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REVUE PRÀTI DES SOClÉTÉS ClVILES·& COMlVEERCIALES No - De l'augmentation du capital des Sociétés anonymes par incorporation des réserves, au point de vue du droit commer- cial et de la taxe mobilière. l. - Fréquemment les sociétés anonyl11es, au lieu de demander a leurs actionnaÏI'eS ou des tiei'S de nouveaux. apports, en tout ou en p_artie, leurs réserves dans le capital et majorent à due concurrence le de leur capital nominal. Cette opération soulève, tant en droit commercial qu'en clmit fiscal, des problèmes ardus autour desquels se nouent dlardentès contro- verses. Il uous a paru intéressant .d'examiner les divers aspects de la question. 2. - Division fonclamentctle. - Deux 1J1·océclés. L'incorporation des réserves dans le capital social peut se réaliser de deux manières. Un premier mode consiste à distribuer les réserves aux action- naires et à procéder concurremment a une augmentation de capital, chaque actionnaire étant libre de souscrire ou de ne pas souscrire d nouvelles. Si Factionnaire opte pour la négative, il recevra, en numéraire, sa . part des réserves ; s'il use, au contraire, de la faculté qui lui est donnée de souscire des actions nouvelles, il consacrera à la libération de celles-ci les fonds lui compétant dans les réserves distribuées : compensation interviendra entre les sommes respectivement dues par la société et l'associé. Ce premier mode est dit " Incorporation (ou conversion) " Le second procédé consiste ;\ incorporer cl' office les réserves dans le capital, par une décision de l'assemblée générale. En tel câs, les actionnaires ne disposent pas de l'option qui leur est consentie dans la première hypothèse. Il ne leur est pas loisible de demander le ver- sement de leur quote-part des réserves. . Ce second mode est dit: " obligatoire." 2738. 1 KATH. LEUVEN. Ne der/

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REVUE PRÀTI DES

SOClÉTÉS ClVILES·& COMlVEERCIALES

No 2738~ - De l'augmentation du capital des Sociétés anonymes par incorporation des réserves, au point de vue du droit commer­cial et de la taxe mobilière.

l. - Fréquemment les sociétés anonyl11es, au lieu de demander a leurs actionnaÏI'eS ou ~t des tiei'S de nouveaux. apports, incorporent~

en tout ou en p_artie, leurs réserves dans le capital et majorent à due concurrence le ~chiffre de leur capital nominal.

Cette opération soulève, tant en droit commercial qu'en clmit fiscal, des problèmes ardus autour desquels se nouent dlardentès contro­verses.

Il uous a paru intéressant .d'examiner les divers aspects de la question.

2. - Division fonclamentctle. - Deux 1J1·océclés. L'incorporation des réserves dans le capital social peut se réaliser

de deux manières. Un premier mode consiste à distribuer les réserves aux action­

naires et à procéder concurremment a une augmentation de capital, chaque actionnaire étant libre de souscrire ou de ne pas souscrire d ~actions nouvelles.

Si Factionnaire opte pour la négative, il recevra, en numéraire, sa . part des réserves ; s'il use, au contraire, de la faculté qui lui est

donnée de souscire des actions nouvelles, il consacrera à la libération de celles-ci les fonds lui compétant dans les réserves distribuées : compensation interviendra entre les sommes respectivement dues par la société et l'associé. Ce premier mode est dit " Incorporation (ou conversion) fac~tltative. "

Le second procédé consiste ;\ incorporer cl' office les réserves dans le capital, par une décision de l'assemblée générale. En tel câs, les actionnaires ne disposent pas de l'option qui leur est consentie dans la première hypothèse. Il ne leur est pas loisible de demander le ver-sement de leur quote-part des réserves. .

Ce second mode est dit: " Incorpor~tio1~-{ou con~ersion) obligatoire."

N° 2738.

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KATH. UNIV~RSJTEIT LEUVEN. Ne der/

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2 DOCTÎUNB

3. - Incmporation f~cultative. Ce premier procédé ne soulève pas de difficulté; au point de vue du

deoit commercial. Une seule remarque doit être faite, c'est que la 1·éserve légale, que 'l'on s'accorde, en raison de sa destination, à elire insusceptible de distrioution pen clan t la durée de la vie sociale, ne pourrait être incorporée au capital par ce premiee procédé.

D'autre part, la mise en distribution des réserves que Pévele 1' option laissée à l' actionna.it'e constitue à toute évidence une " attri­bution de pt'ofits " passible de la taxe mobilière sur le revenu des actions.

Une mutation se fait, du patr-imoine social au patrimoine individuel de l'actionnaire, enrichissant celui-ci, appauvrissant celui-la.

Il importe peu que l'actionnaire réinvestisse les fonds ainsi distei­bués, dans la société, sous forme d'apports versés en libération cl~actio~1s nouvelles et que les valeurs ayant dépendu des anciennes réserves se· re trou vent ainsi dans le patrimoine social.

Affectation purement volontaÜ'e cl 'un revenu dont l'actionnaire a eu la disposition ,e~ective, cette libre rétrocession des valeurs ci­devant socütles n'efface pas, au point de vue fiscal, la mutation initiale, fait générateur de l'impôt. ( 1)

,4. - Incmpondion obligatoi1·e . ......_Avantages. Le premier procédé, s'il offl·e l'avantage de ne soulever aucune

diE<.mssion quant à sa structm'e juridique et quant à la débition de l'impôt, présente le grand inconvénient de ne pas assuree de façon intégrale le réinvestissement des réserves distribuées. ll en résulte le plus souvent que la société se voit obligée, d'une part, de se déssaisil' effectivement d'une portion de ses réserves et, d'autre part, de mettt'eo en sonsceiption celles des actions qui n'auraient pas été acquises par les actionnaÜ'es anciens.

L'incorporation obligatoire des réserves - ou mieux leur consol1·­clcttion obligatoire - évite cet écueil.,

1 o) Elle leur permet de vaincre la répugnance que les associes éprouvent souvent à voir se continuer des prélè,Tements en fa.vem' des réserves lorsque celles-ci sont largement dotées.

(1) Conseil d'Etat (contentieux) 15 février 1923, Rev. (franç.) soc. 1923, p. 237;-27 juillet 1923, Rev. (franç.) soc. 1924, p. 39; - 22 novembre 1923, Joum. (franç.) :;oc. 19.24. p. 72. -

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DOC'rRINE 3

L'incorpora~ion des réserves au capital, en faisant disparaitre de la comptabilité les postes de réserve, donne aux dil'igeants le moyen de poursuivi'e la constitution de réserves nouvelles et, souvent, remet et1 vigueur certaines clauses statutaires dont le jm(était interrompu par

. le rait que les bénéfices réservés atteignaient déjà le maximum imposé. 2°) Elle permet de faire disparaitre l'écart existant entre la valeuT

nominale des titres et leur valett1' delle. En effet, elle a pour complément nécessaire soit le morcellement

<les actions originaires par la création d'actions nouvelles, soit L'élé- · vation de leur valeur nominale de façon à ce que le total de ·ces vale~u's corresponrle au chiffre du capital augmenté, soit la snppres~ _ sion pure et simple de la valeur nomirÙtle des actions. Il est impor­tant d'attirer l'attention du lecteui' sur cette particularité elu droit belge qui, contraii'emênt à de nombreuses législations étrangèt'es notainmeut la loi Ü'ança.ise et la loi allemande, n'oblige pas les sociétés à aLtribuee à leurs act;ons une valeur nominale. (a:l't, 41. loi des sociétés.)

3°) Par la création des actions nouvelles, elle pePmet a~tssi cPabais­ser Lt valew· 1·éelle de chacun des titr·es représentatifs des droits des actionnaires : la valeur effecti,·e totale de ce droit restée cdnstante se répartit clésonnais sur un plus grand nombre de titres.

Cette circonstance facilite leue négociation et leur re~titue en bourse, un marché plus étendu·, que la hauteur de leurs coul's anté­rieurs - prohibitive pour un grand nombre -- paralysait clau~ une large mesm'e.

4°) Elle supprime encore le violent contraste qui peut venir ~t se produire entre le nwntant' du cl iviclencle et la valeur nominale des actions.

On \'Oit parfois, clans les sociétés prospères qu'une longue politique de préYoyance a dotées de réserves importantes~ procéder à de larges répartitions des bénéfices annuels.

Les diviclendeg ainsi répai't:is. quoique normaux et même peu con­sicléeables si on les rappeoclle de la valem' 1·éelle des titres, paraissent -ùémesut'és lorsqu'on les compare à la valeue nominale des actions.

Les p1·ofessionnels de la haine sociale manquent .rarement cl' exp loi:' tee cette équivoque pour créer .aux entt'eprises des difficultés avec leur personnel ou pour les accuser de réaliser des profits nsnraii'es.

Vincoeporation des réserves élimine cette source d'ennuis.

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4 bOCTR!NB

5°) Enfin, en rendant désormais indisponibles les bénéfices rései·vés, elle consolide le crédit de la société, en soustray~nt les réserves au pouvoir de répartition de l'assemblée générale (1).

5. - Liééité cle cette opération. Sous 1·éserve des modalités requises pour son accomplissement, à

propos desquelles il existe de graves dissentiments, tous les auteurs sont actuellement (2) d'accord pour admettre la licéité de l'opération pour autant elu moins qu'elle porte sur les réserves facultatives, autr·ement dit celles que les sociétés se constituent spontanément, soit en vertu d'une clause librement inscrite dans leurs statuts, soit en vertu d-'une décision de l'assemblée générale.

Les opinions sont par contre, divisées (3) sur la licéité de rincorpo­ration au càpital de la réserve légale (art. 75 lois sociétés).

6. - Analyse cle l'opération au point cle vu'e économique. Pour étudier l'incorporation des réserves dans le capital~ au point

de vue économique," il est nécessaire de se placer tour à tour au point de vue de la société, au point de vue des associés et à celui des tiers créanciers sociaux.

a) En ce qui concerne la société, Popéeation n'entraîne ni enrichis­sement• ni appauvrissement.

On ne voit entrer dans son patrimoine aucun bien nouveau et l'on n"en voit sortir aucun qui s'y trouvait auparavant.

('1) Comp. TB:ALLER, (( De l'augmentation du capital par transformation en actions soit du passif soit des réserves de la société » (Ann. dr. comm. j 1907. p. -177.). A:mAUD, Traité des comptes de réserve clans les sodétés ]){{J' actions, 2e éd., no 2::l3, p. 394.

(2) On trouvera dans· Léon RYcKx : (( Augmentation du capital au moyen des rései'ves >>Journal (helg·e) des sociétés, 1920, p. 436, un exposé succinct de la juris­prudence et de la doctrine anciennes qui condamnaient l'opération.

(3) Sont adversaires de l'incorporation de la réserve légale, notamment: Ch. ~loUPm · (( Transformation de· fonds de réserve en actions à titre d'augmentation du capital social)), Journ. (franç.) des soc., -1901, pp. 49 et suiv. et Tmité général des sociétés, 1923, t. II, no 1058, p. 458 ; - BouRCART, (( Les modifications aux statuts et la loi du 22 novembre 1913. Ann. dr. comm., 1914. pp. 255 et sui v.

Admettent cette incorporation : AmAUD, Traité cles comptes de réserœ dans les sociétés par actions, pp. 352 et suiv. ; CoRmAu, « De l'augmentation du capital des soc. anonymes sous la noùvelle loi du 25 mai -1913, Rev. prat. soc., 19U, nos 2369 et 2375 notamment pp. 47 et suiv. ; RESTEAU, Soc, anonymes, t. III. no 1454 p. 15!-l.

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DOCTRINE 5

Les biens qui composaient ce patrimoine sont tous restés dans celui­ci et s~y I~ett'otnient en identité avant co~11me après.

L'avoir réel de la société, autrement dit son foncls social, est resté identique à lui-même, non seulement en valeur mais encore en compo­sition. Économiquement, c'est le " statu quo ".

b} Au point de vue cles associés, on ne trouve pas davantage soit un enrichissement, soit un appauvrissement.

Aucun bien social n'est venu, sm"tant elu patrimoine social, accro.itre le patJ>imoine propt"e cle l'associé et, d'autre part, aucun bien n'a quitté ce det'tlier patrimoine ponr passer dans celui de la société.

Le clroit socùû de .Factionnaire est resté égal à lui-même. Il a sa mesuee économique dans la quote-part d'actif net de la société

qui, en cas de partage, compéterait à l'actionnaire. Le fonds social ne s"étaut pas enrichi et aucune dette nouvelle u'étant venu le grever, est t'esté le mâme ; les bases proportionnelles de répartition sont itH.Jlangées ; Ù s'ensuit que la quote-part d'actif net compétant à

l'actionnait'e est restée constante, de même que le droit social de Pactionnaire avec lequel elle s'identifie.

Toutefois la 1·eprésentation de ce droit s'est modifiée. Avant l'opéra­tion, il était figuré pat' un cer~ain nonibre de signes portant une valem' fixe, sans rapport avec la valem' réelle de la quote-part correspondante à l'actif net.

Apeès l'incorporation, il est figuré soit par un plus grand nombre de ces signes, portant chacun cette même valeur fixe, égale cette fois à la valem> réelle de la quote-part con'espondante d'actif net, soit par le même nombre de signes, dont la valeur nominale a été mise en concor­dance avec les réalités ou, plus simplement encore, supprimée.

Si l'on suppose un actionnaire porteur d'une action dans une société au capital d'tm million, représenté par mille actions d'une valeur nominale de mille francs, et ayant un million de réserves nettes, le clt'oit de cet actionnaire vaut l/1000 du fonds social lequel est de 1.000.000 (capital) plus 1.000.000 (réserves) égal 2.000.000. Ce droit vaut 2.000 francs, nonobstant la valeur nominale du titre qui le repré­sente.

·Si, en raison de l~incorpor~tion des réserves, il est créé 1000 actions nouvelles d'une valeur nominqle de 1000 feancs, attribuées at1x anciens actionnaires au proPata du nombre de leurs actions anciennes, notre actionnaire aura désormais clettx actions d'une valeur nominale de

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6 DOCTRINE

1000 ft·ancs. Son droit sodal vaut to-ujours 1/1000 de l'actif social

net, lequel reste égal à 2 millions; il vaut donc toujours 2.000 fran~s~

mais il est désormais représenté par deux titres. dont la Yalenr nomi­

nale équivaut cette fois a la quote-part ~orre::ponclante de l 1 actif net

du moment. Enfin, si, pour préciser davantage encore la situation de l'action­

naire, nous comparons, outre la valeur de son droit social aux deux

moments considérés~ les modalités cle 1'éali~ation écono1nique de ce ch-oit, c'est-à-diJ·e, de sa convPrsion en riuméi'~it·e~ omis constatons qu'un

changement s'est produit dans !a éonditioh de l'associé.

Avant l'opération, la réalisation économique du droit de l'action­

nair·e, est sm1mise à une double échéa11ce évenüwlle. A concurrence de sa par-t clans la masse des valeurs socialt>s qui cor­

respondent au capital nominal, ·I'act:ionnail·e voit la ré:ctlisation de son

droit diftéréejusqu'à l'époque de la liq~ticlation cle let société. Par contre~

pour la part lui. compétant dans la pot't:ion de l'avo~r où fonds social

qui excède le düffre du capital, la réalisation de son cli·oit dépend, au

point de vue de son échéance, cle la libre 1:olonté de la majorité de

~~assemblée générale des actionnaires.

Il suffit, en effet, d'un vote majoritaire de l'assemblée génét'ale pout· OI'donner h mise en distribution des ré..:erves et fixer l' éclléan~e de

cette répar·tition.

Après la consolidation, au contJ·aire, répoque de la convm·sion éven­

tuelle du droit de Fact~onnqit·e est unique : poue toute la part lui rele­

nant dans l'actif net, l'ass0cié doit désormais attendre la liquiclatiou

de Ia société. En résumé, la ~onsolidation des réser·ves u!enrichit ni Jl~Çtppauvrit

économiquement l'actionnaire, mais la l'eprésentaUon de son clt·oit

social est modifiée et, dans une certaine mesure~ la disponibilité de sa

richesse est réduite.

c) Au poü1t de vue des tjet·s créanciers sociwu:x. Les créancier·s

sociaux, comme tous ceéanc~er·s~ ot1t pom' gage comnHlll le patl'imoino

de leur débiteur; leur gage s'étend conséquemment a rintégealité de

l'actif de la société, autr'emcnt dit à lïntégTalité de l'avoir mt fonds social,

Mais~ alors que le débiteur garde, en droit commun, la faculté de

disposer librement de tous les éléments de son patrimoine nonobstant

les dèttes qui le grèvent, pour autant, bien entendu qu'il n'agisse pas en

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DOCTRINE 7

fraude des droits de ses créanciers (art. 1167 C.e.) les ·sociétés par actions se voient rîrivées~ par la loi, du droit de d!sposer cl lune pm·tion de leur avoil' social : cette portion a sa mesure dans une expression numérique, inscrite clans les statuts et que l'on nomme le capital.

Le capdal, étalon de mesure, circonscl'it le mmdant à concurrence clmg1el les valeuJ'S sociales sont soustraites à la disposition de la société, sans toutefois déterminer individuellement ceux des biens sociaux qui sont fPappés de cette indisponibilité, toutes les valeurs sociales étant~ à ce point de vue fongibles entre elles.

De tout ce dont son ctvoi1· social excède le _montant de son cctpital statutaire~ la société peut librement disposer ; mais, du moment que le montant de son avoir est ramené au chiffre de son capital, elle perd le di'oit de se dépo1üller, sans c·ontre-valeur, des biens qui lui restent et ce, quelle que soit, d'une p-art, l'odgine de ces biens (apports ou acquêts) et quel que soit, d'autre part, le total de ses dettes~ lors même que ce dernier serait largement inférieur à son actif, ou même s'il était nul.

Le catütal donne la mesure dtt gage minimum des créanciers sociaux, mais la totalité de l'avoit' de la société, n .. en est pas moins dans leur g-age.

Ces notions étant présentes à r esp1·it, il est aisé de voir dans quelle mesure l"opéi'ation réagit économiquement sur la situation des créan­ciei'S sociaux.

Avant la consolidation des réserves, les créanciers sociaux ont pour gage l'intégralité de l'avoir social, mais ce gage n'est définitif qu'à concui·rence d'une valeur égale à celle du capital, il est provisoi1·e pour le sm'plus.

Après la consolidation~ leur gage s'est, dans une certaine mesure amélioré. Sans doüte la valeur ctbsolue de ce gage est restée identique ; mais~ alors qu'avant l'opé1·ation ils ne pouvaient compter de façon définitive que sur une somme de \~aleurs correspondant au montant du capital numinal ancien de la société, après Fincorporation, le chiffre du capital s'étant accru de façon à s'identifier à la valeur du fonds social du moment, ils peuvent désormais compter, de façon définitive, sur une somme de valeur plus considérable, corr-espondant au montant actuel de c.et avoir social, à la disposition duquel les actionnaires ont renoncé en décidant la consolidation des réserves. En d'autre termes, le gage minimwn des créanciers so.ciaux est renforcé.

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8 DOCTRINE

E'n 1'ésumé, rincm'poration des réserves ne modifie en rien la situa­tion économique de ht société; elle n'em·icllit ni n~aî,pauVI·it les action­naiees, mais elle modifie la ee1wésentation de leur clr·oit et, craut1'e part! elle réduit la disponibilité de ce clPoit ; enfin, elle renforce le gage minimum des créanciers sociaux.

A. - Et,~tcle cle l' incorporatio1~ obligatoire des 1·éserves cm 170int de vue cl'u cl1·oit comme1·cù1l.

7. -A) Droit français. Depuis longtemps déjà les auteurs Ü'ançais se sont préoccupés des

problèmes soulevés par l'opération que nous examinons. Leur façon de concevoir Pincorporation des réserves n"est pas identique; des cliveegences fondamentales les divisent, qui permettent de répartir leur opinion en trois systèmes.

8. - Prenlie1· système. crest M. HOUPIN qui, le premier, à notre connaissance, s'est occupé,

au point de vue elu droit des sociétés, de rincorporation des réserves clans le capital sociaL Il a consacré à ce sujet plusieurs études qui permettent de dégager sa peu sée (1).

Le savant auteur considère que, quelle que soit la forme sous laquelle elle se réalise~ l'incorpot'éltion des réserves entt'aine virtuel­lement : l o une répartition aux actionnaires dn fonds de réserve de la société : 2o l'augmentation d~1 capital social par création cl~ actions nouvelles qui deviennent la propriété des actionnaires.

L'incorporation implique clone deux opérations connexes, mais juridiquement distinctes.

Dans la pensée de JYI. Houpin les notions elu cr:tpital social et cl'atJ­ports sont inséparables.

Toute augmentation de capital, de même que tonte constitution cle capital requiert la mise en société par les associés do biens prélevés sur leur patrimoine personnel. Pas d"augmentation de capital sans apports. D'autre part, ces apports ne peuvent être que de deux sortes : apports en numéraire, sïls consistent en espèc,es ou équivalents, apports en natute s'ils consistent en d'autres biens.

('1) HouPINJ Transformation de fonds de réserve en aclions à Litre d'augmentation du capital social, Joutn. (franç.) soc., 190 l. p. 49 ; - même til re, Jottrn. (franç.) 80c., 1908. p. 385; - TmitéJ t. II, no 715, p. 7.

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DOCTRINE 9

On ne peut admettre que les Yaleurs des réserves fassent l'objet d"un appod en nature : elles sont~ en ~ffet~ la propriété de la société et elles ne peuYent être jUJ·idiqnement considérées comme appartenant aux actionnaires personnellement. On ne peut, dès lors, réaliser Paugmen­tatioa du <.:apital par l'iucm:p01·ation des réserves qu'en suivant les formes et en réalisant les condit!ons des augmentations de capital en nunu!raire.

Parmi ces conditions se trouve la SMtscri,pti01i des actions; n'ouvelles. Cette décomposition de l'incorporation des réserves entraine des

conséquences graves. Sans doute l'assemblée généeale est compétente ·pour accomplir à

la majorité la premièl'e des opérations. G~est-~t-dire la mise en distri­bution des réserves~ mais elle est impuissante à décider de cette façon, la seconde opération, ~t savoir la souscription des actions nou­velles par les actinnnait·es: En effet, d'une par·t, la souscription requiert essentiellement un consentement volontaire et, d'autre pàrt, cette souscr·:ipt:ion enlraine une augmentation des engagements de Fassocié qui ne peut lui êtee imposée par auctm pouvoil· social, et que~ seul, il -peut libl'ement assumer· Il s'ensuit que la souscription requiert le consentement unaninze des actionnaires .

.M. HouPI:'-l" ne mécounait pas~ du reste, que la nécessité de Funani­mité interdit pratiquement cetto opération si souhaitable en de nom­breux cas. Mais il estime qùej si la sociéLé a pds soin de prévoir, dans les statuts~ la faculté pmu·· l'assemblée générale de faire cette opération à la major·ité, il pour·r·a y êtee p1·océdé de la sorte, et ce~ de façon non doutense sous le régime antérieur de la loi du 22 aovembre 1913~ mais moyennant certaines spécifications pom· les sociétés vivant sons le régime de cette loi (1).

Kombre d'auteues considéeabl ·s s~ sont ralliés à cette doctrine (2) qui, pendant plusieur's années, a été indiscutée.

9. - II faut rangee p;n·mi eux lVI. BorRCART (3) . bien que cet auteur ne se soit pas prononcé sm· la décomposition de Fopération

( 1) Traité, loc. cil. (2J R. RorssEAU, Traité des sociétés commerciales, 1921, t. II, no 3291, p. 828;

ARTHUYS, Traité des sociétés commerciales, 1 !JOè, t. II, no 628, note 2 p. ·106. (3) Les modifications aux statuts et la loi du 22 novembre 1913. Ann. clr. comm.,

1.914, p. 225!

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10 DOCTRINE

(cette question excédait, du eeste, le sujet de son étude) ; il reprend et développe le ·point de vue de M. HouPIN au sujet de l'aggravation des engagements des actionnaires.

Après avoir analysé la nature des réserves et celle du droit de l'actionnaire, M. BoURCART, constate av~c-lVI. HouPIN que les réser­ves facultatives changent de nature par leur incorporation dans le capital social.

Bien qu'elles se trouvent, avant ropération, clans le gage des cré­anciers sociaux, leur affectation n' e.::t, a ce moment, ni rigide, n.i irré­vocable ; les actionnaires conservent le droit d'en disposer et d'ordon­ner leur distribution. Après l'opération, les réserves s'incorporent au capital " au même titre que le capital primitif fourni par les action­naires " ; elles changent donc de nature et sont définitivement immo­bilisées pour servie de gage aux créanders sociaux:

Cette opération a, par suite, pour effet d'augmenter la quotité à concurrence de laquelle les associés sont tenus : il y a dès lors, aug­mentation des engagements des actionnaires. La loi elu· 22 noyemhre 1913 interdit qu'une telle aggTavation soit imposée aux associés par un vote de majorité. Vopération ne peut dès lors se fa:re qu'à I'una .. nimité.

Pas plus que lVL _HouPrN, M. BoURCART ne méconnaît les inconvé­nients de cette nécessité. Mais contrairement a lui, il ne croit pas que la prévision, dans les Htatuts, d\me danse autorisant 1' assemblée générale à procéder a l'incorporatiori. des réserves ~t la majorité, soit élisive de la difficulté, la convention statutaire ne pouvant, à son avis, déroger aux règles de la loi du 22 novembl'e 191.3 (1).

Il estime que le l'emède ne peut être trouvé que dans 1' incorpora­tion facultcttive des réserves extraot'dinaü es (2).

('1) M: BERNARD AuGER (Note sous Conseil d'Etat, 15 février 1923. Rev. (franç.) soc., 1923, p. 238) partage l'avis de 1\f. HoUPIN quailt à la possibilité de procéder à la majorité en cas d'une clause statutaire. Bien qu'adversaire de la décomposition de l'-opération et hien qu'il ne puisse admettre qu'il y ait, dans celle-ci, une agg-ra­vation des eng·agements des actionnaires au sens cle la loi cl u 21 novembre 1913, M. AuGER hésite à reconnaitre la rég·ulai'ité d'une :décision majoritaire et conseille aux praticiens de suboi'donner la décision à un vote unanime.

(2) On trouvera une étude approfondie de la question, au point de vue du droit commercial français, dans une annotation non sig·née relative à l'arrêt de la Cour de

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DOCTRINE 11

l O. - Second système. La doctrine de M. HouPI~ a été uniYersellement ac~eptée jusqu'au

· joue où M. TH ALLER (l)~ dans une ·reteiJtissante étude, lui a opposé un système nouveau qui a rallié nue partie impo1'tante des auteurs.

M. l'HALLER estime que l'opinion de M. HouPIN repose sur une erreur fonchmentale qui est de coufondre, d'uiïe part, Paugmentation du capital par acc1·oisscment d'actif.. c'est-à-dire par acquisition, pal' Fêtre socürl, de richesses nouvelles, et l'augmentation dti capitalpcw consoli­cl~ttion clc l'actif cxistcmt et pnT simple annexion des réserves au capital originaii,e.

Ces deux procédés sont complètement diss-emblables dans leur écono­mie et n'ont à vrai dit,e " qne le nom commùn ".

Dans la 1wemière éventualité, la sociéié, émettant des actions nou­velles, doit respecter les règles d'adhésion volontaü·e des souscripteurs:

cassation de France du 6 mars 1922, extraile du Recueil général des déczsions administratives et judiciaires et publiée par la Rev. prat. soc., 1924, no 2588, p. 357.

L'auteur y reprend avec force ïa thèse que les notions du capital et d'apports sont inséparables. Le c3pital ne peut se constituer soit. à l'originel soit en cas d'augmentation de capital, qu'au moyen de biens provei!ant du patrimoine individuel des associés. Toute action doit être la représentation d'un apport effectif. L'incor­poration des réserves requiert donc de façon inéluctable une répartition des l!éserves aux assodés <t afin que ceux-ci, en affectant le produit de cette ri' partition _à la libé­ration de leurs nouvelles actions, apportent à la société des biens tirés de lem patrimoine n. Toute aug-mentation de capital d'une société française par voie d'an­nexion des réserves implique donc nécessairement une distribution.

Mais l'annotatem ne croit pas que l'O})él'ation ainsi décomposée exige pour son · accomplissement l'unanimité des suffrages. Il écarte cette exig·ence par le raisonne­

ment suivant: (, Ce que l'assemblée a décidé, c'est uniquement la distribution des réserves entre les actionnaires, sons cette condition que ceux-ci les affecteraient par voie d'apport à· l'augmentation du capital, or une telle mesure peut être valablement votée à la majorité de l'assemblée générale. Quant à l'aug·mentation elle-même du capital social, elle n'a été réalisée qu'alms que tous les actionnaires, ayant retiré leurs nouveaux titres d'actions, emeut ainsi adhéré à la résolution de l'assemblée générale et foumi, par celà mèn1e, les souscriptions indispensables àla réalisation de l'opération n. ~

(l) De l'augmentation du capital par transformation en actions soit du passif soit des réserves de la société. (Ann . . dr. comm., 1907, p. 177.)

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12 DOCTRINE

" Les souscriptions nouvelles mf\ttent à la charge de ceux qui les donnent et qui fournissent de nouvelles mises, un sacrifice pécuniaire, ~e versement de 1' appod promis ". Dans la seconde hypothèse, il en est tout autrmneüt : " on y ch3rcherait vainement un apport nouveau, une charge complémentaiee incombant aux actionnaires , .

Dans le peem1ee cas il y a lieu, à toute évidence, de respecter les formalités légales : souscription, libération, déclaration notariée~ véri­fication d'apport, etc. Dans le second cas, " il n'y a pas d'apports nou­veaux mais plus-value reconnue officiellement aux actions, avec sec­tionnement du titre originaire ".Les actions nouvelles viennent accroî­ti'e la valem' initiale. Tout se réduit a un simple vÜ'ement d'écritures · qui fait passer les bénéfices accumulés cPun compte de r·éserve au compte capital : les formalités légales sont sans obj'et.

En d'autres termes, alors que lVI. HouPIN prétend décomposer l'in­corporation des réserves en deux opérations distinctes étant, l'une, la distribution des réserves et l'aùtre, la soàscription d'actions nouvelles par les associés~ suivie de la J'estitution à la société~ à titres d'apports nouveaux. des r;(serves distribuées, lVL THALLER enseigne que la con­solidation des réserves est une opération ~miq~te, formant un tout. indi­visible, exclusive de tout appoet, localisée à l' intél'ienr du patrimoine social, s'accon1plissant par un simple jeu d~écritures et amenant " une péréquation elu capital avec Pactif~ ce qui a pour simple résultat : l o en comptabilité, de virer les réserves au capital; 2° en droit, de renforcer le chiffre d'actif que les associés s'engagent à ne pas reprendee an clétrime'nt des créanciers ".

lVI. THALLER repousse la construction de lVI. HouPIN qu'il estime arbi­traire etjuridiquement impossible.

Ainsi que nous l'avons fait observer, elle repose tout entière sur le postulat que le capital est inséparable de la notion d'apport et qu'aticune augmentation de capital ne peut se faire ~ans prestation d'apports nouveaux. Üt', d'une part M. HouPIN écarte lui-mème l'éventualité d'un apport en natm'e : les biens se trouvant être la propdété de la société, il n'est pas possible deTes considérer juridiquement, soit comme

som~1is divisément à r.~P~JI:op~,i~tion des tssociés~ soit comme fais~nt l'obJet d'une co-propriete mdrviSe de leml part. Reste donc l'hypothese d'un apport en numéraire. Telle est la pensée de M. HouPIN : les réserves étant virtuellement distribuées et les actionnaires faisant apport à la société de leur quote-part clans ces réserves, il se produit

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DOC'l'R!NE i3

une cor11pensation entre leur· dette et leur créance de numéraire vis-à­vis de la société.

:M. THALLER oppose à cette opinion les principes de la compensation. Les réserves sont représentées non pa1· cle l'cwgent, mais par des

tr~waux, des marchandises. etc. Pour que la compensation fùt possible, il faudrait commencer par réaliser ces marchandises et travaux. Or cela n'a pas lietl, les valeurs de rés~rve se trouvant~ en identité, dans le patrimoine social, après comme avant Popération. Il y a donc impossibilité juridique à voir se réalis.er l'opération comme le conçoit M. HouPIN : les deux hypothèses, apport en nature et apport en numé­raire doivent toutes deux être écartées.

Il n'y a donc pas d'apport et M. THALLER fait, par suite, obser-ver que " pour être tout à fait conséquent, il faudrait repousser 1 'incorpo­ration des réserves même avec l'adhésion unanime des actionnaires, car cette unanimité ne saurait suppléer. à l'apport. condition essentielle de P accesE.ion de tout associé à une société quelconque ".

Nombre d'excellents auteurs se sont ralliés en France à l'opinion de M. THALLER (1).

11. -· Parmi ceux-ci lVI. AMIAUD, a examiné avec un soin spécial la question de savoir si la consolidation des réserves entrainait ou non une augmentation des engagements des actionnaires.

Cet auteur observe, tout d'abord, que l'extension du gage minimum des créanciers sociaux et la charge corrélative qu'elle entraîne pour les actionnaires sont une conséquence nécessaice de toute augmentation de capital : elle est indépendante du fait que les actionnaÜ'es anciens apportent ou n~apportent pas en société de valeurs n?uvelles. Or, il n'est pas contesté que ceux-mêmes des actionnaires qui ne sousct·ivent pas d'actions nouvelles ou qlÜ se sont opposés par leur vote ~t ropéra:. tian supportent les conséquences de cette aggravation de charges résultant pour eux de raugmeutation du capital votée par l'assemblée générale (2).

('1) AliiiAUD, 0]1. cit., nos 226 et suN. pp. 400 et suiv. ; - PERCEROU, (( La trans­formation des plus values de l'actif en augmeütation du capital social ll, Ann. dr. comm., 1921, p. 173 (Adele: DoLBEAU, ((La transformation des réserves en actions et la doctrine, Gaz. des soc., 19.20, p. l., cité par A~nAUD, p. 409).- Comp. aussi. BERNARD AUGER (note 9).

(2) Op. cit., 11° 229, pp. 406 et 497.

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14 bOCTR!NE

Il n'y a~ d'autre part, pas augmentation cl' engagement au sens tres précis de la loi du 22 novemlwe 1913 : " L'augmentation de lem's engagements contl'e quoi la lo.i vellt qu'on garantisse les actionnaires, n'est, en effet que l'augmentation de lem·s engagements zncliviclltels, vis-à~vis cle let société: " " l'engagement du patr:-imoine inclivicluel des actionnaires vis-à- vis de la société ". " La loi, par contre, n'a jamais voulu interdire aux sociétés d'imposer aux associés une modifi­cation de l'assiette des deoits éventuels qt1'ils peuvent posséder sm· l'actif social~ alOI'S que ces deoits .ne sont modifiés, dans l'opération que nous exan1inons, ni da-ns leue natuee. ni dans leue quantum, mais uniquement dans la consistance du patrimoine SUL' lequel Hs s~exel'­

cent " (1). lVL A:Th1IAUD fait observm· aYec M. DoLBEAU que, s'il fallait parler

d'augmentation des ~ngagen~ents des associés~ ce ce serait pas au moment de l'incorporation des _réserves, mais au moment de leur cons­titution, car c'est du joue même cle leur constitution que les réserYes se teouvent soustraites à Fappropriation individuelle des actionnaires et. incor·porées au patdmo:ne social, sotimises aux aléas de l'entl'e­prise : " leur teansfmmation en ~apital ne modifie ni matériellement, ni juridiquement le droit de propriété de la société qui. avant comme aprés l'opéeation, a la libre disposition de tout son patrimoine sans avoir à se préoccuper de la répercussion que les actes accomplis sans feaucle f.;Ur ce pateimoine peuvent avoir sur les droits éventuels de ses actionnaires " (2).

"En résumé, elit-il, le fait que la société augmente le chiffre d'actif (JU'elle s'engage à maintenir clans l'entreprise pour gaeantir les droits des tiers, constitue une opération tout~ intéeieui'e qui ne I'éclame aucun sacrifice non veau aux . actionnaires et crui ne peut, en consé­quence, exiger r adhésion individuelle de chacun cl' eux " (3).

12. - T?'o is ième système. M. PIC combat à la fois l'une et l'autJ'e de ces opülions (4). Le ~.rstème de M. HouPrN dénature, d'après lui, l'opération : on ne

(1) Op. cit., no 229, pp. 408 et 109,- Dans le même sens: WAHL,« Commentaire de la loi du 22 novf·mhre !913 ll, Journ. (fr.) soc., 1914, p. 79.

(2) Op. cit., no 229, p. 409. (3) Op. cit., no 230, p. 4f0. · (i) P. Pre, Sociétés commerciales, t. III, no 1423, p. !53 et suiv. -

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bOCTRINE 15

voit pas, dit-il, comment un actionnaire dont le droit ·indivis sm' les réserves est transformé en un certain nombre d'actions libérées, pro­portionnel au nombre d1 actions anciennes dont il est porteur. pourrait être grevé. de ce chef, d'engagements nouveaux.

Celui de M. THALLER va, selon lui! directement à l'encontre d.u principe de la fixité du capital! d'après lequel toute augmentation du capital statutaire doit faire l'objet d\me délibération de l'assemblée générale extraordinaire statuant aux conditions du quorum et "de majorité de 1 'art. 31 (de la loi française)~ suivie de toutes les forma­lités constitutives.

La seule interprétation qui lui paraisse juridique est celle qui envi­sage l'opération comme une augmentation de capital ordinaire subor­donnée aux conditions de majorité spéciale et aux formalités constitu­tives exigées par la loi.

Mais alors surgit une difficulté grave : comment dresser la liste des souscripteurs qui doit, à peine de nullité en droit fl'ançais, être jointe

à la déclaration notariée, si les actions anciennes sont au porteur? Cette difficulté est insurmontable dans le cas d\me incorporation

obligatoire des réserves. M. Pre estime que l'augmentation de capital faite par la voie ano­

nyme et impersonnelle d'une attdbution d'actions nouvelles à celui qui présentera tel coupon déterminé à détacher des actions anciennes apparait comme une opérqtion légalement ·impossible.

IL n'y a d'autre moyen de tourner la difficulté que de procéder à une incorporation facultcttive des réserves : l'assemblée générale déci­de, en même temps, l'augmentation du capital et de la distribution des rése!'ves à concurrence de cette augmentation avec faculté pour les ayants-droit d'opter entre le 'payement en espèèes du dividende excep­tionnel que cette opération représente et l'affectation de la elite somme à la libération des ~etions par eux souscrites.

13. - Jw·isprndence. On ne signale anemie décision judiciaire ayant iuter'prété au. point

de vue du droit c01nnzercictll'opération qui nous occupe et tranché la question de savoir si elle doit s'accomplir à l'unanimité des suffi'ages ou s'il suffit d'une majorité.

De nombreux jugenients et arrêts 011t, par contre, analysé et défini l'opération au point de vue du droit fiscal(\', infra),

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1() DOCTRINE

14. - Droit belge. - Doctrine. Plusieurs auteurs se sont~ en Belgique~ préoccupés de rincorpora­

tion des réseeves clans le capital social.

Notl'e savant prédécesseur lVI. CoRBIAU s~y est arrêté à denx reprises.

Dans une lWemièt·e étude, il s'est pt'ononcé expressément en faveur de la licéité d'une augmentation d·e capital par incorpot'ation des réserves et il pai'ait bien avoÜ' admis que ropération pm1vait se faire à la majorité des suffrages (1). Mais il est diffic.ile de détermi11ee avec certitude la conception qu~il avait de l'opération : il ne s'en est pas directement exprimé. Nous préfét'Ons transceire le passnge essen­tiel de cette étude :

" Nous voulons imrler des cas où la soc~été se t1'onvant én pleine pt'ospérité veut augmentee son capital non a raide de fonds ou valeurs czpportées clttt clehors par chacun des nouveaux souscripteurs, metis attt moyen cle ressources qu'elle tà·e cle son propre foncls et qu'elle trouye à point nommé dans les accroissements du capital que lui a valus une heureuse gestion, autrement elit~ clans l'excédent dont son actif net dépasse le chifft'e ·nominal de son capital prhnitif.

" Rien n'empêche dans ce cas le pouvoir social qui décide l'aug­mentation du capital d'affecte!' des valeurs actives dont· s'agit, à la libét'ation des actions nouve1les à concnerence d'un chiffre nominal équivalent et de distribuer ces nouveau~ titees entt'e les anciens actionnail'es au prOt'ata du nombre des actions anciennes que cha·cun d'eux possède.

" Dans ces conditions chacun des ,associés se trouvt-~, de par la déci­sion eégulièrement prise, a voie pctrtici,pé à la souscription de !'-aug­mentation~ peoportionnellement à sa ft•action primitive d'ültéeêt social et avoir libéré ent-ièrem?nt les nouvelles actions qui représentent sa souscription, att moyen cle la part adéquatement correspondante qui lui revenait clans l' cwoi1' commun légalement disponible.

" Comme, d'une part, le deoit que ies divers actionnaiees tenaient -du contrat constitutif à une paet déterminée cl~actif commun se trouye

( l) Des divers modes d'augmentatioa du capital dans :es soc. anonymes. Rel'. )JI'ltt. soc.' 1898, no 86l. p. 65. .

Les passages en italique sont soulig·nés par nous.

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bOCTRI:NB 17

ainsi sauvegardé et d'autre part que la libération intégeale des nou­veaux titces qn~ils reçJivent en re1wésentation sociale de cette part les smtstntit à toute obligation personnelle excédant les linûtes cle leur engagement primitif, aucun œeux ne pouerait invoqum' en l'occurrence cette violation des droits acquis, qui seule eùt pu les a~tlorise1· à s' insu1ger contre let décision cl~t pmtvoir social ".

Soulignons le fait que M. CORBIAU se refuse à voir dans l'opération que nous étudions une aggravation des engagements des actionnaires.

Dans une seconde étude (1) après avoir rappelé qu'aux termes de la loi nouvelle du 25 mai J 913 les conditions de forme et de fond pour la constitution de la société sont requises aussi pour les augmmitations de capital~ il s~arrête à la question de la libéeation des actions : " .. Cette condition de versement en n~tméraire pmwra, en matièe·e d'aug­mentation de capital, s~accomplir pew voie cl'imp·utedwn de cette aug­mentation sm' tel ou tel excédent de valeurs actiYes solde créditeur elu compte de profits et pertes de l'année, montant du fonds de pré­vision ou elu fonds cle 1·éserve~ fussent ce~tx cle let 1·éserve légale, sur­croit de valeur acquise par· tel ou tel poste mobiliet' ou immobilier de l 1actif social que peut avoir valu à la société la prospérité de son entreprise, en accroissemellt de fait sur son capital nominal ... "

15. - M. GILSON (2) admet lui aussi l'augmentation de capital par incorpm'ation des réset'ves, mais il ne s~explique pas SUl' l'opinion qu'il a de la structure de r opération. Sans se prononcer de façon cer­taine,- il exprime la crainte que la · consolidation des réserves n'entraiue une aggTavation des engagements des actionnaires et n'exige, comme telle~ l \man imité des voix.

MM. DE Vos et VAN MEENEN (3) admettent l'incorporation des réserves, mais sans s'expliquer à ce sujet

:NL RYcKx ( 4) admet lui aussi l'opération ; il conserve quelque doute sur le point de savoir s'il :ra ou non aggravation des engage­ments des associés, mais il constate que l'usage s'est établi de réaliser l'incorporation à la majorité.

(-1) De l'augmentation du capital des soc. anonymes devant la nouvelle loi du 25 mai 1913, Rev. prat. soc., 19·14, no 2369 et 2375, spécialement pp. 47 et 48.

(2) Des modifications aux statuts, pp. 45 et 46. (3) Sociétés èommerciales, t. II, p. 7?5. (4) Etude citée.

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2

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18 boè'r:RtNÊ

M. REsTEAU (1) croit égaleme1lt à la licéité de l'opération. Il se refuse à croire qu'il y ait là une aggravation de la situation des actionnaires. Il observe que c'est à l'assemblée générale extraordi­naire seule qu'il appartient de décider cette augmentation ; or, une telle assemblée peut modifier le mode de répartition des bénéfices du moment que sa délibét'ation a ponr tous les mêmes conséquences. En incorporant les réserves elle modifie pari le fait même Je droit de l' actionnail'e d'exiger la distribution des bénéfices sur le pied des anciens statuts.

16. - Mais c'est à M. DE PELSMAEKER que revient l'honneur d'avoir, le premier, abordé dans toute son amplem·, tant au point de vue du droit commercial qu'au point de vue fiscal, le problème de l'incorporation des réserves, auquel il a. consacré deux étudès péné­trantes (2).

Après avoir rappelé les notions fondamentales sm· lesquelles doit s'appuyer la solution du problème, lVI. DE PELSMAEKER s'est livré à une critique serrée de la doctrine de M. HouP rN. Il en met en évidence les inconvénients pratiques et souligne la contradiction qui existe entre l'interprétation de l'opération et la volonté certaine des actionnaires de soustraire les réserves à toute répartition. Il fait obser,ier que si l'interprétation de M. HouPrN peut, clans une certaine mesure, expli­quer l'opération en droit français, elle est inapplicable à l'éventualité de la suppression pure et simple de la valeur nominale des actions, procédé cl 'usage licite .et fréquent en Belgique.

Seule l'opüüon de M. THALLER répond, clans sa pmisée, anx réalités com})table et juridique.

L'opération se ramèüe, dans son opinion à une " simple constata­tion de la plus value de l'avoÎl' social et de l'action, sa division unitaire, sans que.cette plus value sorte du patrimoine de la société ni entre clans le patrimoine individuel des actionnaires " (3).

" Tout se réduit à une consolidation, par la société, d'éléments pré­existant dans son patrimoine" (4).

(·1) Soc. anonymes, t. III. no -1343 pp. 29 et suiv. (2) De l'augmentation du capital des soc. anonymes par incorporation des

réserves, Rev. prat. ,rioc., 1922, no 244·3, p. 37.- L'incorporation des réserves au capital social devant la jurisprudence, Rev. pmt. soc., 1926, no 2671, p. 82.

(3) Rev. prat. soc., 1922. no 2423, p. 46. . (4) Rev. prat. soc., 1926. no 2671, p. 82.

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bOCTRîNE 19

17 .. - Jurispntdence. De même c1u'en Fi'ance, aucune décision judiciaire ne s'est pi'Onon­

cée jusqu~à pt'ésent sur la stn1cture commer·ciale de l'opération et sm' les conditions de fait. ·

18. -- Confrontation de ces divers systèmes de droit c01nnte1'cictl avec les résultats de l'ëtnalyse économique de l'opération. ·

Il impoete de rapprocher les divel'ses constructions juddiques qui ont été élabot'ées au sujet de l 'incorpol'ation des réserves, des conclu­sions auxquelles nous avons été amené pat• l'analyse économique de l' opéeatlon.

a) Le système de M .. !:TOUPIN enseigne que l'opération consiste j}lri­diquement dans une répartition des réserves, suivie de la remise en société,· par les-actionnaires, à titre: d'apports nouveaux, des valeurs qu' .ils ont reçues à la suite de cette répartition.

l 'opét·ation se compose donc d'une double mutation. Daris la pre­mière phase, l'actionnaire s'endcllit de valeurs sociales et la société s'appauvrit des valeurs qu'elle distribue. Dans la seconde, la société s~énrichit des valeurs dont elle s'est antérieurement dépouillée, et comme contre partie de cette rétrocession a titre d'apports, l'action­naire reçùit des actions nouvelles.

Si l'on rapp.roclle cette opinion des constatations auxquelles a abouti notee analyse écOnomique de l'opération~ on remarque qu'il y a conflit

Nous n'avons, en effet, constaté aucun teansfert de valeur dans quelque sens que ce soit. Nous avons vu qu'il y avait " statu quo " absolu au point de vue de la société, dont l'avoir social reste identique non seulement en valem' mais même en consistance. Nous avons vu, aussi, que l'actionnaire ne do~.nait ni ne recevait, que son dt'OÎt social restait identique en valeur et que la L'ept'ésentation seule en était modi­fiée ; nous avons remarqué que :::;on patr.imoine ne s'augmeütait en aucune façon, mais que la disponibilité de la contre-valeur de son·dt'oit social était diminuée.

Ces constatations ne sont guère contestables et elles paraissent admisent même pae les tenants de l'opinion de M. HouPIN et des sys­tèmes qui s'apparentent au sien ; aussi certains d!entre eux ont-ils ceu pouvoir résoudt'e ce conflit en enseignant que l'incorporation des réserves comportait non une répat'tition réelle de celles-ci~ mais une diskibntion fictive.

b) Dans le système de JYL THALLER, l'incorporation des réserves se

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20 :DOCTRINE

réduit à une opération de réajustement du fonds social et du capital nominal, opération purement)nterne, n'emportant aucune ·mutation, laissant intact l'avoir social, tant dans sa valeur que dans sa consis­tance, n~affectant en rien le dJ'Oit social de l'actionnaire, ni par suite, son patrimoine individuel, les actions nouvelles qu'il reçoit n'étant que le fruit du morcellement de ses titres primitifs dont elles ne sont, en quelque sorte, que des coupures.

Nous avons dit que cette opinion est partagée, en droit belge, par M. DE PELSMAEKER~

Si l'on rapproche ces opinions des conclusions auxquelles nous avons été an1enés par l'analyse économique de 1' opération, on constate qu ,il y a coïncidence absolue. La docteine de M. THALLER est essentielle­ment fondée sur les réalités économiques ; elle est, en. outre, en par­faite concordance avec la volonté non douteuse des parties. Ces dernières décident, en effet, d'incorporer leurs réserves . au capital, poui' les soustraire au pouvoir de distribution de l'assemblée générale. Il n'est pas douteux qu'en réputant une distribution, soit réelle ·soit fictive des réserves, le systèn1e de M. HouPIN, va directement à l'en­contre de cette volonté. Au contraire, l'opinion de M. THALLER, qui exclut toute répartition, répond à cette volonté non douteuse.

Il n'est pas nécessaire de s'arrêter ici au système de M. Pre. Cet auteur s'est préoccupé uniquement de la forme dans laquelle l'opéra­tion devait être réalisée et nullement de la structure interne de cette opération.

19. - Position des problèmes à 1·ésoudre. Le rapprochement qui vient d'êtee fait entre les divers systèmes

juridiques et les réalités économiques, manifeste qne c; est l'opinion de M. THALLER qui économiq~tement est la plus satisfaisantè.

Mais il n.'est possible de s'y rallier,, que si ce système est f~wùùque­ment viable, c'est-à-dire s'il ne se heude pas, en droit, à des impos­sibilités.

N ons sommes amenés ainsi. à nous poser un certain nombre de pro­blèmes. Après les avoir précisés nous en aborderons l'examen.

Nous attirons dès cet instant l'attention du lecteur sur le fait que nous entendons nous cantonner strictement dans les limites elu droit belge, et que nos efforts n'ont d'autre portée que de définir le système qui, à nos yeux, est 1~ plus satisfaisant cl·u poi1it cle vue cle not?·e législa-tion. .

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DOCTRINE 21

Ces problèmes sont les suivants : l. Etl deoit belge~ l'augmentation de capital requiert-elle néces­

saieement la mise en société d'apports nouveaux~ ou bien peut-elle s'accomplir sans l'aide de tels apports, par une simple péréquation du capital et de l'avoir sodal?

2. A supposet~ que toute augmentation de capital exige des apports nouveaux, l'opinion qui décompose l'incm~poration des réserves en une distribution suivie d'un apport en société, donne-t-elle du problème une solution satisfaisante?

3. A supposer que toute augmentation de capital exige des apports nouveaux, est-il possibl,e de donner satisfactio!1 à cette exigence légale en procédant :\ l'incorporation obligatoire des réserves?

4. L'augmentation du capital par consolidation des réserves, peut­elle se décider .à la majorité requise pour· les modifications aux statuts, ou doit-elle réunir l'unanimité des actionnaires?

20. - Prr;nu:er problème : " L }a~tg11zentation d~t cetpital dans les sociétés- pew etetions, req~viert-elle nécessairement let mise en société d'apports nmtveaux, ozt pe~tt-elle s'etccomplù; cle fàçon purement interne par let péréquation d~t cap ital et de l'avoir social ? "

Trois textes visent directement, dans nos lois coordonnées, l'aug­mentation du capital des sociétés anonymes. -

L'article 72 eègle les_moclaldés cle la décision sociale d'augmentation. Il impose qu'elle soit prise dans les conditions requises pour les modi­fications aux statuts.

L'article 34 définit, d'une part, les conelitions de foncl, de toute aug­mentation de capital, et les identifiie avec celles imposées par la loi pour la constitution méme de la société (art. 29) et d'autre part, la forme en laquelle devra être constatée l'accomplissement de ces con­ditions de fond.

L'article 35. enfin~ détermine la sanction des conditions de forme et de fon cl de 1' article 34, en· édictant à leur sujet la responsabilité solidaire des administrateurs.

Il résulte du rapprod1ement des dispositions précitées et de· celles qui régissent les constitutions de société, quel \mgmentation de capital requiert : comme concl'itions clc fond, la présence dans la société de sept associés au moins, la souscriptioa intégrale du capital d'augmentation et la libérat1on de chaque action nouvelle d'un cinquième au moins, par un versement en numéraire on un apport effectif; comme conclitions

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de forme, la constatation authentique de l'accomplissement de ces con­ditions de fond~ en suivant soit la procédure de constitution directe de l'article 31 avec l'application éventuelle de rarbcle 30, soit celle des articles 32~ 33 et 34 al. 2 en cas d'augmentation de capital par opéra­tions suecessives.

La solution du problème que nous nous sommes posé,> impose que nous examinions si les exigences de fond et de forme de la loi, requièrent de façon inéluctable la mise en soeiété d" apports nou­veaux, ou· s'il peut, au coQtraire, leur être donné satisfaction en cas d'une augmentation purement interne du capital social, par affecta­tion de valeurs dépendant déjà de ravoir social.

21. -- En ce qui concerne les c011Clitions de fond aucune difficulté ne peut naître de l'exigence de la loi quant au nombre des action­naires.

II n'en est pas de même des prescriptions qui imposent la souscrip-. tion intégrale du capital social et la libéi'ation du cinquième de chaque action par un versement en numéraire ou par un apport effectif.

Un premier point est constant c'est que !"article 34 al. 1 renvoie impllcitement à l'artiele 29.

Un second point ne rest pas moius, c'est que, s'il faut prendre au pied de la lettre les deux dispositions formant les numéros 2 et 3 de cet article 29, aueune discussion n'est possible et la néeessité d'apports nouveaux s'impose inéluctablement.

En effet, la souscription du capital n;est pas antl'e èhose que renga­gement des associés d'effectuer des apports, dans le fonds social~ à con­currence du montant de leur· part, le total de ces parts ctevant s'identi­fier avec le montant du capital.

Quant à la libération, elle n'est que rexéeution de cet engagement par la mise effective en société, des valeurs promises. Or, il va sans dire que les relations de créancier à débiteur qui IHÜssent ~e la sous­cription et leur exécution qui eonstitue la libération, ne peuvent se localiser à l'intérieur du seul patrimoine social, mais supposent néces­sairement des relations externes, nouées entre deux personnalités dis­tinctes, entre deux patrimoines différents.

On aperçoittout de suite que le problème est essentiellement dominé par le plus ou moins de pertinence d'une argumentation déduite du texte de Farticle 29.

Or, à ce propos, une observation s'impose.

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DOCTRINE 23

22, - Il est important de remarquer que l'article 29, - sauf la modification apportée au 3e~ mais qui n'infirme pas cette remarque, -a été rédigé dans sa forme actuelle par le législateur de 1873. Quant à l'ai'ticle 35, paragraphe P, sauf l'incidence relative à la responsabi­lité des administrateurs, il a été rédigé par le législateur de 1886.

Or, en 1873 et en 1886 la question des at~gmentations de capital, du moins poue ce qui concerne leurs conditions de fond, ne s'est pas posée devant le législateur.

Ce n'est que lors des travaux de la loi de 1913 que le législateur belge a été amené à s'occuper de ce problème, précisément à cause des difficultés qui s'étaient mues en raison du silence des lois de 1873 , et 1H86.

C'est alors, - mais alors seulement, - que la loi a réglementé cette matière~ en étendant~ par la disposition de l'article 34, alinéa l, aux augmentations de capital, les conditions de fond requises pour les comtitutions~ et en étendant aux administrateurs, par une interca­lation à Fal'ticle 35, les principes de la responsabilité des fond.ateurs.

Ce rapide historique de nos textes manifeste que le législateur, lors de la rédaction de 1873-1886 visait uniquement à réglementer les constit1û1:ons de sociétés anonymes et que la réglementation des aug­mentations de' capital était étrangère à ses préoccupations.

Cette constatation conduit à restreindre, dans une large mesure, l'efficacité d'une argumentation purement littérale.

23. - Ce qu'il faut rechercher c'est l'esprit de la loi : c'est par resprit qu'il faut vivifier les textes.

Le législateur de 1913 a voulu entourer les augmentations de capi­tal des mêmes gal'anties que celles jugées nécessaires pour la consti- . tution des sociétés.

Lui-même a pris soin de nous le dire dans son exposé de motifs: " La Cour de cassation de France, dans son arrêt du 27 janvier 1873) constate à juste titre qu'aucune distinction ne saurait être faite entre le capital originaire et le capital nouveau : l'un et l'autre sont la garantie des tiers et doivent par conséquent, être assurés dans les mêmes conditions. En décider autrement serait laisser la porte toute large ouverte à la fraude et aux abus que le législateur a voulu pré­venÏl' " (1).

(i) RESTEAU, Comm. lég., 1. ll0 1.2, p. 3.

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24 DOCTRINE

Les préoccupations de la loi en cas d'augmentation de capital sont donc identiques à celles qu 1 elle nourrit en cas de. constitut.iqn~ de la société.

Or ces préoccupations sont au nombre de deux. Tout d'abord la loi veut que les sociétés puissent com1Jtor sm· les ·

moyens qui ont été jugés. nécessaires à la réaLisation de leur objet social .

.Elle le veut à la fois clans l'inlérêt des associés et clans celui des. tiers (1).

Les associés ne doivent pas être exposés, en effet, à mettre des capitaux daris une affaire I{~ayant pas l'assueance de disposee des ressoürces qui lui sont indispensaules, et les tie1·s doivent pouvoir compter sur le gage qu'on leur annonce.

C'est ·pourquoi e:le impose la smtscriptwn intégrale du capital social. Elle exige ensuite que la promesse qu~est cette souscription ne

soit ·pas un trompe-Pœil, un mirage et qu~elle aboutisse à la mise effective en société des valeurcl promises.

A cette fin elle impose la libénth'on rml'tielle des titres~ garantie du sérieux de cette souscriJ)tion (2).

24. Il faut convenir que cette organisatio:1 répond à son but lors qu'il s'agit de la constitution d'une société, et même (iue le législa­teur n'avait pas d'autre procédure à sa cbsposition.

La const.itutim~ originaiee du foncls social est inséparable de la not ion cl' apport.

On ne peut concevoir) en effet~ l'accession d1une personne dans une société à laquelle elle est étrangère sans que cette personne s'en .. gage à mettre quelque clwse en commun (ad. 1832, C. c.) et la libé­ration de sa part sociale n'est que l'exécution de cette promesse.

C'est avec une pleine sagesse que le législateur a, clans les textes par lesquels il organisait la constitution des sociétés, ÜJscrit la double obligation de la souscription et de la libération.

On peut aller plus loin encore et reconnaitre que, lorscfue l' aug­mentation de capital par de nouveaux actionnaires ou au moyen d'en­gagements supplémentaires des actionnaires anciens, acquérant ainsi, les premiei's~ un droit social et les seconds, un supplément de d1 oit

(1) GUILLERY, Comm. lêg., Rapport de M. Pirmez, 11° 42, p. 114. (2) Ibid. .

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DOCTRINE 25

social, il se crée, en ce qui concerne ce capital d'augmmitati'on, une situation îclentique à celle de la constitution de la société, et que la double exigence de la souscription et de la libération se_ trouve, cette fois aussi, pleinement efficace et justifiée.

25, Mais il serait exagéré de prétendre qu'il faut y voir la condition sine quet non de toute augmentation de capital.

En effet, s'il est exact d'affirmer que, seules la souscription et la libération peuvent, en cas de constitution ou en cas d'augmentation de capital par apports nouveaux~ satisfaire à la double préoccupation de la loi~ il est inexact de dire qu'il en est ainsi en toutes circons­tances et notamment en cas de simple péréqüation elu capital et de Pavoir social.

La double préoccupation de la loi peut, en ce cas, trouver satis­faction en dehors de la formalité de la so,uscription et de la libération elu capital. ·

En effet~ cette sousc1·iption et ceüe libération ne sont qu'un ache­minement vers un autre état de droit et de fait. La fin vet•s laquelle la loi tend, c'est que la société ait effectivement à sa disposition, lorsque besoin en sera~ la plénitude des moyens jugés nécesaires à son activité et que les tiet'S se voient nantis d'un gage doot la consis­tance effective réponde à celle .qui leur est annoncée.

Estimant ne pouvoir exiger, dès la constitution même de la société, la réalisation plénière de cet état de choses~ la loi se contente œune promesse (souscription) accompagnée d'une exécution partielle, elevant être suivie elle-mêtne. à mesure des besoins sociaux et jusqu'à par­faite réalisation, d'exécutions complémentaires.

Or, en' cas de pét·équation du capital et de l'avoir social, la soc"iété et les tiers, au lieu de passel' successivement par les stades intermé­diaires, se Ü'OllVent cl' emblée placés dans la situation la plus favorable : les valeurs que la société estime nécessaü·es à son activité sociale et sous la garantie desquelles les tiers sont conviés à lui faire crédit se -tt'ouvent, dès a\rant l'aL1gmentation elu capital, à la disposition effective de la société et clans le gage des créanciers sociailx !

ÜI', n'est-ce point là la réalisation plénière elu double vœu de la loi? N'est-ce point l'état de fait et de deoit vers lequel tend toute l'organi­sation légale et qni satisfait pleinement à l'esprit de la loi?

Dire que les exigences de l'article 29 en ce qui concerne la sous­cription et la libération doivent être prises au pied de la lettre. c'est

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prétend1'e qùe le législatene, par \m formalisme rigoureux~ an lieu de permettre aux sociétés de eéaliser œrmblée l'état ·supérieur de dt'oit et de fait vers lequel elles tendent, leur a imposé une évolution pro­gressive vers cet état supérieur. On peut donter que telle ait été la pensée du législateur.

26. - Qu'est-ce donc en défîùitive que cette augmentation interne du capital par sa péréquation avec l'avoir social, si ce n'est la consta­tation officielle d'un état de fait préexistant, la mise en concordance de l'expression de la puissance et du cr·éclit de la soc1été avec la réalité de cette puissance et de ce crédit?

Nous avons peine à croiee quo le législateur, que nous avons accou­tumé de trouver, dans notre dtoit des sociétés, attentif aux réalités, se soit brusquement réfugié dans les nuées d'une vame théorie et d'un formalisme irritant ?

Il n'est pas sans inté.t'èt de sjgnaler, à cet égard,. que, dans une matière voisine, le législateur de 1913, - celui-là même qui s'est occupé d'organiser les aug~nentations de capital~ - a donné la mesure précise de son souci des J'éalités.

Parlant des réductions du capit81 s,)ci~l, M. vVIENER attirait au Sénat l'attention de ses collègues SUL' le fait, qu'à côté des réductions effec­tives cdu capital social se traduisant soit par des rembOUl'Sements soit par des exonérations de versement~ il s'en Pl'Oduisait d'autres, pure­ment nominales, ayant pour seul but et pour seul effet de réadapter le capital social à la situation véritable de 11 'entreprise : " Dans ce cas, disait-il, il s'agit en réaLité cl.' enregistrer 'ttrM situcttion de fait, de con­stater un changem~nt survenu dans l'existence sociale. " Le Sénat fut unanime à en reconnaître la licéité (1).

Cet enregistrement d'une situation de tait, licite en cas de moins­value du fonds social, doit logiquement l'être aussi en cas de plus­value.

Aussi avons-nous tendance à croire que le libellé de l'article 29 ne fait pas obstacle à une augmentation pm·ement interne du capital soc~al par affectation au capital des valeurs se trouvant antérieurement dans ravoir de la société.

27. -C'est vainement que l'on tenterait d'argumenter des articles

(i) RESTEAU, Comm. lég., III, art. 72, 11° 3 pp. 37i, 372, 376.

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DOCTRINE 27

30 et 44, Tuus deux visent le cas d'apports nouveaux et tendent, le 1wemier surtout, à prévenÎI' la n1révaluation des apports.

Ot', en not1 e hypothèse, il n'y a pas d'apports nouveaux et, pal' suite! . ces textes ne s'appliqueut pas.

28. - Pour la même eaison r al'ticle 47 des lois coordonnées relatif aux actions Pepl'ésentatives d'apports en nature. peut être écarté.

Il n'y a, en effet, ni apports nouveaux, ni droits sociaux .nm1veaux. La q11estion de savoi1' quel est le régime du deoit social de l'action­

naire ne se pose que lorsque l'uctionnaiee acquiert un droit social ou un sttpplément de dr·oit social.

On conçoit aisément aloes que les tiers, cessionnaires éventuels de. ces droits, aient intérêt à pouvoir en apprécier la valeur~ et il est, dès lors, équitable et rationnel que des restrictions soient apportées à la négociabilité de ces droits pour favoriser la protection des tiers acqué­rem·s.

Lorsqu'au contraire, il ne s~agit que d'em·egistrer, par la péréqua­tion de ravoir r.t du capital~ une situation de fait préexistante, il- ne se produit! quant à la situation pateimoniale de la société et en ce qui concerne le droit de rassocié! aucun changement de valeur.

De même que la socié~té n ~ acquiel't aucune valeur nouvelle, l'associé n'acquiert aucun droit nouveau: son droit social reste à ce qu'il était aupa1·avant : sa mesure et sa contre-valeur sont connus ; les bilans

. antérieurs permettent de les évalneJ'. Les actions nouvelles qui peuvent lui êü·e remises ne constittwnt

que des démembrep1ents des actions an~iennes. et participent ~e leur nature.

Pour s'en convainci'e il suffit d'observer qu'une telle attribution n'a rien d'obligatoire et ·que l'on- peut l'éviter, sans dénaturer en rien l'opération, en majorant ou en suppr·imant la valeur nominale des actions anciennes.

29. - Des considérations analogues pennettraient d'écarter une argumentation déduite de l'article 35 assimilant les administrateurs aux fondatenrs sous le rapport de la responsabilité lorsqu'il s'agit d'une_ augmentation de capital.

Ce que le législateur a voulu, dans cet article, c'est garantir l'obser­vation des prescriptions· de la loi en matière de sousceiption, de libé­ration et d'apports en nature.

Que la sanètion légale trouve son application en cas d'augmentation

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.28 DOCTRINE

de capital conune en cas de constitution lorsqu'il y a souscription, libé­ration et apports, iln 'y a là rien que de très natueel. Mais quoi de plus naturel aussi que de voir la sanction légale inutilisée lorsque, l'éventu­alité de la souscription, de la libération et des apports ne se produisant pas, les exigences légales qui les concernent sont devenues sans objet?

30. - En ce qui concerne les conditions de forme. Il va sai}S dire que la procédure organisée par les articles 32, 33 et

34 al. 2 des lois coordonnées est incompatible avec l'augmentation interne du capital social.

Essentiellement fondée sur la sottscrvption, c~est-à-dire sur rengage­ment individmülement pris par Cet'taines personries de concourir, à la constitution du fonds social, elle ne peut à toute évidence convenir à un mode d'augmentation de capital qui exclut précisément de tels engagements.

L'augmentation par péréquation du capital et de l'actif social doit, dès lors, s'accomplir suivant la procédure de l'article 31.

Les associés dont le consentement est requis (v. infra) pour la déci­sion valable de cette opération, comparaissant pae eux-mêmes ou par porteurs de mandats authentiques ou pi'ivés, requert'ont un ùotaire de dressee acte de cette opération.

31. - Dettxième problènw:" A suppose1· qtte des appods nottvecmx soient _indispensables a toute cmgmentation de cctpital~ let décomposition de l' incorponttion en une dist1·ibttiwn Sttivie d'wt _ ctpport en société_ donne-t-elle une anctlyse scttisfaisante de cette opércttion .2 "

Nous 11e méconnaissqns pas que les développements qui précèdent · s'écartent de la lettre des articles 29 et 35 des lois coordonnées. N ons avons donné plus haut les raisons pour lesquelles une interprêtation '­littérale de ces textes nous parait devoir être écartée. Nous avons ten­dance à croire que l'esprit de la loi_ doit l'emporter sm' la lettre et nous pensons que l'incorporation des réserves. au capital, par une opé­ration interne, économiquement exacte et conforme à l'intention des parties~, satisfait l'esprit de la loi._

Nous ne nous dissimulons cependant pas que le libellé des articles 29 et 35 et le renvoi implicite de l'article 34 al. l à l'article 29 offrent un point d'appui à Popinion contraire. Aussi avons nous ct•u devoir exa­miner de plus pt·ès le système de la décomposition_ de l'incorporation des réserves en deux opérations distinctes.

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bOC'r.R!NE 29

Distribution des réserves~ restitution à la société à titre d'apports nouveaux des valeurs réparties, tel est le résumé de ce système.

32. - Un point est constant, c'est que les réserves sont réparties et que les actionnaires acquièrent ainsi sur des valeurs ci-devant sociales un droit privatiC l'augmentation de capital qui se ferait par la restitution de· ces valeurs à la soeiété à titre de nouveaux apports ne présente plus aucune difficulté quant à la technique du droit com­mm·cial.

33. - Mais la première question qui se pose, est de savoir si cette décomposition correspond à la réalité d( s ci1oses. Nous avons déjà fait observer qu'il n'en est rien.

A aucun monient nous ne voyons les biens dépendant de l'avoü· social entrer en mutation. Ils restent confinés à l'intérieur du patri .. moh1e social Otl on les retroüye en identité après comme avant l'opé­ration.

A aucun moment on ne V()it les associés acquérir un droit privatif sur l'un quelconqùe de ces biens et aliéneJ' ensuite ce même bien au profit de la société en le rétrocédant à celle-ci.

Force est, dès lors, de conclure que nous nous trouvons en pré­sence d'une décomposition purement intellectuelZe ou, pour mieux dire, d'une fiction.

Or, e'est là un grave écueil : nous n'apercevons pas comment d\me opération fictive peut sortir un apport effectif ? ·

Si la distribution est fictive, l'apport, qui n~est possible que s'il y a eu une distribution anté1·ï"enre~ est fi,ctif à son tour.

34. - Pour transporter la répartition du domaine de la fiction dans celui des réalités, on dira peut-être, que les actionnaires, par l'incorporation des réserves, d~cident implicitement la répartition de · celles-ci et souscrivent ensuite à de nouvelles actions.

Devenus créanciers de la société à concurrence dü montant de la part leui· compétant dans les réserves et débiteurs de l'être social à concurrence du montant de leur souscription, ils voient se produire une compensation entre leur créance et leur deite.

Pour apprécier le mérite de cette construction, il importe de remarquer que l'incorporation de réserves est un acte juridique et qu·ene est à ce titre, soumise aux règles communes de Finterpré­tation. Or, le principe de toute inteqwêtation des conventions réside,

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30 DOCTRINË

sans nul doute, dans la volonté des parties. Reclierchons quelle est cette volonté en cas d'incoqJoration obligatoire des réserves ?

Trouve-t-on une volonté exprimée de répartir les réserves? Bien cet­tainement non. Lorsque les parties ont cette intention~ elles ne recourent pas à l'incorporation obligatoire des réserYes~ mais tout au plus à l'incorporation fac~tltative.

Est-il permis, au moins, de discerner, chez les parties~ la volon(é certaine, bien que non exprimée, de répartir les réserves ?

Ntillement, la volonté certaine des parties est, bien au contraire, de soustraire les réserves à tonte distribution~ non seulement présente mais encore à venir.

Loin qu'il soit question cropéree une distribution actuelle il n~est question que de prévenÏJ' toute distribution. Au lieu de vouloir con-

. férer aux associés un droit privatif sur les valeurs des réseJ'ves, il s'agit au contraire de soustraiee ces réserves a tout empire des actionnaires et même à leur droit social d~en décréter ultérieurement la répartition.

On voit que la théorie ùe la décomposition de l 'opér'ation~ pour séduisante quelle puisse paeaitre, est démentie à la fois par les réali­tés économiques et par l'intention ceetaine des parties.

Elle est dès lors du domaine des fictions. Or seul un texte de loi peut élever une fiction au rang de vérité

jnridic{ue. Un tel texte n'existe pas. 35. - Il s'ensuit· que cette construction ne donne pas; elu problème,

une solution satisfaisante. Pom~ concilier l'incorporation des réserves et l'obligation d'apport il faut trouver autre chose, faute ile quoi~ si l'on refuse ~'admettre la licéité d'une augmentation purement inter'Ile, on clevr~a se résoudre à conclure que l'incorporation obligatoire des réserves est légalement irr'éalisable.

36. - Troisième p1·oblème : " A SUJJjJoser que toute augmen­tation de cap ital exige cles CtJ.Jports nouveau.x, est-il lJOssible ele donner satisfaction à cette exigen-ce en procédant à l'incorpondion obligatoire des 1·éserves cm CCtJ.Jital ? "

Nous avons montré sous les numéros qui précèdent que la théorie de la décomposition est elu domaine de la fiction et ne donne pas au problème une solution satisfaisante.

Nous avons~ d'autre part, reconnu que le libellé des aJ~ticles 29 et 35, ainsi que le renvoi implicite de l'article 34 al. 1 à l 1article 29

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.POUvaient servir de base à une contradiction à notre opwwn que l'incorporation des réserves peut s'accomplir par une opération pure­ment interne.

37. - Faisant abstraction complète de cette opinion, nous nous sommes demandé si Pon ne pouvait concilier avec la réalité des faits et l'intention des parties, les exigences de la technique des sociétés.

Bornons-nous à rappeler qu'en fait, la société n'aliène à aucun moment une parcelle de .son avoir, lequel se retrouve identique en valeur et en consistance après comme avant l'opération, et que, d'autre part, l'incorporation des réserves àu capital exclut, dans le chef des padies~ toute intention de distribution, puisqu'elle aboutit essentiellement à rendre désormais insusceptibles .de distribution des valeurs qui pouvaient antérieurement être réparties.

A la vérité, les actionnaires ne répartissent rien entre eux, ils 1·enoncent a~t èontnti'l"e à le~w droit de décrétet' en assemblée ·générale la distribution des réserves accumulées.

C'est cette dernière constatation dont il :importe d~· tirer les consé­quences.

· 38. - Examinons la situ~tion respective de l'actionnaire et de la société en ças d ~existence de réserves.

L'actiomiaire apparaît comme titulaire d'un droit complexe. Il possède, d'abord, le droit minimum, qui lui appartient en toute

société, à une part dans les bénéfices annuels et dans l'excédent d'actif de la liquidation.

Mais l'existence de réserves facultatives lui vaut un droit supplé­mentaire, celui de décrèter à tout moment la répartition des réserves . . Que l'on admette, avec certains, que les réserves~ en raison de leur

caractére de bénéfices accumulés, sont la propriété des actionnaires et n'appartiennent à la société qu'à titre pré<.;aire et sous l'obligation de les restituer à la première injonction, ou que l'on prétende, aYec d'autres, que les réserves, accroissement d'actif social, appartiennent exclusivement a la société, les associés n'ayant SUI' elles aucun .droit réel. ni, à leur égard, aucune créance de restitution, !nais possédant seulement le droit d'ordonner le paetage de cet excédent d'actif. net, en cours de vie sociale et sans attendre le moment de la. liquidation,(l) il n'en est pas moins constant que les actionnaires ont le droit

(1) Comp. A:\IIAUD, op. cit., 11° 209, p. 365 11° 216, p, 383.

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!32 bOCT:RtN~

supplémentaire de contraindre la société à se dessaisir à leur profit d'une somme de valeurs égale au montant de ces réserves facultatives.

Ce droit supplémentair·e présente, du reste, cette particularité d'être essentiellement soumis poue son exercice et pour sa. conser­vation à la loi du nombJ'e et cl 'être à la discrétion du vote de la majorité.

Quant à la société, Pèxistence des réserves influence également sa condition. Qu'on la considère comme simple dépositaire de bénéfices réservés ou, au contcaire, comme seul et exclusif propriétaire de cet accroissement de son actif, elle n~en est pas moins exposée à devoir se clépouillet~, en faveur des actionnaires et sur réquisition de ceux-ci, du montant de ses réserves.

39. ,....... Ces constatations vont serv.il' cl~ point de départ au système que nous proposons. 1

Il en l"ésulte de façon non douteuse, que le rlroit de rassocié à faire décréter la répartition des réserves, est st\sceptible d'évaluation pécu­niaire.

L'exercice de "ce clPoit se traduit, eu effet, par un appauvrissement du. patrimoine social.

Récipi'oquen1erü~ la renonciation à ce clroit est également suscep­tible d'une évaluation pécuniaire. Elle élimine pour la société toute éventualité d' appauveissement actuel et reporte à la liquidation, le moment du déssaisissei11ent des valeurs des réserves.

Or, on sait que peut faire Pobjet crun apport en société toute chose~ corporelle ou :incorporelle, dès lül'S qu'elle est clans le commerce et susceptible d'évaluation pécuniaire (l).

Rien ne s'oppose~ par conséquent, à ce que cette J'enonciation des assoc·iés à leur deoit de décréter en cours de vie sociale la répartition des réserves, fasse l'objet d'un apport à la société (2).

40. - Cette conception satisfait non seulement l'esprit mais encore la lettre de la loi.

L'augmentation elu capital par incorporat:ion des réserves pourra, dès lors, s'accomplir comme une augmentation de capital quelconque.

Il en résultera un seul inconvénient, c'est que l'article 47. des lois

(1) NYSSENS et CoRmAu, Traité des sociétés ci·viles et commerciales, 1, no 67 p. ~7 ; HoUPIN et Bosvmux, Traité, 1923, 1, no 64, p. 99

(2) Comp. A:IIIAVD, Ojl. cit.' no .228, p. 404.

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DOCTRINE 33

coordonnées sera applicable aux actions nouvelles remises aux action­naires anciens~ lesquelles seront frappées de l'innégociabilité tempo­raire qui atteint les actions représentatives d'apports en nature.

Remarquons~ d·~autre part, que cette conception correspond à Pin­tention des parties et à la réalité des choses.

En Ül(;Orporant les I'éserves, les parties ont Pintention non douteuse, nous l'avons déjà fait observer, de ne pas distribuee les réserves et de les soustt'aÏI'e à toute dis tribu ti on.

D'autre part, en fait; il est constant qu'aucun mouvement de valeurs ne se produit, c'est le star~~ quo au point de vue économique, tant dans le patrimoine social que dans celui des associés. Tout se bOl'ne à une consolidation de la situation antél'ieure de la société, au renforcement de sm'l crédit et à la renonciation des associés à la réalisation de la pai'tie actuellement convertible de leur droit.

41. - Sans doute. au premier abord, la notion d'appm·t-J·enoncia­tion apparait, comme un peu surprenante. Mais, à l'examen, elle se révèle con1me très· satisfaisante.

42. - Examinons Phypothèse suivante : en vertu d'une convention intervenue entre deux personnes, l'une d'elles s'est engagée à ne pas exercer son ~ctivité commerciale dans une région déterminée ; celui des conteactants qui s'est obligé à cette abstention ap.pode ensuite son fonds de commerce grevé de cette même obligation dans une société. Cette société se voit. par conséquent, fePmer la région interdite à son apporteur; il en résulte pour elle comme poul'. lui, une moindre possibilité d'essor ·et d'expansion.

Supposons maintenant que le tiers, bénéficiaire de la convention primitive~ s'offre à lever cette interdiction moyennant certains avan­tages. Que la société y ait inté1;êt la chose n!est pas douteuse; que cet intérêt soit évaluable en argent, c'est d!évidence; que cette main-levée· puisse faire l'objet ·d'un rachat, cela n'est pas moins certain.

Quel obstacle y aurait-il à ce qu'au lieu d'un prix, la société attri­buùt à ce tiers, s!il y consent, un droit ·d'associé? Pourquoi cette main­levée, qui pourrait faire robjet d'une vente, ne pourrait-elle faire l'objet d'une mise en société?

Rien, d'après nous! ne s'y oppose. Or quel serait, dans (;ette éventualité, l'apport de ce tiers, si ce

n'est la 1'enoncicttion à son droit de veto?

3

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34 DOCTRINE

43. -· La théorie ~e l'apport-renonciation trouve, du reste, un point d'appui dans les lois sur les sociétés.

L'article 91, 4° permet à l'assemblée générale des obligataires de décidèr " d'accepter la substitution d'actions aux créances des obliga­taires " et l'article 48 soustrait les actions substituées a ces obligations aux restrictions de r article 4 7, pour peu que ces obligations soient émises depuis deux ans au moins.

Or, que se produit-il dans le cas d'une telle substitution? Il se produit une dcttion en payement(l).Les obligataires renoncent(2)

à lenr créance sur La société moyen~1ant l'acquisition d'un droit social (alùtclpro alio). Et en quoi consis~e la mise sociale de ·l'obliga-taire si ce n'est dans la renonciation de lsa ceéance (3) ? '

A toute évidence, il lie peut être question d'identifier Fhyilothèse de l'article 91, 4o et Fincorporation des réserves : des différences profondes les séparent. Mais il n'en existe pas moins, entre elles, des s;imilitudes importantes.

Sans doute, le droit du créancier obligataire s'est nové en un droit social d!actionnaire! mais l'incorporation des réserves a modifié aussi> le droit de Factionnaire : de composite qu'il était, il s'est unifié ; alors qn!il comportait avant l'opération une double échéance, l'une prenant place à la-liquidation, l'autre, au contraire, dépendant de la volonté de la majorité' des actionnaires, il ne comporte plus, après l'opération, qu'une échéance _unique, placée à Fissue de la vie sociale.

D'autre part, dans l'un comme dans l'autL·e cas, la modification de la situation sociale n'affecte que les postes passifs du bilan, les postes actifs restent inchangés.

N"1..1s concluons clone que l'incorporation obUgatoire des réserves est légalement ·possible ; elle peut s'accomplir en donnant satisfaction aux exigences légales de l'article 29. ; Papport collectif des action­naires consiste dans la renonciation par eux à leur droit social de distribution des réserves.

44. - Qtttatrième problème : " L'atttgmentation clttt capital par ùttcor­JJOration des 1'éserves petttt-elle s!acco·mplir à la rnwjorité spéciale requ.ise

(f) RESTEAU, Comm. lég., III, B, art. 91, 11° 39, p. 563. (2) Ibid., Exposé des motifs, 1, no 30, p. 7. (3) M. REsTEAU enseigne, contrairenient à l'opinion des auteurs de la loi, qu'il

faut y voh· un apport de créance (Soc. anonymes, t. 1, no 706, p. 539).

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D.OCTRINE 35

pou~·· les modificcttions aitx· statuts mt doit-elle Térunir l'unanimité des actionnaù·es ? "

Cette question n'est pas la moins ·importante, ni la moins délicate à résoudre.

On ·en aperçoit tout de suite l'intérêt pratique. Si l'unanimité des suffrages est requise, l'opération ces-;e d'appar­

tenir au domaine des réalités pratiqu.es pour être reléguée dans celui des spéculations théoriques. Comment réussir, en effet, à amener' tous les actionnaires d ~UJle société à prendre part à 1' assemblée générale, soit }:lar eux-mêmes, soit par n1andataire et à y· exprinier~un vote identique ? . Gageure· dans une société un peu nombreuse dont tous les titres. seraient nominatifs, l'entreprise serait chimérique dam; une société dont les actions seraient au porteur .

.Mais si les nécessités de la pratique orientent légitimement nos désirs vers une solution libérale, elles ne suffisent pas .à imposer une telle solution et à dispenser de l'examen du problème.

D'autre part, lesraisonsde décider varient suivant l"opinion qü'on se fait de l'incorporation des réserves.

45. - Première hypothèse. Nous ne nous arrêterons pas longuement à l'hypothèse oü, se ralliant

au système de .M. HouPIN, que nous avons crri devoir écartei', on admettrait que l'incorporation des réserves présuppose une répartition de celles-ci et leur açquisition à titre privatif, potu' une part propor­tionnelle,. par chacun des associés, suivie d'une remise volontaire en société à titre d'apports nouveaux ..

. Dans ce système, la réponse n'est pas douteuse : l'unanimité des ~uffrages est nécessaiee. Le pouvoir social est, en effet, sans qualité pour contraindre un à~socié. à. l'aliénation d'un bien dèpendant de son patril'noine individüel.

46. - Deztxiènze hypothèse : aztgmentcttion interne petr péréquàtion cl tt cctpitctl_et cle l' ttvoi~· socictl.

Quel est le pouvoir cmnpétent pour décider l'incorporation' des réserves si l'on admet que cette incorporation peut s'accomplir par une .opéra:ti~m purement interne, ne comportant ni souscription. ni apports nouveaux ?

· ·~·-· 011 ·sàit que, dans les sociétés anon3rmes, l' asseniblée généi'ale ·des actionnaires. constitue l'orgalie souverain. La loi lui ·cm~fëre la pléni­tude des pÔuvoirs, sous les seules limites de ne transgresser ni les sta~

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3() t>OCT:ktNE

tuts, ni les règles d'ordre public de la loi (art. 70, al. i). Il lui appartient mên1e~ si la charte sociale ne l'en a pas privée, de modifiet· ces statuts et ces modifications peuvent être valablement décidées, à la majorité spéciale. (art. 70, al. 2 et suivants).

Ainsi en est-il des altgmentations et des réductions de capital que la loi soumet, quant à la décision, aux conditions générales des modi­fications aux statuts (art. 72). Il semble, par conséquent, qu'aucun doute ne soit possible et que l'incorporation des i·.éserves puisse. à toute évidence, être décidée aux majorités spéciales,

47. - Mais on a élevé sur ce point une difficulté : certains estiment que cette incorporation enteaine une ct~tg1nentation dés engagements des associés, que le pouvait~ .social est impuissant à imposer et que seule la volonté individuelle de chacun des associés peut librement consentir.

Qu'en est-il ? Préeisons d'abord la difficulté. Soit une société au capital d'un millionlreprésentée par mille actions

de mille francs et ayant un million de réserves. On dit que, lor·sque les réserves sont incorporées au capital,l l'actionilaire qui ne s'était engagé à courir le risque social que poue mille feancs, le court désor­mais à concurrence de deux mille francs et que sa situation s'est, de ce fait, aggravée.

Que faut-il penser de cette objection ? Une première remarque s'impose, c'est que nous n~avons pas,

comme les auteurs feançais, à tenir compte, dans notre argumen­tation, d'un tex le légal prohibant l'aggravation des engagements des associés et à en rechercher la portée. Nos lois coordonnées ne con­tiennent aucune disposition analogue à celle de l'article rer de la loi elu 22 novembre 1913 (l). Le problème doit, dès lors, se résoudre à la seule lumière des principes fondamentaux de notre droit des sociétés.

Ceux de ces principes qui régissent les pouvoirs de l'assemblée générale des actionnaires ont été magistralement exposés par M. PIRMEZ clans son rapport.

L'assemblée gé1~érale est toute puissante pour tout ce qui concerne

,

( 1) « Elle (l'assemblée générale) ne peut toutefois changer la nationalité de la société ni angmenteJ' les .engagements des actionnaires. >>

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DOCTRINE 37

les intérêts et ravoir de la société : elle est, au contraire, sans pou­voir aucun pour ce qui concerne les intérêts privés des actionnaires. Elle les représente nt ~tniversi mais non ~tt singttli (1). En d'autl'es termes, omnipotente pour tout ce qui concerne la disposition et l'amé­nagement du patrimoine social, elle voit sa puissance s'évanouir au seuil du patrimoine propre de l'associé:

Ces principes, à la fois très fermes et très simples~ commandent la solution du prolèrrie,

48. - Tout se borne à rechercher si Pincorporation des réserves constitue un simple aménagement du patrimoine social, ou si elle affecte le patrimoine propre de l'associé en soumettant au risque social des valeurs qui, com1J1'ises dctns le pctt1·i1noine, ne s'y trouvaient pas antérieurement exposées.

Oc, l'hypothèse même dans laquelle nous nous sommes placés loca­lise l'incorporation· des réserves à l'intérieur du patrimoine social. Simple péréquation de l'avoir et du capital, n 'entrainant ni sous­cription, ni libération, elle n'affecte en rien le patrimoine individuel de 1' actionnaire. Les biens qui, du compte de réserve, sont virés au compte de capital, appartiennent à la société et ne cessent à aucun moment de lui appartenir. Il s'ensuit que l'opération ne sort jamais des limites soumises à la souveraineté de l'assemblée générale.

Elle peut donc être décidée par celle-ci dans les conditions requises à 1 'exercice de cette souveraineté ; un vote de majorité suffira, mais, en raison de l'article 72. il faudra la majorité requise pour les modi­fications aux statuts.

49. - Certains objecteront, que, même purement interne, cette incorporation n'en affecte pas moins, à un double point de vue, la situation individuelle de l'actionnaire.

Tout d'abm·d~ si l'on se reporte aux chiffres dolit nous avons fait usage dans notre exemple, on constate qu'alors que l'associé n'a voulu mettre en risque que la somme de 1000 francs souscrite par-lui, il se trouve, après l'incorporation, courir le risque social à concur­rence d'une somme de 200.0 francs,

Le fait est exact. Mais d'où vient cette seconde somme de 1000 fr. ?

(1) GUILLERY, Comm. leg., Il, no 62, p. 1!57. - Comp. CoRBIAU: ((Des pouvoirs de l'assemblée g·énérale des actionnaires», Rev. prat. soc., 1907, no 1791, p. 131 et suiv., spécialement pp. 140, 141, 142.

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38 DOCTRINE

Est-elle prélevée sur son patl'il11oine individuel ? La 'contribution de celui-ci a-t-elle été augmentée ? En aucune façon ; jamais elle n'est sortie du fonds social et jamais l' assocïé n'a eu SUL' elle un droit pri­va tif.

Elle provient du .patrimoine même dé 1

la société ; elle a son origine dans les bénéfices sociaux que ·les statutsl ou l'assemblée généJ'ale ont soustraits à l'appropriation 1wivative desl actionnaires, pour en laisser la propriété, l'administration et la di.sposition à l'êfre moral.

L'incorporation des réserves est, par conséquent étrangère à .cette majoration des valeur·s mises en I'isque qui est, ainsi qu'on Pa fait observer, le fruit non de cette incorporation mais de la constitution même des réserves. Elle n'a diminué en rien le total des biens soumis à l'appropriation privative de l'associé, et n'a soumis aucun de ces biens au risque des opérations sociales.

50. - Ensuite, elit-on, alors que les valeurs clés réserves n'appar­-tenaient à la société, en quelque sorte qt(à titee précaire et que la société pouv~tit être contrainte à tout moment de s~en déssaisir en faveur des actionnaires, U se fait que rassocié se voit dépouillé, par cette opérat..ion, elu cleoit de faire répartir les réserves et qu ~il est obligé de laisser désormais ces val eues exposées au· risque social pen­dant toute la durée de la société.

Cette constatation n~est pas moins exacte (l) que la précédente~ mais elle est également inopérante;

S'il est exact que l'actionnaire a Je droit de faire décréter la répar­tition des réseeves et qu'il en soit privé par la décision qui incoPpore les réserves au capital, il est essentiel d'observer que ce droit ne cons­titue pas, <lans sbn chef, un di·oit .privatif, un droit acquis, mais seu­lement un droit social.

L'actionnaire n'est pas individuellement libre. d'en -user ou de ne pas en user, de le conserver ou d'y renoncer. Ce dt·oit est essentiel­lement soumis à la loi du nombre, au point que l'on pourrait elire~

qu'il repose moins sur l'actionnaÏJ'e individuellement que sur la majo­rité. Qu'il plais.e à l'associé de s'en préva!oir et de proposer à l'as­semblée de répai'tir les réserves,:.: iL suffira que la majorité s'y oppose pour pa1~alys.er l'exercice de ce droit. Inversement. s_~il plait à l'asso-

· ( 1) Sous réserve toutefois de cette .remarque que ces :val!mrs pourraient être soustraites au risque social par une. procédure de réduction de capital.

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cié de maintenir les bénéfices réservés dans les caisses sociales, il suffit d'un vote contraire de la majorité pour l'obliger à exercer .son droit contraieement à ses vues. Veut-il renoncer à son droit d'ordon­ner la répartition, il suffit d'un vote de la majorité pour lui conserver ce d1'oit qu~il voulait abandonner. Qu'il veuille, sans en user actuel­lement, se réserver la faculté de Pexercer plus tard, il suffit d'un vote contraire de la majorité, pour l'en- dépouillet'.

Car, remarquons-le, point n'est besoin de l'incorporation des réser­ves au capital pour les soustraire au pouvoir de répartition de Pactwn­naiee. Il suffit que F assemblée générale décrète que ces réserves sm'ont indisponibles et ne pourront désormais faire l'objet ~d'une répartition bénéficiaire, pour que l'actionnaire soit déchu de la faculté d'en ordonner la distribution.·

Or~ jamais on n'a prétendu, à notre connaissance, qu'une telle décision ne pouvait se prendre qu'à l'unanimité des associés.

Comme la constitution même et l'augmentation des réserves, (l). l'indisponibililé des réserves est du domaine de la souveraineté de rassemblée générale et, bien plus, laissant intacte l'organisation sta­tutaire~ elle pourrait être décidée à la majo1·ité simple.

51. Troisiènze hypothèse : apport-1·enoncîation. On se souvient de ce que, après avoir exposé les raisons pour les­

quelles nous tendions à croire que l'incorporation des réserves pou· vait se faire par une opération pureinent intPrne, et celles pour les­quelles nous ne pouvions nous rallier à la théorie de la décomposition, nous avons examiné s'il était possible de concilier les réalités écono­miques et l'intention certaine des parties avec la double exigence de. l'aeticle 29 des lois coordonnées.

Après avoir• constaté que la renonciation faite par l'associé à son droit de décréter en assemblée générale, la répartition des réserves était évaluable en argent et rappelé que toute chose était propre à faire l'objet d'un apport, dès lors qu'elle était dans le ·comm~rce et susceptible d'évaluation pécuniaire, nous avons émis l'opinion que l'augmentation du capital par 1 'incorporation des réserves pouvait s'accomplir, en suivant le processus légal habituel des augmentations de capital, les actionnaires prenant l'engagement de constituer le

( 1 ) GUILLER Y, ibidem.

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capital d'augmentation en renonçant à lem' droit d'ordonner la dis­tdbution des réserves.

Dans cette hypothèse, faud1~a-t-il nécessairement le suffrage unanime des actionnaires, ou suffira-t-il d~une décision prise à la majoriré spé­ciale?

52. - On aperçoit tout de suite que cette hypothèse se sépare de la précédente par le fait qu'elle ne confine pas l'opé1·ation à l'intérieur du patl'imoine social. Il semblerait, dès lors. que le consentement de chacun des associés soit requis et que seule l'unanimité des action­naires puisse valablemeilt décider d'une telle opération.

Nous croyons cependant qu~il n'en est pas ainsi. Eu effet~ l'apport effectué par l'actionnaire à la société, pour consti­

tuer le capital d'augmentation, est la rei1onciation qu'il fait à son droit de décréter~ en assemblée généi'ale~ la répartition des réserves. Le seul sacrifice que fasse le patrinioine individuel de l'associé, c'est la renon-

. ciation à c~ ~l'oit qui s'y trouvait. Mais nous venons de voir quelle est la nature de ce droit : c'est un droit social. -

Sans doute, il appartient à l'actionnair~, il est dans son patrimoine. comme l' ensen1ble de son droit d'associé, dont il n'est en définitive qu'une prét·ogative. mais il est essentiellement soumis à la loi du nombre. Son exercice, sa conservation, sa suppression sont essentiel­lement suboedonnés, non à la volont8 du seul associé, mais à celle de la inajorité. Peu importe l'opinimi individuelle de l'associé: c'est ropi­nir.n du plus grand nombre qui l'emportera. C'est la majorité qui en est souveraine maîtresse : elle seule décide s'il en sera fait usage et dans quelle mesure, ou s'il· restera à l'état potentiel; elle seuJe statue sm' sa -conservation ou sur sa rtrine ; elle seule en dispose.

Rien ne s'oppose, dès lors, à ce que la majorité - pour peu qu'elle satisfasse au prescrit de l'article 72 - renooce h r exercice de ce droit et fasse apport de cette renonciation à la société pour servir de contrevaleur à une augmentation à due concm'rence elu capital social.

53 . ..:_ Sans doute la sousceiption et l'apport qui en sont la suite, sont, en principe, inséparables du consentement individuel et libre de celui qui s'oblige. Mais il n'en est pas toqjours ainsL

La J'ègle cesse d'être vraie en ce qui concerne les biens qui sont soustraits par la loi ou la convention au domaine de la volonté indivi­duelle ]JOur être soumis à une volonté collective trouvant son expres­sion dans la décision d'unemajorité.

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DOCTRINE 41

Il n'est pas contestable que si, à l'occasion d~un bien indivis, les ·indivisaires sont convenus de S

1 en remettre à la majorité pour décider du mode· de réalisation de ce bien, celui-ci pourra ètre mis en société, à la, suite d'une décision majoritaire et que la majorité dissidente ne s~en veera pas moins liée par l'obligation d'apport et engagée dans les liens sociaux.

Sans sortir de la loi sur les sociétés, on trouve àux articles 48, 2o et 91, 4° un saisissant exemple de souscription et d'apport déc!dés par une majorité et imposés à la minori~é.

Lorsque l'assemblée générale des obligataii·es décide à la majorité légale d'accepter la substitution d'actions aux obligations, ceux des obUgaL·ires qui ont voté contee cette mesure ne S

1 en trouvent pas moins :souscripteurs d'actions et obligés à renoncer à leur créance.

Il en est de même en cas d'augmentation de eapital par renoncia­tion des actionnaires à leur droit de décJ•éter la distribution des réserves.

L'un et l'autre Je ces cas, ne sont que des aspects différents d'un même principe.

Nous concluons donc que, même dans l'hypothèse où nous nous sommes placés, d'une augmentation de capital où l'apport des associés consisterait dans la renonciation à leur droit de décréter la répartition des eéserves, ces décisions seront valablement prises à la majorité spéciale des modifications aux statut.;;.

B. - Etude de l'ct~tgmentatiun de capital par inco1'poration obliga­to ~re des réserves, a~tpo int de vue de là taxe mobilière.

54. - Ayant ainsi achevé l'examen des divers problèmes riui relèvent du dt·oit commercial, nous allons étudier la consolidatio~l_

obligatoire des réserves au point de vue de la débition de la taxe mobilièt'e.

55. - A) Droit français. - Administration des Finances. Aux yeux de 1 'Administration des finances, Lmgmentation du capi­

tal social par incorporation des rése1·ves suppose nécessairement une répartition de ces réserves aux associés, suivie de l'apport par ceux-ci à la so~iété des sommes qu~ils sont censés avoir reçues à titre de béné­fices (l).

(1) V. notamment Rev. (fr.) des soc. 1923, p. 437, réponse du 1\'linistre des Finan­ces à une question de 1\'1. de Monzie, sénateur.

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42 DOCTRINE

La distribution qu'implique cette opér·ation~ donne ouverture a l'impôt sur les valeurs mobilières.

56. - Jurispntclence cles Tribw~ct~tx et Cours cl' appel. Dans leur ensemble les Tribunaux et Cours d'appel admettent,

comme l'Administration, que l'incorporation des réserves est insépa­rable d'une distribution fictive des· réserves suivie d'une J'emise en société des valeurs réparties et déclarent conséquemment que l 'impot mobilier est clù (1).

On relève toutefois quelques dissidences. Le Teibunal de St. Quentin (2) notamment~ dans un jugement

longuement motivé, a repoussé P idée d'une répartition fictive et jugé que rincorporation des réserves au capital, loin d'équivaloir à une distribution, 1nanifestait an contraire la volonté certaine et non dou­teuse des associés de soustraire les réserves à toute répartition et était exclusive de torît enrichissement des actionnaires. Il a, en conséquence, décidé que l'impôt n'était pas dù.

57. - J~wispruclence cle la Cour de cassation. La jurisprudence de la Cotir · de cassation de France est, depuis

llorigine, fixée dans le sens de la débition de l'impot niobilier, en cas· d'incorporation des réserves au capital sociaL

La Chmnbre des Reqttêtes qui, pe;1dant de nombeeuses années, a été seule à être saisie de la question, a, de façon constante, jugé que cette opération constituait nne clist1·ibtdimt passible de la taxe.

Dès ses pt'emiet'S at'rêts sur la matière (art'êts de la Société Métal­lurgique du Tarn et Garonne · (3), et de la Belle Jardinière (4) la Cour a jugé que la somme passée des réserves au capital " si elle n'a pas été effectivement touchée en espèces, elle n'en a pas moins été. distribùée ; que l'affectation toute volontaire des bénéfices à l'augmen­tation elu fonds social et la remise des actions nouvelles aux action-

(1) Trib. Seine, H juillet 1879, S. 1880, 1, 473. - Trib. Seine, 22 aoùt 1879, S. f880, 1, 475.- Trib. Lunéville, 4 novembre 1886, S. 1889, 1, 87. - Tribunal Marseille, 29 juin 1910, S. 1914, 1, 397.- Trib Douai, 8 février 1924 (statuant après renvoi) Rev. (fr.) soc., 1922, p. 228.

(2) 6 mai 1924, S. 1917, Il, 23. - Voir aussi Trib. Lille, J 7 mai 1912 cité pal' l\'1. Bernard AuGER, Rev. (fr.) soc., f922, p. 229.

(3) Req. 7 juin 1880, S. 1880, 1, 473 .. (4) Req. 7 juin 1880, S. 1880, 1, 475.

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DOCTRINE 43

naires proportionnellement aux actions anciennement par eux possé­dées, constitue essentiellement une distribution." (1).

Le laconisme de ces arrêts . ne permet guère de discerner les considérations qui ont déterminé la Cour.

Fort heureusement, les Recueils les font suivre de considérations de M. le conseiller VOISIN au rappm~t duquel ces décisions ont été rendues.

Dans les considéJ'atiorrs qui accompagnent Parrêt de la Métallurgiqne du Tarn, M. le conseiller VOISIN se prononèe expressément en faveur de la décomposition' de Popération en deux phases, consistant la première clans la distribution fictive des réserves et la seconde dans l'abandon volontaire consenti par les associés en faveur du capital social (2).

Dans les cons.iclél'ati~ns qui ont provoqué l'arrêt de la Belle Jardi­nière cet éminent magistrat est revenu sur cette idée et Fa plus lon­guement développée : " Sans doute, dit-il. la distribution ... n'a pas eu lieu en espèces : Cette smnme n'a pets été tmtchée effectivement en espèces. Mais pourquoi n'en a-t-il point été ainsi ? Parce que les sociétaires ont eux-mêmes voulu qu'il en fù.t autrement. Ils ont v;oulu accroître leur capital avec une portion de leurs bénéfices sociaux. Ils auraient pu toucher chacun leur part et remettre dans le capital social cette part déja entrée daes leur patrimoine personnel~ afin d'accroître le dit capital social et~ dans ce cas, il est incontestable qu'ils auraient payé la taxe sur ce qu'ils auraient touché.

" Or vous penserez peut-êke avec nous qu'ils n'ont, en définitive pas fait autre chose. Ils ont supprimé matériellement, effectivmnent une opération, voilà tout, mais le résultat obtentt est absolument le même. La d·ist1·ibution n'a pets eu lieu en èspèces mais elle a ett lieu réellement sous une ctutre fm·nw. " ... " La somme litigieuse était d'abord dans

"la caisse sociale~ est passée dans une caisse spéciale, celle du compte d'accroissement du capital, caisse· commune encore, mais de là, elle est entrée dans le patrimoine personnel de chaque titulaire de part et c'est à ce moment qu'elle a été Ü'appée, comme elle devrait l'être, c1·oyons nous, de la .taxe sm· les produits " (:3).

Répondant à l'objection tirée du ütit que les valeurs portées au

(t) Premier arrêt. (2) S. 1880, I, 475. (3) Ibid. p. 4 77.

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44 DOCTRINE

capital restent soumises au risque social, lVI. VOISIN écrit : " Sans doute, au moment où le placement nouveau est fait~ où le capital social est augmenté conformément à la volonté exprimée par les socié­taires, on ne se trouve plus qu~en présence du capital soumis aux clu:mces de gain ou de perte. Mais ce n'est pas à ce moment qu'il faut se placer pour savoir si 1a taxe est due ou n'est pas due, Il faut se placer a~t moment où les fonds sortent cl~t compte cl' accroissenwnt qui n'est autre, qu'un fonds de 'réserve~ pour se diviser entre chaque part d'intérêt et sont ainsi attribuées p1·ivativement à chaque titulaire de· pcwt~ A ce moment, la distrib~ttion se fait~ le placement voulu pal' les titulaires de parts s'opère, comme tout autre placement~ avec chance de gain ou de perte, mais ces chances de gain ou de perte sont sans influence sur la perception de l'impôt A ce moment, des revenus~ dAs· produits, des bé11éfices ont été distribùés, la loi de 1872 doit alors · recevoie son application. car les deux conditions voulues pour la taxa­tion sont réalisées : un produit d'abord et un produit distribué ensuite:" (1).

Il résulte de cet exposé qu'aux yeux du rappol'teuP des aerêts, l' opé­ration~ bien que ne supposant qu'une distribution fictit·e des sommes mises des résePves, aboutit cependant à une distrib~ttion rt!elle de bénéfices.

L'opinion de la Chamb1,e des Requêtes ne s,est pas modifiée dans la suite : elle s'est exprimée à nouveau dans l'arrêt des Cristalleries de Baccarat (2).

L'arrêt de la Société française de l'A.frique occidentale (3) fut rendu dans le· même esprit ; toutefois, la Chambt,e des requêtes y a mànifesté avec plus de force la ·pénsée que 1 'opération aboutissait à nue distribution 1·éelle : " : . . le jugement attaqué décide à bJn droit que cette réserve figurant à ractif social et bien qu'elle ait été utilisée à l' augmentatimi du capital socia 1' a été réellement distribuée, p2tis­qu' -il ct été rem2:s aux porte~trs cl' actions anciennes, en 1·eprésentation de sa valeur, sw· laquelle ils n'ctvaient qtt'un droit indivis et indéter­miné, cles actions no,uvelles dont ils ont la lJ1'0priété et let libre disposi­

tion ... " (4),

(l) s. 1881), 1, 475. (2) Req. 26 décembre -1887, S. 1889, 1, 87. (3) Req. 3 avril191l, S. 19l4, 1, 397.- Rev. (fr). soc., 1912, p. 400. (4) s. 1914, 1, pp. 397-398.

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DOC'rlHNE 45

V arrêt des Mine de Marles s'inspire des mêmes considérations (1). Récemment, la Chwnbre civile, saisie de la question de l'incorpo­

ration au capital des pl~ts values du fonds social, s'est prononcée à son tour en faveur de la 'débition de l'impôt, " attendu que 1 'opération dont il s'agit a e~t pour cvnséq~tence de faire imnzécliatement lXtsser clans le patrimoine des actionnah·es, smts let (orme d'actions nmwelles. dont ils avetient la lib~·e disposition, une pàrtie de l'ex-cédent de valeur elu fonds social; que la remise de ces titres, qui étaient att1·ibués pro­portionnellement aux actions anciennes par eux possédées, n~a été accompagnée d'aucun versement prélevé sur leurs fonds personnels, qu'elle constituait donc pour eux une distribution ... " (2)

Sa jurisprudence s'identifie, par conséquent, avec celle de la Cham­bre des Requêtes.

58. - J~trispntdence d~t Conseil d' Éiat. C'est au Conseil d'État qu'appartient, en France, la décision suprême

des contestations relatives à l' inzpôt général sur le 1·even~t, c'est-à-dir·e à l'impôt complémentaire sur le revenu global.

Alors que la question de l'incorporation des réserves relèvè de la Cour de cassation au point de vue de l'impôt mobilier, elle relève du Conseil d'État au point de vue de l'impôt géné~·al sur le revenu.

Cette haute juridiction s'est à plusietœs reprises prononcée, à ce point de vue spécial~ au sujet de 1 'incorporation des réserves dans le capital des sociétés par actions.

D'un.e façon constante, elle a jugé qu'en ccts d'incorporation obliga­toire, c'est-à-dire lorsque l'actionnaire n'a pas le droit de choisir entee la remise d'actions nouvelles et le payement en espèces, de sa pal't des réserves les valeurs des réserves n'ava,:ent pets été 1nises effectivement à· la disposition ele l'actionnai1·e et q~t'en conséquence l'impôt général n'était pas dû (3).

Nous avons vu, au seuil de cette étude. qu'en cas d'incorporation

(1) Req. 24 juillet 1911, S. 1914. 1. 398. Rev. (fr). soc. 1912, p. 402.

(2) Civ. 6 mars 1922 (Cie impériale et continentale du g-az) Rev. (fr). soc. 1922, p. 228. Voir aussi Rev. prat. soc. 1924, no 2589, p. 364. · _ (3) Contentieux 15 février 1923 (2e arrêt), Rev. (fr). ~soc. 1923, pp. 237 et suiv. ; - H avril1924, Rev. (fr). soc. 1924, p. 366 et Journ. (fr). soc. 1925, p. 22. -(Comp. Conseil préfecture Seine, 22 novembre 1920 Rev. (fr.) soc., 192!, p. ·26.

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46 bOCTR!NE

fàèultative, 'le Conseil·d'État se pt'ononçait pour la· debition· de l'im­pôt (1).

Il résulte donc, au premier examen qt(il y· aurait contrariete entre la jurisprudence de la Cour cte cassation et celle~ du Conseil d'État.

Nous croyons que cette contrariété n'est qu'apparente. En effet, les dispositions légales qui doivent être mises en· œuvre

ne sont pas les mêmes. La loi qui doit êtl'e appliquée en matière d'impôt mobilier est celle

de· 1872; celle qui régit l'impôt général surle revenu est celle du .15 juillet 1914.

Leur texte est différent et c'est sur un argwnent âe texte qlie se fonde la décision du Conseil d'État. . .

Nous reproduisons ci-dessous les principaux motifs de Parrêt du ln février 1923 (2). 1

59. - Doctrine. Les auteurs français sont divîsés au sujet de la débition de l'impôt

·mobilier, comme ils sont au sujet de l'interprétation de l'incorporation des réserves, sous l'.an,gle du droit commercial.

Ceux qui pensent que l'incorporation des réserves suppose essentiel-

(1) Voir supra nqte 1. (2) << Considératlt qu'aux termes de l'article 10 de la loi du 15 juillet 191.4,

n l'impot g·énéral sur le revenu est établi seulement d'ap1·ès le montant total elu » revenu annuel << dont dispose chaque contribuable ... 1)

<< Considérant que si la décision de l'Assemblée générale d~s actiomütires .. ; a eu 1) pour conséquence de faire passer dans le patrimoine des actionnaires, sous formes n d'actions nouvelles, pour l'acquisition desquelles ils n'ont eu aueun versement à » effectuer de leurs deniers personnels, une partie des bénéfices sociaux accumulés » au cours des années antérieures et mis en réserves, il résulte de UnsirucLion et >> notamment de la décision précitée et des statuts, que, dans l'espèce, la somme de.:. » francs, correspondant à la quote part revenant au sieur R. D. dans les reserves »affectées à l'aug·mentation de capital décidée· par l'Assemblée g·énérale, n'a été à '>aucun moment mise effect-ivement à sa disposition et que ce contribuable, à raison des n conditions restrictives imposées par les statuts pour la transmission des actions à » la société, n'avait pas la faculté de céder -librement les· nouveaux titres qüilui >> étaientdélivrés en représentation de sa partdes rése1·ves,que dès lors le sieurR.D.

-))n'a ... disposé an sens de l'article 10 de la loi elu 1~ juillet '1914 ni de smwnesni de » valeurs constituant un revenu rentrant clans les sources de revenus énumêré~ â n l'article 10 dela dite loi et à l'article 1 duclécretclu17janvier-1917 ... >l: Rev. (fr.) soc. 1923, pp. 237 et suiv.

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DOC1'RINE 47

lement une distribution des bénéfices réservés, enseignent que J'impôt mobilier est dû sur cette opération (1).

Ceux~ par contré, qui croient que la consolidation des réserves peut s'accomplir en dehors de_ toute répartition de celles-ci, estiment que Popération s'accomplit en franchise de cet impôt (2).

60. - B. Droit belge. - Adnnnistration. des finances. L'Administration des finances s'est, à deux reprises, prononcée de

façon expresse en faveur de la débition de l'impôt en cas d'incorpora­tion des réserves dans Je C(\pital social. (3).

Elle a~ à diverses reprises~ soutenu sa thèse devant les juridictions. Elle n'a, par conséquent~ pas cru devoir étendre à l'impôt mobilier,

le point de vue qu'elle avait admis dans une circulaire relative à l'impôt extraordinaire sur les bénéfices exceptionnels (4).

61. - J~trispntdence des Cours d'appel. Deux de nos Cours d'appel ont été appelées à se prononcer jusqu'à

présent, sur la débition de .la taxe en cas d'incorporation des réserves. La Cour de Liége (5) a jugé que cette opération constituait une

attribution de profits passible de l'impôt. Elle affecte, dit-elle, direcie­ment les droits des associés " attendu qu'au lieu d'un droit de réalisa­tion éventuelle sur une réserve restant à la disposition de la société qui, sur simple décision, pouvait en user à son gré, l'actionnaire a

- détenu un droit définitivement acquis à une part du patrimoine social, qui, devenant capital, échappe à la libre disposition de la société ... ,

Sans .se prononcer sur la structure de l'opération, la Cour estime qu· " il n'mi est pas moins vrai qu'en tout cas c'est l'affectation des réserves au capital, faite au profit des actionnaires qui, seule, a permis de .leur remettre des titres nouveaux, totalement libérés, de valeur, en l'espèce dûment chiffrée, rèprésentatifs, non d'un droit conditionnel, mais d'une part de capital exig·eailt une contre-partie; qu'ainsi l'actionnaire s~est vu attribuer, en nouvelles actions une part

(1) HouPrN, Traité, t. III, no 1635, pp. 264 et suiv. (2) Ai\nAuo, op. cit., no 259, 260, 261, pp. 466 et suiv. - Cfr. AMBROISE CoLIX,

Notion fiscale du 1'evenu, pp. 17 4 et suiv. (3) Circ. c. d., no 54, 345, du 25 février 1920, R. 3197, § 8 et S. R. § 86. (4) Circ. c. d., no 93.087, du '12 nov. 1920, R. 18, § 2 et suiv. (5) '15 février 1926 (Sté des PriDduits émaillés de St Servais) Rev. prat. soc.

1926, ll0 2667' p. 74.

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des réserves qui, jusque là, ne lui était pas définitivement acquises, ni en espèces~ ni sous forme de titees et pouvait lui échapper. "

La Cour cÙ .Bntx~lles (l) au contraire) a jugé c1ue rincorporat.ion des réserves (plus-values) n 'atteibuait aux actionnaires aucun dividende' intérêt ou profit et a, en conséquence, déclaré que Pimpôt - en l'es­pèce la taxe sur les profits réels de la loi de 1913 - n'était pas dù.

62. - Cour cle cassation. La Cour suprême ne s'est pas, jusqu'it ce jour, prononcée sur la

question. Elle en est actuellement saisie (2). 63. --Doctrine. Les anteurs qui se sont, en Belgique, occupés de la question s'ac­

cordent en majorité à dire que l'incorporation des réserves ne com­l)orte aucune distribution de produits aux actionnaires et que la taxe mobiliére n'est, par suite, pas due sur le montant des réser\res incor­porées (3).

64. - L'augmentation elu capitctl par incorporation obligatoire cl es réserves donne-t-elle ouverture à la taxe mobiUère · ?

Pour I'ésoudre cette grave question, il est indispensable d'avoir présents à l'esprit les principes fondamentaux qui régissent la taxe mobilière sur les réserves d'actions.

La taxe mobilière sur les revenus d'actions est essentiellement un impôt sur les bénéfices clist1··ibués pae les sociétés par a.ctions ~t leurs actionnaires ..

Le fait générateur de l'impôt consiste dans la clistTibution, c'est­à-dire clans le passage~ au patrimoine de l'associé, de valeurs ci-devant

('l) 19 mars !926 (Soc. des carrières unies de Porphyre) Rev. prat. soc., 1926 no 2668, p. 76.

(2) Cette étude était écrite, lorsqu'a paru l'arrêt de la Cour de cassalion du 6 décembre 1926 (J. T1'ib. 26 déc. 1926, col. 744) cassant l'arrêt de la Cour cie Liége précité (Voir cet arrêt commenté infm, Rev. prat. soc., no 2i39). .

(3) DE PELSMAEKER,· « Études citées >> .- M. FEYE, « La taxe mobilièt·e et la dis­tribution d'actions aux actionnaires, consécutive à l'aug·mentation du capital. social par incorporation des plus values ou des réser1~es », Rev. prat. soc., 1924, no 2589, p. 364. - M. BÉATSE, «Impôts sur les revenu~ n après avoir défendu l'opinion con­traire, s'est rallié à la doctrine de l'immunité dans la ·2eme édition de son ouvrage,· pp. 44 et sti.iv. Contra GILSON, << Les impôts sur les bénéfices des sociétés ano­nymes», 1921, no 27, p. 22 ...

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bOC'I'RINE 49

s_ociales qui " sorties du patrimoine de l'être moral" ont été mises à la disposition effective de ractionnaire et sont deventTes l'objet d'un droit lJrivatif de sa pad " (1).

C'est dire que la débition de la taxe est essentiellement subordonnée à une mutation, à un transiert de valeurs du patrimoine social au patrimoine individuel de l'associé~ appauvrissant celui:.là~ enrichissant celui-ci. Là où une telle mutation n'existe pas, le fait générateur de la taxe fait défaut et 1 'impôt 11 'est pas dù.

D'autre part, les travaux préparatoires des lois d'impôts sm· les revenus manifestent de façon non douteuse que notre droit fiscal est essentiellement 1·éctlistr, qu'il repose tout ·entier sur les réalités écono­miques et ne vise à frapper que <..:elles-ci.

Ce principe a été affirmé avec force, à de nombreuses reprises, par la Cour de cassation, tant sous. le régime antérieur de la loi de 1913 que sous le régime des lois coordonuées : la taxe mobilière frappe, non le fait juridique du droit au reyenu, mais le fait matériel de sa mise en payement (2).

Il ne suffit donc pas que l'associé ait un droit éventuel de réalisation incertaine sm· une valeur sociale, pour que celle-ci soit constitutive de revenus : il faut essentiellement que le droit soit réalisé, que ravantage soit économiquement c~nstànt.

C'est à la luniière de ces princjpes que doit êtPe résolu le vroblème tlUe nous nous sommes posé. Celui-ci se réduit donc à rechercher si l'incorporation obligatoire des réserves au capital social est constitu­tive crune distribution de produits.

Nous avons déjà fait observm~ à ·de nombreuses reprises qu'en cas cl' incorpol·ation des réserves, atlCune nwtation ne se produ:it entre le · patrimoine social et le p-atrimoine individuel des actionnaires.

La société, après comme aYant Popél·ation garde, en identité, la totalité des biens dépendant de son avoir : ;\ aucun moment elle ne s'appauvrit de run quelconque de 'ces hiens, aucun transfert de oraleurs, si h1·ef soit-il, ne la dépouille d~un élément. t1uelcolH1ue de son

('1) Nous publierons pl'Ochainement une étude sur les conditions de débition de taxe mobilière. ·

(2) Cass., 29 avril 1917, Rev. prat. soc., -1922, no 2424, p • .18, avec ohs. de 1\L le conseiller DE IIAENE, et Cass. 20 septembre ·1926 (Carrières du Hainaut) et 4 octo-bre 1926 (La Comilière) encore inédits. · ·

·No 2738 4

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DOCTRiNË

actif. Quant à l'associé~ à aucun moment il ne s'enrichit d'une par­celle quelconque de l'avoir social, ni n'acquiert sur l'une ePelles un droit privatif.

Force est, dès lors, de conclure que le fait générateur de la taxe fait défaut et qu'en conséquence. l'impôt n'est pas dû.

65. - Cette conclusion, qui nous parait s'imposer avec toute la force de l'évidence, est cependant combattue par beaucoup.

Certains y opposent, que, s'il n'y a pas eu une distribution 1·éelle des · réserves, on doit cependant admettre mie répal'tition fictive de celles-ci.

Nous avons exposé ce système au cours de Pexamen des problèmes _ de dt•oit comtnercial que soulève Pincorporation des réserves. Cette objection est, à nQs yeux~ sans valeur.

D'une part, notre droit fiscal est réaliste : il ti·appe les 1·éctlités éco .. n01niques et elles seules ; les fictions juridiques échappent à son atteinte. D'autre part, la fiction de la distribution des réserves est des plus suspectes. Nous avons déjà fait observer que le conflit qui existe entre cette construction et la "\rolonté certaine qui est à la base de l'acte juridique qu'elle prétend analyser, rend éette interprétation des plus contestables.

66. - D'autres disent que l'incorporation des réserves a pour con­séquence nécessaire cl' enrichir actuellement l'actionnaire.

En effet, disent-ils, il lui est remjs gratuitement des actions dont il a la. libre disposition et qui sont soumises à sou appropriation priva­t"ive ;-les actionnaiees reçoivent ainsi " sous la forme d'actions nou­velles " , une partie de l'excédent de valeur du fonds social. En vm1-dant ces actions, l'actionnaire peut approprier privativement une somme de valeurs égale à la part lui compétant dans les réserves.

Cette interprétation est, au premier ·'aboed, assez séduisante mais elle ne résiste pas à un examen approfondi.

Remarquons, tout d'abord, qu'elle ne peut même pas être soulevée, dans le cas où, au lieu de remettre aux actionnaires des actions nou­veHes, la société se borne a supprimer purement et simplement la valeur nominale des titres anciens (art. 41). Il n':y a, cependant, juri­diquement, aucune_ différence de foncl, entre une incorporation des réserves ainsi conduite et celle qui s'accomplirait moyennant remise de titres nouveaux ou majoration de la valeur nominale des titres

· anciens. .. 1 · .

Aussi bien, même dans cette éventualité) le prétendu enrichis-

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bODTlU:NE 51

sement de l'actionnaü•e n'est qu'un mirage et l'opi:w.ion· qui prétend lui attribuer un caractère effectif repose, à nos yeux~ sur une confusion.

La t'emise d'actions ·nouvelles et l'élévation de la valeur nominale des titres ancien~ ne constituent pas autre chose qu'une modification dans la représentrûz:on du droit de l'actionnaire, mais elles ne modifient en rien la cons istcmce mbne de ce droit.

L~erreur dans laquell~ versent nos adversaires, elest de confondre le d1'oit de l'associé avec la. forme tangible donnée à ee droit~ avec la représentation de ee droit.

Qüe la représentatiàn de ce droit se soit modifiée~ nul ne le contes­tera : ie nombre ou 1a forme de ses signes est changé ! Mais le droit de l'adionnaire est resté constant : après comme avant l'opération il a sa ·mesm·e d<;tns la part d'actif net qui~ encas de partage, coli1péte­rait à l'associé; l'actif net de la société ne s~étant pas modifié~ la quote part, contre valem' du droit de l'actionnaire, est restée elle aussi inchangée.

On dwrcherait vainement~ dès lors~ en fait coli1me en deoit, un aceroissement de la richesse de ractionnaire.

Bien loin de s'améliore!'~ sa situation s'est. dans une certaine mesure, amoindrie puisque, par !'.incorporation des réserves, il a renoncé à la réalisation de .la partie actuellement convertible de son droit, pour en reporter l'échéance à la dissolution de la société.

Sans doute, il est parfaitement exact quel 'actionnaire, en aliériant ses actions nouvelles, peut se mettre dans une situation économique· voisine de celle qui résulterait de la répartition effective des réserves·, mi amendant de façon privative le prix des actions ainsi aliénées.

Mais il ümt; ici aussi, se garder d'une confusion. Il importe, d'abord~ de remarquer que l'incorporation des réser,res

et la l'enTise d'actions nouvelles qui en est la suite~ n'ont nullement pour effet d'attribuer à l'actionnaire une faculté nouvelle qu'il ùe

·possédait pas aupal'avant: Toujours l'actionnaire a pu, en, cédant à autnti son· droit social? amender privativement la contre valeur de ce droit et soustraire ainsi cette contre valeur au risque sociàl.

La remise d'actions nouvelles n'a fait que rendre 1natériellement plus facile par la multiplication des signes représentatifs du droit de ·l'associé~ l'exel'cice· de cette faculté. La situation de 1 'actionnaire est, dès lors, exactei11ent la même que si ses actions anciennes avaient été morcelées en, cou pures.

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bOCTRtN:E

Cette première constatation faite, il s'agit de rencontrer le fond de l'opinion adverse.

Nos contradicteurs disent que~ par la cession des actions nou-relles~

l'actionuaire peut amender privativement la contre valeur de ces actions, laquelle n'est autre que la contre valeur de 'la part lui com­pétant dans les réserves.

C'est exact. Mais l'errem' consiste à prétendre qu'un tel enrichissement de

l'actionnaire soit p·assible de la taxe mobilière. Soulignons, incidemment, tout d'abord, que 1 'objection ne pourrait

logiquement être présentée que lorsque cet enrichissemm~t est passé de l'état potentiel à l'état actuel par l'aliénation effective des titres et qu'en conséquence le maximum de ce que l'on pou~'rait prétendre c'est qùe la taxe mobilière serait clue lors de la 1·éctlisation des actions nouvelles et non lors de l'incorporation des réserves.

Mais, même ainsi modifiée, cette opinion est inadmissible. En effet, la taxe mobilière sur le I'evenu des actions ne frappe pas

tout enrichissement q~telconque de l'nctionnaire dont son droit social est la cause ou l'occasion, mais uniquement ce mode spécial d'enri­chissement qui consiste dans l'attt'ibution par la société a Faction­naire, à titre de bénéfices, de valeurs sociales.

En d'aukes termes, pour être passib1

le de la taxe mobilière l'enri­chissement de l'actionnaire doit se faille ct~tx dépens de let société; il clmt avOir sa cause dans une ?mttation du patrimoine social an patri­moine individuel de l'associé, enrichissant celui-ci et appauvrissant corrélativement celui-là. Or, l'enrichissement actuel de l'actionnaire par la cession de son droit social se produit, non pas au détt'Ùneiit de la société, mais à celui du cessionnaire ; la mutation intervient du patrimoine du cessionnaire à celui de l'associé-cédant.

Le fait générateur de la taxe manque, l'impôt n'est donc pas dù. 67. - D'autres prétendent que.l' enrichissement actuel de l'action­

. naire réside dans l'augmentation de son droit sur le capital socictl. Ils admettent que le droit de l'actionnaÜ'e est resté constant au

point de vue de l'avoir social, mais ils allèguent que son droit sur le capital social s'est accru.

On ne peut combattre avec assez d'énergie cette opinion qui mécon­naît à la fois la nature elu capital sodal et celle elu clroit cles action­naires.

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DOCTRINE 53

La première eerem' dans laquelle versent les partisans de ce sys­tème porte sm, la natuee du capital social.

Autre chose est l'ctvoir social et autre chose le cctpital. Ce serait se. méprendee complètement sur celui-ci, que de le conce­

Yoir sous l'aspect. d'une masse de biens soumis à la propriété. de la société, ou à la pr-opriété collective des actionnaires.

On ne peut définir la nature et le rôle du capital social avec plus de précision que ne l'a fait M. VIVANTE dans le passage suivant: q Le patdmoine cl 'une société est l'ensemble de tous les rapports juridiques dont elle est titulaire.~. ce patrimoine est essentiell.ement mobile et changeant, suivant les vicissitudes de l'industrie. Mais il conserve constamment les caractères juridiques d'une universalité de droit indé­finie et appartenant à l'être social.

Par ·opposition au patrimoine social, essentiellement muable, appa­rait le cctpitctl nominal de la société,. entité iwridique et de compte (nomen juris) qui demeure constant pendant toute la durée de celle..:ci, on au moins aussi longtemps que l'acte constitutif n'est pas modifié. Il coustitue un solde constant dans la formation d'un bilan social ; il doit y figurer au passi(de tout ex~rcice afin qu'on inscrive -à l'actif­comme contre-partie un fonds équivalent poue la garantie des créan­ciers sociaux. Les pertes subies par le lJCttrimoine social n'ont ctucttne influence sur le chiff?·e dtt capitnl social à moins qu'elles n'en soient ani vées au point de forcer la société cl' en effectuer la réduction , (1).

Simple expression juridique et comptable destinée à donner la i11esm,e du gage minimum des cPéanciers sociaux et corrélativement des valem,s sociales soustraites à la libre disposition de l'être moral, ainsi qu'à décéler l'existence ou l'absence de bénéfices réels, le capi­tal socictl répugne à toute appeopriation quelconque.

La seconde errem, de la doctrine adverse porte sur la ncit,ure dtt droit de ractionnaiee.

n nous est impossible d'admettre que l'actionnaire ait un droit pri­vatif sur un élément quelconque de l'avoir social. Tant que dure la

(i) VIVANTE, « Trattato », 2e édition 1903, t. II, nu 447, cité par THALLER, op. cit. - Voir aussi : DE HAENE, << Les plus values des soc. anonymes devant le droit de patente )) ' Rev. prat. soc., 1911' 11° 2155, pp. 210 et suiv. ; - DE PELSl\IAEKER, « Du remboursement du capital des sociétés anonymes devant le droit de patente », Rev. prat. soc., 1907, no -1830, notamment pp. 251 et sui v.

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société, les bimis dépendant elu patrimoine social, sans distindion d'origine - appor·ts ou acquêts - échappent à un cleoit privatif quel­conque des aetionnaires. Vactionnait·e ne possède à leue sujet ui droit réel, ni droit actuel de créance. Il ne conserve surles choses mises par lui en société, aucun droit de propriété même indivise et n~e_n acquiert pas davantage sur les autres \raleurs de la société.

Son droit social est purement éventuel : il tend à une part des béné­fiees annuels. s'il s'en produit~ et à une· pal't de l'actif net~· s'il en existe a la dissolution de la société.

Tant que les va_leurs l'estent clans le patrimoine social elles échappent~ pm' conséquent, à tout droit privatif quelconque de 1 \tetionnaire. L'actionnaire n~ acquiert de- cli'bit privatifsur les valeurs sociales que lorsqt(elles sortent du pab'imoine de l'être mOJ'a!" pour lui être attri­buées sous forme soit de dividendes, soit de restitution œapport, soit d'excédent d'actif de liquidation. ,

G' est, du reste~ le fàit cle la transnudation rle ce â1'oit éventuel en . ~tn clroit privcttif sur les valeurs ci-devant sodales que la loi atteint de la taxe mobilière lm'squ!il en résulte pour l-' associé un enrichisse­ment par rappm't à sa situation patrimoniale ·considérée au moment des apports.

Il s'en suit que c'est vainement que 1 'on argumente d'une prétendue augmentation des droits des àctiorinaii'es sui' le capital social. Aucun droit n'existe dans le chefdes_actioi1naires sur le capital social, il ne peut clone être yuestiorY d'accroissement de ce clr'oit.

68. - D'aucuns elisent encore, que pei'mettre l'incorporation des réserves en. feancllise de l'impôt c~est sonstraiee définitivement ces bénéfices réservés à l'application de la taxe; qu'en· effet, lœ'squ~à la dissolution, ces bénéfices réservés passeront dans le patrimoine incli­vidueL des associés, ils y rentreront à titre de remboursement de capital et échapperont comme tels à l'impôt.

Cette argümentation ne peuL être admise. L'article 15, §2, des lois coordonnées manifeste que l'impôt sera

clù, au Il}.Oment de la liquidation, sm' les_réseeves incorporées~ puisque, en cas de par·tage de l'avoie social " la taxe est basée sur Pensemble des sommes réparties en espèces, en titres ou autrement, cléclu~ç_tion

faite du capital social réellement libéré restant .à rembourset' ". On fait justement observer que les conteoverses qui se nouent au

point de vue fiscal, autour de l'incorporation des réseeves portent, en

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DOCTRINE. 55

définitiYe, bien moins sm' le fait de la déb:Ltion de Fimpôt que sur le nwment de cette débition.

69. - :Snfln en raison de la similitude de notee aeticle 15. avec l'aet. 3 de la loi du pr septembre 1913, certains veulent aegumenteu d~un passage de l'Exposé des motifs. de cette loi : " Il y a bénMice notamment, dans la libération totale ou partielle d'actions an dela de ce qni a été réellement versé : la différence entee le montant libéré et le veesement effectué est conséquemment passible de la taxe.

Celle-ci s1 applique n fortiori aux bénéfices affectés à la libération d'actions simplement souscrites et à la distribution de nouvelles actions ou d'obligations en représentation de la plus value acquise par le fonds social ou en lieu et place de dividendes " (1).

Avec M. DE PELSMAEKERnons croyons que cette objection ne peut êtt'e retenue pom' la raison· qu'un passage des travaux parlementaires est dénué de toute valeur üiterprétative lorsqu'il est en contradiction avec le texte de la loi (2).

Oe, la loi du re septbmbre 1913, comme -nos lois organiques de la taxe mobilière, a institué un impôt sur les bénéfices distrib~tés.

Dès lors, il est constant que l'auteur de 1 'Exposé des motifs de la.loi de 1913 a versé dans une erreur doctrinale certaine et que ce texte ne peut avoir d'autre valeur que celle d'une opinion individuelle.

Il en résulte que ce passage,· sans force interprétative pour la loi de 1913, ne peut n fortiori avoir aucuile influence sm' l'interprétation de nos lois coordonnées.

70. - Conchtsions. Arrivés au tei'me de notre étude, il nous reste à résumer les con~

clnsions auxquelles nous nous sommes arrêtés. A. En ce qui concerne l'augmentation du capital par rincorpora~

tian facultat-ive des réserves nous pensons que cette question ne sou~ lève. ni en droit commercial ni en droit fiscal, de difficulté.

Au point de vue du clroit commercial la répartition des réserves pouera être décidée à la majorité de l'assemblée génér~le ; par contre le consentement individuel des actionnaires· est nécessaire pour la remise en société,. à titre d'apports nouveaux, des valeurs, ci-devant

('1) Pasin01nie, 19i3, p. 524. (2) Rev. prat. soc., 1926, no 2671, p. 88.

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5() DOCTRINE

sociales, sur lesquelles ils ont, par la distribution des réserves~ acquis un droit privatif.

Au point de vue du cl1·oit fiscal. en raison de l'opton donnée à clla­<5un des associés de recevoir en espèces sa pal't des 1·éseryes ou cle ratf~cter à l'augmentation du capital, Popération constitue sans nul doute une distdbution de produits eL donne, comme telle, ouvertm·e a la taxe mobilière.

B. -En ce qui concerne Faugmentation de capitrd par incorpora­tion obliga,toi?·e des réserves nous pensous :

I. - Au point de 'V'lte cl,u droit commercictl : a) que, nonobstant la letti·e des ar.ticles 29 et 3G des lois sue les

sociétés commerciales, 1 'augmentation elu capital par P incm·pm·ation des réserves "peut s'accomplir par une opération purement interne~· localisée à l' intériem· elu patl'imoine socia~, _sans souscription ni apports nouveaux ; et que la constatation authentique de cette consolidation des réserves pourra se fait·e suivant la peocédm·e de r ar·ticle 31 des lois sm· les sociétés ;

b) que la décomposition de l'incor{>oration des résen'es en 1111e distribution de ces réserves suivie d'une remise.. etl société ~t titre d'apports uom'eaux, étant contraire, à la fois, ù la I'éalité des choses et à 1 'intention certaine des parties, constitue une analyse inexacte de cette opération ;

c) que, si ron refuse cPaclmettre qne Pincorporation des réseJ•ves puisse s'accomplir par une opération pul'ement interne~ cette opél'ation pourt•a, a tout le moins, être réalisée suivant les formes et règles ordi­naires, par un appoet colledif des actionnaires~ consistant dans la renonciation à leur cleo.it social de dépouiller a leur profit l'être sociaL en déceétant la répartition des r{ serves ;

d) que, tant dans 1 'hypothèse d'uüe opération pm'emei1t iutPrne que clans celle crun apport collectif consistant~ ainsi qu~il est elit ci-dessus; ropération peut être va:Jabiement décidée par rassemblée générale statmwt à la majorité spéciale requise poue J~s modifications aux statuts.

II. - Au point cle vue d~t clroit fiscal : · que l'imgmentatiou cln capital pal' ÜlCOl1>oration obligatoire des

résel'ves~ étant exclusi \'e clo toute disteilmtioJJ ~ ne clmuw pas cuvel'tm·e à la taxe mobilière. P. CoART-FRESAHT.

Avocat ù la Cour cl'a})pel de Liège Professeur à l'Université cle Louvain.

P. S. -Nous avons reçu une très aimable lettre de M. BERNARD AuGER qui nol.Is

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JURISPRUDENCE

signale que l'interprétation de ses travaux que nous avons donnée sous la note ( 1) de la pa'g·e 10, ne coi'respond pas adé<IUatement à sa pensée.

Adversaire L:ouvaincLI de l'opinion de l\1. HoLPL\' et de la thèse qui voit dans la distt·ibution aux actionnaires (l'actions nouvelles en représentation des résenes incorporées, une augmentation des engag·ements de ces actionnaires, l\:1. AuGER nous elit n'avoir nullement voulu conseiller aux praticiens de n'accolll})lir cette opération qu'à l'unanimité des suffrag·es. Il se borne à constater l'état actuel de l'opinion en l'absence de toute jurisprudence ; il conclut : « Je n'apJ)l'Ouve pas, mais je constate la timidité des praticiens n.

Nous nous faisons un très agTéahle devoir d'apporter cette rectification à notre interprétation de l'opinion de l'éminent avocat près la Cour de cassation de France.

P.C.

No 2739. - Cour de cassation Oc ch.). - 6 décembre 1926. l\Jl\1. Remy, Prés. ; - Gendehien, cons. rapp. :- Gesché, avoc. g·én. -

l\1. Al ph. Le Clercq, avocat.

(Soc. an. nouvelle lles Produits émaillés et étamés de Saint Servais-lez.-Nmuur cf Administrat-ion des Finances):

Société anonyme.- Impôts -Réserves incorporées au capital social. - Actions attribuées gratuitement. - Taxe mobilière non exigible.

Quand une société anonyme incorpore des résen,es au capital social, qu'elle crée des acl'ions libérées représentatives de cette augmentation du capital, qu'elle remet gratui­tement ces actions anx actionnaires, cette opémtion ne comporte pas .l'attl'ibution d'un profit aux actionnaires et ne tombe pas sous l'application des articles 14 et 15 des lois coordonnées du 29 octobre 1919 établissant l'iJnJ>ôt sur les revenus ..

Il fant entendre par revenus des actions lle société, la richesse nouvelle' que les capi­taux mis en société ont jJI'ollzûte et qni est entrée réellement dans le patrimoine des actionnaires. . ·

La Cour, Ouï lH. le Conseille t' GE.\'DEBlEN en son rapport, et sur les conclusions de

l\I. GEsCHÉ, avocat g·énéral; Sur le premier moyen, tiré de la violation des })l'incipes essentiels de la société

anonyme, comme aussi ·de la convention d'échange de titres et de la foi qui lui était dur, notamment des articles ,ter, 2, 9, 26, 27, 41, .. u, 45, 49, !H, 70, 72, 74, 75, 78, 82, 88, 91 des lois sur les sociétés coordonnées par arrêté royal du 22 juillet -1UI3 et modifiées par la loi du 30 octobre ,1919, connue aussi des articles HOt, 1102, H04, H06, 1107, H08, H26, H3l, HB4, H36, 1138, 1317, '1319, '1322, 1702, -1703, -1707, '15 ~, '1583, 1584, -1598, 160tl, 1604·, 1650.du Code civil et de l'article 97 de la Constitution, des articlrs 4, 32, 31 des statuts; '1er, 2, 3, 4, 14, 15, § 1 cr,

loi du 29 octobre -1919, établissant les impots eéllulait·es sur les revenus, del'article 2 de la loi du ,15 mai '1816, sur l'annualité de l'impôt, en ce que : premièt'e branche: placé elevant une délibét·ation exécutée ct d'échang-e >> de liti;es, par équivalence et sans ·soulte, de manière .à substitue!' à chaque 1/600e social, en deux papiers, la quotité identique de 5f3000e en cinq papiers avec souscription d'une valeur purement

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58 JURISPRUDENCE

nominale, i'arrêt dénoncé a cru pouvoit· attrilmet• à cet échange le caractère juri­dique cie l'acquisition gTatuite soit d'une valeur réelle, confor.me à la nominale, soit d'un droit pur et simple substitué à un droit conditionnel, alors que, avec ou sans inscription d'une valeur, et ).\la différence des oblig·ations, l'action est une qu(_)tité dans la totalité non pas seulement elu capital, mais de l' << avoir n sociai, avec. cette circonstance que la capitalisation cl 'une réserve, loin de provoquer un décaissement au profit de l'aèlionnaire, vient précisément le prohiber, empêchant aiusi toute cc taxe de sortie n ; deuxième branche : en ce que l'arrêt dénoncé a cru pouvoir taxer la demanderesse pour 1920, du chef d'attribntion, c'est-à-dire de sortie hors de la société, d'un profit ou revenu; alors qu'en fait il résulte de ses propres constatations qu'il n'y a eu en 1920 ni profit, ni attribution, que la qualification de profit n'a pu résulter que d'erreurs de droit et que l'argument final de l'arrêt n'a aucune perti­nence avec l'année 1920 ;

Attendu que, comme l'énonce l'arrêt attaqué, le capital primitif de la société demanderesse était de 300,000 fr., représenté par 600 actions; qu'il y avait, en outre, 600 parts bénéficiaires, sans désignation de valeur, donnant certains droits au partage des bénéfices et, à la liquidation, droit à un six-centième de l'avoir social net, après remboursement du capital ;

Qu'au cours de l'année 1920, une assemblée g·énérale extraordinaire de la société a décidé de porter le capital nominal de la société à '1,500,000 fr. au moyen

·d'un prélèvement sur les fonds de prévision et de réserve ; Que le capital a ainsi été porté a· J ;~>00,000 fr., représenté par 3,000 actions

de 500 ft'., les 2,400 actions nouvelles étant attribuées gratuitement aux action­naires clans la proportion de quatre actions nouvelles pour ehaque g-roupe indivi­sible de une. action privilég·iée d'une part bénéficiaire, ces dernières étant annulées ;

Attendu que la question soulevée par le pourvoi est celle de savoir si l'opération · d-dessus caractérisée peut donner lieu à la perception de l'impàt prévu par les a1·ticles 14 et 15 de la loi du 29 octobre 1919, aux termes desquels l'impàt sur le revenu des capitaux mobiliers s'applique à to'us produits constituant des revenus d'actions de sociétés par actions ; et les revenus de ces aetions comprennent les dividendes, intérêts, parts d'intérêt ou de fondateur et tous autres profits attribués ù quelque· titre que ce soit, et sous quelque forme que ce soit ;

Attendu qu'au sens de la susdite loi, il iaut entendre par revenus des aetions de société, la richesse nouvelle que les capitaux mis en société ont pt•oduiteet qui est entrée réellement dans le patrimoine des actionnaires;

Attendu que, par l'opération ci-dessus caracté~isée, aucune quote-pa1·t des béné­fices sociaux accumulés au cours des années antérieures n'a été mise effectivement à la disposition· des associés ; 1

Attendu que les actions nouvelles qui leur ont été attribuées, jointes aux actions anciennes, 1;eprésentent la nième quote-part de l'actif social net éve1ituel, que ret)l'é­sentaient déjà à elles seules les actions anciennes ;

Que la société ne s'est dépouillé-e d'aucune partie de son avoir au profit de ses actionnaires ;

Que si, par suite de l'opération, les réserves de la société sont devenues indéfi­niment non distribuables, elles n'en continuent pas moins à faire partie du patri-

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JURISPRUDENCE 59

moine de la' société et son( soumises, comme· les autres éléments de l'actif, à tous les risques sociaux ;

D'où il sùil (fU'en décidant que l',,pération dont il s'ag-it constitue l'attribution de profits à l'actionnaire comprise dans l'article 1 5, § '1 cr. litt. a des lois coordonnées le 29 octobre -1919 et en rejetant laréclamation de la société demanderesse, l'arrêt attaqué a contrevenu aux textes cités an moyen ;

Par ces motifs, Et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen elu pourvoi, casse la décision

attaquée en tant qu'elle rejette la réclamation de la société demanderesse coütre sa cotisation à la 'taxe mobilière de 82,685 fr. 04 sur l'exercice 1.923, par rappel cie droits de 1920, basée sur la somme de '1,200,000 ft'. prélevée Slll' les fonds cie t'éserve et de prévision pour servir à la distribution de 2,400 actions de capital nou­velles de !JOO fr. chacune ; ordonne que le présent arrêt sera transcrit sur les reg-istres de la Com d'appel de Liég~ et que meution en sera faite en marge de la decision partiellement annulée ;

Condamne l'Administration_des Finances aux dépens; Renvoie la cause à la Cour d'appel de Gand.

Observations. -· Nous avons la satisfaction de vou' triompher par cet arrêt la thèse que nous avons défendue, dès 1922, en cette Revue (fëvrier 1922, no 2423), en même temps que M. FEYE (Remte, no .24.22 et no 2455) à 1 'encontre des prétentions de l' Adm:inisti,ation fiscale,· thèse que· nous avonsreprise en 192(), en critiquant l'arrêt de la Cour de Liége qui est cassé (Revue, mars, avril 1926, nos 2667 et 2671). En· quelques considérants pré~is et nets~ la Coue de cassation fixe le sens de la loi fiscale et la nature juridique de l'opération.

Au sens de rart.icle 15 des lois com'donnée~ établissant l'impôt sur les revenus, il n ~y a distribution de- profits a 1' actionnaire que lors­qu'une 1·ichesse nouvelle entre réellement dans son patrimoine. La Cour en avait dejà décidé ainsi dans plusieurs arrêts antél'ieurs.

Én incorporant des réserves au capital social la so~iété rend ces réserves indéfiniment non distribuables, mais elle conserve ces résel'­ves dans son patr'imoine. Elle n'attribue aucuù profit nouvean aux actionnaÏI'es. Les actions nouvelles remises ù ceux-ci (actions nou-:­.ii-elles que la société a dù créer uniquement en vue de maintenir la pél'écluation entre le capital majoré et le nombre des titres) repré­s~ntent, ensemble avec les actions anciennes, la même quote part de !'-actif social net, qui existera en cas de liqüidation.

Le même raisonl1ement s'applique a fortzm·-i, ainsi que nous l'avons expliqué dans n9s études antérieures. lorsque la société~ au lieu de créer des aCtions nouvelles, f;e borne à supprimer la valeur nominale des titres. P. DE PELSMAEKER.

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60 JURISPRUDENCE

No 2740.- Cour de casssation (2cch,). - 6 décembre 1926.

l\ll\'1. Remy, prés.; Remy, conseiller rapp.; Gesché, avoL. trén.; l\Itre G. Leclercq cf Mtres R. Marq et Touchard; avocats.

(Administration des Finances cf Soc. an. re Plantations Annamites))).

Société anonyme. -Impôts.- Unification des actions de capital et des parts de fondat~ur.- Remplacement par des actions sans désigna­tion de valeur. -Taxe mobilière non exigible.

Quand une société anonyme snpprime la valeur nominale de ses actions de capital, qu'elle transforme également ses parts de fondateur en actions de capital sans désigna­tion de valeur, est souveraine, la décision par laquelle la Cour d'appel déclare que l'échange lles parts de fondateur contre des actions de capital n'a attribué, aux porteurs de part, aucun profit ta.rable. 1 .

L'article 15 cles lois coordonnées établissant l'impôt sw· les revenus snppose un pro (if réalisé effectivement par l'actionnaire et non un avan 1tage éventuel.

La Cour,· Ouï 1\I. lf Conseiller Remy en son rapport et sur les conclusions de l\'1. Gesclté,

avocat g·énéral ; · Sur le moyen: violation, fausse application des articles 97 de la Constitution, 14,

alinéa 1er et 2, H>, paragraphe -1 cr, 21, J)aragraphe 2, des lois d'impôts coordonnées par arrêté royal du 9 aoùt -1920 (dispositions reproduites sous les mêmes numéros par l'arrêté royal de la coordination du 8 janvier ·1926) et '1319 à -1322 inclus du Code civil, en ce que: '1° L'arrêt dénoncé, après avoir reconnu que les actions de capital remises aux porteurs de parts de fondateur en érhang·e de leurs titres avaient, à cette époque, une valeur effective d'au moins üô,66 rr. l'nue, déclare cependant llUe l'acquisition d'actions de capital ne comportait, pour les porteurs de parts, cc aucune altt'ilmtion ... de quelque valeÜt' déterminée ... que les actious attribuées aux porteurs de parts... ne leur assmaient aucun avantag·e alot•s ap]wéciahle ,, et s'est basé sur ses considérations pour annuler, faute de matière imposable, la coti­sation litig-ieuse, alors cepetHlant que le raisonnement ei-dessus reproduit renferme des contradictions qui équivalent à un défaut de motifs ; 2° tout, au moins, l'arrêt a refusé de reconnaitre l'existence d'un profit, sujet de la taxe mobilièt·e, dans l'attribution et la remise par une société anonyme d'actions de capital en échange de parts de fomlateurs, alors que, suivant les éléments de fait reconnus, les actions de capital avaient, lors de l'opération litig·ieme, une valeur effectiYe ll'au moins 66,66 fr. l'une, et les parts avaient été créées et remise_s ù leurs titulaires ou apx auteurs de ceux-ci non comme contre-valeur d'u-- apport, mais en rémunét•ation . de certains concours, et que, par conséquent, toute valeur acquise par les porteurs de parts en échang-e de leurs titres, constituait vomi les intéressés, un profit net tombant sous l'application du § 1er de l'article Hi susvisé ; en outre, _ao l'arrêt se base, pour anuuler l'imposition, sur ce que l'attributiou aux porteurs de parts de fondateur n'a donné et n'a pu donué lieu à aucun paiement et qu'à cet ég·ard ... elle ne peut suffire à autoriser ni retenue ni perception )) , alors qu'il est constant et que l'arrêt ne semble pas avoir mis en doute que les actions de capital nouvelles créées

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Jü RJSPR tJDËNCË 61

« jouissance au :1er janvier :1920 n en vue de l~ur échang·e contre les parts de fonda­teur, ont donné lieu à cet échange et que, d'autre part, l'on ne saurait, sans s'écarter du sens juridique du terme (< paiement » et de la disposition susvisée, en restreindre la portée au cas d'un versement en especes, mais qu'il s'applique à tout mode d'ex­tinction de la créance Î'ésultant, pour le bénéficiaire, de la d~cision de l'assemblée générale attributive du profit sujet à la taxe ;

Sur la première branche : Attendu que l'Administration des Finances entendait faire décider que la transfor­

mation de parts de fondateur de la société anônyme défenderesse en actions de capital coùstituait nécessairement, eu égard au caractère respectif de ces deux caté­gories de titres, une distribution de revenus ou une répartition de bénéfices assu­jettie à la' taxe mobilière parce que les possesseurs de ces pa1'ts qui leur étaient advenues sans versement ou apport correspondant, en obtenaient le remplacement par des actions ayant nécessité lors de leur émission l'une ou l'autre de ces presta­tions ;

Attendu qu'avant de rencontrer cette thèse juridique, l'arrêt recherche si, en fait, dans l'espèce, la valeur des parts de fondateur était infé1;ieure à celle des actions de capital;

Qu'il décide que, lors de l'approbation du bilan qui a précédé la susdite conversion d'actions, les actions de capital valaient 66,66 fr. l'une et qu'en définitive l'é­change contre celles-ci de parts de fondateur ne procurait aux porteurs de ces derniers aucun avantage appréciable ; -

Attendu qu'il n'y a donc point clans le résultat ainsi exprimé de la comparaison entre ces deux titres, la prétendue conll'adiction de motifs que la demanderesse cherche à y relever ;

Sur les deuxième et troisième branches : Attendu que l'appréciation émise par l'arrêt sm' l'équivalence à peu près complète

des titres, est souveraine ; Q'en vain, pour la combattre, la demanderesse fait valoir des considérations théo­

riques tirées de la nature propre de chacun de ces titres, ainsi CJU'il a été dit ci­dessus ;

Attendu qu'on ne saurait trouver non plus une base d'imposition dans le fait allég·ué par la demanderesse, qu'en donnant leur adhésion à l'arrangement pré­rappelé, les actionnaires, loin de faire bénévolement un sacl'ifice de leurs droits avaient le sentiment de ne pas les diminuer et qu'au contraire la transformation de parts de fondateùr en actions de capital révélait un accroissement du capital social ;

Attendu que ce raisonnement se heurte à la constatation explicite de.l'anêt, que la demanderesse n'invoque ni fait ni circonstance de nature à établir que la part de fondateur avait une valeur moindre que l'action de capital ;

Attendu que J'art. :15 des lois coordonnées atteint (( les dividendes, intérêts, parts · d'intérêts ou de fondateur ou tous autres profits attribués à quelque titre ou dans lluelque forme que ce soit », ce qui suppose un profit réalisé effectivement par l'ac­tionnaire et non un avantag·e éventuel ;

Attendu que c'est l)QUl' déterminer la portée de ce texte que l'arrêt fait remarquer que l'échang·e d'actions n'a pas donné lieu,_ clans l'espèc~, à un paiement fait aux

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BQ JtJR1SPRttbBNCE

porteurs ct·e parts de fondateur ni par conséquent à retenue à la source p·om' la perception de la taxe ; ·

D'où il suit que le moyen est dénué de fondement; Par ces motifs,

Rejette le pourvoi; condamne la demanderesse aux dépens.

Observations~ - Cet arrêt r~jette un pom·,ro~ fdrinié contre l'ai·1~êt de la Cour cl 'appel de Bruxelles du 19 mars 1_926; publié en cette Remte (1926~ no 2670) et_ commenté dans notre étude (Revue, 1926~ 11° 2671).

La Cour d'appel avait annulé la taxation parce qu'elle ava.it estimé qu'en fait, il y avait équivalence entre 1Js anciennes parts de fonda-teur et les nouveaux titres remis. · 1 .

Et rencontrant directement la ·thèse du fisc, consistant à so1ltenir que la transfor1nation des parts de fondateur, non comprises daüs le capital, en actions de capital~ constitue tOL~j.~mrs unè atteibution ·de profit taxable, la Cour d'appel avait tJ·ès justement répondu " qüe le fait! que les parts de fondateue allaient désormais êtJ·e I~eprésenta­

tives d'une quotité de capital ne comportait aucune attribution. d'une quotité même indivise de celui-ci, 11i, partant, de quelque valeur déteP­minée ; que les actionnaires d'une société anonyme n'ont aucun droit priva tif sm· une partie quelconque de 1' avoir social aussi long;temps que la société subsiste ".

Dar1 s notre commentaire de l'arrêt, nous avons fait observer que cette considéeation est décisive et suffisante pour écarte J' la thèse dn fisc; les porteues de pads ne recevant aucun avantage actuel, mais un avantage pm·ement éventuel et aléatoire, avantage <.gri, d'après la Cour de cassation, est exclusif de l'exigibilité de l'impôt.

P. DE PELSMAEIŒR.

No 2741.- Cour de cassation (2e cil.). - 4 octobre 192&·.

MM. Godclyn, prés. ; Gendebien, cons. rapp~ ; Gesché, avoc. gén .

. (Aclm. des Finances, Dir. elu Bmbant cf Banque de Bruxelles).

Impôts sur les revenus. -Taxation. -Avertissement préalable.

Selon l'article 55 des lois coordonnées d'impôt sur le revenn, l'rtvertissement préalable à la taxation n'est exigé que cc lorsque le contrôlenr reconnait inexact le chiffre · des 1;evenus déclarés )J; d'oh il snit que n'est pas nulle la taxation non précédée Ile l'avertissement, lorsqu'elle. n'a pas été établie sur 1ln chiffre de revenus que lecontrôleu1·

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aurait substitué à cellli de la décla1'ation et lo1'sqtt'aucune inexactitude n'est 1'ep1'ochée au contribuable dans sa déclaration de Tevenus.

La Cour, Ouï I\'I.le conseiller Gendebien en son rapport et sm' les conclusions de M. Gesché,

avocat général ; Sur le deuxième moyen, pris de la violation des articles 25, 92, 93, 97 de la

Constitution, 55 et 06 de la loi du 29 octobre 1919, 17 de la loi du 3 août 1920, -1319, 1320, 1322 du Code. civil; 6de la loi du 31 décembre 1921, en ce que l'arrêt attaqué décide que l'omission de la formalité prescrite par l'article 55 de la loi du 29 octobre 1919 entraîne la nullité de l'imposition, alors que la taxation n'avait pas été établie d'office et qu'en tous cas cette formalité n'est ni substantielle ni pres­crite à peine de uullité :

Attendu que le texte de l'article 55 de la loi du 29 octobre 1919, applicable au litig·e en vertu de la loi dti 3 août 1920, est formel ; que l'avertissement préalable à la taxation n'est exigé que l( lorsque le contrôleur reconnaît inexact le chiffre des revenus déclarés n ;

Altm1du que, dans l'espèce, l'arrêt déclare (( que les impositions contestées ont été fixées par le contrôleur le 22 décembre 1922, et que le role y afférent a été rendu exécutoire le 31 du même mois ; qu'elles s01lt relatives à la taxe sm' les reve­nus et profits réels établis par la loi du 1er septembre 1913 et con·~ernent, par rap­pel de droits, les exercices 1914 à ·1918·; qlJ'elles sont basées, l'une, sur la décla­ration faite par la requérante, le 18 mars 1915 ; les autres sur les bilans et comptes de profits et pertes successivement produits pour les exercices 1915 à 1918; qu'elles constituent, en réalité, des suppléments aux impositions alors anêtées et rég·uliè­I'ement acquittées ; que ces suppléments ont été établis à- raison d'une nouvelle appréciation des éléments précédemment fournis· aux fonctionnaires compétents n ;

Attendu qu'il résulte de ces constatations qu'aucune inexactitude n'était repro­chée à la Société défenderesse, dans la déclaration de ses revenus, et que la taxation n'a pas été établie sur un chlffre de revenus que le controlem amait substitué à celui de la déclaration ; qu'il est, dès lors, superflu de rechercher si, dans les cas où la loi en prescrit l'accomplissement, les formalités prévues par l'article 55 de la loi du 29 octobre 1919 doivent être observées à peine de nullité de la taxation ; que, dans l'état des faits constatés ces formalités ne devaient pas être accomplies;

D'où il suit qu'en déclarant nulles les taxations litigieuses, par le motif qu'elles n'avaient pas été précédées de l'avertissement prévu par l'article 55 de la loi du 29 octobre 19,19, la Cour d'appel a contrevenu à cette disposition ainsi qu'à l'article 17 de la loi du 3 août 1920 ;

Par ces motifs, Et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens invoqués à l'appui du pour­

voi, casse la décision attaquée ; ordonne que le présent al'l'êt sera transcrit sm les registres de la Cour d'appel de Bruxelles et que mention en sera faite en marg·e de la décision annulée; condamne la société défenderesse aux dépens ;

Renvoie la cause à la Cour d'appel de Gand.

Observations. - L'arrêt fait une distinction nette, basée sur le

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()4 Jt:RISPRUI?ENCË

texte de Farticle 55~ entre le cas où,, des suppléments d'imposition étant réulamés, ceux-ci résultent uniquement d'une appréciation nou­velle des éléments précédemment fournis par le contribuable, et le cas où ils sont afférents à un chiffre de revenus substitué par le contrôleur à celui de la déclaration.

Le texte de l'article- b5 est formel : " clans ce cleTnier ccts " (chiffre des revenus déclarés reconnu inexact)~ y est-il elit, " le contrôleur peut le rectifiee; mais il fait èonnaître en tel cas à l'intéressé, avant d'éta­blir l ~impos_ition, le chiffre qu'il se propose de substituèr à celui de la dédaration, en indiquant les motifs qui lui paraissent justifier le eedres­sement et il invite en même temps !"intéressé à présenter, s~il j 7 a lieu, dans un délai de .20 jours. ses observations par éci·it ou verbalement. "

La Cour estime ces ter·mes suffisamment précis pour cg(il ne soit pas nécessaiee d~avoir recom's à d'autres arguments. On pourrait encore faire remaPquer, <\l'appui de sa décision, qu'il s'agit là d~une disposi­tion spéciale et exceptionnelle œapplicat.ion, par conséquent restreinte. Et les précautions- que le législatem' a stipulées en faveur du contri­buable se justifient d'ailleurs moins aisément dans le cas où les chiffres de revenus déclarés demeurent ac__ç1uis.

Il est regTettable quela Cmu·. ayant ainsi touché la question ~e Yali"· di té de l'imposition, n'ait pas eu à décider si, dans le cas oî1la forma­lité de l'avertissement· est ordonnée, celle-ci doit être observée à peine de nullité. Quant à nous, nous croyons fel'mement qu~il eu est ainsi : elle est, aveu les autres mesures qui Paccompagnent et que nous venons de rappeler, une gat'antie essentielle pour le conti'ibuable. A-cet égard nous renvoyons à notre étude : " La notoriété publique et les PI'euves 1:)11 matièi'e d'impôts directs " (Revue, ll0 2703), dans laquelle nous avons montré la tendance du législateur, renforcée en . ces dernières années, de donner au redevable la faculté de discutee avec l'Administration avant l'établissement définitif des sommes imposables lOI'sque uelles-ci étaient fixées soit d'office~ soit en substitu­tion de la déciaration cle Pintéressé. Mesures simplement confm·mes, du reste ~t la justice et à l ~équité. L'absence de ces formalités irait deme manifestement, nous semble-t-il, à l'encontre de l'intention du légis­latem·. Elles sont donc substantielles, contraÎI'ement à ce qni était allé­gué dans le mémoire de r Administration dont la Coue de· ~assation a eu à connaître,

M . .F.

N°2741