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Du mme auteur

AUX MMES DITIONS

Vivons heureux en attendant la mort 1983

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Pierre Desproges

Manuel de savoir-vivre

lusage des rustres et des malpolis

ditions du Seuil

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COLLECTION ANIME PAR CLAUDE DUNETON, NICOLE VIMARD ET EDMOND BLANC

COUVERTURE : atelier Seuil/ M-B. Le poutre/photos M + H.

ISBN 2.02.005985-1.

(c) DITIONS DU SEUIL, 1981.

La loi du 11 mars 1957 interdit les copies ou reproductions destines une

utilisation collective. Toute reprsentation ou reproduction intgrale ou partielle faite par quelque procd que ce soit, sans le consentement de lauteur et de ses ayants cause, est Illicite et constitue une contrefaon sanctionne par les articles 425 et suivants du Code pnal.

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I

Les bonnes manires la guerre

Quand un Infrieur croise un Suprieur, lInfrieur doit saluer le Suprieur.

Cette charmante coutume sappelle le salut. Pour saluer, lInfrieur porte sa main droite l, en mettant les doigts comme a. Quand un Suprieur entre dans la chambre dun Infrieur, ce dernier doit saluer en bombant le torse. Sil na plus de torse, comme cela arrive la guerre, il doit bomber les genoux, ou nimporte quoi de bombable. Cest la position du garde--vous. Dans le garde--vous, on doit mettre le petit doigt sur la couture du pantalon, et les pieds comme a.

Attention : avant de saluer un Suprieur, il faut tre sr que cest un Suprieur. Un Suprieur est un Grad. Un Grad se reconnat au nombre de ses burettes1. Plus le Grad a de barrettes, plus le salut doit tre servile.

Le salut est trs joli. LInfrieur doit y mettre beaucoup de respect pour le Suprieur, sauf en cas dattaque thermonuclaire, o le salut pourra tre effectu un peu plus vite.

Aprs le salut, il arrive que le Suprieur sadresse lInfrieur. Celui-ci doit alors rpondre en tournant humblement son bret dans ses doigts gourds.

un gnral, on dit mon gnral . un colonel, on dit mon colonel . un adjudant, on dit mon adjudant .

1 Attention typo : je dis barrettes .

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un deuxime classe, on dit ta gueule , condition dtre adjudant.

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Lennemi : pour quoi faire ? la guerre, lennemi est trs important, pour ne pas dire

irremplaable. Cest mme llment le plus totalement irremplaable de la guerre.

En cas de pnurie de tromblons, on pourra avantageusement sentretuer au glaive, au bazooka, lnergie nuclaire, voire coups de microbes pathognes. Car les armes, Dieu merci.

Y a pas de quoi ! Mais si, mais si. Car les armes sont remplaables. Mais pas

lennemi. Sans lennemi la guerre est ridicule. Une guerre sans ennemi cest comme un match de football

sans ballon : lhomme ne sait sur qui taper, et il stiole, et il se ravale bientt au rang de la bte, et cest ce qui sappelle la paix, du nom de la rue du mme nom, qui est dailleurs elle-mme assez souvent ravale.

Comment reconnatre lennemi ? Il est trs important de reconnatre lennemi. Un ennemi

quon ne reconnat pas, cest comme pas dennemi du tout, jen frmis rien que dy penser.

Le gnral Gamelin, qui faillit mourir la guerre, avait coutume de dire sa soubrette Josiane, dont il na jamais reconnu lenfant quil lui fit : Un homme qui ne reconnat pas lennemi est un con. Aprs quoi, il avait coutume de lui faire un autre enfant quil ne reconnaissait pas non plus.

Voici quelques critres de base permettant coup sr de

reconnatre lennemi : Lennemi est bte : il croit que cest nous lennemi, alors que

cest lui ! Jen ris encore ! Lennemi a des oreilles.

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Lennemi nest pas contagieux. Daccord, mais il est hrditaire. Lennemi est sournois : quelques fois lennemi est dans

lescalier, pour faire croire que cest la concierge qui revient de suite.

Lennemi devrait consulter son dentiste. Lennemi sappelle Reviens. Ah non, pardon, cest ma gomme. Lennemi se dguise parfois en granium, mais on ne peut

pas sy tromper, car, tandis que le granium est nos fentres, lennemi est nos portes.

Lennemi a un uniforme ridicule. Lennemi ne sait pas se tenir dans le monde. Quand on invite

lennemi la campagne, il gorge nos filles et nos compagnes jusque dans nos bras.

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MADAME GUERRE MONDIALE Cher Gonzague, Cest affreux : les Russes arrivent. Et alors ? Et alors, je nai rien me mettre.

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NOUVELLES DU FRONT Mitterrand a encore perdu un cheveu.

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UN FOIE, DEUX REINS.

TROIS RAISONS

DUTILISER LA BAONNETTE.

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En inventant larme prestigieuse qui porte son nom,

Csarien de la Baonnette a plus fait pour la guerre que Sur Teresa pour les pauvres.

Les grandes tapes de la vie difiante de Csarien de la Baonnette :

Le 11 novembre 1914-18, naissance Bayonne de Csarien de la Baonnette. Son pre tait tailleur, mais sa mre tait l, cest le principal.

six mois, il perce sa premire ttine avec une pingle. onze mois, il perce sa premire dent. huit ans, il perce sa premire coccinelle avec une

fourchette escargots. onze ans, il perce sa deuxime dent. Petit, tu iras loin ,

lui dit son pre qui tait tailleur, mais l il tait revenu exprs pour lui dire : Petit, tu iras loin.

(Cette phrase, extraordinairement mouvante de sensibilit poignante, devait tre reprise beaucoup plus tard par Louis Jouvet, qui aimait bien pincer paternellement loreille de Franois Prier en lui disant : Petit, tu iras loin. Cest en tout cas ce que Franois Prier prtend. Bernard Blier aussi. Mme Madeleine Renaud, mais elle, cest pour faire croire quelle est plus jeune que Louis Jouvet. Tous ces gens-l ont dailleurs fini par percer, ce qui nous ramne en droite ligne notre sujet, alors ne me dites pas que je mgare en digressions oiseuses.)

treize ans, il perce sa troisime dent. quatorze ans, il perce sa quatrime dent, et il redouble sa

sixime. dix-neuf ans, il perce sa belle-sur. vingt ans, il perce jour le secret de laffaire Markovic. vingt et un ans, il perce son beau-frre. vingt-quatre ans, il perce un escargot avec une fourchette

coccinelle.

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quarante et un ans, contrairement aux autres sommits qui ont tendance mourir la suite dune longue et cruelle maladie, il meurt la suite dune courte maladie rigolote.

Dans tout a on se demande o il a encore pu trouver le temps dinventer la baonnette.

Csarien de la Baonnette tait un homme rserv pour tous pays, y compris lURSS. Mais sous ses dehors discrets dventreur mondain, il cachait une putain dme de pote dlicat.

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II

Comment dclencher poliment

une bonne guerre civile

Ce quil nous faudrait, cest une bonne guerre ! Nombreux sont autour de nous les gens qui lchent cette

petite phrase en soupirant. Mais linstant daprs, ils retournent vaquer leur petite vie mesquine et ny pensent plus. Or, si nous voulons vraiment la guerre, il ne suffit pas de lappeler de nos vux en levant les yeux au ciel dun air impuissant. Pour quun sang impur abreuve de nouveau nos sillons, il nous faut semer vhmentement lide de la guerre. Faute de quoi, cette drle de paix qui a envahi la France voici prs de quarante annes finira par nous encroter totalement, les vraies valeurs seront de plus en plus bafoues, les jeunes daujourdhui seront de moins en moins ce que ctait, ma pauvre dame, et le respect se perdra de plus en plus dans les usines du grand-pre de Souchon.

Comment faire, alors, pour tre sr davoir la guerre ? lchelon plantaire, lquilibre de la terreur est tel quon ne peut gure esprer un conflit mondial avant plusieurs semaines, moins dun court-circuit, ou dune dfaillance humaine. Mais combien de chances avons-nous de voir un sous-officier ivre mort se casser la gueule juste sur le petit bouton rouge de la force de frappe ?

Non, ne rvons pas : la Troisime Guerre mondiale naura pas lieu ces jours-ci.

Pourquoi norganiserions-nous pas une guerre FRANAISE, dans laquelle les forces en prsence seraient toutes franaises ?

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Rflchissons un instant ; prends ta tte deux mains mon cousin. Pour que lide de guerre germe dans le cur de lhomme, il suffit que lhomme entretienne en lui la haine de lautre. En 1914 (tiens, 14-18 : a, cest de la guerre), les jeunes soldats franais croyaient dur comme fer que les Allemands avaient les pieds crochus, sentaient le purin, et quils narrtaient de boire de la bire que pour venir jusque dans nos bras gorger nos filles et nos compagnes. Grce quoi, cette poque, les jeunes Franais avaient les cheveux courts et ne fumaient pas des saloperies que la morale rprouve. Daccord, ils sont morts, mais les cheveux courts !

En ces conditions, pourquoi ne pas dclarer une fois de plus la guerre lAllemagne direz-vous ? Cest une trs mauvaise question, je ne vous remercie pas de me lavoir pose. Dclarer une guerre lchelon europen, ce serait dfier lquilibre anti-apocalyptique dj prcaire, difi par les deux ogres dtenteurs de la force totale. Or, ces deux titans se sont arrogs de longue date lexclusivit de la solution finale du problme homme par la mthode dite du champignon dfinitif.

Ils ne nous laisseront pas faire. Non. La seule guerre raisonnablement envisageable, cest la

guerre cent pour cent franaise, entre Franais. Et puisque la haine est le moteur de la guerre, apprenons nous har entre nous. Ah ! certes, il est plus facile de har les Arabes ou les Anglais dont les murs incroyablement primitives ont de quoi nous rvulser. Est-ce que je mange du gigot la menthe en me tournant vers La Mecque, moi ? Non ! Je suis normal : je mange des cuisses de grenouilles en me tournant vers Guy Darbois.

Ainsi, pour bien nous har entre Franais, nous devons tenter doublier ce qui nous unit, et mettre laccent sur ce qui nous spare. Chaque rgion de ce pays a ses rites et coutumes qui ne sont pas les mmes que ceux de la rgion d ct. Apprenons les connatre, apprenons les dtester. Cest ce prix que nous aurons la guerre civile franco-franaise, ultime recours pour nous sortir de la crise.

Les Barnais sont-ils des gens comme nous ? Je dis non.

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Jai sous les yeux un pot de sauce barnaise. Vous voulez savoir ce quils mettent dans la sauce barnaise, les Barnais ? Cest une honte : Huile de soja 63 %, farine de mas 0,9 %, estragon, cerfeuil 1,9 %, excipient E 312, 0,2 %. consommer de prfrence avant le 6 mars 1984. Pas dutilisation prolonge sans avis mdical.

Huile de soja 63 % ! do vient tout ce soja ? Mais de Chine, bien sr. De l prtendre que les Barnais ont sign un pacte secret avec la Chine rouge il ny a quun pas. Allons-nous hsiter le franchir allgrement ? Non !

Dautre part, de Pau Foix et de Foix Pau, on ne rencontre que des dgnrs alcooliques dtruits jusqu los par les abus de jambon de Bayonne que ces gens-l trempent en tranches paisses dans leurs grands bols pleins dalcool de pruneaux, jeun bien sr. Ainsi ceux de Pau ont des maladies de foie, ceux de Foix ont des maladies de peau, cest dgueulasse.

Sus mes preux ! mort aux Barnais ! Les Bourguignons sont-ils des gens comme nous ? Je dis

non. Dabord, dans la fondue bourguignonne, ils mettent de la

sauce barnaise ! Ce sont donc des collabos, nayons pas peur des mots. Dautre part, les Bourguignons ont-ils jamais t capables de produire quoi que ce soit de bon partir du sol de la Bourgogne ? Certes, non ! me disait justement lautre jour un ami, vigneron prs de Bordeaux. Certes, quelques rgions de Bourgogne donnent une humble piquette que les uns boivent Dijon et que les autpissent de Beaune. Mais peut-on appeler a du vin ?

Quant aux Dijonnais eux-mmes, leurs murs sont une insulte permanente la mmoire de Louis XI, qui fut la fois le pre de la runification de la Bourgogne, qui commena par le trait dArras en 1482, et lamant de Charles Martel qui commena par le traiter de connasse en 1483.

La nuit, les murs des Dijonnais sont tellement dissolues quon nentend plus les couinements de leurs chats ; ils les couvrent de leurs hurlements dextase impure qui montent

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sataniques et lugubres vers la lune, quand la nuit tombe et que lamour tarde, de Dijon.

Sus mes preux ! mort aux Burgondes ! Les Bordelais sont-ils des gens comme nous ? Je dis non. Certains habitants du Bordelais boivent du vin de

Bourgogne. Ce sont des collabos, nayons toujours pas peur des mots.

Les Bordelais sont trs laids. Au reste, dans Bordelais il y a laid , de mme que dans Pinochet il y a hochet . Comment se fait-il que les Bordelais soient si laids alors que leurs femmes sont girondes ? Cest un grand mystre et une nouvelle occasion de nous esbaudire devant limpntrabilit des desseins du Seigneur. Cest une raison de plus pour dclarer la guerre ces gens : Trucidus et Fornicae mamellae guerrae sunt : Tuer et violer sont les deux mamelles de la guerre.

Mais, Seigneur, que les Bordelais sont laids ! Avez-vous vu quoi ressemble le duc de Bordeaux ?

Sus mes preux ! mort aux Bordelais ! Les Normands sont-ils des gens comme nous ? Je dis non. Les Normands sont fourbes aux yeux bleus. Ils doivent cette

particularit psycho anatomique aux retombes de la guerre de Cent Ans qui fit rage en France pendant de longues semaines, et qui mit face face les Anglais, venus dAngleterre, et les Franais, venus du bistrot. En 1420, les Anglais staient rendus entirement matres du duch de Normandie. Ils se mirent genoux pour remercier Dieu, puis plat ventre pour violer les Normandes, en vertu du code de bonnes manires toujours en usage dans les guerres dignes de ce nom. Or, nous le savons, et pas seulement de Marseille, tous les Anglais sont fourbes aux yeux bleus. Et tous les btards de ces fornications guerrires, dont les descendants peuplent aujourdhui la Normandie, hritrent de ce double caractre grce auquel on peut sans peine reconnatre un Normand dun communiste, car le communiste est fourbe, certes, mais avec les yeux rouges.

Donc les Normands sont anglais, alors que, ne loublions jamais, lAnglais est lennemi hrditaire intrimaire, en

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alternance avec lAllemand. (En attendant la Troisime Guerre mondiale grce laquelle le Russe deviendra le troisime ennemi hrditaire : lhomme aura ainsi atteint le plus haut degr de la civilisation, puisquil pourra enfin faire les trois huit Verdun.)

Autre preuve que les Normands sont anglais : ils mangent du gigot la menthe. Sans menthe, direz-vous ? Daccord. Et alors ? Quand le duc ddimbourg mange des patates la braise, il ne mange pas la braise, que je sache. Est-ce que a prouve quil nest pas anglais ?

Sus mes preux ! mort aux Normands ! Les Bretons sont-ils des gens comme nous ? Je dis non. Le Breton est ttu. Sinon pourquoi dirions-nous dun

Breton : Il est ttu comme un Breton ? Alexandre Vialatte, le plus grand crivain franais, avant Dutour et Poulidor, disait que : Le loup est appel ainsi cause de ses grandes dents. De la mme faon, le Breton est appel ainsi parce quil est ttu. Je nen dmordrai pas.

On a pu prouver scientifiquement que le Breton tait ttu. Les travaux des plus minents chercheurs du CNRS ont dmontr thoriquement que le Breton tremp est encore plus rsistant aux fortes pressions que lacier tremp. Pour passer de la thorie la pratique, il suffirait de porter un Breton bullition. Mais jusqu ce jour aucun Breton contact pour aider la science dans ce domaine na voulu prter son concours. Donc le Breton est ttu. Par sa faute, la recherche franaise marque le pas. Et cest navrant, quand on songe que les Amricains, dans leurs laboratoires dAtlanta, nous ont une fois de plus rattraps, puisquils ont dores et dj russi dmontrer que les ngres taient solubles dans lacide sulfurique.

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Mesdames, messieurs, le temps qui mest imparti touche sa

femme, mais dans un prochain chapitre nous chercherons les bonnes raisons dattaquer la Seine-et-Marne.

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III

Les enfants sont des cons

Double V. C. Filds (je dirai DA-BELL-YOU-CI FILDS le jour o les Amricains diront CHAMPS-LYSES au lieu de TCHEMPZILAZIZ ).

Double V. C. Filds disait : Quelquun qui naime pas les enfants ne peut pas tre tout fait mauvais. Je ne sais pas si Monsieur Filds a raison. Tout ce que je sais cest que le bon Dieu la puni en lui donnant un prnom de chiottes. Cest bien fait.

Et dabord quest-ce quun enfant ? Comment reconnatre un enfant dun adulte, part la taille ? Dautant que la taille est un indice et non une preuve, ainsi que le faisait remarquer le nain Pieral au gorille du Porno-Palace qui lui donnait une fesse pendant lentracte de a glisse au pays des Merveilles.

Cest sur le plan purement psychologique que nous devons nous situer pour pouvoir reconnatre un enfant dun adulte. En un mot, nous rsumerons la diffrence essentielle entre ladulte et lenfant partir de laxiome suivant : Les adultes sont des gens srieux. Les enfants sont des gens pas srieux. Axiome que corrobore magnifiquement le fameux thorme de Zavatta : Au plus quon est moins grand, au moins quon est plus petit.

Les preuves du non-srieux de lenfant et du srieux de ladulte sont innombrables. En voici quelques-unes particulirement videntes.

Quand un enfant veut samuser, il ramasse un bout de bois, il dit Poum-Poum , et son copain tombe par terre les bras en croix, en disant Damned , sil a appris le franais dans Tintin,

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ou ARRG ! sil a appris le franais dans Spirou. Puis le copain se relve en disant : On dirait que jen suis un autre. Puis il sort de sa poche un cadeau Bonux et le braque sur lennemi en disant : On dirait que cest mon rayon laser. Puis il ajoute : BZZZZ . Et lenfant tombe en arrire en disant : Vive la Rpublique sil a appris le franais en lisant Dmocratie franaise, ce qui serait trs surprenant. Enfin, les deux enfants repartent vers Jupiter, aprs avoir bu une grenadine en grimpant sur le tabouret de la cuisine pour pouvoir attraper la bouteille.

En revanche, quand un adulte veut samuser, il ne ramasse pas un bout de bois. Pas con, ladulte. Il prend un fusil qui fait Poum-Poum pour de vrai. Et qui fait pour de vrai des trous dans le ventre de lautre adulte qui tombe en arrire en criant : Vive la France (lAllemagne, le roi ou la Rpublique. Rayez les mentions inutiles, et mon avis elles le sont toutes).

Aprs quoi, son sang coule pour de vrai tout autour de lui, et il meurt doucement dans la boue. Puis les autres adultes ramassent les atomes et ils samusent de plus en plus srieusement. la fin, il y a deux camps, et le chef du premier camp dit lautre : La concentration de missiles antimissiles sur votre territoire nous contraint renforcer notre scurit en construisant de nouveaux missiles anti-missiles anti-missiles, bisque bisque rage. Et le chef du deuxime camp rpond : Si la concentration de missiles anti-missiles sur notre territoire vous contraint renforcer votre scurit en construisant de nouveaux missiles anti-missiles anti-missiles, nous nhsiterons pas renforcer la ntre en construisant de nouveaux missiles anti-missiles anti-missiles anti-missiles, lalalreu. Et le chef du premier camp rpond : Cest ui qui le dit quy est , et la terre explose une bonne fois pour toutes. Donc, les adultes sont plus srieux que les enfants.

Par ailleurs, la navet grotesque des enfants fait peine voir, surtout si lon veut bien la comparer la maturit sereine qui caractrise les adultes. Par exemple, lenfant croit au Pre Nol. Ladulte non. Ladulte ne croit pas au Pre Nol. Il vote.

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IV

Sachons reconnatre

une femme dun homme

La femme nest pas lgale de lhomme, sinon elle courrait le cent mtres en dix secondes deux diximes, ou dix secondes trois diximes la rigueur.

Mais alors, direz-vous, comment reconnatre un homme dune femme, en dehors dune piste de course pieds ? Cest une excellente question, je vous remercie de me lavoir pose.

Physiquement, il existe de nombreux points de repre permettant un observateur averti de reconnatre lhomme de la femme.

Gnralement, dans nos rgions, et mme en Seine-et-Marne, lhomme est plus grand que la femme. Cest une anomalie de la nature dans la mesure o, toute sa vie, la femme a besoin de sappuyer sur lhomme. A-t-on jamais vu un vieillard ou un infirme sappuyer sur une canne plus grande que lui ? Il y a comme a des jours o on se demande si Dieu ne boit pas.

On reconnat lhomme la rugosit brutale de son teint burin, et la femme lincomparable fracheur de son teint Scandinave.

Dshabillons un homme et une femme. La premire chose qui saute aux yeux cest que lhomme a des seins grotesques et ridiculement embryonnaires par rapport la Vnus de Milo. Cest une indication, pas une preuve. Pour tre sr de ne pas nous leurrer, approchons-nous encore un peu, nayez pas

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peur. Pinons lgrement le sein de la personne. Si la personne dit : Oh ! oui Albert, sois mien ! , cest une femme. Si la personne dit : Alors Albert mon pote, a va pas la tte ? , cest un homme.

Dans le cas o lhomme et la femme rencleraient lide de se mettre nus pour que vous leur testiez les seins (cest une ventualit dont il faut tenir compte, notre poque dincommunicabilit et dindiffrence o plus personne ne veut plus aider son prochain), sachez quon peut reconnatre lhomme de la femme son vlo. Le vlo de lhomme est comme a, voir figure 1. Le vlo de la femme est comme a, voir figure 2.

Pourquoi cette diffrence ? Personne ne le sait vraiment, ce qui prouve une fois de plus que les desseins du Seigneur, linstar de ceux de Wolinski, sont impntrables.

De nombreuses hypothses ont t chafaudes. Daprs Verlaine, qui tait la pdale ce que Vatel fut la queue, cest--dire un matre, le vlo nest pas conu ainsi par hasard (revoir figure 1 ; mais moins vite cette fois. Sachons prendre notre temps. Pourquoi courir ? Pourquoi voir la figure 1 toute vitesse ? Quoi que nous fassions, la mort est au bout de la route de chacun de nous ! Alors pourquoi saffoler ? Revoyons la figure 1). Non, ce nest pas par hasard , crie Verlaine dans Les sanglots longs des vlos de lautomne , si la divine providence, dans son infinie sagesse, a conu ainsi le vlo de lhomme, cest pour quil puisse se cogner les noisettes au moment de lenfourcher. Car la douleur est rdemptrice. Bienheureux ceux qui souffrent, car le Royaume des Cieux et le Parc des Princes est eux !

Cette explication est fort sduisante, car on comprend alors pourquoi le vlo de la femme na nul besoin de comporter le mme handicap, et pourquoi le cadre, dans le vlo fminin, est en bas. Au reste, que penseriez-vous dune femme que lon verrait enfourcher un cadre suprieur dans la rue ?

Donc la femme est lgrement infrieure lhomme. En voulez-vous dautres preuves ? Oui ? Bon ! Ds lenfance, on peut toucher du doigt la diffrence. Soient

une poupe et un fusil. Soient aussi un petit garon que nous appellerons Paul, par convention, et une petite fille que nous

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appellerons Claudine, par respect pour sa grand-mre qui voulait quon lappelt Claudine.

Donnons la poupe Claudine. Aussitt, elle lui chante une berceuse en lui caressant la tte. Donnons-lui maintenant le fusil. Elle le jette. Et mme, en grandissant, elle continuera jeter les fusils quon lui tend. Cest pourquoi il y a si peu de femmes dans larme. Nest-ce pas un signe flagrant dinfriorit fondamentale, que de ne pas tre dans larme ?

En revanche, si nous prsentons le fusil et la poupe Paul, il va tuer un maximum de communistes et souffler dans la poupe, la guerre et la poupe gonflable tant les deux mamelles de la virilit, si lon en croit Sully qui navait pas peur des mtaphores hardies.

Quand vient la saison des amours, lhomme frotte la rugosit

brutale de son teint burin contre lincomparable fracheur du teint Scandinave de la femme, et leurs corps se mlent dans un lan damour puissant et magnifique, mais il ne faut pas non plus exagrer vu que finalement cest pareil pour les cochons, les vaches et mme les phacochres. Au bout dun laps de temps plus ou moins long, la femme dit : Oh oui olala et lhomme allume une cigarette. On dit alors que la femme est heureuse . Neuf mois plus tard, pendant que la femme accouche, elle tient la main de son mari. Ainsi il a moins peur, et il souffre moins.

En politique, les femmes sont gnralement nulles. Lors

dune lection prsidentielle suivant le suffrage universel, par exemple, la femme choisira le candidat le plus beau ! Alors que lhomme choisira le candidat le plus honnte.

En sport, les quipes fminines sont lamentables, compares

aux quipes masculines ou est-allemandes. Enfin, pour tre complets, nous dirons que les femmes franaises sont quand mme moins nulles que les femmes trangres qui mettent des bigoudis pour aller chercher le pain et qui ont les pieds trop longs. Comme lcrivait si justement ds 1895 Louis Martin dans son ouvrage remarquable : LAnglais est-il un juif ? :

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Non seulement la Japonaise est la ngation la plus absolue de la femme, mais elle est aussi la ngation la plus absolue de la beaut grecque2.

2 Cit par Jean-Claude Carrire et Guy Bechtel dans leur indispensable Dictionnaire de la btise.

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V

Comment aborder

une jolie femme ?

Pourquoi aborder

une femme laide ?

Comment aborder une jolie femme ? Pourquoi aborder une femme laide ? Il y a un seul cas o il est convenable daborder une femme

laide. Cest pour lui demander si elle ne connat pas ladresse dune jolie femme. Cest tout ce quil y a dire sur ce sujet.

Pour aborder une jolie femme, il faut tout prix viter les lieux communs de la drague, qui vont de : Vous habitez chez vos parents ? : Vous venez souvent ici ? en passant par : Ten as dj vu des comme a ? La jolie femme, trs courtise, est bien videmment sursature de ces invites qui frisent la vulgarit. Nagure, quand jtais encore plus jeune et encore plus beau quaujourdhui, jabusais de ces formules toutes faites : je ny ai gagn que dboires et coups de pied dans des endroits que la morale rprouve. Je pense notamment au jour o jai dragu une louloute lhpital Cochin. Elle tait dans un poumon dacier. Vous venez souvent ici ? risquai-je.

Tout cela est dune platitude navrante. Visez plus haut, plus noble, plus chic. Wolfgang Amadeus Mozart, qui fut un grand sducteur, au point que mme Francfort on lappelait la

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Saucisse de Salzbourg , tait en outre un tre exquis et raffin, lui aussi. (Je dis lui aussi, parce que moi-mme, si je ne me retenais pas) Pour aborder une femme, comme pour aborder la musique, il recherchait la puret, llgance et nul aussi bien que lui ne savait atteindre la grandeur travers la simplicit et la grce. La premire fois quil aborda Elizabeth Maria-Jospha Von Grossen-Furstenberg, qui allait devenir sa femme sous le nom de Nnette Mozart, il lui dit simplement : Madame, la flte enchante cest moi ! Eh hop, les voil partis vers leur destin, les yeux dans les yeux et la zigounette dans le pilou-pilou. Pour lanecdote (car cela na rien voir avec le sujet grandiose qui nous proccupe aujourdhui), savez-vous pourquoi ses parents avaient eu lide incongrue de le prnommer Wolfgang Amadeus ? Quand il tait petit, Mozart avait un prnom normal, comme tout le monde. Il sappelait Jean-Edern Mozart. Ctait un enfant extrmement turbulent, sale et dsordonn. Il aimait particulirement patauger dans la gadoue en sifflant la Marche turque. Aprs quoi il rentrait se vautrer sur les luxueux fauteuils des galeries Von Barbs de Salzbourg de la maison familiale. Chaque fois, sa mre, excde, lui criait : Fous le camp ou mets des housses Mozart. Cette sainte femme avait un fort accent autrichien, comme cela arrive encore assez souvent, surtout en Autriche, Fous le camp ou mets des housses devint Wolfgang Amadeus3 .

Jean Sbastien Bach fut galement un grand sducteur au point que, jusqu Salzbourg, on lappelait la Saucisse de Francfort . Bien quil ft aussi peu dou pour les choses de lamour quune nageuse Est-allemande pour le Lac des cygnes, Jean Sbastien Bach savait trouver le mot juste pour aborder les dames. Un jour, alors quil crivait une toccata sur ses genoux dans le parc floral de Achtung-die-Gonessen (en franais : Garges-Les-Gonesse), une magnifique blonde parfume sassit sur le banc, ct de lui, et se mit chantonner dune voix douce le Kleine Bcasse ist meine cousine de Chantal Goya. Cette voix qui montait vers le ciel comme un lger cristal

3 Je souligne la parfaite authenticit de cette magnifique leon dtymologie : je la tiens de Jean Yanne.

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bouleversa Jean Sbastien Bach. Il se tourna vers elle et dit : Je ne sais pas pourquoi cette mlodie me fait penser Chopin. La jeune fille tomba aussitt dans ses bras, puis rentra chez elle en criant : Maman, a y est, jai eu mon Bach du premier coup. De nos jours, une faon trs originale daborder une femme dans un lieu public consiste sesbaudir frntiquement la vue de son bb ou de son chihuahua : Oh ! Le beau toutou ! Oh ! On est un beau toutou ! Oh Limignoumignou ! Vous aboyez chez vos parents ?

Bientt, la dame, bouleverse par tant dhumour raffin, est prte fondre. Il ne vous reste plus qu lui dire : Madame, venez donc chez moi, je vous montrerai mon teckel. Il na pas de pattes, mais si tu voyais ses roues arrire !

Plus subtile encore, la technique dabordage dite de Jean Gabin, pour la simple raison quil en fut linventeur. Jean Gabin, qui fut un chaud lapin, avant de devenir un lapin froid (hlas, quel malheur !), poussait la difficult dans la drague jusqu naborder que des filles accompagnes de leurs parents. Il entrait dans un salon de th de sa dmarche de moissonneuse-batteuse, se plantait les mains dans les poches devant une table o papa-maman-fifille sirotaient le th au citron. Il allumait une Gauloise en dodelinant du chef. Regardait la mre. Puis le pre. Puis disait la fille : Tas de beaux vieux, tu sais.

Jespre que vous saurez tous tirer profit de ce petit cours dune grande rigueur scientifique. Sinon, hlas, il ne vous restera plus qu aller draguer sur les bancs de lAssociation des femmes battues. (videmment, elles ne sont pas trs belles. Sinon, elles ne seraient pas battues. Un gentleman ne frappe pas une fleur, merde quoi !) Alors l, pour draguer, une seule mthode, dite mthode Louis XIV car le Roi Soleil lutilisait frquemment quand il chassait le boudin dans la galerie des glaces. Il regardait les courtisanes au fond des yeux (les femmes et la France se draguent pareil), puis il triait les belles des moches, et disait aux courtisans : Mes amis, servez-vous : les mignonnes cest pour vous ; les tas, cest moi !

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VI

Comment distinguer lamour des

toilettes ?

Comme la dit si bien Bergson, le rire est le propre de lhomme. (Quand je dis : comme la dit si bien Bergson , jexagre : en fait, il avait un accent de Clermont-Ferrand absolument pouvantable.)

Pouf, pouf. Comme la dit assez bien Bergson, le rire est le propre de

lhomme, fouchtra. Et lamour ? Lamour nest-il point le propre de lhomme ?

Quel animal, en dehors de lhomme, est capable damour ? La femme, peut-tre ? Le flamand rose, qui est un des rares animaux capables damour, ce dtail prs quil est difficile de trouver un tiroir suffisamment profond pour y loger son cou ? Alors que le canard non, mais peut-on rellement parler damour dans le canard de ce matin ? Alors que dans Ici-Paris dhier, oui.

Donc, lamour est le propre de lhomme. Il est donc extrmement important de bien reconnatre lamour.

Quand lamour pose sur nous son aile tendre et chaude (cest une image. Oublions un peu les flamands roses, voulez-vous ?), nous nous sentons soudain lgers, lgers, comme sil nous poussait des ailes (cest une autre image. Oublions galement les canards).

La sensation damour saccompagne dautres manifestations psycho-physiologiques trs caractristiques. la seule vue de

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ltre aim, on a comme une boule l, voir figure 1, comme une raideur l, voir figure 2, et comme une autre boule l, comme nous lavons vu la figure 1, mais de lautre ct.

Afin de bien reconnatre lamour, je vous demanderai dapprendre ce qui va suivre, par cur, bien sr : le cur nest-il point le sige de lamour ? Surtout quand on a la tte lourde, si lon sen rfre la repartie bouleversante dAlfred de Musset George Sand : Cause mon cur, ma tte est malade.

1) Comment distinguer lamour des toilettes ? Cest extrmement simple : lamour est enfant de Bohme,

alors que les toilettes sont enfant du couloir, droite. 2) Entre Napolon et Bonaparte, peut-on parler damour ? La rponse est catgorique : non. Il ny a pas eu

proprement parler damour entre Napolon et Bonaparte. cause, notamment, de la diffrence dge.

Certes, Victor Hugo a crit : Ce sicle avait deux ans. Dj Napolon perait sous Bonaparte. Mais cest une image. Et quand bien mme ce ne serait pas

une image, si lon devait tre amoureux chaque fois que lon perce sous quelquun, on nen sortirait pas. (Cest encore une image.)

3) Si lon ne peut pas parler damour entre Napolon et

Bonaparte, peut-on parler damour entre la poire et le fromage ? Bien sr que oui. Car la poire nest point, que je sache, un

fruit dfendu. En revanche, on ne peut pas parler damour entre chien et loup, car le chien, tant le cousin du loup, ne saurait, dans le mme temps, tre sa tante. Sauf, bien sr, sil sagit dun loup lev aux navets. Puisque, si mon loup aux navets, on lappellerait mon oncle.

4) Peut-on avoir deux amours ? On cite le cas de Josphine Baker, une chanteuse qui eut son

heure de clbrit entre les trois guerres, cest--dire la guerre

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de 1914-1918, la guerre de 1939-1945 et la Troisime Guerre mondiale qui, si tout va bien, ne saurait tarder.

Jai deux amours , proclama longtemps cette artiste qui fut longtemps la coqueluche du Tout-Paris grce son talent et sa grande beaut. Non seulement ses jambes taient longues et fines, mais elle en avait deux, ce qui ne gte rien, surtout quand on a deux amours : Un amour par jambe , disait Sarah Bernhardt qui mourut monogame. Il est noter que la plupart des femmes prnommes Josphine cest l une bizarrerie totalement inexplique ont deux amours : cest valable pour Josphine de Beauharnais autant que pour Josphine Baker. a lest moins pour Josphine de Hautecloque, mais sappelle-t-elle seulement Josphine ? Et sait-on seulement quelle est la hauteur de sa cloque ? (Ce jeu de mots imprial dune grande beaut formelle ma valu le prix Mongolia 1981 aux jeux Olympiques crbraux pour handicaps mentaux alpins, au col de lauttar.)

5) Comment reconnatre lamour de lamiti. Laissons face face deux personnes nues de sexe oppos

dans une chambre tendue de velours rouge, avec des glaces au plafond, de la moquette angora par terre, du champagne dans un seau dargent et du blues en sourdine. Si au bout dun quart dheure, une des deux personnes sexclame : Cest con. Si on serait trois, on pourrait faire une belote , on ne peut pas parler damour. Cest lamiti.

En revanche, laissons cte cte deux boueurs larrire dune benne ordure six heures du matin. Si, au bout dun quart dheure, lun des deux boueurs regarde lautre avec intensit en disant : a mexcite de vider les poubelles auprs de vous , on ne peut pas parler damiti. Cest lamour.

6) Quest-ce que lamour du prochain ? Le Seigneur a dit : Tu aimeras ton prochain comme toi-

mme. Personnellement, je prfre moi-mme, mais je ne ferai pas entrer mes opinions personnelles dans ce dbat.

Un jour que Sur Teresa tait venue Paris pour dpenser le pognon de son prix Goncourt, le bus 46 lui passa sous le nez.

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a ne fait rien, je prendrai LE PROCHAIN , dit-elle avec cette bouleversante simplicit qui la rendue clbre des faubourgs de Calcutta jusque chez Castel.

Cest cela lamour du prochain. Car lamour, cest comme le bus 46 : quand on le rate, il suffit de prendre le prochain.

7) Les militaires sont-ils capables damour ? Certes, oui. Notamment les officiers suprieurs qui sont tous

homosexuels, comme la dailleurs fort bien expliqu Peter Ustinov dans lAmour des quatre colonels. Cela dit, les rumeurs didylle entre les gnraux Massu et Pinochet, dont le journal le Monde stait fait lcho lan pass, sont absolument sans fondement. Et comme dit Jean-Paul Sartre : Sans fondement, il ny a pas damour possible.

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VII

Les gens malheureux

ne connaissent pas

leur bonheur

Le bonheur. Quest-ce que le bonheur ? Cest une excellente question, mais je ne me remercie pas de

me ltre pose, car la rponse ne se trouve pas sous le sabot dun cheval, bien que les sabots des chevaux portent bonheur pourvu quils soient ferrs, si lon en croit la rumeur folklorique. linstar de la zizette quand il fait grand froid, le bonheur est un sujet difficile apprhender. Cest une source de rflexions compliques et abstraites, quon ne peut aborder quentre personnes distingues et nanties de srieuses rfrences philosophiques.

Pour bien parler du bonheur, le mieux est de se tenir la tte deux mains, prs dun feu de bois, en coutant la Tristesse de Chopin. On pratiquera de mme pour parler de Dieu, de la peine de mort, de la magie noire et des chapeaux trop petits. (En ce qui concerne la rflexion sur les chapeaux trop petits, le feu de bois et la Tristesse de Chopin sont facultatifs, mais il ne faut surtout pas oublier de vous tenir la tte deux mains pendant que votre beau-frre tire sur le chapeau.)

Les plus grands penseurs de notre histoire ont dit des choses passionnantes propos du bonheur : Le bonheur est fait des malheurs quon na pas. (Je ne sais plus trs bien si cest Montaigne ou Malherbe qui a dit cela.) Ou encore : Les gens

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malheureux ne connaissent pas leur bonheur. (L, je ne sais plus trs bien si cest Descartes ou moi.) Il est toujours malais de retrouver les auteurs de penses aussi profondes, la plupart ayant t galvaudes au fil des sicles. Par exemple, on attribue Jsus-Christ, un autonomiste palestinien mort en 33 aprs lui-mme, ce mot charmant : Laissez venir moi les petits enfants. Or, dans Mein Kampf, Adolf Hitler, un autonomiste allemand mort en 1945 avant moi, dit la mme chose, un mot prs : Laissez venir moi les petits enfants blonds.

Pour en revenir au bonheur, nous voyons donc quil est difficile de le cerner autrement que par paraboles, et de le dcrire autrement que par des exemples. Ainsi, voici quelques cas typiques emprunts la vie courante qui nous permettront de bien reconnatre le bonheur le jour o il nous tombera dessus couilles rabattues. Vous allez me dire : quel rapport entre le bonheur et les couilles rabattues ? Je me demande si cest une bonne question ?

Cas n 1. Aspect footballistique du bonheur. la fin du match Saint-Etienne-Nantes, Saint-Etienne

gagne. Si vous tes de Saint-Etienne, cest le bonheur. Si vous tes de Nantes, cest le malheur. Si vous tes de Brive, vous vous en foutez : cest pas du rugby. Comment lhabitant de Saint-Etienne (je pense quon dit un Stphanois, si cest un homme, et une Bellifontaine, si cest une Fontainebloise), comment, dis-je, le Stphanois, au moment o son quipe gagne, ressent-il le bonheur ? Tout dabord, il est parcouru dun long frmissement de l l, voir figure 1 ; il est pris dun besoin irrsistible de trpigner en agitant les bras spasmodiquement vers le ciel. Ses yeux sembuent de larmes. Il crie : Allez les verts. Il arrive quelquefois quune lgre rection sajoute ces diffrents symptmes, mais cest une manifestation de virilit extrmement peu rpandue dans les milieux sportifs : cest la femme de lA.S. Saint-Etienne qui me la dit.

On voit bien, travers cet exemple, combien le bonheur est une sensation trange et fugace, hlas, car elle ne dure quune fraction de seconde. Aprs quoi, tout retombe.

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Cas n 2. Aspect sentimentalistique du bonheur. Comme largent, lamour ne fait pas le bonheur, mais il y

contribue. Qui ne sest jamais senti dlicieusement transperc par laiguillon du bonheur, auprs de ltre aim ? Instant fragile et sublime o les amants front contre front, bouche contre bouche, les yeux dans les yeux, les mains dans les mains, la zigounette dans le pilou-pilou, ne pensent plus qu ce bonheur ardent qui les transporte jusques aux cieux inconnus de la flicit, alors que leurs regards sembuent de larmes et que leurs corps frmissent de l l, voir figure 2.

cet instant privilgi entre tous dans lidylle dun couple, les amants sont seuls au monde, ils oublient tout ce qui nest pas eux : la faim dans le monde, la guerre qui menace, le cancer, la peur des grandes cits, le terrorisme, la dfaite de Saint-Etienne, etc., etc. Alors, le pote scrie : temps suspend ton vol , cri sublime et dsespr de lhomme qui voudrait retenir son bonheur alors mme que le vent de la vie lemporte au loin dans la nuit froide de loubli ! Et la mer efface sur le sable les pas des amants dsunis comme un ptit coquelicot mon me, comme un ptit coquelicot, voir figure 3.

Cas n 3. Aspect dmocratistique du bonheur. Le bonheur nest pas rserv llite, encore quon puisse le

regretter, dans la mesure o, comme le disait si justement saint Vincent de Paul : Il ne suffit pas dtre heureux. Encore faut-il que les autres soient malheureux.

Laile veloute du bonheur peut mme entourer de ses plumes sucres des tres frustes et vulgaires quon et crus premire vue plus dous pour les travaux manuels que pour la flicit de lme. Certes, chez ces gens-l, le bonheur vole au ras des pquerettes. Je le dis sans mpris aucun, dailleurs la pquerette nest-elle point une crature de Dieu, au mme titre que loiseau, le nuage, la mer, qui couvre les abysses, le mazout, qui couvre la mer ? Mme Lecanuet est une crature de Dieu, sauf les dents qui sont de chez Paul Beuscher.

Un tre dlite, armateur ou promoteur immobilier par exemple, est capable de ressentir une forme de bonheur la vue dun coucher de soleil flamboyant au-dessus de la baie de Rio ;

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mais si nous montrons la mme ferie un pauvre, ce dernier ne manifestera au mieux quun ennui poli devant la splendeur crpusculaire de lastre du jour. Au reste, vous en connaissez, vous, des pauvres qui vont Rio en vacances ? Vous me direz : il y a des pauvres Rio mme. Eh bien, eux non plus ne regardent pas le coucher de soleil. Ils ne lvent mme pas le regard vers le ciel. Forcment : leur bonheur, ils le cherchent tte basse, au fond des poubelles.

Cas n 4. Aspect vanglistique du bonheur. Dieu fait le bonheur. Nimporte quel chrtien venant de

recevoir lEucharistie vous le confirmera : Dieu fond dans la bouche, pas dans la main. Mais suffit-il de fondre dans la bouche et pas dans la main pour apporter le bonheur autour de soi ? Non. Cest pourquoi le bonheur divin total et dfinitif ne peut se concevoir quaprs la mort, au Paradis. Quest-ce que le Paradis ? Le Paradis est un club priv rserv en priorit aux imbciles et aux infirmes : Bienheureux les pauvres desprit ! Bienheureux ceux qui souffrent dans leur chair. Le royaume des Cieux leur appartient , dit lcriture.

Si lon na pas la chance dtre infirme ou imbcile, on peut tout de mme esprer connatre le Paradis condition den baver un maximum sur la Terre avant de mourir cocu et si possible dans la misre, avec le tlphone coup, et le magntoscope en panne et tout et tout. Mais, direz-vous, quoi bon avoir souffert le martyre pendant toute une vie, si cest pour se retrouver finalement dans un club priv plein dinfirmes et dimbciles ? Je vous rpondrais quil ne faut pas stonner de voir la cour des Miracles dans le jardin des dlices.

Et puis, au Paradis, on est assis la droite de Dieu. Cest normal, cest la place du mort. Et il vaut mieux tre assis la droite de Dieu qu la gauche dElla Fitzgerald, car Dieu ne prend pas toute la place sur le banc, lui.

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VII

Marions-nous

bien poliment

Il y a deux sortes de mariage : le mariage blanc et le mariage multicolore.

Le mariage multicolore est appel ainsi parce que chacun des deux conjoints en voit de toutes les couleurs, pour employer une expression populaire la con.

Le mariage blanc est appel ainsi parce quil nest pas consomm, pour employer une expression bourgeoise, la con galement.

Donc, le mariage blanc, qui na dautre raison dtre que la satisfaction de contrats conomiques interfamiliaux au sein dun consensus, doit tre proscrit. (Quest-ce quun consensus, direz-vous ? Eh bien, un consensus, a vient de a vient de loin.)

Pire que le mariage blanc, il ny a pas. Sauf, bien sr, le concubinage ngre, au sein duquel le sang

dun hros de 1789 se mle au sang des cocotiers au risque daboutir la venue au monde dun tre hideux mi-homme mi-ngre, comme ce sans-culotte tte de Louis Armstrong, voir figure beurk.

La premire phase du mariage normal (non-blanc, mais pas ngre non plus), cest ce que les spcialistes appellent le tendre penchant .

Le tendre penchant peut se manifester tout moment et en tout lieu, au bal, la fte foraine, dans lautobus, plus

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rarement au cours dune mle ouverte dans le Tournoi des cinq nations.

Gnralement, cest au cours dune valse quune tierce personne, camarade des deux parties et donc amie des valseuses

Pouf, pouf. Gnralement, cest au bal quune tierce personne, amie des

deux parties, prsente lun lautre chacun des futurs tendres penchs.

Cette prsentation doit se faire avec une grande simplicit. Ne pas dire : Chre Josiane, quil me soit permis de vous prsenter Albert Lepied, tourneur-fraiseur adjoint aux usines automobiles de lle de la Jatte.

Cher Albert, quil me soit permis de vous prsenter Josiane Legenou, stnodactylographe intrimaire aux usines darmement La mort.

Il sagit l dun langage lgant certes, mais surann et tomb en dsutude. De nos jours, les prsentations se font plus sobrement, on dira donc : Un copain. Une copine. Une copine. Un copain.

Comment le tendre penchant se manifeste-t-il entre les deux

tendres penchs ? Lorchestre attaque une valse troublante. Les deux tendres penchs virevoltent. Leurs yeux se croisent. Un long frisson trange les parcourt de l l.

Bouleverse jusquau trfonds du pilou-pilou, Josiane Legenou se prend pour Romy Schneider dans Zizi impratif. Albert Lepied, sil ne se retenait pas, se prendrait croire en Dieu tant son bonheur est grand. Il voudrait parler mais sa gorge est sche. Cest la fin de la priode Tendre penchant . Plus rien ne penche.

Ds le lendemain, Josiane prsentera Albert ses parents, au cours dune crmonie dune extrme simplicit, comme cela se pratique couramment dans les milieux ouvriers o les gens rpugnent manger du caviar tous les jours.

L encore, les prsentations se feront suivant un protocole rduit sa plus simple expression : Albert Lepied. Mes vieux. Mes vieux. Albert Lepied.

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ces mots, des larmes de joie roulent sur les vieilles joues

burines au gros rouge du vieux pre et de la vieille mre. Le vieux pre pose sa main sur lpaule de la jeune fille en disant : Tu seras un homme, ma fille , en hommage Rudyard Kipling, crivain anglais n Bombay (1865-1936), auteur des deux livres de la jungle (1894-1895), et prix Nobel 1907, aprs Jsus-Christ galement.

La crmonie du mariage proprement dit se droule en deux temps, la mairie et lglise.

La clbration lglise est facultative au regard de la loi, mais S.S. Jean-Paul II et moi-mme recommandons instamment aux jeunes gens de sy soumettre.

En dehors de lglise, le mariage ne signifie rien ; le couple priv de la lumire divine stiole et se dchire, et les enfants qui en sont issus grandissent sans foi ni loi dans la rue, dans les bistrots, et mme parfois aux Jeunesses Musicales de France.

La crmonie la mairie a t simplifie lextrme. Le

maire ne dit plus : Albert Lepied, voulez-vous prendre pour pouse mademoiselle Josiane Legenou ici prsente ? Mademoiselle Josiane Legenou, voulez-vous prendre pour poux monsieur Albert Lepied ici prsent ?

Mais simplement : Lepied voulez-vous prendre Legenou, Legenou, voulez-vous prendre votre pied ?

cette question, chacun des deux fiancs rpond oui sils sont vraiment dcids unir leur amour pour le meilleur et pour le pire, ou non , sils ont oubli dtre cons.

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IX

Qui emmener

en voyage de noces ?

Moment privilgi dans lunion du couple, le voyage de noces reste, Dieu merci, lune de nos trop rares vieilles coutumes qui aient survcu la barbarie moderniste de ce sicle dshumanis par luniformisation des rapports humains, les cadences infernales, lducation sexuelle au laser et les vibromasseurs quartz. Cest pourquoi les jeunes maris modernes se doivent de respecter ce rite, doucement surann en apparence, mais dont les consquences psychosociologiques bnfiques sur lavenir du couple sont inestimables.

Au dpart, afin de mettre toutes les chances de votre ct pour que votre voyage de noces soit un succs total sur le plan touristique, sentimental et sexuel, la premire chose faire est de partir SEUL.

En effet et sur ce point les plus grands spcialistes mondiaux des problmes du couple sont daccord , il est indispensable, pour assurer la prennit et la russite dun mariage, que chacun des deux poux sache se garder un jardin secret, un petit coin de vie autonome o lautre na pas accs, afin dviter le dangereux pige de lhabitude o sensablent tout jamais trop didylles conjugales, pourtant bien commences sous le double signe de la tendresse et des guili-guili-tout-partout.

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Or, il nest jamais trop tt pour lutter contre les mauvaises habitudes. Cest pourquoi, en vrit, je vous le redis : Partez tout seul en voyage de noces.

Ce conseil vaut videmment autant pour lpoux que pour la jeune marie. Encore que, la rflexion, on peut se demander ce quirait raisonnablement faire une jeune femme seule Venise, avec toute cette vaisselle qui saccumule Paris (ou Vierzon ; mais Paris cest encore pire car cest plus loin de Venise que Vierzon). Cest une excellente question, et je me remercie de me ltre pose. Et je me rponds aussi sec : Halte-l, mon garon, point de misogynie ! (Quand je suis tout seul, javoue quil marrive de mappeler mon garon . Je mappelle beaucoup moins souvent ma fille : a mexcite et a me retarde dans mon travail.)

Non ! Point de misogynie. Le plus simple, pour savoir lequel du mari ou de la femme va partir en voyage de noces, nest-il pas de tirer au sort ?

Si ? Bon. Si le sort dsigne le mari, il aura le bon got de ne pas

montrer une allgresse excessive au moment de demander sa jeune femme de prparer sa valise, surtout sil sagit dune jeune femme hypersensible ou violemment monogame.

Si le sort dsigne lpouse, on procdera un second tirage au sort.

Si le second tirage au sort dsigne lpouse, on procdera un troisime tirage au sort.

Si le troisime tirage au sort dsigne lpouse, pourquoi, aprs tout, ne partiriez-vous pas avec elle ? Elle en meurt denvie.

Le moment idal pour un voyage de noces Venise, cest incontestablement le mois davril. Cest pourquoi je me suis mari en dcembre : je dteste Venise : il faut faire des kilomtres avant de trouver un flipper. Dautre part, on nous dit que cest une ville charge de souvenirs, mais en fait, cest plein dimpasses o circulent des mongoliennes, et de lacunes o voguent des mongoliers.

Le plus clbre de ces mongoliers sappelle Toto Rialto. Cest un doux crtin inoffensif qui vit dans une vieille barcasse sous

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un pont vnitien, o il passe le plus clair de son temps ricaner sottement chaque fois quil surprend un jeune couple tendrement enlac. Tous les amoureux du monde connaissent bien Toto Rialto, puisque ce sont eux qui lont surnomm, si judicieusement, le Con des Soupirs .

Il est trs difficile, pour ne pas dire impossible, de trouver Venise un bon restaurant. Jai oubli le nom du soi-disant meilleur restaurant vnitien ; dailleurs cest un nom italien. Je me souviens seulement de lair ahuri du matre dhtel quand je lui ai simplement demand un pichet de beaujolpif et un far breton. Donc, les Vnitiens sont xnophobes. On ne compte plus les dboires des touristes franais Venise. Rcemment, les joueurs de lASPTT de Romorantin ont clairement discern des regards hostiles parmi la population locale, alors quils disputaient une bien inoffensive partie de football dans le Palais des Doges, en nocturne.

Quant au Club des joyeux chasseurs solognots, ils ont eu rcemment le plus grand mal obliger un picier vnitien rtif leur vendre une bote de petits pois destine accompagner une trentaine de pigeons qui leur appartenaient pourtant de droit : ils les avaient tus eux-mmes la boule, au cours dune partie de ptanque sur la place Saint-Marc.

Dieu merci, Venise nest pas que cela. Comme le disait si gentiment Heinrich Himmler en visitant Auschwitz sous la pluie : Ne boudons pas notre plaisir.

Venise reste malgr tout, ne loublions jamais, lune des villes les plus extraordinairement pittoresques du monde, avec ses quatre-vingt-dix glises, ses ensembles architecturaux magnifiques, et la grce tranquille de ses innombrables canaux o stirent, au cours des printemps toujours recommencs, les amours tranquilles des enfants du monde. Et puis, surtout, ne loublions jamais, Venise, on reoit trs bien Antenne 2.

Dans un prochain chapitre si je veux, nous aborderons

ensemble le problme des voyages de noces trois.

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X

Lhtrosexualit :

pour quoi faire ?

Comment assumer son htrosexualit ? De plus en plus souvent, de nos jours, on rencontre dans les

salons mondains des gens qui, la question : Quest-ce que vous faites dans la vie ? , se mettent bomber le torse en disant : Je suis htrosexuel.

Une prcision dordre grammatical, en passant. On ne dit pas : Je suis H trosexuel avec un H aspir. Au reste, il est interdit, en France, daspirer du H .

Non. On fait la liaison : Je suis-Z-htro-sexuel. Dans les quartiers bourgeois, les gens bien levs ne disent

pas : Je suis-Z-htro-sexuel , mais : Je suis-Z-aller-au-sexuel. Il sagit l dune tournure suranne. Nous viterons de lemployer devant nos employs, et de la servir nos serveurs.

En revanche, on ne dira pas : Je suis-Z-t aux Seychelles , mais : Je suis-Z-all aux

Seychelles ; exemple : Je suis htrosexuel et je suis all aux Seychelles. Et non pas : Je suis pd. Je suis t Marnes-la-quiquette. Ceci tant pos cest une image : rien nest pos. Il ny a

mme pas de commode posons-nous autre chose, cest--dire une question. Quelle question ? Cest une excellente question.

Quest-ce quun htrosexuel ?

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Pour le savoir, adressons-nous un spcialiste, le petit Larousse qui est avec le petit Robert.

Pouf pouf. Le Petit Larousse qui est, virgule, avec le Petit Robert,

virgule, lun des dictionnaires les plus rigoureux sur le plan de la rigueur.

HTROSEXUEL (LE) : nom ou adjectif. Se dit de celui ou de celle qui prouve une attirance sexuelle pour le sexe oppos. Exemple : la femme pour lhomme, la jument pour le cheval, la tontaine pour le tonton, la chvre pour le lgionnaire, la gorgonne Nana pour le gorgon Zola, etc., etc.

Comment reconnatre un (e) htrosexuel (le) ? Voulez-vous que je vous dise ? Ce nest pas pour me vanter,

mais cest une excellente question. Et jirai probablement en hlicoptre pour y rpondre. En tout cas, je nirai pas par quatre chemins. Vous avez vu les bouchons sur les priphs ? Franaises, Franais, faites comme moi. Pour rpondre aux excellentes questions, ny allez pas par quatre chemins : prenez lhlicoptre.

Pour bien reconnatre un (ou une) htro-sexuel (le), il suffit de demander. Exemple :

Bonjour, madame Mademoiselle, peut-tre ? Mademoiselle peut-tre ! ? Hi ! Hi ! Hi ! Ah bon. Euh Je voudrais euh donnez-moi une demi-

baguette bien cuite, sil vous plat. Voil. a nous fait un quatre-vingt-dix, hi ! Hi ! Hi ! Euh mademoiselle euh vous venez souvent ici ? Ben vous tes drle vous ! Je viens ici tous les jours ! Cest

ma boulangerie ! Hi ! Hi ! Hi ! En effet. Pardonnez-moi Vous tes trs belle. Et lclat

purpurin de votre peau bronze met un baume mon cur meurtri de beau jeune homme solitaire. Vous tes-Z-htrosexuelle ?

Non, mais je suis-Z-t aux Seychelles, dans une ferme vaches. Cest pourquoi ma peau bronze a lclat pur purin

Cette faon un peu directe daborder les gens peut choquer

certains. Mais, heureusement, Dieu me tripote, il existe une

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mthode moins brutale qui consiste demander aux gens non plus : Vous tes htro-sexuel (le) ? mais Vous tes homosexuelle) ? , lhomosexuel tant celui (ou celle) qui prouve une attirance sexuelle non plus pour le sexe oppos, mais pour son camarade de bureau.

Exemple : Le maire pour ladjoint au maire, la jument pour la jument, la tontaine pour la tata, la chvre pour la lgionnaire, le commissaire Maigret pour le commissaire Bourrel ou la gargouille Zolie pour la gorgonne Zola.

cet gard, on raconte Londres une histoire exemplaire. (Moi, on me la raconte La Motte-Beuvron, mais, je vous le demande, est-ce que a prouve quon ne la raconte pas Londres ? Non ? Bon alors.)

Dans un pub lgant de Mayfair, un gentleman fort bien mis dguste un vieux bourbon sur un tabouret de bar. Entre un autre gentleman tout aussi distingu qui saccoude ct du premier, commande un scotch, fait tourner le verre dans sa main pour faire fondre les glaons, tout en regardant son voisin avec intensit :

Pardon, monsieur. Je ne voudrais pas tre indiscret, mais vous tes homosexuel ?

Non. Non non Et et vous-mme, monsieur, vous tes homosexuel ?

Non ! Dommage ! Certains de nos lecteurs pourront soffusquer et rencler

lide de poser ces questions. Je pense notamment aux lecteurs naturellement nous, coincs, chafouins ou scouts de France qui me lisent par milliers. Salut, les ptits loups. Youkadi, Youkada, Ribidiki, Ribidika, oua, oua, oua. Jai moi-mme t scout de France. Nous jouions comme de jeunes chiens fous sous la tente.

Cest fatigant finalement, les camps scouts. Je tiens le dire aux parents qui hsitent y inscrire leurs enfants : les scouts, cest bien, mais attention, pas dutilisation prolonge sans avis mdical.

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Donc, lintention des inhibs complexodes qui nosent pas interpeller leurs semblables dans la rue pour savoir si cest du pain blanc ou de la brioche maudite, il existe un moyen infaillible de reconnatre un homosexuel dun htrosexuel : sa faon de se tenir table.

a vous en bouche un coin, comme disait Jean-Baptiste Vaquette de Gribeauval. (Je ne sais plus en quelle circonstance Jean-Baptiste Vaquette de Gribeauval a dit a vous en bouche un coin ? Mais, comme personne, part moi, ne sait qui tait Jean-Baptiste Vaquette de Gribeauval, je ne risque pas dtre contredit ! De toute faon, il est tout fait ridicule de dire : a vous en bouche un coin , sans prciser le nom de lauteur de cette phrase sublime, cest comme si on disait : Pardonnez-leur parce quils ne savent pas ce quils font sans citer Jsus-Christ, ou : Merde sans citer Cambronne, ou : Oulala, cest cuit ! sans citer Jeanne dArc, ou : La mer quon voit danser sans citer Balnaire.)

Alors, bon. Comment reconnatre un htrosexuel dun homosexuel sa faon de se tenir table ? Cest bien simple : lhomosexuel, quand il met le couvert, met le couteau droite, la fourchette gauche, et le verre l, voir figure 1.

Vous allez me dire : Lhtrosexuel, lui aussi, met le couteau droite, la fourchette gauche, lassiette entre le couteau et la fourchette, et le verre l, revoir figure 1, on ne sen lasse pas, elle est superbe. Alors ?

Alors ? Alors, servons ce bel inconnu une banane flambe. Sil

regarde la banane flambe sans piper, cest un htrosexuel. Mais sil regarde la banane flambe en lui disant : Comment tu tappelles ? , cest une autre paire de manches, comme disait Jean-Baptiste Vaquette de Gribeauval, qui voyait des paires partout.

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XI

Les bonnes manires au lit

Ne soyons pas malpolis au lit. Au temps de nos grands-mres au temps des miennes en

tout cas, on ne ma pas prsent les vtres ; dailleurs je men fous totalement, chacun son problme : Velocipedus memera ? , disait Euclide ( Est-ce que je te demande si ta grand-mre fait du vlo ? ).

Au temps de mes grands-mres, donc, les gens qui se mettaient ensemble dans un lit pour la premire fois taient assez malpolis. Ils ne se disaient mme pas bonjour.

Cette attitude pour le moins cavalire (et je pse mes chevals) peut nous paratre surprenante aujourdhui. Elle sexplique par le fait qu cette poque, les gens se connaissaient la plupart du temps AVANT de coucher ensemble. Certains mme attendaient dtre maris pour zigounipiloupiler.

De nos jours, aspirs par la vie trpidante de ce sicle infernal, nous navons point le temps de nous disperser en salamalecs avant de nous mettre au lit avec nos contemporains. Cest pourquoi il est de bon ton de souhaiter le bonjour et de se prsenter avant de se glisser dans les draps, ou sous lvier, selon quon est litophile ou viriste.

Ces prsentations devront tre simples et dpourvues demphase. Toute attitude pompeuse apparatrait dplace. (Cest une image : ne prenez pas lexpression attitude pompeuse au pied du lit. Au pied de la lettre, pardon.)

Prsentez-vous simplement, en ajoutant un petit mot gentil, mme banal, qui sera toujours bien reu pourvu quil ne scarte pas des limites du bon got.

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Exemple : Bonjour ! Je mappelle Robin des Bois. Tu la sens ma grosse flche ?

Doit-on teindre la lumire avant de zigounipiloupiler ? Au temps de mes grands-mres, la dcence exigeait que lon

moucht les chandelles, que lon soufflt les bougies, et que lon teindasse les lampes ptrole, bien que je me demande si teindre fait bien teindasse limparfait du subjonctif.

Mes grands-mres taient horribles, ce qui peut expliquer en partie que mes grands-pres, leurs camarades de tranche et leurs livreurs de crinolines, aient pris ainsi lhabitude dteindre la lumire avant de les transporter au quatorzime ciel. (Deux fois sept, quatorze : il y a DEUX grands-mres.) Mais, enfin, je nai pas la prtention de croire que ce sont mes seules grands-mres qui ont cr la mode.

Il existe une autre explication nettement plus scientifique de lextinction des chandelles en tant que rite prnuptial inhrent limmdiat aprs-guerre de 1870. Nous devons cette explication au professeur Jean-Edern Von Saint-Bris qui sait de quoi il parle, puisquil fut chandelier du Troisime Reich avant de remporter Paris-Nice en 1924, lanne o larrive de cette course se disputa dans un bougeoir. Des immenses travaux du professeur Von Saint-Bris, il ressort en substance que la disparition de la coutume de lextinction a des raisons purement ludiques. En effet, une fois la bougie teinte, elle pouvait avantageusement devenir un amusant compagnon de jeu au lit. Alors quavec une ampoule on peut se blesser. Surtout avec une ampoule vice. Et la baonnette ?

Quels mots employer au lit (ou dans le placard balais pour

les manchophiles) pour manifester son autosatisfaction, si lon est un homme, ou pour dire merci, si lon est une femme ?

Lhomme pourra avantageusement dire : Oh oui oh lala ah oui ah oui puis, deux secondes plus tard, appuy sur un coude au-dessus de la femme pantelante, il dira : Alors, heureuse ? en lui soufflant sa fume de Gauloise dans la gueule.

La femme pourra avantageusement dire : Oh oui oh lala ah oui ah oui ah oui, encore, encore, apothose ! Afin de mnager

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la sensibilit de lhomme, elle aura intrt ajouter : Oh ! Albert, cest la premire fois que je connais un tel bonheur dans les bras dun homme. Une simple petite phrase comme celle-ci suffit ensoleiller la journe dun honnte homme, sauf sil ne sappelle pas Albert.

Est-il convenable dtre plus de deux dans le mme lit ? Jai personnellement connu une jeune femme qui se refusait

systmatiquement partager son lit avec plus de douze personnes. Elle tait terriblement superstitieuse et rptait qui voulait lentendre le vieux dicton berrichon :

Treize au plumard.

Neuf mois dans le tiroir , Manire lgante dexprimer les dangers de la treizicitude

zigounipiloupilienne. Pour finir, je terminerai par le dbut, en rpondant la

question qui est sur toutes les lvres bien que vous layez sur le bout de la langue. Avant dentrer dans le lit, lhomme, linstar de la plupart des mles vertbrs suprieurs, doit-il encore, de nos jours, dlimiter son territoire de quelque manire que ce soit ?

Personnellement, la dernire fois que jai bais au Ritz, javais pris pralablement la peine de pisser autour de la chambre.

Je me suis fait jeter. Cest ce que je dis toujours : les traditions se perdent.

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XII

Il est temps, pour nous,

dobserver ensemble, si vous le

voulez bien, une minute de

silence

Il y a exactement 125 ans, deux ou trois mois prs, quAlbert La Sourdine, le gnial inventeur de la minute de silence, steignait sans bruit, dans son discret appartement insonoris de la place Tagueule Paris. Pour commmorer ensemble le glorieux souvenir de ce grand Franais, je demanderai exceptionnellement aux lecteurs de bien vouloir observer une minute de silence : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

4 Kof, kof.

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. . . . . . . . . . . .5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Merci. Cest en assistant tout fait par hasard lenterrement de

saint Eloi, quAlbert La Sourdine eut lide grandiose de la minute de silence qui allait hisser son nom vers les sommets radieux de limmortalit.

On sait que saint Eloi mourut touff dans la culotte du roi Dagobert, au cours dune surprise-partie mrovingienne assez ol-ol, dans des circonstances fort mystrieuses, car Dagobert ntait pas franc. Lors des obsques de saint Eloi, les amis du ministre, peine dessols de la fameuse surprise-partie, suivaient le cercueil en chantant : Non non non saint Eloi nest pas mort (bis). Je ne me rappelle plus trs bien le texte dans lequel il est plus ou moins question de la raideur cadavrique partielle du dfunt, mais peu importe. Vous ne pouvez pas la fermer une minute ! cria alors Albert La Sourdine qui passait par l Alors, miracle ! Le cortge simmobilise dans un silence immense, sublime, follement mouvant. Plus personne ne bouge, sauf un clochard que tend sa sbile, car il mande, car il mande encore.

La minute de silence tait ne. Albert La Sourdine, qui alliait

au respect des corbillards un sens inn des affaires, courut aussitt la dposer la Socit des Auteurs, afin que, chaque fois quune minute de silence tait diffuse sur les ondes de la radio et de la tlvision, il pt toucher quelques maigres cus, grce auxquels il pouvait voyager de par le monde, afin de divulguer aux quatre vents sa grandiose invention.

5 Prout. 6 Vos gueules.

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Hlas, les gens sont mchants. Cest pourquoi, chaque fois quune minute de silence est diffuse la radio ou la tlvision, les responsables de lmission, mesquins et jaloux, font tout ce quils peuvent pour linterrompre avec la dernire grossiret, sous des prtextes purement fallacieux. Exemple :

( silence) Ah ! Je pense que nous avons un petit problme avec la technique.

Ou encore : ( silence) Ah ! Il me semble que nous avons un lger

incident avec le tlcinma. Allo ? Je vous prie de mexcuser ? Oui ? Ah ! Bien. On me fait savoir que, dans quelques instants, nous serons en mesure de vous diffuser le reportage sur les Pleureuses du Pire, de Raoul Sanglot Bien. En attendant, dans le cadre de notre srie La tl cest moi, jaurais tort de ne pas en profiter trois mois des lections le prsident de la Rpublique est all fayoter hier auprs des vieux gteux de lhospice de Trifouilly-les-Urnes, etc., etc.

Merci ! Merci toi, Albert La Sourdine, toi qui as su nimber

de tant de dignit les mouvantes crmonies de nos monuments aux morts ! Merci pour ces grandioses minutes de silence peine troubles par le bruissement du vent dans les cyprs ou le rot caverneux de quelque adjudant-chef thylique.

Merci toi, Albert La Sourdine, toi qui as su prendre ton bton de plerin muet pour aller porter aux quatre coins du monde ton blouissante trouvaille, afin de rpandre jusquaux trfonds des Amriques incultes et de lAfrique obscurantiste la flamme teinte du gnie franais, dont la torche jamais brandie scintille au firmament de lesprit. Cest grce toi, Albert La Sourdine, que la crmonie de jonction du lac ri et du lac Ontario eut un tel clat, lors de linauguration des fameuses chutes du Niagara par le prsident Albert Lebrun en 1937.

Quand ce grand homme ouvrit dune main leste la vanne qui allait librer les eaux en furie, un grand silence dune minute, peine troubl par le bruit de la cataracte, treignit les curs et les mes. Cest en souvenir de ce grand instant que lon baptisa ainsi ce haut lieu touristique : Les chut ! Du Niagara.

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Cest grce des hommes comme toi, cher Albert La Sourdine, que le vieux royaume des Indes, croulant de faim et dennui sous les vieilles coutumes orientales dsutes, retrouva son clat dans la dcouverte de la culture occidentale coloniale. Avant la colonisation, quand un maharadjah mourait, des fakirs primitifs et extrmement vulgaires (ils navaient mme pas de cravate) poussaient des cris sauvages autour du cercueil tandis que les femmes se frappaient convulsivement la poitrine en criant : Radjah Hourri Hourri Ratapo (cest--dire : Radjah salaud le peuple aura ta peau ! ). Depuis quAlbert La Sourdine a impos sa minute de silence aux Indes (par la force, mais cest le seul langage que ces gens-l comprennent), les obsques princires ont acquis dans ce pays une dignit remarquable, comme on nen rencontre que chez nous, lenterrement ddith Piaf ou de Cloclo, par exemple.

Calcutta, jai assist moi-mme la crmonie funbre de la grande prtresse Indira Tamre. Tout autour du cercueil, les pleureuses et les pleureurs professionnels avaient t remplacs par des disciples dAlbert La Sourdine, vritables professionnels du silence, qu Calcutta on appelle juste titre les silenciers du Bengale.

En ce qui me concerne, chers lecteurs, je pense quil est temps que je la ferme.

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XII

Lautre faon dtre un con

COMMENT RECONNATRE UN CON ? Le mot con appartient la langue franaise et elle

seule. Aucune langue trangre ne peut se flatter de possder un mot tout fait quivalent au mot con . Cette carence grammaticale est dautant plus surprenante que, nous le savons depuis toujours, les trangers sont TOUS des cons.

Y A-T-IL DES TTES DE CONS ? Bien sr. Retournez-vous. Si vous tes seul, un simple miroir

de poche fera laffaire. Si vous ne possdez pas de miroir de poche, allez dans nimporte quelle administration. Quand le prpos vous demandera de remplir le formulaire C 112, alina 18, dclamez-lui trois vers de Verlaine. Observez-le bien : il exprime sous son front bas une sourde consternation : il a lair con.

Est-ce dire que tous les prposs des guichets administratifs sont des cons ? Non.

Ah, si, finalement. EXISTE-T-IL DES SIGNES EXTRIEURS DE CONNERIE ? Certes, oui. On peut reconnatre un con rien qu sa faon de

shabiller. La caractristique vestimentaire du con consiste en un besoin irrsistible de shabiller comme tout le monde. Faites le test suivant : mettez dix personnes dans une pice. Observez bien ces dix personnes. Sur ces dix personnes, il y en a au moins une qui est habille comme les neuf autres : cest un con. Cest scientifique. Quand quarante personnes shabillent comme un

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con cest lACADMIE FRANAISE. Quand mille personnes shabillent comme un con, cest lARME FRANAISE.

PEUT-ON RECONNATRE UN CON SA DMARCHE ? Oui, la dmarche dun con est trs caractristique, quoique

fort difficile dcrire par le seul moyen du vocabulaire. On peut, cependant, en un mot, si lon veut bien excuser le manque de rigueur scientifique de lexpression, dcrire la dmarche caractristique du con en disant que QUAND IL PART ON DIRAIT QUIL REVIENT.

Et les cons infirmes direz-vous ? Eh bien ils vont Lourdes.

QUELLES DIFFRENCES Y A-T-IL ENTRE UN IMBCILE ET UN

CON ? Il existe une diffrence essentielle entre limbcile et le con,

qui tient en une seule formule dune grande simplicit : LIMBCILE LIT FRANCE-DIMANCHE , LE CON CRIT ICI-PARIS .

LES CONS ONT-ILS BON MORAL ? Oui. Ils sont trs contents de lvolution de la situation

internationale. Les cons aiment rire. On en rencontre souvent dans les sous-bois, car ils adorent les plaisanteries de derrire les fagots. Loptimisme du con fait plaisir voir. Par exemple, les cons croient VRAIMENT que si la chemise de Paul est plus blanche que la chemise de Jacques, cest grce PERSIL ANTI-REDPOSITION. Par ailleurs, les cons, aprs rasage, saspergent avec BRUTE DE LA JUNGLE, POUR NOUS LES HOMMES. BRUTE DE LA JUNGLE. LAUTRE FAON DTRE UN CON.

COMMENT VIVENT LES CONS ? Lhiver, les cons se massent sur des gradins et crient : Allez

les verts ! Le fait de se tasser sur des gradins en criant Allez les verts ! est un signe irrfutable de connerie. Dautant que cette anne, mon avis, cest Nantes qui va gagner.

Lt, les cons foncent ttes baisses vers les plages o ils aiment sagglutiner pour ne pas perdre une miette de la

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chaleureuse promiscuit immobilire de la ville. Ils forment ainsi un conglomrat de fourmis, tnu et continu, de Calais Hendaye et de Port-Vendres Nice. Do lexpression : tre un peu con SUR LES BORDS .

Au printemps, les cons ne vont pas CHEZ le coiffeur, ils vont Lourdes.

lautomne, les cons reviennent de Lourdes, sauf ceux qui se sont noys en sapprochant trop prs du Manneken Pis.

LES CONS MILITAIRES SONT-ILS PLUS DANGEREUX QUE LES

AUTRES ? Affirmatif. Ils sont froces et poussent des cris de bte.

Entendez-vous dans nos campagnes MUGIR ces froces soldats ? Oui ? Cest des cons !

LES ENFANTS PEUVENT-ILS TRE CONS ? Oui. Pas les miens : ils sont lcole libre. Mais cela peut

arriver. Jai personnellement observ, lors dune visite lHpital des Enfants malades de Paris, deux enfants paralyss des deux jambes se moquer grassement dun autre enfant prisonnier dun poumon dacier : Y peut pas bouger la tte-euh ! Lalalalre-euh !

La relve de la connerie est donc assure. Y A-T-IL DES CONS CLBRES ? Oh oui ! Hlas, la liste en est beaucoup trop longue. Je citerai

celui qui, mon humble avis, est le roi des cons. Jai nomm le clbre mathmaticien Euclide qui affirme sans rire, je cite : La ligne droite est le plus court chemin dun point un autre. Quelle connerie ! Chacun sait en effet que la ligne droite NE PEUT TRE le plus court chemin dun point un autre. SAUF, videmment, si les deux points sont bien en face lun de lautre.

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XIV

Et lintelligence,

cest du poulet ?

Quest-ce que lintelligence ? La grande diffrence entre lhomme et la bte, cest

lintelligence. Comme le rire, lintelligence est le propre de lhomme, et beaucoup plus rarement de la femme, mais cest de moindre importance car la femme, pour peu quelle soit belle, na gure besoin dtre intelligente. Pour peu quelle soit moche, elle a encore moins besoin dtre intelligente.

ce propos, je citerai le mot admirable de Louis XIV, la veille de son mariage avec linfante dEspagne.

Sire, dit Marie-Thrse, ne souffrez-vous point que lon vous donne pour pouse si pauvrette damoiselle ? Car point jolie ne suis, et point non plus ne brille par lesprit.

Madame, rpondit Louis, cest trs bien ainsi. Car sil y a un truc qui ne va pas avec le boudin, cest bien la cervelle.

Donc, lintelligence distingue lhomme de la bte. Pour sen convaincre, livrons-nous une petite exprience fort simple. Prenons un homme que nous appellerons Albert. (Sil ne vient pas lorsque nous lappelons Albert, appelons-le Ren ou Sigismond, a na absolument aucune espce dimportance. Personnellement, je men fous compltement.) Je disais : Prenons un homme que nous appellerons Albert par pure convention. Dailleurs, je navais mme pas termin ma phrase. Je voulais dire : Prenons un homme que nous appellerons Albert et un chien que nous appellerons Kiki. (Ce sont juste

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des appellations arbitraires que je choisissais au hasard pour aider la comprhension de cette exprience.) Bien. Prenons un homme que (Si vous prfrez appeler le chien Albert et lhomme Kiki, je men fous, vous pouvez pas savoir quel point. Simplement cest ridicule. Aucun chien ne sappelle Albert. Aucun homme ne sappelle Kiki. Seuls les chiens et les femmes sappellent Kiki. Kiki Caron, par exemple.) Bon. Prenons un homme (Je sais bien que Kiki Caron cest un nom qui nvoque plus rien aux moins de soixante ans. Ctait une nageuse. Pas dans lquipe est-allemande. Une femme.) Bon, trve de digressions oiseuses. Revenons lintelligence, car je sens quon sen carte.

Donc, soit un homme qui rpond au nom dAlbert (Sil ne rpond pas au nom dAlbert, ne nous affolons pas, cest peut-tre quil est sourd. Pardon. Quil est malentendant. Je ne voudrais surtout pas vexer les aveugles qui nous lisent par milliers.)

Donc, soit un homme qui rpond au nom dAlbert et un chien qui rpond au nom de Kiki. Pour dmontrer que lhomme est beaucoup plus intelligent que le chien, il nous suffira de les conduire tous les deux au front Verdun alors que le combat fait rage et que les obus font des trous dans les jeunes gens qui poussent des petits cris dsesprs en ramassant leurs intestins dans la boue des tranches.

Au moment o le capitaine crie : lassaut les ptits gars ! , lchons simultanment lhomme qui rpond au nom dAlbert et le chien qui rpond au nom de Kiki. Quobservons-nous ?

Alors que le chien file se planquer dans le sous-bois, lhomme court se faire ventrer en criant : Mort aux Boches !

Nest-ce pas la preuve que lhomme est plus intelligent que le chien ?

Comme lchelle de monsieur Richter ou le thermomtre de monsieur Centigrade, lintelligence de lhomme peut se situer plusieurs degrs. Au degr le plus haut se situe lintellectuel qui est un tre dexception : intellectuel vient du latin intel , qui veut dire tout le monde et ectuelus , qui veut dire je

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ne suis pas . Donc : intellectuel signifie littralement je ne suis pas comme tout le monde .

En effet, lintellectuel est un tre dexception qui passe son temps penser et rflchir la place des autres.

Comment reconnatre un intellectuel ? Extrieurement, lintellectuel porte une salopette avec des bretelles quand il va manger une salade au crabe la Coupole. premire vue, on pourrait penser que lintellectuel shabille ainsi pour se moquer des ouvriers. Cest faux ; gnralement, il na jamais vu douvrier dassez prs pour savoir comment a shabille. Au reste, comme disait Bagnol et Fargeon : On ne doit pas juger les gens sur leur mine. Lhabit ne fait pas le moine. Soulevez la soutane du pape, vous serez surpris.

Bien quil nait jamais vu douvrier (il ny en a pratiquement pas la Coupole), lintellectuel crit des choses pleines dides gnreuses et de substantifs abscons sur la condition ouvrire, puis il rsout la crise au San Salvador dans un article pour un journal de cadres, puis il sinterroge sur les responsabilits de lOccident dans la malnutrition du Tiers-Monde, puis il reprend une deuxime salade au crabe, puis il va revoir pour la septime fois la Veuve joyeuse de Lubitsch dans la version anglophone, parce que le travail du second assistant machino lui semble plus fouill que dans la version francophone o, dautre part, Maurice Chevalier sexprime en franais, langue extrmement vulgaire. (Pour un intellectuel, une langue vulgaire cest une langue quon comprend.)

Au plus bas degr de lintelligence, il y a limbcile, cest--dire tout le monde, cest--dire vous et moi. Surtout vous. Moi, je ne peux pas tre vraiment un imbcile, car je suis un tre diffrent. Cest marqu dans mon journal : Aprs chaque rasage, utilisez BRUT de Mmne, lafter-shave au cleri rave. Vous serez un tre diffrent.

Nous sommes ainsi des milliers en France tre des tres diffrents. Il ne faut pas nous confondre avec les imbciles quon reconnat aisment : les imbciles ne se mettent rien sur la figure aprs chaque rasage, et, dautre part, leur chemise est moins blanche que la chemise de mon mari. Mais il ne faut pas

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dsesprer des imbciles. Avec un peu dentranement, on peut arriver en faire des militaires.

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XV

Rsistance ou Collaboration.

Que choisir ?

Que choisir ? Tout, dans la vie, est affaire de choix. Cela commence par : La ttine ou le tton ? Et cela sachve par : Le chne ou le sapin ? Dici l, de sa naissance sa mort, lhomme est en permanence confront des choix. (Quand je dis lHomme , je dis lHomme en tant quespce. Encore que la femme soit moins souvent confronte ces choix, dans la mesure o elle a intrt scraser en restant obscure passive et rserve, selon la formule chre aux vrais Hommes, cest--dire ceux qui prennent leur petite bistouquette la fois pour un bton de marchal et pour un diplme de chef de rayon aux galeries de la femme battue.)

Que choisir ? Fromage ou dessert ? La cigale ou la fourmi ? La bourse ou la vie ? Jacob ou Combaluzier ? Le sabre ou le goupillon ? Labourage de crne ou pturage de dents ? La gauche ou Mitterrand ? Un baril de merde ou deux barils dune lessive quelconque ? Le buf ou lne gris ? La valise ou le cercueil ? La libert ou la mort ? La guillotine ou le garrot ?

Au cours de ma vie, qui na t quune ferie daventures extraordinaires et de rebondissements sur des sommiers dont jai oubli le nom, jai eu loccasion dtre confront des choix terribles.

Javais trente-cinq ans en 1940. Cest vrai. Jen ai soixante-seize aujourdhui. Je sais, je ne les fais pas. Mais jai un secret. Si jai su, jusqu aujourdhui, conserver ce teint de jeune fille,

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cest que jutilise pour ma toilette intime la brosse dents Chignole aux rayures rouges en vente partout dix francs. Pas dutilisation prolonge sans avis mdical. Dautre part, je prends toujours soin de retarder le vieillissement de mes cellules en menant une vie dascte, et en apaisant mes ardeurs printanires avec Calmolive, le savon des stars, qui calme aussi les prunes. Jajouterai que je me flatte de retarder ma snilit tout en contribuant une grande cause nationale en mangeant des bananes, car la banane vaut un bifteck. Encore que je prfrerais un cheval entier, cause de la beaut de son regard, quon ne retrouve pas dans la banane. Enfin, jarrive rester bronz t comme hiver sans jamais sortir de chez moi grce au vin des Branchs, le velours de la Tronche, qui donnera votre couperose ce teint clatant que vous envieront bien des chiottes entartres. Lgrement aphrodisiaque comme son nom lindique, le vin des Branchs, qui nettoie tout du sol au plafond, est le dcapant idal du systme digestif. Pas dutilisation prolonge sans avis mdi hic al.

Que choisir quand on a trente-cinq ans en 1940 ? crivais-je, lorsque je fus, une fois de plus, interrompu par moi-mme malgr mes remarques ritres.

Eh bien, en ce qui me concerne, en 1940, jai longtemps hsit entre la Rsistance et la Collaboration.

Il faut bien voir quen une priode trouble comme le fut celle-ci, les courses de chevaux du dimanche taient frquemment annules ; et la seule faon de se distraire aprs la messe, ctait de faire ou de la Rsistance ou de la Collaboration. Mais que choisir ?

La Collaboration, ctait le bon droit, la respectabilit, le costume-cravate, du sucre, un prie-Dieu Saint-Honor dEylau.

Oui, mais, la Rsistance, ctait la vie au grand air, youkadiyoukada, la chasse aux girolles et les feux de camps sous la lune avec les copains.

Oui, mais, la Collaboration, ctait la possibilit dapprendre une jolie langue trangre peu de frais.

Oui, mais, dans la Rsistance on samuse : Boum ! le train ! Boum ! la voie ferre ! Boum ! le petit viaduc !

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Oui, mais, dans la Collaboration, on ne fait pas sauter des ponts, mais on peut sauter des connes.

Oui, mais, dans la Collaboration, pour bien gagner sa vie, il faut dnoncer des Juifs. Ce nest pas trs marrant de dnoncer des Juifs.

Oui, mais, dans la Rsistance, on ne dnonce pas les Juifs, mais il faut vivre avec. Ce nest pas trs marrant non plus.

En bref, force de tergiverser, je navais toujours pas pris de dcision le 25 aot 1944 quand je vis soudain des centaines de chars dbouler dans la rue de Rivoli. Je me rappelle trs bien ce matin-l. Il faisait un temps splendide, je me promenais sous les marronniers en fleur des Tuileries. Le fracas des chanes des tanks faisait trembler la poussire. Une jeune inconnue sapprocha de moi. Elle tait blonde et belle, au regard bleu.

Monsieur ! Monsieur ! scria-t-elle en me pressant le bras, avec des larmes de joie dans les yeux. Monsieur, regardez ! Ce sont les Amricains ! Et les Franais aussi ! Votre pays est libr, Monsieur !

Pourquoi dites-vous votre pays ? Cest que je suis citoyenne helvtique, de Berne. En effet, elle avait un assez fort accent germanique. Jai juste

eu le temps de la tondre. Les FFI arrivaient.

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XVI

Comment vieillir

sans dranger les jeunes

Comme le disait si justement le gnral de Gaulle peu de temps avant de couler : La vieillesse est un naufrage.

Oui, hlas, la vieillesse est un naufrage, et nous sommes tous

sur le mme bateau, mes frres. Et nous voguons insouciants, jusquau jour o le miroir nous renvoie les premiers signes avant-coureurs de la dgradation du temps ; moins que nous prfrions les dcouvrir dabord chez les autres : un jour, comme a, par hasard, on voit Guy Bart chanter en duo avec Jeanne Moreau la tlvision, et tout coup lon se demande lequel est le grand-pre de lautre

Vieillir Mourir, la belle affaire, mais vieillir ! soupirait

le chanteur clatant qui mourut jeune. Certes, il est pnible de vieillir, mais il est important de vieillir bien, cest--dire sans emmerder les autres. Cest une simple question de bonne ducation.

Mme Diogne en son temps lavait dj compris, qui eut le

bon got de mourir au fond dun tonneau, dans le seul