Diagnostic Update - IDEXX Laboratories · L’index d’activité clinique (CIBDAI Jergens) ......

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Diagnostic Update janvier 09 Examen clinique L’animal est affaibli, déshydraté (5%) mais modérément amai- gri. Les muqueuses sont subictériques, la palpation abdomi- nale n’est pas douloureuse, mais révèle une certaine rigidité des anses intestinales et une adénopathie mésentérique. L’auscultation cardio-respiratoire est normale. Une hyperther- mie est également notée (39,8°C). L’index d’activité clinique (CIBDAI Jergens) est supérieur à 9 et confirme le caractère préoccupant du syndrome digestif. Hypothèses diagnostiques Les éléments symptomatiques majeurs sont donc : - Un syndrome digestif félin chronique associant vomissements, diarrhées et amaigrissement ; - Un subictère ; - Une hyperthermie. Les hypothèses retenues dans ce cadre clinique chez un jeune chat sont : - Une entéropathie chronique (MICI, allergie alimentaire, etc.) ; - Une hépatopathie ictérogène (cholangite, lipidose) ou une Obstruction des Voies Biliaires Extra hépatiques (OVBEH) ; - Une pancréatite. Examens complémentaires Un bilan hémato-biochimique est réalisé afin d’explorer les différentes hypothèses, d’éliminer les causes systémiques extradigestives et de préciser les répercussions métaboliques de la maladie. Une échographie abdominale est réalisée au cours de l’examen clinique et une endoscopie digestive hau- te et basse est programmée dès que l’animal sera en état de supporter une anesthésie (contrôle de la déshydratation et de l’équilibre électrolytique). Analyse d’urine L’analyse d’urine montre une densité de 1.035, l’absence de protéinurie, mais confirme la présence de bilirubine (++). Bilan hémato-biochimique On retiendra de ce bilan une leucocytose avec neutrophilie non spécifique, une augmentation des gamma glutamyl trans- férases, des PAL et de la bilirubinémie confirmant une chole- stase. La calcémie est anormalement basse. Signalement et motif de consultation Rasta est un chat de race Charteux de 3 ans de 4,5kg, stéri- lisé, correctement vermifugé et vacciné, référé en consultation de médecine interne pour l’exploration de troubles digestifs récurrents dominés par des vomissements et l’apparition récente d’une diarrhée qui s’est accompagnée d’un amai- grissement. Anamnèse et commémoratifs Les premiers troubles digestifs sont apparus vers l’âge de 1,5 an et étaient surtout caractérisés par des épisodes de vomisse- ments et d’anorexie. Un traitement symptomatique (panse- ments digestifs) et le passage à une alimentation hyperdiges- tible n’ont pas permis d’éviter les récidives de ces troubles digestifs. L’apparition d’une diarrhée de type intestin grêle, liquide et nauséabonde accompagnée d’un amaigrissement, d’une anorexie persistante et d’un abattement, a inquiété le pro- priétaire et motivé cette consultation. Une analyse cytologique, et bactériologique des selles n’a pas donné de résultats. Les tests FeLV, FIV, PIF, Toxoplasmose sont négatifs. Un cas de pancréatite aiguë chez un chat Notre cas clinique Dr vét. Patrick Lecoindre 69800 St Priest

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Diagnostic Update

janvier 09

Examen cliniqueL’animal est affaibli, déshydraté (5%) mais modérément amai-gri. Les muqueuses sont subictériques, la palpation abdomi-nale n’est pas douloureuse, mais révèle une certaine rigidité des anses intestinales et une adénopathie mésentérique. L’auscultation cardio-respiratoire est normale. Une hyperther-mie est également notée (39,8°C).L’index d’activité clinique (CIBDAI Jergens) est supérieur à 9 et confirme le caractère préoccupant du syndrome digestif.

Hypothèses diagnostiquesLes éléments symptomatiques majeurs sont donc : - Un syndrome digestif félin chronique associant vomissements, diarrhées et amaigrissement ; - Un subictère ; - Une hyperthermie.

Les hypothèses retenues dans ce cadre clinique chez un jeune chat sont : - Une entéropathie chronique (MICI, allergie alimentaire, etc.) ; - Une hépatopathie ictérogène (cholangite, lipidose) ou une Obstruction des Voies Biliaires Extra hépatiques (OVBEH) ; - Une pancréatite.

Examens complémentairesUn bilan hémato-biochimique est réalisé afin d’explorer les différentes hypothèses, d’éliminer les causes systémiques extradigestives et de préciser les répercussions métaboliques de la maladie. Une échographie abdominale est réalisée au cours de l’examen clinique et une endoscopie digestive hau-te et basse est programmée dès que l’animal sera en état de supporter une anesthésie (contrôle de la déshydratation et de l’équilibre électrolytique).

Analyse d’urineL’analyse d’urine montre une densité de 1.035, l’absence de protéinurie, mais confirme la présence de bilirubine (++).

Bilan hémato-biochimiqueOn retiendra de ce bilan une leucocytose avec neutrophilienon spécifique, une augmentation des gamma glutamyl trans-férases, des PAL et de la bilirubinémie confirmant une chole-stase. La calcémie est anormalement basse.

Signalement et motif de consultationRasta est un chat de race Charteux de 3 ans de 4,5kg, stéri-lisé, correctement vermifugé et vacciné, référé en consultation de médecine interne pour l’exploration de troubles digestifs récurrents dominés par des vomissements et l’apparition récente d’une diarrhée qui s’est accompagnée d’un amai-grissement.

Anamnèse et commémoratifsLes premiers troubles digestifs sont apparus vers l’âge de 1,5 an et étaient surtout caractérisés par des épisodes de vomisse- ments et d’anorexie. Un traitement symptomatique (panse-ments digestifs) et le passage à une alimentation hyperdiges-tible n’ont pas permis d’éviter les récidives de ces troubles digestifs. L’apparition d’une diarrhée de type intestin grêle, liquide et nauséabonde accompagnée d’un amaigrissement, d’une anorexie persistante et d’un abattement, a inquiété le pro-priétaire et motivé cette consultation. Une analyse cytologique, et bactériologique des selles n’a pas donné de résultats. Les tests FeLV, FIV, PIF, Toxoplasmose sont négatifs.

Un cas de pancréatite aiguë chez un chatNotre cas clinique

Dr vét. Patrick Lecoindre69800 St Priest

Imagerie médicaleUne radiographie abdominale de profil ne montre pas d’anoma-

lies suspectes. L’examen échographique abdominal a confirmé

une hypertrophie des ganglions mésentériques sans anoma-

lie suspecte de leur échostructure, un épaississement pariétal

Paramètres mesurés Valeurs Valeurs usuelles

Hématocrite (%) 38,7 24 - 45

Hémoglobine (g/dL) 12,1 8 - 15

CCMH (g/dL) 31,3 30 - 36,9

Globules blancs (x109/L)

19,8 5 - 18,9

Granulocytes 16,8 2,5 - 12,5

% Granulocytes 85

Lymphocytes /Monocytes (x109/L)

3 1,5 - 7,8

% Lymphocytes /Monocytes

17

Plaquettes (x109/L) 235 175 - 500

Tableau 2 : Numération et formule sanguines (Valeurs usuelles du QBC VET d’IDEXX – Les valeurs en gras sont en dehors des valeurs usuelles.)

diffus de l’intestin grêle sans anomalies de l’échostructure, bien

que l’on puisse retenir un épaississement non spécifique mais

anormal de la couche hypoéchogène musculeuse.

L’échogénécité du pancréas est anormalement renforcée et hé-

térogène. La glande semble hypertrophiée.

Il n’est pas observé d’épanchement. La vésicule biliaire est

dilatée mais son contenu semble homogène et les voies biliaires

extrahépatiques ne sont pas dilatées.

Le parenchyme hépatique ne montre pas d’anomalies suspec-

tes, absence de signes de cholestase intrahépatique.

Une cholécystocentèse a été réalisée.

La cytologie du prélèvement biliaire montre un nombre impor-

tant de neutrophiles, mais la bile n’est pas modifiée macroscopi-

quement. Une cytologie hépatique (ponctions à l’aiguille fine 22G)

a par ailleurs confirmé la présence d’un infiltrat neutrophilique

abondant, orientant le diagnostic vers une cholangite neutrophi-

lique aiguë. Une légère vacuolisation des hépatocytes est égale-

ment observée.

Endoscopie digestive L’examen a montré une augmentation de la granularité de la

muqueuse duodénale avec quelques zones d’érythème sans

ulcération. Pas de lésion de la muqueuse gastrique, la muqueuse

colique est d’apparence également normale. Des biopsies éta-

gées ont été réalisées.

Paramètres mesurés Valeurs Valeurs usuelles

Urée (g/L) 0,73 0,34 - 0,76

Créatinine (mg/L) 11,73 8 - 24

ALAT (UI/L) 64 12 - 130

PAL (UI/L) 184 14 - 111

GGT (UI/L) 15 0 - 1

Glucose (g/L) 0,95 0,74 - 1,59

Protéines totales (g/L) 63 57 - 89

Albumine (g/L) 27 22 - 40

Globuline (g/L) 36 28 - 51

Amylase (U/L) 120 500 - 1500

Lipases (U/L) 213 100 - 1400

Cholestérol (g/L) 1,15 0,65 - 2,25

Bilirubine totale (mg/L) 29 0 - 9

Calcium total (mg/L) 71 78 - 113

Phosphore (mg/L) 57 31 - 75

Potassium (mEq/L) 3,2 3,8 - 5,2

Tableau 1 : Biochimie sanguine (Valeurs usuelles du VetTest d’IDEXX – Les valeurs en gras sont en-dehors des valeurs usuelles.)

Echographie de l’intesin grêle : épaississement parié-tal diffus avec une couche musculeuse hypoéchogène anormalement épaissie

Endoscopie de l’intesin grêle : La musqueuse présente des zones d’érythème et apparaît granuleuse

Le pancréas semble anormalement hyper- trophié et présente une échogénicité renforcée

La vésicule billaire semble anormalement dilatée

Histologie des biopsies digestivesL’histologie des biopsies duodénales a confirmé une entérite de

type lympho-plasmocytaire de grade modéré.

DiagnosticUne entérite lymphoplasmocytaire de grade modéré et une cho-

langite neutrophilique aiguë sont confirmées par les différents

examens. Devant les anomalies échographiques du pancréas et le

risque que cet animal présente une « triade pathologique » (MICI,

Cholangite, Pancréatite), un dosage de la Spec fPL™ est demandé.

Le résultat (8µg/l) confirme l’existence d’une pancréatite associée.

PronosticLe jeune âge de l’animal et un état général encore modérément

altéré, le peu de répercussions systémiques de ces affections,

l’absence de signes d’OVBEH sont des critères positifs quant à

l’évolution de l’affection. Toutefois une triade pathologique chez le

chat peut entraîner à court terme des complications graves (ictère

cholestatique, pancréatite suppurée..) et à long terme l’installation

d’un processus inflammatoire chronique tant au niveau du tractus

digestif, biliaire ou pancréatique.

TraitementL’animal a été perfusé et une réalimentation entérale précoce par

sonde nasooesophagienne a été instauré en raison d’une anorexie

persistante. Les vomissements ont été contrôlés par des injections

de maropitant et de ranitidine. Le traitement médical a associé une

antibiothérapie (amoxicilline, marbofloxacine), une gestion de la

douleur, difficile à évaluer chez le chat, mais vraisemblablement

DiscussionPancréatites félines : mythe ou réalité ?Patrick Lecoindre, DVM Dipl ECVIM (CA)

Les pancréatites félines ont longtemps été considérées comme

des affections d’évolution plutôt chronique, peu fréquentes et

ayant des répercussions cliniques limitées. Toutefois, des études

récentes cliniques et surtout nécropsiques (De Cock HE et al Vet

Pathol 2007) ont montré que ces pancréatites chroniques pou-

vaient avoir des conséquences graves, avec l’apparition d’une

insuffisance pancréatique exocrine ou d’un diabète et que le

mode évolutif des pancréatites pouvait être également aigu, avec

un taux de mortalité élevé. 67% des chats de l’étude nécropsique

de De Cock présentaient des lésions de pancréatites avec une

prévalence importante de la forme chronique (60%, contre 15%

pour la forme aiguë).

Jusqu’à ces dernières années, le diagnostic ante mortem des

pancréatites félines était considéré comme difficile en raison

d’une clinique peu spécifique, de l’absence de tests biologi-

ques sensibles et spécifiques, d’une exploration en imagerie

délicate et surtout de l’impossibilité dans la plupart des cas de

différencier les formes chroniques des formes aiguës de la ma-

ladie. Une étude récente (Ferreri et al 2003) a tenté de définir et

de caractériser les signes cliniques, biologiques, radiographiques

et anatomopathologiques qui permettraient de différencier une

pancréatite aiguë nécrotique (PAN) d’une pancréatite chronique

non suppurée (PC). Les résultats ont montré qu’il était impos-

sible objectivement de faire un diagnostic différentiel entre ces

deux affections inflammatoires du pancréas.

Enfin, l’apparition de nouveaux tests biologiques (fPLI, Spec

fPL™) va certainement augmenter considérablement notre pou-

voir de diagnostic non invasif des pancréatites félines. L’étude de

Forman (JVIM 2007) concrétise les progrès considérables réali-

sés dans l’approche des pancréatites félines.

Etiologie

L’étiologie des pancréatites aiguës ou chroniques est encore mal

déterminée. Un traumatisme abdominal, une toxoplasmose, une

Péritonite Infectieuse Féline, une lipodystrophie, une intoxication

aux organophosphorés ont été cités dans la littérature en asso-

ciation avec le développement d’une pancréatite aiguë.

Des études nécropsiques ont là encore permis de préciser non

seulement l’incidence de ces pancréatites, mais surtout de mon-

trer l’évolution concomitante de différentes affections (Hill&Van

Winckle JVIM 1993, De cock Vet pathol 2007) particulièrement

lors de PC. Des affections hépatiques et du tractus biliaire (cho-

langiohépatites, cholécystites, lipidose hépatique), des maladies

rénales (néphrites), des thromboembolismes pulmonaires, des

atteintes inflammatoires ou tumorales intestinales, un diabète

présente (injection de buprénorphine, puis pose d’un patch de

fentanyl). Une corticothérapie est également instaurée en raison

des lésions inflammatoires importantes du tractus digestif qui sont

peut être à l’origine des complications biliaires et pancréatiques

(prednisone 2mg/kg/j). L’animal s’est rapidement amélioré, a re-

pris de l’appétit après 3 jours de réanimation. Lors de la sortie de

l’animal (J0+5), la bilirubinémie était à 9 mg/l et les GGT à 11 UI/l.

Un examen échographique de contrôle a montré une vésicule bi-

liaire de taille normale, mais la persistance d’une certaine échogé-

nicité pancréatique. Un nouveau dosage de la Spec fPL™ montre

une amélioration (4,1µg/l). Sa concentration doit néanmoins être

contrôlée régulièrement, elle car reste supérieure à 3,5µg/l, afin de

s’assurer que l’animal ne démarre pas une pancréatite chronique

fréquente dans cette espèce.

Le traitement d’entretien est le suivant :

• Antibiothérapie 6 semaines

• Corticothérapie à doses dégressives (jusqu’à une dose de

0,5mg/kg/j) et jours alternés sur 4 semaines

• Acide Ursodesoxycholique : 10mg/kg/j 6 semaines

• VitamineB12:1injectiontouteslessemainesde250µg/

injection les 6 premières semaines, puis 1 fois par mois pen-

dant 3 mois, en raison de la présence chez ce chat d’un MICI

• Alimentation : de type hyperdigestible.

L’animal 6 mois après cette hospitalisation n’a pas présenté de ré-

cidive, mais garde une Spec fPL™ légèrement supérieure à la nor-

male (4µg/l). Une biopsie pancréatique sous cœlioscopie sera

proposée.

sont les principales affections décrites en association avec une

PC. Il est encore difficile dans l’état actuel de nos connaissances

de déterminer si ces maladies sont la conséquence de la pan-

créatite, d’un processus pathologique commun ou sont totalement

indépendantes. Il existe visiblement chez le chat une « trilogie ou

triade pathologique » associant cholangite, MICI et pancréatite,

comme le cas clinique présenté ci-dessus. Dans l’étude de Weiss

(JAVMA 1996) et l’étude plus récente de Forman (JVIM 2007), 39%

à 75% des chats présentaient des lésions de MICI et de cholangite

associées à une pancréatite.

Diagnostic

Jusqu’à ces dernières années, le diagnostic de confirmation d’une

pancréatite féline a surtout été réalisé post mortem et il existait

avant l’étude de Forman (JVIM 2007) peu d’études cliniques décri-

vant une pancréatite féline ante mortem (Simpson et al JAVMA

1993, Gerhardt et al JVIM 2001).

La clinique des PAN ou PC est souvent discrète, associe des

symptômes peu spécifiques, anorexie, abattement, amaigrisse-

ment, qui sont souvent le tableau clinique observé dans les MICI,

qui restent une dominante en gastroentérologie féline. Les vomis-

sements et la douleur abdominale caractéristiques dans les pan-

créatites de l’homme ou du chien ne sont que rarement présents

dans le tableau clinique d’une pancréatite féline. L’apparition d’un

ictère oriente généralement le clinicien vers une affection hépati-

que qui est dans la plupart des cas confirmée par une modification

des enzymes hépatiques ou l’histologie des biopsies hépatiques.

Sur le plan biologique, ce diagnostic est encore compliqué par le

manque de sensibilité des activités lipasique et amylasique,

souvent normales, même en présence d’une pancréatite sévère.

Une hyperglycémie a été rapportée par plusieurs auteurs, mais on

connait la sensibilité du chat au stress et cette élévation n’est pro-

bablement pas pathognomonique. 41% des chats à pancréatites

aiguës présentent une diminution de la calcémie totale et 61% du

calcium ionisé associé à un mauvais pronostic.

La mesure de l’immunoréactivité trypsinogène sérique (TLI), est

très controversée dans le diagnostic de pancréatite chez le chat.

Une augmentation est constatée dans 33 à 88 % des cas selon

les études (Swift et al JAVMA 2000, Simpson et al JSAP 1994, Ge-

rhardt et al JVIM 2001, Forman MA JVIM 2007) avec une valeur

seuil de 100 microgr/l. La spécificité semble également faible car

de nombreuses affections (insuffisance rénale, MICI, Lymphome

intestinal) peuvent entraîner secondairement une élévation du TLI

sans atteinte histologique du pancréas.

L’examen échographique du pancréas n’est pas aisé chez le

chat et seulement 30% des chats suspects de pancréatite aiguë

semblent montrer des signes échographiques d’atteinte inflam-

matoire pancréatique. Les pancréatites chroniques sont encore

plus difficiles à explorer et les modifications de l’échogénicité de

la glande sont le plus souvent difficilement interprétables. L’exa-

men échographique est toutefois intéressant pour confirmer

une cholestase extrahépatique, souvent associée chez le chat à

une sténose de la portion cholédocienne intrapancréatique lors

de fibrose ou d’inflammation importante de la glande. Une étude

récente (Forman 2007) semble toutefois montrer que l’examen

échographique pouvait présenter une sensibilité de 80% dans

les cas de pancréatite sévère et de 62% dans les cas de pancréa-

tites modérées. Il est vraisemblable que le niveau de l’expertise

des imageurs et la technicité des appareils jouent un grand rôle

dans ces résultats.

Alors que l’examen TDM est la base du diagnostic et du suivi

d’une pancréatite chez l’homme, les études de Gerhardt et al

(JVIM 2001) et plus récemment de Forman (JVIM 2007) montrent

la sensibilité médiocre de cet examen dans le diagnostic des

pancréatites félines.

Ces dernières années, les Drs Steiner et Williams ont développé et

validé un test de mesure de l’immunoréactivité de la lipase pan-

créatique féline (fPLI). L’étude de Forman et al (JVIM 2004) a

montré que la sensibilité et la spécificité de ce test permet un

diagnostic non invasif des pancréatites félines avec une sensibi-

lité de 100% dans les cas de pancréatites sévères ou modérées

et de 67% dans les cas de pancréatites légères. La spécificité

de ce test est proche de 91%.

Enfin IDEXX en collaboration avec les Drs Steiner et Williams a

développé un test, la Spec fPL™ qui utilise des antigènes recom-

binants et des anticorps monoclonaux. La sensibilité de la Spec

fPL™ d’après les premiers résultats est voisine de celle du fPLI.

Ces tests sont également très intéressants dans le suivi à long

terme d’une pancréatite chronique ou dans le dépistage systé-

matique d’une pancréatite chez des chats souffrant de lipidose

ou de diabète.

Traitement

Le suivi thérapeutique d’un chat atteint de pancréatite chronique

est mal défini. Il est important de considérer que ces chats sont

généralement anorexiques, sont prédisposés à développer une

lipidose hépatique compliquant sérieusement le pronostic et

peuvent souffrir enfin d’affections diverses, hépatiques ou intes-

tinales. Le traitement sera basé sur le traitement des affections

associées, particulièrement dans les cas de pancréatites chro-

niques.

Une fluidothérapie et un support nutritionnel semblent essentiels et

la base d’une réanimation d’un chat à pancréatite aiguë en raison

du risque de développement d’une lipidose hépatique. Enfin,

même s’il est difficile d’évaluer la douleur chez le chat atteint de

pancréatite, il est essentiel de gérer cette douleur en utilisant les

opiacés comme décrit dans notre cas clinique. Une carence en

vitamine B12 est fréquente chez les chats à entéropathie chroni-

que et une supplémentation semble importante lors de pancréatite

souvent associée à une MICI. Enfin, une corticothérapie est pro-

bablement incontournable lors de triades et semble intéressante

dans la gestion des pancréatites chroniques félines.

Les pancréatites félines, lésions inflammatoires du pancréas exo-

crine, sont des maladies multifactorielles avec des symptômes

et une issue variables. Avec souvent un tableau clinique assez

flou, leur diagnostic représente un véritable défi.

Connaissant ces difficultés, les Drs Jörg Steiner et David Williams

ont développé et validé le test fPLI (Feline Pancreatic Lipase Im-

munoreactivity) au laboratoire de gastroentérologie de l’université

du Texas A&M. Le test fPLI est sensible pour détecter des pan-

créatites significatives et spécifique pour contribuer à exclure des

pancréatites. IDEXX a continué à travailler avec les Drs. Steiner et

Williams pour mettre au point le test Spec fPL™. Ce test utilise

des anticorps monoclonaux et des antigènes recombinants. Il est

aujourd’hui disponible au laboratoire IDEXX Alfort.

Quelle est la prévalence des pancréatites félines ?

Dans un article publié en 2007 dans le « Journal of Veterinary

Pathology », De Cock et ses collaborateurs ont réalisé l’analyse

histologique du pancréas complet de 115 chats présentés pour

autopsie, dont les causes de décès étaient très variées. 67% de

l’ensemble de ces chats présentaient des lésions histologiques

de pancréatites ; le chiffre descendait à 45% lorsqu’il s’agissait

exclusivement de chats apparemment sains [1].

Les pancréatites chroniques étaient en outre plus fréquentes que

les pancréatites aiguës (60% versus 15.7%). L’étude récente que

Forcada a réalisée avec le dosage de fPLI sur deux groupes de

chats, non diabétiques et diabétiques, a confirmé cette prévalen-

ce de pancréatites pour le 1er groupe, mais a mis en évidence une

prévalence plus élevée (82%) chez les chats diabétiques [17].

Pourquoi ces chiffres ne correspondent pas à la prévalence

clinique ?

La présence de lésions inflammatoires du pancréas ne s’exprime

pas toujours par des symptômes visibles. C’est le cas des pan-

créatites subcliniques. Bien que la prévalence des chats clini-

quement atteints ne soit évidemment pas aussi élevée, cette étude

histologique suggère que l’inflammation pancréatique peut s’ex-

primer par une large variété de conditions cliniques.

Quels sont les signes cliniques classiquement observés

lors de pancréatites?

Les chats à pancréatite présentent habituellement des symptômes

non spécifiques tels que la léthargie, un appétit diminué, une

déshydratation et une perte de poids. Les vomissements peu-

vent être absents ou intermittents, et la douleur abdominale est

rarement mise en évidence. Les diarrhées peuvent être associées

aux pancréatites ou secondaires à la maladie gastro-intestinale

déjà présente. L’examen clinique peut mettre en évidence un ic-

tère, une fièvre et une masse abdominale palpable.

Quel est l’intérêt des examens de laboratoire dans le

diagnostic des pancréatites?

Les résultats des examens de routine de laboratoire en présence

de pancréatites peuvent être « normaux », non spécifiques ou attri-

bués aux autres maladies associées. Les modifications hémato-

logiques les plus communément oservées sont des anémies non

régegénératives, des leucocytses et des leucopénies [6]. Un bilan

biochimique peut mettre en évidence une augmentation de

l’activité des enzymes hépatques, une hyperbilirubinémie, une

hyperglycémie, une urémie, un déséquilibre électrolytique et une

hypocalcémie [7].

Si ces résultats ne sont pas spécifiques pour le diagnostic

des pancréatites, pourquoi doit-on les réaliser ?

Ils peuvent en fait se révéler très intéressants pour explorer les mala-

dies associées, qui sont soit compliquées par les pancréatites, soit

la cause sous-jacente des pancréatites. Il est important de considérer

l’animal dans son ensemble et non pas uniquement la pancréatite.

Quelle est l’intérêt diagnostique du dosage de l’amylase et

de la lipase pour le diagnostic des pancréatites ?

Les activités sériques de l’amylase et de la lipase classique ne

permettent ni de confirmer ni d’exclure les pancréatites félines.

Quel est l’intérêt du dosage de la fTLI ?

La concentration sérique en fTLI (trypsine-like immunoreactivity)

est spécifique de la fonction pancréatique exocrine ; il s’agit du

test de choix pour le diagnostic des insuffisances pancréatiques

exocrines. Néanmoins, chez les chats avec des signes cliniques

de pancréatite, la concentration sérique en fTLI est rarement as-

sociée au diagnostic histologique. La sensibilité et la spécificité de

ce test sont respectivement de 28% et de 75% pour le diagnostic

des pancréatites [8,9].

Qu’apporte l’imagerie dans le diagnostic des pancréatites ?

Les éléments radiologiques en faveur d’une pancréatite sont gé-

néralement subjectifs ; un diagnostic conclusif n’est pas possible

avec uniquement une radio abdominale. L’échographie abdomi-

nale est intéressante car elle permet aussi d’évaluer les autres

organes, ce qui est souvent utile car d’autres maladies hépatiques

et/ou intestinales sont communément associées. Les éléments en

faveur d’une pancréatite sont un changement de l’échogénicité

parenchymateuse, la mise en évidence d’une nécrose de la grais-

se péri-pancréatite et une accumulation de liquide. Les études ré-

centes montrent une sensibilité de 24% à 67% et une spécificité de

73% pour le diagnostic des pancréatites [5,8].

Peut-on réaliser une cytoponction du pancréas ?

Selon Forman, bien que les radiologistes étaient inquiets de la

réaliser il y a plusieurs années car ils craignaient de causer une

pancréatite, il a été prouvé que cette inquiétude n’était pas fon-

dée. Cet examen permet de déterminer s’il existe une population

lymphocytaire ou neutrophile, ainsi que parfois de diagnostiquer

des cancers.

Quelles sont les performances du test fPLI (radio-immuno-

essai) réalisé au Texas ?

L’étude récente de Forman avec l’examen histologique comme

test de référence a montré l’intérêt et la supériorité du test fPLI

pour le diagnostic des pancréatites félines. Chez les chats à pan-

FocusDiagnostic des pancréatites félinesFranck Guetta, DVM, Reference Laboratory Medical Associate

FR-072-1208

Diagnostic Update

Laboratoire IDEXX AlfortParc d‘activité du Val de Seine

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Dr vét. Franck Guetta · Directeur de la publication · Laboratoire IDEXX Alfort

créatites « modérées à sévères » la sensibilité – aptitude à dé-

tecter les pancréatites – du test fPLI est de 100%. Chez les chats

à pancréatites « légères » la sensibilité diminue à 54%, ce qui re-

présente une sensibilité générale de 67%. La spécificité – apti-

tude à exclure une pancréatite – du test fPLI est de 100% dans le

groupe des chats sains et de 67% chez 3 chats avec symptômes

de pancréatite mais un pancréas histologiquement normal, ce qui

représente une spécificité générale de 91%.

Quelle est la corrélation entre la Spec fPL™ et la fPLI ?

Le test Spec fPL™ corrèle extrêmement bien avec le test fPLI.

L’étude sur plus de 1.000 prélèvements au laboratoire de gas-

troentérologie du Texas A&M a montré une corrélation de plus de

93% et des résultats – positifs/négatifs – concordants dans 98%

des cas pour détecter ou exclure une pancréatite.

Les résultats préliminaires d’une étude réalisée sur plus de 150

chats, cliniquement sains ou malades, en suivant les valeurs de

Spec fPL™ supportent l’utilité diagnostique de ce test. Les don-

nées de cette étude seront disponibles dès que le manuscrit sera

accepté pour la publication.

Quelles sont les maladies généralement associées aux

pancréatites ?

Il s’agit surtout du diabète, des maladies inflammatoires chroni-

ques intestinales (MICI), des cholangiohépatites et des lipidoses

hépatiques [2 à 5]. Le terme « triade » est utilisé pour décrire le

complexe cholangiohépatite, MICI et pancréatite. La lipidose hé-

patique et la pancréatite apparaissent souvent ensemble.

Pourquoi cette triade est-elle plus souvent observée chez

le chat ?

Le système canalaire du chat est différent de celui des chiens. Le

canal biliaire est lié au canal pancréatique pour finalement aboutir

à seul canal qui rejoint le tractus intestinal. Il n’est pas rare de

constater que l’inflammation d’un canal peut ensuite conduire à

l’inflammation d’un second système canalaire.

Quels autres tests utiles peut-on réaliser lors de

pancréatite féline ?

Afin d’explorer les autres maladies associées, il est recommandé

de doser la vitamine B12/folates, la fructosamine et les γ-GT dans

le sérum.

Comment réaliser le suivi des pancréatites félines?

Lors de pancréatite aiguë, il est utile de mesurer la concentration

de la Spec fPL™ tous les jours lors de l’hospitalisation, ainsi que

lors de la visite de contrôle. En présence de pancréatites chroni-

ques, le dosage de ces concentrations permet d’évaluer la répon-

se au traitement et de le modifier éventuellement ; par exemple en

introduisant le cas échéant un traitement aux corticoïdes.

Quel est le pronostic des pancréatites ?

Il est directement lié à la sévérité de la pancréatite, aiguë ou chro-

nique, sévère ou légère. Les pancréatites peuvent compliquer la

gestion des maladies associées telles que le diabète. Akol et ses

collaborateurs ont également démontré que le pronostic des li-

pidoses hépatiques est moins bon lorsqu’elles sont associées à

une pancréatite ; seulement 20% de guérison avec la pancréatite

aiguë, contre 50% si la lipidose est seule [3]. C’est pourquoi le

diagnostic précoce et le suivi des pancréatites peuvent s’avérer

essentielles dans la guérison de ces maladies associées.

Dans quel cas dois-je doser la Spec fPL™ ?

Selon Williams, sur tout chat avec :

•Léthargie/abattementinexpliqués

•Appétitdiminué

•Vomissements

•Diarrhées

•Pertedepoids

Réaliser également un dosage en présence de maladies

associées :

•Diabètes

•Affectionsgastro-intestinales

•Affectionshépatiques

En pratique, que faut-il envoyer ?

•0.5mLdesérum (tube sec)

•Lesrésultatssontdisponiblesdèslelendemain.

La liste des références est disponible sur demande à

[email protected] .

Laboratoire IDEXX Alfort

“The fPLI, now the Spec fPL, is an emerging gold standard for pancreatic inflammation.”

– Dr. David Williams