Développements - ASTREES, association travail emploi ... · lées à l’égard de la GPEC, et qui...

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Développements Numéro 44 / novembre 2006 Sommaire p. 2 Développement et Emploi et la GPEC : une longue histoire p. 5 L’anticipation partagée des restructurations: des discours aux épreuves de réalité p. 7 Les démarches compétence : quels enjeux pour les acteurs de l’entreprise ? p. 11 Les trois piliers de la GPEC: entretien professionnel, DIF et VAE p. 13 Histoire d’ancien combattant p. 14 Élargir l’approche p.16 L’État fait le bilan de la GPEC p. 21 L’État répertorie ses métiers p.23 Employabilité, anticipation et sécurité La GPEC : nouvelles illusions ou nouveau départ ? L’entreprise au cœur des équilibres locaux Rachel BEAUJOLIN-BELLET Jean-Marie BERGÈRE Philippe CLERGEOT Christophe CORNOLTI Christine DUPUIS Pascal GEIGER Antony KUHN Yves MOULIN Michel PARLIER Paul SANTELMANN Dominique THIERRY Jean-Claude TRICOCHE

Transcript of Développements - ASTREES, association travail emploi ... · lées à l’égard de la GPEC, et qui...

DéveloppementsNuméro 44 / novembre 2006

Sommaire

p. 2 Développement et Emploi et la GPEC : une longue histoire

p. 5 L’anticipation partagée des restructurations : des discours aux épreuves de réalité

p. 7 Les démarches compétence : quels enjeux pour les acteurs de l’entreprise ?

p. 11 Les trois piliers de la GPEC : entretien professionnel, DIF et VAE

p. 13 Histoire d’ancien combattant

p. 14 Élargir l’approche

p.16 L’État fait le bilan de la GPEC

p. 21 L’État répertorie ses métiers

p.23 Employabilité, anticipation et sécurité

La GPEC: nouvelles illusions ou nouveau départ?

L ’ e n t r e p r i s e a u c œ u r d e s é q u i l i b r e s l o c a u x

Rachel BEAUJOLIN-BELLET

Jean-Marie BERGÈRE

Philippe CLERGEOT

Christophe CORNOLTI

Christine DUPUIS

Pascal GEIGER

Antony KUHN

Yves MOULIN

Michel PARLIER

Paul SANTELMANN

Dominique THIERRY

Jean-Claude TRICOCHE

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a GPEC est de retour. Logiquement, Développement et Emploi, qui a beaucoup travaillé etpublié sur ce sujet depuis une vingtaine d’années (en fait la GPPEC, gestion prévisionnelle etpréventive des emplois et des compétences !), est de nouveau sollicité. D’autres le sont également.

Plutôt que célébrer une reconnaissance tardive, il nous semble important de débattre des réussites et deséchecs, mais aussi des présupposés et des représentations qui marquent les démarches de GPEC. C’està ce prix que nous pourrons faire des réponses réalistes et adaptées aux problèmes rencontrés aujour-d’hui par les employeurs, par les salariés comme par les acteurs publics de l’emploi.

Il n’est malheureusement pas possible d’aborder ici l’ensemble des questions soulevées par la mise enœuvre de « dispositifs de GPEC ». En particulier, malgré l’intérêt que cela représenterait, il n’est paspossible de revenir sur la pertinence des analyses du travail qui ont présidé à la rédaction des référen-tiels de compétences et d’emplois/métiers. Notons simplement que les grands principes dégagés alors(limites de l’organisation scientifique du travail et des routines, importance de l’initiative, individuali-sation des parcours, mobilités accrues, montée des emplois de services, des relations avec le client) sonttoujours d’actualité.

Pour parler de cette actualité de la GPEC, nous voulions donner la parole à tous les acteurs concernés,responsables d’entreprises, syndicalistes, pouvoirs publics (et État comme employeur), conseils et cher-cheurs. Nous l’avons fait dans un premier temps en organisant une réunion de notre Conseil d’Orien-tation en juillet dernier consacrée à ce thème et à ses enjeux. Nous le faisons encore aujourd’hui enpubliant ce numéro de Développements « GPEC: nouvelles illusions ou nouveau départ ».Vousy trouverez matière à réflexion et nous l’espérons idées et énergie pour développer une gestion de l’emploi plus prospective, plus cohérente, une gestion de l’emploi qui associe l’ensemble des partenairessociaux et des acteurs « coresponsables » et qui offre suffisamment de stabilités et de perspectives pourque chacun puisse inscrire le changement et ses mobilités dans une histoire professionnelle et person-nelle qui, à défaut d’être totalement maîtrisée, ne soit pas dramatiquement subie. Une histoire dontchacun pourrait négocier les tournants. Une histoire dont chacun pourrait écrire le récit, avec ses diffi-cultés et ses rebondissements, et dont chacun pourrait dire que c’est son histoire et qu’elle a un sens.

JEAN-MARIE BERGÈRE

[email protected]

LCOMMENT ÊTRE ACTEUR DE SON HISTOIRE PROFESSIONNELLE?

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u tournant des années 1990,Développement et Emploi ajoué un rôle éminent dans laconception et la diffusion des

démarches de gestion prévisionnelledes emplois et des compétences.Uneméthode particulière (la GPPEC,pour gestion préventive et prévision-nelle des emplois et des compé-tences) était prônée. Elle insistait plusque d’autres sur la prévention et surla participation active des salariés àces démarches.Quinze ans après, la GPEC connaîtune nouvelle actualité. La loi decohésion sociale oblige les entre-prises d’au moins 300 salariés à« engager tous les trois ans… unenégociation sur la mise en place d’undispositif de gestion prévisionnelledes emplois et des compétences »,sans préciser pour autant ce qu’est undispositif ni ce qu’on doit entendrepar GPEC. Par ailleurs le renverse-ment démographique incite à pré-parer le renouvellement desgénérations au travail et à organiser latransmission des compétences. Légi-timement la GPEC est sollicitéepour apporter des réponses et maî-triser les conséquences du départ enretraite des baby boomers. On pour-rait ajouter à ces raisons la fortedemande sociale de sécurité commecorollaire à l’augmentation de lamobilité professionnelle. Naturelle-ment les acteurs publics en chargedes questions d’emploi, en particulier

les acteurs nouveaux et collectifs,Maisons de l’emploi ou missionsd’accompagnement des restructura-tions, voient dans la GPEC uneréponse possible à leurs besoins deconnaissance et d’anticipation pourfaire face aux besoins de l’économieen pleine mutation, mais aussi auxdemandes réaffirmées de sécuritéprofessionnelle.Dans ce contexte, nous avons sou-haité poser la question suivante auConseil d’orientation et scientifiquede Développement et Emploi: « laGPEC: nouvelles illusions ou nou-veau départ ? ». Cette réunion a eulieu le 6 juillet.Voici un aperçu deséchanges et des propositions.En introduction, Rachel Beaujolin-Bellet et Jean-Marie Bergère ontrappelé les intentions de départ desdémarches de GPEC, mais aussiquelques-unes des critiques formu-lées à l’égard de la GPEC, et quiexpliquent en partie la réputationdéfavorable qu’elle a souvent. Cesobservations favorables et défavo-rables peuvent être regroupées enplusieurs rubriques.

La dictature du présent

Une première série de remarques oude critiques souligne la contradictionentre l’accélération des rythmes de lavie économique, la pression du courtterme et l’exigence de prévisionassociée à toute démarche de GPEC.

Que cette « dictature du présent »soit due à une réelle incapacité à seprojeter dans l’avenir, incapacité àmaîtriser le sens des mutations tech-nologiques, sociologiques, institu-tionnelles, ou qu’elle soit causée parla pression d’actionnaires impatientset mondialement mobiles, peuimporte. La planification était déjàun art difficile dans le contexteindustriel et national des trente glo-rieuses. Elle semble totalement irréa-liste dans le contexte mouvant deréorganisation des activités indus-trielles,de développement de la sous-traitance et des emplois de service,d’éloignement des centres de déci-sion. La préférence pour les décisionsréversibles est comme le stigmate decette accélération des rythmes duchangement (on hésite à parler deprogrès). Et sans visibilité sur lesengagements de l’entreprise, sans unestratégie pluriannuelle, commentprévoir les effectifs, les besoins encompétences, comment programmeret accompagner les évolutions pro-fessionnelles pour faire « l’entreprisede demain avec les salariés d’aujour-d’hui »? De même, l’anticipation etla prévention ont souffert de cettedictature du court terme.Pourtant, si la GPEC n’a pas tenu sapromesse de programmation desévolutions professionnelles, elle a lar-gement contribué à la prise deconscience du caractère désormaisillusoire de la promesse de l’emploi à

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Développements

Développement et Emploi a été un acteur important dans la conception et la diffusion des démarches de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Quinze ans plus tard, elles connaissent une nouvelleactualité avec la loi de cohésion sociale. Nouvelles illusions ou nouveau départ ? Telle était la question queDéveloppement et Emploi a souhaité poser, en juillet dernier, à son Conseil d’orientation et scientifique.Même si la démarche n’a pas atteint tous ses objectifs et si elle a connu certaines dérives, ses intentions et ses objectifs restent d’actualité.

Développement et Emploi et la GPEC:une longue histoire

A

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vie, et en même temps à la prise deconscience d’un accompagnementpossible pour ces mobilités qui tou-chent de plus en plus de personne, etles touchent de plus en plus souvent.La GPEC a ouvert la voie à unecompréhension des carrières qui neseront plus linéaires,patientes et assu-rées. L’acquisition de compétences etla formation tout au long de la viesont devenues notre quotidien. Enmettant à jour les activités réellementexercées dans les métiers, en valori-sant les compétences transférables, eninscrivant l’ensemble dans un mou-vement fait de continuités et de rup-tures, elle a permis d’envisager cesparcours et ces bifurcations de façonpositive, comme autant de difficultés,mais aussi autant d’opportunités.

Le cannibalisme des outilsUn reproche très fréquent est résumépar l’expression, qui vaut anathème,d’usine à gaz. Il est vrai que la GPECa stimulé la créativité des consultants,des informaticiens et des directionsdes ressources humaines pressés depasser des discours normatifs auxoutils opérationnels.Le défi était par-ticulièrement grand ici puisqu’ils’agit de décrire quantitativement etqualitativement les métiers ouemplois-types, d’ajouter, touteschoses égales par ailleurs, l’âge et lesmobilités « naturelles » des salariés,puis de faire varier ces données enfonction de la stratégie de l’entre-prise, des évolutions technologiques,de la croissance de la productivité.Pour peu que vous reteniez unemaille un peu trop fine pour décrireles compétences nécessaires et quevotre entreprise fusionne avec votreprincipal concurrent, la précision devos outils ne vous est d’aucun

secours. L’arbre risque vite de cacherla forêt. À cet égard les outils qui ont été le plus utiles se sont souventlimités à un suivi des métiers stratégiques, ou menacés, ou quidemandent un apprentissage particu-lièrement long, sans chercher àaucun moment l’exhaustivité.Développement et Emploi a souventregretté cet engouement pour lesconstructions trop sophistiquées.Elles se sont faites au détriment desdeux outils fondamentaux et struc-turants pour toute la démarche deGPEC en entreprise: le référentieldes emplois et l’entretien profes-sionnel. Les habitudes de l’organisa-tion scientifique du travail qui nevoulait rien laisser au hasard, la fasci-nation pour les chiffres et les outilsinformatiques en plein essor, laméfiance vis-à-vis du « facteurhumain », n’ont pas permis d’associervéritablement les salariés à laconstruction de leur trajectoire pro-fessionnelle. L’entretien professionnela été plus un entretien d’évaluationqu’un entretien prospectif. Le salariéa continué à être considéré commeun être « à adapter » malgré lui, etnon comme un acteur de sa carrière.Dans le même ordre d’idées, lesdémarches de GPEC ont trop rare-ment structuré le dialogue socialautour d’un avenir à inventer, ellesont peu été utilisées pour construiredes pactes sociaux autour des muta-tions économiques.Néanmoins, la GPEC et toutes lesdémarches centrées sur les compé-tences, ont souvent organisé le pas-sage d’une approche focalisée sur lesstatuts et les hiérarchies des conven-tions collectives à une approche cen-trée sur les individus, sur leurscompétences en acte ; elles ontpermis, dans le même mouvement,de passer d’une approche statique à

une approche dynamique des car-rières.Si la question du moyen terme et desprévisions fiables révèle une impasse,celle des outils montre plutôt unedérive. Les outils, sans lesquels on enreste au niveau des incantations, ontune fâcheuse tendance à dévorer cequ’ils étaient censés servir, ladémarche elle-même.

Les murs de l’entrepriseLa GPEC n’a en fait guère franchi leslimites de l’entreprise. Ses réussitessont essentiellement associées à lamise en mouvement de marchésinternes trop statiques, trop routinierset trop linéaires.Les marchés internesrestent plus prévisibles que les mar-chés externes. La grande entreprisepeut se donner du temps, elle maî-trise mieux, non seulement lesobjectifs des changements, mais aussile rythme qu’elle entend leurdonner. Bien sûr les reconversionsprofessionnelles internes peuvents’accompagner aussi d’un sentimentde déstabilisation et conduire les sala-riés à des doutes sur la cohérence etle sens de leur parcours, c’est-à-diresur ce qui fonde leur identité profes-sionnelle. Il est tout de même plusfacile de s’engager dans une aventurenouvelle en conservant la sécurité deson contrat de travail et son ancien-neté dans l’entreprise. Le dialoguesocial, plus présent en France dansl’entreprise que sur le territoire, favo-rise également la régulation et l’ac-compagnement des démarchesinternes.La GPEC se voulait une démarched’adaptation continue au marché del’emploi. Elle est d’abord unedémarche de planification,de gestion(le « g » de GPEC), plus adaptée au

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contexte d’une organisation struc-turée, qu’au contexte des règles deconcurrence et de sélection dumarché, fût-il un marché très régulécomme celui du travail.Cette difficulté de la GPEC à pré-parer des reconversions sur les mar-chés externes (mais d’autresdispositifs, comme les antennes-emploi, la VAE ou l’essaimage, s’ysont attaqués), a été renforcée parune ambiguïté qui la suit tout aulong de son histoire. Comment, defaçon préventive et anticipée, pré-parer des salariés à la recherched’emploi, comment développer leuremployabilité en fonction desbesoins du marché du travail, sansimmédiatement envoyer le signal

négatif d’un possible licenciement?La GPEC est souvent perçue commel’antichambre des plans sociaux. Envoulant se défendre de cette accusa-tion, les promoteurs de la GPEC nepouvaient plus en faire un instru-ment de mobilité externe.Bien sûr, ily a des exceptions. Elles sont atta-chées à la qualité du dialogue social,à la confiance entre les partenairessociaux, aux engagements de l’entre-prise de ne pas laisser « seul un salariéavec son problème d’emploi », dedévelopper l’employabilité plutôtque l’illusion d’un contrat à vie.Maisglobalement la GPEC n’a pas permisd’armer et de préparer les salariés (etles territoires). Les accords deméthode peuvent chercher à récon-cilier la GPEC et les mobilitésexternes, mais des tendances commele recours massif à la sous-traitanceou le recours à l’intérim, visent pré-cisément à externaliser les risques liésà l’emploi, à se défausser de l’accom-pagnement des parcours profession-nels, à s’exonérer de la responsabilitédu maintien ou du développementde l’employabilité.De même lors desrestructurations, la tentation estgrande de reporter cette responsabi-lité sur les pouvoirs publics, et enparticulier sur les régions.Le contexte actuel est marqué par labanalisation des situations de travailoù coopèrent des salariés ayant desemployeurs et des contrats différents,c’est-à-dire par une plus grandeporosité des marchés internes etexternes. Mais cela ne favorise pasl’extension du domaine de la GPEC.Au contraire puisque ce sont lesmarchés internes et leur plus grandelisibilité qui diminuent au profit dumarché du travail. Le développementde démarches territoriales de GPECest pour l’instant très ponctuel. Il estlié au dynamisme et à la clairvoyance

d’acteurs locaux très liés à leur terri-toire. C’est le cas de la Plateforme dereconversion et de reclassement dubassin d’emploi de Bressuire (Deux-Sèvres) par exemple. Les acteurs ter-ritoriaux de la formation, comme lesOREF, le SPE local, les OPCA,n’ont pas trouvé leur place dans cesdispositifs.

Un verre à moitié pleinou à moitié videQue la GPEC n’ait pas atteint sesobjectifs ne signifie pas qu’elle n’aitrien réalisé. La mobilité s’est souventaccompagnée de précarité. Les pro-jets professionnels de beaucoup sontà très court terme.Pourtant il ne fautpas jeter le bébé avec l’eau du bain.Qu’il soit difficile de prévoir, nesignifie pas qu’il est inutile de se pro-jeter dans l’avenir. Même sous formed’hypothèses et de scénarios révi-sables, c’est au contraire salutaire.Qu’il soit vain de vouloir tout ana-lyser et tout faire rentrer dans descases et des plans pluriannuels, n’em-pêche pas de chercher à introduireun maximum de cohérence et depermanence au sein des politiques deressources humaines et de mobilité.Qu’une analyse des métiers tropdétaillée fasse perdre la vision desévolutions, des transversalités etregroupements possibles, n’enlèverien aux immenses progrès qui ontété accomplis dans la connaissancedes activités de travail, des compé-tences exercées, des trajectoires pos-sibles, des bifurcations réussies, desproximités entre métiers qui permet-tent d’imaginer des passerelles et desparcours nouveaux, en particulier surles marchés externes et dans les bas-sins d’emploi.Bien sûr ces évolutions ne sont pastoutes à mettre entièrement au crédit

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Développements

LES PARTICIPANTS

Paule Arcangeli, AG2RDominique Balmary, Conseil d’ÉtatJean-Claude Barbier, CNRS-MatisseRachel Beaujolin-Bellet, Reims Management SchoolJean-Marie Bergère, Développement et EmploiJacques Bertherat, Développement et EmploiJean-François Dupont, CFDTDominique Gaudron, AlgoéAndré Gauron, Cour des ComptesSylvie Karsenty, Développement etEmploiJoseph Le Corre, Aract Ile-de-FranceMichel Parlier, AnactPaul Santelmann, AFPAPatrice Simounet, Sodesi (Air France)Paul Schiettecatte, Entreprise et PersonnelDominique Thierry, Développement et EmploiÉlodie Trantat, étudiante

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des démarches de GPEC. Elles onttout de même largement contribué àrévéler les évolutions de compé-tences, le développement de la poly-valence. Elles ont mis au centre desréflexions la notion de parcours pro-fessionnel et popularisé le termed’employabilité.La GPEC voulait penser et gérer enmême temps l’ensemble des ques-tions du travail et de l’emploi, le pré-sent et l’avenir. Nous avons tendanceà séparer, au moins au niveau opéra-tionnel, la gestion des restructura-

tions, le développement des compé-tences et de la formation, et laréponse aux besoins réaffirmés desécurité dans des parcours profes-sionnels à inventer chaque jour.Il y a au moins une chose à retenir,une chose toujours d’actualité. Ledialogue social,dans l’entreprise,maisaussi dans les bassins d’emploi, sedéveloppe autour de pratiques ou dedispositifs qui peuvent justement être« l’objet du dialogue social ». LaGPEC, plus que d’autres démarches,a imposé l’échange d’information sur

les métiers et les conséquences entermes d’emploi des stratégies d’en-treprise et imposé la prise en comptedu temps utile dans les périodes deplus en plus fréquentes de transitionsprofessionnelles.La GPEC peut disparaître aujour-d’hui, et son cortège d’illusions avecelle, pourvu que restent l’informa-tion, le dialogue et le temps.

JEAN-MARIE BERGÈRE,avec la collaboration

d’Élodie Trantat, étudiante

epuis quelques années, desrapports français1 et euro-péens2 plaident pour unemeilleure anticipation des

restructurations, faisant – directementou non – écho aux démarches deGestion Prévisionnelle des Emplois etdes Compétences (GPEC) initiées il ya deux décennies.L’anticipation dont il est questionrenvoie à une double acception:• un partage anticipé de l’informa-tion sur les difficultés économiqueséventuelles et sur la stratégie de l’en-

treprise, voire une annonce précocede la décision de restructuration parla direction;• une préparation des salariés et desterritoires aux conséquences desrestructurations. Pour les premiers,elle renvoie notamment au recours àdes formations professionnelles, voire

à des démarches de développementd’employabilité.Pour les seconds, elleimplique des politiques de dévelop-pement d’activités, préventives voirepermanentes.

Préparer les salariés et les territoiresDans ses deux formes, l’anticipationrepose donc sur le fait de ne pasattendre le moment même de l’an-nonce de la restructuration pour à lafois informer les parties prenantes desdifficultés et des projets de l’entre-prise, et sur la nécessité de préparerles salariés et les territoires concernésà l’échéance ou à l’éventualité d’unerupture nécessitant des transitionsprofessionnelles.

La plupart des sociétés attendent le dernier moment pour annoncer les restructurations. Deux raisons expliquent cette réticence au partagede l’information : la difficulté à reconnaître comme légitimes d’autresacteurs que les cadres dirigeants et une crainte des réactions des salariés. D’autres démarches sont apparues récemment.

L’anticipation partagée des restructurations:des discours aux épreuves de réalité

D1. En particulier, les rapports Aubert (2002) et Viet (2003)2. En particulier, le rapport « Gérer le change-ment » d’un groupe d’experts européens(1998)

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Développements

Dans une étude menée pour laDARES3 reposant sur deux mono-graphies approfondies de restruc-turations, emblématiques derestructurations industrielles lourdes(il s’agit de fermetures d’entreprisesappartenant à des groupes) accompa-gnées de plans sociaux concernantun nombre important d’emplois, etcaractérisées en l’occurrence par uneannonce tardive malgré l’existencede nombreux signaux précurseurs,nous avons tenté d’identifier lesfreins à l’anticipation des restructura-tions, au sens d’un partage anticipépar les directions d’entreprises auprèsd’autres acteurs, des informationsprésidant aux décisions prises.Dans ces cas, face aux signaux pré-curseurs de restructuration identifiés,des acteurs (élus du comité d’entre-prise, élus locaux) ont émis desalertes à destination des directionsd’entreprises pour obtenir des infor-mations sur les processus de décisionen cours, actions qui n’ont produitaucun autre effet qu’une dénégation.Il apparaît ainsi qu’en l’absence deprise de position explicite de ladirection de l’entreprise sur lesmenaces qui pèsent sur l’avenir et surl’emploi, il en devient difficile –voire impossible – pour les représen-tants du personnel et pour les acteurspolitiques et administratifs, de faireen sorte que leurs alertes setransforment en actions. Ces acteursexpriment alors un sentiment d’im-puissance face à l’inutilité de leursactions avant toute annonce officielle.Ces réticences, voire résistances, aupartage de l’information peuventalors être analysées et interprétées deplusieurs façons.En premier lieu, elles dévoilent ladifficulté à reconnaître légitimes,dans une réflexion sur l’évolution del’entreprise, d’autres acteurs que les

cadres dirigeants. Cette difficulté res-sort comme particulièrement aiguëdans les configurations d’entreprisespaternalistes. Elle renvoie ainsi à uneconception non-participative de lagouvernance de l’entreprise, l’em-ployeur demeurant fondamentale-ment seul juge de sa gestion etn’ayant, dans cette représentation,aucun compte à rendre en amont desobligations légales d’information-consultation liées à l’annonce d’unprojet de restructuration accompa-gnée d’un plan social.En deuxième lieu, la volonté d’oc-culter les problèmes repose sur unecrainte quant à l’ampleur et la naturede la réaction des salariés. Dans le casd’une annonce anticipée, l’établisse-ment concerné devant fonctionnerencore plusieurs mois avant sa fer-meture, le risque serait alors d’handi-caper cette possibilité. De même, ladiffusion de l’information d’une pos-sible défaillance peut laisser craindredes réactions négatives de la part defournisseurs, de distributeurs ou definanceurs, créant ainsi des effetsnégatifs en cascade, pour l’établisse-ment concerné, mais aussi pour l’en-semble des établissements du groupe.Le mécanisme d’occultation de l’im-minence d’une réduction d’effectifsrenvoie ici à des formes d’anticipa-

tion rationnelle sur les coûts et lesrisques systémiques d’une annonceanticipée, évalués comme étant plusimportants que ceux d’une annoncetardive.

Les salariés se sentent trahisPour autant, ces annonces tardives,précédées de signaux précurseurslaissant penser à des formes de chro-niques de fermetures annoncées, nesont pas sans effets sur le déroule-ment même de la restructuration.Dans les cas étudiés, les réactions dessalariés et de leurs représentants aumoment de l’annonce de la restruc-turation révèlent un sentiment detrahison et fait émerger une fortedemande de réparation, notammentfondée sur un sentiment de trom-perie antérieure. En l’occurrence,cette demande de réparation se tra-duit par une demande indemnitaire– sous la forme d’indemnités supra-conventionnelles. Nous pouvonsainsi nous demander – mais c’est enl’état une hypothèse – dans quellemesure moins une direction s’inscritdans une démarche d’anticipationpartagée (multi-acteurs) de ses déci-sions de restructurations, plus elles’expose à une demande de répara-tion monétaire.À l’inverse des cas que nous avonsétudiés, qui peuvent être considéréscomme emblématiques de « cas stan-dards », d’autres configurations sontapparues récemment (par exemplechez Areva ou Arcelor), où les direc-tions ont dévoilé, de façon précur-seur, leur projet de restructuration.Mais, contrairement à ce que nousavons observé dans les cas étudiés, cesentreprises ont notamment commecaractéristique de s’inscrire dans uneimportante histoire de dialogue

3. R. Beaujolin-Bellet (coordination),C. Cornolti, J.-Y. Kerbourc’h,A. Kuhn,Y. Moulin (2006), Anticipation et accompagne-ment des restructurations d’entreprises : dispositifs,pratiques, évaluations, Rapport pour la DARES.4. Ces monographies ont été soumises etdébattues au sein d’un groupe d’experts composé de : Jean-Marie Bergère(Développement et Emploi), FrédéricBruggeman (Syndex), Bernard Gazier(Université Paris I), Jean-Yves Kerbourc’h(Université de Nantes), Dominique Paucard(Syndex), Claude-Emmanuel Triomphe(Université Européenne du Travail), GéraldineSchmidt (IAE de Paris, Université Paris I).

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l’heure de son supposérenouveau, la gestion descompétences laisse appa-raître une grande diversité

tant dans ses objectifs que dans sesmodalités pratiques. De cette diver-sité, deux grandes options semblentse dégager. L’une, la plus courante,consiste à prescrire, développer etévaluer des comportements profes-sionnels dans une optique princi-pale de gestion des ressourceshumaines ; l’autre, probablementplus prometteuse, vise à promouvoirun modèle productif nouveau quiarticule choix stratégiques, nou-velles formes d’organisation du tra-

vail et modes ambitieux de GRH1.L’intérêt, pour l’entreprise, derecourir à la notion de compétenceest que celle-ci se situe à l’interfacedu travail et de l’emploi et qu’à cetitre, elle permet de piloter simulta-nément l’évolution des organisa-

tions et la professionnalisation desindividus. Elle traduit, d’une part,les mutations du travail et de sonorganisation : prise en compte desspécificités des clients, maîtrise parles équipes de la qualité, responsabi-lisation des équipes ; elle clarifie,d’autre part, les questions d’emploi :renforcement des capacités d’actionindividuelle et collective, dévelop-pement de l’employabilité, élabora-tion des parcours professionnels ;reconnaissance de l’expérience…Nous entendons par démarchecompétence le mode de manage-ment par lequel une entreprise metses choix d’évolution en cohérenceavec le développement de ses sala-riés et avec la transformation de sonorganisation du travail2. Elle reposesur la conviction que le travail com-pétent permet de satisfaire lesattentes diversifiées des clients.C’estune dynamique qui se manifestesimultanément par de nouvelles

Les démarches compétence :quels enjeux pour les acteurs de l’entreprise ?Avant d’entreprendre une démarche de GPEC, il est important d’expliciter, pour chaque catégorie d’acteurs, les enjeux de la démarche.Les efforts à accomplir et les gains escomptés ne sont pas les mêmespour la direction, l’encadrement, les salariés et les représentants du personnel. Les faire converger constitue une autre condition de réussite du projet.

À

social, la Gestion Prévisionnelle desEmplois et des Compétences ayantpar exemple déjà été antérieurementconçue comme un objet de négocia-tion sociale. Il semblerait ainsi, à nou-veau, que l’enjeu de la mise enœuvre effective de démarches antici-pées en matière d’emploi soit inti-mement lié à la nature des relationssociales établies, autrement dit aux

places accordées aux acteurs non-managériaux dans la gouvernance etles pratiques de gestion de l’emploi.

RACHEL BEAUJOLIN-BELLET,Professeur à Reims

ManagementSchoolCHRISTOPHE CORNOLTI, Maître de

Conférences à l’Université Nancy 2ANTONY KUHN, Maître de

Conférences à l’Université Nancy 2YVES MOULIN, Maître de Conférences

à l’Université Strasbourg 3

[email protected]@univ-nancy2.fr

[email protected]@urs.u-strasbg.fr

1. Gilbert P. et Parlier M. (2005).« La gestion prévisionnelle des ressources humaines. Fondements, bilan etmise en œuvre ». In D.Weiss (Dir.), LesRessources Humaines, Éditions d’Organisation,(3ème édition), p. 489-524.2. Parlier M. (2003). « Qualification et compétence ». In J.Allouche (Coord.),Encyclopédie de gestion des ressources humaines,Paris :Vuibert, p. 216-223.

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Développements

formes d’organisation et par desperspectives d’évolution profession-nelle. L’organisation du travail estconçue pour permettre au salariéde mobiliser ses compétences dansun cadre responsable afin d’opéra-tionnaliser les orientations de l’en-treprise, et ce faisant de contribuerà sa performance. Dans une relationd’emploi renouvelée, les compé-tences détenues lui sont reconnueset lui permettent d’évoluer dansson métier.

De l’intérêt d’expliciterles enjeuxLes bilans qui sont dressés sur leslimites voire les échecs de la gestiondes compétences font apparaîtretout un ensemble de raisons, allantde l’absence d’ambition managé-riale à la lourdeur et à l’inadéqua-tion des outils en passant parl’importance de l’investissement àconsentir. Un autre raison noussemble importante : l’insuffisance dela clarification des enjeux des diffé-rentes catégories d’acteurs. Nousconsidérons que si beaucoup dedémarches de cette nature ne vontpas à leur terme, c’est parce quel’on ne prend pas le temps d’expli-citer les efforts nécessaires et lesgains escomptés. S’engager dansune telle démarche est coûteux etimplique de le faire en touteconnaissance de cause. Parler icid’enjeu, c’est prendre le terme aupied de la lettre : « ce que l’on peutgagner ou perdre dans une compé-tition » (Dictionnaire Robert).Mettons cette définition à profit

pour expliciter les enjeux desquatre catégories d’acteurs princi-palement concernées3.

Pour les employeurs :performance et dynamique socialeQuel est l’investissement initial del’employeur ? Essentiellement, lecoût d’accès au dispositif, c’est-à-dire leur temps et celui de leurscollaborateurs qu’ils vont engagerdans la conception, la mise en placeet le suivi de ce dispositif. Ce à quoile temps, ressource rare, est affectérelève du choix stratégique : c’estdu temps soustrait à la productionimmédiate, au règlement desurgences, à d’autres projets, toutaussi prometteurs…Quels sont les gains que le chefd’entreprise peut espérer ? Ils sont,en premier lieu, de nature écono-mique : meilleure compréhensionpar les salariés des orientations etdes enjeux de l’entreprise, de ceque l’entreprise attend d’eux : réac-tion aux événements et arbitragepar rapport aux urgences, maîtrisedes équipements, qualité de servicerendu aux clients, aux usagers,coopération dans les équipes, entreles équipes… Ces bénéfices doiventêtre traduits chaque fois en fonc-tion des spécificités de l’entreprise,ils peuvent être formulés en termesd’objectifs concrets à atteindre et,ainsi, ils doivent permettre aux res-ponsables d’examiner le rapportcoûts/bénéfices et de comprendresi celui-ci est susceptible d’êtreavantageux pour l’entreprise.À quelles conditions la balancepeut-elle pencher en faveur d’unengagement dans le projet ? D’uncôté, coût d’investissement et accep-tation de la participation; de l’autre,

espérance de meilleure performanceet implication plus forte des colla-borateurs. À ce stade, les réponsessont éminemment personnelles,mais avoir clairement estimé ce quecoûtait un projet de cette nature,avoir tout aussi clairement défini cequ’on pouvait en attendre, permetalors de prendre le risque en touteconnaissance de cause.

Pour l’encadrement :efficacité au quotidien et management dans la durée

L’encadrement de proximitéoccupe une position centrale dansla mise en œuvre d’une démarchecompétence. Une interrogation surses enjeux propres doit s’inscriredans une réflexion plus large sur lesattentes différenciées que les entre-prises expriment à son égard. L’en-cadrement rapproché est souventtiraillé entre différentes forcescontradictoires :- être au plus près du lieu où le pro-duit et le service sont élaborés, là « où sortent les pièces », dans uneperspective de court terme perti-nent pour la maîtrise des coûts, desdélais et de la qualité ;- prendre du champ et s’inscriredans des activités transversales(groupes projet portant sur l’orga-nisation, le produit, la qualité, lesnouvelles technologies…; instancesde direction et de coordination)dans une perspective de moyenterme d’amélioration et de mana-gement.De quoi ont besoin les responsablesde proximité ? D’outils et deméthodes simples qui les aident à lafois dans leurs actions quotidienneset dans leur management dans la

3. Masson A. et Parlier M. (2004). Les démarchescompétence, Lyon : éditions du réseau ANACT,coll.Agir sur.

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durée. Leurs contraintes sont dedeux natures : d’une part, ils doiventretirer du temps à l’activité immé-diate, celle qui permet de satisfaireles attentes des clients ; d’autre part,ils doivent intégrer une dimensionmanagériale à laquelle leur forma-tion et leur passé de technicien neles ont pas préparés et qui consiste,notamment, à évaluer, en situationde face à face, les contributions deleurs collaborateurs.Ajoutons que cetype de projet constitue une« couche supplémentaire » de pres-criptions de l’entreprise à leur égard;ce qui risque de les perturber si l’en-treprise ne les aide pas à avoir unereprésentation globale et intégrée deleurs différentes missions.Une démarche compétence est sus-ceptible de permettre à l’encadre-ment de proximité de dépasser latension dans laquelle il se trouveplacé :• cette démarche lui apporte lesmoyens d’une meilleure implica-tion et d’une efficacité renforcée deleurs collaborateurs responsabiliséssur les objectifs à atteindre ;• elle lui fournit la possibilité d’as-sumer de façon pleine et entière saresponsabilité managériale quiconsiste à obtenir la meilleurecontribution possible de ses colla-borateurs et à accompagner leurévolution.Le rapport paraît avantageux :certes, un temps soustrait au fonc-tionnement quotidien mais uneefficacité graduellement renforcéegrâce à une meilleure implicationdes individus ; certes, de nouvellescharges managériales mais desrègles clarifiées qui permettent des’en acquitter avec moins de diffi-cultés. Mais attention : encore faut-il que les outils soient simples etmaniables.

Pour les salariés :reconnaissance et employabilitéQu’en est-il du côté des salariés ?Quelles sont leurs mises initiales ?Ce que les salariés risquent deperdre, c’est d’abord une automati-cité, et donc une relative assurance,de la progression professionnelle(ancienneté, augmentations collec-tives…) ; c’est ensuite un relativeconfort en ne devant pas rendrecompte, non seulement de leursactivités mais aussi de leur dévelop-pement professionnel, c’est doncd’avoir à faire constater des résultatset des progrès significatifs avant deprétendre à une évolution profes-sionnelle.Les gains potentiels des salariéss’apprécient essentiellement entermes d’évaluation, de parcoursprofessionnel et de reconnaissance.Une démarche compétenceapporte aux salariés l’assurancequ’ils seront évalués selon des règlesexplicites et contrôlables. Parailleurs, les voies et moyens de lareconnaissance sont formalisés,chacun étant en mesure de savoir àquelles conditions il lui est possiblede progresser. Cette question de lareconnaissance revient prioritaire-ment lorsqu’on interroge les salariéssur leurs attentes : espoir de dépasserla situation de blocage (« on est autaquet ! ») ; souhait de voir dessavoir-faire utilisés régulièrementpris en compte ; désir que lescontributions respectives desmembres d’une équipe soientconsidérées de façon équitable…Le gain des salariés se mesure ainsien termes d’employabilité : l’entre-prise prend les moyens de connaîtreles compétences de ses collabora-teurs, et ce faisant leur permet de

prendre conscience de leurs pointsforts et de leurs besoins de pro-gresser ; elle met également en placedes modalités de développement etelle organise des parcours profes-sionnels.Une démarche compétence, si ellese traduit certes par un surcroîtd’exigences, permet surtoutd’armer les salariés pour qu’ilsprennent en main leur devenir pro-fessionnel en gardant une attracti-vité sur le marché du travail. A cetitre, le rapport entre les coûts occa-sionnés et les avantages retiréssemble positif.

Pour les représentantsdes salariés : valorisationet légitimitéLes mises des représentants des sala-riés sont moins évidentes ; elles n’ensont pas moins importantes.Vont-ilsaccepter de quitter un rôle protesta-taire et revendicatif, pour s’orientervers un positionnement de proposi-tions ? Plusieurs dimensions sont icià prendre en considération : le com-portement de l’employeur et ledegré de confiance qu’il est capablede créer avec ses interlocuteurs ;l’idéologie des organisations, leurligne directrice en matière d’ac-cord ; les relations qu’elles entre-tiennent avec leur base et leurcapacité à prendre en compte lesattentes de celle-ci et de laconvaincre du bien fondé d’unedémarche. Ces représentants jouentici leur image et leur légitimité. Ils’agit pour eux, clairement ouconfusément, d’une prise de risque.Ce qui leur est demandé n’est passimple, leurs hésitations sont com-préhensibles. Ils n’ont pas intérêt às’engager s’ils n’obtiennent pas apriori des garanties quant aux

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intentions des décideurs et quantaux moyens consacrés au projet.Les gains potentiels des représen-tants des salariés concernent la légi-timation de leur rôle. Pour autantqu’ils sachent mettre à distance lesfausses certitudes (par exemple,défendre coûte que coûte les pro-gressions à l’ancienneté alors quecelles-ci sont faiblement prédictivesdes capacités et qu’elles n’assurenten rien l’employabilité) et qu’ilssachent dépasser le mode d’actionprotestataire pour se risquer à unedynamique de propositions, ils ontl’occasion d’adopter un comporte-ment reconnu, influent car ilsapportent la preuve qu’il est pos-sible de défendre les intérêts dessalariés d’une autre manière.Le risque peut être pris car lesreprésentants des salariés ont l’occa-sion de passer d’un comportementdéfensif, avec comme angle d’at-

taque le maintien des acquis, à uncomportement offensif de valorisa-tion des compétences et, simultané-ment, de légitimation de leurpropre action.Nous arrivons à des formulationsrelativement générales des catégo-ries d’enjeux. Dans chaque entre-prise, ils doivent prendre des formesspécifiques et on ne peut fairel’économie de leur explicitationlocale. Formuler des enjeux diffé-renciés est un point de passageobligé pour la mise en place d’unedémarche compétence. Il est toute-fois important qu’ils ne restent pascontradictoires et qu’ils deviennentnon pas identiques mais complé-mentaires. Faire qu’ils se rencon-trent constitue une autre conditionde réussite du projet.Les formulations initiales n’abouti-ront toutefois pas à des conver-gences spontanées : par exemple,

une tension a lieu de manière inévi-table entre une volonté de maîtrisede la masse salariale et le souhaitd’assurer une progression de rému-nération jugée équitable en contre-partie des résultats obtenus. Lesenjeux ainsi travaillés sont contra-dictoires mais ils doivent éviter des’exclure mutuellement : c’est laconcertation recherchant un com-promis satisfaisant, ce qui implique,pour chaque acteur, de reconnaîtrela légitimité des enjeux des autrespartenaires.

MICHEL PARLIER

Responsable du départementCompétence, travail et emploi

de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions

de travail et Professeur associé àl’Institut d’administration des

entreprises de [email protected]

RÉCAPITULATIF DES ENJEUX DES ACTEURS

Direction Encadrement Salariés Représentants du personelMise - Allocation de moyens - Prescription supplémentaire - Être évalué - Abandon de certaines garanties

- Frais de conseil - Disponibilité soustraite - Devoir s’impliquer - L’employeur risque deau travail immédiat - Devoir rendre des ne pas tenir ses promesses

- Partage de l’autorité - Confrontation aux comptes à n +1 - Rendre des comptes à la baseattentes des salariés - Evolution conditionnelle

- L’employeur risque dene pas tenir ses promesses

Gains - Implication des salariés - Implication des salariés - Employabilité - Légitimité- Compétitivité accrue - Efficacité accrue - Reconnaissance -Valorisation du capital de compétences- Réactivité renforcée - Réactivité renforcée - Parcours professionnel - Concertation sociale- Concertation sociale - Rôle de management assumé - Équité - Reconnaissance

Rapport - Risque assumé car - Jouable car promesse - Acceptable car - Positif si recherche de nouveauperspectives de gains de meilleure efficacité reconnaissance attendue positionnement et dynamiquedéterminants pour et moyens d’assumer le rôle et employabilité décisive de propositions l’avantage compétitif de management

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a gestion prévisionnelle desemplois et des compétences,concept né dans les années80 est « un ensemble de

démarches, de processus de gestionet d’outils permettant d’anticiperles mutations lourdes que rencon-trent les entreprises et d’intégrer lesressources humaines dans leurdéveloppement »1.Durant 20 ans, à quelques excep-tions près, elle est restée à l’état deconcept. Les entreprises ayant dumal à avoir une vision prospectivesur leur besoin, les salariés ayant des difficultés à s’approprier unedémarche sur laquelle ils avaientpeu de moyen de peser et enfin unmanque d’outils opérationnels pourmener une stratégie anticipatriceont abouti à transformer la GPECen outil d’adaptation des ressourceshumaines.La loi du 18 janvier 2005 fait obli-gation aux employeurs d’au moins300 salariés d’engager une négocia-tion triennale « sur la mise en placed’un dispositif de gestion prévision-nelle des emplois et des compé-tences ». Signalons que moins de20 % des entreprises ont engagé desnégociations sur ce thème. Un rap-pel à l’obligation légale s’imposeainsi que l’abaissement du seuild’application et un soutien territo-rial pour les petites entreprises.La GPEC concerne l’organisation

du travail, le contenu des emplois,les conditions de travail, les qualifi-cations et les classifications. L’UNSA

revendique donc une négociationdans l’entreprise autour de l’entre-tien professionnel, de la validationdes acquis de l’expérience, de l’accès à la formation et de lareconnaissance des compétences.L’intervention des institutionsreprésentatives du personnel sur lastratégie de l’entreprise doit favori-ser la visibilité des salariés sur leurdevenir professionnel.L’UNSA a toujours considéré que laGPEC était un formidable outil.Mais elle nécessite d’être basée surle dialogue, la confiance et la loyau-té. Elle nécessite aussi des étudesprospectives et la mise en placed’outil de diagnostic.

Le dialogue social et ses moyensLa démarche compétences induitdes évolutions à inscrire dans lesaccords de branche et d’entreprise :la branche trace les objectifs géné-raux et en assure la transférabilité,l’entreprise offrant elle le cadreopérationnel de ces garanties col-lectives.La démarche induit la nécessitéd’un large débat et des décisions enmatière d’organisation du travail.Pour répondre à la demande dessalariés de davantage de reconnais-sance, le syndicat doit produire desgaranties nouvelles qui les valori-

sent et sécurisent leurs parcoursprofessionnels : la négociation doitconcerner la formation et ledomaine des classifications et leursrémunérations en les rendant plusévolutives.La gestion par les compétences estun vrai challenge qui implique derevendiquer les moyens de ce dia-logue social. Il s’inscrit dans ladurée, il exige des outils adéquatssur le terrain. A une solide forma-tion des militants devront s’ajouterdes instruments d’une véritablevision d’ensemble du devenir del’entreprise, donc d’une gestionanticipée de l’emploi. Cela supposeune association du syndicat à l’en-semble des questions dans l’entre-prise et une extension du champdes points abordés en comité d’en-treprise, en particulier celles portantsur l’analyse du travail.De nouvelles garanties sont à négo-cier autour de l’entretien profes-sionnel, l’élaboration des référen-tiels emploi, des classifications, lepasseport formation et l’accès à laVAE.Elles s’appuieront sur les observa-toires prévus par l’accord de 2003.L’entretien professionnel est lepivot de l’évaluation des compé-tences du salarié par sa hiérarchie, ildoit faire le point sur l’activité dusalarié dans l’entreprise par unéchange équilibré sur la gestion dutravail accompli et ses évolutionspossibles. L’accord doit définir sonorganisation mais aussi sa prépara-tion, la formalisation de ses résultatset ses possibilités de recours. Le passeport formation est la strictepropriété du salarié, qui l’établit oupas à sa convenance. C’est un outil

Les trois piliers de la GPEC:entretien professionnel, DIF et VAEPour l’UNSA, la GPEC est un formidable outil s’il est fondé sur le dialogue social et la confiance. Dans l’entreprise, la GPEC passe par l’entretien professionnel, la formation et la VAE.

L

1. Baron et Biard 1988.

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Développements

à son usage pour suivre l’évolutionde ses compétences et le besoin deles améliorer par la formation.Toutaussi déterminante est l’associationde tous les salariés à la constructiondes référentiels emploi qui tracentles compétences nécessaires et éta-blissent le lien avec les classifica-tions.Enfin, la VAE est la jonction entre ledéveloppement des connaissanceset leur reconnaissance en termes dequalifications, elle doit participer àla sécurisation professionnelle dessalariés.

Quels outils, quel suivi ?

On peut rappeler l’existence d’uncertain nombre de structures char-gées d’observer, d’établir des statis-tiques, de faire de la prospective tantau niveau départemental, régionalou des bassins d’emploi. Ces struc-tures produisent des outils d’analyseet des rapports intéressants et perti-nents.On peut regretter que la multiplici-té de ces instances et le manque detransversabilité de leurs réflexionsrendent leurs travaux inopérants.Il faut recentrer les outils d’analysesur des territoires pertinents au sensgéographique mais aussi en termesd’intérêts convergents à un momentdonné.Ces analyses doivent aboutir à undiagnostic partagé et doivent servird’outils de pilotage pour des actionsciblées.Ces outils d’analyse doivent per-mettre de négocier une véritableGPEC visant à réduire ou à adapterde façon anticipative les écarts entreles besoins des entreprises en termesd’effectifs et de compétences enfonction de leurs plans stratégiquesou d’objectifs clairement identifiés.

Il s’agit bien d’une planificationstratégique économique et socialeayant pour but de faire évoluer lessalariés en termes de compétence,d’évolution de carrière et de reclas-sement.Il est donc bien évident que toutedémarche de GPEC n’aura aucuneefficacité si elle ne s’appuie pas enamont sur l’identification desenjeux et sur la visibilité que pour-ront en avoir les interlocuteursconcernés.

La formation et la validation des acquisIl faut outiller collectivement lessalariés pour leur permettre de faireface aux changements à partir d’unevisibilité de leur place dans l’évolu-tion de l’organisation du travail etd’une information sur la stratégiede l’entreprise.Dans l’entreprise, la négociation surla formation doit favoriser l’initiati-ve des salariés dans la constructionde parcours professionnel, en rela-tion avec l’évolution des métiers.En lien avec les politiques debranches et les besoins des terri-toires, doivent être organisés desparcours de VAE, d’accompagne-ment et de formation individualiséspermettant les adaptations et lesrequalifications nécessaires aux évolutions technologiques et éco-nomiques.Cette gestion se concrétisera par unprojet impliquant les salariésconcernés.Pas ou très peu de formation quali-fiante et absence de certificationsdes compétences acquises dans l’ac-tivité professionnelle sont trop sou-vent le lot des salariés confrontésaux restructurations et autres consé-quences des plans sociaux.

Comment parler de sécurité profes-sionnelle si l’employabilité est lais-sée en friche ?L’employabilité maintenue favorisela sécurisation des parcours profes-sionnels face aux mobilités etcontribue à la réduction du chôma-ge par une plus grande fluidité dumarché du travail. La question de laformation tout au long de la vie estdonc centrale comme le confirmeles chiffres de l’OCDE. Le gouver-nement, qui prend souvent enexemple le modèle danois pour sacapacité à conjuguer flexibilité dutravail et sécurité professionnelle,devrait retenir l’une des principalesrecettes : un taux d’accès à la forma-tion deux fois plus élevé que cheznous.La loi de janvier 2002 sur la valida-tion des acquis de l’expérience etl’accord national interprofessionnelde 2003 repris par la loi du 4 mai2004, ont dessiné un nouveau para-digme de la formation dans lequelles salariés pourront prendre desinitiatives pour développer leurscompétences et acquérir de nou-velles qualifications. L’UNSA sou-tient cette évolution qui fait dusalarié un acteur de sa qualification.De son côté l’employeur a la res-ponsabilité du développement del’employabilité de ses salariés.Aujourd’hui existent les outils pourconstruire des parcours de qualifi-cation. Faut-il encore que les sala-riés puissent y accéder. Pour l’UNSA,trois priorités doivent être mis enœuvre au niveau de l’entreprise.L’entretien professionnel pour fairele point sur l’activité et les perspec-tives d’évolution dans le cadre de laGPEC. Le droit individuel à la for-mation pour développer de nou-velles compétences. La validationdes acquis de l’expérience pour

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éveloppement et Emploi aété à l’origine du mouve-ment d’analyses et d’actionssur ce thème dés sa création

en 1981. Plusieurs centaines de« chantiers » ont été menés pendant20 ans, avec des entreprises detoutes tailles, de tous secteurs et detous territoires. Le point culminantse situe autour de 1989, lorsquenous avons dénoncé les risques d’uneffet de mode (voir l’ouvrage :« 1981-2001 : vingt ans d’un chemi-nement collectif ! »).Il s’agissait là d’un enjeu essentiel,tant du côté des entreprises, pouraméliorer leur compétitivité afin deles sortir de l’organisation taylo-rienne qui avait atteint ses limitesd’efficacité, que du côté des salariés,pour leur donner les moyens de se développer, d’avoir une vie pro-fessionnelle intéressante et derépondre à de nouvelles aspirations.

Les incompréhensionspermanentesAprès avoir mis presque dix ans àfaire comprendre les enjeux écono-miques de la démarche et à mettre

au point l’essentiel des concepts etdes méthodes, il convient deconstater que, si l’effet de mode ajoué à plein, il reste un haut degréd’insatisfaction par rapport auxobjectifs visés :• il a toujours été difficile de fairecomprendre la différence entre« anticipation », « prévision » et« prévention » ;• à notre corps défendant, certainsDRH ont transformé ces démarchesen outils technocratiques (le syn-drome de « l’usine à gaz »), sans yassocier ni les comités de direction, nile management de terrain et sans enfaire des outils de pédagogie et denégociation collectifs ; ce sontd’ailleurs les mêmes qui ensuite ontjeté le bébé avec l’eau du bain;• malgré le dysfonctionnement pré-cédent, de fait, beaucoup d’entre-prises, au moins parmi les grandes,ont développé des « démarches com-pétences », qui ont eu des effetsincontestables, mais en les focalisantprioritairement sur les seules compé-tences que le marché du travail auraitdu mal à fournir « naturellement »,donc en sélectionnant implicitementles populations concernées ;

• si globalement, l’enjeu de la com-pétitivité économique a été com-pris, nous n’avons jamais réussi àfaire passer dans les pratiques celuidu développement de l’employabi-lité, donc celui de la sécurisationdes parcours pour les personnes. Lesdémarches ont été réduites à de lagestion « prévisionnelle », et nousn’avons pas réussi à les rendre égale-ment « préventives ». Notre combatpour les termes a été réduit à undébat sémantique, alors que c’étaitle fond qui était en cause. À cetégard, les Pouvoirs Publics, et toutparticulièrement l’Administrationdu Travail, n’ont pas facilité la tâche,en utilisant pendant plus de dix ansun terme vide de sens (la GPE-ges-tion prévisionnelle de l’emploi),puis un terme réducteur (la GPEC-gestion prévisionnelle des emploiset des compétences). Globalementet sauf exception, dans un contextegénéral hautement aléatoire et hau-tement imprévisible le terme « pré-vision » n’a aucun sens ; je ne voisdonc pas pourquoi on s’acharne àl’employer. Les notions - par ailleursà distinguer - d’anticipation, d’ap-prentissage individuel et collectif dela réactivité et de l’imprévu, dedéveloppement continu de l’em-ployabilité et de sécurisation desparcours ont, elles, du sens ;• sur le fond, on peut dire en for-çant à peine le trait que le salarié n’a

Histoire d’ancien combattantDominique Thierry, un des principaux initiateurs de la gestion prévisionnelle et préventive des emplois et des compétences (GPPEC)revient sur les objectifs de cette démarche et sur son évolution.Les incompréhensions sont multiples.

D

assurer une reconnaissance de laqualification au-delà des murs del’entreprise. D’autre part, le salarié doit disposer d’informations,de conseils et d’accompagnement

au niveau de la branche et du terri-toire.

CHRISTINE DUPUIS

Secrétaire Nationale à l’UNSA

Jean Claude TRICOCHE

Secrétaire National à l’UNSA

[email protected]@unsa.org

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e débat sur la sécurisation desparcours professionnels a réac-tivé les questionnements dumilieu des années 80 relatifs à

la gestion prévisionnelle des emploiset des compétences (GPEC).Car surce dernier plan le bilan est maigre etdepuis plus de vingt ans noussommes confrontés à de nombreuxphénomènes contre-productifs :• Les puissants mécanismes de« décrochage professionnel » en mi-carrière liés aux préretraites maisaussi à la faiblesse de la formation

promotionnelle pour les ouvriers etemployés.• Les déperditions (stigmatisation,démotivation des personnes, stages-parking, etc.) provoquées par lespolitiques qui consistent à attendreque les moins qualifiés soient auchômage de longue durée pour lesformer.• L’enfermement de nombreux sala-riés dans un même niveau d’emploitoute une vie faute d’incitation à desmobilités internes et externes.• La confusion entre la montée en

qualité de la formation initiale etl’allongement des études.• Le développement de l’hyper-flexibilité en début de carrière.• La multiplication des statuts d’em-ploi avec les risques de cloisonne-ment et d’impasse que cette optiongénère.• La dévalorisation et la dégradationdu travail de base (ouvrier etemployé) par le biais des allégementsde charges concentrés sur les bassalaires.Quant au chômage de longue duréeet aux processus d’éviction du mar-ché de l’emploi, ils demeurentrécurrents même s’ils sont partielle-ment masqués sur le plan statistique.Les dysfonctionnements en matièrede gestion des salariés et d’intermé-diation entre offre et demanded’emploi s’alimentent donc mutuel-

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Développements

jamais été ni concerné, ni impliquédans ces démarches, alors qu’ildevrait y être au centre.

L’approche territoriale

Une autre dimension de cesdémarches est apparue progressive-ment, plutôt à partir des années 1995:la dimension territoriale (cf. en parti-culier l’ouvrage collectif Algoé/Déve-loppement et Emploi: « Emploi, lesréponses locales » 2002).L’idée que pour une grande majo-rité de salariés il fallait privilégierles sécurités des parcours au seindes marchés locaux du travail nousest apparue comme une évidence.Mais sur cette dimension, il nous a

semblé qu’il fallait repenser assezradicalement, en termes de contenuet surtout en termes de pédagogie,la formation initiale et continueprofessionnelles, en :• privilégiant la pédagogie induc-tive au détriment de la pédagogiedéductive et académique, tradition-nelle en France, c’est-à-dire en pri-vilégiant résolument l’alternance,• en combinant plusieurs situationsde travail, si possible dans des sec-teurs professionnels différents et sipossible dans des PME/PMI, pour « faire expérience »,• en privilégiant les formationsqualifiantes et diplômantes,• en améliorant de façon très signi-ficative la qualité de l’alternance

(une alternance vraiment intégrée,pas juxtaposée) par un portage « adhoc » (plutôt groupement d’em-ployeurs).Malgré quelques expérimentationsprometteuses, le moins qu’on puissedire c’est que nous n’avons été nicompris, ni suivis !J’en suis devenu méfiant quant auxdiscours sur la sécurisation des par-cours et sur le nécessaire dévelop-pement continu de l’employabilité.

DOMINIQUE THIERRY

Vice-président de Développement et Emploi

[email protected]

Élargir l’approcheLe dispositif d’aide à la GPEC dans les PME, les récentes dispositionsdu plan de sauvegarde de l’emploi, l’ANI et la dernière conventionUNEDIC: quatre leviers qui devraient contribuer à une relance de la GPEC et à une meilleure articulation entre les marchés du travailinternes des entreprises et le marché externe. Mais les obstacles à une meilleure articulation des démarches des différents acteurs restentnombreux.

L

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lement. Pourtant le dispositif d’Étatd’aide à la GPEC dans les PME (cir-culaire DGEFP 2004/10), lesrécentes dispositions du plan de sau-vegarde de l’emploi, l’ANI et la loide 2004 sur la FPC ou la dernièreconvention UNEDIC sont autantde leviers qui devraient contribuer àune meilleure articulation entre lesmarchés internes des entreprises etle(s) marché(s) externe(s). Lesacteurs concernés sont-ils pourautant préparés à s’emparer de cesopportunités?

Remettre à plat lesconcepts et les outilsLe Service Public de l’Emploi(SPE), les OPCA, les observatoiresde branches, les OREF mais aussi lesASSEDIC ont désormais fait l’expé-rience des limites, pour ne pas direplus, des conceptions adéquation-nistes du marché du travail. À l’im-prévisibilité des données fines (spé-cialités professionnelles) de l’emploilocal s’ajoutent les comportementsdes employeurs en matière d’em-bauche (sur-sélection et déclasse-ment) ou des actifs en matière deprojets professionnels. Au niveau durapport à l’emploi et des mobilités,l’hyper-flexibilité du marché du tra-vail pèse essentiellement sur lesjeunes, pour les âges intermédiairesla rigidité statutaire est dominante etle déclin professionnel commencetoujours vers 45 ans ! Il faut donctravailler à un changement de para-digme dans l’appréciation du mar-ché du travail qui nécessite unerévolution culturelle non négli-geable tant du côté de l’entrepriseque des nombreuses institutionssupposées agir sur la relation entrel’offre et la demande d’emploi. Untel changement suppose une

convergence d’action et de méthodeentre pouvoirs publics et partenairessociaux.La GPEC s’est voulue, avec raison,un instrument de mobilisation col-lective impliquant les salariés et passeulement les chefs d’entreprise oules DRH. Aujourd’hui poursuivrecette démarche qui n’a pas dépasséle seuil des marchés internes d’unepartie des grandes firmes, nécessited’intégrer les acteurs du marchéexterne. Ce choix suppose une ges-tion interne des compétences com-patible (lisible) avec les pratiquesd’intermédiation offre/demanded’emploi et de l’orientation profes-sionnelle (accompagnement desparcours). Or cette articulation seheurte à plusieurs obstacles :• L’outillage des fonctions de place-ment et d’orientation (trop souventconfondues) communie à desconceptions dépassées, liées à l’hyper-référentialisation des com-pétences (type code ROME ouréférentiels des diplômes profession-nels) et à la prégnance des logiquesde traitement social des populations.• Le système d’acteurs de l’emploiexterne aux entreprises relèvedésormais de la balkanisation quiaffectait déjà les structures du social.• Les références de branches (descritères de classifications aux CQP)renvoient à des particularismes sec-toriels et technicistes qui ne permet-tent pas de saisir les dimensionstransférables des compétences tech-nico-professionnelles.

Cette situation a eu comme consé-quence une séparation des outilssupposés développer les compé-tences des personnes.• D’un côté, des prestataires ou desconsultants privés ont outillé lesmarchés internes des entreprises et

les actions de formation des salariés.• De l’autre, les différents opérateursdu service public ont tenté d’ac-compagner les évolutions profes-sionnelles des personnes.Pourtant dans les deux cas il s’agis-sait de préparer des individus à descontextes de transformation du tra-vail et pas seulement de les adapter àun emploi. D’un côté l’entreprisecommuniait à un remake de l’adap-tation au poste de travail et del’autre, le service public se focalisaitsur des logiques de traitement socialde populations en difficulté d’inser-tion en faisant trop souvent l’impas-se sur ce qu’elles avaient acquiscomme savoirs et compétences dansleur vie de travail. Pour dire leschoses autrement, pour aider lesentreprises à changer il faut aussianalyser l’expérience des chômeurset pour aider les chômeurs il fautconnaître l’entreprise…

Des nouvelles configurationsNous sommes en train de passerdans une nouvelle configuration enmatière d’emploi.L’accentuation desprocessus de répartition des voca-tions industrielles (mondialisation/délocalisation/diversification desterritoires) et la nouvelle donnedémographique (vieillissement/réduction du nombre de jeunesactifs disponibles) vont obliger à unerévision des modes de gestion de lamain-d’œuvre. Les TPE/PME vontparticulièrement souffrir du nou-veau contexte et les tensions sur lemarché du travail vont s’accentuer.Les difficultés de recrutement ris-quent de coexister avec un chôma-ge de masse d’exclusion et de nou-veaux flux migratoires.Si les grandes firmes sont en train de

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redéployer leurs stratégies de maind’œuvre, les petites entreprises, déjà(dés) intégrées dans des processus derecomposition du système productif(sous-traitance, externalisation) vontêtre confrontées à de nombreuses dif-ficultés notamment liées à l’attractivi-té des grandes firmes et des territoiresen expansion (grandes aggloméra-tions).En clair, les TPE (moins de 50)des territoires en déclin, déjà sur-consommatrices de toute la gammedes contrats aidés, des CDD et dutemps partiel (44 % des salariés)auront de plus en plus de mal à stabi-liser leur main-d’œuvre et à trouverdes professionnels de qualité.Le renouvellement des tissus écono-miques locaux doit s’accompagnerd’un meilleur fonctionnement dumarché du travail fondé sur l’exten-sion de l’employabilité de la popula-tion active afin d’éviter les impasses

d’hier (illusion du plein emploistable notamment chez les moinsqualifiés). Mais l’action économiquedoit être articulée à un renforce-ment de l’employabilité des moinsqualifiés. Fluidifier le marché du tra-vail et sécuriser les trajectoires decelles et ceux qui sont les moinsarmés pour évoluer professionnelle-ment supposent :• une approche large des compé-tences individuelles et collectivespermettant d’établir des registres demobilités (profils vocationnels,démarches analogiques, etc.) ;• une compréhension partagée destransformations du travail (organisa-tions, contextes, contenus, interfacesentre fonctions, etc.) ;• une capacité à fournir des réponsesadaptées à l’expérience des per-sonnes (sur-mesure).Toutes ces démarches bénéficient de

travaux sérieux et expérimentés auniveau international mais faiblementappropriés en France. Il faut doncs’interroger sur le système d’acteurscapables :• de porter la logique de sécurisationdes parcours et de gestion anticipéedes mobilités au-delà de chaqueentreprise spécifique;• de se distancier des approchesétroitement techniques des contenusde travail.Car il s’agit à la fois d’accompagnerdes entreprises mais aussi des trajec-toires de personnes dans l’entreprise,dans le secteur, dans un territoire ethors du secteur et du territoire.

PAUL SANTELMANN Responsable de

la prospective à l’[email protected]

a double nécessité d’amélio-rer la capacité d’anticipationdes acteurs socio-écono-miques et le traitement terri-

torial des restructurations a conduit

l’État, au cours des deux dernièresannées, à faire évoluer de manièresignificative le droit des restructura-tions et à procéder à une refonteambitieuse de plusieurs dispositifs

en charge de l’anticipation et l’ac-compagnement des mutations éco-nomiques1.Ainsi, dans le cadre de la loi du18 janvier 2005 de programmation

L’État fait le bilan de la GPECLa DGEFP (Délégation Générale à l’Emploi et à la Formation Professionnelle) dresse le bilan de deux dispositifs, l’un législatif, l’autre financier, d’accompagnement des entreprises connaissant des mutations écono-miques : la loi pour la cohésion sociale qui oblige les entreprises de plus de trois cents salariés à engager unenégociation portant sur la mise en place de la GPEC et l’appui financier de l’État aux démarches des PME.Ce bilan met en lumière les limites des pratiques actuelles des entreprises dans la mise en œuvre de laGPEC et suggère aux acteurs concernés –entreprises, branches professionnelles et territoires – de coopérer pourconstruire ensemble les conditions favorables au développement de ce levier d’anticipation et d’accompagnementdes mutations économiques. Un nouveau dispositif, les Engagements de Développement de l’Emploi et desCompétences (EDEC) favorise, par ailleurs, ces coopérations.

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pour la cohésion sociale, plusieursmesures ont été prises pour inciterles partenaires sociaux à négocier,en amont, sur la gestion prévision-nelle de l’emploi et des compé-tences et le contenu des plans desauvegarde pour l’emploi. À cetitre, le législateur a introduit, danscette loi2, l’obligation, pour lesentreprises de plus de trois centssalariés, d’engager tous les trois ansune négociation portant, d’une partsur les modalités d’information etde consultation du comité d’entre-prise sur la stratégie de l’entrepriseet ses effets prévisibles sur l’emploiainsi que sur les salaires et, d’autrepart sur la mise en place d’un dis-positif de gestion prévisionnelle desemplois et des compétences. Cetaccord3 dit « de GPEC » pouvantinclure les modalités prévues parl’article L.320-3 du code du travailcadrant la gestion des restructura-tions.Préalablement, la loi de modernisa-tion sociale du 17 janvier 2002donnait la possibilité4 à l’État, d’ac-

compagner financièrement lesentreprises, de moins de deux centscinquante salariés, dans leursdémarches d’élaboration de plan degestion prévisionnelle des emploiset des compétences (GPEC). Cetteaide au conseil, organisée par undécret du 24 juillet 2003 était défi-nie, dans sa mise en œuvre, par unecirculaire DGEFP du 29 mars2004.

Ces deux dispositifs, législatif etfinancier, marquaient la volonté del’État de s’engager, concrètement,dans une politique d’accompagne-ment des entreprises connaissantdes mutations économiques.

Défiance envers à la GPECFin 2005, lors d’un colloque5, avo-cats, consultants, DRH et directeursgénéraux de grands groupes s’inter-rogeaient sur la capacité de laGPEC à accompagner les muta-tions économiques. Cette méfianceétait d’autant plus grande qu’elles’appuyait, alors, sur des sondages6

soulignant le faible engouement desDRH à s’inscrire dans de tellesnégociations. D’après cette enquê-te, les principaux freins tenaientautant à la difficulté de l’entrepriseà formaliser sa stratégie qu’à sacapacité à projeter ses besoins decompétences à moyen terme. Elleprécisait également que les DRH,pour un tiers d’entre eux, considé-raient que la GPEC relevait de leursprérogatives et, en ce sens, n’étaitpas un objet du dialogue social.Il semble, aujourd’hui, que cettedéfiance envers la GPEC soit tou-jours d’actualité.Quels sont les freins qui empê-chent, aujourd’hui, la mise en

œuvre opérationnelle d’une poli-tique de ressources humaines ?Quels leviers faut-il actionner pourdonner à la GPEC la crédibilitéindispensable à son déploiement et,par là, lui permettre d’assurer safonction? Quels sont les élémentsobservables et mesurables permet-tant de dépasser le débat sur laméthode?

La mise en œuvre des dispositifslégislatif et financier a fourni desrésultats pouvant contribuer àl’émergence de ces éléments.

Concernant le cadre législatif,l’examen des accords de méthodeet de GPEC signés et déposés dansles Directions Départementales duTravail, de l’Emploi et de laFormation Professionnelle confir-me l’essor de la négociation sur laprévention des conséquences desmutations économiques répondantainsi au souci des partenairessociaux de sécuriser les procéduresen contrepartie d’un renforcementdes moyens alloués au reclassementdes salariés. L’étude de quelque 220accords7 a permis de dégager unetypologie et d’identifier les élé-ments saillants de leur contenu.

Peu d’accords, à ce jour,sur la GPECPlus de 90 % de ces textes sont desaccords dits « de méthode » relevantde l’article L.320-3 du code du tra-vail. Ils se caractérisent par troisobjectifs principaux : l’adaptation etla sécurisation des procédures auregard des spécificités de l’entrepri-se et du calendrier de la restructu-ration ; le renforcement du dialoguesocial et de la concertation au senslarge ; l’anticipation du plan de sau-

1. À cet effet, il convient de rappeler la refontedu dispositif pour l’anticipation et l’accompa-gnement des mutations économiques, par leCIACT du 14 octobre 2005 – création d’unpôle interministériel de prospective et d’anti-cipation de mutations économiques (PIPAME)et d’un pôle d’accompagnement territorial,placé sous la responsabilité de la DIACT - ,et d’autre part celle des instruments de la politique contractuelle d’anticipation et d’accompagnement, à travers la nouvelle définition des engagements de développementde l’emploi et des compétences (EDEC).2. Loi n° 2005-32 – art. 72 -.3.Article L.320-2 du code du travail.4.Article L.322-7 du code du travail5. Les rencontres de Liaisons Sociales du6/12/2005 - GPEC: la fin d’une gestion àchaud des restructurations ?6. Sondage CSA d’août 2005, pour le comptedu groupe Alpha.7.Transmis à la DGEFP entre janvier 2005 etjuillet 2006.

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vegarde de l’emploi et l’organisa-tion de la mobilité des salariés. Prèsde 75 % de ces accords ont étésignés par la CFDT, plus de 59 %par le CGT, 57 % par la CGC, 55 %par la CGT-FO, 46 % par la CFTCet enfin, 19 % par d’autres fédéra-tions syndicales non représentativesau niveau national.Ce type d’accord ne dispense paspour autant les entreprises signa-taires, dès lors qu’elles correspon-dent aux critères d’éligibilité prévuspar l’article L.320-2, d’ouvrir tousles trois ans des négociations por-tant sur la GPEC. Toutefois, il estintéressant de souligner que la plu-part de ces accords intègre lesmesures d’accompagnement socialcaractérisant le dispositif GPEC(entretiens avec DRH, bilan decompétences,VAE, aides à la mobi-lité,…). Ainsi, la GPEC reste, ensituation de crise, un élément struc-turant de la négociation.Peu d’accords, moins de 10 %, asso-cient " accord de méthode etaccord de GPEC ". Encore confi-dentiel en 2005 (6,5 %), leurnombre ne cesse, pourtant, decroître (17 %, à fin juillet 2006). Defaçon générale, ils organisent, dansune perspective de développementéconomique de l’entreprise àmoyen terme, la mobilité interne(conditions de transfert géogra-phique, prise en charge du déména-gement et du logement, aide auconjoint), les départs volontaires(définition du projet personnel,indemnisation, conditions d’accep-tation,…). Ils décrivent les outilsutilisés (bilan de compétences ; for-mation d’adaptation, deconversion ; congés spéciaux…).La mobilisation des organisationssyndicales sur ce sujet est réelle.Près de 78 % de ces accords ont été

signés par la CFDT, 58 % par laCGT-FO, 57 % par la CGC, 56 %par la CGT, et 49 % par la CFTC.

Aides aux PME:13 millions d’eurosConcernant le dispositif financier,l’aide au conseil aux entreprisesvisant à les accompagner dans lagestion de leurs problématiquesd’emploi, s’est déployée selon deuxdémarches distinctes quoique com-plémentaires. La première, par l’in-termédiaire d’organismes profes-sionnels, encourageait les PME às’inscrire dans une démarche deGPEC, la seconde, engagée directe-ment avec celles-ci, permettait laréalisation de diagnostics aboutis-sant à l’élaboration de plans deGPEC. De septembre 2004, date lamise en œuvre effective du disposi-tif, à décembre 2005, plus de13 millions d’euros ont été, ainsi,investis par l’État. Cet effort finan-cier8, venant compléter celui desentreprises, a permis d’accompa-gner individuellement ou collecti-vement environ 500 entreprises9

dans la construction de leur plan degestion prévisionnelle des emploiset des compétences et de sensibili-ser près de 200000 autres à lanécessité de s’engager dans unetelle démarche10.

Au-delà de ces éléments factuels,quelles conclusions tirer et quellesaméliorations apporter à ces dispo-sitifs pour favoriser un développe-ment pertinent de la GPEC nonseulement au regard des mutationséconomiques et sociales mais égale-ment aux attentes des TPE et PME?

Les limites des pratiquesactuelles de la GPECLes résultats établis, lors de la miseen œuvre de ces dispositifs, ont per-mis d’identifier les limites des pra-tiques actuelles de la GPEC. Ellesont été mises en exergue par cer-tains DRH, lors de la présentationde la démarche GPEC qu’ils déve-loppent au sein de leurs entreprises,et par les organisations profession-nelles, lors des restitutions des bilansdes actions de sensibilisation à laGPEC qu’elles ont conduites. Ceslimites ont été réaffirmées au coursd’entretiens menés tant avec desreprésentants d’organisations syndi-cales que de responsables debranches professionnelles.

Elles se regroupent autour dequatre points.La GPEC est plus souvent focaliséesur la présentation d’une ou plu-sieurs actions phares11 que sur l’ex-pression opérationnelle d’une poli-tique de ressources humaines. Ellese traduit principalement par unesuccession de mesures pour les-quelles il est difficile d’apprécierd’une part le lien et l’interdépen-dance, et d’autre part leur contribu-tion réelle à la réalisation de cettepolitique. Rares sont les situationsoù la GPEC est décrite comme unprocessus dynamique mobilisant demanière coordonnée et cohérente

8. Source DGEFP.9. Près de 30 % de ces entreprises ont menéune démarche individuelle, plus de 70 %d’entre elles se sont regroupées afin deconduire une réflexion collective portant sur une problématique commune (ex : les difficultés de recrutement, la gestion des âges…).10. Soit 532 conventions signées dont 343 dites de sensibilisation, 138 conventionsindividuelles et 61 conventions interentre-prises.11.Telles que la formation, la VAE…

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des actions concourant à la mise enœuvre de la stratégie de recrute-ment et d’intégration de l’entrepri-se, de sa stratégie de développementdes compétences et de mobilitéinterne ainsi que de sa stratégie demobilité externe.La GPEC se définit généralement àpartir du plan de développement àmoyen terme de l’entreprise. Ellereste, toutefois, fréquemment entra-vée dans sa réalisation par la réalitédu plan de charges de l’entreprise,réalité qui se concrétise couram-ment par une adaptation du« niveau d’emploi au niveau de pro-duction ». Certaines entreprisesont, cependant, développé uneGPEC construite comme un pro-cessus d’adaptation, tant qualitativeque quantitative, des effectifs auxbesoins, à court et moyen termes,de compétences de l’entreprise.La GPEC reste habituellement cen-trée sur les besoins et les ressourcesde l’entreprise. À ce titre, elle estpeu ouverte sur l’environnementdans lequel elle évolue, méconnais-sant ainsi la structuration de celui-ci en termes de concentrations, decarences et de gisements demétiers, d’emploi, de qualificationset de compétences12. Or, dans l’éla-boration de leur GPEC, les entre-prises ne peuvent s’affranchir de laconnaissance13 des caractéristiques

et des ressources du territoire,exprimées par les acteurs en chargede son animation et de son déve-loppement.La GPEC, dans la construction desa méthodologie et de ses outils, aété élaborée en référence à desexpériences et des pratiquesconduites dans de grandes entre-prises. Elle fait, en ce sens, appel àdes moyens techniques, humains etfinanciers inappropriés pour lespetites (voire très petites) etmoyennes entreprises. Elle imposedes temps de réflexion, de mise enœuvre et de suivi incompatiblesavec l’activité déployée par les res-ponsables de ces PME. Il paraîtnécessaire, aujourd’hui, de dévelop-per d’autres approches, en matièrede GPEC, pour répondre auxenjeux et aux attentes des PMEvoire des TPE.

Une approche nouvellede la GPECÀ l’aune de ces éléments, la GPECdevrait se définir comme le modeopératoire d’une politique de res-sources humaines. Un mode opéra-toire qui dépasse la simple juxtapo-sition d’actions et développe dans saconstruction non seulement desmécanismes permettant à l’entre-prise de se préparer aux évolutionséconomiques, industrielles etsociales mais également des disposi-tifs permettant de faire face auxconséquences sociales des variationsà court terme de son activité.La GPEC est une logique d’actionqui se construit avec d’autres etintègre ainsi la réflexion des acteursinstitutionnels publics et privés dubassin d’emploi dans lequel évoluel’entreprise. À ce propos, il convientde souligner le rôle important des

branches et des organisations pro-fessionnelles ainsi que des terri-toires dans le déploiement de cettedémarche. En effet, plus de 90 %des entreprises14 n’ont ni les moyensni le temps d’engager une réflexiondans le domaine des ressourceshumaines. Dans ce contexte, n’ap-partient-il pas à ces branches pro-fessionnelles d’exprimer clairementles orientations ainsi que les res-sources et les moyens associésqu’elles pourraient mettre enœuvre pour permettre à la majoritéde leurs adhérents de bénéficier deconseils et de services « ressourceshumaines » appropriés ?De même, n’est-il pas primordial defavoriser au sein des territoires ledéveloppement et renforcement destructures capables, à partir de l’ob-servation et de la confrontationpermanentes des évolutions démo-graphiques, socio-économiques, surun périmètre géographique déter-miné, de caractériser les grandestendances quantitatives et qualita-tives en termes d’emploi (départs àla retraite, identification desbesoins, des difficultés de recrute-ment, des pénuries…..) ? Ces struc-tures seraient, sans nul doute, encapacité de favoriser la création depasserelles entre des entreprises entension et des entreprises en sureffectifs.Ainsi, la GPEC trouverait sa perti-nence et son efficacité dans uneorganisation décloisonnée desréflexions des entreprises, desbranches et organisations profes-sionnelles, des collectivités territo-riales et des services déconcentrésde l’État en matière de maintien etde développement de l’emploi etdes compétences.Si la GPEC est considérée commeun processus de régulation des flux

12. Il est à noter qu’une des premières mesuresque prend une entreprise en situation de criseest de diligenter un cabinet de conseil pouridentifier les emplois potentiels de son environnement immédiat, afin de les sou-mettre à ses salariés.13. La réalité des plans sociaux a montré qu’unsalarié préférera une mobilité professionnelledans le cadre d’une stabilité géographique plu-tôt qu’une mobilité géographique pour garan-tir sa stabilité professionnelle.14. Environ 96 % des entreprises ont moins de 50 salariés.

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d’entrée, internes et de sortiesconstruit par l’entreprise en fonc-tion d’une politique de ressourceshumaines qu’elle a clairementexprimée, ce sont les modalités demise en œuvre de ce processus quifont, pour tout ou partie, l’objet denégociations. Or, il existe générale-ment au sein d’une même entrepri-se plusieurs types d’accords dans ledomaine des ressources humaines(accord sur la politique salariale, surl’organisation du travail et le tempsde travail, sur les modalités d’exerci-ce du droit syndical, accord deméthode, sur la mobilité profes-sionnelle, sur la formation, sur lapromotion de la diversité, sur lesfins de carrière, …). Dès lors, neconvient-il pas de considérer l’ac-cord « de GPEC » non comme unaccord distinct venant se surajouteraux accords existants, mais commele cadre conventionnel pertinentqui structurerait et conditionneraitleur mise en mouvement ? Uncadre qui définit et précise lesmodalités et les conditions de leurmise en œuvre au regard decontextes économiques, industriels,sociaux et financiers prédéfinis(situation de crise, situation d’anti-cipation), les complétant, le caséchéant, par des dispositifs structu-rels (ex : observatoire des métiers) etconjoncturels (ex : antenne emploi)capables d’optimiser leur exécu-tion? Un cadre qui veille à leurarticulation cohérente, en détermi-nant leur implication coordonnéedans les différentes composantes dela politique de ressources humainesde l’entreprise (stratégie de recrute-

ment et d’intégration dans l’entre-prise, stratégie de formation et demobilité interne, stratégie d’accom-pagnement à la mobilité externe) ?

Le rôle des branches

Enfin, négocier un accord « deGPEC » concerne les entreprisesd’au moins 300 salariés, soit environ0,4 % de l’ensemble des entreprises,privant ainsi plus de 80 % des sala-riés15 du bénéfice d’un cadre favori-sant la sécurisation de leur parcoursprofessionnels. Aussi, les branchesprofessionnelles n’ont-elles pas, ici,un rôle primordial à assurer ?Comme la loi les y autorise, nepeuvent-elles pas construire cecadre en engageant, sur le thème dela GPEC, des négociations avecleurs organisations syndicales ? Lanature d’un tel accord serait, dans saphilosophie et sa mise en œuvre,comparable à celle d’un accordd’entreprise. Pour autant il pren-drait un sens plus large, car l’intérêtd’un tel accord serait de permettreà des PME, voire TPE, du secteurprofessionnel concerné, de bénéfi-cier d’un cadre juridique et d’uneorganisation de moyens pourconduire une réelle politique deressources humaines, cadre et orga-

nisation qu’elles ne peuventconstruire isolément.À ce propos, il paraît utile de rappeler que l’ordonnancen° 2005- 731 du 30 juin 2005 sou-ligne l’engagement de l’État àapporter aux organisations profes-sionnelles de branches ou à desorganisations interprofessionnelles,dans le cadre des Engagements deDéveloppement de l’Emploi et desCompétences, une aide techniqueet financière16 pour soutenir leursinitiatives en faveur du maintien etdu développement de l’emploi etdes compétences des actifs occupés.Ainsi les EDEC, volet stratégiquede la politique de l’emploi, favori-sent les coopérations et accompa-gnent, stimulent ou suscitent lamobilisation des institutionspubliques ou privées, sur des objec-tifs communs et partagés par lespartenaires sociaux, offrant un nou-veau cadre de référence pour lamise en œuvre de politiques de res-sources humaines.C’est à partir de ce cadre de réfé-rence qui encourage la coopérationentre branches professionnelles, ter-ritoires et entreprises que seconstruiront de manière pragma-tique les mécanismes sécurisés quiaccompagneront demain les transi-tions professionnelles des actifs.

PASCAL GEIGER

Chargé de mission à la [email protected]

15. Environ 77 % des salariés travaillent dansdes entreprises de moins de 200 personnes,environ 89 % dans des entreprises de moins de 500 personnes (source INSEE).16.Aide technique et financière organisée par le décret n°2006-54 du 16 janvier 2006 etdéfinie dans sa mise en œuvre par la circulaireDGEFP n°2006/10 du 20 juin 2006.

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e 23 mai 2006, le ministre dela Fonction publique, Chris-tian Jacob, a présenté auconseil d’orientation de l’Ob-

servatoire de l’emploi public lerépertoire interministériel desmétiers de l’État (RIME). Cerépertoire a été élaboré au cours dudernier trimestre 2005 par 320représentants des ministères et desorganisations syndicales2. Ce travailcollectif et interministériel a permisd’identifier plus de 230 emploisclassés dans 23 « domaines fonc-tionnels3 ». Pour la première fois, ilest possible d’avoir une vision com-plète des emplois de l’État occupéspar plus de 2,5 millions d’agents.

Le RIME répond à une exigence de renouvellement des méthodes de gestiondes ressources humaines

Les services publics doivents’adapter afin de faire face à unenvironnement, à des besoins et àdes attentes en forte évolution.Cette exigence dans un contexte decontraintes financières impose

aujourd’hui de gérer les ressourceshumaines comme une ressourcerare. Pour cela, encore faut-il êtrecapable d’identifier les besoins encompétences en utilisant un lan-gage partagé par tous les ministères.C’est l’objet du RIME.Au cœur dela démarche métier de l’État, ilpermet de donner toute sa portéeau principe de la séparation dugrade et de l’emploi qui caractérisenotre fonction publique de car-rière. Il s’agit bien en effet d’affecterdes agents (dans le cadre de car-rières et identifiés par des grades etpar l’appartenance à des corps) àdes emplois en fonction des besoinsdes services publics (principed’adaptabilité du service public).Face à ces enjeux, la fonctionpublique territoriale et la fonctionpublique hospitalière ainsi que denombreux ministères ont déjà éla-boré des répertoires des métiers. LeRIME a tiré profit de ces premièresexpériences.

Le RIME est un outilinterministériel de connaissance des emplois de l’État

L’analyse des démarches ministé-rielles existantes a révélé une hété-rogénéité dans les objectifspoursuivis et dans les méthodolo-gies mises en œuvre. Elle a cepen-dant montré que ces démarches

avaient toutes leur propre cohé-rence.Aussi, au niveau interministé-riel, est-il apparu nécessaire dedisposer d’un outil de référencecontribuant à rendre plus lisibles lesemplois de l’État et les besoins encompétences qui leur sont associés :le répertoire interministériel ne sesubstitue pas aux répertoires minis-tériels existants mais se proposed’en être un facteur de cohérencepermettant d’avoir une lecturecommune des emplois de l’État.Sont ainsi concernés par le RIMEtous les emplois de l’État : lesemplois occupés par les personnelstitulaires, mais aussi ceux tenus parles contractuels, qu’ils soient civilsou militaires.

Tous les ministères ontparticipé à l’élaborationdu RIMEPour répondre à sa vocation inter-ministérielle, l’élaboration durépertoire a été confiée à 20groupes de travail associant desexperts désignés par les ministèreset par les organisations syndicales.Par le biais de cette participation etl’utilisation d’un « extranet », lesDRH des ministères et les parte-naires sociaux ont pu suivre les tra-vaux des groupes.Afin d’assurer l’homogénéité et lacohérence des travaux, un guideméthodologique a servi de réfé-rence aux participants au projet. Ceguide a repris une méthode et desconcepts mis au point en étroiteconcertation avec l’ensemble desministères et des organisations syn-dicales avec l’appui du Céreq, del’association Développement etEmploi et d’Algoé.La réussite du projet doit beaucoupaux présidents des groupes. Ces

L’État répertorie ses métiersPréfet, consul, infirmier, prévisionniste météo… Le répertoire interministériel des métiers de l’État recense plus de 230 emplois,classés en 23 domaines fonctionnels. Il a été élaboré par 320 représentants des ministères et des organisations syndicales avecl’appui du Céreq, d’Algoé et de Développement et Emploi. Il estdestiné aux citoyens, aux agents, aux partenaires sociaux et aux DRH.On peut le consulter sur le site du ministère de la fonction publique1.

L

1. http://www.fonction-publique.gouv.fr/IMG/RIME_version_16062006.pdf2. CGT, CFDT, CFTC, FSU, UNSA, CGC3. Le domaine fonctionnel correspond à unegrande fonction de l’État.

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derniers, hauts fonctionnaires ayantdes responsabilités importantes, ontsu - parce qu’ils connaissaient lesmétiers de leurs domaines et parcequ’ils en maîtrisaient les probléma-tiques - créer une dynamique departicipation active au projet. Lamesure de cette dynamique est latrès forte assiduité des participants àl’ensemble des réunions des groupesde travail et la rédaction des 230fiches dans un délai très court.

Le RIME a vocation à évoluer. Lesemplois du RIME résultent en effetdes échanges nourris et riches desgroupes de travail. Il n’y a pas dansles conclusions de ces travaux, larévélation d’une « vérité » mais unegarantie de sérieux dans l’applica-tion de la méthode choisie. Seule laconfrontation à la réalité que sup-pose l’utilisation du RIME valideraou au contraire invalidera la justesseet la pertinence des emplois duRIME.

Les usages du RIME sont variésLe RIME est mis à la disposition detous : citoyens, agents de l’État, par-tenaires sociaux, responsables et ges-tionnaires des ressources humaines.Chacun en fera un usage différenten fonction de ses objectifs.Du point de vue du ministère de laFonction publique, le RIME doitservir à :1. Informer l’ensemble des citoyenssur ce que font les agents de l’État etfavoriser la communication pourmieux recruter.2. Aider à construire des parcoursprofessionnels dans une perspectiveinterministérielle de mobilité.3. Aider les directeurs des ressourceshumaines à déterminer les emploisnécessaires à la mise en œuvre desmissions de l’État. Il est évident quecet exercice stratégique devra sefaire dans le cadre de la gestion pré-visionnelle des effectifs, des emplois,et des compétences des ministères.4. Aider les directeurs des ressourceshumaines des ministères et les res-

ponsables des services déconcentrésà mettre en place de nouvellesmutualisations dans les domaines dela formation et du recrutement.Le projet « RIME » s’est terminé le23 mai avec la présentation durépertoire mais une nouvelle étapede la démarche métier de l’État estdésormais engagée. Elle consistedans l’achèvement de la construc-tion des outils « métier » ministérielset dans l’utilisation du RIME.Ainsi que l’a montré l’implicationdes participants au projet RIME, ilexiste une très forte attente desagents eux-mêmes pour renouvelerla gestion des ressources humainesdans le cadre de la fonctionpublique de carrière. La démarchemétier bénéficie également deschangements introduits par laLOLF (loi organique relative auxlois de finances) qui touchent lagestion des ressources humaines. Leprincipe de performance obligeraen effet les responsables des res-sources humaines à mieux prendreen compte toutes les compétencesdes agents. Sans faire preuve d’opti-misme exagéré, on peut penser quecette convergence des attentes etdes besoins laisse augurer une pleineet durable utilisation des outilsmétier pour la gestion des agents del’État.

Philippe CLERGEOT

Responsable du projet « RIME »Secrétaire général adjoint de

l’Observatoire de l’emploi [email protected]

LISTE DES DOMAINES

FONCTIONNELS

1 Élaboration et pilotage des politiques publiques

2 Études et évaluation des politiques publiques

3 Diplomatie4 Sécurité5 Justice6 Contrôle7 Éducation et formation tout au

long de la vie8 Recherche9 Soutien au développement10 Santé et inclusion sociale11 Services aux usagers12 Territoire et développement durable13 Culture et patrimoine14 Défense15 Finances publiques16 Administration générale17 Gestion budgétaire et financière18 Affaires juridiques19 Logistique immobilière et technique20 Laboratoires21 Ressources humaines22 Systèmes et réseaux d’information

et de communication23 Communication

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ans le sens que nous lui don-nons aujourd’hui, l’employa-bilité est toujours en construc-tion et toujours relative. Nous

sommes à l’opposé du sens qui lui aparfois été donné en Angleterre auXIXe siècle ou aux États-Unis audébut du XXe siècle, selon lequell’employabilité sert à départager ceuxqui sont valides, aptes à travailler, etceux qui sont définitivement inapteset doivent relever de la charité ou del’assistance.On peut distinguer l’employabilitéacquise par le parcours de formationet l’expérience professionnelle à uninstant donné et qui permet d’occu-per son poste de travail,de l’intérêt decette employabilité au-delà du posteactuellement occupé.La responsabilité du maintien et dudéveloppement de l’employabilité esttoujours une responsabilité partagée.Chaque salarié ne peut assumer seulson parcours professionnel,de plus enplus imprévisible. Rendre chaquesalarié entièrement responsable deson employabilité, c’est le mettre dansune situation où l’échec est prévisiblepour le plus grand nombre.Sommer l’entreprise de garantir« l’employabilité à vie » de ses salariés,n’est pas plus réaliste. Il ne peut yavoir de reconversion sans une impli-cation personnelle. Les moyens del’entreprise (les plans de formationpour l’adaptation, mais aussi pour

l’évolution des emplois et des com-pétences par exemple) sont indispen-sables mais insuffisants.Se décharger de toute responsabili-té sur les pouvoirs publics? Sansévoquer la question des moyens, ilsne peuvent agir sans écoute et liensavec l’entreprise et sans prendre encompte la singularité des parcoursindividuels. Il s’agit bien d’une responsabilité partagée.

L’anticipation

L’anticipation (et plus généralementla réflexion à moyen terme) qui per-met de se préparer, de mûrir les déci-sions, d’intervenir de façon précoce,dans la durée, est souhaitée par tousles acteurs impliqués dans les muta-tions. Il est souvent plus difficile dedépasser le stade des incantations.Le premier obstacle à l’anticipation,c’est la crainte des « prophéties autoréalisatrices ». En travaillant sur l’hy-pothèse des changements de métiers,des mutations, des licenciements, onles accélérerait.C’est bien sûr infondé,mais cela montre que la conditioninitiale pour anticiper, c’est de serendre disponible aux changements etd’accepter de prendre en compte leprincipe même de l’accélération et ducaractère multiforme des mutationsen cours dans le monde économique.Cela n’est possible et acceptable qu’àla condition de proposer une analyse

des changements, de les comprendreet de construire et partager unevision de l’avenir. C’est là une fonc-tion essentielle, éminemment poli-tique. Elle prend tout son sens auniveau de chaque territoire, dechaque région. Si la seule perspectivec’est la catastrophe, autant reculer leséchéances. On ne peut anticiper surces échéances que dans la perspectived’un projet à construire.L’anticipation, c’est aussi ce quidonne le temps aux salariés. Non pasdu temps pour attendre en « mettantla tête dans le sable », mais du tempspour intégrer ce qui leur arrive (ouest susceptible de leur arriver).Tempsde deuil, temps d’hésitation, d’imagi-nation,de formation,d’essai,d’erreur,de construction d’un projet, etc.Après un licenciement, les salariés quiretrouvent le plus difficilement dutravail sont ceux qui cumulent lesdeux handicaps: des compétencespeu recherchées ou obsolètes et lesentiment que « leur monde vient des’écrouler ».Dans les entreprises où la promessed’emploi à vie est forte (dans lesentreprises paternalistes par exemple),au constat bien réel de la perte de sonemploi s’ajoute le sentiment très des-tructeur d’avoir été trompé ou trahi.Il entraîne l’incapacité à faire de nou-veau confiance aux hommes et auxinstitutions. La durée est nécessairepour de nouveau être en mesure de

Employabilité, anticipation et sécuritéLa loi de Cohésion sociale a précisé les obligations des employeurs sur deux domaines qui ont en commun detraiter de l’emploi en l’inscrivant dans une perspective de moyen terme : dispositifs de GPEC et obligation derevitalisation économique des territoires.Durant l’année 2005 et au début 2006, des représentants de la CFDT, de l’UNSA et de Développement etEmploi se sont retrouvés pour réfléchir aux opportunités que ces deux dispositions pouvaient offrir à l’actionsyndicale. Les échanges alimentés par une série d’auditions de représentants de territoires et d’entreprises ontpermis de dégager des premiers éléments de doctrine à l’usage de ces organisations. Le document de synthèserédigé par Développement et Emploi comportait également une conclusion plus générale à propos de notionsutilisées tout au long de ces rencontres : l’employabilité, l’anticipation, la sécurité. En voici quelques extraits.

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Développements

s’investir (avoir de l’appétit) dans unprojet d’avenir.L’engagement sans réserves de toutesles parties prenantes, organisationssyndicales comprises, est la conditionde la réussite.

La sécurité

Le besoin de sécurité, et la revendi-cation de protection qui va avec,sont récurrents et semblent fairel’unanimité.Si on met de côté la part qui est liéeà la nostalgie des « trente glorieuses »,ce besoin doit d’abord être comprisdans un contexte global de montéedes risques. Les catastrophes et lesaccidents semblent se multiplier, sansque l’on perçoive bien la part quirevient aux conditions naturelles, lapart qui revient à l’irresponsabilitéhumaine et la part qui revient à l’am-plification médiatique. Il ne s’agit pasde nier les avancées de la recherchescientifique et médicale, ou lesapports des technologies, mais sim-plement de reconnaître qu’ils génè-rent de nouvelles incertitudes, voirede nouveaux dangers.Face à ces incertitudes ou menaces,nos protections habituelles, famille,milieu social, métier, environnementlocal, lois, État, progrès scientifique,semblent inadaptées, inopérantes.On ne sait plus s’il faut appeler lespsychologues à la rescousse ou s’adjoindre les meilleurs avocats pourqu’enfin la justice trouve et châtie lescoupables…C’est dans ce contexte qu’il convientd’apprécier la demande de sécuritéprofessionnelle. Personne ne peutaffronter tous les risques à la fois, nis’épanouir à l’ombre de menacesmultiples. Les risques professionnelssont multiformes : perte de sonemploi, fermeture de son entreprise,

obsolescence de ses compétences,dis-parition de son métier, conditions detravail dégradées, déclassementsocial… Ils ne sont plus réservés auxaventuriers, à ceux qui choisissent de« prendre des risques ».On ne peut pas les affronter seul. Ilsnécessitent des réponses nouvelles etcollectives.Pour bâtir cette « sécurité des par-cours professionnels » des pistes ontété ouvertes. Elles s’accordent toutesavec l’exigence d’une mobilitéaccrue. Quatre voies complémen-taires devraient, au minimum, êtreapprofondies et mises en œuvre pluslargement.La première consiste à travailler surl’employabilité des salariés. Gestionpréventive et prévisionnelle desemplois et des compétences, forma-tion, reconnaissance des acquis del’expérience, accompagnement per-sonnalisé vers de nouveaux métiers,ont permis petit à petit de donnercorps à cette notion. Mais, nousl’avons vu, l’employabilité reste unenotion relative. La création d’emploisen est le corollaire obligé.Toutes les actions de développementterritorial, l’essaimage, un dispositifterritorialisé comme ALIZÉ, lesréseaux d’entreprises, etc. sont desmoyens facilitant ces créations d’em-plois. Force est de reconnaître qu’ilsne sont pas suffisants. L’investis-sement, qu’il soit privé ou public,strictement à but lucratif ou à fortcontenu d’utilité sociale,qu’il confor-te des filières industrielles ou innovedans les services de proximité, joueun rôle moteur irremplaçable. Ilnécessite des ressources bien sûr, maissurtout confiance dans l’avenir.D’autres recherches essentielles s’atta-chent à transférer la source des protections légales afin qu’il y aitcontinuité des droits pour le salarié

mobile, qu’une protection fondée surla trajectoire plutôt que sur l’emploisoit apportée à la personne, aucitoyen, et pas seulement au tra-vailleur, qu’il y ait une protection despersonnes plutôt que des emplois.Des recherches remarquables enfinportent sur les marchés transitionnelsdu travail. Un parcours est fait d’alter-nance de passages bien balisés et dedifficultés. Les transitions concentrentles difficultés. C’est là que doit porterl’effort. C’est là que toutes les res-sources personnelles et collectives doi-vent être disponibles et mobilisées.Le cadre légal, on l’a vu, ouvre denouveaux champs à l’action pourl’emploi. On peut aujourd’hui agirpour l’emploi en s’inspirant de ceuxqui expérimentent, qui cherchent,dans les entreprises et les territoires,comment mettre en œuvre des pra-tiques innovantes, équitables, quipourront structurer et augmentercette « sécurité des parcours profes-sionnels ». Sans elle, on peut craindreque les difficultés et l’humiliation deceux qui sont ballottés sans pouvoirjamais s’inscrire dans une histoire et unparcours porteurs d’identité (qui aientun sens), ne les conduisent au mieuxvers les charmes délétères de la nostal-gie et une immense déprime, au pirevers les fausses solutions, les faussesprotections, qu’elles soient offertes parl’inflation « sécuritaire » des règles,contrôles et procès, ou par les groupesfermés sur eux-mêmes et soudés par lahaine de boucs émissaires. On doit lecraindre d’autant plus que cette humi-liation est renforcée par le sentimentque les risques comme les richesses seconcentrent, mais, à l’inverse des« trente glorieuses », dans des direc-tions opposées. Les richesses en haut,les risques en bas.

Jean-Marie BERGÈRE

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