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Individu et société : confrontations de valeurs ? 114 10. Pour tout l’or du monde 10 S É Q U E N C E Pour amorcer l’étude des textes de la séquence et la compréhension du thème, la lecture de la fable de La Fontaine « La Poule aux œufs d’or » constituera une bonne première approche. Tout en étant courte, cette fable permet d’emblée, et de manière explicite, de faire ressortir une morale, que les élèves pourront aisément s’approprier quand elle aura été identifiée. Cette morale et le propos du fabuliste pourront faire l’objet d’une discussion en classe. Découvrez un trésor 1. Il s’agit dans un premier temps de s’assurer que les élèves ont bien compris les différentes étapes de cette courte fable : un homme possède une poule qui pond des œufs en or ; il décide de la tuer car il s’imagine qu’elle contient de l’or ; il découvre qu’elle ne contient rien de plus qu’une poule normale. L’homme, trop pressé de s’en- richir rapidement a donc, de ses propres mains, sacrifié celle qui faisait sa richesse. 2. L’ « avarice » consiste à vouloir amasser toujours plus d’argent sans jamais le dépenser ; c’est le défaut principal de l’avare. La majuscule montre que La Fontaine person- nifie ce trait de caractère. 3. Il y a un renversement de situation lorsque l’homme tue la poule et l’ouvre (v. 6). La Fontaine énonce la morale de sa fable au vers 1 : la convoitise peut nous mener à la ruine. 4. Le but est ici de vérifier que l’élève a bien compris la morale et qu’il est capable de l’illustrer par un récit ancré dans son quotidien. On pourra donner pour exemple un homme qui gagne une somme importante, qu’il place en bourse, et qui perd tout. Organisez un débat On pourra dans un premier temps noter au tableau les deux questions posées puis demander aux élèves de les p. 184-207 Pour tout l’or du monde Objectifs • Comprendre les conflits provoqués par le désir d’argent dans les récits. • Lire des extraits de romans et de nouvelles divers. Présentation de la séquence Cette séquence s’inscrit dans l’entrée « Vivre en société, participer à la société », traitée en 4 e avec le questionnement « Individu et société : confrontations de valeurs ». Il s’agit d’un groupement de textes sur le thème du désir d’argent, qui est en effet souvent, dans la littérature et la société, un moteur et un agent de discorde entre individus, notamment dans les romans réalistes du xix e siècle, mais également dans d’autres genres (fables, contes, nouvelles) et d’autres époques. Les textes choisis, par leur diversité, permettent donc d’observer comment l’argent peut bouleverser les relations humaines et leur nuire. Au travers de lectures variées, de l’Antiquité à nos jours, l’élève sera amené à « comprendre que la structure et le dynamisme de l’action […] romanesque ont partie liée avec les conflits » et à « saisir quels sont les intérêts et les valeurs qu’ils mettent en jeu ». Bibliographie Quatre nouvelles réalistes sur l’argent, dir. M. Busdongo, Nathan, « Carrés classiques », 2013. • Molière, L’Avare [1668], Belin-Gallimard, « Classico Collège », 2010. • Honoré de Balzac, Eugénie Grandet [1833], Gallimard, « Folio », 1999. • Charles Dickens, Un chant de Noël [1843], Gallimard, « Folio Junior », 1994. O Comment le désir d’argent oppose-t-il et fait-il évoluer les personnages de récits ? Entrer dans la séquence p. 187 © Éditions Belin, 2016

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Individu et société : confrontations de valeurs ?

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équence

Pour amorcer l’étude des textes de la séquence et la compréhension du thème, la lecture de la fable de La Fontaine « La Poule aux œufs d’or » constituera une bonne première approche. Tout en étant courte, cette fable permet d’emblée, et de manière explicite, de faire ressortir une morale, que les élèves pourront aisément s’approprier quand elle aura été identifiée. Cette morale et le propos du fabuliste pourront faire l’objet d’une discussion en classe.

Découvrez un trésor1. Il s’agit dans un premier temps de s’assurer que les élèves ont bien compris les différentes étapes de cette courte fable : un homme possède une poule qui pond des œufs en or ; il décide de la tuer car il s’imagine qu’elle contient de l’or ; il découvre qu’elle ne contient rien de plus qu’une poule normale. L’homme, trop pressé de s’en-richir rapidement a donc, de ses propres mains, sacrifié celle qui faisait sa richesse. 2. L’ « avarice » consiste à vouloir amasser toujours plus d’argent sans jamais le dépenser ; c’est le défaut principal de l’avare. La majuscule montre que La Fontaine person-nifie ce trait de caractère.3. Il y a un renversement de situation lorsque l’homme tue la poule et l’ouvre (v. 6). La Fontaine énonce la morale de sa fable au vers 1 : la convoitise peut nous mener à la ruine.4. Le but est ici de vérifier que l’élève a bien compris la morale et qu’il est capable de l’illustrer par un récit ancré dans son quotidien. On pourra donner pour exemple un homme qui gagne une somme importante, qu’il place en bourse, et qui perd tout.

Organisez un débat On pourra dans un premier temps noter au tableau les deux questions posées puis demander aux élèves de les

p. 184-207

Pour tout l’or du monde•

Objectifs• Comprendre les conflits provoqués par le désir d’argent dans les récits.

• Lire des extraits de romans et de nouvelles divers.

Présentation de la séquence Cette séquence s’inscrit dans l’entrée « Vivre en société, participer à la société », traitée en 4e avec le questionnement « Individu et société : confrontations de valeurs ». Il s’agit d’un groupement de textes sur le thème du désir d’argent, qui est en effet souvent, dans la littérature et la société, un moteur et un agent de discorde entre individus, notamment dans les romans réalistes du xixe siècle, mais également dans d’autres genres (fables, contes, nouvelles) et d’autres époques. Les textes choisis, par leur diversité, permettent donc d’observer comment l’argent peut bouleverser les relations humaines et leur nuire. Au travers de lectures variées, de l’Antiquité à nos jours, l’élève sera amené à « comprendre que la structure et le dynamisme de l’action […] romanesque ont partie liée avec les conflits » et à « saisir quels sont les intérêts et les valeurs qu’ils mettent en jeu ».

Bibliographie • Quatre nouvelles réalistes sur l’argent, dir. M. Busdongo, Nathan, « Carrés classiques », 2013.

• Molière, L’Avare [1668], Belin-Gallimard, « Classico Collège », 2010.

• Honoré de Balzac, Eugénie Grandet [1833], Gallimard, « Folio », 1999.

• Charles Dickens, Un chant de Noël [1843], Gallimard, « Folio Junior », 1994.

O Comment le désir d’argent oppose-t-il et fait-il évoluer les personnages de récits ?

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Des retrouvailles salutaires

Objectifs• Dégager la morale d’un conte.• Comprendre l’argumentation implicite dans un récit.

O Quelle leçon Voltaire délivre-t-il à travers l’histoire de Jeannot et Colin ?

L’étude d’un extrait d’un conte philosophique permettra en première approche de montrer quels biais l’argent introduit dans les relations entre les personnages, et d’analyser le message implicite que contient ce conte. Dans Jeannot et Colin, Voltaire critique l’attitude de Jeannot qui a délaissé son ami cher parce qu’il n’était pas aussi riche que lui.

Découvrir le texte1. Jeannot et ses parents sont délaissés par leurs connais-sances parce qu’ils se trouvent en fâcheuse posture : ils sont de nouveau pauvres et leurs proches ne sont pas prêts à les aider.2. Ce débat pourra amener les élèves à se questionner sur leur propre attitude face à l’argent et face aux plus dému-nis. La réflexion se fera à partir du texte. Il ne s’agira pas de juger mais de s’interroger pour savoir si le comportement des proches de Jeannot est surprenant ou non.

Analyser et interpréter le texteUn ami providentiel

3. Au début du passage, Jeannot demande de l’aide à un religieux (« le théatin », l. 1). Ce dernier adopte la posture de l’homme d’Église, qui a fait vœu de pauvreté et présente à Jeannot la situation sous un jour favorable : elle a été voulue par Dieu, qui réprouve l’attachement aux biens matériels. On notera la présence du connecteur « donc » (l. 3) qui présente le discours du religieux comme logique. Mais on peut s’étonner qu’il coupe court à la conversation pour aller voir « une dame de la cour » (l. 7). Cette dernière précision montre l’hypocrisie de ce religieux, qui est lui-même attaché au prestige que donne la richesse, et fréquente les gens de la cour. Le religieux apparaît comme un beau parleur qui, bien qu’homme d’Église, ne prête pas secours à la mère de Jeannot qui est dans le besoin.4. Après cet entretien, Jeannot est profondément désemparé (« prêt à s’évanouir », l. 8, « plongé dans l’accablement du désespoir », l. 11, et « abîmé dans sa douleur », l. 18).5. Colin arrive comme un sauveur et joue le rôle d’adjuvant à un moment extrêmement critique pour Jeannot. Son arrivée est caricaturale dans la mesure où il est comme tombé du

Lecture 1 p. 188-189reformuler : Qu’est-ce que le fait de posséder beaucoup d’argent peut m’apporter ? Qu’est-ce que l’argent ne peut pas acheter ? On laissera un temps de réflexion à chacun afin qu’il note ses arguments illustrés systématiquement d’un exemple concret. Le débat sera une manière efficace d’aborder les textes de la séquence. On pourra distribuer à chacun un tableau vierge qu’il remplira.

Ce que l’argent peut m’apporter

Ce que l’argent ne peut pas acheter

• Argument 1 : le confortExemple 1 : une maison, des vacances …

• Argument 1 : l’immortalitéExemple 1 : Nous sommes tous égaux face à la mort

• Argument 2 :Exemple 2 :

• Argument 2 :Exemple 2 :

Le professeur introduira le débat et distribuera la parole ; deux secrétaires prendront en notes les arguments et exemples. Chacun veillera à écouter ce qui a été dit précé-demment et à ne pas couper la parole. On pourra envisager, à l’issue du débat, un petit compte rendu oral ou écrit qui synthétisera les réponses apportées aux questions posées.

Prolongement possible L’activité suivante pourra également constituer une variante pour entrer dans la séquence : écrire une petite scène de théâtre et la jouer. La consigne pourrait être la suivante : Rédigez un dialogue entre deux personnages très typés : l’un adore l’argent et se félicite d’avoir récemment gagné une somme importante, l’autre exprime un point de vue plus sage et nuancé. Vous reprendrez des arguments expo-sés dans le débat mené précédemment.

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ciel. Il ne « fait qu’un saut » (l. 21), n’hésite pas une seconde avant d’aller vers son ancien ami et de lui pardonner (« Tu m’as abandonné […] mais je t’aimerai toujours », l. 23-24).6. L’arrivée à point nommé du sauveur fait penser à l’élément de résolution d’un conte de fée : Colin lui annonce rapide-ment une vie heureuse (l. 37). En revanche, Voltaire joue avec les codes du conte merveilleux : au lieu de voir s’avancer de beaux grands chevaux tirant un carrosse, c’est « une chaise roulante à l’antique » qui arrive ; les personnages quant à eux ne ressemblent pas à des héros de contes de fées (« un jeune homme grossièrement vêtu », « sa petite femme brune, et assez grossièrement agréable »). La répétition de « grossière-ment » par deux fois produit un effet comique et montre que Voltaire joue avec les codes du merveilleux pour s’en amuser.

Une leçon de sagesse

7. Le champ lexical de la simplicité (« l’hôtellerie où je loge », l. 25, « grossièrement vêtu », l. 14, « nous travaillons beaucoup », l. 32, « nous n’avons point changé d’état ; nous sommes heureux », l. 33) montre l’opposition entre Colin qui ne semble pas désirer vivre comme un prince et le « grand seigneur » que souhaitait être Jeannot. Les deux person-nages ont une vision du bonheur très différente : Jeannot a montré qu’il rêvait de richesses, que les apparences étaient importantes pour lui au point de délaisser son ami d’enfance moins riche que lui ; Colin, au contraire, continue à travail-ler pour gagner sa vie ; l’amitié pour lui vaut plus que tout (« toutes les grandeurs de ce monde ne valent pas un bon ami », l. 34-35). Ces deux personnages ne partagent pas les mêmes valeurs. Mais on peut, à ce stade du récit, espérer que Jeannot aura su tirer leçon de son expérience et voir où sont « les vraies grandeurs de ce monde ».8. a. Le verbe de cette proposition est conjugué au présent de l’indicatif, présent de vérité générale, qui exprime une idée valable de tout temps.b. La leçon que délivre ce présent de vérité générale est que rien ne vaut un bon ami : l’amitié est quelque chose qui ne s’achète pas et lorsqu’on a le bonheur de la partager, rien ne saurait la surpasser.

S’exprimer à l’écrit Écrire une lettre

9. On attendra de l’élève qu’il respecte les règles de présen-tation d’une lettre (lieu et date d’écriture, formule d’appel et de politesse, en-tête, paragraphes…), qu’il utilise le voca-bulaire des sentiments de manière précise et adaptée. On pourra au préalable travailler avec les élèves sur le lexique des sentiments et des émotions. On pourra guider le travail de l’élève en indiquant qu’un paragraphe de la lettre racon-tera la rencontre inopinée et les sentiments éprouvés par Colin face à son ami en détresse, et qu’un autre paragraphe évoquera plus précisément le bonheur éprouvé par Colin d’avoir pu retrouver Jeannot et quelle fut sa peine quand Jeannot l’a abandonné.

BilanD’après Voltaire, la vanité ne peut contribuer au bonheur de l’homme ; au contraire, elle peut lui nuire. Jeannot comprend en très peu de temps que lorsqu’il n’est plus riche, son entourage se détourne de lui parce qu’il ne présente plus d’intérêt aux yeux de ses prétendus amis. Il faut pour être heureux cultiver d’autres valeurs : le travail, la sincérité, la simplicité, et rejeter la futilité. On attend donc de l’élève qu’il ait perçu que derrière ce récit se trouve une morale implicite conférant au texte de Voltaire une dimension argumentative.

Pour bien éCrire On écrira en toutes lettres : deux heures et demie.

Une terrible prise de conscience

Objectifs• étudier le registre pathétique. • Analyser le récit réaliste d’une agonie.

O Comment l’argent modifie-t-il les rapports entre les personnages ?

Cet extrait du Père Goriot, qui correspond à l’agonie de ce dernier, s’inscrit dans la continuité du texte de Voltaire (lecture 1), puisqu’on y découvre un personnage abandonné de tous (comme Jeannot), et surtout délaissé par ses propres filles, dès lors qu’il ne représente plus un intérêt financier. Les élèves pourront analyser comment l’argent fausse les rapports entre les personnages.

Découvrir le texte1. a. Dans ce texte à la première personne du singulier, c’est le père Goriot qui parle. Le narrateur rapporte ses paroles au discours direct, comme le montrent les guillemets qui encadrent le texte.b. Le lecteur a ainsi l’impression d’être plus proche du person-nage : ses propos ne sont pas mis a distance par le narrateur. La prise de parole est longue, le lecteur a l’impression que ce personnage de roman ressemble à un personnage de théâtre. La scène est ainsi rendue plus vivante.

Analyser et interpréter le texteUn terrible constat

2. Le père Goriot est mourant ; ses filles ne sont cependant pas à son chevet. Il semble lucide mais désorienté, son

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propos est décousu et contradictoire : « j’aime mieux mon abandon et ma misère ! […] Non, je voudrais être riche, je les verrais » (l. 8-10).3. a. La relation père-filles a été modifiée par l’argent : le père Goriot leur a tout donné et elles savent que désormais il est ruiné. Le champ lexical de l’argent est très présent : « riche » (l. 1), « fortune » (l. 1, 13, 50), « l’argent donne tout » (l. 5), « trésors » (l. 6), « huit cent mille francs » (l. 23)… b. Le père Goriot éprouve successivement des sentiments contradictoires. Tout d’abord des regrets : « ah si j’étais riche, […] elles seraient là » (cet irréel du présent en témoigne : il a bien conscience que l’argent est le maître du jeu). Il éprouve aussi du désespoir (« Oh ! Je souffre un cruel martyre ! », l. 21) et de la colère (« les misérables ! », l. 16, « elles ont toutes les deux des cœurs de roche », l. 10). Enfin, on peut sentir de la nostalgie du passé (« l’on me menait en voiture au spectacle, et je restais comme je voulais aux soirées », l. 37-39).4. Le registre dominant dans ce texte est le registre pathé-tique (la situation suscite la pitié du lecteur) : le père Goriot vit une intense souffrance. Il est seul, abandonné de ses filles qu’il a toujours profondément aimées et aidées. Les interjections (ah ! oh !), les phrases exclamatives et inter-rogatives (l. 1-2, 5-6, 10, 16, 18, etc.) sont des signes du registre pathétique. On remarque aussi que le père Goriot est dans un tel désarroi qu’il exprime ses idées comme elles lui viennent, au fil de sa pensée. On remarque un certain désordre lié aux émotions qu’il éprouve. Ainsi, le lecteur comprend que le père Goriot est à la fois affligé et lucide.

Le reproche du père

5. Aux lignes 6-7, les verbes des propositions principales sont au conditionnel présent, précédés d’une proposition subordonnée circonstancielle de condition introduites par « si », et traduisent une hypothèse. L’emploi de ce mode montre que le père Goriot éprouve des regrets, qu’il vit dans un monde irréaliste où son rêve prend le dessus sur la réalité.6. Le temps employé ici est le présent de l’indicatif. C’est un présent de vérité générale, tel que celui que l’on trouve dans les proverbes. Cette phrase signifie que le fait de posséder beaucoup d’argent donne du pouvoir et permet de disposer de tout ce dont on a envie, même de ce qui ne s’achète pas, en l’occurrence, l’amour filial. S’il avait encore de l’argent, ses filles seraient présentes et lui donneraient l’illusion d’être attachées à lui. Le père Goriot sait très bien que c’est illu-soire puisqu’il dit peu après (l. 32-33) : « et l’on était aux petits soins, mais c’était pour mon argent », qui fait écho à la phrase des lignes 8-9 (« au moins quand un malheureux est aimé, il est bien sûr qu’on l’aime »). 7. « Elles ont toutes les deux des cœurs de roche » (l. 10-11) : cette métaphore insiste sur l’ingratitude et la dureté des deux filles du père Goriot. La comparaison « je n’étais pas aussi à l’aise chez elles qu’à la table d’en bas » (l. 45-46) montre que le père Goriot reproche à ses filles d’être cupides et intéressées : aussi, lorsqu’il se retrouve aux côtés d’aristocrates, lors de soirées que ses filles ont organisées, il ne se sent pas à sa place.

S’exprimer à l’oralJouer un extrait de roman

8. On attend des élèves qu’ils fassent le lien entre ce texte et un monologue théâtral. On pourra tout d’abord leur deman-der de proposer une diction du texte en tenant compte de la ponctuation et du registre du texte, puis de mémoriser et d’imaginer quelques gestes et déplacements possibles, comme le ferait un comédien.

BilanOn peut dire que l’argent fausse les liens entre un père et ses filles dans la mesure où il dénature la relation qu’ils sont censés entretenir. Le père Goriot n’est pas aimé pour ce qu’il est mais pour ce qu’il donne matériellement. Dès lors qu’il n’a plus rien à offrir à ses filles, celles-ci se détournent de lui, ce qui est contraire à l’amour filial que les enfants sont censés avoir pour leurs parents.

L’histoire Des mots « Infortuné » est un mot dérivé de fortuna, qui signifie « malheu-reux », « privé de fortune ».

Pour bien éCrire La bonne orthographe dans cette phrase est : « Persécutés, ils sont morts en martyrs ».

Prolongements possibles • Le Père Goriot, téléfilm de Jean-Daniel Verhaeghe, 2004, avec Charles Aznavour (le père Goriot) et Malik Zidi (Eugène de Rastignac).• Le Père Goriot, bande-dessinée adaptée du roman de Balzac, scénario de Thierry Lamy et Philippe Thirault, dessin de Bruno Duhamel, Delcourt, 2009.

Aux champs

Objectifs• Lire une nouvelle réaliste intégrale.• Comprendre les procédés de la critique sociale.

O Quelles visions de la société Maupassant donne-t-il ?

La lecture de la nouvelle « Aux champs » vise à faire étudier par les élèves, en texte intégral, une nouvelle réaliste dans laquelle l’argent joue un rôle central. Outre le dénouement cruel, le registre pathétique auquel fait appel Maupassant et

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la confrontation entre classes sociales qui se joue au cœur du texte, l’opposition entre désir d’argent et amour parental peut faire écho au texte de Balzac étudié précédemment (lecture 2).

Découvrir le texte1. Pour retrouver le schéma narratif de la nouvelle (sur le modèle du schéma narratif d’un conte), les élèves seront amenés à la relire et à délimiter les grandes étapes. Ce schéma permettra de mettre en évidence le fait que c’est l’argent qui constitue l’élément perturbateur.– Situation initiale (l. 1-29) : deux familles de paysans, les Vallin et les Tuvache, vivent misérablement dans leurs chau-mières voisines.– Élément perturbateur (l. 30-59) : M. et Mme D’Hubières, un couple de bourgeois, passent devant les chaumières, revient régulièrement apporter des friandises aux enfants, et décide finalement d’adopter le dernier des Tuvache. – Péripéties (l. 60-190) : les parents Tuvache refusent de vendre leur fils ; les D’Hubières se tournent vers les Vallin, qui, eux, acceptent de faire adopter leur fils Jean contre de l’argent. Plusieurs années s’écoulent, durant lesquelles les Vallin sont haïs des Tuvache, qui leur reprochent leur manque de cœur, Mme Tuvache se vantant d’être « une bonne mère ».– Résolution (l. 191-219) : Jean Vallin, jeune homme éduqué, a 20 ans, et revient voir ses parents émus. – Situation finale (l. 220-253) : Charlot Tuvache voit ce qu’il aurait pu devenir si ses parents l’avaient vendu, et accuse ces derniers d’être des idiots. Il les quitte.2. L’élève est amené à formuler des hypothèses qu’il pourra vérifier lors de l’étape d’analyse et d’interprétation. On pourra repérer les deux familles de paysans qui mènent une vie pénible (les Tuvache et les Vallin), et un couple de bourgeois (les D’Hubières) aisés. Leurs milieux sociaux sont principalement repérables grâce au niveau de langue et au mode de vie (les Tuvache, les Vallin et leurs enfants vivent « péniblement de soupe, de pommes de terre et de grand air », les D’Hubières roulent en voiture, et Mme D’Hubières revient voir les paysans « les poches pleines de friandises et de sous »).

Analyser et interpréter le texteUn texte réaliste

3. L’action se déroule à la campagne, près « d’une petite ville de bains » (l. 2), « au pied d’une colline » (l. 1) ; la terre y est « inféconde » (l. 2), « les deux paysans besognaient dur » (l. 2). Les deux familles vivent dans des chaumières (l. 1) évoquées ligne 14 par le terme « masure » ; l’idée de pauvreté est renforcée par la phrase suivante (l. 15) : « tout cela vivait péniblement de soupe, de pomme de terre et de grand air ».4. a. Les enfants sont comparés à des animaux, que l’on a peine à distinguer les uns des autres : « tous leurs petits »

(l. 3), « grouillaient » (l. 4), « donner la pâtée » (l. 17) « comme des gardeurs d’oies » (l. 17), « empâtait » (l. 25) font partie du champ lexical des animaux ou de l’animalité.b. Les parents considèrent leurs enfants dans la globalité du groupe qu’ils forment, comme on regarderait un troupeau et non comme des êtres humains qui ont chacun leur identité. Leur objectif principal est de les nourrir comme on nourrit un troupeau.5. a. Les deux familles s’expriment en patois comme le font des paysans normands : « allez-vous-en, et pi, qj’vous revoie point par ici. C’est-i permis d’vouloir prendre un éfant comme ça ! », « qué qu’t’en dis, l’homme ? ». Cela renforce la dimension réaliste du texte.b. Les D’Hubières s’expriment dans un langage courant voire soutenu. Ils n’appartiennent pas à la classe sociale des paysans. Ce sont des bourgeois qui vivent en ville.6. L’arrivée des D’Hubières « par un après-midi du mois d’août » (l. 30) constitue l’élément perturbateur du récit. On pourra se référer au schéma narratif établi en préambule de l’analyse, pour montrer que, par les D’Hubières, c’est l’argent qui s’introduit dans les relations familiales, de voisinage et d’amitié.

Un regard critique sur les hommes

7. Leurs arguments sont d’ordre financier : « cent francs par mois » (l. 134), « Mme D’Hubières leur parla de l’avenir du petit, de son bonheur et de tout l’argent qu’il pourrait leur donner plus tard » (l. 141-144). La notion de bonheur est liée à la possession d’argent. L’enfant est présenté comme un bien qui les enrichira. Par ces arguments, Mme D’Hubières cherche à séduire les Vallin en excitant en eux le désir d’ar-gent, jusqu’à ce qu’il devienne plus fort que l’amour pour leur fils.8. a. L’adjectif qualificatif « radieuse » est apposé (ou épithète détachée). Jusqu’à présent dans le récit, Mme D’Hubières est présentée comme une femme capricieuse, impatiente et qui pleurniche lorsqu’elle n’obtient pas satisfaction (l. 102-105, 116-117). Ici, l’adjectif « radieuse » placé entre virgule crée un effet de contraste avec l’image que renvoyait Mme D’Hu-bières précédemment. « Radieux » signifie « qui rayonne », « épanouie ». Le personnage semble donc épanoui suite aux négociations menées pour « acquérir » l’enfant. b. Le narrateur emploie une comparaison, insistant sur la manière de s’emparer de l’enfant, réduit à l’état d’objet (« comme un bibelot désiré d’un magasin », l. 162). Maupas-sant s’amuse ici à comparer Mme D’Hubières à une enfant qui emporte un « bibelot » (lui-même un « marmot hurlant »).9. Tout au long de la nouvelle, les Tuvache éprouvent une colère intense : « la fureur inapaisable des Tuvache » est provoquée par le fait que les Vallin, qui ont mal agi en vendant leur enfant, se sont néanmoins enrichis et « vivot[ent] à leur aise, grâce à leur pension » (l. 186). Charlot éprouve à la fin ce même sentiment, surtout lorsqu’il revoit Jean, le fils des Vallin, âgé de vingt et un ans, adopté par les D’Hubières.

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10. La chute de la nouvelle est cruelle car, au lieu de la reconnaissance envers ses parents que l’on aurait pu attendre de sa part, Charlot décide de quitter la maison de ses parents ; il leur dit « vous n’êtes que des niants » ( l 231), leur reprochant de ne pas l’avoir confié aux D’Hubières. La situation comme les propos tenus par Charlot sont cruels : « des parents comme vous, ça fait l’malheur des éfants » (l. 231-232). Les Tuvache ont donc tout perdu, leur fils et l’argent qu’ils auraient pu avoir.

S’exprimer à l’oralMener un débat

11. On adoptera la méthode énoncée lors de l’entrée dans la séquence. La question ayant déjà été amorcée en début de séquence, il s’agit ici d’approfondir la réflexion : les élèves, après avoir échangé au sujet du comportement des Vallin, seront tenus de se reporter aux textes étudiés lors des lectures 1, 2 et 3, que l’on mettra en perspective avec la problématique de séquence : « Comment le désir d’argent oppose-t-il et fait-il évoluer les personnages de récits ? »

BilanMaupassant critique le comportement de ceux qui pensent qu’ils peuvent se permettre de tout acheter, y compris un être humain. Tout serait-il donc monnayable ?Il critique donc à la fois les D’Hubières et les Vallin. Par ailleurs, Charlot, qui au départ était fier de ne pas avoir été vendu, semble finalement penser lui aussi que l’argent fait le bonheur et se montre ingrat envers ses parents qui ont fait le choix de garder leur enfant en poursuivant une vie de labeur. Le regard que porte Maupassant sur le monde est sombre mais lucide. Les deux familles étaient, dans la situation initiale, très proches. Le désir d’argent oppose les personnages de récits (reflet de l’homme) et les mène parfois vers l’immoralité.

histoire Des mots L’adjectif correspondant est « abominable ».

Prolongements possibles On pourra faire lire d’autres nouvelles de Maupassant pour les comparer, et comprendre que son regard mordant sur la société s’applique à toutes les classes sociales. On pourra notamment se reporter à la séquence 1, pour étudier en texte intégral La Parure.• Aux champs, téléfilm d’Olivier Schatzky, avec Guillaume Gouix (Charlot Tuvache), Marianne Basler (la mère Tuvache), Anne Benoît (la mère Vallin), 2009.

La soif d’innocence

Objectifs• Analyser le dilemme d’un personnage.• Comprendre les contradictions dues à l’argent.

O Comment l’auteur met-il en évidence l’attrait des biens matériels ?

Pour compléter le corpus par l’étude d’un texte plus contem-porain, l’extrait de la nouvelle de Romain Gary « J’ai soif d’innocence » permettra d’introduire un narrateur idéaliste mais marqué par ses propres contradictions. Le décalage entre « soif d’innocence » et attrait pour l’argent est en effet présent de manière explicite dans ce texte ironique et cruel, qui pourra faire l’objet d’une lecture intégrale, le dénouement étant pour le moins inattendu.

Découvrir le texte1. On attend des élèves qu’ils fassent des hypothèses, après avoir lu le titre, le chapeau et le texte une première fois. Le narrateur espère trouver sur cette île perdue une société qui ne connaît pas l’argent et dont les rapports ne sont pas pervertis par le capitalisme. On pourra compléter la question par : De quoi peut-on vouloir s’éloigner ? Qu’est-ce qui, dans notre société, peut nous donner envie de fuir ? Pourquoi ? Un débat pourra naître des réponses formulées par les élèves.

Analyser et interpréter le texteUne saisissante découverte

2. Le narrateur est d’abord frappé de stupeur lorsqu’il découvre la toile qui enveloppe le gâteau ; les couleurs de la toile lui rappellent « vaguement quelque chose » (l. 7) qu’il ne se formule d’abord pas.3. Le narrateur éprouve des sensations physiques intenses à la découverte de la toile (« mon cœur fit un bond prodigieux dans ma poitrine », l. 8), à tel point qu’il doit s’asseoir (l. 10). Il est aussi saisi de tremblements (« d’une main tremblante », l. 19) et ressent « du côté du foie » un « pincement doulou-reux » (l. 23). Plus tard, il en perd même le sommeil (l. 33). Le narrateur passe du doute à la stupéfaction et cherche à comprendre comment en effet une toile de Gauguin a pu se retrouver sur cette île et servir à envelopper son gâteau.

Pris dans la toile

4. Les phrases employées des lignes 25 à 27 sont des phrases exclamatives. Elles traduisent sa surprise, et un

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enthousiasme non feint pour la valeur matérielle de cette toile (« Une peinture qui, vendue à Paris, devait valoir cinq millions ! », l. 26-27).5. À partir de la ligne 4, c’est le mot « toile » qui est répété à de nombreuses reprises.a. Cette répétition revient comme un leitmotiv : c’est un procédé d’insistance.b. Pour le narrateur, cette toile devient une obsession dont il est la proie. Son esprit est tout entier occupé par cette toile de Gauguin. 6. Le narrateur s’est rendu sur cette île pour fuir un monde qui avait fini par lui déplaire, une société corrompue par l’argent. Le lecteur s’étonne donc que les pensées du narra-teur se tournent vers la valeur financière de la toile. De plus, on peut penser que l’île sur laquelle il a élu domicile est pour lui un lieu idéal qui le satisfait pleinement. Il y a celle qu’il appelle son « amie Taratonga » (l. 2), qui lui fait porter à quatre reprises un gâteau préparé à son intention, enveloppé dans une toile qui ressemble en tout point à un tableau de Gauguin. On s’étonne tout à coup que le narrateur émette des jugements péjoratifs au moment où il reçoit un gâteau qui cette fois n’est plus enveloppé : « Il faut bien reconnaître que […] les indigènes de Taratora ont également quelques graves défauts » (l. 35). Ainsi, son état d’esprit a changé ; le lecteur est à même de comprendre que cette volonté de rompre avec une société corrompue par l’argent n’aurait pas dû engendrer de telles perturbations chez le narrateur.7. Le narrateur se retrouve face à ses contradictions : il se prétendait désintéressé et heureux de vivre dans un lieu où l’argent était absent. Il lui faut alors faire un choix : pour-suivre sa vie en renonçant aux trente millions que valent à Paris toutes les prétendues toiles de Gauguin que Taratonga propose de lui donner, ou quitter l’île et la vie à laquelle il pensait aspirer. On remarque qu’il fait passer ce désir de récupérer les toiles pour un geste en faveur de l’humanité (« quelle perte irréparable pour l’humanité si je n’étais pas passé par là ! », l. 46-47). On peut donc penser qu’il est de mauvaise foi et que son souci majeur est de faire fortune.

S’exprimer à l’écritImaginer un débat intérieur

8. On attend ici de l’élève qu’il ait compris le dilemme qui agite le narrateur et qu’il soit capable de le développer dans un texte rédigé à la première personne, dans lequel le narrateur mènera un débat intérieur en pesant le pour et le contre. On pourra demander que cette délibération aille jusqu’à une décision finale.

Bilan Le narrateur ne semble pas si désireux d’étancher sa soif d’innocence ; en effet, il a suffi de l’arrivée du gâteau enve-loppé d’une toile ressemblant en tout point à un tableau de Gauguin pour que rapidement il en considère la valeur marchande. Les toiles l’ont obsédé au point de lui faire perdre le sommeil. De plus, il essaie de tromper son amie

en ne lui avouant pas la vérité. Ces réactions ne sont pas celles de quelqu’un qui aurait « soif d’innocence ».

L’histoire Des mots« Se mouvoir » est un verbe de la même origine latine qu’ « émo-tion », signifiant « bouger ».

LeCture De L’imAge1. Ce tableau représente des personnages en tenue exotique, au bord d’un rivage aux couleurs chatoyantes. On remarque égale-ment en arrière-plan une statue qui ressemble à un totem, une plage, des montagnes, de la verdure et des animaux. L’atmosphère générale du tableau donne un sentiment d’apaisement, de vie idyllique. 2. Tout semble y être facile, on a une impression d’âge d’or. Les couleurs inspirent gaieté et bien-être.3. Ce tableau peut illustrer la description de la toile, des lignes 19 à 22 (« un petit coin de la montagne tahitienne », « des baigneuses au bord d’une source »).

Le festin de Trimalcion

Objectifs• Découvrir l’un des premiers romans de la littérature.• étudier la figure du parvenu dans l’Antiquité.

L’étude de ce texte permettra de montrer combien le désir d’argent et le besoin d’étaler sa richesse ont traversé les siècles. On pourra s’interroger sur les raisons qui poussent les hommes à se comporter ainsi : est-ce un moyen d’afficher sa place dans la société et de montrer sa réussite sociale ? L’homme, en étalant sa richesse, n’a-t-il pas le sentiment d’acquérir du pouvoir sur les autres tout en les fascinant ? On pourra ainsi se référer aux textes du corpus et voir dans quelle mesure les deux premiers textes montrent qu’en effet l’argent permet à Jeannot ainsi qu’aux filles du Père Goriot d’accéder à un rang social plus élevé et de satisfaire leur désir de paraître. On pourra à l’inverse préciser que certains individus n’éprouvent pas ce désir d’ostentation et se demander pourquoi.

Comprendre les documents1. On voit que Trimalcion a quitté son statut d’esclave puisqu’il a les moyens d’organiser un banquet : ce sont les riches maîtres qui organisaient de somptueux banquets dans l’antiquité. De plus, le foulard bordé de pourpre est une réfé-rence à la bande de pourpre qui ornait la toge des sénateurs.2. Il renvoie l’image d’un homme fortuné, désireux d’étaler sa richesse. Le champ lexical du luxe en témoigne : « magni-

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ficences » (l. 2), « amené au son de la musique » (l. 4), « une bague toute petite et toute d’or » (l. 15), « bracelet d’or » (l. 17), « cercle d’ivoire » (l. 18), « pointe d’argent » (l. 19), « table de térébinthe avec des dés de cristal » (l. 23-24), « deniers d’or et d’argent » (l. 24).3. La scène provoque le rire des convives (« des rires mal dissimulés », l. 7) qui se rendent bien compte que Trimalcion cherche à étaler sa richesse.4. L’arrivée de Trimalcion est mise en scène. Il éprouve le désir de paraître en se faisant amener auprès de ses invités et déposer sur de petits oreillers. Sa tenue vestimentaire témoigne de son désir de paraître et des expressions telles que « d’où sortait sa tête toute rasée », « emmailloté », le « large anneau légèrement doré », la « bague plus petite et toute d’or » renforcent cette idée. Nous sommes face à une caricature ; l’expression ironique du narrateur « en voulant nous montrer encore d’autres richesses… » témoigne de la volonté de ce dernier de tourner son personnage en ridicule. 5. Cette expression signifie que pour obtenir de la consi-dération, il faut être riche. C’est ce que montre le parallèle entre le verbe « avoir » et le verbe « être ». L’impératif « ayez » donne l’idée que la possession de biens matériels est un pré-requis pour exister. Les élèves pourront discuter entre eux de cette affirmation, en prenant des exemples dans l’actualité, et en se référant aux débats qu’ils auront déjà eu à l’occasion de l’étude des textes du corpus.

À vous de créer6. Pour aider les élèves à se documenter avant de rédiger cette scène, on pourra leur conseiller de se référer au Guide romain antique (de Georges Hacquard, Jean Dautry, et Olivier Maisani, Hachette, 2006). On pourra aussi se référer à la vidéo suivante sur la cuisine romaine antique : https://www.youtube.com/watch?v=xXPzg5ohueg

Prolongement possible L’étude de l’extrait du Satiricon pourra donner lieu à un débat : pourquoi certaines personnes ont-elles besoin d’étaler leurs richesses, et d’autres non ?

Rendre compte à l’oral de la lecture d’un récitCette page Méthode se prête tout particulièrement à la lecture et la présentation orale des nouvelles de Maupassant, en ce qu’elles sont souvent des nouvelles à chute, mais peut s’appli-quer à la lecture de n’importe quel livre. Présenter un livre

Méthode p. 201

à l’oral est un exercice qui permettra à l’élève de vérifier sa compréhension de l’œuvre et la confronter aux questions de ses camarades. Par ailleurs, cela demande un effort de mise en forme, l’objectif étant d’attiser la curiosité des élèves et de leur donner envie de lire l’œuvre en question. On pourra, dans le prolongement de l’étude des textes du corpus, demander aux élèves de lire d’autres recueils de nouvelles puis d’en rendre compte à l’oral en suivant cette méthode.Voici des recueils que pourront lire les élèves de 4e, pour élargir leur connaissance du réalisme :• Un million et autres nouvelles réalistes, de Guy de Maupas-sant, Hatier, « Classiques & Cie », 2013.• Neuf nouvelles réalistes, dir. Virginie Manouguian, Belin-Gallimard, « Classico Collège », 2015.• Nouvelles réalistes et naturalistes, dir. H. Baty-Delalande, Nathan, « Carrés classiques », 2013.

Argent, ambition et apparences

Objectif• Apprendre à nuancer le vocabulaire utilisé.

Découvrir le lexique de l’argent1. a. L’argent renvoie à la fois au métal blanc et à la monnaie.b. Voici deux exemples de phrases : – J’aime beaucoup ce bracelet en argent.– Il me faut de l’argent pour payer les courses que je vais faire chez l’épicier.2. a.

sens positif sens négatif

fortunéaisé

argenténantifriquérichardvénal

b. Le suffixe -ard est péjoratif, comme dans « vantard », « froussard », « criard », « pleurnichard », « chauffard ».3. 1. Il y a plus grave dans la vie que d’avoir des problèmes d’argent car il y a toujours moyen d’y remédier.2. Vouloir avoir tous les avantages d’une situation.3. Croire naïvement tout ce qu’on nous dit.4. Gaspiller4. • « Être plein aux as » signifie « avoir beaucoup d’argent » (sens négatif).Par exemple : Il n’a aucun souci à se faire pour son avenir, il est plein aux as !

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• « Un nouveau riche » est une personne qui a gagné une certaine somme et qui se plaît à l’afficher.Par exemple : Il a fait plusieurs fois le tour du village avec sa grosse voiture ; c’est bien une attitude de nouveau riche !• Un « gosse de riches » désigne un enfant privilégié par sa situation familiale.Par exemple : Ce jeune a l’habitude d’obtenir tout ce qu’il veut, c’est un gosse de riches.5.

Familier Courant soutenu

fricflouzeoseillepognonbléthunefauché

monnaieespècesliquiderentepauvretérichesseaisance

fastedénuementcupidité

Exprimer l’ambition6.

Qualité Défaut

probitéaltruismephilanthropieintégritédévouementabnégationhumanitégénérosité

individualismevanitécupiditéavarice

7. 1. Cet homme regarde d’un œil de convoitise les biens possédés par les autres.2. Elle cherche toujours à accroître son train de vie, elle tient à sa réussite sociale.3. Sa soif d’argent est telle qu’elle est prête à tout pour en obtenir.4. Il n’a aucun scrupule, son ambition le rend arriviste.5. Elle veut à tout prix réussir sa carrière professionnelle, elle est carriériste.8. Souhaiter > souhait Viser > viséeDésirer > désir Aspirer > aspirationVouloir > vœu Projeter > projetConvoiter > convoitise Prétendre (à) > prétentionEspérer > espoir Ambitionner > ambition9.

Ambition positive Ambition négative

Remporter les lauriersTenir le haut du pavéFaire flèche de tout boisAvoir son bâton de maréchalMonter au pinacle

Avoir les dents longuesBâtir des châteaux en Espagne

À vous d’écrire10. On attend de l’élève qu’il soit capable d’exprimer une ambition personnelle dans un texte rédigé à la première personne. L’exercice permettra de vérifier que l’élève a acquis

un vocabulaire spécifique, qu’il est capable de nuancer un propos en variant les verbes, et qu’il sait faire la différence entre vocabulaire mélioratif et vocabulaire péjoratif.

Exprimer le but

Objectif• repérer et utiliser les différentes expressions possibles du but.

Repérer l’expression du but1. Les phrases qui expriment le but sont les phrases 2 (au moyen de la conjonction « en vue de »), 3 (au moyen de la préposition « pour »), et 5 (au moyen de la conjonction de subordination « afin de »).2. Les conjonction de subordination et les locutions qui n’ex-priment pas le but sont : « parce que », « étant donné que », « comme », et « vu que ». Elles expriment toutes la cause.3. « Pour » exprime le but dans les phrases 2 et 4.

Varier l’expression du but4. Toutes ces propositions circonstancielles de but doivent être au subjonctif.1. De peur qu’il n’oublie, il lui a rappelé ce qu’il devait faire.2. Cette chaumière a été construite afin que des paysans puissent y vivre.3. Il s’est rendu dans les îles lointaines pour que personne ne cherche à l’y rejoindre.4. Il est allé voir son ami dans l’espoir que celui-ci lui vienne en aide.5. Cette affiche a été créée afin que la population soit sensi-bilisée à la pauvreté dans le monde.5. 1. Ils ont acheté Jean Vallin pour devenir (infinitif) parents.2. Ses filles lui ont soutiré de l’argent afin d’être (infinitif) les plus belles au bal.3. Il lui a prêté de l’argent pour qu’elle aille (subjonctif) à l’opéra ce samedi.4. Il se rend dans une île perdue du Pacifique afin de pouvoir (infinitif) vivre loin d’une société corrompue.

Exercice de réécriture complémentaireRéécrivez ce texte en exprimant le but par des préposi-tions et conjonctions de subordination différentes

Durant les prochaines vacances, vous veillerez à faire vos devoirs avant votre départ en voyage afin d’en profiter pleinement. Nous voyageons pour découvrir la région et dans l’espoir que vous fassiez preuve d’ouverture d’esprit et que vous ayez envie de voir ce que vous n’avez jamais vu.

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6. Dictée préparéeLes expressions du but sont : « pour être admirée » (infinitif) ; « afin qu’elles s’assortissent » (subjonctif) ; « pour montrer » (infinitif) ; « dans l’espoir qu’elle les remarque » (subjonctif) ; « pour devenir riches » (infinitif).

Dictée complémentaireEn lien avec le thème de la séquence, on pourra proposer le texte de dictée suivant, dans la continuité des textes étudiés.

Il était une fois un homme qui avait une cervelle d’or ; oui, madame, une cervelle toute en or. Lorsqu’il vint au monde, les médecins pensaient que cet enfant ne vivrait pas, tant sa tête était lourde et son crâne démesuré. Il vécut cepen-dant et grandit au soleil comme un beau plant d’olivier ; seulement sa grosse tête l’entraînait toujours, et c’était pitié de le voir se cogner à tous les meubles en marchant… Il tombait souvent. Un jour, il roula du haut d’un perron et vint donner du front contre un degré de marbre, où son crâne sonna comme un lingot. On le crut mort ; mais, en le relevant, on ne lui trouva qu’une légère blessure, avec deux ou trois gouttelettes d’or caillées dans ses cheveux blonds. C’est ainsi que les parents apprirent que l’enfant avait une cervelle en or.Alphonse Daudet, « L’Homme à la cervelle d’or », Lettres de mon moulin, 1869.

À vous d’écrire7. On veillera à ce que les élèves respectent les codes du genre épistolaire et qu’ils soient capables de varier les conjonctions de subordination et les locutions conjonctives. La dimension argumentative de ce texte devra être mise en valeur par le choix d’arguments et d’exemples pertinents.

Convaincre un auditoire Les nouveaux programmes insistent particulièrement sur l’importance de travailler l’expression orale sous toutes ses formes. « L’expression orale des élèves constitue le moyen non plus seulement d’appréhender le monde mais d’y jouer un rôle et de faire entendre leur voix dans la société, à commencer celle qu’ils constituent avec leurs pairs et leurs enseignants. » La capacité à convaincre un auditoire par le choix d’arguments pertinents, d’exemples percutants, d’un ton de voix adapté et d’un discours construit est donc fonda-mentale.

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CompétencesD1, 2, 3 • S’exprimer de façon maitrisée en s’adressant à un auditoire.• Participer de façon constructive à des échanges oraux.

Faire parler des personnages Cet atelier d’écriture vise à exploiter ce qui a été vu dans la séquence, en termes de construction narrative, et d’alter-nance récit/dialogue.Ce pourra être l’occasion de revoir, en étude de la langue, la construction du discours direct et on pourra constituer préalablement :• une fiche de vocabulaire sur les verbes exprimant le ton employé pour s’exprimer (enrichir la liste de l’étape 2 : crier, hurler, murmurer… ; possibilité de faire ce travail de manière collaborative) ;• une fiche sur les sentiments (mise en forme d’une palette de sentiments positifs et négatifs affichable ensuite dans la classe).Cette activité pourra faire l’objet d’un travail collaboratif, afin de faire participer de manière plus ludique l’ensemble des élèves. L’utilisation d’un logiciel en ligne comme Framapad sera utile : https://framapad.org/

CompétencesD1 • Adopter des stratégies et des procédures d’écriture efficaces.• Respecter les normes linguistiques.

2. Lire et comprendre un texte6. Le regard que Mme Bonnin porte sur son mari est déva-lorisant : elle le tient pour responsable de la situation dans laquelle ils se trouvent (« le rendant seul coupable, seul responsable de la perte de cette fortune », l. 12-13) et ne manque pas une occasion de le lui faire sentir (« le harce-lait », l. 1, « allusions désobligeantes », l. 2, « le martyrisait de sous-entendus », l. 2). Les expressions « Monsieur le gratte-papier » (l. 8) ou encore « imbécile » (l. 17) montrent à quel point elle le méprise. La tension est à son comble (« la guerre était déclarée, une guerre incessante, acharnée », l. 14).7. Le dépoiement du champ lexical de l’argent dans le texte montre que l’héritage convoité est une obsession dans l’es-

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prit de Madame Bonnin : « l’héritage » (l. 3), « riches » (l. 5), « cinquante mille livres de rente » (l. 7), « fortune » (l. 13).8. Les paroles sont rapportées au discours direct, ce qui permet de rendre le texte plus vivant et de bien voir à quel type de personnage on a affaire lorsque l’on découvre la violence des propos de Mme Bonnin.9. Le temps dominant est l’imparfait de l’indicatif, qui traduit la répétition dans le passé.10. C’est aux biens matériels que Mme Bonnin attache le plus d’importance, au confort que ceux-ci pourraient lui apporter. Le fait de devenir mère est loin de ses véritables désirs. Elle est intéressée par l’appât du gain et ne montre aucune véritable qualité humaine.

3. Écrire la suite d’un récit11. On valorisera pour évaluer cet exercice : le respect du sujet, la pertinence des idées, l’expression des sentiments des personnages, la construction du dialogue (varier les verbes de parole suivis de commentaires sur le ton employé par les personnages), comme cela a été travaillé durant la séquence.

Évaluation complémentaireDans la continuité des textes de la séquence, qui portent tous en creux une critique d’un travers humain (en l’occur-rence la cupidité et l’avarice), il pourra être utile de proposer l’évaluation complémentaire aux pages suivantes.

1. Lire et comprendre un texte à visée argumentative1. Ce texte est une description, et plus précisément le portrait d’un homme appelé Giton.2. La première phrase est consacrée au portrait physique de Giton : « le teint frais », « le visage plein »… L’homme paraît bien, voire trop nourri ; le groupe nominal « le visage plein et les joues pendantes » ridiculise le personnage et nous laisse penser que nous sommes face à une caricature.

3. La Bruyère décrit le comportement de Giton, en utili-sant des phrases courtes, de structure identique (il + verbe d’action) composées de propositions indépendantes coor-données ou juxtaposées (« il crache fort loin et il éternue fort haut », « il dort le jour, il dort la nuit »). Les verbes (des verbes d’action) sont conjugués au présent de l’indicatif : « parle », « fait répéter », goûte », « déploie », « se mouche »…) qui sont des présents de narration. Tout cela confère au texte une certaine vivacité ; de plus, il utilise à la fin du texte une énumération d’adjectifs qualificatifs péjoratifs recou-rant ainsi au procédé de l’accumulation. Il utilise aussi la figure de l’hyperbole : « il déploie un ample mouchoir et se mouche avec grand bruit », ce qui permet d’insister sur le côté déplaisant du personnage.4. Le registre de ce texte est satirique, ce qui signifie que l’intention de l’auteur est de blâmer tout en faisant sourire le lecteur ; tous les procédés énumérés ci-dessus en témoignent. La Bruyère brosse le portrait du riche qui pense pouvoir tout s’autoriser, en en grossissant les traits. On peut voir dans ce portrait une caricature.5. L’entourage de Giton apparaît derrière le pronom « on » : « il s’arrête et l’on s’arrête ; il continue de marcher et l’on marche » ; « on ne l’interrompt pas »… Son entourage est docile voire servile ; en effet, « tous se règlent sur lui », « on est de son avis », « on l’écoute aussi longtemps qu’il veut parler ». 6. La dernière phrase constitue une chute. En début de texte, cette phrase n’aurait pas créé le même effet. C’est en effet à la lumière de cette phrase que le texte prend a posteriori tout son sens.

2. Rédiger un portrait7. On pourra choisir un type de personnage contemporain, par exemple : un adolescent obsédé par ses jeux vidéo, un individu sans cesse penché sur son smartphone, un avare, un profiteur… On récapitulera avec les élèves les procédés utilisés par La Bruyère (notamment l’hyperbole).On pourra ensuite préciser la consigne en demandant aux élèves de commencer par une phrase concernant le portrait physique, puis de développer des phrases indépendantes contenant des verbes d’action pour décrire son comporte-ment, suivis d’éléments de portrait moral, et enfin de conclure par une chute. Les élèves réaliseront ainsi un pastiche.

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10. Pour tout l’or du monde

1. Lire et comprendre un texte à visée argumentative

1. À quelle forme de discours ce texte appartient-il ?

2. Que sait-on du physique du personnage ? Quelle impression se dégage du portrait physique de Giton ?

Giton

En 1688, La Bruyère publie Les Caractères ou les Mœurs de ce siècle, une œuvre composée d’une succession de textes courts au travers desquels il se livre à une peinture de l’homme et brosse un tableau de la société de son temps et tout particulièrement la cour à l’époque de Louis XIV. Il fait ici le portrait de Giton.

Giton a le teint frais, le visage plein et les joues pendantes, l’œil fixe et assuré, les épaules larges, l’estomac haut, la démarche ferme et délibérée. Il parle avec confiance ; il fait répéter celui qui l’entretient, et il ne goûte que médiocrement tout ce qu’il lui dit. Il déploie un ample mouchoir et se mouche avec grand bruit ; il crache fort loin, et il éternue fort haut. Il dort le jour, il dort la nuit, et profondément ; il ronfle en compagnie. Il occupe à table et à la promenade plus de place qu’un autre. Il tient le milieu en se promenant avec ses égaux ; il s’arrête, et l’on s’arrête ; il continue de marcher, et l’on marche : tous se règlent sur lui. Il interrompt, il redresse ceux qui ont la parole : on ne l’interrompt pas, on l’écoute aussi longtemps qu’il veut parler ; on est de son avis, on croit les nouvelles qu’il débite. S’il s’assied, vous le voyez s’enfoncer dans un fauteuil, croiser les jambes l’une sur l’autre, froncer le sourcil, abaisser son chapeau sur ses yeux pour ne voir personne, ou le relever ensuite, et découvrir son front par fierté et par audace. Il est enjoué, grand rieur, impatient, présomptueux, colère, libertin, politique, mystérieux sur les affaires du temps ; il se croit du talent et de l’esprit. Il est riche.

Jean de La Bruyère, Les Caractères, « Des biens de fortune » (83), 1688.

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3. À quels procédés La Bruyère recourt-il pour brosser le portrait moral de Giton ?

4. Quel est le registre de ce texte ?

5. Comment sont désignées les personnes qui entourent Giton ? Comment se comportent-ils en sa présence ? Quel adjectif pourrait qualifier ce comportement ?

6. Quel effet produit la dernière phrase ? L’effet aurait-il été le même si cette phrase avait été placée au début du texte ?

2. Rédiger un portrait

7. À votre tour, rédigez à la manière de La Bruyère le portrait d’un individu incarnant un travers humain.