Deux Ouvrages Sur La Libye Italienne

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    Augustin Bernard

    Deux ouvrages sur la Libye italienneIn: Annales de Gographie. 1935, t. 44, n251. pp. 549-553.

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    Bernard Augustin. Deux ouvrages sur la Libye italienne. In: Annales de Gographie. 1935, t. 44, n251. pp. 549-553.

    doi : 10.3406/geo.1935.11180

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/geo_0003-4010_1935_num_44_251_11180

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_geo_545http://dx.doi.org/10.3406/geo.1935.11180http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/geo_0003-4010_1935_num_44_251_11180http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/geo_0003-4010_1935_num_44_251_11180http://dx.doi.org/10.3406/geo.1935.11180http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_geo_545
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    DEUX OUVRAGES SUR LA LIBYE ITALIENNE 549par l'eau de la mer. La Garaa est un vritable bassin de dcantation pourles eaux fluviales, qu i arrivent au lac de Bizerte dbarrasses de la plusgrande partie de leurs alluvions ; elle prserve le lac du comblement et lu ia permis de maintenir des profondeurs de 10 m. C'est une situation exceptionnelle, qu i ne se rencontre nulle part ailleurs en Berbrie.Entre Bizerte et Porto-Farina, le pays a t peupl par des immigrsandalous qu i ont transform la contre et lui ont donn ses caractres actuels ;les indignes sont avant tout jardiniers ; les bourgades du Sahel de Bizertediffrent des dechras arabes ou berbres par l'importance de leur population, e caractre des habitations, l'tendue des jardins, la varit descultures. Ce ne sont pas des centres montagnards, mais de petites villes analogues celles du Cap-Bon et de la cte orientale. Ras-Djebel dpasse6 000 hab., El-Alia et Raf-Raf 4 000, Menzel-Djemil et Metline 3 000.L'existence des lacs a permis le dveloppement de la vie maritime. Lesindignes y ont pratiqu la pche, trs fructueuse dans ces viviers naturels,jusqu'au jour o les Franais ont supprim les barrages qui permettaient deprendre le poisson l'poque des migrations et ont utilis ce merveilleuxport intrieur pour la navigation maritime et la dfense nationale. La fertilitde la plaine de Mateur et la prsence de l'arsenal de Ferryville ont amendans cette rgion la prpondrance trs marque de l'lment franais et enont fait le centre le plus franais de toute la Rgence.Autour du lac de Bizerte, les deux localits [de Ferryville et de Bizertegroupent 15 000 Europens, et les 7 000 hab. de Ferryville sont tous europens, fait unique en Tunisie. Bizerte est le centre gographique de la rgionlacustre et de toute la partie du Tell septentrional qui chappe l'attractionde la valle de la Medjerda ; ct de la vieille cit indigne a grandi la villeeuropenne. Cependant Tunis est trop proche pour que ni le port de commerce,ni la ville n'aient pris tout le dveloppement qu'avaient espr les Bizertins.Telles sont, sommairement rsumes, quelques-unes des conclusions deMr Bonniard. Son ouvrage est une trs importante contribution la gographiee la Tunisie, que ne pourront se dispenser de consulter tous ceux quis'intressent la Rgence. De fort belles photographies, trs documentaires,de nombreux croquis, en gnral trs expressifs, une belle de carte d'ensemble 1 : 200 000, report de la carte du Service Gographique de l'Arme, ajoutent beaucoup sa valeur et permettent de suivre sans peine l'expos deMr Bonniard. Augustin Bernard.

    DEUX OUVRAGES SUR LA LIBYE ITALIENNE1Les Italiens ont, depuis quelques annes, publi de nombreuses tudessur la Libye ; revues coloniales paraissant en Italie ou en Libye, ouvragesgnraux [officiels ou semi-officiels ont fait une large part la gographiephysique et humaine. Les cartes sont encore incomptes, mais progressentrapidement. Les observations mtorologiques, bien que ncessairement de1. Jean Despois, Le Djebel Nejousa (Tripolitaine), tude gographique, Thse pour ledoctorat es lettres prsente la Facult des Lettres de l'Universit de Paris, Larose, 1935,

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    550 ANNALES DE GOGRAPHIEcourte dure, se multiplient. Cependant les donnes demeurent fragmentaires,et beaucoup de publications, comme d'ailleurs trop souvent les publicationscoloniales franaises, sont dpourvues d'esprit scientifique. Il convient surtoutde retenir les travaux de Zaccagna sur la gologie, de Fantoli sur le climat,de Trotter sur la vgtation, du colonel De Agostini sur les populationsindignes .Dans ce champ de travail si vaste et si neuf, Mr Jean Despois, professeurau lyce de Tunis, auteur d'un excellent manuel sur la Tunisie, a choisid'tudier d'une part le Djebel Nefousa, d'autre part la colonisation italienneen Libye. Aprs un sjour de plus d'un an en Libye et en Italie, il vient depublier deux ouvrages qu'il a prsents comme thses de doctorat es lettres.

    Le Djebel Nefousa est la partie centrale du croissant montagneux dontles cornes touchent Gabs et Homs. Cet escarpement festonn n'est quele rebord du plateau saharien. En Libye, les chanes de l'Atlas ne s'interposent pas entre le Sahara [e t la Mditerrane, comme c'est le cas dansl'Afrique franaise du Nord. La plate-forme saharienne n'est spare de lamer que par la plaine de la Djeffara, large de 50 150 km.Le Djebel Nefousa, qui s'allonge sur environ 200 km., n'a qu'une hauteurmodeste, 600 800 m. ; il ne forme qu'une bande troite de 20 km. de largeurau plus, resserre, presque trangle entre les steppes dj arides de la Djeffara et celles du Dahar, vaste surface monotone et nue qu i s'incline trs doucement vers le Sud et auquel succde la Guibla, le pays du Sud, dj nettement saharien. La latitude et la position du Djebel le soumettent aux inf lu en ces dsertiques ; cependant son relief permet la condensation de quelques nuages ; il porte quelques cultures arbustives et permet une vie semi-sdentaire.Ne disposant que d'une carte de reconnaissance 1 : 400 000, Mr Despoisne pouvait gure se livrer des tudes morphologiques dtailles. La rgionest d'ailleurs d'une grande simplicit. D'paisses assises marneuses ou grseuses, peu prs horizontales, sont couronnes d'une puissante corniche decalcaire turonien, qu i joue dans le relief un rle prpondrant ; seul obstaclepuissant l'rosion, elle protge des terrains qu'elle surmonte, ne cdant quebloc bloc. La falaise est ravine par des oueds qui, dans l'ensemble, ont unedirection S-N. Ces oueds ne peuvent plus gure transformer leur profil en long ;ils sont absolument impuissants dblayer la masse d'alluvions et d'boulisqui encombre leur lit ; il est encore plus vident qu'ils n'ont pas t capablesde creuser les larges valles au fond desquelles ils coulent bien rarementaujourd'hui. Cependant Mr Despois s'est interdit, tort, croyons-nous, detraiter la question des changements de climat, question qu'on ne peut pas nepas se poser propos du Djebel Nefousa et mme d'une faon plus gnrale propos de la Libye italienne.Des tempratures quelque peu adoucies en t, une pluviosit qui n'estpas tout fait ngligeable, quelques brouillards, tels sont les traits climatiquesin-8, 350 p., 17 pi . phot., 3 cartes hors texte, 29 fig. et croquis. Du mme, La colonisationtalienne en Libye, Problmes et mthodes, Thse complmentaire, Paris, Larose, 1935,in-8, 146 p., 5 fig., cartes.1. Liste des principaux ouvrages dans les deux bibliographies donnes par J. Despois.

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    DEUX OUVRAGES SUR LA LIBYE ITALIENNE 551qu i distinguent le Nefousa des zones prdsertiques qui l'entourent. A mesurequ'on s'loigne de la Tunisie, qui forme cran, et que la Djeffara se rtrcit,les conditions deviennent un peu moins dfavorables. Tandis que Nalout nereoit que 124 mm. de pluie annuelle, Yfren en reoit 252. Le Nefousa oriental,par du Nefousa occidental par l'oued Gheddou, prsente tous gardsune infriorit notable. Quant aux zones prdsertiques de la Djeffara et duDakar, elles reoivent moins de 100 mm.Le Djebel n'est dpourvu ni de sources, ni de puits, mais leur dbit estfaible et dpasse rarement quelques litres ; la principale couche aquifre estau contact des calcaires turoniens et des marnes. Les indignes recueillentaussi les eaux de ruissellement dans des citernes qui fournissent un appointapprciable. En quelques points, surtout dans les ravins et auprs des oueds,on trouve et l un pistachier, un jujubier, un tamarix, un acacia talha,mais les plantes sous-frutescentes et herbaces dominent ; on peut distinguerla steppe alfa, la steppe asphodle, la steppe buissonneuse. Cette vgtationpparat singulirement dgrade, du fait de l'homme et trs certainementussi du fait d'une aggravation du climat.Les Nefousa vivent la fois du Djebel, o ils pratiquent surtout la culture de l'olivier, du figuier et du dattier ; de la Djeffara, o ils rcoltent un pued'orge et de bl ; du Dahar et d'une partie de la Guibla, qui leur offrent, avecquelques terres crales, d'immenses tendues, aussi pauvres que vastes,pour leurs troupeaux de moutons et de chvres pendant l'hiver et le printemps.Ils sont essentiellement arboriculteurs comme tous les villageois de l'Afriquedu Nord, mais ils sont aussi craliculteurs et leveurs. Ils ne sont pas compltement sdentaires ; ce sont, de mme que la plupart des indignes del'Afrique du Nord, les Aurasiens en particulier, des demi-nomades.Les modes d'habitation des Nefousa sont trs originaux et ont depuislongtemps attir l'attention. Ils vivent dans des agglomrations compactes,o se mlangent les maisons et les grottes, qui s'tagent au flanc d'un peronou d'une butte et que dominent les ruines ou les murailles d'un chteau-magasin, le gasr ou ksar. Ces greniers fortifis se composent de rhorfas oucellules votes qui sont des greniers individuels superposs et groups autourd'une cour troite. Leur fonction, dit J. Despois, est celle d'un sous-sol debanque avec ses coffres-forts. On retrouve, comme on sait, ces chteaux-magasins dans le Sud tunisien, dans l'Aurs et jusque dans l'Extrme-Sudmarocain. Partout ils servent au mme usage : ce sont les entrepts de populations semi-nomades pendant la priode de l'anne o elles abandonnentleurs villages pour suivre leurs troupeaux. La plupart de ces magasins fortifisont t dtruits par les Turcs lors de l'insurrection de Ghouma, au milieudu xixe sicle ; les indignes leur ont substitu des greniers individuels levsau-dessus de leurs maisons.Le nombre et la varit des habitations troglodytes sont, avec la multiplicit des greniers fortifis, l'une des principales particularits du DjebelNefousa, qui prsente les modles les plus varis. Ici, ce sont de simples trouscreuss dans la roche ; l; les grottes se multiplient et ouvrent sur une cour enplein air ; ailleurs, cour et grottes disparaissent en profondeur et masquentaux yeux du passant leur place et la disposition des pices. Les formes changent avec la nature du terrain. Les grottes et les maisons ont toujours coexist,

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    552 ANNALES DE GOGRAPHIEles secondes drivant des premires, et il y a entre les unes et les autres denombreuses formes de transition. Ce qu'il y a de surprenant, c'est que, l'inverse de ce qui se passe dans les Matmata de Tunisie, les habitations troglodytes tendent se multiplier, notamment Nalout. On n'en aperoit pas bienla raison. Sans doute, le sol et le climat se prtent ce genre d'habitations, qu isont, disent les indignes, plus fraches en t, plus chaudes en hiver, moinscoteuses, moins faciles dtruire. Peut-tre faut-il y voir surtout la renaissance d'un vieil instinct berbre. Les habitants s'enfouissent comme deschacals .L'un des caractres les plus originaux du Djebel Nefousa est d'tre habitpar une population dont la moiti environ parle le berbre. Cette diffrencede langue s'accompagne d'une diffrence de religion ; les Berbrophones duNefousa sont tous des hrtiques ibdites, frres de ceux de Djerba et duMzab. Les Arabophones orthodoxes se disent arabes, les Berbrophonesibdites berbres. C'est la langue et la religion, non la race, qu i opposentBerbres et Arabes. Les brassages de populations ont t continuels, depuisla plus haute antiquit. Le Nefousa a reu des Berbres originaires d'autresrgions ; il a reu aussi des Arabes ou des Arabiss. Les invasions hilaliennesdu xie sicle ont fait refluer dans le Djebel les populations de la plaine, maisson rle de montagne-refuge est beaucoup plus ancien. De tout temps aussi,en raison du voisinage des grands nomades des steppes, il a terriblement souffert de l'inscurit. De nombreuses ruines et surtout la migration des villagesdes sites voisins des sources vers des sites perchs tmoignent de cette inscurit. Les pillards n'taient d'ailleurs pas toujours des Arabes ; les plusredoutables taient les Ourghamma, qui sont des Berbres nomades de soucheznte. Pendant le repli italien, de 1915 1922, les nomades ont exerc surles montagnards de sauvages vengeances ; le Nefousa aurait perdu cettepoque environ 24 000 hab., plus du tiers de sa population totale. C'est ledernier pisode d'une lutte qui dure depuis bien des sicles.On est tonn de voir qu'une rgion aussi pauvre soit cependant trs peuple, surtout le Nefousa oriental. On y compte 114 villages, et la populationpeut tre value 40 000 hab. environ. Mr Despois estime qu'au moyen gele Djebel tait beaucoup plus peupl qu'aujourd'hui, peut-tre deux ou troisfois plus. Malgr les saignes continuelles qu'il a subies, il est, comme tantd'autres contres voisines du Sahara, encore surpeupl eu gard ses faiblesressources. Comme ces contres, il s'est efforc de tout temps de remdier cettat de chose par l'migration tantt dfinitive, tantt temporaire, en gnral destination de la Tunisie. Il est peu probable d'ailleurs que l'conomie du payspuisse se transformer ; il n'est susceptible que d'une trs modeste renaissanceconomique, que caractrisera la revanche du paysan sur le nomade.

    La possession de la Libye prsente pour l'Italie de trs srieux avantages,notamment en ce qu i concerne son rle et son influence dans la Mditerraneorientale. Mais l'uvre de la colonisation y est particulirement difficile, carle pays est en gnral trs pauvre, demi-steppique. Bien que la Cyrnaqueprsente cet gard des conditions meilleures que la Tripolitaine, les bonnesrgions sont rares et peu tendues. Rien qui ressemble aux belles plaines agricoles du Maroc occidental, de Bel-Abbs, de la Mitidja, de la Medjerda. La

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    DEUX OUVRAGES SUR LA LIBYE ITALIENNE 553colonisation officielle, difficile partout, apparat ici au premier abord commeimpossible.Aprs quelques hsitations, l'Italie, partir de 1928, s'est rallie en Libyeau systme de la petite colonisation peuplante. Ce systme parat tre celuiqu i convient le mieux sa situation sociale, car, si les capitaux sont en Italiemoins abondants qu'en France, ce pays est par contre beaucoup plus richeen hommes.Il a employ cet effet des procds nouveaux, que Mr Despois a tudisde trs prs et qu'il nous fait connatre. Tandis que dans l'Afrique du Nordfranaise, trop souvent, on a tabli les colons sans les mettre en mesure derussir, en Libye l'intervention de l'tat a t beaucoup plus prononce. Onnotera particulirement la tentative de I'Ente, organisme dot de l'autonomieadministrative et financire, charg de mettre en valeur, en le peuplant defamilles paysannes, le Djebel de Cyrnaque et dont l'activit a t rcemmenttendue la Tripolitaine.Il est encore trop tt pour apprcier les rsultats. La colonisation de laTripolitaine ne date que de 1922, celle de la Cyrnaque de 1926, l'Ente de1932. Tout ugement, comme le dit Mr Despois, serait prmatur. Le colon deLibye n'a sans doute pas de chances d'enrichissement rapide, mais, s'il estsobre et laborieux comme le sont beaucoup d'Italiens, il russira sans doute vivre sur son petit domaine lorsque l'aide plus ou moins dguise de l'tatviendra lui faire dfaut. Il consommera les produits de sa terre, plaant lesurplus sur le march intrieur italien o il sera privilgi.Le jugement qu'on porte sur les questions de colonisation diffre du toutau tout selon qu'on se place au point de vue conomique ou au point de vuedmographique, selon qu'on attache plus d'importance la mise en valeur,au dveloppement de la production, ou qu'on met au premier plan l'enracinement du peuple colonisateur dans le pays colonis. Au point de vue dmographique, il n'est pas souhaiter que le colon s'enrichisse trop vite. S'il faitd'importants bnfices et que sa terre atteigne un haut prix, il est tent de larevendre et de s'en aller vivre la ville voisine ou de retourner dans son paysd'origine. Il peut tre dracin aussi bien par un succs trop rapide que parl'insuccs complet. L'Algrie en a fait maintes fois l'exprience. Il faut,disait H. de Peyerimhoff, donner au colon assez de terres pour vivre entravaillant, pas assez pour vivre autrement.

    II y a en tout cas pour nous le plus grand intrt connatre l'oeuvreentreprise dans leur colonie par nos voisins et amis. On y sera aid par le Uvrede Mr Despois, rsultat d'une enqute faite sur place, qui se tient l'cart dudnigrement systmatique et de l'optimisme non moins systmatique despublications officielles ou officieuses. Augustin Bernard.