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LE DESSUS DES CARTES ANCIENNES 1600 - 1800 Exposition des trésors de la Faculté de géographie et d’aménagement 10 mars - 7 avril 2016

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LE DESSUS DES CARTES ANCIENNES 1600 - 1800

Exposition des trésors de la Faculté de géographie et d’aménagement

10 mars - 7 avril 2016

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Riche de ses 140 années d'existence et de son appartenance successive à de grandes Universités allemandes et françaises, la Faculté de

Géographie et d'aménagement de Strasbourg possède une collection importante de cartes anciennes. Une centaine de cartes du 17è siècle (la

plus ancienne date même de 1589), trois centaines du 18è siècle et plus d'un millier du 19è siècle constituent ce fonds ancien.

Ces cartes patrimoniales ont été longtemps oubliées, enfouies dans des tiroirs ; elles ont été redécouvertes récemment. L'origine de ce fonds

reste mystérieuse ; tout juste peut-on afffijirmer que la Faculté de Géographie a bénéfijicié des alternances géopolitiques qu'a subies l'Alsace et

de la sollicitude alternée de ses tutelles. 1871, puis 1920, furent assurément des dates importantes pour l'enrichissement du fonds

documentaire.

Les cartes antérieures à la Révolution française forment un ensemble assez homogène au sein de cette collection, à côté d'autres ensembles,

comme un assortiment imposant de cartes françaises de la Marine du 19ème siècle. La majorité de ces cartes concerne l'Europe médiane

(Allemagne et Benelux actuels, îles britanniques, Scandinavie, Europe orientale) et l'Amérique. Les grands cartographes de l'époque

moderne sont tous représentés, qu'ils aient été hollandais (notamment à l'instigation de la puissante Compagnie des Indes orientales),

allemands ou français.

L'intérêt majeur de la période est qu'elle correspond à l'invention de la carte moderne. La précision des cartes augmente, avec la mise en

œuvre de nouvelles techniques comme la triangulation. La représentation cartographique devient plus complète, plus lisible. Mais la carte

est aussi enjeu de prestige, de pouvoir et de guerre. Les puissants fijinancent, accordent leur protection par le biais de "privilèges", et ils se font

payer en retour par des dédicaces et des cartouches munifijicentes. C'est l'apogée de la carte baroque, avant que les Etats ne s'approprient la

production de la carte, qui devient de ce fait plus sobre et plus efffijicace.

INTRODUCTION

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21 cartes sont ici présentées. L'ordre n'est ni chronologique, ni géographique. Si une place d'honneur a été réservée aux deux doyennes, nous

avons voulu bouleverser les repères, favoriser les rapprochements et susciter les surprises. L'observateur attentif ne s'étonnera pas que les

Pays-Bas aient été classés avec l'Amérique, et le plat pays du Danemark avec la représentation des reliefs. Des sept thèmes proposés, choix

évidemment arbitraire, l'un évoque la recherche persévérante de la précision des limites que mena le siècle des Lumières, tandis qu'un autre

souligne les possibilités infijinies de manipulations qu'offfre l'outil cartographique. Une place spéciale est dédiée aux magnifijiques cartouches

baroques, mettant selon les cas en valeur le prestige des souverains ou les fantasmes européens de l'époque. Enfijin, une carte mystérieuse

propose une énigme, qui attend impatiemment son découvreur.

L'équipe qui a préparé cette exposition est à l'image de la Faculté de Géographie : elle a associé étudiants, personnels administratifs et

techniques, enseignants-chercheurs. Elle tient à remercier tous ceux qui l'ont aidée à mener à bien ce projet. Comme toujours, l'Association

des Etudiants en Géographie de Strasbourg (AEGS) a été un pilier de l'exposition. L'Université de Strasbourg a apporté un soutien logistique

et médiatique. Le Service Commun de Documentation (SCD) de l'Université a scanné de nombreuses cartes, que Mme Catherine Banos avait

nettoyées, et inauguré une collection virtuelle de "Cartes anciennes de Géographie" sur son site de la "Bibliothèque patrimoniale de

l'Université de Strasbourg". La Bibliothèque Nationale et Universitaire de Strasbourg, son consultant M. Francis Fischer et Mme Isabelle

Laboulais ont donné des avis très appréciés sur la collection de cartes anciennes. L'Eurométropole de Strasbourg a mis gracieusement à dis-

position les grilles de l'exposition.

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L'Année Internationale de la carte devient à Strasbourg le Mois de la carte ! En parallèle à cette exposition, la Bibliothèque Nationale et

Universitaire de Strasbourg a ouvert sa propre exposition "Théâtres du monde"(du 29 février au 24 mars 2016).

De son côté, se tient le colloque "Temps, Art et Cartographie, La sémiologie dans tous les sens", organisé par Mme Anne-Christine Bronner,

ingénieur de recherche au CNRS. Avec les deux comités d'organisation, les échanges ont été fructueux.

Jean-Luc Piermay

Professeur émérite de Géographie Université de Strasbourg

et toute l'équipe :

Lily Charaoui Gwendal Deneux

Damien Ertlen Jean-Jacques Gross

Caroline Guigui Luke Maury Elodie Ruch

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Walachia, Servia, Bulgaria, Romania 1589

Editeur : Gerardum Mercatorum (Gerhard Mercator) Echelle : 1/2 450 000, milliaria germanica, milliaria italica

Langue : latin Avec privilège

Cote : CA032

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La doyenne

Walachia, Servia, Bulgaria, Romania (Valachie, Serbie, Bulgarie, Roumanie)

Cette carte pourrait être la plus ancienne de la collection. De nombreuses éditions ont été faites de cette carte, avec le même titre, mais de la part d’éditeurs diffférents et à des dates diffférentes : ainsi, Blaeu avec indication de Mercator en 1634 et 1640, Blaeu en 1645, Mercator et Hon-dius en 1648, Jan Jansson van Waesberghe en 1680. Ces diffférentes éditions ne se ressemblent pourtant pas exactement ; notamment, la calli-graphie de la mer Noire ou de beaucoup de noms de lieux font la diffférence. Ce document correspond exactement à l’édition de Mercator de 1589. Mais date t-il vraiment de cette époque, ou y a t-il eu une publication ultérieure à l’identique ? Difffijicile de le dire… Cette carte a appartenu à l’Atlas Italia-Slavonia-Grecia de 1589.

La région représentée est comprise entre la mer Noire (à l’est), les détroits du Bosphore et des Dardanelles au sud-est (avec Constantinople), la mer Egée (sud-est), le golfe de Thessalonique (avec Thessalonica) au sud, un bout de l’Adriatique au sud-ouest (avec Durrazo (Dürres), en Albanie). Entourant le cartouche de titre sont les Carpates, représentées par une série de taupinières. Le Danube traverse la carte d’ouest en est : on reconnaît Belgrade, et tout à fait à l’est le delta du Danube. Au nord du Danube, la Valachie, la Moldavie et la Bessarabie (Bessa rabia). Au sud, la Serbie (Servia), la Bulgarie, la Macédoine. Curieusement, la Roumanie (Romania, en fait pays des "Roums", c'est-à-dire des chré-tiens) se situe dans les actuelles Thrace et Turquie d’Europe.

Les noms portés sur la carte sont encore souvent les noms latins (Philippopolis pour Plovdiv, en Bulgarie actuelle : Nicopolis et Axiopolis sur le Danube, etc).

Rares sont les indications politiques portées sur le document. En Roumanie actuelle, les sièges de voïvodes sont marqués ("sedes voivode"). Ainsi, Targoviste est le siège de la voivodie de Valachie (Bucarest / Bucheresch est situé un peu au sud de cette ville). Surtout, le cartouche de titre porte un blason avec un croissant de lune montante, qui semble un blason possible de l’Empire ottoman. Le cartouche est aussi surmon-té de drapeaux de même type et d'armes, notamment un sabre recourbé.

LES ANCÊTRES

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Tabula Islandiæ 1630 ou 1634

Editeur : Willem Janszoon Blaeu, Amsterdam (Amstelodami) Cartographe : Georgio Carolo Flandro

Echelle : 1/1 600 000, milliaria germanica communia, milliaria gallica communia Langue : latin

Cote : CA022

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La vice-doyenne

Tabula Islandiæ (Planche de l'Islande)

Cette carte est une des plus anciennes de la collection de la cartothèque de Strasbourg. Elle porte la signature du grand cartographe hollan-dais Willem Janszoon Blaeu (1571-1638), qui la publia en 1630. Blaeu édita plusieurs atlas et devint en 1633 le cartographe offfijiciel de la puis-sante Compagnie néerlandaise des Indes Orientales.

Georgius (Joris) Carolus (1601-1625) était un voyageur hollandais qui alla plusieurs fois en Islande. Il en rapporta les éléments pour dresser la carte, qui fut sans doute composée en 1620. Georgius Carolus aurait utilisé la version de Mercator d’une carte réalisée pour la première fois par l’évêque Gudbrandur Thorlakson (1590). Cette carte est la plus célèbre carte ancienne de l'Islande ; elle dépassa en notoriété les cartes d'Ortelius et de Mercator.

L'Islande est représentée avec une nette exagération des rentrants et des saillants de la côte, ainsi que des îles. L'erreur est classique dans le cas de relevés anciens pris par des navigateurs. De même, la direction est-ouest est nettement exagérée en regard de la direction nord-sud. Reykjavik n'existe pas encore ; les deux centres principaux de l'île sont Skalholt et Halar, ses deux évêchés traditionnels, l'un au sud-est, l'autre au nord, aujourd'hui des hameaux. L'importance des montagnes est bien montrée ; sur le dessin, le volcan Hekla est même représenté en éruption. De nombreuses annotations accompagnent les lieux. Ainsi, à côté du toponyme Hékla, il est écrit que la montagne est en activi-té permanente.

La carte présente une division administrative en "fijjords", correspondant aux quatre points cardinaux.

Le cartouche est décoré avec deux elfes. Pour remplir les espaces maritimes, les décors sont nombreux. A gauche, en haut et en bas de la carte, deux roses des vents, chacune ornée d'une fleur de lys, avec des traits rayonnants à la manière des portulans (un "rhumb"). En bas, des monstres marins et un voilier aux voiles gonflées par les vents. Sur le cartouche des échelles, lui-même porté par deux monstres marins, une sphère armillaire.

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Le Balliage de Deux-Ponts, partie de celuy de Lictemberg, les Seigneuries de Landstoul, de Hombourg, de Grevenstein, partie du Palatinat et de la Lorraine

1705 Editeur : Hubert Jaillot, géographe ordinaire du Roi, Paris

Echelle : 1/230 000 approx. : pas géométriques ou milles d'Italie, lieues communes de France, Grandes lieues de France et lieues d'une heure de chemin, lieues communes d'Allemagne, Grandes lieues d'Allemagne, lieues communes de Lorraine

Langue : français Cote : CA033

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Un champ de taupinières

Le Balliage de Deux-Ponts, partie de celuy de Lictemberg, les Seigneuries de Landstoul, de Hombourg, de Grevenstein, partie du Palatinat et de la Lorraine

Sur les cartes les plus anciennes, le relief est seulement représenté par des taupinières stéréotypées. C'est la densité des taupinières, et parfois leur taille, qui signale des altitudes plus élevées, comme dans les Vosges.

Cette carte, partagée entre Lorraine, Alsace, Palatinat rhénan et Sarre, est d’une grande richesse toponymique et présente peu de fijioritures. Elle est assez caractéristique de la production d’Hubert Jaillot : pas de cartouches spectaculaires, pas ou peu de légende. Dans le coin sud-est, on aperçoit le Rhin, juste au nord de Strasbourg (les dernières localités présentes sont Bischen (Bischheim), Henen (Hoenheim), Husbergen (Ober-, Mittel- et Niederhausbergen), de l’actuelle banlieue de Strasbourg. A l’ouest, la vallée de la Moselle, avec Thionville, Metz et Pont-à-Mousson ; au centre, la vallée de la Sarre, avec Bouquenon et (Neu-)Sarrewerden (devenus Sarre-Union), Sarreguemines, Saint-Jean et Sarbrick (devenus Saarbrücken), Saarlouis.

La situation politique reste compliquée en ce début de 18ème siècle. Après la Guerre de Trente Ans, qui a dévasté toute la région, l’Alsace est devenue française. Plusieurs seigneuries le sont devenues à leur tour en 1661 (Sarrebourg, Turquestein…). Ce n'est pas le cas du reste de la carte, mais la pression française a considérablement augmenté, notamment avec les traités de Westphalie (1648) ; par exemple dans le baillage de Deux-Ponts (Zweibrücken). Certes, après un temps d’occupation française, la Lorraine est redevenue indépendante et use de son influence dans quelques petites principautés des Vosges ; mais ses années d'autonomie sont comptées.

La carte fait une nette diffférence entre les villages et les villes, apparemment fortifijiées. Remarquer la densité des villes en Alsace, de même que dans la région du sel, en Lorraine (Vic, Moyen Vic, Marsal, Lagarde, Dieuze).

Le "baillage" (ici orthographié "balliage") était la circonscription du bailli, représentant du roi, chargé de rendre la justice et d’administrer en son nom.

REPRÉSENTER LE RELIEF

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Département du Mont-Tonnerre Premier Empire

Editeurs : Chanlaire et Veuve Dumez, Paris Gravure : P.F. Tardieu

Echelle : 1/200 000 ; mètres, toises Langue : français

Cote : CA021

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Des talus et des collines promus au rang de montagnes

Département du Mont-Tonnerre

A la fijin de la période, les hachures sont devenues classiques pour représenter le relief. La densité de celles-ci donne l'impression de la pente. Cela souligne les vallées et, à l'inverse, les plateaux, laissés en blanc. En tant que montagne éponyme du Département, le modeste mais bien visible Mont-Tonnerre (Donnersberg, 687 mètres) est traité de manière particulièrement spectaculaire.

La carte fait partie de l’Atlas National de France, qui fut publié entre 1790 et 1818. Cet atlas proposait une carte par Département. Il a été pu-blié par l’association de deux éditeurs, Pierre Dumez (1757-1794) et Pierre-Gilles Chanlaire (1758-1817). Mais Pierre Dumez, qui dirigeait la pu-blication, fut condamné à mort par le Tribunal révolutionnaire de Paris. Sa veuve prit la suite.

Le Département du Mont-Tonnerre fut l’un des quatre départements rhénans annexés à la France en 1801 et qui font aujourd’hui partie de l’Allemagne. En fait, il avait été constitué plus tôt, en 1798, à la suite de deux tentatives de constitution d’une République sœur de la Répu-blique française. Il a disparu en 1814, avec la chute de l’Empire. Son chef-lieu était Mayence (Mainz), et il avait trois sous-préfectures, Spire (Speyer), Kaiserlautern (Kaiserslautern) et Deux-Ponts (Zweibrücken).

La représentation des limites du Département du Mont-Tonnerre est intéressante. D’une part, le Rhin n’est pas encore régularisé ; il le sera au milieu du 19ème siècle. Il présente un cours très sinueux, avec de nombreux méandres et des îles qui n’existent plus. D’autre part, la limite avec le Département du Bas-Rhin de l’époque ne correspond pas à la frontière franco-allemande actuelle. Le Bas-Rhin empiétait sur l’Alle-magne actuelle, englobant notamment les villes de Landau et de (Bad) Bergzabern. Ces localités furent retirées à la France en deux étapes, lors des deux traités de Paris de 1814 et de 1815, à la suite de la première défaite napoléonienne, puis à l’issue des Cent-Jours.

Une curiosité : le méridien d'origine reste celui de l'Île de Fer (Canaries), alors que celui-ci avait été offfijiciellement abandonné au profijit du méridien de Paris en 1792.

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Carte topographique d'Allemagne, contenant l’électorat palatin, une partie de l’archevêché de Mayence, du duché de Wurtemberg et du marcgraviat de Baaden-Durlach, l’Evêché de Spire, les comtés de Wertheim, d’Erpach, de Leiningen, de Hohenlohe, de Lowenstein, le Territoire de Worms et de Heilbron

1789 Editeur : Johann Wilhelm Abraham Jaeger (1718-1790), Frankfurt am Main (Francfort sur le Mein)

Graveur : Johann Gottlieb Facius (1750-après 1802) Echelle : 1/210 000 ; lieues d'Allemagne

Langues : français, trace d’allemand Avec privilège de Sa Majesté Impériale

Cote : CA037

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Du mélange des genres

Carte topographique d'Allemagne, contenant l’électorat palatin, une partie de l’archevêché de Mayence, du duché de Wurtemberg et du marcgraviat de Baaden-Durlach, l’Evêché de Spire, les comtés de Wertheim, d’Erpach, de Leiningen, de Hohenlohe, de Lowenstein, le Territoire de Worms et de Heilbron

Le relief est ici représenté à la fois par des taupinières et par des hachures, sans que l'on distingue clairement les raisons du choix. Peut-être cela traduit-il la compilation de documents de natures diffférentes.

C’est une très belle carte, quoique assez chargée. L’hydrographie est traitée de manière très précise. Au centre de la carte, le cours du Rhin, de Lauterbourg à Mayence, avec ses afffluents Main (nord-est) et Neckar. Le cours du Rhin est remarquable par ses méandres, ses bras morts et ses îles, de même que par le seul pont (fortifijié) qui le traverse, à Mannheim. Les routes sont assez nombreuses, et l’une d’elles, au centre-nord de la carte, est plantée d’arbres. Les places fortifijiées sont nettement distinguées des autres localités.

Très remarquable est la ville de "Carlsruh" (Karlsruhe) : on ne voit pas l’agglomération, seulement le château, d’où rayonnent une dizaine d’allées, qui traversent la forêt.

Quoique peu visibles, les limites politiques sont marquées, par des tiretés.

Après une carrière militaire en Autriche et dans diffférents Etats allemands, Johann Wilhelm Abraham Jaeger s’installe à Francfort et publie le Grand Atlas d’Allemagne en 81 feuilles. Cette feuille porte le numéro 49. D’une certaine manière, ses cartes trahissent son expérience de mili-taire : Jaeger s’attache à une topographie précise, aux villes et aux forteresses, aux limites des territoires. Il fait aussi mention de quelques souvenirs historiques, en fait des batailles, signalés par des armes entrecroisées et par un petit texte : ainsi, un afffrontement en 1696 (quart sud-est) et la bataille de Worms (2 juillet 1298), dans le coin nord-ouest. A l’exception d’une phrase en-dessous du cadre sud, sa carte est en français, langue de prestige de l’époque.

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General Charte vom Königreich Dænemark nebst dem Herzogthum Holstein nach den besten astronomischen Beobachtungen und den Special Charten von Wessel Godiche

1789 Editeur : Héritiers d’Homann, Nuremberg (Nürnberg)

Cartographe : Franz Ludwig Güssefeld (1744-1807), Nuremberg Graveur : Andrea Hartvig Godiche (1714-1769), Copenhague

Echelle : 1/980 000 ; deutsche meilen, Schwedische meilen Langue : allemand

Avec privilège impérial Cote : CA028

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A l'origine des cartes bathymétriques

General Charte vom Königreich Dænemark nebst dem Herzogthum Holstein nach den besten astronomischen Beobachtungen und den Special Charten von Wessel Godiche

(Carte générale du Royaume de Danemark, avec le duché de Holstein, d'après les meilleures observations astronomiques et les cartes spéciales de Wessel et Godiche)

Le Danemark ne se distingue certes pas par son relief… Mais le littoral et certains fonds marins sont ici représentés de manière originale. Pour les littoraux, la carte utilise deux types de fijigurés : des hachures horizontales tout près des côtes, des pointillés plus loin de celles-ci. En l’absence d’une légende sufffijisante, il est difffijicile de connaître les raisons de cette diffférence. Entre le Schleswig et les îles qui le bordent, on voit le prolongement des rivières dans la mer et l’existence de chenaux. Plus au nord, la large surface du "Jütsche Riv." correspond au Dogger Bank, hauts fonds qui barrent la mer du Nord entre le Danemark et l’Angleterre. Cet espace maritime, bien connu aujourd'hui grâce à la mé-téo marine, est depuis longtemps une zone de pêche réputée. Il est probable que ces représentations diffférenciées des fonds marins trouvent leur justifijication dans la pratique des activités économiques.

Le royaume de Danemark est colorié, avec des couleurs diffférentes pour ses diffférentes entités. Avec la Suède, les limites sont déjà celles d’aujourd’hui, les possessions danoises de l’autre côté des détroits ayant été cédées à la Suède. Curieusement, les petites îles du Skagerrak, qui appartiennent déjà au Danemark, ne sont pas représentées en couleurs. Les limites sont beaucoup plus floues avec le Saint Empire, ce que suggère le liseré discrètement coloré du Holstein, au sud. Le Schleswig (au nord du Holstein) est fijief danois, le Holstein est fijief d’Empire, mais les liens sont forts entre les deux duchés ; les tensions ne feront que croître entre le Danemark et l’Allemagne naissante. Les longitudes sont calculées à partir du méridien de l’île de Hierro (île de Fer), aux Canaries ; d’où la mention "Ferro", en bas et à gauche. Ce méridien a d’abord été utilisé par Ptolémée ; il permettait de n’avoir que des longitudes positives, puisque l’île était alors la terre connue la plus occidentale. Louis XIII a institutionnalisé cet usage, qui a perduré jusqu’à la Révolution française ; celle-ci choisit alors le méridien de Paris (1792), puis vint celui de Greenwich.

L’originalité du cartouche, assez efffacé, est de ne pas traiter d’un thème politique, célébrant la dynastie, mais de thèmes économiques : un fijilet de pêche, une ancre de marine, un tonneau, un casier de pêche (?).

Cette carte publiée par les Héritiers d’Homann a été dessinée par le cartographe Franz Ludwig Güssefeld (1744-1807), qui joua un grand rôle pour assurer la pérennité de l’entreprise.

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Belgii pars septentrionalis communi nomine vulgo Hollandia nuncupata Continens statum potentissimæ Batavorum Reipublicæ, seu Provincias VII Fœderatas, cum omnium provinciarum insignibus, additis omnibus nominibus urbium et pagorum

1705 Editeur : Pieter Schenk, Amsterdam (Amstelodami)

Echelles : 1/640 000 approx. ; milliaria germanica communia, milliaria gallica communia Langues : latin, hollandais

Avec privilège Cote : CA007

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New York, colonie hollandaise Belgii pars septentrionalis communi nomine vulgo Hollandia nuncupata Continens statum potentissimæ Batavorum Reipublicæ, seu Provincias VII Fœderatas, cum omnium provinciarum insignibus, additis omnibus nominibus urbium et pagorum (Partie septentrionale de la Belgique, communément appelée Hollande, correspondant à la très puissante République des Bataves, aussi nommée Les Sept Provinces Unies, avec les blasons de toutes les provinces et les noms de toutes les villes et pays)

La carte est très belle, mais un petit carton lui donne toute sa valeur. Niew Amsterdam (actuelle New York) y apparaît en médaillon et en carte, au sein des Indes occidentales. Sur celle-ci apparaissent même les noms de "Niew Yorck" et de "Manhattans", ainsi que plusieurs topo-nymes actuels. Un deuxième carton, associé à une autre vue miniature, fijigure Batavia (aujourd'hui Jakarta) et la colonie des Indes orientales. Pieter Schenk a réalisé cette carte en 1705. Le cartographe et graveur allemand était associé à Gerhard Valk, qui n’est pas mentionné ici. En 1700, Schenk ouvre une boutique à Leipzig, mais reste également basé à Amsterdam, où est publiée cette carte. En 1702, Schenk avait racheté les plaques gravées de Nicolas Visscher. C’est sans doute l’une d’elles qui a donné naissance à ce tirage. La carte est d’une grande précision. Outre le grand nombre de noms de lieux, on remarque les lotissements des polders, dont la géométrie tranche avec les paysages ruraux hérités des siècles passés ; ainsi, immédiatement au nord d’Amsterdam (par exemple, le polder De Beemster, réalisé à partir de 1609). Le traitement du relief et des côtes est également très fijin. Les collines, dunes littorales et marais (hachures horizontales) sont très visibles. A l’entrée du Zuyder Zee et des estuaires de la Zélande, les bancs de sable (pointillés) dessinent en négatif les bras de mer navigables. En bas et à droite, un petit carton permet de représenter le Limbourg et la ville de Maastricht, qui n'ont pu trouver place sur la carte princi-pale. En haut et à gauche, sont disposées les armes de chacune des sept Provinces unies, avec son nom, son titre et quelques renseignements ad-ministratifs.

A LA DÉCOUVERTE DE L'AMÉRIQUE

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Partie occidentale de la Nouvelle France ou du Canada 1755

Editeur : Héritiers d’Homann, Nuremberg Cartographe : Jacques-Nicolas Bellin (1703-1772), hydrographe du ministère de la Marine.

Echelle : 1/2 700 000 approx ; lieues communes de France, lieues marines de France et d'Angleterre Langue : français

Cote : CA014

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Terræ incognitæ

Partie occidentale de la Nouvelle France ou du Canada

Hydrographe du ministère de la Marine, Jacques-Nicolas Bellin avait déjà publié une première carte dans l’"Histoire et description générale de la Nouvelle-France", de François-Xavier de Charlevoix (deux villes, au Québec et au Michigan, portent le nom de ce dernier) de 1744. Avec des ajouts et corrections, il publie en 1755 une deuxième version, celle qui est ici présentée, chez les Héritiers d'Homann. D’autres versions suivront, qui se distinguent notamment par une précision grandissante dans la représentation des contours des Grands Lacs, surtout des lacs Ontario et Erié. Spécialisé dans la Nouvelle-France, Jacques-Nicolas Bellin se tenait informé des nouvelles découvertes faites par les explora-teurs français.

La carte montre l’état des connaissances l’année même du début des hostilités qui aboutirent en 1760 à la conquête du Canada par les An-glais. La forme et la taille respective des lacs, surtout Ontario et Erié, pourtant les mieux connus, sont encore loin d’être satisfaisantes. Les îles du Lac Supérieur sont très surestimées ; l’erreur subsistera sur les cartes pendant un siècle. Mais la carte avoue beaucoup de méconnais-sance ; ainsi, sur la côte sud du Lac Erié et sur les côtes nord des lacs Supérieur et Huron. Les toponymes portés sur la carte sont presque tous français ou indiens. Certains sont francisés (Nouve Yorc). Les régions portent souvent les noms des tribus indiennes. Entre les lacs Huron et Supérieur, le toponyme "Les Sauteurs" ne correspond pas aux rapides de Sault-Sainte-Marie, mais à la tribu indienne locale.

Dans toute la région, la colonisation ne fait que commencer. Toronto n’existe pas encore, non plus que Détroit, même si "le Détroit", à l'en-droit du déversement des eaux venues du lac Huron dans le lac Erié, préfijigure la ville actuelle. Quelques villes actuelles sont indiquées (outre New York : Philadelphie, Baltimore), parfois sous leur nom ancien (Fort Frontenac pour Kingston, Ontario ; Mission Sainte Marie pour Sault-Sainte-Marie, Michigan). Saint-Louis, au confluent du Missouri et du Mississipi, est désigné comme "Kaskasquias et Tamarouas". La mention la plus originale est sans doute celle de "Rivière et Port de Checagou", qui serait la première mention cartographique de Chicago, ville dont la fondation est entourée de légendes.

Le cartouche, au décor végétal, ne fait pas référence à une réalité locale.

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Guiana sive Amazonum Regio Entre 1700 et 1710

Editeur : Gerhard Valk et Pieter Schenk, Amsterdam (Amstelodami) Echelle : 1/5 6000 000 approx. ; milliaria germanica communia, milliaria gallica communia

Langues: latin, traces d’espagnol, de français et de hollandais Cote : CA012

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Et la légende devient réalité !

Guiana sive Amazonum Regio (Guyane ou Région de l'Amazone)

Gerhard Valk (1652-1726) était un marchand installé à Amsterdam, spécialisé dans les cartes et les mappemondes. En 1684, il engage Pieter Schenk (1660-1711), graveur et cartographe allemand, qui deviendra peu après son beau-frère. Associés, ils achètent en 1684 une partie des plaques de cuivres de Jan Jansson. En 1698, Gerhard Valk reprend les locaux de Henricus Hondius, en plein centre d’Amsterdam. En 1702, Pie-ter Schenk achète les plaques de Nicolas Visscher, récemment décédé. En 1709, Léonard, le fijils de Gerhard, achète les cuivres de Frederik de Wit (qui avait racheté ceux de Blaeu vers 1698). Pieter Schenk fijinit pas acheter une boutique à Leipzig.

Cette politique cohérente de rachat des plaques de cuivre de plusieurs des cartographes les plus en vue d’Amsterdam explique la paternité complexe de la mise sur le marché de cette carte. Willem Blaeu fut le premier à la publier (1638, puis 1662), puis il y eut Henricus Hondius (1640) et Jan Jansson, enfijin Valk et Schenk. Cette dernière édition devrait donc dater de la décennie 1700-1710.

Au départ de cette carte, il y a un état des connaissances antérieur d’une soixantaine d’années à son édition. En fait de Guyane, il s’agit d’un vaste espace compris entre le Venezuela actuel (île de Margarita) et l’île de Trinidad d’une part, et l’Amazone d’autre part. De manière clas-sique, la taille des îles est exagérée, et si le dessin des côtes est assez réaliste, la proportionnalité des distances est assez médiocre. Quelques noms de fleuves actuels peuvent être retrouvés (Amazone et Orénoque, mais aussi Approuague et Sinnamary). Peu de lieux habités sont re-présentés, et on ne retrouve guère que deux lieux encore peuplés aujourd’hui : Port of Spain (sous le nom de Pueblo, à Trinidad) et Cumana (Nueva Cordoba, au Venezuela).

Mais le principal intérêt de la carte est la représentation du légendaire Lac Parime, au milieu des terres, avec sur ses rives la non moins légen-daire ville prétendument inca de Manoa del Dorado. Le mythe vient de la relation faite par Sir Walter Raleigh (1596), qui prétendait avoir atteint l’empire de Guiana et la grande cité de l’or ; sans doute suivait-il en cela les récits fallacieux d’Antonio de Berrio, qu’il avait fait prison-nier. Comme quoi une carte peut faire d’une légende une réalité ; ce n’est pas la Guyane qui est représentée, mais le mythique Empire de Guiana. Le mythe dura plus d’un siècle et suscita de vives convoitises européennes, aux conséquences bien réelles…

L’habillage de la carte, avec sa rose des vents agrémentée d’une fleur de lys, fait penser au rhumb d'un ancien portulan. On y voit aussi des bateaux et des monstres marins.

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Tractus Norwegiæ Danicus, Magnam Diœceseos Aggerhusiensis 1729

Editeur : Jean-Christophe Homann, Nuremberg (Noribergae) Echelle : 1/460 000 approx. ; sans mention d'unités sur la carte

Langue : latin Cote : CA023

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L'Encyclopédie à la carte

Tractus Norwegiæ Danicus, Magnam Diœceseos Aggerhusiensis (Région danoise de Norvège, Grand diocèse d'Akershus (Oslo)

La région se situe à l’ouest d’Oslo (Norvège). Oslo, appelée Christania sur la carte, se situe juste sous le cartouche de titre, au fond de son fijjord. Akershus ("Aggerhusiensis", sur la carte) est le nom de la citadelle d’Oslo et un autre nom de la ville. La Norvège, alors possession da-noise, est en vert sur la carte, avec la Suède à l’est ; la frontière entre les deux pays n’a pas changé depuis.

La carte s’attache à représenter précisément l’hydrographie et les localités, mais aussi de manière plus discrète les routes. A l’époque, la fron-tière avec la Suède reste une préoccupation. Des forteresses ont été construites : ainsi, Christianfijjell au nord (1685). Elles resteront en service à peine 80 ans.

L’originalité de la carte réside dans ses magnifijiques cartouches. Le cartouche de titre (à gauche) met classiquement en scène des angelots sur un nuage. Plus extraordinaire est celui de droite, qui reproduit les travaux des mines de fer, à la manière de l’Encyclopédie. Les détails sont innombrables : descente à la mine avec une lampe à huile, extraction du minerai, transport du minerai en wagonnet, machines élévatrices, roues à aubes, haut fourneau artisanal, visite du responsable de la mine. Seul le relief est peu vraisemblable, dans cette région de plateaux et de vallées.

La carte a fait partie de l’Atlas major (vol. 40, planche 5), qui contient des cartes de Homann, mais aussi de Matthäus Seutter et Tobias Conrad Lotter.

CARTOUCHES BAROQUES

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Status Reipublicæ Genuensis nec non prospectum celeberrimæ ejusdem Urbis et Portus Geographica simul et topographica Descriptio

Entre 1715 et 1724 Editeur : Jean-Baptiste Homann (1664-1724), Norimbergae (Nuremberg)

Cartographe : Jean-Baptiste Homann (?) Echelle : 1/570 000, milliaria germanica, milliaria italica

Langues : latin, italien Cote : CA024

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La carte, élément secondaire du décor

Status Reipublicæ Genuensis nec non prospectum celeberrimæ ejusdem Urbis et Portus Geographica simul et topographica Descriptio (état de la République de Gênes)

Jean-Baptiste Homann, géographe de Sa Majesté Impériale, a produit cette très belle planche de Gênes, après avoir été nommé Géographe de Sa Majesté Impériale. Elle a été insérée dans l’Atlas major (vol. 21, feuille 1 ou 2).

La carte elle-même montre la complexité de l’organisation de l’espace italien au début du 18ème siècle. Chaque ville essayait de contrôler son contado, espace rural entourant la ville, qui peut être assimilé au diocèse. Mais toutes n’y arrivaient pas. Gênes se limitait ainsi à la Ligurie actuelle, de l’actuelle frontière française au golfe de La Spezia. Encore une principauté y échappait (Oneglia). A côté de la République de Gênes et jusqu’au fleuve Pô (Pavie, Crémone, au nord), le morcellement est encore plus fort. Le territoire de la République de Gênes déborde à peine les Apennins, vers le nord ; il est divisé entre Ora occidentali et Ora orientali, Rivière du Ponant et Rivière du Levant. A remarquer que le relief des Alpes est peu marqué sur la carte, comme celui des Apennins.

Mais la carte est presque un élément secondaire de la planche.

Le cartouche de titre occupe le tiers central de la carte. Comme souvent avec Jean-Baptiste Homann, il est monumental. A gauche, le port et la mer, avec Neptune, doté de son trident et d’un bateau. A droite, la ville de Gênes, avec le drapeau (croix rouge sur fond blanc) et les ange-lots qui symbolisent l’activité industrieuse de la ville (culture avec les livres, voyages avec un globe, commerce, etc.). Des deux déesses repré-sentées, celle de droite est Minerve.

Mais la plus belle partie du document est la vue cavalière de Gênes, qui occupe le tiers inférieur du document. Véritable document histo-rique, il montre en premier plan le port, au loin l’amphithéâtre naturel dans lequel la ville a été construite. Les bateaux à voiles ou à rames occupent le port, signalé par La Lanterna, phare haut de 117 mètres, un symbole de la ville. Un index de 24 noms présente les points repères principaux de Gênes et de son environnement montagnard. Parmi eux, le palais d’André Doria était considéré comme le plus beau de la ville.

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Tabula Frisiae Orientalis 1730

Editeur : Jean-Christophe Homann (1703-1730), Nuremberg (Noribergae) Echelle : 1/210 000 approx. ; milliaria germanica communia, milliaria gallica sive horæ itineris,

milliaria belgica Langue : latin

Cote : CA020

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Une carte dans le cartouche

Tabula Frisiae Orientalis (Planche de la Frise orientale)

Cette belle carte est aussi très chargée et pleine d’informations. Elle représente la partie nord-ouest de l’actuel Land de Basse-Saxe, à la fron-tière des Pays-Bas, dont une partie de la province de Groningue apparaît sur la gauche.

Cette publication de Jean-Christophe Homann (fijils de Jean-Baptiste), datée de 1730, a été réalisée par le cartographe Gerhardo Coldewey (17..-1773), qui fut aussi archiviste de la Principauté de Frise. Lui-même avoue, dans la légende, qu’il est redevable pour cette carte de plusieurs cartographes antérieurs : Emmius Ubbo (1547-1625)(carte de 1595), Guillaume Sanson (1633-1703) et Abraham Allard (1676 -1725). La carte a été publiée avec privilège de l'Empereur et du Roi de Pologne.

L’objectif de Gerhardo Coldewey semble être de représenter les nouvelles réalisations qui transforment la Frise orientale. En premier lieu, toute une série de polders, dans deux secteurs principaux. A l’extrême nord, en face de l’île de Spicker Oeg, le port de Carolinensiel et les pol-ders indiqués par les termes "Anwachs" ou "Groden" (du mot "grandir"). A l’ouest, au sud de la baie de Dollart (avec les termes de "polder", "neuland", "anwachs", "grode"). La Baie de Dollart est même représentée une deuxième fois sur le document, de manière assez peu visible, au sein du cartouche principal, dans la situation qui était celle d’avant la transgression marine de 1227 ; le fait est expliqué en latin juste à côté, avec l’indication que l’on a reconquis certains espaces en 1663, 1667, 1700, 1717. A côté, un autre texte rend hommage à l'action de Georges Albert (1708-1734), prince régnant de Frise orientale. Le port de Wilhelmshaven, le plus grand port allemand d'aujourd'hui, situé dans le golfe de Brack (est de la carte), n’existe pas encore.

Deux cartons représentant les villes d'Emden et d'Aurich complètent la planche.

Le cartouche entoure le carton de la baie de Dollart. Il représente le contraste entre les flots marins (avec Neptune et son trident) et la quié-tude du berger (très embourgeoisé !) qui garde ses moutons sur la terre ferme, an compagnie d’une femme représentant le pouvoir politique. Le tout est surmonté du blason de la Frise orientale.

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Novissima et Accuratissima Totius Americæ Descriptio 1677 (date de la deuxième édition)

Editeur : Nicolaes Jansz Visscher, Amsterdam Echelle : 1/47 000 000 approx. ; sans mention d'unités sur la carte

Langue : latin Dédicace : D. Cornelio Witsen

Avec privilège des Provinces-Unies Cote : CA004

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Des fantasmes plein le panier

Novissima et Accuratissima Totius Americæ Descriptio (Description très nouvelle et très précise de toute l'Amérique)

Le cartouche du bas représente un roi amérindien, protégé par un parasol, recevant de ses sujets l’or tamisé dans les alluvions d’une rivière. Les quantités sont impressionnantes ! Le tas de lingots entassés ne laisse aucun doute sur la richesse des régions que l’on est en train d’explo-rer. La ville mythique de Manoa o el Dorado est également présente sur le lac Parime. Derrière le roi, une famille, dont le père tire à l’arc et l’enfant joue avec un oiseau capturé.

Le cartouche du haut est aux armes de Cornelis Witsen, consul d’Amsterdam. Tout autour, trois anges chassent le diable aux doigts grifffus qui voulait s’emparer d’un Indien.

Pour faire cette carte, Nicolas Visscher père (1618-1679) s’est inspiré de la carte de Willem Blaeu (1648). Mais il a eu lui-même une grande in-fluence sur les cartographes qui ont suivi. La première édition de cette carte datait de 1658 ; ce document, avec la mention du privilège des Provinces-Unies, relève de la deuxième édition.

Malgré les nombreux toponymes, l’Amérique est encore loin d’être totalement explorée. La Californie est une île et les terres situées au-delà de la baie d’Hudson demeurent très hypothétiques. Dans le Pacifijique, beaucoup reste encore à découvrir, même si la Nouvelle-Zélande appa-raît dans le coin sud-ouest et si l’on peut reconnaître quelques toponymes anciens des îles Fidji (Prins Willem Eylanden).

Le mystère est encore entier en ce qui concerne de nombreuses terres de l’intérieur du continent. Le lac Ontario est le seul des Grands Lacs à être entièrement dessiné ; le lac Supérieur n’est esquissé qu'à l'est. Dans l’intérieur du Brésil, on fait du remplissage : une guerre à l’arc entre Amérindiens, des maisons et, plus étonnant, une personne dans un hamac. L’intérieur de l’Amérique du nord n’a droit qu’à des animaux. Il y a aussi de grandes erreurs : le cours de l’Amazone est faux ; il est relié de manière continue au rio de la Plata. En revanche, les côtes orientales sont beaucoup mieux représentées. Québec, Mont Real, Nieu Amsterdam sont présents. Les fameux bancs de Terre-Neuve également. De petites mentions présentent des particularités locales, selon les cas en français, hollandais, portugais ou an-glais.

De nombreux bateaux peuplent les mers.

Une mention manuscrite a été rajoutée au large de la Californie ("mare purpureum s. (= sive) rubrum", c’est-à-dire "mer (Pourpre ou) Rouge"), avec un renvoi en forme de croix (+). C’est le nom que l’on a longtemps donné au Golfe de Californie.

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Accuratissima Delineatio Geographica Diœcesis ac Præfecturæ Dresdensis cujus urbes, oppida et pagi, loca item contermina, et quæ in singulis notatu digniora videntur exactiori methodo Geometrice designata sistuntur

Entre 1740 et 1762 Editeur : Matthäus Seutter (1678-1757), Augsburg

Graveur : Tobias Conrad Lotter (1717-1777), Augsburg Echelle : 1/120 000 approx. ; gemeine teutsche meile

Langues : allemand et latin Avec privilège du Roi de Pologne et Electeur de Saxe (Frédéric-Auguste II de Saxe, alias Auguste III de Pologne, 1738-1763)

Cote : CA010

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Comment dessiner des limites qui n'ont pas encore été fixées sur le terrain

Accuratissima Delineatio Geographica Diœcesis ac Præfecturæ Dresdensis cujus urbes, oppida et pagi, loca item contermina, et quæ in singulis notatu digniora videntur exactiori methodo Geometrice designata sistuntur (Dessin géographique très précis du Diocèse et de la Préfecture de Dresde, avec les villes, places fortes et pays, les régions limi-trophes et ce qui est digne d'être noté, selon une méthode géométrique très exacte)

Tracer sur une feuille des limites non encore déterminées sur le terrain, un véritable casse-tête ! Le cartographe était plein de bonnes volon-tés : il a même fait fijigurer les limites dans la légende, une première ! Mais les limites n'ont pas encore été régularisées, les tracés sont très con-tournés. Plus que contournés ! Il reste en efffet de nombreuses enclaves, que le cartographe ne représente pas comme des enclaves, mais qu'il rattache fijictivement à leur territoire d'appartenance par des bandes de terre efffijilées.

Le cartographe est un méticuleux. La légende, écrite en allemand, en bas de la colonne de droite, est remarquablement fournie. Elle com-porte une typologie extrêmement précise des localités (en fonction des châteaux, des églises, des chapelles et des services que l’on y trouve ou non), des moulins, des routes et de la nature des arbres. La carte comprend une foule de renseignements. Elle contient également :

un index de noms de lieux (forêts, montagnes, rivières, maisons isolées, localités), qui sont reportées sur la carte grâce à un quadrillage fondé sur un système de coordonnées. Remarquer que la carte déborde en un endroit sur l’index, pour laisser place à la ville de Bis-chofffswerda.

les armes des localités principales. Certains blasons sont laissés en blanc. un cartouche en latin. Y fijigurent Diane avec ses chiens (à droite) et une allégorie de l’Electorat de Saxe, qui porte le blason de cette princi-

pauté. La porcelaine de Saxe de Meissen occupe une belle place sur le haut du cartouche. une rose des vents, surmontée d’une fleur de lys, à droite. un petit cartouche pour la légende, en haut et à droite.

Publiée par Matthäus Seutter, la carte a été établie par Tobias Conrad Lotter. Celui-ci, entré comme cartographe dans l'atelier de Matthäus Seutter, a épousé sa fijille. Après la mort de son patron (1757), puis celle du fijils de celui-ci (1762), qui l’avait mal gérée, il a repris l’afffaire et a vite republié à son nom les cartes antérieures, en supprimant le nom de son beau-père. La carte a donc été publiée entre 1740 et 1762.

L’INVENTION DES LIMITES

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Agri Parisiensis Tabula particularis, qua maxima pars Insulæ Franciæ, seu Regiæ in suas castellanias accurate divisa exhibetur / Particulir Carte des Landes und der

SchönWeltberuhmte Gegend umb Paris, so da ist der grösste Theil des Gouvernem. Der Insul. Von Frankreich

Entre 1705 et 1716 Editeur : Jean-Baptiste Homann (1664-1724), Noribergae (Nuremberg)

Cartographe : François de Vivier (16..-1682) Echelle : 1/174 000 approx. ; pariser mylen, gemeine deutsche meylen

Langues : allemand et latin. Cote : CA016

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Des limites presque modernes

Agri Parisiensis Tabula particularis, qua maxima pars Insulæ Franciæ, seu Regiæ in suas castellanias accurate divisa exhibetur / Particulir Carte des Landes und der SchönWeltberuhmte Gegend umb Paris, so da ist der grösste Theil des Gouvernem. Der Insul. Von Frankreich (Planche particulière des Champs parisiens, qui font la majeure partie de l'Île de France, précisément divisée en ses châtellenies / Carte particulière de la région de la très célèbre ville de Paris, qui est le plus grand centre de pouvoir de l'Île de France)

La carte couvre une partie de la généralité d’Île-de-France ("Les environs de Paris", selon le tire allemand ; "Les champs des Parisiens", selon le titre latin). Le découpage est fait en "chastellenies" (étendue de la justice d’un seigneur châtelain), sauf pour la "banlieue" de Paris. Les en-claves ont été supprimées, les aspérités principales des limites territoriales ont été réduites. On est déjà dans une logique administrative, et non plus seigneuriale.

Cette carte provient du Grosser Atlas Über die Gantze Welt (1716), qui fut le chef d’œuvre du grand cartographe allemand Jean-Baptiste Ho-mann (1664-1724) ; d’où le titre en allemand, en plus du latin que l’on retrouve dans le cartouche. Jean-Baptiste Homann a fondé une célèbre maison d’édition, basée à Nuremberg. Artiste et homme d’afffaires réputé, il a été nommé géographe impérial, puis membre de l’Académie Royale des Sciences de Prusse, en la même année 1715. Pourtant, la première cartographie de ce document est nettement plus ancienne, réali-sée par le français François de Vivier, mort en 1682.

Cette carte à la fois très précise et très claire soigne tout particulièrement les forêts et jardins. On distingue très nettement les domaines de Versailles et de Chantilly, de même que le bois du Vésinet, dessiné en 1664 à la demande de Louis XIV. Le système d’alimentation hydrau-lique du Parc de Versailles est très visible. Les grands Parcs seigneuriaux sont distingués des autres forêts par un léger trait noir qui les en-toure. Les grandes perspectives plantées d’arbres sont aussi très bien marquées. La carte mentionne les moulins, à eau et à vent, réalisations phares de l’époque, de même que les marais et les lieux habités d’une manière qui annonce les cartes de Cassini.

Paris est entouré de remparts. Le dessin des rues est fantaisiste, de même pour le Faubourg Saint-Antoine (sud-est), rattaché à Paris en 1702 et dont le lotissement vient d'être entamé. Les Champs-Elysées et l’Etoile ne sont encore que des voies plantées. Très près de Paris, les Champs Elysées traversent par un pont construit en 1710 le Grand Egout, encore à ciel ouvert, qui vient de Ménilmontant et contourne Paris par le nord.

Le cartouche est discret. Il forme un décor de théâtre, avec plusieurs putti et le blason des Bourbons.

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Principauté de Transilvanie divisée en cinq nations, subdivisée en quartiers et comtés / Nova Transilvaniæ Principatus Tabula, ad usum serenissimi Burgundiæ Ducis

1696 Editeur : H. Jaillot, géographe ordinaire du Roi, Paris

Echelle : 1/720 000 approx. ; heures de chemin, lieues d'Allemagne, lieues de Hongrie Langues : français, latin, traces d'allemand et de hongrois

Cote : CA034

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Des limites sociales, plus que spatiales

Principauté de Transilvanie divisée en cinq nations, subdivisée en quartiers et comtés / Nova Transilvaniæ Prin-cipatus Tabula, ad usum serenissimi Burgundiæ Ducis (Nouvelle Planche de la Principauté de Transylvanie, à l’usage du sérénissime Duc de Bourgogne)

Nous sommes en Roumanie actuelle, avec la Hongrie au nord-ouest et l’Ukraine au nord-est. A l’est, on trouve aujourd’hui la Moldavie et au sud la Valaquie roumaines. La "Transylvanie" ("pays au-delà des forêts") est la région s’étendant à l’intérieur de l’arc des Carpates, qui la limi-tent à l’est et au sud.

Cette carte traduit la complexité de la situation politique de la région à la fijin du dix-septième siècle. Les "Cinq nations" annoncées dans le titre sont les Hongrois, les Saxons, les Sicules, les Valaques et les Moldaves. Les Moldaves et les Valaques sont des paysans asservis, de religion orthodoxe et de langue latine. Rien ne montre sur la carte qu’ils forment sans doute la majorité de la population, alors qu'ils ne contrôlent que de petits secteurs très montagneux.

Les Hongrois, les Saxons et les Sicules étaient les seuls hommes libres. L’origine des Hongrois date du 11ème siècle, quand le Royaume de Hongrie étendit sa suzeraineté sur le voïvodat de Transylvanie. Les "Saxons" (en fait, venus de l’ouest du Saint-Empire, y compris du Luxem-bourg, de Wallonie et de Lorraine) ont été appelés à coloniser la région à partir du 12ème siècle. Ils étaient appréciés en tant que travailleurs (agriculteurs et mineurs) et aidaient à la défense des marges frontalières contre les Tatars et les Turcs. Les Sicules, à l’origine mercenaires à la réputation de bons guerriers, gardaient cette même frontière. Ces trois "Nations" jouissaient de droits étendus, que ce soit sous les Hongrois (jusqu’au 16ème s.) ou sous le joug nominal des Turcs, la principauté de Transylvanie étant alors quasiment indépendante. Mais si elles se géraient en partie par elles-mêmes, ces "nations" contrôlaient-elles réellement des espaces ? Aucune mention ne permet de préciser la nature des territoires et des limites représentés. Peu de temps après la confection de la carte, la région tomba aux mains des Autrichiens (1699).

Les toponymes sont écrits en trois langues, français, allemand et hongrois, mais pas en roumain. Voir la ville de Cluj (Clausenbourg), au centre de la carte, ou Alba Julia, un peu plus au sud. Un petit texte, dans le cartouche de titre, explique (de manière un peu simpliste) la si-tuation compliquée de la Transylvanie. Hermanstadt / Zeben (actuelle Sibiu) est identifijiée comme la capitale de la principauté (quart sud-est). Il est fait mention de la "protection du grand Seigneur" (le sultan, aux pouvoirs très lointains). La représentation du relief permet mal de distinguer l’arc des Carpates.

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Typus generalis Ukrainæ sive Palatinatuum Podoliæ, Kioviensis et Braczlaviensis terras nova delineatione exhibens

1657 (?) Editeur : Jan Jansson, Amsterdam

Echelle : 1/1 8000 000 approx. ; milliaria ocrenica, milliaria polonica, milliaria germanica, leucæ gallicæ, milliaria italica, milliaria moscovitica

Langue : latin Cote : CA025

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Typus generalis Ukrainæ sive Palatinatuum Podoliæ, Kioviensis et Braczlaviensis terras nova delineatione exhibens

1680-1683 Editeur : Jan Jansson van Waesbergen et Mosis Pitt, Londres

Echelle : 1/1 8000 000 approx. ; milliaria ocrenica, milliaria polonica, milliaria germanica, leucæ gallicæ, milliaria italica, milliaria moscovitica

Langue : latin Cote : CA026

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Recyclage technique

Typus generalis Ukrainæ sive Palatinatuum Podoliæ, Kioviensis et Braczlaviensis terras nova delineatione exhibens (Vue générale présentant un nouveau dessin de l'Ukraine ou Pays de Podolie palatine, de Kiev et de Braslaw)

Deux cartes pour une même plaque de cuivre. La première (vers 1657) a été publiée par Jan Jansson (1588-1664). Fils d’éditeur, gendre de Jo-docus Hondius, il s’associe à son beau-frère Hendrik Hondius II et publie des cartes sous les noms conjoints de Mercator, Hondius et Jansson. La deuxième a été éditée en 1680 par le beau-fijils de Jan Jansson, Johannes van Waesbergen, et par le libraire londonien Moses Pitt. Elle parut dans The English Atlas (Oxford), vol. I, planche XII (le "XII" est visible en haut et à gauche de la carte).

Le titre, le cadrage et l’habillage des deux cartes sont les mêmes. L’espace représenté est compris entre Lwow / Leopolis (bordure ouest), la Moldavie (sud-ouest), la mer Noire et la mer d’Azov (Limen vulgo Meotis palus)(sud), la Moscovie à l’est et la Lithuanie au nord. L’Asie était alors censée commencer à l’est de la mer d’Azov. Kiev (Kuow) est au centre nord de la carte. Les cartes traduisent l'existence de fronts pion-niers : la forte densité des villages chrétiens, marqués par la croix, contraste avec la distribution très lâche des villages musulmans, avec le croissant. Dans la mer Noire, l’île appelée "Tandra", entièrement entourée d’ancres de marine, semble représenter un port de premier ordre ; or, elle n'a jamais eu une telle importance ! Odessa, un peu plus à l’ouest, n’existe pas encore (fondée en 1794).

La plaque de cuivre de 1657 a été complétée pour l'édition de la carte de 1680. S'il n'y a pas eu d'ajouts vers le sud, elle a été fortement étofffée vers le nord. A noter un toponyme malheureusement très connu aujourd’hui, celui de Tchernobyl (Czernobel). Quelques textes ont été ajou-tés, rappelant des victoires de princes polonais et lithuaniens.

Les premières cartes de l’Ukraine doivent beaucoup à Guillaume Le Vasseur de Beauplan (1595-1685), gentilhomme normand qui, pour le compte du roi de Pologne, fijit toutes les campagnes contre les Tatars de Crimée, fonda des villages et fijinit par écrire un livre sur l’Ukraine. C’est lui qui popularisa en Europe de l’ouest le terme "Ukraine". Depuis plusieurs siècles, cette partie de l’Europe connaissait la poussée des royaumes de Pologne et de Lituanie, réunis dans la République des Deux-Nations en 1569. Durant la première moitié du 17ème siècle, la ré-gion représentée fait partie de cet ensemble, juste au nord du front pionnier très visible au sud de la carte, au-delà duquel vivent les Tatars musulmans. Mais les Polonais et Lithuaniens rencontraient l’opposition interne des Cosaques, surtout paysans orthodoxes, réfractaires aux étrangers catholiques. D’où les nombreuses guerres de l’époque. C’est de cette opposition cosaque que naîtra l’Ukraine (Ukraine = "marche"). En 1649, le traité de Zboriv évinça les Polonais et établit le pouvoir des Cosaques sur la région.

RECYCLAGES CARTOGRAPHIQUES

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Urbis Romæ veteris ac Modernæ Accurata Delineatio Entre 1710 et 1720

Editeur : Jean-Baptiste Homann (1664-1724), Nuremberg (Norimbergae) Echelle : 1/11 000 ; geometr. schritt / ital. meilen

Langues : allemand et latin Cote : CA003

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Recyclage historique

Urbis Romæ veteris ac Modernæ Accurata Delineatio (Dessin précis de la Ville de Rome antique et moderne)

Comment représenter en même temps la Rome antique et la Rome moderne ? Le dilemme peut sembler insoluble, mais comment aurait-on pu vendre des cartes de la petite ville du 18ème siècle sans référence à la grande Cité antique ? En réalité, c’est bien de la Rome du début du 18ème siècle dont il s’agit. La ville est entièrement insérée dans le mur d’Aurélien, construit à la fijin du 3è siècle, auquel il faut adjoindre le mur léonin (9è siècle), élevé pour enserrer la colline du Vatican, qui se trouvait hors le mur d’Aurélien. Mais le mur d’Aurélien était à l’époque beaucoup trop vaste pour une ville qui s’était fortement rétractée : sur toutes les périphéries, on voit l’importance des jardins à l’intérieur même de la muraille. Dans cette ville magnifijiée par l’histoire, on voit les grands monuments de la Rome antique (Colisée), aux-quels se sont ajoutés ceux des époques postérieures (Basilique Sainte Marie Majeure, Basilique et Place Saint-Pierre, Château Saint-Ange). Des bateaux parcourent la partie avale du Tibre.

La carte présente un décor important. En haut et à gauche, un cartouche symbolisant la papauté (plus qu’un pape particulier) et la Justice (avec sa balance). La papauté tient la croix à trois branches et un petit édifijice rond à colonnes, qui pourrait être le Temple antique de Vesta, qui abritait le feu sacré, garant de la pérennité de la Ville éternelle. En haut et à droite, le cartouche est dédié au pape Clément XI (1700-1721), avec son blason et une tiare, tenus par des angelots. Cette dédicace permet de dater la carte. En bas et à gauche, la liste des paroisses de la ville, réparties entre les 14 Rioni (quartiers) de la ville. A noter que le 14ème rione (Borgo) avait été créé en 1586 par le pape Sixte V, et que la liste des rioni est restée stable jusqu’en 1798. Sur le côté droit, une notice sur Rome en allemand. En bas et à droite, les armes des 14 rioni. Ces armes sont très semblables aux logos actuels des rioni du centre historique de Rome. Sur la bordure basse de la carte, un petit carton montre les 7 collines traditionnelles de Rome.

La carte faisait partie du monumental atlas de Frederik den Femtes (Frederik V de Danemark), qui comprenait 55 volumes et 3535 planches (volume 18, planche 24).

Le haut de la carte est orienté à l’est.

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Tabula Marchionatus Brandenburgici et ducatus Pomeraniæ quæ sunt pars septentrionalis Circuli Saxoniæ superioris Entre 1702 et 1725

Editeur : Jean-Baptiste Homann (1664-1724), Nuremberg (Noribergæ) Echelle : 1/1 000 000 approx. ; milliaria germanica communia, milliaria gallica sive horæ itineris

Langues : latin, traces d'allemand et de polonais Cote : CA036

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Recyclage politique

Tabula Marchionatus Brandenburgici et ducatus Pomeraniæ quæ sunt pars septentrionalis Circuli Saxoniæ superioris (Planche de la Marche de Brandebourg et du Duché de Poméranie, qui sont une partie du Cercle de Haute-Saxe)

Il s'agit d'une des nombreuses éditions de cette carte par Jean-Baptiste Homann. La région cartographiée correspond au nord du Cercle de Haute-Saxe, une des 10 subdivisions administratives de ce type du Saint-Empire Romain-Germanique. Mais le Cercle de Haute-Saxe était lui-même composé d'un nombre très important d'Etats, dont le plus important était la Marche de Brandebourg (en jaune sur la carte), devenu duché de Brandebourg-Prusse avec droit d'élection du Saint-Empire, puis Royaume de Prusse en 1701. Quant au duché de Poméranie (en rouge sur la carte), en fait… il n'existait plus depuis les traités de Westphalie (1648). Une partie de celui-ci fut acquis par le roi de Suède, une autre par le duché de Brandebourg-Prusse, etc. La carte ne tient pas compte de la nouvelle confijiguration politique. Il resterait à comprendre pourquoi : s'agit-il de la récupération paresseuse d'une ancienne plaque de cuivre ou de la volonté d'occulter une nouvelle réalité ?

Le cartouche de titre, composé comme un décor de théâtre entouré de putti (angelots nus et ailés) reflète cette complexité. Le blason de gauche peut être assimilé à celui du duché de Brandebourg-Prusse ; le deuxième, composé d'au moins 28 quartiers, est très compliqué.

La carte représente essentiellement des traits hydrographiques et des localités, distinguant les places fortifijiées des villages. Noter les cours de l'Oder et de la Warta, larges, marécageux, encombrés d'îlots. La carte ayant précédé l'usage de la triangulation, les tracés sont encore très in-certains.

Deux petits textes fijigurent dans la mer Baltique, à gauche du cartouche de titre, pour indiquer des villes disparues, détruites par les Danois en 1159 et 1168, Wineta et Arcona, la première étant aujourd'hui considérée comme légendaire.

Le cartouche des échelles, en bas et à droite, est décoré d'un putto et des outils du géomètre (compas et chaîne d'arpenteur).

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Carte des Pays-Bas catholiques, connu sous le nom de Flandre, divisée entre la Couronne de France, la Maison d'Autriche et les Provinces Unies 1790

Editeur : Basset, Paris Graveur : Laurent

Echelle : 1/1 770 000, grandes lieues de France, lieues de Brabant et lieues communes de Flandre, lieues d'Allemagne et de Hollande Langue : français

Cote : CA019

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Carte des Pays-Bas catholiques, connu sous le nom de Flandre, divisée entre la Couronne de France, la Maison d'Autriche et les Provinces Unies

Le titre et le cadrage de cette carte ont été maintes fois reproduits par les plus grands cartographes français : Pierre Duval (1672), Guillaume de l’Isle (1702), Nicolas de Fer (1737) et Jean-Baptiste Nolin. On s’étonnera de la profusion de ces signatures pour des cartes voisines, sinon semblables. Un procès opposa ainsi Guillaume de l’Isle, cartographe réputé, et Jean-Baptiste Nolin pour plagiat, au début du dix-septième siècle ; ce dernier perdit le procès. Guillaume de l’Isle pourra même écrire à ce sujet : "La profession de géographe est devenu un véritable brigandage" (1706, cité par Numa Broc, 1970).

Cet exemplaire est tardif ; il fut publié en 1790 par l’éditeur Paul-André Basset (17..-184.), installé à "Paris, rue Saint-Jacques, au coin de celle des Mathurins, à l’Image de Saint-Geneviève". Il s’agit peut-être de la carte de Jean-Baptiste Nolin, "sur les observations de Mrs de l’Académie des Sciences".

Une première originalité de cette édition est de comporter une notice disposée de part et d’autre du document. Celle-ci, dans la tradition du dix-huitième siècle, comprend une partie historique s’intéressant surtout aux dynasties successives à partir des Romains, et une description des diverses entités politiques, avec le nom des villes principales et places fortes.

La deuxième originalité du document est de comporter un réseau en toile d’araignée qui, par son incomplétude et son tracé très linéaire, ne semble pas être celui des routes. Alors, à quoi correspondent ces traits ? Visiteurs de l'exposition, qu'en pensez-vous ? Réfléchissez, et écrivez votre avis sur le cahier de bord de l'exposition !

LA CARTE MYSTÉRIEUSE

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Cartographie : histoire et usages des cartes

BOUSQUET-BRESSOLIER, Catherine. L'œil du cartographe et la représentation géographique du Moyen âge à nos jours : [actes du Col-loque européen "La cartographie topographique", Paris, 29 et 30 octobre 1992]. Paris : CTHS, 1995. 283 p. (Mémoires de la Section de géogra-phie physique et humaine ; 18) Cote : FTC 63 GOULD, Peter, BAILLY, Antoine. Le pouvoir des cartes : Brian Harley et la cartographie. Paris : Anthropos, 1995. X-120 p. Cote : FTC 24 HARLEY, John Brian. The New nature of maps : essays in the history of cartography. Baltimore : Johns Hopkins University Press, cop. 2001. XV-331 p. Cote : FTC 61 HOFMANN, Catherine (dir.). Artistes de la carte, de la Renaissance au XXIe siècle : l'explorateur, le stratège, le géographe. Paris : Autrement, 2012. 223 p. Cote : FTC 109 JACOB, Christian. L'empire des cartes : approche théorique de la cartographie à travers l'histoire. Paris : Albin Michel, impr. 1992, cop. 1992. 537 p.-[24] p. de pl. Cote : B 43 LABOULAIS, Isabelle. Les usages des cartes : XVIIe-XIXe siècles : pour une approche pragmatique des productions cartographiques. Stras-bourg : Presses Universitaires de Strasbourg, 2008. 285 p. (Sciences de l'histoire) Cote : FTC 73 PELLETIER, Monique. Les cartes des Cassini : la science au service de l'État et des provinces. Nouvelle édition [revue et corrigée]. Paris : Éd. du CTHS, 2013, cop. 383 p. Cote : B 93

POUR ALLER PLUS LOIN...

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Lire les cartes anciennes

COSTA, Laurent, ROBERT, Sandrine (dir.). Guide de lecture des cartes anciennes : illustrations dans le Val d'Oise et le Bassin parisien. Paris : Ed. Errance, DL 2009. 104 p. Cote : LN 176 DAINVILLE, François de. Le langage des géographes : termes ; signes couleurs des cartes anciennes 1500-1800. Paris : Picard, 1964. 384 p. Cote : AD 34

Cartes anciennes

BROTTON, Jerry. Une histoire du monde en 12 cartes. Paris : Flammarion, impr. 2013, cop. 2013. 543 p.-[48] p. de pl. Cote : B 97 BROTTON, Jerry. Cartes d'exception : 3 500 ans de représentation du monde [Paris] : Géo, DL 2015, cop. 2015. 256 p. Cote : FTC 118 HORST, Thomas. Le monde en cartes : Gérard Mercator (1512-1594) et le premier atlas du monde : avec les reproductions en couleurs de l'en-semble des planches de l'"Atlas" de Mercator de 1595 (2° Kart. B 180/3) conservé à la Staatsbibliothek zu Berlin - Preussischer Kulturbesitz. Bruxelles : Fonds Mercator, cop. 2011. 399 p. Cote : Y 127 SMART, Lez. Maps that made history : the influential, the eccentric and the sublime. Kew : National Archives, 2004. 191 p. Cote : B 70

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...SÉLECTION D’OUVRAGES DE LA BIBLIOTHÈQUE DE GÉOGRAPHIE

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Textes de :

Jean-Luc Piermay, Professeur émérite de géographie, avec la participation de : Damien Ertlen, Maître de conférences ; Jean-Jacques Gross, Professeur associé ; Elodie Ruch, Gwendal Deneux, Lily Charaoui, Luke Maury, étudiants.

Livret :

Caroline Guigui, Cartothécaire

Les cartes originales ont été numérisées par le Service Commun de la Documentation de l’Université de Strasbourg. Crédits : Bibliothèque numérique patrimoniale du Service Commun de la Documentation de l'Université de

Strasbourg

Nous remercions : L'Eurométropole de Strasbourg

Le Service Commun de la Documentation de l’Université de Strasbourg

La Direction des afffaires logistiques intérieures de l’Université de Strasbourg

Le Service Communication de l’Université de Strasbourg

La Bibliothèque de Géographie et d’Aménagement de l’Université de Strasbourg

L’équipe de la Faculté de Géographie et d’Aménagement de l'Université de Strasbourg

L'Association des étudiants en géographie de Strasbourg (AEGS)

Ce document est destiné à un usage pédagogique ou privé.

CRÉDITS

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Faculté de géographie et d’aménagement

3 rue de l’Argonne 67083 Strasbourg Cedex Tel. +33 (0)3 68 85 09 46 [email protected]

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