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DESCRIPTION DU SYSTEME SECTORIEL D’INNOVATION DE L’AGRICULTURE NUMERIQUE Mémoire de Recherche présenté par Babatoundé Boris Biao Le 21 Septembre 2018 Pour l’obtention du : Master 2 Recherche – EcoDEVA Economie du développement agricole de l’environnement et alimentation Structure d’accueil : UMR MOISA Avec le financement de : l'Institut Convergences Agriculture Numérique #DigitAg Sous la direction de : Leila Temri (Montpellier Supagro, UMR MOISA) Nina Lachia (Montpellier Supagro, Chaire AgroTIC) Septembre 2018

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DESCRIPTION DU SYSTEME SECTORIEL D’INNOVATION DE L’AGRICULTURE

NUMERIQUE

Mémoire de Recherche présenté par

Babatoundé Boris Biao

Le 21 Septembre 2018

Pour l’obtention du :

Master 2 Recherche – EcoDEVA

Economie du développement agricole de l’environnement et alimentation

Structure d’accueil : UMR MOISA

Avec le financement de : l'Institut Convergences Agriculture Numérique #DigitAg

Sous la direction de : Leila Temri (Montpellier Supagro, UMR MOISA)

Nina Lachia (Montpellier Supagro, Chaire AgroTIC)

Septembre 2018

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AVANT-PROPOS

La présente étude s’inscrit dans le cadre des stages financés par l’Institut de Convergence de

l’agriculture numérique #DigitAg basé à Montpellier et avec des antennes satellites à Rennes

et Toulouse. Il regroupe quatre organismes de recherche (INRA, IRSTEA, CIRAD, INRIA),

trois établissements d’enseignement supérieur (Université de Montpellier, Montpellier

SupAgro, AgroParisTech), deux structures d’innovation-transfert (Acta, SATT AxLR), et huit

entreprises (Smag, ITK, TerraNIS, Fruition Sciences, IDATE, Vivelys, Pera-Pellenc,

Agriscope). L’objectif est de construire un socle de connaissances qui favorisent le

développement de l’agriculture numérique en France et au Sud. L’Institut de Convergence

#DigitAg structure ses actions autour de six axes de recherche et huit challenges. Cette étude

s’inscrit dans le cadre des axes de recherche 1 et 2 (impacts des technologies de l’information

et de la communication sur le monde rural, innovations en agriculture numérique) et des

challenges 5 et 7 (services de conseil agricole, et intégration de l’agriculture dans les chaînes

de valeur). L’objectif de ce travail est de dresser un panorama de l’environnement institutionnel

de l’agriculture numérique en France.

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RESUME

Les technologies numériques apparaissent aujourd’hui comme un moyen d’améliorer

l’agriculture sur les plans de la productivité, de la protection de l’environnement, des conditions

de travail des agriculteurs, mais aussi de la traçabilité des aliments. L’objectif de l’étude est de

dresser un panorama de l’environnement institutionnel de l’agriculture numérique en France.

Pour ce faire, nous mobilisons les travaux issus de la théorie évolutionniste du changement

économique à travers l’approche par les systèmes d’innovation. L’approche sectorielle est ici

privilégiée pour appréhender les transformations au sein du secteur de l’agriculture numérique.

La description du système sectoriel d’innovation de l’agriculture numérique nous permet de

caractériser les acteurs et réseaux d’acteurs qui favorisent l’innovation, mais également de

clarifier le contexte institutionnel dans lequel se développe l’agriculture numérique. Aussi, nous

mobilisons l’approche par le système sociotechnique, dont notamment le modèle Multi Level

Perspective (MLP) pour analyser les déterminants de la transition numérique en agriculture.

Les données ont été collectées au cours des entretiens avec des experts du secteur et au moyen

d’une étude bibliographique approfondie.

Les résultats suggèrent que l’innovation en agriculture numérique est un processus collectif

faisant intervenir les acteurs du monde des entreprises innovantes du secteur, de la recherche

fondamentale et appliquée, du développement agricole et rural, et des intermédiaires des

exploitants agricoles tels que les coopératives agricoles et les organismes d’expertise en conseil

agricole. Ces acteurs travaillent au sein de réseaux et dans un contexte institutionnel Français

et Européen de soutien à l’innovation.

Mots clés : Innovation, agriculture numérique, système sectoriel d’innovation.

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ABSTRACT

Digital technologies are emerging as a way to improve agriculture in terms of productivity,

environmental protection, farmers' working conditions, and food traceability. The objective of

the study is to provide an overview of the institutional environment of digital agriculture in

France. We mobilize work resulting from the evolutionary theory of economic change through

the innovation systems approach. The sectoral approach is privileged here to understand the

transformations within the digital agriculture sector. The description of the sectoral innovation

system of digital agriculture allows us to characterize the actors and networks of actors that

promote innovation but also to clarify the institutional context in which digital agriculture is

developing. In addition, we use the sociotechnical system approach, including the Multi-Level

Perspective (MLP) model to analyze the determinants of the digital transition in agriculture.

The data was collected during interviews with the experts of the sector and through a literature

review.

The results suggest that innovation in digital agriculture is a collective process involving

innovative firms in the sector, basic and applied research, agricultural and rural development,

and intermediairies of farmers such as agricultural advisory services and agricultural

cooperatives. These actors work within networks in a French and European institutional context

supporting innovation.

Keywords : Innovation, digital agriculture, sectoral innovation system

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REMERCIEMENTS

A Dieu

Je remercie ma famille qui m’a toujours soutenu ;

Je souhaite remercier l’ensemble des personnes qui de près ou de loin ont contribué à la

réalisation de ce stage et qui m’ont consacré une partie de leur précieux temps ;

Je tiens à exprimer ma profonde reconnaissance à mes encadrantes de stage Nina Lachia et

Leila Temri pour leurs enseignements, disponibilités et précieux conseils aussi bien dans le

cadre du stage que dans l’accompagnement d’autres projets ;

Je remercie toute l’équipe de l’Institut de convergence #DigitAg pour leur appui tout au long

du stage ;

Je remercie également toute l’équipe de la Chaire AgroTIC, spécialement Bruno Tisseyre et

Léo Pichon pour les précieux apports dans le cadre du stage ;

Je ne manquerais pas de remercier toute l’équipe du centre de documentation Bartoli pour

leurs conseils et pour le cadre professionnel et chaleureux mis à notre disposition pour ce

stage ;

Je remercie toutes les personnes qui ont bien voulu nous accorder une partie de leur précieux

temps pour répondre à nos questions ;

Je tiens à remercier toute l’équipe pédagogique et administrative du Master EcoDEVA pour

leurs précieux conseils tout au long de la formation ;

Enfin je remercie tous mes collègues de promotion avec lesquels j’ai eu la chance de travailler

dans une bonne ambiance et de partager de très bons moments.

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Table des matières

AVANT-PROPOS................................................................................................................................... 2

RESUME ................................................................................................................................................. 3

ABSTRACT ............................................................................................................................................ 4

REMERCIEMENTS ............................................................................................................................... 5

SIGLES UTILISES ................................................................................................................................. 7

SOMMAIRE DES FIGURES ................................................................................................................. 8

SOMMAIRE DES TABLEAUX ............................................................................................................ 8

PARTIE 1 : INTRODUCTION GENERALE, CADRE THEORIQUE ET DEMARCHE

METHODOLOGIQUE ........................................................................................................................... 9

CHAPITRE 1 : INTRODUCTION GENERALE ............................................................................. 10

1-1- Contexte ............................................................................................................................. 10

1-2- Problématique .................................................................................................................... 12

1-3- Objectifs de recherche ....................................................................................................... 13

1-4- Hypothèses de recherche ................................................................................................... 14

CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE ET DEMARCHE METHODOLOGIQUE ........................ 15

2-1- Cadre théorique et revue de la littérature ........................................................................... 15

2-2- Matériels et méthodes ........................................................................................................ 24

PARTIE 2 : RESULTATS ET DISCUSSION ...................................................................................... 28

CHAPITRE 1 : DESCRIPTION DU SYSTEME SECTORIEL D’INNOVATION DE

L’AGRICULTURE NUMERIQUE .................................................................................................. 29

1-1- L’agriculture numérique : Une Agriculture 4.0 ? .............................................................. 29

1-2- Structures et rôles des acteurs de l’innovation .................................................................. 36

1-3- Structures et rôles des organisations et réseaux d’acteurs ................................................. 46

1-4- Dispositif institutionnel favorisant l’innovation en agriculture numérique ....................... 52

Conclusion partielle ....................................................................................................................... 59

CHAPITRE 2 : ANALYSE DE LA TRANSITION NUMERIQUE EN AGRICULTURE ............. 60

2-1- Description du paysage sociotechnique « Landscape » ......................................................... 60

2-2- Analyse des indicateurs de la transition numérique en agriculture ........................................ 61

2-3- Discussion ......................................................................................................................... 64

Conclusion partielle ....................................................................................................................... 66

CONCLUSION GENERALE ............................................................................................................... 67

Références bibliographiques ................................................................................................................. 68

ANNEXES ............................................................................................................................................ 73

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SIGLES UTILISES

ACTA : Association de Coordination Technique Agricole

ADEME : Agence De l’Environnement et de la Maitrise de l’Energie

ANR : Agence Nationale de la Recherche

Bpifrance : Banque publique d’investissement France

CASDAR : Compte d’Affectation Spécial Développement Agricole et Rural

CIFRE : Convention Industrielle de Formation par la Recherche

CGI : Commissariat Général à l’Investissement

CNEPI : Commission National d’Evaluation des Politiques d’Innovation

CNRS : Centre National de la Recherche Scientifique

DGER : Direction Générale de l’Enseignement et de la Recherche

FAO : Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture

FEADER : Fond Européen Agricole pour le Développement Rural

GNSS : Global Navigation Satellite System

IDELE : Institut De l’Elevage

IFV : Institut Français de la Vigne et du Vin

INRA : Institut National de la Recherche Agronomique

IoT : Internet of Thing

IRD : Institut de Recherche pour le Développement

ITB : Institut Technique de la Betterave

NTIC : Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication

OAD : Outils d’Aide à la Décision

OCDE : Organisation de Coopération et du Développement Economiques

PAC : Politique Agricole Commune

PIA : Programme d’Investissements d’Avenir

UE : Union Européenne

UMR : Unité Mixte Recherche

UMT : Unité Mixte Technologique

RMT : Réseau Mixte Technologique

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SOMMAIRE DES FIGURES

Figure 1: Système sectoriel d’innovation de l’agriculture numérique................................................... 19

Figure 2: Modèle MLP de la transition numérique en agriculture ........................................................ 23

Figure 3: Répartition géographique des experts enquêtés ..................................................................... 27

Figure 4: Principales étapes d’élaboration des OAD............................................................................. 31

Figure 5: Principales étapes du processus d’innovation ........................................................................ 37

Figure 6: Modes de distribution des solutions numériques ................................................................... 38

Figure 7: Récapitulatif sur le positionnement des acteurs de l'innovation…………………………….45

Figure 8: Principaux facteurs influençant la construction des réseaux d’acteurs .................................. 46

Figure 9: Principaux leviers du financement de l’innovation ................................................................ 53

Figure 10: Nombre de dispositifs nationaux de soutien à l’innovation, 2000 et 2015 .......................... 54

SOMMAIRE DES TABLEAUX

Tableau 1: Grille d’analyse des principaux éléments du système sectoriel d’innovation de l’agriculture

numérique .............................................................................................................................................. 25

Tableau 2: Répartition des experts enquêtées ....................................................................................... 26

Tableau 3: Récapitulatif des innovations technologiques ..................................................................... 34

Tableau 4: Récapitulatif des principales connaissances mobilisées pour l’innovation en agriculture

numérique ............................................................................................................................................. 36

Tableau 5: Principales caractéristiques des structures organisationnelles simples ............................... 48

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PARTIE 1 : INTRODUCTION GENERALE, CADRE THEORIQUE ET DEMARCHE METHODOLOGIQUE

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CHAPITRE 1 : INTRODUCTION GENERALE

1-1- Contexte

Le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication

(NTIC) a introduit des changements profonds dans le secteur agricole et agroalimentaire ces

dernières années. Des technologies telles que les capteurs, les systèmes globaux de navigation

par satellites (GNSS), les applications mobiles pour ne citer que celles-là ont été développées

pour améliorer l’efficacité de l’agriculture sur des performances économiques et

environnementales. L’agriculture numérique apparait donc comme un concept de gestion de

l’agriculture moderne qui utilise des techniques numériques pour contrôler et optimiser les

processus de production agricole (European Union, 2016). L’usage des NTIC en agriculture est

aujourd’hui décliné sous plusieurs dénominations dont entre autres : agriculture numérique,

agriculture de précision, agriculture connectée, agriculture digitale. Ces termes font néanmoins

tous référence à la valorisation des données issues des NTIC pour une meilleure prise de

décision et une action plus précise en agriculture. L’agriculture doit « produire plus avec

moins » face aux défis croissants auxquels elle doit faire face1. Ces défis sont par exemples liés

à la question du changement climatique, la croissance démographique, l’accroissement de la

demande en énergie, l’évolution des régimes alimentaires, l’épuisement des ressources.

L’agriculture numérique apparait aujourd’hui comme un moyen de répondre à ces défis à

travers par exemple, la réduction de l’utilisation d’intrants (eau, engrais, pesticides, etc.) pour

une production agricole plus efficace et productive.

La démarche en agriculture numérique, en prenant l’exemple du pilotage de la

fertilisation par exemple, pourrait être représentée en quatre étapes (McBratney & Taylor,

2000) :

- mesure, à travers la collecte de données : observation

- calcul des doses : caractérisation

- préconisation

- application.

L’objectif est d’améliorer la gestion technico-économique des exploitations agricoles dans un

contexte réglementaire, environnemental et sociétal qui évolue. Le pilotage de la fertilisation

1 http://www.fao.org/sustainable-development-goals

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n’est pas la seule application du numérique en agriculture. D’autres applications des NTIC en

agriculture existent également comme la détection des dégâts, pilotage des semis, des

plantations et des récoltes, la gestion des systèmes d’élevage. Par exemple, selon un rapport de

l’observatoire des usages de l’agriculture numérique, la télédétection est essentiellement

utilisée en grandes cultures pour le pilotage de la fertilisation.2

Les technologies utilisées sont diverses et vont des capteurs embarqués sur des satellites,

avions et drones pour la télédétection aux applications smartphone et plateformes d’échange en

ligne des acteurs du monde agricole. Une enquête auprès des exploitants agricoles et des

fournisseurs de logiciels, reprise dans une étude de l’observatoire des usages de l’agriculture

numérique, estime qu’en France, 25% des exploitations agricoles ont accès à un logiciel et 7%

en moyenne utilisent ces logiciels. Aussi, 67% des agriculteurs qui ont accès à internet en

France disent utiliser régulièrement des logiciels pour la gestion technico-économique de leurs

exploitations agricoles. Même s’il est admis que l’agriculture numérique telle qu’elle est connue

aujourd’hui se développe majoritairement dans les grandes cultures principalement aux Etats

Unis et en Europe avec l’usage des systèmes de géolocalisation (Auernhammer, 2001), des

spécificités dans les pays du Sud émergent aujourd’hui à travers l’utilisation des téléphones

mobiles pour faciliter la production, la documentation et le partage de connaissances entre

agriculteurs (FAO, 2012). Toutefois, l’usage des drones se développe aussi au Sud pour la

cartographie des parcelles et une meilleure autonomie des exploitants agricoles dans la conduite

de leurs exploitations3.

L’agriculture numérique, en plus d’être un enjeu mondial de développement agricole,

est aussi un enjeu politique et stratégique Européen et Français. En effet, il représente un

objectif prioritaire en matière d’innovation dans les politiques agricoles françaises et

européennes, et fait intervenir différents types d’acteurs qui interagissent dans le cadre du

processus d’innovation. Un nouvel écosystème d’acteurs et de services se met en place pour

accompagner cette transition technologique (Damave, 2017). Les réflexions sur le

développement de l’agriculture numérique permettent de se poser des questions sur les

dynamiques sectorielles en cours, les nouvelles configurations des acteurs et l’évolution de

l’environnement institutionnel.

2 http://agrotic.org/observatoire 3 https://www.cta.int/fr

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Dans cette perspective, nous analysons la transition en agriculture numérique à travers

la description du contexte institutionnel et du dispositif organisationnel qui favorisent

l’innovation en agriculture numérique. Aussi, nous caractérisons la co-évolution de la

technologie et de l’environnement de son utilisation. Ces travaux s’inscrivent dans le champ

des études sur les systèmes d’innovation et tentent d’apporter une dimension institutionnelle à

l’analyse du changement technique.

Dans une première partie, nous clarifions les questions de recherche, les objectifs et

hypothèses de recherche, le cadre théorique et la démarche méthodologique. Dans une seconde

partie, nous présentons nos résultats de recherche en deux chapitres : un premier sur la

description du système sectoriel d’innovation de l’agriculture numérique en France et un second

sur l’analyse de la transition en agriculture numérique à travers quelques indicateurs. Nous

terminons cette deuxième partie par une discussion de nos résultats. Pour finir, nous présentons

une conclusion générale qui revient sur les principaux résultats.

1-2- Problématique

Face à l’émergence de nouvelles technologies numériques en agriculture et l’évolution

de l’environnement de l’utilisation de ces technologies, il semble important de se poser la

question de la transformation du secteur et de la transition technologique. L'émergence d'un

nouveau système d'innovation technologique est un processus incertain et complexe, se

déroulant à plusieurs niveaux et comprenant de nombreux acteurs différents (Carlsson &

Stankiewicz, 1991). L’interaction entre les acteurs autour de la technologie, et la co-évolution

de la technologie et de l’environnement de son utilisation interrogent la transition technologique

en agriculture. L’enjeu de cette étude est de dresser le panorama de l’environnement

institutionnel de l’agriculture numérique en France et d’analyser la transition technologique qui

est susceptible d’être en œuvre.

La question principale de recherche est : « L’agriculture numérique est-elle une

niche de marché ou une véritable transition technologique de l’agriculture ? Cette question

est déclinée en trois sous-questions.

Q1 : Quels sont les acteurs impliqués dans le processus d’innovation de

l’agriculture numérique, leurs rôles et la nature de leurs interactions ?

L’analyse du processus d’innovation dans le secteur de l’agriculture numérique met en évidence

des actions individuelles qui permettent de produire la technologie au sein des projets R&D

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(Busse et al., 2014). Il n’en demeure pas moins que l’innovation est un processus collectif et

itératif faisant intervenir des acteurs qui sont parties prenantes autour de la technologie (Alter,

2002). L’enjeu est ici de comprendre et analyser ces dynamiques et interactions d’acteurs dans

le cadre du processus d’innovation de l’agriculture numérique, depuis les producteurs de

technologies en lien avec la recherche, jusqu’aux agriculteurs en passant par les intermédiaires.

Q2 : Quel est le contexte institutionnel d’innovation de l’agriculture numérique ?

L’agriculture numérique se développe dans un environnement institutionnel qui permet et

contraint les actions des différents acteurs. Afin d’appréhender les pressions institutionnelles et

les isomorphismes à l’œuvre, cette question de recherche nous permet d’analyser les dispositifs

institutionnels, les politiques et programmes qui favorisent le développement des innovations

numériques dans l’agriculture.

Q3 : Quels sont les déterminants de la transition numérique en agriculture ?

Il est question ici d’analyser le développement des NTIC en agriculture et la transition vers une

agriculture numérique à travers un certain nombre d’indicateurs économique, politique,

technologique, organisationnel et culturel. L’analyse du processus de co-évolution et

d’adaptation mutuelle de la technologie et de l’environnement de son utilisation (Nelson, 1994)

nous permet de caractériser la transition numérique en agriculture et d’identifier les

déterminants de cette transition.

1-3- Objectifs de recherche

L’objectif principal de cette recherche est de dresser un panorama de l’environnement

institutionnel et du dispositif organisationnel qui favorisent l’innovation en agriculture

numérique en France. De façon spécifique, il est question de :

- Caractériser les acteurs, réseaux et interactions d’acteurs qui favorisent l’innovation en

agriculture numérique en France.

- Clarifier le contexte institutionnel dans lequel cette agriculture numérique se développe.

- Analyser les déterminants de la transition numérique en agriculture à travers des

dimensions économique, politique, technologique, organisationnelle et culturelle.

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1-4- Hypothèses de recherche

Afin de répondre à nos questions recherche, trois hypothèses sont proposées :

H1 : Le développement des NTIC en agriculture modifie le dispositif organisationnel qui

stimule l’innovation, à travers l’introduction de nouveaux acteurs promouvant les NTIC dans

le secteur agricole, et l’intégration de nouvelles activités de recherche liées au développement

du numérique en agriculture.

H2 : L’agriculture numérique se développe dans un contexte institutionnel d’innovation

constitué de programmes, politiques et dispositifs réglementaires qui favorisent le financement

de l’innovation et la structuration des actions et interactions d’acteurs.

H3 : Le dispositif organisationnel et le contexte institutionnel d’innovation consécutifs au

développement de l’agriculture numérique tendent à faire émerger de nouveaux rapports entre

la technologie et l’environnement de son utilisation.

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CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE ET DEMARCHE METHODOLOGIQUE

L’objectif de cette section est de proposer une approche théorique et méthodologique

pouvant nous permettre de répondre à la question de recherche. Notre étude s’inscrit dans le

champ des études sur le système d’innovation et tente d’analyser l’innovation en agriculture

numérique en France. La démarche méthodologique, relevant plutôt des sciences sociales et des

sciences de gestion, nous permet d’appréhender les dynamiques au sein du secteur de

l’agriculture numérique. Nous présentons ici successivement le cadre théorique mobilisé et la

démarche méthodologique.

2-1- Cadre théorique et revue de la littérature

2-1-1- Approche évolutionniste de l’innovation : le système d’innovation (SI)

Notre approche théorique se place dans une démarche institutionnaliste dont l’objectif

est de comprendre et d’analyser le rôle et l’influence des institutions et des organisations sur

l’innovation en agriculture numérique en France. Pour ce faire, nous mobilisons les travaux

issus de l’analyse du système d’innovation.

Les études sur le système d’innovation (SI) ont émergé dans les années 1980 dans le

champ de la théorie évolutionniste du changement économique d’inspiration schumpetérienne

de Nelson & Winter (1982), avec les travaux de Freeman (1987) et Lundvall (1992) sur la

volonté d’intégrer des éléments institutionnels dans l’analyse économique du changement

technique, l’architecture des systèmes scientifiques et la genèse de l’innovation technologique

(Amable, 2001). Cette approche considère l'innovation et le changement technique comme un

processus d'interaction au sein d'une large gamme d'acteurs et pointe le fait que les firmes ne

peuvent pas innover de manière isolée et qu'il est nécessaire d'interagir pour innover (Lundvall,

1992 ; Edquist, 1997, 2006). Les interactions entre les « organisations » sont rendues possibles

par les institutions qui permettent ou contraignent les actions. Pour Williamson (2000), les

institutions désignent l’ensemble des normes et des valeurs profondément ancrées, des cadres

légaux et réglementaires, des politiques, des accords négociés qui sont institutionnalisés dans

diverses structures, réseaux et qui régissent le comportement individuel.

Cette approche de l’innovation a très tôt pris une dimension nationale (Freeman, 1987 ;

Lundvall, 1992 ; Nelson, 1993 ; Edquist, 1997) à travers le concept de système national

d’innovation (SNI). La compréhension des mécanismes qui rendent possibles les processus

d’innovation à l’échelle nationale est donc interrogée sous ce vocable de SNI. Le concept

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d’« innovation » prend ici le sens de résultat, mais aussi du processus d’innovation en lui-

même. Ces travaux ont à l’origine été institués pour comprendre et comparer les différences de

performances des industries et entreprises aux échelles nationales. C’est d’ailleurs ce qui a

permis à Lundvall (2007) d’émettre une réflexion sur les déterminants de la capacité à innover,

où il invite à considérer les facteurs de contingence qui permettent d’anticiper l’idée simpliste

selon laquelle il suffirait de transférer un élément clé de la performance d’un système dans un

autre système pour obtenir les mêmes résultats. Le « système » fait référence ici à des

interactions d’acteurs régis par les institutions aux frontières nationales géographiquement

définies. Selon Touzard et al. (2014), l’approche SNI est aussi utilisée dans les documents de

politiques publiques d’innovation et des instances internationales de développement tels que

OCDE, UE, Banque Mondiale ; dans le but d’évaluer les politiques de recherche et

d’innovation. De nombreuses études souvent historiques sur le système d’innovation ont

d’ailleurs permis de mettre en évidence des déterminismes institutionnels et organisationnels

aux « succès » des économies et des changements technologiques aux échelles nationales

(Nelson, 1992 ; Fagerberg et al., 2008 ; Hekkert et al., 2007 ; Zhang & Liang, 2012 ; Kayser,

2017). Le concept de système d’innovation s’applique ici aussi bien au sens strict qu’au sens

plus large faisant intervenir la structure économique et institutionnelle affectant aussi bien

l’apprentissage que la recherche (Lundvall, 1992).

En agriculture, des concepts spécifiques ont été développés dont celui d’Agricultural

Innovation System (AIS), souvent utilisé par des organismes de recherche ou de développement

qui l’emploient dans une perspective opérationnelle d’évaluation de politique de recherche

agronomique (Klerkx et al., 2010). Cette approche a permis de réinterroger les spécificités de

l’innovation en agriculture à travers : des configurations d’acteurs et d’organisations

particulières - des dispositifs institutionnels sectoriels - des spécificités de l’activité agricole

quant au rapport à la terre et à la nature - des bases de connaissances liées aux activités agricoles

et agroalimentaires - des fonctions et externalités dans le cadre de la production de biens

publics - et le renouvellement des enjeux dont notamment environnementaux, sociaux et

économiques (Touzard & Temple, 2012). D’autres travaux ont souligné des enjeux relatifs aux

relations entre sciences, technologies et sociétés à travers des questionnements sur la

responsabilité de l’innovation dans les secteurs agricoles et agroalimentaires (Temri et al.,

2015).

A partir de ces écrits historiques et toujours dans le courant évolutionniste porté par

Nelson et Winter, des travaux émergent avec plutôt une dimension sectorielle, cela dans le but

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de caractériser les dynamiques et changements technologiques au sein des secteurs industriels.

Les travaux de Pavitt (1984), qui classe les industries en fonction des sources d’innovation,

constitueraient l’un des travaux fondateurs de l’approche sectorielle. Cette approche a

véritablement pris son essor avec les travaux de Breschi & Malerba, (1997) ; Malerba, (2002).

Elle est fondée sur le fait que l’innovation diffère d’un secteur à l’autre en fonction des

caractéristiques sectorielles, des connaissances technologiques, des organisations impliquées

dans les activités d’innovation. Loin de s’inscrire en rupture avec l’approche par le système

d’innovation, elle propose un cadre conceptuel pour une meilleure compréhension de la

structure et des limites du secteur, des acteurs et interactions entre les acteurs impliqués dans le

processus d’innovation, des transformations et dynamiques sectorielles, et des différences de

performances des entreprises au sein d’un secteur (Malerba, 2002). Malerba définit le système

sectoriel d’innovation (SSI) comme l'ensemble des agents qui interagissent à travers des

relations marchandes et non marchandes pour la création, la production et la vente de nouveaux

produits ou services, dans un contexte institutionnel qui permet ces actions (Malerba, 2002). Le

« secteur » est ici caractérisé par des activités spécifiques, une demande particulière et des

connaissances spécifiques (Malerba, 2005b). Selon cette approche, l’innovation au sein d’un

secteur est affectée par trois principaux facteurs :

- Connaissances et technologies

Elles représentent l’objet des interactions entre les acteurs et constituent une contrainte majeure

à la diversité des comportements des acteurs et à l’organisation des entreprises.

- Acteurs et réseaux d’acteurs

Composés d’agents hétérogènes (individuels ou en groupes), les acteurs ou organisations

peuvent être des entreprises innovantes ou start-up, des universités, des institutions financières,

des agences gouvernementales et tout autre acteur ayant un rôle dans le processus d’innovation.

Les acteurs sont caractérisés par des processus d'apprentissage, des compétences, des croyances

et une structure organisationnelle. Ils peuvent interagir au sein de réseaux d’acteurs à travers

des relations d’échange, de coopération, de compétition, dans le but de favoriser l’innovation.

- Institutions

Les institutions régissent les processus cognitifs, actions et interactions d’acteurs. Elles peuvent

être des normes, des routines, des habitudes communes, des pratiques établies, des règles, des

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lois, des standards et autres. Aussi, elles peuvent être informelles ou formelles ; nationales,

régionales ou sectorielles.

Dans le cadre de notre recherche, nous avons retenu l’approche par le système sectoriel

d’innovation (SSI), où l’agriculture numérique est considérée comme un secteur émanant de la

transformation du secteur de l’agriculture moderne avec : des bases de connaissances et

domaine technologique spécifiques - des acteurs et réseaux d’acteurs en interactions autour de

la technologie - des institutions qui régissent les actions et interactions entre les acteurs. La

recherche propose une analyse des mécanismes et processus d’innovation à l’œuvre dans le

champ de l’agriculture numérique en France.

Les études récentes sur les systèmes sectoriels d’innovation présentent globalement

deux grandes finalités. Dans un premier temps, celles qui proposent de faire une analyse des

schémas transversaux afin de caractériser des dynamiques au sein de différents secteurs

industriels à des échelles nationales et/ou transnationales (Malerba & Nelson, 2011; Weber &

Schaper-Rinkel, 2017 ; Fagerberg et al., 2008). L’analyse trans-sectorielle permet d’explorer et

de comparer les performances, les schémas de changement technique, et d’analyser les

trajectoires technologiques dans des contextes institutionnels, organisationnels et économiques

spécifiques. Et dans un second temps, celles qui proposent d’analyser les sources de

l’innovation et du changement technologique au sein d’un secteur défini à des échelles

nationales et/ou transnationales (Tuncel & Polat, 2016 ; Ghiasi & Larivière, 2015 ; Kim & Lee,

2008 ; Raimbault et al., 2017 ; Faber & Hoppe, 2013 ; Iyer, 2016). Notre étude s’inscrit dans le

cadre de cette deuxième finalité. L’analyse sectorielle prend en compte ici la description des

réseaux d’acteurs impliqués dans le processus d’innovation dans une perspective de

transformation du système sectoriel et de l’émergence d’un nouveau système sectoriel.

En agriculture, de nombreux travaux soulignent également le rôle des acteurs, réseaux

d’acteurs et des institutions dans les dynamiques d’innovation et de transformation sectorielle.

C’est le cas de Busse et al., (2014) qui proposent l’approche sectorielle pour analyser les

mécanismes d’innovation de l’agriculture numérique en Allemagne et mettre en évidence

d’éventuels freins ou potentiels de l’innovation au sein du secteur. Dans cette même optique,

Busse et al., (2015) ; Liu et al., (2015) ; Derra, (2016), respectivement en Allemagne, au Pays-

bas et au Burkina Faso, analysent les facteurs qui affectent le processus d’innovation et le

changement technologique dans le secteur de l’agriculture à travers la description du système

sectoriel d’innovation. Même si les objets d’études sont assez divers et vont des études des

acteurs impliqués dans le processus d’innovation, aux performances des entreprises en passant

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par l’influence du contexte institutionnel sur l’innovation, elles soulignent presque toutes que

l’intensité des interactions d’acteurs impliqués dans le processus d’innovation, les

connaissances technologiques et le contexte politique et institutionnel ont une influence sur les

mécanismes d’innovation et affectent l’émergence de nouveaux systèmes d’innovations.

Nous caractérisons le système sectoriel d’innovation de l’agriculture numérique en

France à travers cinq composantes (Koschatzky et al., 2009; Malerba, 2004) : innovations

technologiques, connaissances mobilisées, acteurs et organisations, interactions d’acteurs

(réseaux d’acteurs), institutions (Figure 1).

Figure 1: Système sectoriel d’innovation de l’agriculture numérique [source : adapté de

Malerba, (2004)]

- Les innovations technologiques en agriculture numérique

Les innovations numériques sont caractérisées suivant les formes sous lesquelles elles se

présentent, les usages spécifiques et les entreprises innovantes qui se positionnent dans le

développement de ces outils technologiques.

- Les connaissances mobilisées

Chaque secteur est caractérisé par des bases de connaissances spécifiques. L’analyse de ces

connaissances permet de déterminer les limites du secteur qui ne sont donc pas fixes mais

changeantes (Malerba, 2005a) en fonction des champs de connaissances couverts. Les

connaissances sectorielles représentent l’objet central autour duquel les acteurs interagissent

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pour la production de l’innovation. Les principaux acteurs impliqués dans la production des

connaissances et l’utilité de ces connaissances dans le processus d’innovation permettent de

caractériser les connaissances mobilisées.

- Les acteurs et organisations

Les acteurs impliqués dans le processus d’innovation sont entre autres : les entreprises qui

conçoivent et éditent des solutions numériques en agriculture, les instituts techniques agricoles,

les acteurs de la recherche et les intermédiaires des exploitants agricoles (chambres

d’agriculture, coopératives agricoles, organismes de conseil agricole). Les acteurs sont ici des

organisations et non des agents individuels. Ils sont caractérisés par leurs structures

d’organisation, leurs rôles, fonctions et échelle d’intervention dans le processus d’innovation.

- Les interactions entre les acteurs (réseaux d’acteurs)

Les interactions entre les acteurs sont relatives aux réseaux et relations entre les acteurs qui

favorisent le processus d’innovation. Les types de relations entre les acteurs, les caractéristiques

et fonctionnement des réseaux, les rôles et échelles d’intervention dans le processus

d’innovation, nous permettent d’analyser les interactions entre les acteurs autour du

développement des outils numériques pour l’agriculture.

- Les institutions

Les politiques, projets, programmes, réglementations, normes qui influencent l’émergence et le

développement de l’agriculture numérique en France permettent de mettre en évidence

l’incidence du contexte institutionnel d’innovation de l’agriculture numérique.

2-1-2- Approche par le système sociotechnique (SST) : analyse de la transition numérique en agriculture

Afin d’analyser la transition numérique en agriculture, qui est considérée dans notre

recherche comme le passage d’un régime sociotechnique à un autre, il est important de

caractériser le processus de co-évolution et d’adaptation mutuelle de la technologie et de

l’environnement de l’utilisation (Nelson, 1994). Pour ce faire, nous partons du postulat selon

lequel le système sociotechnique est maintenu et changé par les activités des acteurs, mais il est

aussi le contexte d'action des acteurs (Geels, 2004). Le système sociotechnique est défini

comme le réseau d'agents en interaction autour de la technologie dans un contexte institutionnel

particulier de création, diffusion et utilisation de la technologie (Geels, op cit). Cette définition

de Geels est inspirée de celle de Carlsson & Stankiewicz (1991) qui réduit le système

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technologique aux réseaux d’acteurs en interaction autour de la technologie. Partant de là, les

systèmes technologiques sont réduits aux systèmes sociaux ou réseaux d’agents. Les actions

des acteurs sont comprises comme des mouvements dans un jeu au cours duquel les règles

changent pendant le jeu. Les règles du jeu sont représentées ici par le contexte institutionnel

permettant ou entravant les actions des acteurs.

Le développement des NTIC en agriculture, en faisant intervenir de nouvelles catégories

d’acteurs et réseaux d’acteurs dans le système d’innovation, entraine une évolution de celui-ci.

Afin de conceptualiser et d’analyser la transition technologique en cours dans le secteur de

l’agriculture numérique, nous mobilisons le modèle MLP (Multi Level Perspective) (Figure 2).

Cette approche, issue des travaux sur la transition sociotechnique, met l’accent sur l’importance

des groupes sociaux dans les (re)configurations techniques. Le modèle permet de comprendre

comment les changements de régimes sociotechniques se produisent et évoluent à travers

l’interaction entre la technologie et la société suivant trois niveaux (Geels 2002, Geels & Schot

2007): le paysage sociotechnique, le régime sociotechnique et les niches innovations.

- Le paysage sociotechnique

Il représente l’ensemble des facteurs globaux qui changent lentement et fournissent des

gradients pour les trajectoires technologiques qui rendent certaines actions plus faciles que

d’autres à mettre en place (Geels & Schot, 2007). C’est aussi la structure ou le contexte externe

d’interactions des acteurs. Alors que les régimes sociotechniques font référence à des règles qui

permettent et limitent les activités au sein des communautés, le paysage sociotechnique fait

référence à des facteurs externes plus larges (Geels, 2002).

Dans le cadre de notre étude, le paysage sociotechnique est représenté par les enjeux relatifs au

changement climatique, à la biodiversité, à la consommation d’énergie, aux problématiques

environnementales et économiques, aux enjeux de l’agriculture et du développement durables.

- Le régime sociotechnique

Il représente un espace stable où le contexte institutionnel et les interactions entre les acteurs

peuvent entrainer des phénomènes de dépendance de sentier technologique ou favoriser la

transition technique. Il renvoie à l’environnement institutionnel composé de règles (formelles

et informelles) socialement partagées entre les acteurs. Des règles qui sont entre autres:

régulatrices (régulations, standards, lois, etc.), normatives (valeurs, normes de comportements),

et cognitives (systèmes de croyances) (Geels & Schot, op cit).

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Le régime sociotechnique se compose de divers acteurs (chercheurs, ingénieurs, politiciens,

producteurs, consommateurs, etc.) qui définissent et utilisent les règles qui permettent leurs

interactions. La transition se produit lorsque l’on passe d’un régime sociotechnique à un autre

(Geels & Schot, op cit). L’insertion de l’innovation dans le régime sociotechnique pouvant

générer de nouveaux régimes requière des changements au niveau politique (Geels, 2013), tels

que le changement de régime fiscal, l’octroi de subventions aux acteurs du secteur, de nouvelles

politiques en matière de droit de propriété et autres. Les politiques influencent les transitions

technologiques de quatre manières : le choix des orientations de recherche, les relations entre

le secteur public et le secteur privé, le rôle des médias et les lobbies (Vanloqueren & Baret,

2009).

Dans le cadre de notre étude, cinq dimensions du régime sociotechnique sont considérées

(Figure 2) :

- Economique : la taille du marché, le financement de l’innovation et de l’adoption, les

décisions d’investissements, les enjeux économiques autour du Big Data.

- Politique : les grandes orientations politiques, les grandes orientations autour du Big

Data, de la propriété, l’usage et le partage des données agricoles.

- Technologique : les connaissances et caractéristiques technologiques, les enjeux autour

de l’interopérabilité des outils numériques, la fiabilité, l’ergonomie des technologies,

les orientations de la R&D.

- Organisationnelle : Structure des acteurs et des réseaux d’innovation, l’organisation

des entreprises innovantes.

- Culturelle : les usages/adoptions par les agriculteurs, les utilités de la technologie, les

perceptions des acteurs.

Les niches d’innovations s’insèrent dans ces dimensions et tentent de les modifier. Nous

analysons le système d’innovation et l’influence du développement des NTIC en agriculture

sur chacune de ces dimensions au sein du système dans la perspective de transition.

- Les niches d’innovations

Elles fournissent un espace de construction des réseaux sociaux qui supporte l’innovation. Elles

représentent le niveau « microéconomique » où les innovations se développent (Geels & Schot,

2007). Les niches sont des chambres d’incubations qui protègent les innovations des forces de

sélection du marché (Schot, 1998). C’est le point de départ de la transition technologique où

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des innovations incrémentales et radicales élaborées tentent de modifier ou de faire émerger de

nouveaux régimes sociotechniques. Aussi, les innovations radicales sortent des niches lorsque

les processus en cours au niveau du régime et du paysage le permettent et créent une « fenêtre

d'opportunité » (Geels, 2002). Ces fenêtres d’opportunités peuvent créer des tensions dans le

régime sociotechnique ou des changements dans le paysage. Ce qui justifie que la transition

technologique concerne des dimensions plus larges que la simple dimension technologique.

L’ensemble des technologies numériques développées en agriculture sont considérées ici

comme constituant une niche d’innovations. Elle concerne les objets connectés, les applications

smartphone, les capteurs, les outils numériques d’aide à la décision, les plateformes en ligne

des acteurs du monde agricole, mais aussi les acteurs qui favorisent ces innovations. Ainsi, nous

analysons l’influence du développement des NTIC en agriculture sur son système d’innovation

et les déterminants de l’émergence d’un nouveau régime technologique.

L’analyse de la transition numérique en agriculture met en évidence les changements du

système d’innovation, les pressions du paysage sociotechnique, l’évolution du régime

sociotechnique et l’influence de la niche d’innovations (Figure 2).

Figure 2: Modèle MLP de la transition numérique en agriculture [source : adapté du modèle MLP de Geels, 2002]

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Ce modèle a déjà été utilisé dans de nombreuses recherches sur le processus de co-

évolution de technologie et de l’environnement de son utilisation au sein de divers secteurs.

Des études qui mettent notamment en évidence l’évolution du système d’innovation et l’analyse

des transformations industrielles et technologiques. Aussi, des études sur les transformations

durables des systèmes sociotechniques « Sustainability transition » mobilisent également le

modèle MLP afin d’analyser les déterminants de la durabilité des transformations

technologiques (Verbong & Geels, 2010).

2-2- Matériels et méthodes

L’étude se déroule en France et a pour but de dresser un panorama de l’environnement

institutionnel de l’agriculture numérique, afin d’évaluer sommairement si les innovations dans

ce secteur engendrent une transition des modèles agricoles ou plus globalement des rapports

sociaux au sein du secteur. La démarche méthodologique se fait en deux principales étapes : la

phase préparatoire, et la phase de collecte et analyse des données.

2-2-1- Phase préparatoire

Elle a consisté essentiellement en la revue de littérature et la clarification de la grille

d’analyse. La littérature sur les systèmes sectoriels d’innovation nous a permis d’élaborer une

grille d’analyse afin de répondre à notre question de recherche.

Clarification de la grille d’analyse

Notre recherche s’inspire des travaux de Malerba sur le système sectoriel d’innovation. Les

principales composantes que nous avons pris en compte dans la grille d’analyse sont :

innovations technologiques, connaissances spécifiques, acteurs/organisations, réseaux

d’acteurs et institutions. Le Tableau 1 représente les principales informations nécessaires à

l’analyse de ces composantes.

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Tableau 1: Grille d’analyse des principaux éléments du système sectoriel d’innovation de l’agriculture numérique [source : Enquêtes 2018, adaptée de Malerba, (2004)]

Objets d’étude Grille d’analyse

Innovations

technologiques

Cultures cibles Usages

spécifiques

Connaissances

spécifiques

mobilisées

Degré de

technicité

Entreprises

positionnées

Connaissances

spécifiques

Types Acteurs

impliqués dans

la production de

ces

connaissances

Utilité des connaissances dans le processus

d’innovation

Acteurs/organisations Structure de

l’organisation

Rôles/fonctions

dans le

processus

d’innovation

Echelle

d’intervention

Croyances/visions de

l’usage du numérique en

agriculture

Réseaux d’acteurs Types de

relations entre

les acteurs

Caractéristiques

et fonctionnent

des réseaux

Rôles dans le

processus

d’innovation

Echelle d’intervention

Institutions Dimensions

(nationale/eur

opéenne)

Caractéristiques

et cibles

Points favorables et restrictions à l’innovation

en agriculture numérique

2-2-2- Collecte et analyse des données

Les données ont été collectées suivant deux méthodes : entretiens semi-structurés avec des

experts du secteur, et études bibliographiques. Les études bibliographiques nous ont permis

d’approfondir les réponses des enquêtés.

Les informations recueillies aussi bien à travers les entretiens que les études

bibliographiques étaient relatives aux différents acteurs de l’innovation et portaient

essentiellement sur :

- Les entreprises qui conçoivent, éditent et fournissent des solutions numériques : la

structure au sein des entreprises, les solutions et services numériques apportés, les

compétences au sein de l’entreprise, le processus d’innovation au sein de l’entreprise,

l’organisation de la R&D, les relations avec les autres acteurs du secteur.

- Les unités recherche : les grands projets de recherche en agriculture numérique, les

compétences et profils des chercheurs, les rôles dans le processus d’innovation, la vision

de l’utilisation du numérique en agriculture.

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- Les instituts techniques agricoles (ITA) : les projets portés dans le secteur de

l’agriculture numérique, le rôle dans le processus d’innovation, les relations avec les

autres acteurs du processus.

- Le Pôle enseignement agricole : les objectifs de formation initiale dans les cursus

universitaires, les profils des enseignants, la vision de l’usage du numérique en

agriculture.

- Les chambres d’agriculture (CA) : Les initiatives ou les technologies internes et

externes proposées aux agriculteurs, les liens entre les agriculteurs et les entreprises qui

conçoivent des solutions numériques, les rôles dans le processus d’innovation.

- Les Organismes d’expertise en conseil agricole : les solutions technologiques en

agriculture numérique connues, les initiatives dans ce secteur, le rôle dans le processus

d’innovation, financement du conseil et de l’acquisition de la technologie par les

agriculteurs.

- Les groupements coopératifs : les outils numériques proposés, les usages des

agriculteurs, le rôle dans le processus d’innovation, les relations avec les autres acteurs

du processus, le financement de l’acquisition de la technologie par les agriculteurs.

2-2-2-1- Entretiens avec les experts

Dix-sept (17) entretiens semi-structurés ont été menés avec les experts du secteur de

l’agriculture numérique (Tableau 2) dont notamment les entreprises innovantes, les acteurs de

la recherche, le pôle enseignement agricole, les instituts techniques agricoles (ITA), les

chambres d’agriculture (CA) et organismes d’expertise conseil agricole et les groupements

coopératifs (Gr Coop). Les entretiens ont été conduits essentiellement par téléphone, mais avec

quelques-uns en face-à-face. Les entretiens ont duré en moyenne une demi-heure et ont permis

de comprendre les rôles de chaque catégorie d’acteurs dans le processus d’innovation. Nous

avons recoupé par la suite les informations pour recomposer les rôles des acteurs et réseaux

d’acteurs tout au long du processus d’innovation.

Tableau 2: Répartition des experts enquêtées [Source : Enquêtes 2018]

Types

d’acteurs

Entreprises/

Start-up

Structures

de

recherche

Pôle

enseignement

agricole

ITA CA et

organismes

de conseils

Gr Coop Total

Effectifs 4 2 2 2 2 5 17

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La figure 3 représente la répartition géographique des experts enquêtés. Neuf (9) experts ont

été enquêtés dans la région Occitanie dont essentiellement les entreprises innovantes, les acteurs

de la recherche et de l’enseignement agricole. Quatre (4) experts ont été enquêtés dans la région

Ile-de-France, deux (2) en région Auvergne-Rhône-Alpes, un (1) en région Hauts-de-France et

un (1) région Nouvelle-Aquitaine. Les entretiens en face-à-face ont été menés avec deux

membres de l’équipe de la Chaire AgroTIC (Montpellier). Le reste des entretiens ont été

conduits par téléphone.

Figure 3: Répartition géographique des experts enquêtés [Source : Enquêtes 2018]

2-2-2-2- Etudes bibliographiques

Les études bibliographiques ont représenté également une source d’informations. Elles

ont permis de compléter progressivement les informations recueillies au cours des entretiens

avec les experts. Il s’agissait essentiellement des rapports d’activités des acteurs de

l’innovation, des documents de politiques d’innovation, des sites internet des entreprises

innovantes et d’autres acteurs, des rapports ministériels, les articles scientifiques qui traitent de

l’innovation en agriculture numérique.

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PARTIE 2 : RESULTATS ET DISCUSSION

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CHAPITRE 1 : DESCRIPTION DU SYSTEME SECTORIEL D’INNOVATION DE

L’AGRICULTURE NUMERIQUE

Les activités d’innovation font intervenir des acteurs qui sont en interactions autour de

la technologie et des connaissances pour la création, la production et la vente de nouveaux

services ou de nouveaux produits (Malerba, 2002). Le secteur de l’agriculture numérique

n’échappe pas à ce constat.

Cette section décrit le système sectoriel d’innovation (SSI) de l’agriculture numérique

à travers cinq principales caractéristiques à savoir : les innovations technologiques, les

connaissances mobilisées pour le développement de ces innovations, les acteurs/structures qui

favorisent l’innovation, les réseaux d’acteurs et les institutions qui permettent les actions et

interactions (Koschatzky et al., 2009; Malerba, 2004).

1-1- L’agriculture numérique : Une Agriculture 4.0 ?

L’application des technologies de l’information et de la communication à l’agriculture,

dans le but d’améliorer les performances économiques et environnementales des exploitations

agricoles à travers la gestion de la variabilité spatiale et temporelle de ces exploitations, a permis

de faire émerger de nouveaux produits et services. L’expression « agriculture 4.0 » fait

référence à une agriculture gérée différemment en raison des progrès technologiques tels que

les capteurs de température et d’humidité, les images aériennes, les technologie GPS, les robots

(Clercq et al., 2018). Nous décrivons dans cette section les innovations technologiques, les

connaissances et le capital humain mobilisés.

1-1-1- Les innovations technologiques

Les innovations technologiques ont été analysées et catégorisées ici suivant les formes

sous lesquelles elles se présentent et les usages spécifiques. Pour ce qui est de la production

agricole, à l’issu des entretiens que nous avons eus avec les experts du secteur et les recherches

bibliographiques, nous avons catégorisé ces innovations en trois types (non exhaustifs) : Les

technologies de collecte et de pilotage des opérations agricoles, les technologies de production

et les plateformes d’échange des acteurs du monde agricole.

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Les Technologies de collecte et de pilotage des pratiques

Les données de la parcelle, des animaux ou de l’environnement sont collectées à partir

de systèmes de mesure. Il peut s’agir de capteurs piétons (N-Tester, …), au sol (sondes

capacitives, …), au champ (stations météos, …) ou embarqués, par exemple sur des machines

agricoles. On distingue également les technologies de proxi-détection par opposition aux

technologies de télédétection : la télédétection permet d’acquérir, à grande distance, des

informations sur des objets terrestres. Dans ce dernier cas, les capteurs sont embarqués sur des

plateformes telles que les satellites, avions ou drones. D’autre part, les technologies de

géolocalisation sont centrales en agriculture de précision : il s’agit de récepteurs GNSS (Global

Navigation Satellite System) qui communiquent, à différents degrés de précisions, la position

d’une observation telle qu’une donnée mesurée par un capteur à un moment donné.

Ces différents outils de collecte sont associés à des technologies permettant leur

communication entre eux, ainsi que l’enregistrement des données : le terme souvent employé

d’« IoT » combine les concepts ‘internet’ et thing. Il fait référence aux échanges entre objets

identifiables de manière unique et connectés en temps réel entre eux. Ces nouveaux réseaux

pourraient contribuer de manière significative à relever de nombreux défis du monde agricole

(Verdouw et al., 2016).

Par exemple, les capteurs multispectraux des satellites permettent de collecter et

transférer des informations relatives par exemple à l’état de développement des plantes, l’état

hydrique des cultures, le potentiel des sols, la détection des bioagresseurs. Ces données peuvent

être combinées à d’autres informations, et centralisées sur des logiciels de gestion technico-

économique d’exploitation. Ces outils servent au diagnostic des exploitations agricoles et aident

à la formulation des préconisations.

La figure 4 représente les principales étapes d’élaboration des formulations et

recommandations, afin de piloter les activités agricoles.

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Figure 4: Principales étapes d’élaboration des OAD (Outil d’Aide à la Décision)

[Source : INRA 2014]

Les satellites, les drones et les avions servent à la télédétection en agriculture et à

l’évaluation des parcelles et de leurs diversités, utile dans la réalisation des cartes d’état de la

fertilité des sols, des cartes de suivi des cultures et d’autres outils de diagnostic et d’aide à la

décision. De nombreuses entreprises se sont positionnées sur ce marché. Par exemple, les

entreprises, Nexxtep, Geosys, Airinov, Azur drones ou encore Farmstar (développé par Airbus,

Arvalis et Terre Inovia) se positionnent sur la collecte des données agricoles par capteurs dans

les champs, système aérien, et drone. Cette petite liste d’entreprise du secteur n’est pas

exhaustive et de nombreuses autres entreprises sont également positionnées sur la

commercialisation de ces technologies. La FAO estime qu’en se digitalisant grâce notamment

aux IoT, les agriculteurs et éleveurs ont une meilleure maîtrise de leurs exploitations et de leurs

troupeaux, ce qui leur permet de gagner en productivité, de répondre aux exigences de

traçabilité du consommateur, de répondre aux enjeux de changement climatique et

d’accroissement démographique4.

Les technologies de production

Afin de parvenir à la formulation des recommandations et à l’application, les outils de

conseil et d’application se construisent par l’élaboration des modèles agricoles qui prend en

compte les informations collectées grâce notamment aux capteurs. En élevage, les technologies

de production sont surtout représentées par la robotisation de la traite ou encore la distribution

automatique des aliments.

En cultures végétales, il s’agit notamment des technologies de guidage par

géolocalisation telles que l’assistance au guidage, le guidage automatique ou encore la coupure

de tronçons, par exemple pour améliorer le confort de travail et pour une application raisonnée

4 http://fao.org/news

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des intrants en grandes cultures. La modulation intraparcellaire permet d’appliquer avec

précision les préconisations issues des mécanismes précédents. Ces usages mettent en jeux,

entre autres, des technologies GNSS, les consoles embarquées sur les tracteurs, mais aussi les

équipements classiques de l’agriculture (tracteurs, semoirs, pulvérisateurs, etc).

Outils d’analyse et de préconisation (diagnostic, évaluation ou aide au raisonnement) ou

d’application, ces outils technologiques se présentent généralement sous formes d’applications

smartphone, de logiciels sur ordinateur, de consoles embarquées sur des tracteurs ou autres

équipements mécaniques agricoles.

En utilisant les données agricoles issues par exemple de la télédétection ou des données

des capteurs connectés, ces outils permettent d’analyser les situations qui se présentent pour

ajuster les interventions5 à travers une interface numérique pour la plupart. Ces outils couvrent

également des services qui s’étendent au cadre réglementaire en fournissant des conseils sur les

bonnes pratiques en matière de : stockage des produits, gestion des effluents phytosanitaires,

calcul des indices de fréquence de traitement (IFT), pilotage de la fertilisation6. Ce sont donc

également des outils de gestion technique, économique, environnementale et réglementaire des

exploitations agricoles.

Afin de permettre de meilleures conditions d’usages et d’atteindre des objectifs de

performance des exploitations agricoles, ces outils doivent présenter un certain nombre de

caractéristiques à savoir : opérationnalité, robustesse, ergonomie, interopérabilité (INRA,

2014). Ces caractéristiques ont également été reprises lors de nos entretiens avec les experts,

qui les considèrent comme déterminantes. De nombreuses entreprises se positionnent sur cette

fourniture de service. Il s’agit par exemple de Smag, Geosys, Isagri, itk, pour ne citer que celles-

là, qui conçoivent et commercialisent des logiciels et applications smartphone pour la gestion

technique, économique, environnementale et réglementaire des exploitations. De plus le groupe

Français Isagri spécialisé dans les solutions logicielles de gestion de parcelles agricoles et

viticoles, développe également des solutions de guidage GPS avec la console ISA 360 qui est

un ordinateur embarqué qui pilote un tracteur par géolocalisation, automatise les

renseignements parcellaires et ajuste les préconisations. Dans le même temps, le constructeur

américain John Deere, spécialisé dans la fabrication de matériel agricole se positionne dans ce

secteur de machines connectées à l’aide de consoles embarquées notamment grâce à ses

5 http://arvalis-infos.fr 6 http://uipp.org

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consoles John Deere 2600 et 2630. Toutes ces solutions technologiques sont censées répondre

aux besoins des agriculteurs, des éleveurs, mais aussi des organismes de conseils agricoles.

Pour ce qui est des outils de gestion de l’exploitation, d’autres acteurs tels que les chambres

d’agriculture, les instituts techniques agricoles (ITA) se positionnent également sur ce secteur

et fournissent des outils pour la gestion technique, économique des exploitations agricoles, et

pour le suivi et le respect des réglementations (phytosanitaire, irrigation).

Les robots sont un cas particulier de l’agriculture numérique : ils sont également équipés de

capteurs pour collecter des informations, mais aussi pour réaliser les opérations culturales en

autonomie : ces capteurs leur permettent de se déplacer ou de détecter par exemple un animal.

La robotique agricole apparait aujourd’hui comme le deuxième marché mondial de la robotique

professionnelle de service après le secteur industriel7.

Les plateformes d’échange des acteurs du monde agricole

Véritables réseaux sociaux agricoles, ces plateformes visent à mettre en relation les

acteurs du secteur sur l’idée du « faire ensemble ». Les services fournis sont par exemple le

conseil agricole, la fourniture de matériel agricole, la comparaison d’exploitations entre

agriculteurs. C’est le cas de l’entreprise Agrifind qui a développé la plateforme « agrifind

connexion » pour que des conseillers, agriculteurs et autres qui ont des compétences et

expériences issues du terrain puissent les valoriser et en « faire profiter » d’autres agriculteurs.

Agrifind a monté avec d’autres entreprises une association dénommée co-farming ou

« l’agriculture en réseau », qui se compose de sept (7) start-up positionnées sur des secteurs

d’activité différents les uns des autres, mais qui défendent toutes une vision d’économie

collaborative, de création de valeur aux échelles des territoires ou des réseaux.

Des acteurs du monde agricole tels que les agriculteurs, les conseillers, les négoces, les

instituts techniques agricoles offrent des services variés sur ces plateformes. C’est le cas par

exemple de la Digiferme de Saint-Hilaire-en-Woëvre (projet Arvalis, Terre Inovia, ITB et

IDELE) qui propose une vingtaine de matériels agricoles à la location sur la plateforme

WeFarmUP, membre de l’association co-farming et spécialisée dans la location de matériel

agricole. D’autres plateformes ont été développées pour mettre en relation agriculteurs et

consommateurs. C’est le cas de « Les Fermes D’ici ». Les plateformes « non spécialisées » du

secteur agricole comme Facebook ou twitter peuvent également entrer dans cette catégorie où

4 http://agriculture.gouv.fr/robotique-lagriculteur-augmente

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par exemple le groupe twitter « fragritwitos » est composé d’agriculteurs qui échangent sur

leurs pratiques en agriculture de précision.

Tableau 3: Récapitulatif des innovations technologiques [Source : Enquêtes 2018]

Innovations

technologiques

Technologies de

collecte et

d’enregistrement

Technologies

d’analyse et de

préconisation

Technologies

d’application

Plateformes

collaboratives

Principales

Fonctions

Collecte de données

Transfert

Application

Analyse

Ajustement

Préconisation

Application

Action

Communication

Echange

Partage

Quelques

entreprises

positionnées

Nexxtep, Geosys,

Airinov

Smag, Isagri, ITK John Deere, Case

IH,

Agrifind, WeFarmUP,

Les Fermes D’ici

1-1-2- Connaissances nécessaires à l’innovation en agriculture numérique

Au sens de Winter (1987), les connaissances de base de l’agriculture numérique ne sont

pas spécifiques à ce secteur. Elles émanent en effet des connaissances issues du secteur agricole

d’une part et du secteur des technologies de l’information et de la communication d’autre part.

Les connaissances technologiques et les acteurs impliqués dans la production de ces

connaissances, apparaissent être des éléments déterminants dans le processus d’innovation en

raison des nouvelles technologies et des services qui se développent et qui sont de plus en plus

exigeants, précis et performants (Busse et al., 2014).

Les résultats des enquêtes auprès des experts suggèrent que les connaissances

mobilisées pour l’innovation en agriculture numérique sont générées par plusieurs catégories

d’acteurs et sont relatives à trois principaux domaines : technologies de l’information et de la

communication, agriculture et environnement, et management et gestion.

Technologies de l’information et de la communication

Différentes catégories d’acteurs tels que les constructeurs de machines agricoles, les

start-up qui développent des solutions technologiques en agriculture, les instituts techniques

agricoles (ITA), la recherche, l’enseignement, construisent ou co-construisent les

connaissances et compétences dans le secteur de l’agriculture numérique. C’est le cas de la

télédétection, la programmation, la microélectronique, l’intelligence artificielle, l’analyse et le

stockage de données qui sont des savoirs et connaissances mobilisés par les entreprises, la

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recherche, les ITA et l’enseignement supérieur et qui sont utiles à la construction des outils

numériques en agriculture.

Par exemple, les compétences en microélectronique sont développées pour la réalisation

de circuits intégrés utiles à la conception de capteurs, des objets et consoles embarqués sur des

machines. C’est le cas par exemple de concepteurs comme Agriscope et Karnott.

Le Big Data joue un rôle essentiel dans le développement des « machines » et des

capteurs connectés (Wolfert et al., 2017) et pour cela, les entreprises et la recherche participent

à la formation des « data scientist » au sein des établissements de formation, en offrant des

stages en entreprises ou dans des unités de recherche. L’objectif est de construire des

compétences relatives à la production des méthodes de tri, d’analyse et de stockage des données

de masse afin d’en extraire des informations utiles ou potentiellement utiles.

Pour ce qui est des plateformes collaboratives des acteurs du monde agricole, les

connaissances technologiques sont essentiellement relatives à la conception de sites internet.

Des connaissances qui sont pour la plupart générées par les ressources humaines internes aux

entreprises.

Agriculture et environnement

Le développement des outils numériques en agriculture pourrait laisser prédire une

déconnexion des connaissances et compétences de base de l’agriculture derrière les algorithmes

et intelligence artificielle qui permettent la prise de décision. Ce n’est évidemment pas le cas.

En effet, l’analyse des objets agronomiques tels que la croissance des plantes, la fertilisation

des cultures, la lutte contre les bioagresseurs, la gestion de l’irrigation, la prévision des

rendements, pour ne citer que ceux-là, reste au centre du développement des outils numériques.

Ainsi, des connaissances relatives à la modélisation de ces phénomènes agronomiques

permettent de réaliser des simulations et des cartes de préconisations.

En résumé, les principaux acteurs impliqués dans la production des connaissances du

secteur sont les entreprises qui conçoivent des solutions numériques en agriculture, les ITA et

la recherche, qui co-construisent des outils pour la modélisation des systèmes agronomiques en

mobilisant des technologies numériques dans le but d’offrir des OAD fiables.

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Management et gestion de projets

Enfin, des connaissances qui ne sont pas spécifiques aux entreprises innovantes du

secteur de l’agriculture numérique, mais qui y sont toutefois présentes comme dans toute

entreprise, sont relatives au management et à la gestion de projets. Les entretiens avec les

acteurs de l’innovation en agriculture numérique ont relevé que des connaissances en gestion

de projets, analyse économique, entreprenariat sont présentes soit à l’échelle de toute

l’entreprise, soit à l’échelle de la section R&D de l’entreprise. Ces compétences sont

notamment utiles dans la gestion des ressources humaines et la conduite des projets

collaboratifs avec d’autres acteurs du secteur, mais aussi dans l’analyse de business model au

sein de la R&D, entre la phase de prototypage et celle de la production en série.

Tableau 4: Récapitulatif des principales connaissances mobilisées pour l’innovation en agriculture numérique [Source : Enquêtes 2018]

Types de connaissances

ou compétences

Technologies de

l’information et de la

communication

Agriculture et

environnement

Management et gestion

de projets

Nature Télédétection,

programmation,

microélectronique,

intelligence artificielle

Fertilisation des cultures,

lutte contre les

bioagresseurs, gestion de

l’irrigation, météorologie

Gestion de projets,

analyse économique,

entreprenariat

Principaux acteurs Entreprises innovantes,

recherche

ITA, recherche Entreprises innovantes,

ITA

1-2- Structures et rôles des acteurs de l’innovation

Les acteurs et réseaux d’acteurs représentent l’une des trois principales composantes qui

favorisent l’innovation dans un secteur, avec les connaissances et technologies, et les

institutions (Malerba, 2005b). Les acteurs de l’innovation interviennent aux différentes étapes

du processus d’innovation.

A l’issue de nos recherches bibliographiques et des entretiens avec les experts impliqués

dans le processus d’innovation, trois catégories d’acteurs apparaissent déterminantes :

- les entreprises innovantes qui conçoivent des solutions numériques

- les instituts techniques agricoles (ITA)

- les acteurs de la recherche, qui impulsent des dynamiques au secteur.

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Pour ce qui est des entreprises innovantes, il s’agit des constructeurs de machines et objets

connectés, des éditeurs de logiciels et applications smartphone de conduite des activités

agricoles, des concepteurs de plateformes d’échange des acteurs du secteur agricole. D’autres

acteurs, plus en retrait que les précédents interviennent également dans le processus

d’innovation (Figure 5)

C’est le cas des chambres d’agriculture, des organismes publics et privés de conseil agricole,

des acteurs de l’enseignement et des coopératives et groupements coopératifs

Figure 5 : Principales étapes du processus d’innovation [source : Enquêtes 2018]

1-2-1- Entreprises fournisseurs des solutions numériques ou éditeurs de services digitaux

Ces entreprises ont généralement pour fonction de développer et commercialiser des

solutions numériques pour l’agriculture aux acteurs du secteur tels que les exploitants agricoles,

les techniciens, les coopératives, les agro-industriels. Ces services visent en général

l’amélioration de la gestion technique, économique, environnementale et réglementaire des

exploitations agricoles.

1-2-1-1- Structure organisationnelle

Nos entretiens et recherches bibliographiques suggèrent que ce sont pour la plupart des

TPE, PME avec des effectifs de moins de 250 salariés, et des compétences assez diverses en

informatique et modélisation des phénomènes agronomiques, mais aussi en management et

gestion des projets. Plusieurs modes de distribution des innovations technologiques coexistent

(Figure 6) compte tenu du réseau-partenaire de l’entreprise. En effet, certaines entreprises

vendent directement leurs solutions technologiques auprès des agriculteurs sous forme

d’abonnements ou sous forme de prestations ponctuelles : c’est la distribution « directe ». C’est

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le cas par exemple de l’entreprise Agriscope spécialisée dans les stations météo connectées.

D’autres entreprises mobilisent plutôt un réseau de distribution souvent constitué de

coopératives ou de groupements coopératifs, de prestataires indépendants, d’organismes de

conseil ou d’autres entreprises spécialisées dans l’agrofourniture : c’est la distribution

« indirecte ». Ces distributeurs sont considérés comme des intermédiaires entre les entreprises

et les agriculteurs qui sont souvent les utilisateurs finaux de la technologie. Cette deuxième

forme de distribution est la plus rencontrée dans le paysage de la fourniture de solutions

numériques aux agriculteurs.

Figure 6 : Modes de distribution des solutions numériques [Source : Enquêtes 2018]

Les solutions informatiques proposées par ces entreprises couvrent les filières des

productions végétales, animales et viticoles. Selon la cartographie des start-up de l’agriculture

numérique8, trois formes se dégagent pour ce qui est de la fonction d’accompagnement de la

production agricole par les entreprises innovantes :

- Les entreprises qui se positionnent dans la collecte de données in situ avec des objets

connectés. C’est le cas par exemple des entreprises Airinov pour les drones, Agriscope

pour les stations météo connectées, ou Exotic System pour les technologies de

l’électronique et les réseaux IoT.

- Les entreprises qui se positionnent dans l’analyse de données et les recommandations

de plans opérationnelles sous forme d’OAD par exemple. C’est le cas des entreprises

comme Geosys, Smag, Itk, Beapi. Elles peuvent avoir leur propre système de collecte

de données agricoles ou alors sous-traiter la collecte et l’analyse de données à travers

des projets de coopération avec d’autres entreprises spécialisées. C’est le cas par

exemple de l’outil de modulation de la fertilité des sols de l’entreprise Beapi qui sous-

traite la partie diagnostic des sols (collecte et analyse des données de sol) auprès de

8 https://medium.com/xangevc/cartographie-des-start-ups-agritech-en-france

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Agrosol qui est une société indépendante d’expertise et de conseil spécialisé dans

l’étude des sols9.

- Les entreprises du sous-secteur de la programmation automatique d’actions telles que

l’irrigation, le traitement phytosanitaire ou la récolte. Il s’agit d’entreprises qui se

positionnent dans le « hardware » de la production agricole (robots, tracteurs

autonomes). C’est le cas par exemple des entreprises Naïo technologies et Tibot pour la

robotique, ou des entreprises Case IH et John Deere pour les tracteurs autonomes.

D’autres start-up de l’agriculture numérique se positionnent dans le champ des réseaux

sociaux agricoles. C’est le cas de l’association co-farming composée de sept (7) entreprises

dont entre autres Farm Leap et Echange parcelle, respectivement pour la comparaison des

performances des exploitations agricoles et l’échange de parcelles entre agriculteurs.

La recherche au sein des entreprises est organisée en projets de R&D faisant intervenir

divers partenaires de l’écosystème d’acteurs, dont les acteurs de la recherche, les instituts

techniques agricoles ou même d’autres entreprises du secteur.

1-2-1-2- Rôles dans le processus d’innovation

Les entreprises innovantes de l’agriculture numérique sont des acteurs majeurs de

l’innovation. En effet, elles développent de nouveaux produits et de nouveaux services en

collaboration toutefois avec d’autres acteurs du secteur tels que la recherche, les coopératives,

les instituts techniques, l’enseignement et les autres acteurs du secteur public et du secteur privé.

L’innovation n’est donc pas ici un processus à une échelle individuelle mais bien le résultat

d’une action collective. De ce fait, il est difficile d’identifier les rôles de façon individuelle des

entreprises dans le processus d’innovation. Néanmoins, elles interviennent dans l’exploration

des technologies et solutions qui existent déjà. Cette veille technologique leur permet

d’identifier les besoins des utilisateurs de la technologie, ce qui leur permet de développer et de

construire de nouveaux services et de nouvelles innovations adaptées au contexte de marché.

Les entreprises travaillent en général avec la recherche et des ITA, au sein de projets

collaboratifs ou partenariaux comme celui des Digifermes pilotés par Arvalis, IDELE, ITB et

Terre Inovia. Ces projets servent également à créer du lien et à fédérer les compétences de la

recherche et du monde des entreprises.

9 https://beapi.coop/nos-partenaires

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Elles sont présentes donc aussi bien à l’amont du processus d’innovation (Figure 5) avec

l’identification des besoins des utilisateurs, la recherche appliquée ; au niveau intermédiaire

avec développement de nouveaux produits, le benchmarking et l’évaluation collaborative des

technologies, et à l’aval avec la commercialisation et la diffusion des outils numériques à travers

divers réseaux de distribution.

1-2-2- Les organismes de recherche publique

La recherche publique en agronomie en France est principalement assurée par l’INRA,

le CIRAD, et d’autres acteurs qui se positionnent sur des thématiques plutôt transversales

comme l’IRSTEA, l’IRD ou le CNRS. Ce sont également des acteurs majeurs de l’innovation

en agriculture numérique. Ils structurent leurs actions autour de projets collaboratifs qui leur

permettent d’explorer, de comprendre, d’expérimenter et d’anticiper les changements dans les

domaines de l’agriculture et de l’environnement, dans le but de répondre aux enjeux de

recherche scientifique et de développement durable. Les projets initiés dans le secteur de

l’agriculture numérique sont relatifs aux problématiques agro-environnementales dont entre

autres la fertilisation, la protection des cultures, la gestion des ressources en eau. Ces

thématiques sont explorées grâce à la modélisation des phénomènes agronomiques et

l’expérimentation d’outils de préconisation.

Concrètement, les organismes de recherche s’impliquent aux diverses étapes du

processus d’innovation de l’agriculture numérique. En amont de la filière d’innovation, ils

interviennent dans le pilotage technique et institutionnel des partenariats avec d’autres acteurs

dans le but d’identifier les besoins et solutions potentiels des utilisateurs à divers niveaux, aussi

bien les entreprises, les instituts techniques agricoles, que les coopératives et les agriculteurs.

Les acteurs de la recherche interviennent également dans l’identification et l’évaluation des

solutions qui existent déjà : c’est le rôle de benchmarking de la recherche. Au niveau

intermédiaire, la recherche joue un rôle important dans l’orientation des activités de

développement des solutions numériques au sein des entreprises. C’est le cas par exemple de

l’INRA qui est partie prenante de nombreux projets de coopération et d’innovation avec des

entreprises du secteur. La recherche publique soutient également l’innovation à travers des

consultations ponctuelles sur des problématiques que les entreprises rencontrent. Aussi, suivant

les filières agricoles de spécialisation, des relations plus ou moins privilégiées se tissent entre

des organismes de recherche et d’autres acteurs. C’est le cas par exemple de l’UMR ITAP,

assez orientée viticulture et qui développe de nouvelles connaissances et outils en partenariat

avec l’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV).

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Dans la même logique, le Cesbio (Centre d’Etudes Spatiales de la BIOsphère), à travers

ses activités et projets, montre les apports de la télédétection pour le suivi des cultures et

l’estimation des rendements. A travers des projets ANR ou H2020, le Cesbio collabore avec

d’autres structures de recherche publique, des entreprises ou des collectivités territoriales, ce

qui permet de créer du lien et d’identifier les besoins des différents acteurs.

Enfin, la recherche soutient l’innovation en agriculture numérique à travers des projets

de stages académiques sur les problématiques que rencontrent les entreprises.

1-2-3- Les instituts techniques agricoles (ITA)

Véritables acteurs déterminants de l’innovation dans le secteur de l’agriculture

numérique, les dix-huit (18) ITA se rassemblent au sein de l’Association de Coordination

Technique Agricole (ACTA) qui représente un interlocuteur reconnu auprès des pouvoirs

publics. Ce sont des organismes de recherche appliquée, d’appui technique, d’expérimentation,

d’expertise, de formation et d’information10. Ils sont spécialisés par filière agricole et ont un

rôle essentiel dans la création et la diffusion du progrès technique en agriculture.

Depuis une dizaine d’années les ITA travaillent et mènent des actions dans le sens de

l’innovation en agriculture numérique. En effet, afin de répondre de manière opérationnelle aux

besoins des professionnels, les ITA structurent leurs interventions tout au long du processus

d’innovation.

Les ITA travaillent en effet avec les entreprises et la recherche publique dans le but de

faciliter la recherche fondamentale à travers la coordination et l’orientation de projets de

recherche. Ces actions servent de base à l’innovation au sein des entreprises, où la R&D n’est

pas toujours totalement interne. C’est en effet le cas pour de nombreuses entreprises du secteur,

mais qui néanmoins se laissent une marge de manœuvre interne pour la R&D. Dans son rôle de

structuration, de coordination et d’orientation des projets, Arvalis – institut du végétal favorise

la création de réseaux d’acteurs engagés dans l’innovation en agriculture numérique et facilite

les interactions à travers des projets bilatéraux et multilatéraux, notamment par son réseau de

Digifermes dont l’objectif est de réconcilier le monde de la recherche et celui des entreprises

pour des innovations qui répondent le plus aux besoins des utilisateurs.

10 http://agriculture.gouv.fr/les-instituts-techniques-agricoles-ita

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Les ITA explorent, évaluent et testent les technologies existantes dans le but d’orienter

les projets et programmes de recherche. Les thématiques de recherche sont diverses et sont par

exemple relatives à la fertilisation des cultures, l’irrigation, l’imagerie satellitaire pour la

télédétection ou la lutte contre les bioagresseurs. Les instituts techniques agricoles valorisent

également « l’excellence » méthodologique en recherche appliquée à travers un appui

scientifique et technique auprès des entreprises et start-up souhaitant mettre au point des

produits et services innovants.

1-2-4- Le pôle enseignement supérieur agricole

L’enseignement agricole est une composante du système d’innovation et comporte dix-

huit (18) établissements d’enseignement supérieur agronomique, vétérinaire et de paysage, dont

douze (12) établissements publics et six (6) établissements privés11. Selon un rapport de la

Direction Générale de l’Enseignement et de la Recherche (DGER), les établissements

d’enseignement supérieur agricole sont des membres actifs de vingt-deux (22) Réseaux Mixtes

Technologiques (RMT) et participent à des projets financés au moyen du Compte d’affectation

spéciale développement agricole et rural (CASDAR) (DGER, 2018).

Dans le sens de l’innovation en agriculture numérique, l’un des rôles de l’enseignement

supérieur agricole est de fournir des ressources humaines à travers la formation d’ingénieurs et

de masters à double compétences notamment agronomique et technologique (TIC). Aussi,

l’enseignement supérieur permet de faire le lien entre les besoins des entreprises et le monde

de l’enseignement et de la recherche à travers notamment des stages académiques co-construits

ou sous la forme de commandes des entreprises, ce qui est également en moyen de facilitation

de l’insertion des futurs diplômés formés. Le dispositif des conventions industrielles de

formation pour la recherche (CIFRE) sont également des moyens pour la formation et la

recherche de fournir des ressources humaines potentiellement utilisables aussi bien par les

entreprises que par la recherche, à travers des contrats de thèses de type CIFRE. Ces dispositifs

consistent en un co-encadrement de thèse assuré par une entreprise et un laboratoire de

recherche pour l’encadrement scientifique du doctorant.

Les diverses formes d’organisations (UMR, RMT, partenariats directs avec des

entreprises…) auxquelles les acteurs de l’enseignement et de la formation participent leurs

permettent d’être des acteurs de l’innovation en agriculture numérique. C’est le cas par exemple

de l’option Agrotic de 3ème année d’élève ingénieur (Montpellier Supagro) qui bénéficie de

11 http://educagri.fr/lenseignement-agricole-public

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l’expertise de la Chaire d’entreprises AgroTIC de Montpellier qui rassemble Montpellier

SupAgro, Bordeaux Sciences Agro et l’IRSTEA, autour de l’objectif d’accompagnement de la

transition numérique de l’agriculture en créant un lien étroit entre formation, recherche et

entreprise12. Vingt-quatre (24) entreprises membres font partie de la Chaire. D’autres initiatives

similaires existent avec par exemple la chaire « Agro-machinisme et nouvelles technologies »

portée par l’institut technologique LaSalle Beauvais et ses partenaires : AGCO Massey

Ferguson, la fondation d’entreprise Michelin et le conseil régional de Picardie. Cela a aussi

abouti à la création d’un parcours de formation en agro-machinisme à LaSalle Beauvais dont

l’objectif est d’apporter une expertise aux élèves ingénieurs sur les enjeux de la mécanique et

du traitement de données.

1-2-5- Les chambres d’agriculture (CA) et organismes de conseil agricole

Les chambres d’agriculture sont des établissements publics qui représentent l’ensemble

des acteurs du monde agricole, rural et forestier. Elles ont trois principales missions dont l’une

est de contribuer à l’amélioration de la performance économique, sociale et environnementale

des exploitations agricoles et de leurs filières13. C’est dans le cadre de cette fonction que les

chambres d’agriculture accompagnent l’innovation et le développement des solutions

numériques en agriculture. Elles sont parties prenantes aux projets d’innovation dans ce secteur

et formulent des propositions sur des questions touchant le développement des outils

numériques en agriculture, grâce notamment à leur ancrage territorial et leur proximité avec les

agriculteurs. Les entretiens avec les experts du secteur suggèrent que les CA travaillent avec la

recherche sur des thématiques liées à la gestion collective de ressources en eau et l’usage de la

télédétection. C’est le cas du projet Casdar Simulteau (2015-2018) où les chambres

d’agriculture Hautes-Pyrénées et Tarn étaient impliqués dans la fourniture des données utiles à

la cartographie et l’identification des besoins en eau. Le réseau des chambres d’agriculture

développe en interne des solutions numériques qui permettent l’enregistrement des pratiques et

la vérification de la conformité de ces pratiques afin de favoriser la gestion technico-

économique des exploitations agricoles et le suivi réglementaire des pratiques. Il s’agit en effet

de l’outil « Mes parcelles », développé par le service informatique du réseau des chambres

d’agriculture et qui, à l’instar d’outils tels que « Agreo » de l’entreprise Smag ou « Geofolia »

du groupe Isagri, représente une solution pour la gestion des contraintes environnementales

liées aux pratiques agricoles. Le réseau des CA développe également des services et outils pour

12 https://agrotic.org/mission 13 http://chambres-agriculture.fr/chambres-dagriculture/nous-connaitre

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le suivi de l’évolution de l’état végétatif et la modulation de l’azote dans des parcelles de colza

et de blé en utilisant des drones (notamment de l’entreprise Airinov) équipés de capteurs.

En plus de ce rôle de constructeur de solutions numériques pour accompagner

directement la transition numérique dans les exploitations agricoles, les CA permettent

également de créer du lien pour la prise en compte des préoccupations des agriculteurs dans les

projets aussi bien de la recherche fondamentale (avec des organismes de recherche) que de la

recherche appliquée impliquant des entreprises et des instituts techniques agricoles. Par

exemple, les CA organisent et accompagnent l’initiative « Innov’action » qui est un évènement

annuel de rencontre des agriculteurs et de découverte de nouvelles innovations agricoles. Ce

rendez-vous consiste pour des agriculteurs innovants, à présenter leurs nouvelles pratiques à

d’autres agriculteurs directement sur leurs exploitations agricoles14. La thématique phare

d’Innov’action 2016 était l’agriculture numérique sous trois axes : robotique, agriculture de

précision et agriculture connectée. Les enjeux sont notamment de diffuser des innovations, de

valoriser la collaboration et de favoriser le transfert de pratiques entre agriculteurs.

Les organismes privés d’expertise en conseil agricole jouent également ce double rôle

d’intermédiaire entre les agriculteurs et le monde de la recherche, à travers les informations

qu’ils permettent de remonter au sein des projets dans lesquels ils sont impliqués, et aussi

d’éditeurs de solutions numériques innovantes en partenariat avec les entreprises. En effet, les

mutations du secteur agricole liés à l’usage des technologies de l’information et de la

communication impliquent également des modifications du conseil agricole afin de répondre

aux défis auxquels font face les agriculteurs (Sarangi et al., 2016). En plus de leurs rôles sur

l’aval de la filière d’innovation, notamment la diffusion des innovations et l’accompagnement

des exploitations agricoles, ils interviennent un peu plus en amont du processus, dans la

participation à l’orientation de la recherche et l’aide à l’évaluation des besoins des agriculteurs.

On comprend donc que les fonctions du conseil agricole ici (aussi bien des chambres

d’agriculture, des organismes privés de conseil ou du conseil indépendant) s’éloignent encore

plus de la simple fonction de vulgarisation (décret de 1959) pour englober des fonctions à

l’interface entre la recherche-développement et la production de technologies numériques.

1-2-6- Rôles des coopératives et groupements coopératifs

Les « entreprises coopératives » sont des acteurs majeurs de l’économie dans les filières

(Chomel et al., 2013). L’écosystème des coopératives agricoles se caractérise par une diversité

14 http://innovaction-agriculture.fr/innovaction/tout-savoir-sur-innovaction

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de taille des coopératives, où les plus petites occupent néanmoins une place prépondérante15.

La multiplication des opérations de rapprochement entre celles-ci a abouti à un paysage

composé de vingt (20) principaux groupes coopératifs dont le groupe Invivo en est le leader

(Chomel et al., op cit). Ces groupes coopératifs regroupent en général quelques milliers

d’agriculteurs adhérents et assurent la valorisation des produits agricoles et le développement

de l’économie locale16.

Dans le sens de l’innovation en agriculture numérique, les coopératives et groupes

coopératifs interviennent à divers niveaux. Dans un premier temps, étant au plus près du métier

et de la production agricole, elles explorent les besoins des agriculteurs qu’elles font remonter

au sein des réseaux d’acteurs auxquels elles participent. Cette proximité est d’autant plus

importante qu’elle permet de tester et proposer des outils numériques aux agriculteurs et ainsi

de favoriser le transfert de technologies. Les coopératives ne développent en général pas de

solutions numériques mais construisent plutôt des partenariats avec des entreprises qui mettent

en place ces outils pour répondre aux besoins des agriculteurs adhérents. Certains grands

groupes coopératifs s’investissent plutôt directement dans l’innovation et le développement

d’outils numériques. C’est le cas par exemple de l’union de coopératives Invivo qui investit

dans le champ de l’agriculture numérique en 2014 avec le rachat de l’entreprise Smag,

spécialisé dans les logiciels de gestion des exploitations agricoles. Le groupement coopératif

Invivo en investissant également en 2017 dans le secteur avec la création de ‘studio agro digital’

qui est un incubateur de start-up, affiche ainsi sa volonté de se positionner aussi bien comme

un acteur de l’amont du processus (recherche-développement, production) mais aussi de l’aval

(diffusion des innovations).

1-2-7- Rôles des exploitants agricoles dans l’innovation en agriculture numérique

Les applications smartphone, les capteurs embarqués, les drones, révolutionnent

l’agriculture en transformant le métier d’agriculteur et l’accompagnement de celui-ci (Damave,

2017). Les agriculteurs sont les utilisateurs finaux de la technologie. Afin d’optimiser les

pratiques agricoles relativement aux impacts environnementaux, et d’intégrer la nécessaire

performance économique, les exploitations agricoles évoluent et rationalisent leur

consommation d’intrants. Selon la littérature, plusieurs facteurs influencent l’adoption des

innovations numériques par les agriculteurs dont entre autres la facilité d’utilisation perçue, la

15 https://lacooperationagricole.coop/une-reussite-economique-et-sociale 16 https://lacooperationagricole.coop/modele-cooperatif/cest-quoi-une-coop-agricole

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rentabilité, la performance, la compatibilité avec des exigences de conformité (Rose et al.,

2016). Aussi, à travers leurs intermédiaires (coopératives, chambres d’agriculture, organismes

d’expertise conseil…), les agriculteurs font remonter leurs attentes auprès acteurs majeurs de

l’innovation. Des attentes qui sont relatives par exemple aux besoins en technologie,

accompagnement dans les activités de production agricole ou bien-être du métier d’exploitant

agricole.

1-3- Structures et rôles des organisations et réseaux d’acteurs

Les interactions et réseaux d’acteurs ont une influence plus importante sur le processus

d’innovation que les acteurs individuellement. La construction de ces réseaux d’acteurs en

faveur de l’innovation est déterminée par un certain nombre de facteurs qui rendent possibles

les interactions. La figure 7 représente le chemin de construction des réseaux d’acteurs de

l’innovation où les principaux facteurs sont :

- le mode de financement,

- les stratégies et motivations des acteurs,

- les contraintes liées à la taille des entreprises, aux technologies, aux connaissances

nécessaires au développement des innovations et aux effets de l’environnement

économique, technologique et culturel d’utilisation de la technologie,

- le contexte institutionnel qui est l’ensemble des règles favorisant les interactions

d’acteurs.

Figure 8: Principaux facteurs influençant la construction des réseaux d’acteurs [Source : Enquêtes 2018, adapté de « l’économie des organisations », Menard, 2004]

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Plusieurs formes organisationnelles existent et nous pouvons les classer en deux types :

les structures simples et les structures complexes.

1-3-1- Structures organisationnelles simples

Ce sont des formes organisationnelles composées de deux (2) acteurs. Nos entretiens

avec les experts et les analyses bibliographiques suggèrent trois principales structures

organisationnelles simples.

La première est celle qui regroupe généralement deux entreprises qui, pour l’une d’elle, compte

tenu des spécificités de l’innovation et du développement d’un produit, sous-traite une activité

auprès de l’autre entreprise spécialisée ou ayant les compétences requises. C’est un partenariat

entre une entreprise cliente et une entreprise fournisseur qui ne fait pas intervenir d’actifs

spécifiques à la transaction. C’est par exemple le cas de l’entreprise Beapi qui, dans le cadre de

son offre d’OAD, sous-traite la partie « système informatique » auprès de l’entreprise Smag et

une partie « traitement des images satellitaires » de son offre technologique auprès du groupe

Isagri qui possède une expertise en télédétection et analyse d’images satellitaires. Cette relation

« contractuelle » dans le cadre du développement d’un service ou d’un produit est liée aux

contraintes technologiques, à la taille des entreprises qui n’intègre pas forcement toutes les

compétences, et aux stratégies d’entreprises dont l’un des objectifs est de fournir un service

complet (clé en main).

La deuxième structure organisationnelle simple est celle qui implique une entreprise et un

acteur de la recherche. En effet, certaines entreprises mobilisent un réseau de parties prenantes

où l’interlocuteur direct est un acteur de la recherche (INRA, IRSTEA) avec lequel ils

développent des relations de communication et de coopération autour de la construction et

l’évaluation des technologies innovantes. Il s’agit soit du « benchmark » technologique, soit de

la mobilisation des compétences et travaux de la recherche dans le sens de production d’un

nouveau service. Cet intérêt relève du fait que les outils numériques permettent de décloisonner

les travaux des chercheurs (Damave, op cit) et ainsi d’offrir des supports à l’innovation dans

les entreprises. Ce sont en effet des unités de recherche spécialisées qui travaillent soit sur la

recherche appliquée (par exemple le Cesbio sur l’usage de la télédétection en agriculture), soit

sur l’évaluation de technologies existantes (par exemple l’IRSTEA sur l’usage des technologies

innovantes pour réduire l’utilisation des intrants agricoles). La recherche-développement au

sein de ces entreprises n’est donc pas qu’interne et implique d’autres acteurs spécialisés.

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La troisième structure simple d’organisation est celle qui met en relation une entreprise et un

intermédiaire du monde agricole (CA, Coopératives). Cette forme de collaboration permet aux

entreprises d’évaluer les attentes des utilisateurs finaux de la technologie (agriculteurs), mais

aussi de tester les solutions innovantes en conditions réelles avec des agriculteurs. De

nombreuses entreprises développement un réseau impliquant les organisations agricoles dans

le but d’avoir un ancrage local et des interlocuteurs privilégiés pour la diffusion des

technologies produites.

Le tableau 5 présente le récapitulatif des principales caractéristiques des structures

organisationnelles simples qui prennent en compte par exemple des relations contractuelles de

type client-fournisseur ou d’autres types d’accords de partenariat.

Tableau 5: Principales caractéristiques des structures organisationnelles simples [Source : Enquêtes 2018]

Acteurs impliqués Entreprise – Entreprise

(client – fournisseur)

Entreprise – Recherche Entreprise –

Intermédiaire monde

agricole (CA, Coop)

Principaux intérêts

pour l’innovation

Sous-traitance d’une

activité pour le

développement des

innovations

Développement des

outils, tests et évaluation

Tests des technologies,

développement des

réseaux de diffusion

1-3-2- Structures organisationnelles complexes

Ce sont des formes organisationnelles qui regroupent plus de deux (2) acteurs et qui se

structurent principalement autour de relations de coopération, de communication et d’échange

entre les différentes parties prenantes. La structure institutionnelle qui permet ces interactions

s’inscrit généralement dans le cadre de programmes et projets de recherche et d’innovation.

Ainsi, des compétences et connaissances à la fois du monde des entreprises, de la recherche, de

l’enseignement, mais aussi des instituts techniques agricoles et des coopératives, sont

mobilisées dans le but de favoriser la co-construction des innovations. Leur capacité à interagir

dépend fortement des objectifs et des stratégies des différents acteurs.

Cette « nécessaire » interaction émerge de la volonté des différents acteurs de saisir tous

les aspects liés à l’innovation dans ce secteur, aussi bien sur l’amont que sur l’aval du processus

d’innovation. En effet, la spécificité de ces écosystèmes d’acteurs tient aux connaissances et

compétences particulières des membres, mais aussi à l’objet de ces interactions. Ces réseaux

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ont une diversité d’objets d’interaction, dont entre autres la réduction de la dépendance des

exploitations agricoles aux produits phytosanitaires, l’usage de la télédétection en agriculture

pour améliorer les rendements, le bien-être des agriculteurs et diverses autres thématiques

innovantes en agriculture.

Plusieurs formes organisationnelles existent ainsi pour favoriser le rapprochement entre

les acteurs de la recherche, de la formation et du développement. Il s’agit entre autres de : UMT

(Unité Mixte Technologique), RMT (Réseau Mixte Technologique), Chaire d’entreprises et

d’autres formes d’organisations multipartenaires.

Les UMT visent à faire collaborer des équipes de recherche publique et des organismes

techniques professionnels (instituts techniques agricoles ou agro-industriels) sur des objets de

recherche-développement à vocation nationale. Mises en place par le Ministère chargé de

l’agriculture, l’intérêt géographique est déterminant dans la construction de ces unités. Dans

cette même logique d’organiser des échanges d’acteurs du développement et de la recherche

autour de projets communs, les RMT ont été également créés en 2006 par le Ministère de

l’agriculture. L’intérêt de tels dispositifs est de remédier au cloisonnement entre les acteurs de

la recherche, de la formation et du développement. Enfin, les Chaires d’entreprises sont des

dispositifs de types programmes ou projets destinés à créer des liens entre la recherche, la

formation et les entreprises.

Remarquons que des structures simples d’interactions d’acteurs peuvent co-exister au sein de

ces structures organisationnelles complexes en fonction des stratégies d’acteurs et des enjeux

de positionnement des entreprises innovantes.

Dans le cadre de la recherche et de l’innovation en agriculture numérique, l’intérêt de

ces écosystèmes d’acteurs se situe au niveau des différentes étapes du processus d’innovation,

où le développement d’outils numériques s’insère dans des préoccupations d’amélioration du

bien-être des agriculteurs, d’amélioration de la gestion des intrants agricoles (produits

phytosanitaires, fertilisation, eau), d’optimisation de la production agricole, d’agro-

écologisation des pratiques.

1-3-2-1- Utilité de la recherche pour les entreprises innovantes

Des réseaux et organisations d’acteurs favorisent le rapprochement des différentes

parties prenantes pour répondre au mieux aux besoins des professionnels et aussi promouvoir

des pistes et orientations technologiques pour les entreprises. C’est par exemple le cas de

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l’UMT Ecotech Viti qui regroupe des chercheurs de l’INRA, l’IRSTEA et l’IFV autour de

l’évaluation de technologies innovantes pour réduire et optimiser l’usage de produits

phytosanitaires en viticulture. C’est également le cas du RMT Modelia (Modélisation et analyse

de données pour l’agriculture), dont l’objectif est de promouvoir la modélisation pour

l’agronomie et l’élevage, et de partager des expériences, connaissances et questionnements

concernant le développement et l’utilisation de modèles pour l’innovation et l’enseignement

agricole. Il regroupe des ITA (ACTA, Arvalis), des acteurs de la recherche (INRA, CIRAD,

IRSTEA), des entreprises (Itk, Agrosolutions), des établissements de formation professionnelle

agricole pour la mutualisation des compétences afin de favoriser l’innovation et le transfert de

connaissances aux entreprises qui sont les acteurs centraux du système d’innovation (OCDE,

2015).

1-3-2-2- Impacts des réseaux d’innovation sur le développement des outils numériques

Des associations impliquant des acteurs tels que : les entreprises engagées aux côtés des

instituts techniques agricoles, des acteurs de la recherche, des coopératives agricoles et d’autres

partenaires comme l’entreprise Orange Télécommunication et Météo France, permettent la

construction de solides réseaux engagés dans l’innovation en agriculture numérique et où les

compétences des divers acteurs sont mobilisées pour co-construire des solutions numériques

pour l’agriculture. C’est le cas du réseau de Digifermes lancé par Arvalis-Institut du Végétal en

partenariat avec l’IDELE (Institut de l’élevage), l’ITB (Institut de la Betterave) et Terre Inovia.

Ce sont deux fermes d’applications des innovations de l’agriculture numérique dont l’une

(située à Boigneville, dans l’Essonne) est dédiée aux grandes cultures avec trois systèmes de

production (bio, culture sous couvert permanant et système régional), et l’autre (située à Saint-

Hilaire-en-Woëvre, en Lorraine) est dédiée à des systèmes de polyculture-élevage. Elles

regroupent les acteurs de l’innovation autour quatre principaux axes :

- Mise en œuvre du pilotage numérique de la production en combinant les outils et

techniques existants

- Mise au point d’outils numériques directement opérationnels dans les exploitations

- Test d’outils et de prototypes proposés par les entreprises innovantes

- Pépinière d’idées offrant aux acteurs de l’innovation un terrain de jeu collaboratif pour

affiner leurs concepts.

Ces dispositifs d’accélérateurs d’innovations représentent pour les parties prenantes et surtout

pour les entreprises, une volonté de recherche et d’innovation collaborative. C’est aussi le cas

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pour d’autres associations telles que la « Ferme digitale » ou le « Mas numérique » qui sont des

associations qui favorisent la création de communautés d’acteurs pour la recherche et

l’innovation et qui proposent des sites de démonstration des technologies numériques

innovantes avant que celles-ci ne soient multipliées, commercialisées et adoptées, ou alors à

titre d’évaluation post-lancement. Les parties prenantes sont conscientes de la nécessité de la

mise en réseau et du partage des connaissances au sein de communautés d’acteurs. Néanmoins,

pour une entreprise, la question de savoir jusqu’à quel niveau le partage de connaissances se

ferait subsiste toujours. En effet, à l’instar d’autres secteurs de l’économie comme l’industrie

ou les télécommunications, l’agriculture numérique est aussi un secteur où les entreprises sont

dans des relations de compétition et où elles cherchent à se positionner sur des parts de marchés.

Ces stratégies se justifient encore plus lorsque d’autres acteurs comme les instituts techniques

agricoles, les coopératives ou les chambres d’agriculture se positionnent également sur des

offres de services numériques aux agriculteurs.

Les Chaires d’entreprises « AgroTIC » de Montpellier, et « Agro-machinisme et

nouvelles technologies » de Beauvais sont également des écosystèmes d’entreprises en lien

avec les acteurs de l’enseignement agricole et qui permettent aux entreprises de faire avancer

la recherche sur des thématiques scientifiques qui les intéressent afin d’anticiper les mutations

de l’agriculture et des nouvelles technologies, et se positionner sur des « niches ».

D’autres formes d’organisations moins « conventionnelles » permettent également de

structurer les réseaux d’acteurs. A la base, ce sont en effet des initiatives qui partent le plus

souvent d’un besoin clairement identifié par un acteur de l’innovation dont par exemple une

entreprise du secteur, qui fédère des compétences utiles pour répondre à un besoin. Les

entretiens avec les experts du secteur nous ont permis d’identifier certaines formes de réseaux

impliquant les entreprises, les coopératives agricoles, les instituts techniques agricoles et/ou les

acteurs de la recherche. Ces formes d’organisations ont généralement une triple fonction :

évaluation des technologies existantes, co-construction des innovations, et distribution de la

technologie auprès des agriculteurs à travers les intermédiaires que représentent les

coopératives.

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1-3-2-3- Carte des acteurs de l’innovation en agriculture numérique

La figure 5 est une représentation des acteurs du processus d’innovation de l’agriculture

numérique. Elle résume le positionnement des acteurs de l’innovation entre les différents

espaces d’interactions notamment pour la production (identification des besoins, recherche

fondamentale, recherche appliquée, prototypage), la mise en marché et l’utilisation finale des

innovations numériques.

Figure 7: Récapitulatif sur le positionnement des acteurs de l’innovation [Source :

Enquêtes 2018]

1-4- Dispositif institutionnel favorisant l’innovation en agriculture numérique

L’innovation en agriculture numérique apparaît comme une priorité pour une agriculture

compétitive et respectueuse de l’environnement sur la prochaine décennie (Rapport Agriculture

et innovation 2025, 2015). Le paysage institutionnel Français qui soutient la recherche et

l’innovation se caractérise par une multiplicité d’objectifs et une profusion d’instruments

(CNEPI, 2016). Ce paysage institutionnel se compose de dispositifs nationaux (Annexe 2), mais

aussi Européens en la matière.

Dans cette partie, il est question de comprendre dans quelle mesure les politiques, les

programmes, les projets et les réglementations Français et Européens impactent aussi bien

positivement que négativement l’innovation en agriculture numérique suivant deux principales

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dimensions : le financement de la recherche et de l’innovation, et l’adoption et utilisation des

technologies par les agriculteurs.

1-4-1- Politique d’innovation : Recherche et science

La politique nationale d’innovation est l’un des principaux piliers sur lesquels se fondent

les actions dans le sens de la recherche et de l’innovation. Plusieurs instruments sont mobilisés

autour de cinq objectifs principaux (CNEPI, op cit) : augmenter les capacités privées de R&D,

accroître les retombées économiques de la recherche publique, développer des projets de

coopération entre acteurs, promouvoir l’entrepreneuriat innovant, et soutenir le développement

des entreprises innovantes.

Deux principales visions émanent de ces objectifs à savoir : le financement de la recherche et

de l’innovation partenariale (levier 1) et le financement de l’innovation et du transfert (levier

2). Ces deux leviers sont résumés dans la Figure 8.

Figure 9: Principaux leviers du financement de l’innovation [Source : Enquêtes 2018]

Le dispositif actuel de la politique d’innovation résulte d’une évolution dans les

stratégies de développement et de promotion de l’innovation, et de l’évolution croissante du

nombre de structures d’accompagnement (Figure 9). Entre 2000 et 2015, le nombre de

dispositifs nationaux de soutien à l’innovation a été multiplié par deux, intégrant des dispositifs

de soutien aux partenariats et au transfert, et des dispositifs de soutien individuel aux projets et

aux entreprises.

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Figure 10: Nombre de dispositifs nationaux de soutien à l’innovation, 2000 et 2015 [Source : CNEPI, 2015]

Les secteurs agricoles et agroalimentaires représentent des enjeux de croissance et de

compétitivité pour la France17. Selon un rapport de la Direction générale de la performance

économique et environnementale des entreprises (DGPE, 2018), les principaux instruments

d’appui à la recherche et à l’innovation dans le secteur agricole sont :

- le Commissariat Général à l’Investissement (CGI) qui gère le Programme

d’Investissement d’Avenir (PIA)

- la Banque publique d’investissement (Bpifrance) qui rassemble les instruments de

financement des entreprises

- les pôles de compétitivité qui regroupent des entreprises, des organismes de recherche

et des établissements de formation autour d’une thématique et à l’échelle d’un terroir

- l’Etat à travers ses ministères sectoriels tels que l’agriculture, l’écologie ou la

recherche

- des dispositifs comme l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maitrise de

l’énergie) ou l’ANR (Agence Nationale de la Recherche) et le programme-cadre Européen de

recherche horizon 2020 (H2020) où l’innovation en agriculture représente l’une des

composantes du deuxième défi sociétal.

17 http://agriculture.gouv.fr/guide-des-dispositifs-nationaux-de-soutien-linnovation

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Financement de la recherche et de l’innovation partenariales : Une innovation à

visée « non concurrentielle »

Il s’agit de l’ensemble des dispositifs impliquant des partenariats collectifs

pluridisciplinaires (acteurs de la recherche, entreprises, ITA, coopératives, Chambres

d’agriculture, collectivités territoriales et autres acteurs) autour d’enjeux de recherche et

d’innovation agricole. Ce sont des dispositifs qui promeuvent l’innovation collaborative ou

l’open innovation, et une large diffusion publique des résultats de recherche au bénéfice de

divers communautés d’usagers. Des financements sont donc accordés pour la structuration, le

fonctionnement et la synergie des travaux de recherche au sein de ces réseaux d’acteurs. C’est

le cas par exemple des projets CASDAR (Compte d’affectation spéciale développement

agricole et rural) pilotés par le Ministère de l’agriculture et alimentés par la taxe d’exploitation

agricole. Ils ont pour missions essentielles de susciter la coopération transversale entre la

recherche, le développement et la formation à travers la création d’Unités Mixtes

Technologiques (UMT) et de Réseaux Mixtes Technologiques (RMT) coordonnées par les

instituts techniques agricoles. A titre d’illustration, de nombreux RMT financés par ce fond

travaillent dans le sens du développement des outils numériques en agriculture. C’est le cas par

exemple des RMT Fertilisation et environnement, Modelia, Sols et territoires, AgroEtica.

D’autres projets issus des RMT peuvent également s’inscrire dans le cadre d’appels à

projets des dispositifs ANR ou ADEME. En effet, l’Agence Nationale de Recherche (ANR) est

un acteur important dans le financement des investissements dédiés à l’innovation agricole,

l’objectif étant de financer la recherche publique et la recherche partenariale.

Dans le cadre des investissements d’avenir, l’agriculture numérique apparait comme un

enjeu essentiel de la recherche et de l’innovation. L’institut de convergence #DigitAg financé

par le PIA (programme d’investissement d’avenir) a pour objectif de fédérer des compétences

interdisciplinaires pour accompagner le recherche et l’innovation en agriculture numérique et

répondre aux enjeux de cette transition numérique. Le Plan Ecophyto 2018 du Ministère de

l’agriculture accompagne également la recherche et l’innovation. En effet, il fédère autour de

l’UMT Ecotech-viti des acteurs tels que l’IFV, l’IRSTEA et Montpellier SupAgro, et répond

aux objectifs de réduction de la dépendance des exploitations viticoles aux produits

phytosanitaires.

Des projets de coopération entre les acteurs de l’innovation en agriculture numérique

reçoivent aussi des financements du programme Européen pour la Recherche et l’Innovation

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H2020. C’est le cas des projets multi-acteurs Nefertiti (sur la construction d’un réseau Européen

de fermes pour améliorer la fertilisation croisée et l’appropriation de l’innovation à travers la

démonstration) et Smarter (sur l’efficacité et la résilience de l’élevage des petits ruminants)

pilotés par l’ACTA, Arvalis, INRA, IFV, IDELE.

D’autres mécanismes de fédération des acteurs et de co-financement impliquant à la fois

du financement public et privé, favorisent également l’innovation en agriculture numérique. En

effet, les enjeux autour du Big Data agricole soulèvent de nombreuses interrogations pour

lesquelles différents acteurs du secteur tentent d’apporter des réponses au sein de plateformes

d’échange. C’est le cas par exemple de la plateforme Api-Agro qui regroupe les instituts

techniques agricoles, les acteurs de la recherche-développement (INRA, l’APCA, Agro-

Transfert et Territoires), et dont l’objectif est d’interconnecter et de fédérer les acteurs des

secteurs publics et privés, autour de la valorisation des flux de données issues de l’agriculture

connectée. Elle est financée principalement par les instituts techniques agricoles, les Chambres

d’agriculture et des entreprises innovantes de l’agriculture numérique.

Financement de l’innovation et du transfert : une innovation à visée

« concurrentielle »

Cette forme de financement est généralement destinée aux projets d’innovation portés

par un acteur ou un groupe d’acteurs et dont les résultats peuvent être directement valorisés au

sein d’une entreprise sous la forme d’innovation de produit, de service ou de stratégie marketing

à destination du marché. Bpifrance et le PIA sont les principaux acteurs impliqués dans le

financement de ces projets. Deux principales stratégies de financement existent dans ces

conditions à savoir : le financement direct de l’innovation partenariale ou individuelle, et

l’allègement fiscal des entreprises innovantes.

Aussi, il convient de noter que le fait qu’une start-up soit une entreprise de l’agriculture

numérique ne change pas son mode de financement par les pouvoirs publics. En effet,

regroupées au sein de l’Agtech française (ou Agritech), les entreprises et start-up se sont

structurées autour de cette communauté pour accompagner la transformation digitale du secteur

agricole.

Parmi les modes de financement pour accompagner les entreprises innovantes de

l’agriculture numérique on peut citer par exemple :

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- La « bourse French tech » financé par Bpifrance qui accompagne les projets de création

d’entreprise à fort potentiel de croissance à partir d’une innovation à fort potentiel

technologique,

- Le « diagnostic data intelligence artificielle » également financé de Bpifrance qui

soutient les entreprises souhaitant trouver de nouvelles pistes de croissance et mettre

l’intelligence artificielle au service de la transformation du secteur agricole,

- Le crédit impôt recherche (CIR) qui est une mesure de soutien aux activités de recherche

et développement des entreprises, notamment sur des dépenses de recherche

fondamentale et de développement expérimental.

Ainsi, des start-up de l’agriculture numérique telles que Naio technologies et Sencrop ont été

accompagnées par Bpifrance dans le financement de leurs activités d’innovation. Même si ce

sont des financements à visée concurrentielle, ces investissements se font très souvent suivant

des logiques partenariales associant des acteurs tels que l’INRA ou l’IRSTEA qui travaillent

avec des start-up dans le cadre de projets R&D directement valorisables.

Les entretiens avec les experts du secteur ont révélé des faiblesses dans

l’accompagnement des investissements des entreprises notamment au niveau du capital-risque,

juste avant le démarrage et la maturité de l’entreprise. L’intensité des investissements en

capital-risque constitue un indicateur de l’évolution de la création et de la croissance de

nouvelles entreprises, notamment innovantes. Or en France, les PME rencontrent des difficultés

d’accès au financement sur ces phases (Fontagné et al., 2014). De nombreuses start-up ont

recours à des fonds d’investissements spécialisés dans l’innovation agricole. Une étude sur le

financement de l’innovation agricole révèle que sur 80 investissements de start-up, 40% ont eu

recours à un fond d’investissement du genre Capagro (Mangattale & Champagne, 2018).

Capagro est un fond français de capital-innovation dédié aux entreprises innovantes de

l’agriculture et de l’agroalimentaire, et dont le but est de permettre aux start-up ayant un produit

ou un service abouti d’accéder au marché et de se développer à grande échelle18.

1-4-2- Impacts potentiels de la Politique Agricole Commune (PAC) sur l’innovation en

agriculture numérique

La politique agricole commune (PAC) est la politique agricole de l’Union Européenne.

Chaque Etat de l’Union se charge de son application aux niveaux nationaux. Elle est structurée

autour de deux piliers : les aides directes et organisations communes du marché, et les mesures

18 http://capagro.fr

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58

de développement rural. Elle tente de répondre à un certain nombre d’enjeux de productivité et

de compétitivité de l’agriculture européenne.

Même si l’introduction dans la PAC des technologies numériques nécessaires au secteur

agricole n’est pas encore effective, des experts de l’agriculture numérique s’accordent sur la

nécessité d’une telle action19. Nous présentons dans cette partie quelques outils et instruments

de la politique agricole commune qui, potentiellement, favoriseraient ou entraveraient

l’innovation en agriculture numérique.

Les aides directes

Elles représentent l’une des principales composantes de la PAC. Ces aides se

décomposent en quatre (4) parties dont les plus importantes sont le payement « vert » et le

payement de base qui représentent à elles deux 90% de l’enveloppe financière allouée à cette

composante20. Ces aides sont soumises à un certain nombre de respect de pratiques agricoles

dont par exemple : le « prélèvement pour l’irrigation », la protection des eaux contre la

pollution des nitrates. L’agriculture de précision est fondée sur l’utilisation des technologies de

l’information et de la communication pour la gestion optimale des intrants selon les besoins des

cultures (Pivoto et al., 2018). C’est du moins l’argument défendu par les concepteurs et éditeurs

de solutions technologiques. Nos entretiens avec les experts ont révélé notamment l’intérêt des

différents acteurs pour l’utilité des outils numériques dans le sens de la traçabilité et de

l’enregistrement des pratiques agricoles et la conformation aux exigences réglementaires qui

conditionnent les aides. En effet, l’argument autour de la réglementation des pratiques agricoles

apparait comme déterminant pour l’innovation et l’adoption des outils numériques en

agriculture, sans toutefois éluder l’amélioration des performances économiques des

exploitations à travers la réduction des coûts des intrants.

Le Partenariat Européen d’Innovation

Le partenariat européen d’innovation (PEI) « productivité et développement durable »

de l’agriculture (PEI-AGRI), mis en œuvre depuis 2014, est l’instrument principal de

l’innovation du second pilier (développement rural) de la PAC. L’objectif est de créer une

synergie entre le programme européen de Recherche et d’Innovation - Horizon 2020 et le

développement rural. En effet, la PAC soutient le PEI-AGRI à travers le fond européen agricole

pour le développement rural (FEADER) qui appuie des projets collectifs régionaux ou

19 https://ec.europa.eu/agriculture/research-innovation/eip-agriculture_fr 20 http:// supagro.fr/capeye

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transrégionaux. La politique européenne de recherche (H2020) soutient des projets multi-

acteurs qui associent des acteurs de plusieurs états membres. Elle vise à rapprocher la recherche

et les acteurs de terrain pour repérer et développer des innovations adaptées à leurs besoins, par

la mise en place de projets partenariaux et la diffusion des innovations à l’échelle européenne.

Le PEI-AGRI a inscrit le développement et l’usage du numérique en agriculture, comme l’une

des thématiques prioritaires de son agenda. L’une des initiatives dans ce sens est la création de

la plateforme web Smart AKIS (Smart Agricultural Knowledge Information System) dont

l’objectif est de faire l’inventaire des connaissances et des innovations de l’agriculture

numérique adaptées aux besoins des agriculteurs21. Elle permet de créer un réseau autour des

acteurs impliqués dans l’innovation en agriculture numérique et le conseil agricole dont

notamment les agriculteurs, les organismes de conseils, les acteurs de la recherche, les

entreprises innovantes.

Conclusion partielle

Les entretiens avec les experts du secteur de l’agriculture numérique et les recherches

bibliographiques nous amènent à la conclusion selon laquelle l’innovation en agriculture

numérique est un processus collectif impliquant les entreprises innovantes (qui représentent de

nouveaux acteurs promouvant l’usage des NTIC en agriculture), les acteurs de la recherche et

de l’enseignement, les instituts techniques agricoles, les chambres d’agriculture, les

coopératives agricoles, les organismes privés ou indépendants d’expertise conseil agricole, les

agriculteurs. Ces acteurs travaillent au sein de réseaux d’innovation pour le développement de

nouvelles activités de recherche liées au développement du numérique en agriculture, et sont

en interactions autour de la technologie et des connaissances qu’ils contribuent à développer.

La première hypothèse est donc vérifiée au regard de ces résultats.

Le contexte institutionnel qui favorise l’innovation se caractérise par des politiques,

programmes et projets qui concourent au financement de l’innovation technologique

notamment sur la recherche-développement et au financement du transfert des innovations

numériques pour la création d’entreprises et services innovants. Ces dispositifs permettent

également de structurer les actions et interactions entre les différents acteurs du système

sectoriel d’innovation de l’agriculture numérique. Ce qui suggère que la deuxième hypothèse

de recherche est également vérifiée. Des mécanismes et dispositifs réglementaires existent

également et permettent de favoriser l’adoption des outils numériques pour l’agriculture.

21 https://smart-akis.com/index.php/fr/reseau/smart-akis

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CHAPITRE 2 : ANALYSE DE LA TRANSITION NUMERIQUE EN AGRICULTURE

L’innovation en agriculture numérique modifie le système d’innovation en agriculture

qui est traversé par de nouvelles connaissances, compétences, acteurs et réseaux d’acteurs. De

nouveaux paradigmes et un nouveau vocabulaire autrefois du domaine des sciences de

télécommunication et de l’informatique débarquent dans les exploitations agricoles. Une

agriculture émerge, plus mesurée, plus précise, intégrant une approche plus systémique avec la

prise en compte de « tous » les paramètres influençant la production. La question que l’on se

pose est de savoir jusqu’à quel niveau ces technologies numériques bouleversent-elles

l’environnement et les pratiques des acteurs du secteur. Afin d’enrichir la description du

système sectoriel d’innovation de l’agriculture, nous proposons ici un modèle d’analyse des

dynamiques en cours dans le secteur des outils numériques pour l’agriculture en France.

Véritable transition numérique dans un secteur qui a déjà connu une révolution récente avec

l’arrivée de la mécanisation et de la chimie, ou phénomène de « mode » ? C’est à cette question

que nous répondons à travers l’analyse de quelques indicateurs.

2-1- Description du paysage sociotechnique « Landscape »

Dans un contexte de croissance de la population mondiale, de changement climatique,

d’épuisement des ressources fossiles, de protection de la biodiversité et de lutte contre les

pollutions, l’agriculture moderne doit s’adapter et répondre à des enjeux de sécurité alimentaire

tout en limitant son empreinte écologique. Les contraintes biophysiques et sociales des

systèmes de productions sont donc complexes (Masse et al., 2013). Les innovations numériques

émergent en agriculture dans le but de répondre à ces enjeux et d’accroitre la productivité des

systèmes de production. Les entretiens avec des experts du secteur suggèrent que le

développement des technologies numériques en agriculture permet de répondre à des enjeux de

gestion optimale des exploitations agricoles pour la réduction de l’usage des intrants et une

agriculture plus respectueuse de l’environnement. Le principe de la modulation intra-

parcellaire, tant défendu par les entreprises innovantes et les autres acteurs du secteur vise à

réorganiser l’ensemble du système agricole pour une agriculture durable à haut rendement et à

faible consommation d’intrants (Shibusawa, 1998). L’influence des grandes entreprises comme

Bayer, Airbus ou John Deere s’avère importante à prendre en compte dans les dynamiques

observées. En effet, en enrichissant ses activités par le développement et la commercialisation

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des logiciels de gestion des exploitations agricoles22, Bayer, géant mondial de l’agrochimie se

positionne dans le secteur de l’agriculture numérique.

Ce contexte global représenté par des enjeux économiques, environnementaux,

énergétiques, stratégiques, démographiques et sociétaux, tend à modifier les relations entre les

acteurs des secteurs agricoles Français et Européen, et à faire émerger de nouveaux rapports

sociaux et de nouvelles interactions d’acteurs.

2-2- Analyse des indicateurs de la transition numérique en agriculture

Pour caractériser la coévolution de la technologie et de l’environnement de son

utilisation, nous avons analysé des indicateurs sur les dimensions économique, politique,

technologique, institutionnelle et culturelle, qui caractérisent la transition d’un régime

sociotechnique à un autre (Geels, 2002).

2-2-1- Dimension économique

Les indicateurs économiques de la transition numérique en agriculture sont analysés au

regard de la taille du marché occupé par l’agriculture de précision, du financement de

l’innovation et de l’adoption, des décisions d’investissements et des enjeux économiques autour

du Big Data.

Les innovations numériques en agriculture modifient les rapports entre les acteurs de

l’innovation en y incluant de nouvelles activités et connaissances. Mais ce ne sont pas les seules

transformations à l’œuvre. Des investissements financiers sont également mobilisés et

proviennent du secteur public (sous forme de financement du transfert de technologies ou de

crédit impôt recherche) et du secteur privé. Pour ce qui est de l’adoption des innovations, le

crédit agricole par exemple a mis en place le crédit « Agilor » qui permet de financer l’achat de

matériel agricole et qui depuis récemment permet de financer des diagnostics d’hétérogénéité

des sols23.

Même si le chiffre d’affaires des entreprises du secteur reste encore assez méconnu,

certains avancent le chiffre de 3,7 milliards de dollars comme prédiction pour 2018 et un taux

de croissance annuel moyen de 13,6% pour ce qui est du machinisme agricole24. Les prévisions

du marché des drones professionnels pour l’agriculture de précision dans le monde en 2020

22 https://www.bayer.fr 23 https://www.credit-agricole.fr 24 https://www.pleinchamp.com/machinisme/actualites-machinisme

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sont estimées à 1,2 milliard de dollars contre environ 200 millions de dollars en 2015, où

l’entreprise française Parrot est l’un des leaders du secteur25.

Des millions de données sont produites chaque jour sur les exploitations agricoles avec

la multiplication des objets connectés. L’Agence spatiale européenne estime à 5 millions de

milliards d’octets stockés pour les images de ses satellites Sentinel26. Selon les entretiens que

nous avons eus avec les acteurs du secteur, ces données agricoles représentent une source

d’optimisation des pratiques agricoles mais également un intérêt économique et stratégique. Le

positionnement du géant mondial de l’internet Google qui se rapproche des constructeurs de

matériels agricoles et prend des participations au capital des start-up agricoles27 est une

illustration de cet intérêt pour la « data » agricole. De même, avant d’être rachetée, Monsanto

avait déjà investi 1 milliard de dollars dans le big data agricole en rachetant The Climate

Corporation qui est une société de conseil agricole qui analyse les données météorologiques et

pédologiques28.

2-2-2- Dimension politique

Sur le plan politique et institutionnel, les questions autour du Big Data, de la propriété,

de l’usage et du partage des données agricoles entrainent également des évolutions dans le

secteur. En effet, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) et les

Jeunes agriculteurs (JA) ont produit une charte sur l’utilisation des données agricoles nommée

« Data Agri » 29. C’est le résultat d’une volonté de labelliser les constructeurs et éditeurs de

solutions numériques en agriculture afin de valoriser et sécuriser les données des exploitants

agricoles.

L’institut de convergence # Digitag30 se positionne comme un acteur de cette transition

en impliquant une société d’accélération du transfert de technologie (SATT AxLR) dans la

formation à l’entreprenariat des étudiants, la détection des résultats de thèses innovants et

potentiellement valorisables, la protection intellectuelle et la mise en valeur des technologies

innovantes.

25 https://fr.statista.com/statistiques/croissance-marche-drones-professionnels-agriculture-de-precision-monde 26 https://www.esa.int 27 https://www.terre-net.fr 28 https://climate.com 29 https://www.terre-net.fr 30 http://www.hdigitag.fr

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2-2-3- Dimension technologique

Les enjeux sectoriels sont relatifs à l’interopérabilité, l’ergonomie et la fiabilité des

outils selon certains experts enquêtés. Ce sont en effet les questions que se posent les

constructeurs de solutions numériques tout au long du processus d’innovation. Ainsi, en plus

de l’incertitude relative aux besoins réels des agriculteurs, les entreprises et acteurs du

développement des outils numériques se confrontent aux problèmes de communication entre

les divers systèmes informatiques dans lesquels ils développent des logiciels, applications et

consoles embarquées. Néanmoins, la norme électronique ISOBUS représente un effort des

acteurs de l’agroéquipement et permet de rendre les systèmes des différents constructeurs plus

inter-fonctionnels. C’est un protocole de communication géré par l’AEF (Agriculture

Electronic Fondation) destiné à simplifier la communication tracteur-console31 et permettre à

l’agriculteur de sortir des logiques de formats constructeurs.

Aussi, des entretiens avec les experts du secteur, il ressort que l’une des réflexions majeures

que les entreprises intègrent dans les projets de R&D est la question du stockage des données

collectées. En effet, face au volume de plus en plus important des données collectées et

l’accroissement de la consommation en énergie des objets connectés, des constructeurs de

solutions numériques procèdent à des essais de processeurs de nouvelles générations capables

de réduire la consommation d’énergie liée à la collecte et au stockage des données.

Dans le même temps, des constructeurs de solutions numériques enquêtés alimentent

des réflexions autour du développement des technologies qui fonctionnent sans internet. En

effet, la couverture haut débit étant plus faible en zone rurale qu’en zone urbaine (Commission

de l’aménagement du territoire et du développement durable, 2015), les constructeurs de

solutions informatiques conçoivent des technologies innovantes pouvant fonctionner sans

couverture internet.

2-2-4- Dimension organisationnelle

L’innovation en agriculture numérique fait intervenir de nouvelles connaissances mais

aussi de nouveaux acteurs. En effet, la description du SSI nous a permis de mettre en évidence

le rôle des constructeurs et éditeurs de solutions numériques, des instituts techniques agricoles

et de la recherche publique. Ces acteurs sont parties prenantes des structures organisationnelles

favorables aux interactions dynamiques au gré des stratégies et donnant lieu à des relations

31 https://www.aef-isobus-database.org

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permettant de co-construire les innovations. De nouvelles prérogatives sont dévolues à ces

acteurs et réseaux d’acteurs de l’innovation.

Dans le même temps, les entreprises innovantes du secteur se structurent autour de l’Agritech

française afin de répondre à cet objectif de transformation du secteur agricole où elles se

positionnent sur les ressources (marketplace agricole ou réseau social), la production (logiciels

de gestion, production industrielle innovante, IoT de collecte des données agricoles, OAD) et

les débouchés (commercialisation, qualité, traçabilité)32. Les start-up se positionnent donc sur

l’ensemble de la filière agricole dans le but de répondre aux besoins des acteurs du secteur.

2-2-5- Dimension culturelle

Nous analysons la dimension culturelle de la transition au regard de la perception des

agriculteurs, de l’usage et de l’adoption des outils numériques. En moyenne, 46% des

agriculteurs étaient équipés de GPS en 2013 et 76% des exploitants connectés reconnaissaient

l’utilité des nouvelles technologies pour l’agriculture33. De plus, d’après un sondage publié sur

le site internet terre net, environ 50% des agriculteurs disent avoir recours à la modulation de

la fertilisation dans leurs exploitations en toute confiance, et les OAD en fertilisation azotée

sont les plus utilisés par les agriculteurs pour ajuster les doses d’engrais à apporter34. De la

capacité des entreprises à développer des outils facilement utilisables et interopérables dépend

l’adoption ultérieure par les exploitants agricoles.

2-3- Discussion

L’usage des technologies de l’information et la communication en agriculture introduit

des changements dans les rapports des différents acteurs du secteur et entraine une évolution

des systèmes de production de plus en plus précis et connectés. Pour répondre à ces

changements, notre étude a montré que les acteurs du système d’innovation agricole

développent de nouvelles connaissances et compétences. Tout comme Malerba (2002)

l’indique, nos résultats soulignent que les entreprises innovantes du numérique deviennent

progressivement des acteurs déterminants du système d’innovation qui se construit, et elles

jouent un rôle important au sein des réseaux d’innovation de l’agriculture numérique. Ces

résultats sont conformes à ceux de Busse et al. (2014) qui, en analysant l’innovation en

agriculture numérique en Allemagne, montrent que les start-up sont les acteurs les plus

32 https://medium.com/xangevc/cartographie-des-start-ups-agritech-en-france 33 http://agriculture.gouv.fr/infographie-les-chiffres-cles-de-lagriculture-connectee 34 https://www.terre-net.fr/sondage

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importants du système sectoriel d’innovation, alors que les entreprises de l’agrofourniture sont

plus en retrait. De même, la recherche publique est un acteur important du SSI par la

mobilisation des compétences et l’accompagnement des entreprises dans le développement des

outils numériques. Ces résultats de Busse et al. (2014) sont similaires à ceux que nous avons

obtenu en France où les acteurs de la recherche permettent également de structurer les réseaux

d’acteurs et de coordonnent les projets collaboratifs. Tout comme Klerkx et al. (2010)

soulignent l’importance des interactions d’acteurs et des réseaux d’innovation pour créer des

changements dans leur environnement et établir un contexte propice à la réalisation et à

l’intégration durables des projets d’innovation, nos résultats mettent également en évidence

l’importance des formes organisationnelles (relations de types clients-fournisseurs, UMT,

RMT, Chaires d’entreprises, projets collaboratifs) impliquant les différents acteurs de

l’innovation. Ces résultats sont également partagés par les travaux de Busse et al. (2015) sur

l’analyse des technologies numériques de conduite d’élevage en Allemagne. En effet, ils

mettent en évidence le rôle des réseaux d’acteurs composés principalement de la recherche

publique, des concepteurs de solutions numériques et des agriculteurs, pour l’innovation. Notre

étude montre que les agriculteurs n’ont pas qu’un rôle d’adoptant des innovations, mais qu’ils

peuvent impulser également des dynamiques dans le développement des outils numériques à

travers les retours qu’ils font aux entreprises innovantes via les réseaux d’acteurs auxquels leurs

intermédiaires (chambres d’agriculture, groupements coopératifs) participent.

Même si en France les obstacles à l’innovation sont pour la plupart non technologiques

et relatifs aux difficultés des entreprises à combiner des compétences techniques et

commerciales dans le processus d’innovation (Dos Santos Paulino & Tahri, 2014), notre étude

montre que pour ce qui est du secteur de l’agriculture numérique, ces difficultés seraient

surmontées par leur participation à des projets collaboratifs et réseaux d’acteurs qu’ils

contribuent à structurer, ce qui leur permet de fédérer les compétences nécessaires à

l’innovation.

Notre étude souligne le rôle important que jouent les institutions (North, 1990) dans

l’innovation en agriculture numérique tout comme les travaux de Tuncel & Polat, (2016), et

Gamba, (2017) respectivement dans le secteur des machines industrielles et le secteur

pharmaceutique. En effet, la politique d’innovation et de recherche, et la politique agricole

commune favorisent l’innovation respectivement à travers le financement de la recherche et du

transfert de connaissances aux entreprises, et les réglementations environnementales qui

représentent des facteurs d’adoption des innovations. Des résultats qui sont similaires à ceux de

Page 66: DESCRIPTION DU SYSTEME SECTORIEL …...DESCRIPTION DU SYSTEME SECTORIEL D’INNOVATION DE L’AGRICULTURE NUMERIQUE Mémoire de Recherche présenté par Babatoundé Boris Biao Le 21

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Busse et al. (2014), avec toutefois quelques nuances pour ce qui est de l’impact de la politique

agricole commune où les implications dans l’adoption des innovations n’étaient pas clairement

établies.

L’approche MLP nous a permis d’identifier quelques d’indicateurs de la transition

numérique en agriculture. Même s’il est difficile de prévoir les changements dans un secteur du

fait de l’incertitude et de la faible capacité à anticiper l’évolution de l’environnement, l’analyse

économique traditionnelle des entreprises considère que les comportements sont définis de

manière à répondre de façon optimale aux caractéristiques de l’environnement sectoriel dans

lequel elles évoluent afin de s’y adapter (Moati, 2013). Notre étude suggère que ce constat

semble également valable pour le secteur de l’agriculture numérique où les entreprises

innovantes du secteur et des grandes entreprises comme l’américain Google ou l’Européen

Airbus dont les activités principales conventionnelles sont respectivement l’internet et

l’aéronautique, tentent de s’adapter et se positionner sur des « niches » qu’offre le

développement des technologies numériques pour l’agriculture. Ces résultats n’ont pas été mis

en évidence par les travaux de Busse et al. (2014) en Allemagne.

Enfin, nos résultats suggèrent des dynamiques de coordination des acteurs du secteur et

d’adaptation des technologies numériques à l’environnement de leur utilisation. Ce qui

vraisemblablement suggère l’absence du phénomène de dépendance de sentier ou de

verrouillage du système sociotechnique (Geels & Schot, 2007). C’est d’ailleurs ce qui pourrait

justifier l’intérêt accordé au développement de ces innovations numériques pour

l’accompagnement de la transition écologique (Rapport Agriculture et innovation 2025, 2015).

Conclusion partielle

Le dispositif organisationnel et le contexte institutionnel d’innovation consécutifs au

développement de l’agriculture numérique font émerger de nouveaux rapports entre la

technologie et l’environnement de son utilisation. La description du paysage sociotechnique et

des indicateurs économiques, politiques, technologiques, organisationnels et culturels, permet

de caractériser la transition vers une agriculture plus connectée. La troisième hypothèse de

recherche est donc vérifiée. Les actions des acteurs du système, les enjeux autour du Big Data

et de la protection des données, et les autres indicateurs présentés ci-dessus ont une influence

sur les activités et les processus économiques, et représentent des indicateurs de la

transformation des structures sociales qui soutiennent la production, la diffusion et l’utilisation

des technologies numériques en agriculture.

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CONCLUSION GENERALE

La présente étude est une contribution à l’analyse de l’innovation en agriculture

numérique à travers une approche sectorielle qui nous a permis de caractériser les outils

numériques en agriculture, les acteurs et les réseaux d’acteurs et les institutions qui favorisent

l’innovation.

Le développement des outils numériques en agriculture vise l’amélioration de la gestion

technique, économique et environnementale des exploitations agricoles. Ces outils couvrent

aujourd’hui des applications diverses dont notamment la production, la commercialisation, la

traçabilité et la qualité des produits. Les acteurs de l’innovation proviennent du monde des

entreprises innovantes, de la recherche et du monde agricole. Ils travaillent au sein de réseaux

pour développer ces outils numériques. Le contexte institutionnel favorable à l’innovation

évolue également suivant les avancées technologiques afin de s’y adapter.

La transformation digitale de la société et de l’agriculture marque l’émergence d’un

nouveau paradigme qui réassocierait productivité et écologie dans le sens de « l’écologisation

des pratiques agricoles ». La présente recherche est une contribution aux réflexions sur la

transition en agriculture numérique, et arrive à la conclusion selon laquelle les innovations

numériques modifient l’environnement institutionnel d’interaction des acteurs de l’innovation

et font émerger de nouveaux rapports entre agriculture et société. Même si notre analyse de la

transition numérique en agriculture à travers l’approche par le système sociotechnique souligne

un certain nombre d’indicateurs d’une évolution des rapports à la production et à l’usage des

outils numériques en agriculture en France sans toutefois présager de son ampleur réelle, elle

met en évidence, pour ce qui est de la trajectoire d’évolution, que les innovations sortent

progressivement des niches et modifient le régime sociotechnique, cela en raison des facteurs

qui le permettent. Nous pouvons dire donc clairement que l’innovation en agriculture

numérique n’est plus au stade de niches d’innovations, mais qu’elle tend à modifier les

configurations sociales, économiques, politiques, culturelles et à en faire émerger de nouveaux.

Cette (ré)évolution numérique soulève toutefois des interrogations sur l’avenir du métier

d’agriculteur, les impacts sociaux, sociétaux et environnementaux de ces innovations.

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ANNEXES

Annexe 1 : Guide d’entretien des experts enquêtés

Le guide d’entretien s’adresse aux acteurs du secteur de l’agriculteur numérique dont

entre autres : entreprises qui conçoivent et éditent des solutions technologiques (des start-up et

entreprises innovantes qui travaillent avec des coopératives agricoles ou des agriculteurs, des

plateformes en ligne de mise en relation d’acteurs du monde agricole), organismes et pôles de

recherche (Montpellier, Toulouse, Rennes et Dijon), pôles d’enseignement agricole, instituts

techniques agricoles, chambres d’agriculture et organismes de conseil agricole (public ou

privé), coopératives agricoles et agriculteurs.

Objectifs

L’objectif général de ce guide d’entretien est d’établir une cartographie des acteurs et des

interactions entre acteurs (infrastructure sociale au sens de Geels) qui interviennent et favorisent

l’innovation dans le secteur de l’agriculture numérique en France, de caractériser le système

sectoriel que représente l’agriculture numérique et d’analyser ce processus d’innovation au sein

de ce secteur. De façon spécifique :

- Identifier et caractériser les technologies et la base de connaissance du secteur

- Analyser la demande au sein de ce secteur

- Identifier et caractériser les acteurs qui interviennent dans l’innovation en agriculture

numérique

- Déterminer les rôles de ces acteurs dans le sens de l’innovation dans l’AN

- Caractériser les relations et réseaux d’acteurs de l’innovation

- Retracer et caractériser le processus d’innovation dans ce secteur

- Identifier d’éventuelles difficultés et atouts du processus d’innovation

- Analyser la dynamique au sein de ce secteur et les éléments de prédiction d’une

transition technologique

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Concepteurs et éditeurs de solutions technologiques en agriculture (entreprises)

1- Quels sont les objectifs et missions de l'entreprise ?

2- Quelle est la taille de l’entreprise ? nombre de personnes, localisation

3- Quelle est l’organigramme au sein de l'entreprise ? Composition du comité de direction et

profil des membres ? : Structure de l’entreprise

4- Quels sont les types de production agricole ou système de production cibles de votre

entreprise ?

5- Quelles sont les solutions apportées et services offerts (selon les types de production ?) ?

Logiciels/applications ? Capteur ? Conseil ? Ressource humaine ?

6- Quelles sont les compétences mises en avant dans l’entreprise (suivant le domaine

d’expertise) ?

7- Quels sont les profils des experts de l’entreprise (expertises, parcours professionnels, profils

‘académique’) ?

8- Quelles sont les données d’entrée (technologiques, agronomiques) pour mettre en place une

technologie

9- Que pensez-vous de l’adéquation entre les solutions offertes et les besoins des agriculteurs

(types de productions agricoles – zones d’interventions - solutions apportées) ?

10- Y aurait-il des services non couverts ou des manques ?

11- Quelles sont vos cibles (profils clients-types) ?

11 bis- Ciblez-vous directement les agriculteurs ou plus des intermédiaires (chambre

d’agriculture, coopératives, organismes de conseil ou autres) ?

12- Quelle est la taille de marché de l'entreprise en termes de :

Nombres de coopératives clientes

Filières agricoles spécialisées

Nombres d'agriculteurs clients (pour des négoces)

Nombres d'agriculteurs adhérents (pour des coopératives)

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Nombre et types d’intermédiaires (chambre d’agriculture, coopératives, sociétés de conseil…)

Superficies (intervalles) agricoles couvertes par chaque entreprise et région de couverture)

13- Quelles sont les grandes étapes du processus d’innovation de votre entreprise (de la

recherche à la mise en marché du produit) ?

14- Comment est organisée la R&D au sein de votre entreprise ?

15- Quels sont les partenaires (internes et externes) en matière d’innovation et de recherche au

sein de l'entreprise (y compris les entreprises et filiales R&D) ?

16- Quels sont les types de relations (collaborations) avec ces partenaires (description) ?

17- A quelles étapes les partenaires interviennent-ils dans le processus d’innovation ?

18- Quels sont les rôles des partenaires dans le processus d’innovation technologique ?

19- Quelle est la structure de votre section (ou filiale) de la R&D (taille de la structure, profils

d’experts, compétences) ?

20- Quelles sont les projets au sein de la R&D (en cours, buts visés, thèmes des projets) ?

21- Quelles sont les difficultés perçues de mise au point de l'innovation (difficultés

technologiques et non-technologiques) ?

22- Quelles sont les difficultés perçues à la mise au point de l’innovation qui sont inhérentes

aux clients (classification selon les clients : agriculteurs, coopératives, intermédiaires…) ?

23- Comment toutes ces difficultés sont-elles contournées (des projets développés pour y faire

face ?) ?

Grille de réponses sur la R&D

- Organisation de la R&D (interne ou externe)

- Enjeux de la R&D (consolidation du marché actuel, exploration d’autres perspectives

ou autres)

- Freins à la R&D (technologiques, organisation, coopération, financement ou autres)

24- Quelles sont les sources de financement par les agriculteurs des services technologiques

fournis ?

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Instituts et organismes de recherche (Montpellier, Toulouse, Rennes et Dijon)

1- Quels sont les grands projets (ou orientations) de recherche en agriculture numérique ?

2- Comment ces projets sont-ils identifiés ?

3- Quelles sont les compétentes mobilisées dans le cadre de ces projets ?

4- Quels sont les profils (disciplines) des chercheurs qui y travaillent ?

5- Quelles sont les relations avec les entreprises, les start-up dans les activités de recherche ?

6- Les entreprises sont-elles associées ou ont-elles une influence sur les choix et définitions des

axes recherche en agriculture numérique ?

7- Quelle est la place des agriculteurs dans la définition et la conduite des projets de recherche ?

8- Quels sont vos rôles dans le processus d'innovation dans ce secteur de l’AN ?

« Situer le rôle dans le processus d'innovation (amont ou aval), un processus linéaire ou non »

9- Quelles relations avec les autres acteurs du secteur (instituts techniques, enseignement

agricole, chambre d’agriculture, organisations de conseil agricole, coopératives) ?

10- Quels sont les grands enjeux perçus du numérique dans l’agriculture ?

11- Quels sont les freins et les opportunités (technologique et non technologique) perçus à

l'innovation dans le secteur de l’agriculture numérique ?

12- Comment ces freins sont-ils appréhendés ?

Pôles d'enseignement agricole

1-Quelles sont les cibles d’enseignement (CAP, BTS, ingénieurs agro, …) ?

2- Quelles sont les tailles de promotions ?

3- Y a-t-il des enseignants « experts » en agriculture de précision ?

4- Y a-t-il des cursus spécialisés ?

5- Quelle est la vision du numérique en agriculture dans les enseignements (intégration aux

cursus de formation…) ?

6- Quelles sont les relations avec les autres acteurs du secteur (organisations financières,

recherche, entreprises ou autres) ?

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7- Quels sont les freins et les opportunités perçus à l’innovation dans l’agriculture numérique ?

Instituts techniques agricoles (membre du réseau acta)

1- Quelles sont les filières de spécialisation ?

2- Quelles sont les missions ?

3- Quels sont les projets portés dans le secteur de l’agriculture numérique (par filière) ?

4- Comment ces projets sont-ils définis ? Quelles sont les priorités ?

5-Quelle est la vision de la structure par rapport à l’innovation en l’agriculture numérique ?

6- Quelles sont les actions dans le sens de l’innovation dans l’agriculture numérique ?

7- Quelles sont les relations (collaborations) avec les entreprises et start-up qui développent des

solutions technologiques et quels rôles dans les processus de production de ces technologies ?

8- Quels sont les freins ou difficultés (technologiques et non technologiques) perçus à

l’innovation numérique dans l’agriculture ?

Chambre d'agriculture et organismes de conseil agricole (public ou privé)

1- Quels sont les objectifs et missions de la structure ?

2- Quel est votre rôle dans la structure ?

3- Quels sont les domaines d'interventions de la structure (type production et les services) ?

4- Quels sont les profils des techniciens (expertises, profil ‘académique’) ?

5- Quel est le nombre d’agriculteurs ? De conseillers ? Agriculteurs/conseiller ?

6- Quels sont les principaux besoins des agriculteurs de la région ?

7- Quelles sont les technologies numériques les plus utilisées par les agriculteurs ?

8- Quelles sont les initiatives ou technologies que vous proposez dans le sens de l’usage du

numérique en agriculture (du style Innov’Action, Mes parcelles ou autres) ?

9- Comment évaluez-vous la motivation des agriculteurs à participer à ces initiatives ?

10- Comment ces initiatives sont-elles perçues par les agriculteurs ?

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11- Les agriculteurs et/ou les conseillers ont-ils participé au développement de nouvelles

solutions numériques pour l’agriculture ? Lesquelles ?

12- Quels sont selon vous les freins et les atouts de ces initiatives ?

13- Quels sont les atouts de l’utilisation du numérique pour les agriculteurs du point de vue de

triple performance (économique, sociale et environnementale) ?

14- Quels sont les freins et opportunités (technologiques et non technologiques) de l’innovation

dans l’agriculture numérique ?

15- Quelles sont les sources de financement par les agriculteurs des services technologiques

fournis ?

Coopératives

1-Quel est le nombre d’adhérents ? Régions d’interventions ? Nombre de conseillers ?

2- Quels sont les outils numériques généralement proposés aux agriculteurs ?

3- Quels sont les usages des outils fournis aux agriculteurs ?

4- Combien d’abonnés (intervalle) par service ?

5- Quelles sont les initiatives de la coopérative en faveur de l’usage du numérique en

agriculture ?

6- Quels sont les difficultés et les atouts à la mise en œuvre de ces initiatives ?

7- Quels sont les atouts perçus par la coopérative de l’utilisation du numérique en agriculture ?

8- Les agriculteurs et/ou les conseillers ont-ils participé au développement de nouvelles

solutions numériques pour l’agriculture ? Lesquelles ?

9- Si oui en quoi consistait leur participation ?

10- Y-a-t-il des agriculteurs (de façon indépendante ou en collectif) qui participent à l’offre de

solutions technologiques : des agriculteurs acteurs de l’offre (ex : sur les plateformes de conseil

en ligne…) ?

11- La coopérative a-t-elle des partenariats avec des entreprises qui offrent des outils

numériques ? Si oui lesquelles ? Et quelles formes de partenariats ? (Réseaux de la coop)

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12- Que pensez-vous de ce changement technologique ? Quels sont les atouts et difficultés ?

13- Quels sont les besoins de renforcement des compétences des agriculteurs (usage,

organisation, formation et autres) et pour quels outils spécialement ?

14- Quelles sont les principales sources de financement par les agriculteurs des services

technologiques fournis ?

Agriculteurs

1- Quel est le type de production/superficie ?

2- Quels sont les outils numériques de votre exploitation/Des outils de quel(s) fournisseur(s) ?

3- Quelles sont les raisons pour lesquelles vous utilisez ces outils numériques dans votre

exploitation ?

4- Des acteurs vous ont-ils influencé dans le choix de vos outils numériques ? Qui sont-ils ? Et

comment l’ont-ils influencé ?

5- Avez-vous participé au développement de ces technologies numériques ou d’autres

technologies en agriculture ? Si oui de quelle manière ?

6- Quelles sont les difficultés d’utilisation de ces outils numériques dans votre exploitation ?

7- Quels sont vos besoins en termes d’apprentissage de l’utilisation de ces outils numériques ?

8- Comment avez-vous acquis ces outils (achat ou autres) ?

9- Comment financez-vous l’acquisition de cette technologie ?

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Annexe 2 : Panorama des dispositifs nationaux de soutien à l’innovation 2014 – 2015 [Source : CNEPI, 2015]

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Annexe 3 : Liste des personnes enquêtées

- Xavier Delpuech, Responsable du Projet Pulvélab, IFV-IRSTEA

- Guillaume Fernandez, Co-fondateur de Agriscope

- Anthony Clenet, Directeur Innovation chez Smag, et Directeur d’Agro Digital (Invivo)

- Valerie Demarez, Chercheur au Cesbio

- Guillaume Laplace, Responsable Mes « parcelles » et agriculture de précision, Chambre

d’agriculture Haute-Garonne

- Charles Duval, Chef de projet agriculture de précision à Beapi

- Bruno Tisseyre, Enseignant-Chercheur, UMR ITAP

- Gilles Cavalli, co-fondateur de Agrifind

- Léo Pichon, Responsable de la Chaire AgroTIC, Montpellier SupAgro

- David Sheeren, Responsable pédagogique du master de spécialisation Agrogéomatique,

Toulouse

- Anne Paulhe-Massol, Directrice Innovation à Arterris

- Stéphane Chapuis, Responsable service Agroéquipement de la Fédération Nationale des

CUMA (FNCUMA)

- Julie Coulerot, Directrice Générale d’Agro-conseil

- Thierry Veronèse, Directeur scientifique à Ovalie Innovation (Maisadour et Vivadour)

- Delphine Bouttet, Responsable Digiferme Boigneville (Arvalis)