Non, dit-il en la prenant par les épaules. Rien ni personne ne l'aurait arrêtée. Elle a cru que tu voulais quitter Calhoun pour m'épouser.

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— C'est ma faute. Oh ! Kingston ! J'espère ne pas avoir gâché ta vie. Elle t'aime, n'est-ce pas?

— Je ne sais plus.

— Je la trouve très sympathique. Si vive, si directe.

— Oui. Elle a presque aussi mauvais caractère que moi !

Il plongea les yeux dans ceux de la jeune femme.

— Tu es bien sûre de vouloir divorcer ?

— Non, répondit-elle dans un soupir. Je l'aime trop. Si seulement il pouvait comprendre que je me moque de son argent !

— Dis-le-lui !

— Je... je ne pourrai jamais !

— Mais si. Tu n'as rien à perdre.

— Pourquoi pas, après tout ?

Chapitre 11.

Contrairement à ce qu'elle lui avait annoncé, Elissa ne retourna pas directement chez ses parents, mais fit un détour par la Jamaïque. Elle allait profiter du fait que Kingston était occupé avec Bess pour régler quelques formalités.

Elle commença par se rendre chez lui pour récupérer Géronimo. Lorsqu'elle quitta la résidence, après avoir

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repris son bien, elle ne se retourna pas. Jamais plus elle ne remettrait les pieds dans cette maison de rêve. Elle préférait ne pas s'attarder, ne pas laisser les souvenirs l'assaillir, l'attendrir.

Tandis qu'elle s'occupait de son déménagement, Géronimo lui faisait les yeux doux et battait doucement des ailes pour attirer son attention. Elissa procéda sans hâte. Elle empaqueta ses affaires, remplit les formulaires pour le voyage de Géronimo, mit sa villa en vente.

Après ce qui s'était passé, elle était prête à rayer la Jamaïque de la carte du monde. Elle y resta trois jours puis, lorsque tout fut prêt, prit l'avion et s'envola loin de l'île, en laissant derrière elle tous ses souvenirs, hormis le plus bruyant: Géronimo.

Quelques heures plus tard, elle se garait devant la maison de ses parents. Sa mère était dans la cuisine et elle eut un mouvement de recul en voyant ce qu'Elissa portait à la main.

— Oh non ! gémit-elle. Tu as quand même fini par me rapporter ce volatile !

— Pas de panique ! la rassura Elissa. Il est très attachant.

— C'est bien ce que je redoute.

Elissa posa l'oiseau sur une chaise. Il jeta un coup d'oeil à Tina et attaqua son grand numéro de charme.

— Je t'aime ! criait-il. Tu es a-do-rable!

Puis il imita toutes sortes d'animaux et Tina, qui

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n'avait jamais approché de perroquet, fut séduite.

Elle tomba à genoux et essaya de le voir, à travers l'osier du panier de voyage.

— Que tu es beau ! J'ai bien envie de te caresser.

— A ta place, je m'en garderais bien. La présence d'inconnus l'excite et tu risquerais de perdre une oreille ou un nez dans l'affaire.

— Tu fais bien de me prévenir !

Soudain, Tina s'immobilisa et considéra sa fille avec étonnement. De toute évidence, quelque chose la troublait.

— Il y a un détail qui m'échappe. Tu m'as bien dit qu'il était resté à la Jamaïque. Alors comment as-tu pu le ramener si toi, tu étais au fin fond de l'Oklahoma? Et Kingston ? Qu'est-il devenu ?

— C'est une longue histoire. Tu devrais faire du café pendant que je décharge la voiture et que je me change. Ensuite, nous parlerons.

— Aïe! fit Tina, alarmée.

— C'est une analyse assez pertinente de la situation !

— Je suis désolée, ma chérie.

— Je suis contente d'avoir découvert la vérité avant qu'il ne soit trop tard. J'aurais pu gâcher sa vie en l'épousant.

— Il t'a demandée en mariage ?

— Il m'avait même offert une bague, dit-elle en se

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jetant dans les bras de sa mère.

De grosses larmes roulaient sur ses joues. A petites phrases hachées, elle lui raconta ce qui s'était passé. De l'histoire, Tina ne retint qu'une chose: Elissa aimait désespérément Kingston et l'avait quitté à cause de cela.

— Tu as bien fait, ma chérie, dit-elle en lui caressant les cheveux. Si l'on n'est pas capable de s'effacer lorsque c'est nécessaire, ce n'est pas d'amour qu'il s'agit.

— Je ne sais plus quoi faire maintenant, maman. J'ai vendu ma maison de la Jamaïque et... je peux rester avec vous ?

— Elissa, tu es ici chez toi.

La jeune femme leva vers sa mère un visage bouleversé. Elle aurait voulu tout lui dire, mais ne s'en sentait pas le courage.

— Je crois qu'il est grand temps que tu aies une petite conversation avec ton père, dit Tina en souriant. « C'est dans la peine qu'on reconnaît ses vrais amis », dit le proverbe. Eh bien, je crois que tu vas avoir une petite leçon sur la fragilité humaine.

Trop troublée pour chercher à comprendre, Elissa la suivit dans le bureau de son père.

— Elissa, ma chérie ! Quelle agréable surprise ! s'exclama M. Dean. Tu viens nous rendre visite?

— Je vais peut-être rester quelque temps, dit-elle, les yeux anormalement brillants.

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— Des nuages à l'horizon?

Tina hocha la tête.

— Elias, je crois que tu devrais lui raconter l'histoire du pasteur et du jeune couple, ça pourrait l'aider.

— Tu as certainement raison. Voudrais-tu nous faire du café, pendant ce temps?

Elle acquiesça et sortit en refermant la porte derrière

elle.

M. Dean serra Elissa dans ses bras, puis la fit s'asseoir dans un grand fauteuil et commença son histoire.

— C'est un jeune homme que j'ai connu autrefois, il y a environ vingt-cinq ans. A l'époque, il avait vingt-trois ans, était plutôt bagarreur et faisait partie d'une bande. Un jour, à la suite d'un cambriolage, la police l'a arrêté.

Il piqua du nez, fixa ses vernis noirs.

— Bref, pour en venir à l'essentiel, il s'est retrouvé en prison, abandonné du reste du monde, jusqu'à ce que l'aumônier s'intéresse à lui. Il faut te dire que ce jeune homme aimait le beau sexe et qu'il était profondément amoureux d'une fille ravissante qui bientôt fut enceinte de ses œuvres. Imagine un peu la situation de cette jeune femme: seule, enceinte, avec son amoureux sous les verrous.

Il soupira.

— L'aumônier le fit défendre par un bon avocat,

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l'aida à trouver du travail et l'encouragea à se marier.

Petit à petit, Elissa voyait plus précisément où il voulait en venir.

— Finalement, conclut son père, le jeune homme fut si reconnaissant qu'il décida à son tour de devenir pasteur.

— Ce jeune homme, c'était toi, n'est-ce pas?

— Oui. C'est notre histoire, à ta mère et à moi. Il se pencha vers elle et lui prit la main.

— Tu le vois, ma chérie, nous sommes tout à fait à même de comprendre la passion de la jeunesse. Maintenant, si tu me racontais ce qui t'est arrivé, peut-être pourrais-je t'aider.

Très émue, Elissa ne s'était jamais sentie aussi fière d'être la fille d'un tel homme.

— Ne te désespère pas. Lorsqu'on est dans un tunnel, on ne peut aller que vers la lumière.

Mise en confiance par ces confidences, elle lui raconta tout et, lorsqu'elle eut terminé, ils rejoignirent Tina pour dîner dans la cuisine.

— Il se peut que je sois enceinte, parvint-elle à leur dire.

— Kingston le sait? demanda sa mère.

— Oui. Il m'a fait promettre de l'avertir si tel était le cas. Mais si une telle éventualité se confirme, je ne tiens pas à le piéger. C'est Bess qu'il aime et je ne veux pas qu'il reste avec moi par devoir.

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— Sage décision, commenta son père. Cependant, peut-être sous-estimes-tu les sentiments qu'il te porte. J'ai l'impression que sa toquade pour Bess ne durera pas.

— Tu ne comprends pas ! Elle va divorcer !

— Ce n'est pas encore fait, chérie, et, je ne sais pourquoi, mais j'ai le pressentiment qu'elle ne le désire pas vraiment.

Le regard étonné de la jeune femme passa plusieurs fois de son père à sa mère.

— Vous n'êtes pas déçus?

— De quoi ? fit Tina en levant les sourcils.

— Eh bien... mais... par mon comportement dans cette histoire ! Je vais peut-être avoir un enfant !

— Nous n'avons rien contre les enfants.

Elissa soupira de soulagement. Décidément, elle ne comprendrait jamais leurs réactions, mais une chose était certaine : elle avait la chance d'avoir les parents les plus merveilleux de la terre.

C'est à ce moment précis que Géronimo, qui avait horreur de passer inaperçu, se mit à lancer son cri de guerre et, après un bref bonsoir à ses parents, Elissa le monta dans sa chambre et tenta de le raisonner.

— Au secourrrrrs ! Je veux sortiiiiiir ! hurla-t-il à tue-

tête.

Elle ne se laissa pas impressionner et, après l'avoir caressé, couvrit sa cage d'un geste ferme.

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Ce soir-là, elle s'endormit en pensant à King.

Six semaines plus tard, son médecin de famille lui confirma qu'elle était enceinte.

Soudain, ce qui n'était que supposition devint certitude et la vie prit une nouvelle coloration. Un bébé! Serait-ce un garçon ou une fille ? Aurait-il les yeux de King ? Elle se vit berçant dans ses bras ce petit être, lui murmurant mille petits riens pour l'endormir.

Plus elle se faisait à l'idée de devenir mère, plus cette perspective l'enchantait. Elle n'aurait pas King, mais elle portait leur enfant et se sentait submergée de tendresse.

Le plus difficile était d'imaginer toute une vie sans King, alors que le moindre coup de téléphone la faisait sursauter et que son cœur bondissait d'espoir à chaque fois qu'une voiture ralentissait devant chez ses parents. A présent, il lui fallait s'organiser et, pour commencer, trouver une nouvelle maison, juste pour elle et le bébé.

C'est alors qu'elle se rappela la promesse faite à King. Elle rentra chez elle et, profitant d'une absence de ses parents, prit son courage à deux mains et décrocha le téléphone.

Bess serait probablement chez King, que son divorce soit prononcé ou non. Peut-être même qu'elle préparait déjà son mariage prochain avec lui.

Le téléphone sonna une fois. Deux fois. A la troisième sonnerie, le cœur commençait à lui manquer et elle

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s'apprêtait à raccrocher quand une voix familière, un peu essoufflée, lui répondit.

— Bess ?

— Elissa ! Quelle bonne surprise ! répondit Bess avec enthousiasme. Kingston n'est pas là, mais...

— Où puis-je le joindre ?

— Je l'ignore. Voulez-vous me laisser un message.

— Ce sera inutile, merci.

Elle hésita un instant, mais n'osa pas lui demander où en était son divorce.

— Comment va Calhoun ?

— Beaucoup mieux. Il marche avec des béquilles et a déjà repris le travail. Vous êtes sûre que vous ne voulez pas me laisser de message ?

— Certaine. Je suis heureuse d'apprendre que votre... que Calhoun va bien. Au revoir.

Accablée de tristesse, elle lui raccrocha au nez. A présent, elle en avait le cœur net : Bess vivait avec King. Le choc était tel qu'elle aurait volontiers renoncé à avertir King, si la lâcheté ne lui avait fait horreur. Elle essaya donc de le joindre à son bureau, sans plus de succès. En désespoir de cause, elle lui écrivit un petit mot, l'adressa au siège de son entreprise à Oklahoma City, puis s'efforça de se consacrer à sa collection.

Une semaine plus tard, elle envoyait ses derniers dessins à Angel Mahoney et, après avoir décidé de

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s'installer un peu plus loin, dans une petite ville près de Saint Augustine, elle prépara ses valises en cachette, pour ne pas inquiéter ses parents. King avait dû recevoir sa lettre et s'il jugeait bon de ne pas y répondre, eh bien, cela le regardait.

Géronimo s'était considérablement assagi, comme s'il comprenait la situation. Peut-être avait-il remarqué un changement dans son attitude? Il est vrai que sa grossesse commençait à la fatiguer, que ses pantalons devenaient trop étroits et ses seins de plus en plus sensibles, mais ces inconvénients étaient bien légers en comparaison du bonheur qui l'attendait. Bientôt, elle aurait un enfant et l'aimerait tant qu'il serait aussi heureux qu'elle-même l'avait été.

Cette nuit-là, elle se coucha tôt et, après un dernier regard à la pleine lune et aux étoiles qui piquetaient le ciel, elle ferma les yeux en soupirant. King était peut-être aussi en train d'admirer cette nuit superbe, de la fenêtre de sa chambre, en Oklahoma. Elle le voyait, un bras passé autour des épaules de Bess et... Des larmes lui brûlèrent les paupières. Elle les refoula avec fermeté. Elle ne faisait plus partie de l'univers de King et mieux valait s'habituer à cette idée et ne plus y penser.

A deux heures du matin, elle fut réveillée par un coup violent frappé à la porte d'entrée. Elle passa à la hâte une robe de chambre et, se frottant les yeux, se précipita dans le hall.

— Qui est là?

— Kingston Roper.

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Tremblante, elle lui ouvrit. Une veste négligemment jetée sur l'épaule, la cravate desserrée, les traits tirés, il avait l'air épuisé, mais elle le trouva plus beau encore que dans ses souvenirs.

— Entre, dit-elle, d'un ton neutre.

Les yeux plus sombres que jamais, il la regarda fermer la porte sans dire un mot.

— Quel est ce bruit ? Oh ! Bonsoir, monsieur Roper ! dit Tina. Elissa, tu as l'air épuisé, tu devrais boire quelque chose. Tu peux installer M. Roper dans la chambre d'ami. Bonne nuit, ma chérie.

Et elle sortit aussi discrètement qu'elle était entrée.

— Je vais préparer du décaféiné, tu en veux? demanda-t-elle, très calme.

Kingston scruta son visage, y cherchant en vain un signe de bienvenue. Il avait tant espéré de cette rencontre ! Peut-être lui avait-il manqué autant qu'elle lui avait manqué? C'était même la raison pour laquelle il s'était interdit de reprendre contact avec elle le premier. A présent, il savait que ses espoirs étaient vains. Elissa n'éprouvait plus rien pour lui. Pourtant, il avait fait tout ce trajet pour venir la voir et il lui semblait que si elle le renvoyait maintenant, il ne s'en remettrait pas.

Un étau lui étreignait la poitrine. Sans un mot, il la suivit dans la cuisine.

Chapitre 12.

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King prit un siège et regarda Elissa couper des tranches de gâteau et sortir des tasses. Elle était ravissante, plus belle encore qu'auparavant. Quelque chose en elle avait changé, mais il n'aurait pas su dire quoi. A moins que... Se pourrait-il qu'elle soit enceinte ? A cette pensée, une bouffée de chaleur lui monta au visage et il la contempla d'un regard possessif. Il regagnerait son cœur, il le fallait.

— Je ne t'attendais pas, remarqua-t-elle.

— Je viens de rentrer de la Jamaïque.

— Vraiment?

Sans réaction apparente, elle plaça devant lui une tasse de café et un morceau de gâteau.

— Et j'ai eu la surprise de rencontrer la nouvelle propriétaire de ta maison, une petite rousse plutôt sympathique.

— C'est donc ce soir que tu as trouvé ma lettre, je suppose ?

— Oui. Sous une pile de factures. Et j'avoue qu'elle m'a étonné. Franchement, Elissa, tu ne crois pas que tu aurais pu faire mieux qu'un simple mot? « J'ai à te parler. Amitiés, Elissa » ? N'est-ce pas un peu succinct ?

— J'ai bien essayé de te téléphoner, mais en vain. Apparemment, personne ne savait où te joindre.

— C'était vrai.

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Il ne jugea pas utile de lui raconter l'enfer qu'il venait de vivre. Au cours des semaines précédentes, sa mauvaise humeur était devenue si intolérable qu'elle lui avait coûté le départ de deux de ses collaborateurs les plus précieux. Quel était l'imbécile qui avait osé prétendre que l'absence faisait aimer le retour ? Dans son cas, c'était certainement vrai, mais Elissa avait l'air de très bien se passer de lui.

— Alors, c'est pour quand ? demanda-t-il froidement.

Elle faillit en renverser sa tasse.

— J'imagine que c'est parce que tu es enceinte que tu m'as écrit, poursuivit-il. Alors me voici.

— Tout est arrangé. Je me suis organisée et j'ai même réussi à mettre mes parents au courant. Ils ont été parfaits, ajouta-t-elle avec émotion. Ni colère, ni critiques, ils se sont contentés de dire que nous sommes tous humains.

Vu les circonstances, King jugea bon d'afficher une mine consternée. En son for intérieur pourtant, il jubilait. Sans doute accepterait-elle de l'épouser à présent. Quant à M. et Mme Dean, en fin de compte, leur réaction ne le surprenait pas car ils lui avaient paru extrêmement ouverts.

— Lorsque le bébé sera né, tu pourras venir le voir. Pour l'instant, je préférerais que tu te tiennes quelque temps à l'écart. Pour éviter de faire jaser les voisins.

Il la regarda, stupéfait.

— Comment ça, me tenir à l'écart ? C'est mon enfant

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que tu portes et je veux m'occuper de vous deux.

— Je n'ai pas besoin que tu t'occupes de moi. Je ne t'ai prévenu que parce que je te l'avais promis.

Il en resta un instant bouche bée.

— C'est la seule raison ?

Elle leva les sourcils et feignit l'indifférence.

— Je n'en vois pas d'autre.

— Pourtant, tu m'aimais, gronda-t-il, furieux.

— Disons que j'avais le béguin pour toi. Je suis guérie maintenant !

Avec un calme parfait, elle prit les tasses vides et les posa dans l'évier. Pourvu qu'il ne se rende pas compte qu'elle mentait !

— Tu es très beau King et j'ai perdu la tête, poursuivit-elle. Il paraît que ça arrive souvent aux jeunes filles trop naïves...

Elle se retourna pour lui assener d'autres pieux mensonges mais la pièce était vide et la porte grande ouverte. Au même instant, une voiture démarra.

Pour couronner le tout, le téléphone sonna presque aussitôt.

— Allô ? fit-elle, en écrasant une larme.

— Elissa ?

— Bonsoir, Bess. Si vous cherchez à joindre King, c'est trop tard. Il sort d'ici, mais ne vous inquiétez pas. J'ai fait ce qu'il fallait pour qu'il vous revienne.

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Je n'interviendrai plus jamais entre vous et lui. D'ailleurs, le bébé et moi nous débrouillerons très bien tout seuls.

— Le bébé ? Quel bébé ?

— King vous expliquera tout. De toute façon, il n'a plus à s'en préoccuper. Bonsoir.

— Elissa, ne raccrochez pas, je vous en prie !

Et Bess lui raconta comment, grâce aux bons conseils de Kingston, Calhoun et elle avaient pu consolider leur couple. Elle lui expliqua aussi que, lors de son coup de téléphone précédent, elle n'avait pas eu le temps de lui dire qu'ils étaient venus en visite, et lui confia que, depuis qu'elle était partie, Kingston s'était montré d'une humeur exécrable. Enfin, elle lui dit combien elle regrettait d'avoir fait preuve d'autant d'égoïsme.

Elissa écoutait en silence et, au fur et à mesure que la situation prenait pour elle un jour nouveau, un remords terrible la gagnait.

— Oh non ! Et moi qui ai tout fait pour qu'il reparte ! Je ne voulais pas qu'il me sacrifie votre bonheur simplement parce que j'attendais un enfant !

— Je suis morte de honte ! s'exclama Bess. Ne pouvez-vous pas le rattraper ? Si je le revois avant vous, je lui expliquerai tout, vous pouvez compter sur moi. Surtout ne vous faites aucun souci, ce n'est pas bon pour le bébé. A bientôt, Elissa, il me tarde de connaître mon futur petit neveu !

Après avoir raccroché, Elissa poussa un soupir à

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fendre l'âme. Pourquoi le sort refusait-il obstinément de lui sourire? Elle se sentait nerveuse et savait qu'après tous ces événements, elle ne parviendrait jamais à s'endormir. Une petite promenade sur la plage l'aiderait à remettre de l'ordre dans ses idées, décida-t-elle.

Sans prendre la peine de se changer, elle claqua la porte derrière elle et descendit jusque sur la grève. A deux heures du matin, elle ne risquait pas de rencontrer grand monde ! Personne ne s'étonnerait de la voir déambuler en robe de chambre. Elle avait à peine fait quelques pas qu'une voix grave l'apostropha.

— Tu vas prendre froid.

Assis sur le sable, à quelques mètres d'elle, Kingston fumait une cigarette.

— Que fais-tu là? demanda-t-elle, un léger tremblement dans la voix. Je te croyais reparti !

— J'en avais l'intention, jusqu'à ce que je m'aperçoive que je n'avais nulle part où aller. Toi seule m'intéresses... C'est avec toi que je veux être, Elissa.

— Et moi, je croyais que c'était Bess que tu aimais, dit-elle simplement.

— Je l'ai cru aussi, au début. Mais tu m'as séduit corps et âme. Tu as commencé par prendre possession de mon corps puis de mon cœur et, finalement, j'ai compris que je n'éprouvais que de la compassion pour Bess. J'aurais pu te le dire lorsque

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tu es partie, mais tu ne m'aurais pas écouté. Alors, je suis resté à l'écart, en espérant que je finirais par te manquer. Ce soir, après avoir trouvé ta lettre, j'ai battu tous mes records de vitesse pour venir te retrouver. Et pour t'entendre me dire quoi? Que tu te moques bien de moi !

Elle posa ses mains sur ses épaules, le renversa sur le sol, s'allongea sur lui, couvrit son visage de baisers.

— Mais enfin, écoute-moi ! protesta-t-il mollement, la bouche contre ses lèvres.

Il referma ses bras sur elle et l'étreignit de toutes ses forces. Enivrée par les battements désordonnés de son cœur si près du sien, Elissa se fit féline, mordilla sa lèvre, caressa ses cheveux, heureuse de le sentir à elle complètement, émerveillée de le voir répondre aussi passionnément.

— Elissa ? Ne serais-tu pas en train d'essayer de me séduire?

Pour toute réponse, elle s'empara de sa bouche, puis se dégagea et s'assit à ses côtés.

— Je veux te montrer quelque chose, lui confia-t-elle en écartant les pans de sa robe de chambre.

Avec douceur, elle lui prit la main et la posa à plat sur son ventre.

— King, je te présente ton enfant.

Eperdu, Kingston contempla son ventre encore plat. Sur son visage, l'étonnement le disputait à un profond respect.

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— Je suis très ému, tu sais? dit-il dans un souffle. Je suis fou de toi, Elissa, au point que, pour te voir, je serais venu à pied d'Oklahoma.

Pour toute réponse, elle se pencha sur lui et lui fit pleuvoir mille petits baisers sur ses joues, son cou, ses lèvres.

— Mais qu'est-ce qui a bien pu te faire changer d'avis ? demanda-t-il, soudain songeur.

— Bess vient de téléphoner. Elle m'a tout expliqué.

— Si tu voyais comme Calhoun et elle ont l'air heureux maintenant !

Il marqua un temps d'arrêt, puis, les yeux brillants d'espoir, lança :

— Et si nous recommencions, Elissa ? Dis-moi que tu veux encore de moi...

Ivre de bonheur, elle éclata de rire.

— Comme si j'avais pu cesser de t'aimer ! Sept semaines ! Tu te rends compte !

Il se jeta sur elle et, écrasant sa bouche contre la sienne, l'embrassa passionnément, comme pour mieux la dominer de toute sa puissance virile.

— Et toi qui parlais d'une « petite aventure sans lendemain », alors que je venais de découvrir mon amour pour toi ! J'ai ravalé mon orgueil et me suis embarqué à bord du premier avion pour la Jamaïque. Je voulais t'offrir à nouveau de partager ma vie, mais tu étais déjà partie ! Je suis rentré bercer mon chagrin en Oklahoma. Une seule nuit avec toi a suffi

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à me faire oublier toutes les autres femmes. Je me savais amoureux de toi, mais là où j'ai vraiment compris que je ne pourrais plus me passer de toi, c'est lorsque je me suis pris à espérer que tu sois enceinte.

Avec dévotion, il lui caressa les seins, la regardant frémir de volupté sous le clair de lune.

— N'oublie pas que mes parents ne sont pas loin, chuchota-t-elle.

— Tu as raison, dit-il en revenant à plus de mesure. Je ne voudrais pas leur donner de nouveaux motifs de m'en vouloir.

Il rajusta autour d'elle sa robe de chambre, dissimula sous le léger tissu, ses jambes fuselées, ses cuisses de nymphe, son ventre émouvant et l'accueillit au creux de ses bras.

— Comment pourraient-ils en vouloir au père de leur futur petit-fils?

La tête nichée contre son épaule, elle rêva à voix haute de cet enfant à naître.

— Je voudrais qu'il soit comme son papa: grand, brun, beau et doux.

— Avec des yeux bleus, comme sa maman, compléta-t-il. Nous avons de la compagnie, ajouta-t-il un peu plus tard.

Levant les yeux, elle vit que son père s'était assis à la droite de Kingston et sa mère à sa gauche. Les genoux remontés sous le menton, ils contemplaient

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la mer.

— Belle nuit, n'est-ce pas? remarqua M. Dean.

— Superbe, approuva Mme Dean.

Kingston et Elissa éclatèrent de rire.

— Les alliances sont dans ma poche, déclara solennellement Kings, et nous avons l'intention de nous marier dès que possible. Je crois que vous savez que... euh... nous attendons un heureux événement.

— Nous avons commencé à nous douter de quelque chose quand Elissa a demandé des cornichons au petit déjeuner, répondit M. Dean.

— Je suis certain que vous auriez préféré que nous nous conduisions de façon plus traditionnelle, mais j'imagine qu'il me fallait apprendre à aimer.

— Et moi, à bien des égards, j'étais encore une petite fille, avoua Elissa.

M. Dean jeta un regard étonné à sa femme.

— Tu ne lui avais donc pas parlé des choses de la vie ?

— Je croyais que tu t'en étais chargé !

Deux semaines plus tard, King et Elissa s'installaient pour quelque temps dans la grande maison de la Jamaïque. Pour eux commençait cette période délicieuse où, une fois tombées les barrières de l'incertitude, un couple apprend à se connaître, à établir une relation empreinte de confiance.

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Un soir, à la nuit tombée, Kingston prit Elissa par la main et l'entraîna sur la plage.

— Il est grand temps de prendre ensemble ce bain de minuit dont nous avons tant parlé, dit Kingston en lui ôtant sa robe.

— Kingston, non ! On pourrait nous voir...

— Qui ? Ton ancienne maison est inhabitée pour toute une semaine. Viens ! Tu vas adorer ça !

Il se dévêtit en un tournemain et courant, riant, l'entraîna vers l'eau sombre, merveilleusement tiède.

— Tu avais raison, c'est une sensation extraordinaire, fit Elissa, radieuse.

— N'est-ce pas ? approuva distraitement King. Aussi extraordinaire que... mes caresses?

Subrepticement sa main la frôla. Elissa poussa un petit cri de plaisir. Pour éviter de perdre pied, elle se jeta à son cou. Il l'embrassa, la souleva, l'emporta dans ses bras jusque sur la plage et l'installa confortablement au centre d'une moelleuse serviette de bain.

Dans ses yeux de jais, Elissa découvrit la même ardeur qu'elle y avait lue, la première fois. Bouleversée, le souffle coupé, elle s'agrippa à ses épaules, s'ouvrit à lui, chaude, sensuelle. Il se réfugia en elle, très fier de la sentir entièrement abandonnée dans ses bras. Elle se cambra en arrière pour mieux s'offrir à lui, pour mieux l'accueillir.

Bientôt, une vague de volupté éclata en elle. Elle

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frémit de tout son corps. Secouée de frissons enfiévrés, elle eut l'impression qu'une coulée de lave se déversait dans ses veines, explosait en elle, l'emportait loin, très loin, au royaume du plaisir.

Lorsqu'elle ouvrit les yeux, Kingstons penché sur elle, la contemplait gravement.

— Quelle merveille, chérie, de faire l'amour avec toi ! chuchota-t-il tendrement. Nous voilà revenus au commencement des temps. Un homme, une femme, unis par l'amour sous un ciel criblé d'étoiles, bercés par la lente respiration de l'océan...

fin