Des PME aux ETI: quels financements alternatifs pour les ... · financement bancaire au détriment...

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Rapports et études Les prises de position de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris Des PME aux ETI : quels financements alternatifs pour les entreprises ? Rapport de Monsieur Arnould d’HAUTEFEUILLE avec la collaboration de Monsieur Abderrahim DOULAZMI, département économique et financier à la Direction générale adjointe chargée des études, de la prospective et de l’innovation présenté au nom de la Commission économique, financière et fiscale adopté par l’Assemblée générale du 24 septembre 2009

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Rapports et études Les prises de position de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris

Des PME aux ETI : quels financements alternatifs pour les entreprises ?

Rapport de Monsieur Arnould d’HAUTEFEUILLE avec la collaboration de Monsieur Abderrahim DOULAZMI, département économique et financier à la Direction générale adjointe chargée des études, de la prospective et de l’innovation présenté au nom de la Commission économique, financière et fiscale adopté par l’Assemblée générale du 24 septembre 2009

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SYNTHESE

La capacité de l’économie française à innover et à relever les défis de la mondialisation repose en grande partie sur le dynamisme de ses entreprises et notamment des PME et ETI qui représentent plus de 80% de l’emploi marchand et près de 75% de la valeur ajoutée marchande.

De ce fait, leur financement constitue un enjeu fondamental pour la compétitivité de l’économie, d’autant plus que la crise actuelle exacerbe les points de fragilité caractérisant la structure financière de ces entreprises laquelle reste dominée par le poids du crédit bancaire.

En rendant le crédit plus rare et donc plus cher, la crise financière a relancé les questions récurrentes et lancinantes sur le financement du haut de bilan des PME et des ETI :

comment réduire leur dépendance au financement bancaire et mieux équilibrer leur structure financière ?

quelles voies emprunter pour diversifier leurs sources de financement et trouver les ressources en capital nécessaires à leur développement ?

comment faire converger les intérêts des investisseurs et ceux de l’entreprise… ?

Ces interrogations traversent la réflexion de l’ensemble des acteurs de la Place de Paris et des pouvoirs publics et animent le débat actuel sur le financement des entreprises. La CCIP, fidèle à ses principes, contribue à ce débat en apportant son expérience et ses propositions dans le but d’enrichir l’éventail des mesures susceptibles d’améliorer durablement les conditions de financement de nos entreprises.

L’approche adoptée par la CCIP pour favoriser le développement des financements alternatifs est fondée sur une logique qui vise à remettre la finance au service de l’économie. Ceci implique des exigences de rentabilité des fonds apportés compatibles avec les besoins et les capacités des entreprises, un allongement de l’horizon d’investissement, un rééquilibrage des rapports de force entre investisseurs et entreprises…

Cette approche privilégie trois objectifs prioritaires qui se rejoignent à plusieurs niveaux. La première piste esquissée est celle des marchés de titres dont l’accès pourrait être facilité notamment pour les entreprises de taille intermédiaire et les PME assez solides pour supporter le coût et les exigences de transparence des marchés. Le deuxième axe de propositions tend à favoriser une meilleure allocation de l’épargne longue et notamment de l’assurance-vie vers les placements en titres d’entreprises. Enfin, la troisième série de recommandations vise à encourager l’entrée des investisseurs de long terme aussi bien privés que publics dans le capital des PME et des ETI.

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LES 12 PROPOSITIONS DE LA CCIP I. Faciliter l’accès des entreprises aux marchés de titres

Le recours au marché boursier peut constituer une option pertinente notamment pour les entreprises de taille intermédiaire souhaitant renforcer leur notoriété et/ou financer des opérations de fusions-acquisitions par exemple.

Développer des actions pédagogiques sur l’introduction en Bourse et la gestion de la cotation dans le temps avec une sensibilisation aux avantages et aux contraintes de ce mode de financement.

Renforcer l’attractivité de l’investissement sur Alternext pour les personnes physiques en réduisant l’écart de fiscalité par rapport au marché londonien (AIM).

Promouvoir la création d’un véritable « Small Business Act » boursier européen avec la modification des directives applicables sur les marchés réglementés et la définition au niveau communautaire du statut de valeur moyenne.

Créer à terme une cote unique pour les petites et moyennes valeurs en fusionnant le compartiment C d’Euronext et Alternext afin d’améliorer la visibilité et la liquidité du marché boursier des PME et des ETI.

Au-delà de la Bourse, l’accès des PME et des ETI au marché de la dette peut être facilité par le développement de la titrisation.

Développer la titrisation des crédits aux PME et aux ETI pour favoriser leur financement :

- sur le modèle espagnol, étendre les mécanismes de garantie d’OSEO à certains titres adossés à un portefeuille de crédits aux PME et aux ETI ;

- sur le modèle allemand de KfW, créer une structure commune (par OSEO et la Caisse des dépôts) dont l’objet est de mettre en place une plateforme standardisée de titrisation.

II. Favoriser l’allocation de l’épargne longue vers les placements en titres d’entreprises

L’épargne financière des ménages français dont 45% est placée en assurance-vie, est insuffisamment mobilisée pour le financement des entreprises.

Encourager les compagnies d’assurance à investir une part des contrats d’assurance-vie dans le capital de PME en adaptant les règles de solvabilité applicables à l’investissement dans le non coté.

De même, une part de l’épargne salariale pourrait être canalisée vers le renforcement des fonds propres des PME.

Mieux mobiliser les dispositifs d’épargne salariale vers le financement des PME en ouvrant la possibilité aux FCPE d’investir dans des fonds de capital-développement.

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III. Encourager l’entrée des investisseurs de long terme dans le capital des PME et des ETI

Le rôle des investisseurs de long terme dans le financement en fonds propres des PME et des ETI doit être renforcé à travers le soutien au capital-développement par des incitations fiscales adaptées.

Autoriser l’entrepreneur à déduire les intérêts d’emprunt contracté pour le rachat des parts détenues depuis plus de cinq ans par un investisseur.

Homogénéiser la fiscalité des fonds ISF et des holdings ISF.

Permettre l’utilisation des fonds collectés au titre de la réduction ISF à destination des PME sous forme d’obligations convertibles ou d’obligations remboursables en actions.

Par ailleurs, les investisseurs publics sont appelés à repenser leur organisation et leur mode d’intervention auprès des PME et des ETI.

Rationaliser l’organisation du système public de soutien au financement des PME et des ETI, en renforçant l’indépendance des comités d’investissement et en les ouvrant à des représentants des PME et des ETI.

Renforcer les moyens financiers des investisseurs publics, en dédiant 5% des fonds du FSI aux PME et aux ETI des secteurs innovants et en réservant une part du Grand Emprunt pour accroître les moyens du futur Fonds de consolidation des fonds propres des PME et des ETI ;

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SOMMAIRE

____________________________________________ Page INTRODUCTION 9

I – LE FINANCEMENT DES ENTREPRISES : UN ETAT DES LIEUX 11

1. Situation financière des PME avant la crise : quelques constats 11

1.1. Une structure financière assainie et une rentabilité améliorée 11

1.2. Un investissement peu dynamique et une capacité d’autofinancement affaiblie 13

2. L’accès des PME au financement bancaire dans un contexte de crise 16

2.1. Les dettes bancaires : première source de financement externe des PME 16

2.2. Le rationnement du crédit et le durcissement de la contrainte financière des PME 17

II – FACILITER L’ACCES DES ENTREPRISES AUX MARCHES DE TITRES 21

1. L’accès des PME et des ETI au marché boursier : un état des lieux 22

1.1. Malgré les progrès du paysage boursier... 22

1.2. ... le marché des valeurs moyennes et petites demeure sous-développé 23

2. Les freins au développement du marché boursier des PME et des ETI 25

2.1. Aller en Bourse : faire sauter les « verrous » culturels des chefs d’entreprises 25

2.2. Du coût de la cotation aux contraintes réglementaires : le « parcours du combattant » des PME et des ETI en Bourse 26

3. L’accès au marché de la dette : une alternative pour les PME et les ETI 29

3.1. La titrisation : une technique financière au service du développement des PME et des ETI 29

3.2. Le marché de la titrisation : situation française et comparaisons européennes 30

3.3. Le développement du marché français de la titrisation : quelques pistes d’action 31

III – FAVORISER L’ALLOCATION DE L’EPARGNE LONGUE VERS LES PLACEMENTS EN TITRES D’ENTREPRISES 35

1. Épargne longue des ménages et financement des entreprises : situation française 35 et comparaisons internationales

1.1. Prédominance des placements à faible risque en France 36

1.2. La détention d’actions par les ménages : éléments de comparaison 37

2. Favoriser l’orientation des fonds de l’assurance-vie vers les PME 39

2.1. Le marché de l’assurance-vie en France 39

2.2. L’implication des assureurs dans le financement des PME 40

3. L’épargne salariale comme levier de financement des PME 41

3.1. L’épargne salariale en France : une vue d’ensemble 41

3.2. L’épargne salariale : un levier pour le financement en fonds propres des PME 44

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IV. ENCOURAGER L’ENTREE DES INVESTISSEURS DE LONG TERME DANS LE CAPITAL DES PME ET DES ETI 45

1. Les fonds de capital-investissement : des partenaires stratégiques pour les PME et les ETI 45

1.1. Capital-investissement et cycle de vie de l’entreprise 45

1.2. Le capital-développement : état des lieux en France et en Europe 47

1.3. L’investissement de long terme dans les PME : un cadre fiscal incitatif à consolider 51

2. Renforcer le rôle des investisseurs publics dans le capital des PME et des ETI 54

2.1. Le rôle de CDC Entreprises et du dispositif France Investissement 55

2.2. Consolider le Fonds stratégique d’investissement comme investisseur de long terme pour les PME et les ETI 55

LISTE DES EXPERTS AUDITIONNES 59

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INTRODUCTION

La capacité de l’économie française à innover et à relever les défis de la mondialisation repose en grande partie sur le dynamisme de ses entreprises et notamment des PME et des ETI1 qui représentent plus de 80% de l’emploi salarié marchand et près de 75% de la valeur ajoutée marchande. De ce fait, le financement de ces entreprises constitue un enjeu fondamental pour la compétitivité de l’économie, d’autant plus que la crise actuelle exacerbe les limites de leur dépendance au crédit bancaire et met davantage en évidence le « plafond de verre » financier auquel se heurtent souvent les PME et les ETI lorsqu’elles cherchent à se développer.

En effet, l’histoire et la culture françaises ont fortement marqué de leur empreinte les modes de financement des entreprises, notamment des PME et des ETI. La prégnance de cet héritage sur les comportements des entreprises françaises transparaît ainsi dans le recours privilégié au financement bancaire au détriment des autres modes de financement, contrairement à ce que l’on peut observer dans les pays anglo-saxons.

Les effets de la crise sur le financement des PME et des ETI se ressentent à un double niveau. D’une part, la fragilisation des bilans bancaires et la montée des risques engendrent un phénomène de rationnement du crédit qui pénalise principalement les PME et les ETI dont le crédit bancaire demeure la première source de financement. D’autre part, l’explosion de la dette publique fait craindre le risque d’un « effet d’éviction » des entreprises privées de l’accès au financement.

En limitant durablement la capacité du système bancaire à financer l’économie, la crise financière relance les questions lancinantes sur le financement du haut de bilan des PME et des ETI et pose de nouveaux défis aux entreprises et aux décideurs publics. À la logique qui présidait les comportements financiers à l’origine de la crise et qui se fondait schématiquement sur la recherche d’un rendement des actifs à court terme sans commune mesure avec le taux de croissance économique doit se substituer une logique qui remet la finance au service de l’économie. Ceci implique des exigences de rentabilité des fonds apportés compatibles avec les besoins et les capacités des entreprises, un allongement de l’horizon d’investissement, un rééquilibrage des rapports de force entre investisseurs et entreprises…

Dans ce contexte, il importe de développer des financements alternatifs, adaptés aux PME et aux ETI, qui seraient mieux à même de leur fournir, tout au long de leur cycle de vie, les ressources en capital dont elles ont besoin pour financer leur développement.

La ligne directrice de ce rapport s’articule ainsi autour des principes qui sous-tendent les prises de position de la CCIP et qui se reflètent dans les pistes de propositions :

contribution au développement de l’entreprise en lui donnant les moyens de son développement sans effet pervers sur sa valorisation ;

recherche d’un meilleur équilibre entre les intérêts des investisseurs et ceux de l’entreprise ;

élaboration de règles de déontologie et de transparence à respecter par l’investisseur ;

principes fiscaux à respecter pour favoriser ces financements.

1 Selon la loi de modernisation de l’économie d’août 2008, les petites et moyennes entreprises (PME) sont les entreprises qui occupent moins de 250 personnes avec un CA annuel n’excédant pas 50 millions d’euros ou un total de bilan n’excédant pas 43 millions d’euros. Les entreprises de taille intermédiaire (ETI) sont les entreprises de 250 à moins de 5 000 personnes avec un CA annuel n’excédant pas 1,5 milliards d’euros ou un total de bilan n’excédant pas 2 milliards d’euros.

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Les recommandations qui traduisent les priorités d’actions retenues se déclinent ainsi selon trois axes :

faciliter l’accès des entreprises aux marchés de titres ;

favoriser l’allocation de l’épargne longue vers les placements en titres d’entreprises ;

encourager l’entrée des investisseurs de long terme dans le capital des PME et des ETI.

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I - LE FINANCEMENT DES ENTREPRISES : UN ÉTAT DES LIEUX

L’analyse de la situation financière et de la structure de financement des entreprises concerne ici spécifiquement les PME. En effet, le traitement statistique des ETI est encore balbutiant et ne permet pas de cerner de manière fiable cette nouvelle catégorie juridique. Il n’en demeure pas moins que, globalement, les constats observés au niveau des PME, notamment en termes de resserrement des conditions du crédit bancaire, peuvent être généralisés au niveau de ces entreprises.

La crise financière a, ainsi, bouleversé la donne en matière de financement des entreprises et notamment des PME en affectant profondément et durablement la capacité du système bancaire à assurer efficacement sa fonction économique.

Si les PME ont déployé au cours des dernières années des efforts considérables pour assainir leur situation financière en renforçant leurs fonds propres et en se désendettant fortement, force est de constater que, hors contexte de crise et malgré une rentabilité meilleure que celles des grandes entreprises, leur investissement manque de dynamisme et donc leur croissance manque de souffle.

Le déclenchement de la crise a remis en cause la tendance positive observée depuis le milieu des années 1990 en ce qui concerne la structure financière des PME. Ces dernières subissent ainsi de plein fouet un double choc : un choc économique lié à la dégradation de la conjoncture et un choc financier lié au phénomène de credit crunch lequel produit ses effets plus durement dans une économie où le financement est à dominante bancaire.

1. SITUATION FINANCIERE DES PME AVANT LA CRISE : QUELQUES CONSTATS 1.1. Une structure financière assainie et une rentabilité améliorée

Au cours des dernières années, la structure financière des PME s’est nettement renforcée. Entre 1996 et 2007, le poids des capitaux propres dans le total du bilan s’est accru de 5 points pour les PME et de 7 points pour les TPE (graphique 1).

Graphique 1 : Poids des capitaux propres appelés (en %)

TPE

PME

25

27

29

31

33

35

37

39

1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007

Source : Banque de France, base FIBEN. Entreprises hors holdings. TPE : 10 à 19 salariés, CA < 10 M€ et total bilan < 10 M€ PME : 20 à 249 salariés, CA < 50 M€ et total bilan < 43 M€.

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Parallèlement, les PME ont fortement réduit leur endettement financier sur la même période. Ainsi, le taux d’endettement financier net sur capitaux propres a baissé de plus de 40 points pour les TPE-PME (graphique 2).

Graphique 2 : Endettement financier net sur capitaux propres (en %)

TPE

PME

20

30

40

50

60

70

80

1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007

Source : Banque de France, base FIBEN. Entreprises hors holdings

Cet assainissement de la structure financière des entreprises s’accompagne d’une amélioration de leur rentabilité financière qui rapporte la capacité d’autofinancement nette aux capitaux propres (graphique 3). Elle mesure ainsi l’efficacité de l’ensemble du processus de production, en incluant son mode de financement. Bien que soumise aux évolutions conjoncturelles (dégradation en 2001-2003 liée à la faiblesse de la croissance), la rentabilité financière des entreprises a atteint en 2007 son plus haut niveau : 19% pour les TPE et 14% pour les PME, soit un quasi-doublement par rapport au niveau de 1996. Ainsi, contrairement à une idée répandue, les PME sont, en moyenne, des entreprises plus rentables que les grandes.

Graphique 3 : Rentabilité financière des capitaux propres (en %)

-10

-5

0

5

10

15

20

25

1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007

TPE PME GE

Source : Banque de France, base FIBEN. Entreprises hors holdings.

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Cependant, cette amélioration de la profitabilité des PME et l’assainissement de leur structure financière ne se sont pas traduits par un accroissement de leurs investissements, contrairement aux grandes entreprises.

1.2. Un investissement peu dynamique et une capacité d’autofinancement affaiblie

La part de la valeur ajoutée que consacrent les PME à l’investissement semble marquer le pas depuis une douzaine d’années. En effet, le taux d’investissement des PME qui stagne autour de 12% reste à un niveau bas et bien inférieur à celui des grandes entreprises (graphique 4).

Graphique 4 : Taux d’investissement (en %)

5

10

15

20

25

30

35

1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007

TPE PME GE

Source : Banque de France, base FIBEN. Entreprises hors holdings. Taux d'investissement = investissement corporel et incorporel / valeur ajoutée produite.

Cette atonie de l’investissement des PME va de pair avec la faiblesse de leur taux d’épargne (graphique 5). Ce dernier mesure la part des revenus que l’entreprise est à même de consacrer au financement de sa croissance. Autrement dit, c’est une mesure de la capacité d’autofinancement dégagée par l’entreprise après rémunération de l’ensemble des partenaires.

Cette capacité d’autofinancement a été notamment affectée au cours des dernières années par l’accélération de la distribution de dividendes, une tendance qui touche aussi bien les grandes entreprises que les PME (graphique 6). Cette évolution traduit en partie la montée en puissance des investisseurs institutionnels et, dans une moindre mesure, l’essor des LBO dans la période récente. De même, dans un tissu productif où les PME sont de plus de plus intégrées dans des groupes, cette augmentation des versements de dividendes reflète un accroissement des flux financiers internes aux groupes.

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Graphique 5 : Taux d’épargne (en %)

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1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007

PME GE

Source : Banque de France, base FIBEN. Entreprises hors holdings. Taux d'épargne = autofinancement / revenu global.

Graphique 6 : Part des actionnaires dans le revenu global (en %)

TPE

PME

GE

2

3

4

5

6

7

8

9

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11

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1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007

Source : Banque de France, base FIBEN. Entreprises hors holdings.

Pour renforcer les fonds propres des PME et améliorer leur capacité d’investissement, il conviendrait d’utiliser l’outil fiscal dans une approche incitative afin de faciliter la restructuration des actifs immobilisés et l’adaptation de l’appareil productif des entreprises aux nouvelles techniques. Dans cette optique, il serait souhaitable d’exonérer les plus-values professionnelles de cession d’immobilisations sous condition de réemploi.

Par ailleurs, les PME françaises ont tendance à constituer d’importantes réserves de trésorerie de précaution destinées à mieux amortir les éventuels chocs négatifs à venir dans un contexte où les concours bancaires sont difficiles à obtenir. Sur la période 1990-2005, on observe ainsi une tendance très nette à la substitution entre trésorerie et concours bancaires (graphique 7).

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Graphique 7 : Évolution des dettes bancaires et de la trésorerie des PME rapportée à la VA

Source : C. Picart, « Les PME françaises : rentables mais peu dynamiques ? »,

Insee, document de travail, 2008.

L’existence de contraintes de crédit de court terme pesant spécifiquement sur les PME françaises est confirmée par la comparaison des structures de bilan des entreprises en Europe (tableau 1). Il apparaît ainsi que les dettes à court terme contractées par les PME auprès des établissements de crédit ont un poids plus faible en France (3% du bilan) que dans les autres pays européens (8% en Allemagne, 11% en Espagne et 18% en Italie).

Tableau 1 : Structure du passif en fonction de la taille de l'entreprise, Industrie, 2007 France Espagne Italie Allemagne

TPECapitaux propres 39,6 47,3 26,5 28,1Dettes de long terme (> 1 an) 16,6 13,1 13,0 16,5

Dettes envers les EC 8,0 9,0 8,9 11,8Dettes de court terme (< 1 an) 41,1 39,0 52,9 42,5

Dettes envers les EC 2,7 11,4 18,7 9,3Provisions pour risques et charges 1,6 0,5 6,4 12,7PMECapitaux propres 39,1 48,1 28,6 33,6Dettes de long terme (> 1 an) 15,8 11,8 11,8 12,6

Dettes envers les EC 6,2 6,8 8,4 8,7Dettes de court terme (< 1 an) 40,9 38,9 53,2 39,5

Dettes envers les EC 3,2 11,5 18,1 8,0Provisions pour risques et charges 3,0 1,1 5,6 14,2Grandes entreprisesCapitaux propres 35,1 35,4 33,7 32,0Dettes de long terme (> 1 an) 16,6 21,7 11,1 5,1

Dettes envers les EC 3,5 7,7 6,7 1,8Dettes de court terme (< 1 an) 40,3 37,9 47,5 37,2

Dettes envers les EC 1,5 3,4 9,1 1,8Provisions pour risques et charges 7,2 4,1 6,9 25,5 Source : Base de données BACH.

Les PME françaises tendent ainsi à accumuler des liquidités pour disposer de la flexibilité requise pour la gestion du cycle d’exploitation et pour pallier les incertitudes d’accès au crédit bancaire.

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2. L’ACCES DES PME AU FINANCEMENT BANCAIRE DANS UN CONTEXTE DE CRISE 2.1. Les dettes bancaires : première source de financement externe des PME

Contrairement aux grandes entreprises qui peuvent jouer de leur taille pour diversifier leurs sources de financement et accéder plus facilement aux financements de marché, les PME restent dépendantes du crédit bancaire. Le poids des dettes bancaires atteint ainsi près des deux tiers de l’endettement financier des PME en général et plus des trois quarts pour les PMI en 2007 (graphique 8).

Graphique 8 : Poids des dettes bancaires dans le financement des PME/PMI

Part des dettes bancaires dans l'endettement financier (en %)

30

35

40

45

50

55

60

65

70

1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007

TPE PME GEStructure de l'endettement financier des PMI en 2007

Obligations0,4%

Autres emprunts5,0%

Groupe et associés18,7%

Endettement bancaire de court

terme28,9%

Endettement bancaire de moyen

et long termes47,0%

Source : Banque de France, base FIBEN. Entreprises hors holdings.

La prédominance des banques dans le financement des PME n’est pas une spécificité française. Ainsi, selon une enquête commandée par la Commission européenne en 2005, 79% des PME installées dans l’UE recourent au crédit bancaire contre seulement 7% qui font appel à des investisseurs privés (graphique 9).

Graphique 9 : Sources de financement des PME dans l’UE

Source : EOS Gallup Europe (2005), « L’accès des PME au financement », Flash

Eurobarometer 174, octobre, enquête pour la Commission européenne.

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2.2. Le rationnement du crédit et le durcissement de la contrainte financière des PME

Si les difficultés que rencontrent les PME pour accéder au crédit bancaire ne sont pas nées avec la crise, celle-ci les a beaucoup exacerbées. Pour des entreprises dont les crédits bancaires constituent la première source de financement externe, le resserrement des conditions d’octroi de ces crédits depuis l’été 2008 durcit sévèrement leur contrainte financière et met en jeu la survie de certaines d’entre elles.

Le phénomène de rationnement du crédit (credit crunch) induit par la crise frappe donc plus particulièrement les PME que les grandes entreprises. Ce phénomène qui traduit une inefficacité du marché se produit dès lors que les banques ne sont pas capables d’identifier parfaitement les caractéristiques de leurs clients et ne peuvent donc pas tarifer correctement le crédit au regard du risque. Dans un contexte de crise qui accroît les risques, les banques elles-mêmes fragilisées et contraintes dans leur financement, peuvent être conduites à limiter leur offre de crédit. L’ampleur du credit crunch est toutefois difficile à mesurer car la demande et l’offre de crédit ne sont pas directement observables.

Les enquêtes trimestrielles de la Banque de France auprès des banques sur la distribution du crédit montrent que, depuis le troisième trimestre 2008, la plupart des établissements de crédit ont sensiblement durci leurs conditions d’attribution de crédits aux entreprises. Ce resserrement a davantage concerné les PME que les grandes entreprises.

Selon ces enquêtes, les banques ont fait état, dans le même temps, d’une baisse de la demande de crédits de la part des entreprises. Cette diminution de la demande est attribuée à la dégradation de la conjoncture et au recul des investissements. Néanmoins, on observe que cette tendance baissière s’est sensiblement atténuée depuis le deuxième trimestre 2009.

Plus globalement, si la progression des encours de crédits aux sociétés est restée soutenue en 2008, la production de crédits nouveaux s’est repliée et les encours ont subi un net freinage depuis début 2009 (graphique 10).

Graphique 10 : Crédits bancaires aux sociétés non financières

(en milliards d’euros)

Source : Teleco, Banque de France

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Pour atténuer les effets de la crise sur le financement des PME et fluidifier les relations entre ces dernières et leurs banques, les pouvoirs publics ont mis en place en octobre 2008 une mission de médiation du crédit confiée à René Ricol et chargée d’apporter son aide à la résolution des problèmes de financement ou de trésorerie que peuvent rencontrer les entreprises face à leurs banques. Depuis son lancement, 15 620 entreprises ont saisi ce dispositif qui aurait ainsi contribué à débloquer 1,42 milliards de crédits et à conforter 6 846 sociétés, préservant 144 334 emplois selon le dernier rapport d’activité du 30 août 2009. En cumul, le taux de médiation réussie atteint 65% (graphique 11).

Graphique 11 : Flux mensuel des dossiers acceptés en médiation

et taux de médiation réussie en 2009

Source : rapport d’activité de la Médiation du crédit (août 2009).

Le succès de ce dispositif a conduit le gouvernement à le prolonger jusqu’au 31 décembre 2010. Cependant, on peut craindre que cette mission, qui s’est révélée utile en période de crise et a permis à de nombreuses PME d’éviter les conséquences négatives du rationnement du crédit, ne soit indispensable de façon pérenne étant donné les relations banques/PME en période normale.

Le souci des pouvoirs publics de faciliter l’accès des PME au crédit bancaire se reflète également dans la loi Brunel (qui vient d’être adoptée par le Parlement) qui apporte un certain nombre d’avancées dans ce domaine. Au-delà des mesures législatives, l’action des pouvoirs publics en faveur du financement des PME et des ETI pourrait également trouver une nouvelle concrétisation avec le projet de création d’un fonds de consolidation et de développement doté de 200 millions d’euros, en partenariat public-privé entre le Fonds stratégique d’investissement et des investisseurs institutionnels. Les contours et les objectifs de ce fonds destiné à renforcer les fonds propres des PME et des ETI restent encore à définir.

Au-delà des mesures prises dans le cadre du plan de soutien au financement des PME en réponse à la crise, la réflexion doit être engagée sur les conditions d’accès de ces entreprises au crédit bancaire à plus long terme dans la perspective d’une restructuration inéluctable du paysage bancaire et d’une modification profonde du cadre opérationnel des acteurs et de leurs stratégies.

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Les enjeux de l’après-crise pour le financement bancaire des PME et des ETI peuvent être saisis à différents niveaux :

- dans un monde où le recours à l’effet de levier sera plus encadré pour éviter les erreurs du passé, le crédit sera plus rare et donc plus cher ;

- les exigences de restructuration des bilans bancaires conduiront les établissements de crédit à orienter davantage leurs stratégies vers la reconstitution de leurs marges et donc à délaisser les segments jugés trop risqués ou à pratiquer des marges trop élevées ;

- la crise ayant fragilisé nombre d’acteurs, le mouvement de concentration et de recomposition du paysage bancaire se poursuivra pour parachever la structure oligopolistique du marché avec trois ou quatre acteurs qui dominent tous les segments. Dans cette perspective, le rôle de l’Autorité de la concurrence doit être renforcé pour éviter les abus de position dominante ;

- enfin, la réduction des délais de paiement dans le cadre de la Loi de modernisation de l’économie (LME) risque de peser significativement sur la trésorerie des PME et de creuser encore leur besoin de financement.

Par ailleurs, la problématique du financement des entreprises soulève d’autres enjeux qui ont été mis en lumière par le débat récent sur le partage de la valeur ajoutée.

En effet, dans une période où le taux d’autofinancement des sociétés est tombé à 61% en 2008, soit une chute de 37 points en dix ans, l’idée d’un partage de la valeur ajoutée de façon égalitaire entre les salariés, les actionnaires et l’investissement serait synonyme d’une dégradation dangereuse des capacités d’investissement des entreprises en général et des PME en particulier, dans un contexte où l’investissement de ces dernières est déjà très anémique.

En conséquence, la priorité doit être orientée vers la restauration de la capacité d’autofinancement des PME et des ETI et éviter toute initiative qui risquerait de fragiliser davantage leur capacité d’investissement.

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II - FACILITER L’ACCÈS DES ENTREPRISES AUX MARCHÉS DE TITRES

ALLER EN BOURSE : POUR QUELLES ENTREPRISES ?

Lorsqu’une entreprise en phase de croissance atteint un seuil où les capitaux nécessaires au financement de son développement ne peuvent plus être réunis par les seuls actionnaires fondateurs, l’introduction en Bourse peut permettre d’atténuer cette contrainte tout en diversifiant les sources de financement.

En procédant à une augmentation de capital ou à l’émission de titres négociables (actions, obligations convertibles, bons de souscription d’actions…), l’entreprise renforce ses fonds propres et s’assure l’accès à des ressources en capital sur le marché sans affecter sa capacité d’endettement. En outre, le statut d’entreprise cotée renforce la crédibilité de l’entreprise auprès de ses banques grâce à l’effort de transparence et aux engagements qu’il implique, et améliore généralement les conditions d’emprunt. Il permet également d’accroître la notoriété de l’entreprise et sa visibilité aussi bien auprès des investisseurs potentiels que de ses partenaires et clients, renforçant ainsi son image de marque.

Par ailleurs, l’introduction sur le marché offre la possibilité aux actionnaires financiers, familiaux ou minoritaires de la société de vendre leurs titres en totalité au moment de l’introduction, ou progressivement une fois que la société est cotée. Ils peuvent également choisir de se renforcer à l’occasion d’une levée de fonds effectuée sur le marché et de partager les risques avec les nouveaux actionnaires tout en bénéficiant du potentiel de valorisation de l’entreprise.

Au-delà du financement de la croissance organique des entreprises, le marché boursier peut également ouvrir la possibilité de payer en titres leur croissance externe. En effet, les actions d’une société cotée constituent une monnaie d’échange négociable. En s’introduisant en Bourse, l’entreprise a la possibilité de procéder à des acquisitions par échange de titres, en totalité ou partiellement. Cela lui évite de s’endetter excessivement ou de toucher à sa trésorerie. En même temps, l’opération permet au vendeur de réaliser progressivement la vente de sa société et de continuer à bénéficier du développement de celle-ci. Lorsque la cible est également cotée en Bourse, l’entreprise acquéreur procède à une offre publique d’échange (OPE) et, ce faisant, élargit son propre actionnariat.

En outre, l’introduction en Bourse peut s’inscrire dans une stratégie managériale visant à motiver les collaborateurs de l’entreprise autour d’un projet fédérateur et à développer les rémunérations en titres à travers les plans de stock-options, tendant ainsi à faire converger les intérêts des parties prenantes de l’entreprise : salariés, dirigeants et actionnaires.

Cependant, il faut rappeler que s’introduire en Bourse pour lever des fonds est une démarche exigeante qui implique une définition rigoureuse de la stratégie de développement et de ses différentes séquences, une révision en profondeur de l’organisation et du fonctionnement opérationnel de l’entreprise pour répondre notamment aux obligations d’information et satisfaire les exigences de transparence du marché. Il va de soi que ces contraintes ne pèsent pas du même poids sur les épaules d’une petite PME nichée sur un marché mature que sur celles d’une grande ETI positionnée sur des métiers porteurs avec des perspectives de développement à l’international.

En dehors des entreprises de taille moyenne ou intermédiaire en forte croissance, l’attrait de la Bourse demeure donc limité pour de nombreuses PME ne disposant pas des moyens suffisants pour gérer une cotation et ses contraintes.

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1. L’ACCES DES PME ET DES ETI AU MARCHE BOURSIER : UN ETAT DES LIEUX 1.1. Malgré les progrès du paysage boursier... Jusqu’en 2005, les petites et moyennes valeurs étaient disséminées au sein de l’ensemble des marchés d’actions et, de ce fait, leur faible visibilité rendait leurs titres peu attractifs et, par conséquent, peu liquides. La restructuration de la cote parisienne engagée par Euronext a permis une clarification du paysage boursier dans lequel évoluent les entreprises cotées. Ainsi, les sociétés des Premier, Second et Nouveau marchés ont été regroupées au sein d’un marché réglementé unique, Euronext, et désormais classées selon leur capitalisation : le compartiment A regroupe ainsi les grandes valeurs (capitalisations supérieures à un milliard d’euros), le compartiment B, celui des moyennes valeurs (capitalisations comprises entre 150 millions et 1 milliard d’euros) et le compartiment C, celui des petites valeurs (capitalisations inférieures à 150 millions d’euros).

Cette réforme s’inscrivait par ailleurs dans le cadre de la transposition des directives « prospectus » et « transparence », visant à harmoniser au niveau européen les obligations d’information et de transparence relatives à l’admission et à la négociation de valeurs mobilières sur des marchés réglementés. L’entrée en application de ces directives s’est révélée toutefois discriminante pour les petites et moyennes valeurs soumises aux mêmes obligations que les grandes sociétés, lors de leur introduction sur Euronext, puis tout au long de leur parcours boursier.

Pour mieux répondre aux besoins des PME et des ETI, Euronext a créé en mai 2005 un marché qui leur est dédié. Alternext qui a succédé au Nouveau marché mis en place en 1996 offre ainsi une alternative à la fois souple et sûre entre le cadre réglementé d’Euronext et la quasi-déréglementation du Marché libre :

- souple car il s’agit, en effet, d’un marché organisé, mais non réglementé au sens juridique de la Directive européenne sur les marchés d’instruments financiers (MIF) du 21 avril 2004. En ce sens, les obligations liées à la cotation sont allégées par rapport à Euronext. Les entreprises cotées sur ce marché ne sont pas tenues de communiquer leurs résultats selon les normes IFRS, ni de publier de comptes trimestriels ou même de soumettre les comptes semestriels à un audit. Au moment de l’introduction, deux années de comptes dont le dernier exercice certifié sont requises, contre trois années de comptes certifiés pour Euronext. La cotation peut se faire après une offre publique via la vente d’actions existantes et/ou nouvelles, ou après un simple placement privé auprès d’institutionnels. S’agissant des titres diffusés dans le public, seul un minimum de flottant de 2,5 millions d’euros est exigé. De même, les exigences de déclaration des franchissements de seuil ont été fixées uniquement pour les seuils de 50 % et 95 % du capital (tableau 2) ;

- sûre car Alternext offre des garanties en matière d’information et de protection des investisseurs qui n’existent pas sur le Marché libre. Ainsi, un historique minimum des comptes préalablement à l’introduction est exigé. Par ailleurs, un actionnaire majoritaire détenant plus de 95 % du capital qui souhaiterait radier la société de la cote doit proposer un prix de sortie aux actionnaires minoritaires validé par un expert indépendant. De même, en cas de changement de contrôle de la société, l’acquéreur s’engage à faire une offre aux actionnaires minoritaires à un prix au moins égal au prix d’acquisition. En outre, les sociétés cotées sur Alternext doivent recourir à un listing sponsor, chargé d’accompagner l’entreprise au moment de son introduction et de l’assister tout au long de sa vie boursière afin de l’aider à respecter ses obligations légales et réglementaires.

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Tableau 2 : Principales caractéristiques des marchés boursiers en France

*

Source : Euronext Paris, AMF * PSI : Prestataire de services d’investissement

1.2. ... le marché des valeurs moyennes et petites demeure sous-développé

En dépit de ces évolutions profondes qu’a connu le paysage boursier français, esquissant un cadre mieux adapté aux petites et moyennes valeurs, force est de constater qu’il existe encore un contraste important entre le poids économique des PME et des ETI et leur poids boursier. En effet, si l’on considère les petites et moyennes valeurs cotées sur les compartiments B et C du marché réglementé et sur Alternext, il apparaît que leur importance demeure marginale au sein de la place financière de Paris même si elle s’est renforcée de manière significative au cours du dernier cycle boursier (tableau 3).

Tableau 3 : Nombre et capitalisation boursière des sociétés cotées à Paris fin juillet 2009

Nombre en % Capitalisation (M€) en %Compartiment A 113 13,5% 1 146 615 52,0%Compartiment B 140 16,7% 60 809 2,8%Compartiment C 377 44,9% 17 858 0,8%Autres (valeurs étrangères) 84 10,0% 974 087 44,2%Compartiment spécial* 5 0,6% 246 0,0%Alternext 120 14,3% 3 472 0,2%

Total 839 100,0% 2 203 087 100,0%

VaMP** 637 75,9% 82 139 3,7% Source : Euronext. * Le compartiment spécial regroupe les titres des sociétés affectées par des événements susceptibles de compromettre le bon fonctionnement du marché (sociétés qui ne remplissent pas leurs engagements en matière d’information financière ou en procédure de redressement judiciaire ou encore affichant une capitalisation boursière inférieure à 4 M€). ** Valeurs moyennes et petites comprenant les valeurs cotées sur les compartiments B et C et sur Alternext.

Ainsi, malgré un poids significatif au sein de la cote parisienne (plus des trois quarts des entreprises cotées), les petites et moyennes valeurs pèsent moins de 4% de la capitalisation boursière totale.

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Du point de vue de la taille des entreprises cotées, Alternext apparaît relativement plus homogène que le compartiment C du marché réglementé puisque 84% des sociétés cotées sur ce marché fin juillet 2009 avaient une capitalisation boursière inférieure à 50 millions d’euros, contre 64% sur le compartiment C d’Euronext (tableau 4).

Tableau 4 : Nombre d’entreprises sur Euronext C et Alternext classées par capitalisation

de 0 à 10 M€ de 10 à 20 M€ de 20 à 30 M€ de 30 à 50 M€ de 50 à 70 M€ de 70 à 90 M€ + de 90 M€ TotalEurolist C 83 61 39 60 39 29 66 377Alternext 34 23 25 19 9 5 5 120

Source : Euronext. Données au 30/07/09

De même, les capitalisations boursières de moins de 50 millions d’euros représentaient fin juillet 2009 plus de la moitié de la capitalisation totale d’Alternext mais seulement un quart de celle du compartiment C d’Euronext (graphique 12).

Graphique 12 : Les capitalisations boursières comparées sur Euronext C et Alternext

0%

10%

20%

30%

40%

50%

0 à 10 10 à 20 20 à 30 30 à 50 50 à 70 70 à 90 90 et +en M€

Eurolist C

Alternext

Source : Euronext. Données au 30/07/09

Marché relativement jeune par rapport à son modèle, le marché londonien AIM (Alternative Investment Market) créé en 1995, Alternext a connu jusqu’au déclenchement de la crise un développement continu aussi bien en termes de nombre d’entreprises cotées que de capitalisation totale comme le montre le tableau 5.

Tableau 5 : Évolution du nombre d’émetteurs et de la capitalisation boursière d’Alternext 2005 2006 2007 2008

Nombre d’émetteurs 20 75 111 119 Capitalisation boursière (M€) 820 3436 5368 2939

Source : Euronext

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Cependant, Alternext est encore très loin d’avoir atteint la taille critique et la comparaison entre le marché parisien et son équivalent londonien montre un écart très significatif en termes de niveau d’activité et de liquidité (graphique 13). Ce constat doit néanmoins être nuancé si l’on tient compte du jeune âge d’Alternext. De même, l’explication de cet écart doit également être recherchée du côté des incitations fiscales qui renforcent l’attractivité du marché londonien. Ainsi, selon Euronext, la déduction fiscale offerte aux investisseurs physiques sur l’AIM peut atteindre 23 fois le montant offert aux particuliers sur Alternext dans le cadre du dispositif « Madelin » (qui plafonne la réduction d’impôt sur le revenu à 5 000 euros ou 10 000 euros pour un couple).

Graphique 13 : Comparaison Alternext et AIM en novembre 2007

Source : Alternext et AIM, d’après le rapport du CAE « Le financement des PME » (2008)

De même, selon le rapport du CAE sur le financement des PME, la taille moyenne des introductions réalisées sur Alternext depuis sa création est plus de trois fois inférieure à celle des opérations réalisées sur le marché AIM sur la même période, un écart qui a eu tendance à s’accentuer depuis le début de 2007.

Il convient à présent de s’interroger sur les différents obstacles qui freinent le recours des PME et des ETI au marché boursier pour financer leur développement et sur les moyens envisageables pour les surmonter ou, du moins, les atténuer.

2. LES FREINS AU DEVELOPPEMENT DU MARCHE BOURSIER DES PME ET DES ETI 2.1. Aller en Bourse : faire sauter les « verrous » culturels des chefs d’entreprises

Contrairement aux pays anglo-saxons, ouvrir son capital à des investisseurs extérieurs n’est pas inscrit dans le « code génétique » des PME et des ETI françaises. Dans un pays où le recours à l’endettement, quasi-exclusivement bancaire, par opposition au renforcement des fonds propres a été historiquement privilégié, le développement d’un marché boursier dynamique à destination des PME et des ETI se heurte aux réticences des chefs d’entreprises à faire entrer dans leur capital des actionnaires dont les motivations, les exigences et l’horizon d’engagement restent incertains.

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L’introduction en Bourse constitue par ailleurs une étape cruciale dans la vie d’une entreprise car elle lui fait passer un seuil organique. Les exigences de transparence des marchés financiers modifient radicalement les pratiques de gestion de l’entreprise et exigent de ses dirigeants de conduire des changements organisationnels profonds ainsi qu’une remise à plat des systèmes de gestion et de communication conformément aux attentes des marchés.

L’opportunité d’une introduction en Bourse doit être soigneusement étudiée par les dirigeants et les actionnaires de l’entreprise en tenant notamment compte de son coût relatif par rapport aux besoins financiers de l’entreprise. Ce coût peut être décomposé en un coût d’entrée lié à la préparation de l’introduction et la refonte des systèmes d’organisation et de gestion, un coût de cotation et, éventuellement, un coût de sortie.

L’entreprise souhaitant s’introduire en Bourse doit préalablement préciser sa stratégie et ses métiers, s’interroger sur son développement futur, les objectifs à atteindre et les moyens d’y parvenir : quel environnement concurrentiel et quel positionnement de l’entreprise ? Quels sont ses facteurs de succès et quels sont les risques d’échec ? Quelle est la structure de l’actionnariat souhaitée ?...

Une fois l’introduction réalisée, l’entreprise doit également apprendre à gérer la cotation dans le temps : quand et comment lever des fonds dans une perspective dynamique ? Comment gérer sa communication financière et ses obligations d’information ?...

Un effort pédagogique doit donc être mené auprès des dirigeants des PME et des ETI pour leur expliquer les avantages d’une cotation sur le marché boursier, sans en occulter les contraintes et les risques éventuels, pour financer leurs stratégies de croissance. Dans cet objectif, il serait souhaitable d’organiser des actions pédagogiques (colloques, forums, rencontres périodiques, campagnes d’information…) associant les réseaux des CCI, l’AMF, Euronext et des associations professionnelles. Proposition 1 :

Développer des actions pédagogiques sur l’introduction en Bourse et la gestion de la cotation dans le temps avec une sensibilisation aux avantages et aux contraintes de ce mode de financement. Ces actions doivent être ciblées sur les entreprises de taille intermédiaire et peuvent associer les réseaux des CCI, l’AMF, Euronext et des associations professionnelles comme Middlenext et Croissance Plus.

2.2. Du coût de la cotation aux contraintes réglementaires : le « parcours du combattant » des PME et des ETI en Bourse

S’introduire en Bourse peut se révéler une entreprise relativement coûteuse. Même si elles sont allégées par rapport à l’Euronext, les obligations liées à une cotation sur Alternext sont considérées comme étant lourdes et complexes par de nombreuses PME et ETI. Le processus d’admission sur Alternext implique pour les entreprises candidates à la cotation des investissements souvent lourds à chaque stade du processus (de la préparation du dossier avec l’accompagnement du listing sponsor jusqu’à l’introduction). Le coût de ces investissements (de l’ordre de 5 à 8% du montant des fonds levés) et le faible rendement en termes de capacité de lever des capitaux peuvent réduire l’attractivité d’Alternext pour ces entreprises, voire conduire certaines qui sont déjà cotées à en sortir, malgré un coût de sortie qui peut être élevé.

L’appel public à l’épargne implique des obligations vis-à-vis de la communauté financière et des actionnaires individuels qui nécessitent de disposer des structures adéquates et de compétences spécifiques pour répondre à ces obligations. L’exigence de transparence inhérente aux marchés financiers peut être telle qu’elle dissuade bon nombre de PME et ETI de recourir à ce mode de financement.

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Notons que la récente réforme de l’appel public à l’épargne a introduit un certain nombre d’assouplissements concernant les sociétés cotées sur Alternext. En effet, l’ordonnance du 22 janvier 2009 prise en application de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie (LME) procède à plusieurs réformes destinées à faciliter le financement des entreprises sur les marchés, notamment en rapprochant le droit français applicable en matière d’offre au public de titres financiers des standards européens connus des investisseurs internationaux. Pour ce faire, elle :

substitue à la notion française d’appel public à l’épargne les notions européennes d’offre au public de titres financiers, d’une part, et d’admission aux négociations sur un marché réglementé, d’autre part ;

supprime les règles récurrentes liées à la réalisation d’une offre au public et, ce faisant, le statut de société « faisant appel public à l’épargne » ;

permet aux émetteurs de procéder à une augmentation de capital par placement privé dans des conditions plus rapides et moins coûteuses ;

modifie les conditions de capital social minimum en vue de faciliter l’offre au public ; finalise la réforme des publications au Bulletin des annonces légales obligatoires.

Pour les sociétés inscrites sur Alternext, cette réforme se traduit notamment par la suppression des obligations d’établir un rapport sur le gouvernement d’entreprise et le contrôle interne et de publier un communiqué sur les honoraires des commissaires aux comptes.

Par ailleurs, un nombre croissant d’entreprises moyennes présentes dans le compartiment C d’Euronext rencontre de réelles difficultés pour respecter les nombreuses obligations d’information sur le marché réglementé (directives Prospectus, Transparence, Abus de marché, normes IFRS, publication des comptes semestriels dans les deux mois suivant la fin du semestre…). Ces sociétés qui se sont retrouvées sur un marché réglementé malgré elles, du fait notamment de la modification par Euronext de sa cote entraînant la suppression du second marché et du nouveau marché, subissent davantage de contraintes légales que les entreprises de même taille inscrites sur Alternext (marché non réglementé). Ces difficultés ont conduit de nombreuses entreprises du compartiment C à se retirer du marché boursier au cours des dernières années, et ce malgré la volonté parfois affichée de leurs dirigeants de les y maintenir.

Ainsi, comme le montre le graphique 14, les sorties de la cote à l’initiative des actionnaires ou des financiers (dites « public to private »), recherchant de la liquidité et encouragées par la baisse conjoncturelle des marchés, ont quasiment triplé entre 2007 et 2008, passant de 4 à 11.

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Graphique 14 : Les radiations des valeurs françaises sur Euronext

5 5 610

4 2 2 411

2

70

52

67

48

46

3934

29

28

4

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 févr-09

dont "public to private"

Source : Euronext Note : Les radiations englobent les sorties de la cote à l’initiative des actionnaires ou des financiers (« public to private ») et les radiations pour d’autres motifs (F&A, faillites…)

Pour remédier à cette situation et fluidifier le passage entre les marchés réglementés et Alternext, la loi Brunel sur l’accès au crédit des PME prévoit l’assouplissement des conditions de transfert de la cotation des entreprises d’Euronext vers Alternext. Cet assouplissement est réservé aux sociétés dont la capitalisation n’excède pas 1 milliard d’euros (compartiments B et C de l’Euronext) sous condition de respecter un délai minimal de deux mois entre le vote du transfert à l’assemblée générale et le transfert effectif afin de laisser le temps aux actionnaires de se décider. Les sociétés devront également continuer pendant trois ans à déclarer les franchissements de seuil ainsi qu’à respecter la réglementation sur les offres publiques.

L’effet attendu de ces mesures est de dynamiser Alternext et de renforcer son attractivité en accueillant de nouvelles sociétés habituées à la cotation et à la communication financière et en leur donnant une meilleure visibilité pour attirer de nouveaux investisseurs.

Dans la même optique, le renforcement de l’attractivité d’Alternext doit passer par une atténuation des différences de traitement fiscal par rapport au marché londonien (AIM) pour les investisseurs physiques en réajustant les incitations du dispositif « Madelin ». Proposition 2 :

Renforcer l’attractivité de l’investissement sur Alternext pour les personnes physiques en réduisant l’écart de fiscalité par rapport au marché londonien (AIM) par un doublement du plafond de la réduction d’impôt sur le revenu de 25% du dispositif « Madelin » pour le porter à 40 000 euros (au lieu de 20 000) pour une personne seule et à 80 000 euros (au lieu de 40 000) pour un couple.

Par ailleurs, l’environnement réglementaire dans lequel évoluent les entreprises cotées a été profondément impacté par les directives européennes (Transparence, Prospectus, Abus de marché et MIF) dont l’application à toutes les sociétés cotées sans distinction de taille sur les marchés réglementés pénalise les valeurs petites et moyennes qui n’ont pas les moyens de remplir toutes les obligations d’information et de transparence dont certaines peuvent avoir un coût prohibitif pour les PME. Par exemple, l’établissement du document de référence coûterait près de 100 000 euros en moyenne.

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De même, les obligations en matière environnementale seraient superflues dans le cas de nombreuses PME et ETI.

Dans ce contexte, il serait nécessaire de réviser ces directives au niveau européen pour apporter plus de souplesse aux valeurs moyennes et petites qui souhaitent accéder plus facilement aux possibilités de financement qu’offre le marché boursier. Cette révision pourrait se faire dans un cadre plus large avec la mise en place d’un véritable SBA (« small business act ») boursier européen lequel définirait le statut de valeur moyenne au niveau communautaire et poserait les jalons d’un marché européen intégré et profond pour les PME et les ETI.

Proposition 3 :

Promouvoir la création d’un véritable « small business act » boursier européen avec la modification des directives applicables sur les marchés réglementés et la définition au niveau communautaire du statut de valeur moyenne.

Proposition 4 :

Simplifier l’accès à Alternext en allégeant les formalités et créer à terme une cote unique pour les petites et moyennes valeurs en fusionnant le compartiment C d’Euronext et Alternext afin d’améliorer la visibilité et la liquidité du marché boursier des PME et des ETI.

Au-delà du marché boursier, le recours au financement obligataire peut constituer une véritable alternative pour les PME et les ETI qui peinent à obtenir des crédits bancaires pour financer leurs projets de développement et notamment lorsqu’il s’agit d’investissement immatériel sans forte valeur de gage (recrutements, dépenses de R&D, développement à l’international…).

3. L’ACCES AU MARCHE DE LA DETTE : UNE ALTERNATIVE POUR LES PME ET LES ETI 3.1. La titrisation : une technique financière au service du développement des PME et des ETI

Si l’émission d’emprunts obligataires n’est pas à la portée de toutes les PME et les ETI, l’accès de ces entreprises au marché de la dette doit être encouragé pour desserrer la contrainte du financement bancaire et permettre aux entreprises innovantes de trouver des financements mieux adaptés à leur profil de risque.

En effet, les banques continuent à éprouver des difficultés à connaître, maîtriser et suivre le risque PME et ETI même si des progrès importants ont été réalisés, notamment par la mise en place d’instruments de notation interne au sein des grands établissements. De ce fait, les PME et les ETI innovantes qui offrent peu de bonnes garanties du point de vue des établissements de crédit se voient souvent exclues de l’accès au financement bancaire.

Pour remédier en partie à ces difficultés, l’extension aux PME et aux ETI des techniques de titrisation serait une voie à privilégier dans la lignée des travaux de réflexion engagés par la CCIP auparavant2.

Ces techniques consistent à transférer aux investisseurs sur les marchés financiers soit un portefeuille d’actifs (créances bancaires ou tout actif générant des flux de trésorerie prévisibles), 2 CCIP, « Développer en France la titrisation des crédits aux PME », rapport de synthèse du groupe de travail « Titrisation et PME », janvier 2004.

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soit uniquement le risque associé à ce portefeuille par la conclusion de contrats d’instruments dérivés de crédit qui fournissent une garantie couvrant les pertes qui pourraient survenir sur les actifs titrisés.

Le mécanisme de la titrisation repose sur la mise en place de fonds communs de créances (FCC) qui acquièrent le portefeuille d’actifs titrisés en se finançant sur le marché obligataire par l’émission de titres auprès des investisseurs. Ces derniers sont rémunérés par les flux de trésorerie générés par les actifs sous-jacents dont la qualité est évaluée en général par une agence de notation.

Les avantages liés à la titrisation peuvent être appréhendés à plusieurs niveaux :

- pour les établissements originateurs, la déconsolidation des créances titrisées de leur bilan permet de libérer du capital réglementaire, ce qui accroît leur capacité à accorder de nouveaux prêts aux PME et aux ETI dont le risque ainsi que son prix de marché seraient mieux appréciés grâce à l’opération de titrisation.

- au-delà des établissements bancaires, la titrisation génère un véritable marché primaire et secondaire apportant liquidité et capitaux, grâce à l’émergence de nouveaux acteurs comme les FCC qui offriraient aux PME et aux ETI un financement obligataire de type mezzanine.

En somme et au-delà des abus dont la titrisation a été l’objet dans la période récente, les bénéfices de cette innovation financière pour le financement des entreprises sont indéniables. De fait, elle accroît le multiplicateur de crédit en accélérant la rotation des bilans bancaires et en dispersant le risque entre de nombreux investisseurs.

Encadré 1

Dette mezzanine : définition et spécificités La dette mezzanine est un outil de financement couramment utilisé lors de montages financiers à effet de levier (LBO). C’est une forme de dette très subordonnée qui s’interpose entre les capitaux propres et la dette senior (correspondant à l’emprunt bancaire classique et pouvant elle-même avoir plusieurs niveaux de subordination). Elle est dite subordonnée dans la mesure où son remboursement n’intervient qu’après celui de la dette senior. Par conséquent, elle encourt un risque plus important qu’une dette classique, ce qui implique une rémunération plus élevée et, parfois, des bons de souscription d’actions pour en accroître le rendement global. La dette mezzanine qui constitue donc un financement en quasi-fonds propres se caractérise essentiellement par une maturité comprise entre 7 et 10 ans (contre 5 et 7 ans pour la dette senior), des clauses de limitation (« covenants ») peu contraignantes et donc une plus grande souplesse dans la gestion de la société.

3.2. Le marché de la titrisation : situation française et comparaisons européennes

En France, la titrisation est régulée par la loi du 23 décembre 1988 qui crée les FCC. La technique était au départ réservée aux institutions financières et n’a été étendue aux entreprises qu’en 1998, ce qui a contribué à la lente évolution du marché français (graphique 15). Les contraintes réglementaires ont encore été assouplies avec le décret de novembre 2004 qui réforme les FCC et en élargit les possibilités, le FCC pouvant désormais conclure tous les types de produits dérivés.

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Graphique 15 : la titrisation en Europe (parts de marché en volume)

En Europe, le marché de la titrisation des crédits aux PME reste sous-développé et ne représente que 3% du marché total de la titrisation lequel affiche un volume global de 675 milliards d’euros en 2007. Sur ce marché, certains pays comme l’Allemagne et l’Espagne ont pris plusieurs longueurs d’avance par rapport à la France grâce notamment à la mise en œuvre de programmes publics de soutien à la titrisation des crédits aux PME consistant en la mise en place de plateformes de titrisation ou en la fourniture de garantie de tranches titrisées.

Ainsi, en Allemagne, la banque publique KfW a créé une plateforme standardisée PROMISE pour des opérations synthétiques de prêts aux PME, par laquelle elle s’interpose entre les établissements cédants et les investisseurs qui rachètent les tranches titrisées par la plateforme. Cette dernière agit comme un intermédiaire et propose aux banques un véhicule standardisé pour la titrisation de leurs crédits PME. Elle leur permet ainsi de faciliter la libération de capital réglementaire et ce pour un coût substantiellement réduit. Entre 2000 et 2008, les programmes ont porté sur des portefeuilles sous-jacents totalisant 35,2 Md€.

En Espagne, le Trésor public agit en aval de la titrisation des portefeuilles de crédits aux PME en garantissant certaines des tranches titrisées, jouant ainsi le rôle de rehausseur de tranches. L’État ne verse aucun flux initial, mais assume un risque de défaut sur les tranches subordonnées les moins risquées des portefeuilles (notées AA).

Par ailleurs, au niveau européen, la Commission apporte son soutien au développement de la titrisation des crédits aux PME à travers le Fonds européen d’investissement (FEI). Ce dernier peut accorder sa garantie sur des titres des tranches senior et mezzanine notés BB au minimum, les faisant ainsi bénéficier de sa notation AAA. En 2008, les opérations de garantie du FEI ont totalisé 2,1 Md€ et l’exposition actuelle du portefeuille de garanties s’élève à 12,3 Md€, répartis entre quelque 190 transactions.

3.3. Le développement du marché français de la titrisation : quelques pistes d’action En France, l’émergence d’un véritable marché de la titrisation pour les PME et les ETI suppose d’agir simultanément sur l’offre et la demande.

Du côté de la demande, les expériences étrangères montrent que les investisseurs sont généralement désireux d’accéder à ce segment du marché en vue de diversifier leurs actifs et réduire ainsi leur exposition sur les grandes entreprises. Ces investissements supposent des

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opérations de taille suffisante afin de leur assurer une certaine liquidité, une diversification des portefeuilles équilibrée sectoriellement et géographiquement, ainsi qu’une documentation de qualité. Sous ces conditions, il apparaît que le potentiel d’investissement dans des titres adossés aux créances de PME et d’ETI est important.

Du côté de l’offre, la France se singularise par la faiblesse structurelle du marché global de la titrisation par rapport à ses voisins (graphique 15) et la quasi-absence d’un marché spécifique pour la titrisation des créances de PME et d’ETI. Certes, plusieurs initiatives privées ont été lancées depuis 2007 comme l’offre conjointe du groupe GTI et de Natixis, Horizon PME, et la plateforme Securit Ease de SNB Finances (cf. encadré 2) qui rejoignent des acteurs comme GIAC ou Audacia. Mais la crise financière a remis en cause le développement de ces projets.

Encadré 2

La titrisation des créances de PME : l’expérience de Securit Ease Securit Ease est une plateforme labellisée par le Pôle de Compétitivité Finance Innovation qui permet aux entreprises de taille moyenne (CA compris entre 20 millions et plusieurs milliards d’euros) de se financer indirectement sur les marchés obligataires par le biais de la titrisation. La plateforme émet ainsi des obligations qui sont adossées aux créances clients des entreprises. Ces dernières cèdent en effet pour une durée de cinq ans leurs créances au FCC Securit Ease lequel finance le rachat de ces créances en émettant deux types d’obligations : senior et mezzanine. Les obligations senior sont rehaussées à un niveau de notation équivalent à une qualité AAA grâce entre autres à une assurance-crédit souscrite par l’entreprise cédante auprès d’un partenaire de la plateforme. Quant aux obligations de type mezzanine, elles bénéficient d’une garantie du Fonds européen d’investissement à hauteur de 20%. Au total, le FCC émet ainsi des obligations de première qualité, ce qui permet d’accorder des taux très favorables pour les entreprises. Depuis son lancement, Securit Ease a participé à la mise en place de plus de 650 millions d’euros de financements pour les entreprises3.

Pour combler le retard du marché français de la titrisation pour les PME et les ETI, plusieurs pistes peuvent être envisagées. En premier lieu, il serait souhaitable d’inciter davantage les établissements de crédit à développer la titrisation de leurs créances sur les PME et les ETI. Si cette activité n’est pas assez développée, c’est en partie lié à la rentabilité insuffisante de ce type d’opérations qui s’explique par la difficulté d’appréhender correctement les risques PME et ETI et par la faiblesse des marges nettes du risque sur les prêts aux PME et aux ETI. Améliorer l’évaluation du risque PME et ETI suppose donc le développement d’un outil fiable de scoring et/ou de rating relatif au risque de crédit aux PME et aux ETI et accessible aux agences de notation leur permettant d’affiner leur évaluation des risques des portefeuilles en offrant une base commune et plus fiable de comparaison.

En second lieu, les pouvoirs publics peuvent s’inspirer des expériences espagnole et allemande pour favoriser les opérations de titrisation des crédits aux PME et aux ETI en diminuant leur coût de financement notamment. Plusieurs mécanismes sont susceptibles d’atteindre cet objectif : soit par l’octroi d’un avantage réglementaire (comme c’est indirectement le cas en Allemagne), soit par une intervention budgétaire publique (à l’exemple des garanties proposées par le Trésor espagnol). Cet apport de garantie publique peut se faire soit directement par le Trésor, soit en étendant l’intervention d’OSEO-Garantie pour faciliter la mise en place de FCC assurant la titrisation de dette mezzanine de PME et d’ETI.

3 Source : http://www.snbfinances.com/

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Proposition 5 :

Développer la titrisation des crédits aux PME et aux ETI pour favoriser leur financement : - sur le modèle espagnol, étendre les mécanismes de garantie d’OSEO à certains titres adossés à un portefeuille de crédits aux PME et aux ETI. Le rehaussement apporté par cette garantie publique pourrait être réservé aux tranches bénéficiant d’une notation minimale (AA par exemple) ; - sur le modèle allemand de KfW, créer une structure commune (par OSEO et la Caisse des dépôts) dont l’objet est de mettre en place une plateforme standardisée de titrisation qui mutualiserait le placement des titres les moins risqués et émettrait des titres bénéficiant d’une garantie publique.

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III – FAVORISER L’ALLOCATION DE L’ÉPARGNE LONGUE VERS LES PLACEMENTS EN TITRES D’ENTREPRISES

L’allocation de l’épargne vers le financement de l’économie est une fonction essentielle du système financier, et en particulier du système bancaire qui joue le rôle d’intermédiaire entre les épargnants et les entreprises souhaitant financer leurs projets de développement. La crise financière ayant exacerbé les limites du financement bancaire, notamment dans le cas des PME et des ETI, il est nécessaire de drainer plus efficacement l’épargne longue des ménages vers les entreprises par d’autres canaux que ceux de l’intermédiation bancaire classique et de favoriser par le biais d’un ensemble cohérent d’incitations les placements de cette épargne en titres d’entreprises. Ces incitations ont pour finalité d’atténuer l’aversion pour le risque qui transparaît à l’examen de la structure du patrimoine financier des ménages français et se traduit par une nette préférence de ces derniers pour les placements liquides et peu risqués.

Ce besoin d’un système d’incitations plus efficace pour mieux orienter l’épargne vers les PME et les ETI est d’autant plus vif que, dans le contexte de la crise et de l’explosion de la dette publique, la concurrence entre l’État et le secteur privé pour capter l’épargne des ménages risque de produire un effet d’éviction au détriment de l’investissement des entreprises privées. Le projet du grand emprunt national dont le montant exact n’est pas encore précisé mais se situerait, selon les rumeurs, entre 50 et 100 milliards d’euros serait ainsi de nature à assécher toute la capacité de financement dégagée par les ménages qui s’est élevée à 58 milliards d’euros en 2008.

Il s’agit donc ici d’adopter une approche pragmatique qui préserve les acquis en matière d’incitations destinées à mobiliser l’épargne longue en faveur du financement des PME et des ETI et de formuler quelques propositions pour rapprocher la structure de l’épargne des besoins de financement de l’économie.

Dans cette optique, nous accordons une attention particulière aux mesures susceptibles d’améliorer l’allocation de l’épargne longue au financement des PME et des ETI notamment à travers les canaux de l’assurance-vie et de l’épargne salariale.

1. EPARGNE LONGUE DES MENAGES ET FINANCEMENT DES ENTREPRISES : SITUATION FRANÇAISE ET COMPARAISONS INTERNATIONALES

La structure de l’épargne des ménages dépend des systèmes sociaux nationaux et, en particulier, des choix collectifs en matière de systèmes de retraite. Dans les pays ayant mis en place des régimes par capitalisation, l’épargne s’oriente naturellement vers les placements à long terme en titres d’entreprises et les ménages détiennent directement ou via des fonds de gestion collective une proportion significative de leur revenu sous forme d’actions, contrairement à ce que l’on observe dans les pays ayant opté pour le régime par répartition comme c’est le cas en France.

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1.1. Prédominance des placements à faible risque en France L’examen de la structure du patrimoine financier des ménages français montre une nette préférence pour la liquidité et pour les produits d’épargne peu risqués. En effet, les encours des placements financiers détenus par les ménages français (hors actions non cotées4) qui ont atteint 2 754 milliards d’euros à fin décembre 2008 sont très concentrés en contrats d’assurance-vie (essentiellement en euros) et en produits d’épargne bancaire comme le montre le graphique 16.

Graphique 16 : Patrimoine financier des ménages français (Encours en milliards d’euros)

Source : Banque de France

En 2008, le poids des dépôts bancaires et celui des contrats d’assurance-vie ont atteint respectivement 38,5% et 45,3% de l’encours total des placements financiers, s’inscrivant en hausse par rapport à 2007. Les ménages ont par ailleurs consacré quelque 11% de leur patrimoine aux placements en titres d’OPCVM, une proportion qui diminue de façon continue depuis 2000. Enfin, le poids des actions cotées n’a pas dépassé 3,5%, tandis que celui des titres de créance s’est établi à 2,3%.

Au total, le patrimoine financier des ménages français a progressé de 38% depuis 2000, soit une croissance moyenne de 5% par an. Au plan européen, il s’agit de la croissance la plus forte derrière celle de l’Espagne.

La comparaison de la structure du patrimoine financier des ménages européens fait ressortir un contraste entre, d’une part, l’Espagne et l’Italie où prédominent les dépôts bancaires reflétant ainsi le rôle encore essentiel de l’intermédiation bancaire traditionnelle, et, d’autre part, des pays comme les Pays-Bas et le Royaume-Uni dont les ménages consacrent une part importante de leur patrimoine financier aux placements en assurance-vie et en fonds de pension, conséquence de l’existence d’un régime de retraite par capitalisation. La France et l’Allemagne se situent à mi-chemin entre ces deux catégories de pays, le patrimoine financier des ménages français et allemands combinant simultanément une proportion importante de produits d’épargne bancaire et de contrats d’assurance-vie (graphique 17).

4 Si l’on y inclut les actions non cotées, le patrimoine financier des ménages atteint près de 3 500 milliards d’euros en 2008. Le poids important des actions non cotées s’explique par le fait que, dans les comptes nationaux, celles-ci recouvrent la propriété du capital de l’ensemble des entreprises non cotées en Bourse. Leur évaluation soulève des problèmes très délicats puisque, le plus souvent, elle ne peut s’appuyer sur des transactions.

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Graphique 17 : Structure du patrimoine financier des ménages dans les principaux pays européens à fin décembre 2008 (*)

Source : Banques centrales nationales et OCDE pour les Pays-Bas. (*) Chiffres à fin décembre 2007 pour les Pays-Bas, et fin septembre 2008 pour l’Allemagne et l’Italie.

1.2. La détention d’actions par les ménages : éléments de comparaison

D’une manière générale, le patrimoine financier des ménages français se caractérise structurellement par une faible exposition aux risques liés aux marchés d’actions. Ce constat s’est sensiblement renforcé au cours des dernières années. Ainsi, si l’on examine l’ensemble des canaux d’investissement en actions, c’est-à-dire les OPCVM, les FCPE, les supports d’assurance-vie en unités de compte et les actions cotées détenues de façon directe, il apparaît que les portefeuilles d’actions des ménages ont nettement diminué en 2007-2008 (graphique 18). À fin 2008, l’encours global des actions détenues par les ménages de façon directe et indirecte est en effet estimé à 11,1% de leur patrimoine financier total, après 15,8% à fin décembre 2007 et 16,6% en 2006. Ce recul s’explique largement par la chute des marchés boursiers qui a simultanément découragé les placements en actions cotées et/ou en instruments à fort contenu en actions et laminé la valorisation des actifs existant dans le portefeuille des ménages.

Graphique 18 : Part des actions détenues de façon directe et indirecte

dans le patrimoine financier des ménages français

Source : Banque de France, AMF, FFSA et AFG

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Au niveau international, les comparaisons montrent de fortes disparités entre les pays de l’OCDE dans le poids des actions et des autres titres dans le patrimoine financier des ménages comme le montre le tableau 6 :

Tableau 6 : Poids des actions, titres et OPCVM

dans le patrimoine financier des ménages en 2006

Part des actions, titres et OPCVM

Belgique Danemark Allemagne Grèce Espagne France Italie Pays-Bas Autriche Finlande Suède Norvège Etats-Unis Royaume-Uni Japon

40 31 24 34 44 28 38 16 23 47 43 18 25 16 14

Moyenne 29

Source : Eurostat, OCDE.

L’existence de ces disparités semble confirmée par certains travaux de recherche. Ainsi, selon une étude de Landier et Thesmar (2007), les ménages américains possédaient à la fin des années 1990 l’équivalent de 220% de leur revenu en actions alors que ce chiffre s’élevait à 70% pour les ménages français. Une autre étude menée par Guiso, Haliassos et Jappelli (2003) à partir d’enquêtes nationales révèle des différences significatives entre certains pays au niveau de la proportion des ménages qui détiennent directement et indirectement des actions (tableau 7) :

Tableau 7 : Part des ménages détenant des actions

Italie 15% France 23% Pays-Bas 35% Suède 54% Royaume-Uni 34% États-Unis 48%

Source : Guiso, Haliassos et Jappelli (2003). Chiffres obtenus à partir d’enquêtes nationales menées en 1998, sauf en Suède (1999).

Ces différences montrent le rôle clef que joue le système de retraite dans l’accès à l’épargne risquée, notamment dans les pays anglo-saxons. L’existence de fonds de pension qui gèrent l’épargne retraite dans ces pays explique en grande partie la part élevée des ménages détenant des actions directement ou indirectement.

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En France où les fonds de pension au sens strict n’existent pratiquement pas, il s’est développé un important marché d’assurance-vie (deuxième en Europe après le Royaume-Uni et loin devant l’Allemagne) qui est devenu l’un des principaux vecteurs de l’épargne des ménages.

Cependant, cette forme d’épargne longue qui fait l’objet d’allégements fiscaux favorables n’est pas suffisamment orientée vers le financement en fonds propres des PME. Il convient donc de revoir le dispositif incitatif en vigueur et de lever les éventuels obstacles réglementaires à la mobilisation de cette épargne pour renforcer les fonds propres des entreprises en phase de croissance.

2. FAVORISER L’ORIENTATION DES FONDS DE L’ASSURANCE-VIE VERS LES PME 2.1. Le marché de l’assurance-vie en France

Même si elle a marqué le pas en 2008, l’assurance-vie garde son statut de premier placement financier des Français en attirant 65,7 milliards d’euros, soit 76,5% du total des flux de placements des ménages, loin devant les autres placements. Avec un encours total de 1 247 milliards d’euros fin 2008, le poids des contrats d’assurance-vie atteint 45,3% des placements financiers des ménages, contre 34,5% en 2000 (graphique 16).

L’examen de l’évolution des encours de l’assurance-vie depuis 2000 confirme le constat d’une préférence marquée des ménages français pour les actifs financiers peu risqués et fiscalement avantageux puisque l’encours des contrats en euros représente environ cinq fois celui des contrats en unités de compte (graphique 19).

Graphique 19 : Encours respectifs des contrats en euros et en unités de comptes (*) (en milliards d’euros)

Source : Banque de France et FFSA - (*) Les chiffres à fin décembre 2008 sont estimés.

Cette progression continue s’explique par la souplesse qu’offre ce produit d’épargne, tant du côté des versements que de celui de la disposition des actifs (rachats à tout moment, partiels ou totaux, sortie en rente ou en capital…). En outre, l’attrait de ce placement est renforcé par l’existence d’avantages fiscaux très incitatifs (impôt sur le revenu, droits de succession).

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Encadré 3

Évolution de la fiscalité de l’assurance-vie

La fiscalité de l’assurance-vie qui avait assuré son succès dans les années 1990 a perdu de son attractivité au cours des dernières années. À compter du 1er janvier 2004 (et du 1er janvier 2005 pour les contrats conclus ou prorogés avant le 5 mai 1996), la réduction d’impôt accordée au titre des primes d’assurance-vie a ainsi été supprimée pour tous les contrats. Les intérêts et produits capitalisés restent toutefois hors imposition durant la vie du contrat. Mais en cas de retrait avant 8 ans, cet avantage disparaît. Lorsque l’assuré récupère ses fonds au-delà de 8 ans, un prélèvement de 7,5% est en outre appliqué depuis septembre 1997 sur les intérêts et plus-values après un abattement annuel de 4600 euros pour une personne seule et de 9200 euros pour un couple. Autre avantage dont dispose encore l’assurance-vie : l’exonération des droits de succession. Lorsque le contrat a été souscrit après le 20 novembre 1991 (ou avant, en cas de modifications essentielles depuis cette date), les droits de succession portent en effet uniquement sur les primes versées après les 70 ans de l’assuré au-delà de 30500 euros et lorsque le contrat a été souscrit après le 13 novembre 1998, un prélèvement forfaitaire de 20% est appliqué sur les sommes supérieures à 152500 euros par bénéficiaire versées avant les 70 ans de l’assuré.

2.2. L’implication des assureurs dans le financement des PME

Pour inciter les assureurs à s’impliquer davantage dans le financement en fonds propres des PME et justifier l’effort public consacré à aider l’assurance-vie5, un dialogue avait été initié par les pouvoirs publics avec les professionnels de l’assurance en septembre 2004 et avait débouché sur de nouvelles incitations fiscales6 et sur un engagement de la FFSA à « renforcer substantiellement les investissements de la profession en actions de PME à fort potentiel de croissance, notamment les PME innovantes, non cotées ou cotées sur un marché non réglementé ». Cet engagement devait se traduire par une hausse de la part des capitaux levés à cet effet dans l’ensemble des actifs sous gestion de 1,4% en 2003 à 2% en 2007, soit une croissance de 60%, qui supposait 6 milliards d’euros d’investissements supplémentaires. Au final sur cette période, ce sont 13 milliards d’euros supplémentaires qui ont ainsi été investis, portant l’effort global à plus de 22 milliards d’euros, lesquels ne représentaient toutefois qu’1,65% d’actifs dont le volume avait, dans le même temps, considérablement augmenté.

Cependant, l’investissement des assureurs dans le capital des PME semble menacé par l’application de la directive Solvabilité II adoptée par le Parlement européen le 22 avril 2009. A l’image de Bâle II pour les banques, le texte de la directive qui vise à moderniser le cadre prudentiel auquel sont soumis les assureurs, à travers une meilleure allocation des fonds propres en fonction des risques, augmentera les exigences de capital requises pour les actifs à risque, et notamment les investissements en actions non cotées. En effet, à ce jour, les compagnies d’assurances ne sont pas contraintes d’immobiliser du capital lorsqu’elles investissent dans les sociétés non cotées.

Mais la directive Solvabilité II dont la transposition dans le droit national doit se faire avant le 31 octobre 2012 va changer la donne : dorénavant, pour 100 euros investis, les compagnies d’assurance devront détenir 45 euros de fonds propres, soit une charge de près de 30% supérieure à celle imposée aux actifs cotés.

5 Les avantages fiscaux accordés à l’assurance-vie engendrent une dépense fiscale annuelle (un manque à gagner pour les finances publiques) estimée entre 2,8 et 3,6 milliards d’euros. 6 Les contrats d’assurance-vie dits « NSK », prenant la suite des contrats « DSK », qui comprennent 30% au moins d’actions dont 10% de placements à risque, d’une durée supérieure ou égale à 8 ans et souscrits à compter du 1er janvier 2005, sont exonérés d’impôt sur le revenu.

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En conséquence, le marché du capital-investissement risque d’être déserté par les assureurs si le texte de la directive n’est pas modifié.

Proposition 6 :

Encourager les compagnies d’assurance à investir une part des contrats d’assurance-vie dans le capital de PME en adaptant les règles de solvabilité applicables à l’investissement dans le non coté.

3. L’EPARGNE SALARIALE COMME LEVIER DE FINANCEMENT DES PME 3.1. L’épargne salariale en France : une vue d’ensemble

De par sa nature, l’épargne salariale constitue la forme d’épargne longue la plus étroitement liée au développement des entreprises. Dans son principe général, l’épargne salariale est un système d’épargne collectif qui permet aux salariés, avec l’aide de leur entreprise, de se constituer un portefeuille de valeurs mobilières (dont celles de l’entreprise) et contribue donc à conforter les fonds propres des entreprises.

Pour les salariés, cette forme d’épargne présente un avantage fiscal puisque les sommes bloquées et les plus-values qui en découlent ne sont pas imposables à l’impôt sur le revenu mais restent soumises aux prélèvements sociaux. L’entreprise réalise quant à elle des économies de charges sociales.

Schéma d’Antoine Rémond pour la Documentation française.

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Encadré 4

Les principaux dispositifs d’épargne salariale

La participation des salariés aux résultats de l’entreprise est obligatoire dans les entreprises employant au moins 50 salariés et dégageant un bénéfice suffisant. Ce dispositif permet de redistribuer une partie des bénéfices annuels réalisés par l’entreprise selon des modalités prévues par un accord collectif. Les sommes versées ne sont pas, sauf exception, immédiatement disponibles : elles sont bloquées pendant cinq ans sur des fonds communs de placement d’entreprises (FCPE), éventuellement associés à un plan d’épargne entreprise (PEE) ou sur des comptes courants bloqués portant intérêt. En contrepartie du blocage, l’entreprise et les salariés bénéficient d’avantages fiscaux et sociaux (sommes déductibles de l’assiette de l’impôt, exonération de charges sociales patronales et de taxes sur les salaires pour l’entreprise, sommes non soumises à l’impôt sur le revenu et exonération de charges sociales salariales pour le salarié)7.

Jusqu’à fin 2008, le déblocage anticipé était possible dans un petit nombre de cas liés à la situation personnelle du salarié : mariage ou PACS, naissance du 3e enfant, divorce, invalidité… Le déblocage anticipé de ces sommes a été également rendu possible lors de l’adoption de mesures ponctuelles de soutien du pouvoir d’achat (loi n°2008-111 du 9 février 2008 pour le pouvoir d’achat par exemple, qui a autorisé le déblocage anticipé de la participation pour les sommes affectées à la réserve spéciale de participation (RSP) au plus tard le 31 décembre 2007, dans la limite de 10 000 € par salarié)8.

L’intéressement permet à toute entreprise qui le souhaite, dès lors qu’elle satisfait à ses obligations en matière de représentation du personnel, d’instituer un intéressement collectif des salariés. Cet intéressement présente un caractère aléatoire et résulte d’une formule de calcul liée aux résultats ou aux performances de l’entreprise. Il ne peut se substituer à d’autres formes de rémunération. Les sommes versées sont immédiatement disponibles pour les salariés, sauf si ces derniers décident de les placer sur un plan d’épargne salariale : dans ce cas, les sommes ne sont pas soumises à l’impôt sur le revenu et le salarié bénéficie éventuellement d’un abondement de la part de son entreprise.

Le plan d’épargne entreprise (PEE) est un système d’épargne collectif ouvrant aux salariés de l’entreprise la faculté de se constituer, avec l’aide de celle-ci, un portefeuille de valeurs mobilières. L’entreprise prend à sa charge la gestion du plan et peut éventuellement abonder les sommes versées volontairement par les salariés. Comme pour la participation, les sommes versées sont bloquées pendant cinq ans avec toutefois des possibilités de déblocages anticipés (départ de l’entreprise, achat d’un logement, etc.). La loi n°2001-152 du 19 février 2001, dite « loi Fabius », a instauré les plans d’épargne interentreprises (PEI) qui permettent de mutualiser les coûts de gestion en appliquant des plans négociés entre plusieurs entreprises soit à un niveau géographique soit à un niveau sectoriel.

Le plan d’épargne retraite collectif (PERCO) a été mis en place par la loi n°2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites. Il donne aux salariés couverts la possibilité de se constituer, dans un cadre collectif, une épargne accessible au moment de la retraite sous forme de rente viagère ou, si l’accord collectif le prévoit, sous forme de capital.

Le cadre législatif et réglementaire de l’épargne salariale a connu de nombreuses évolutions depuis 2001 tendant en particulier à encourager l’extension des mécanismes d’épargne salariale à l’ensemble des entreprises, notamment dans celles de moins de 50 salariés (loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 pour « le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social »).

Les FCPE constituent le principal véhicule d’investissement de l’épargne salariale. Créés au moment de la mise en œuvre des ordonnances de 1967 sur la participation des salariés aux fruits de l’expansion des entreprises et sur le PEE, l’accès à ces fonds est réservé aux salariés d’une ou plusieurs entreprises déterminées bénéficiant d’un accord de participation ou d’un règlement de plan d’épargne. Ils peuvent y verser leur intéressement, le montant de leur participation aux résultats de l’entreprise ainsi que des apports du PEE.

Les FCPE peuvent être dédiés : le fonds est investi pour plus d’un tiers de son montant dans les titres émis par l’entreprise. En revanche, les fonds diversifiés ne comportent pas plus d’un tiers de titres de l’entreprise, ni plus de 5% de leur actif investi en titres d’un même émetteur. 7 La Loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2009 a créé une nouvelle contribution de 2 %, dite « forfait social », à la charge de l’employeur, qui s’applique sur toutes les sommes distribuées au titre de la participation, de l’intéressement et de l’abondement de l’employeur au PEE et au PERCO. 8 La loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008 sur les revenus du travail a par la suite instauré le libre choix de l’usage de la participation annuelle distribuée à compter de la publication de cette loi : s’il reste la situation par défaut, le blocage des sommes peut être levé dès lors que le salarié en fait la demande. Dans ce cas, les sommes ne sont plus exonérées d’impôt sur le revenu.

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Depuis la loi de février 2001, il est également possible d’investir dans les SICAV d’actionnariat salarié qui remplissent la même fonction que les FCPE dédiés : la gestion d’un portefeuille de valeurs mobilières émises par l’entreprise.

L’analyse de l’évolution des actifs nets des FCPE montre une progression continue depuis 2003, interrompue par la chute des marchés boursiers en 2008 (graphique 20). L’encours total s’est élevé fin 2008 à 71,4 milliards d’euros dont plus de la moitié est investie en titres d’entreprises au travers des FCPE et des SICAV d’actionnariat salarié.

Graphique 20 : Les actifs nets des FCPE (en milliards d’euros)

52

56,8 56,8

69,1

82,4

71,4

47,9

87,6

30

40

50

60

70

80

90

2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

Source : AFG

En 2008, le nombre d’entreprises équipées d’un dispositif d’épargne salariale atteint 210 985, soit une hausse de 11,3% par rapport à l’année précédente.

Cependant, les dispositifs d’épargne salariale restent très concentrés dans les grandes entreprises et dans celles de taille moyenne (graphique 21). Ainsi, en 2007, 91,2% des salariés employés dans des entreprises de plus de 500 salariés et 77,9% de ceux des entreprises de 50 à 499 salariés sont couverts par au moins un dispositif contre seulement 14,4% des salariés des entreprises de moins de 50 salariés. Au total, 90% des salariés ayant accès à un dispositif sont employés par des entreprises de 50 salariés et plus.

Graphique 21 : Proportion des salariés ayant accès à un dispositif d’épargne salariale en 2007

Source : Dares, enquêtes ACEMO-PIPA Champ : secteur marchand non agricole, hors intérim et secteur domestique

41

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3.2. L’épargne salariale : un levier pour le financement en fonds propres des PME

Enjeu fondamental de la compétitivité de l’économie française, le développement des PME passe entre autres par une implication plus forte des salariés de ces entreprises dans la mise en œuvre de leurs stratégies de croissance et leur association aux fruits de cette croissance. Dans ce contexte, le développement de l’épargne salariale dans cette catégorie d’entreprises permet de renforcer l’adhésion des salariés aux objectifs de l’entreprise et contribue à solidifier sa structure financière en confortant ses fonds propres.

Pour développer l’épargne salariale dans les PME, il convient d’adopter une approche incitative et non obligatoire, tout en simplifiant les dispositifs de l’épargne salariale et en les rendant plus accessibles aux PME, notamment celles de moins de 50 salariés.

À cette fin, il serait opportun de mettre en place un mécanisme général d’épargne salariale, fusionnant les dispositifs de participation et d’intéressement en créant un cadre incitatif pour les entreprises et en réservant les avantages fiscaux à l’épargne de long terme pour les salariés.

Il convient d’aller plus loin et de reconsidérer le mode d’allocation de l’épargne salariale pour l’étendre au financement des PME en élargissant le champ de l’investissement des FCPE aux fonds de capital-investissement. Cette ouverture contribuerait à renforcer les fonds propres des PME en leur consacrant une part des sommes collectées dans le cadre de ces dispositifs. Proposition 7 :

Mieux mobiliser les dispositifs d’épargne salariale vers le financement des PME en ouvrant la possibilité aux FCPE d’investir dans des fonds de capital-investissement.

42

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IV. ENCOURAGER L’ENTRÉE DES INVESTISSEURS DE LONG TERME DANS LE CAPITAL DES PME ET DES ETI

L’économie française et plus particulièrement les PME en phase de croissance souffrent d’un manque structurel d’investisseurs de long terme. En effet, pour mener à bien leurs projets de développement, les PME et les ETI recherchent des financements « patients » qui ne confinent pas leurs choix stratégiques dans une logique de rendement à court terme.

Qu’ils soient familiaux ou institutionnels, privés ou publics, les investisseurs de long terme sont de véritables partenaires stratégiques de l’entreprise et l’accompagnent dans ses différents stades de développement en lui apportant les ressources nécessaires pour atteindre ses objectifs.

Au sein de cette catégorie d’investisseurs, les acteurs du capital-développement ont pris une importance croissante et leur intervention auprès des PME et des ETI non cotées est stimulée par un environnement fiscal et réglementaire favorable qu’il convient de consolider dans un contexte de crise. De même, les investisseurs publics tels que la Caisse des dépôts jouent un rôle majeur dans le financement en fonds propres des PME et des ETI. La création du Fonds stratégique d’investissement participe également de la volonté des pouvoirs publics de doter l’économie française d’un investisseur de long terme capable d’apporter le soutien nécessaire aux PME et aux ETI afin de créer les champions nationaux de demain.

1. LES FONDS DE CAPITAL-INVESTISSEMENT : DES PARTENAIRES STRATEGIQUES POUR LES PME ET LES ETI 1.1. Capital-investissement et cycle de vie de l’entreprise

Tout au long de leur existence, les entreprises éprouvent des besoins de financements dont la nature, le niveau et la finalité varient en fonction du stade atteint dans leur cycle de vie. Pour satisfaire ces besoins, les entreprises peuvent recourir, selon leur profil et leur stade de développement, à différentes solutions pouvant combiner des financements en fonds propres et de la dette.

Pour les PME et les ETI non cotées à la recherche de moyens financiers pour se développer et conquérir de nouvelles parts de marché, l’ouverture de leur capital à des investisseurs extérieurs tels que les fonds de capital-investissement peut offrir, dans le cadre d’un partenariat stratégique, la possibilité d’atteindre ces objectifs.

Toutefois, il existe souvent chez les dirigeants de ces entreprises un réel déficit d’information sur les possibilités de financement qu’offre le capital-investissement et sur les critères d’intervention de ses acteurs notamment en termes de tailles et de secteurs. C’est pourquoi il serait nécessaire de développer l’information disponible sur les dispositifs existants qu’ils soient publics ou privés et de la rendre accessible aux PME et aux ETI qui cherchent à renforcer leurs fonds propres. À l’instar des actions menées par certains réseaux consulaires comme la CRCI de l’Île-de-France, il conviendrait d’identifier et de « cartographier » l’offre du capital-investissement selon les tailles d’entreprises et les secteurs, et de définir les critères d’investissement de ces acteurs.

À l’origine, l’activité de capital-investissement (ou private equity) consiste à prendre des participations dans le capital de PME et d’ETI généralement non cotées permettant de

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financer leur démarrage, leur croissance, leur transmission, parfois leur redressement et leur survie. Dans la pratique, cette activité couvre ainsi quatre segments (graphique 22) :

Graphique 22 : Capital-investissement et cycle de vie de l’entreprise

Source : AFIC

Les opérations de capital-développement, dont nous privilégions l’étude dans le cadre de ce rapport, peuvent être définies comme des investissements en fonds propres ou quasi-fonds propres destinés principalement à financer le développement d’une entreprise ayant une position établie sur ses marchés, profitable et présentant des perspectives de croissance importantes. Réalisée par un ou plusieurs investisseurs par le biais d’une prise de participation le plus souvent minoritaire, cette opération vise à accompagner l’entrepreneur dans sa stratégie de développement avec un objectif de création de valeur et de liquidité à moyen terme.

Grâce à l’apport de nouveaux capitaux propres, l’entreprise peut mettre en œuvre sa stratégie de développement et financer de façon pérenne sa croissance interne (développement de nouveaux produits, investissement en capacités de production, en compétences ou en marques, financement du besoin en fonds de roulement, etc.) ou sa croissance externe (acquisition d’une ou plusieurs autres sociétés). Cet apport de nouveaux fonds se fait le plus souvent à travers des opérations d’augmentation du capital par émissions de nouvelles actions mais il peut également s’agir d’instruments donnant accès à terme au capital de la société, comme des obligations convertibles.

Pour le capital-développement, la pierre angulaire du projet d’investissement est la capacité de l’entreprise à croître de manière durable et rentable. La logique sous-jacente à ce type d’opérations est de consolider l’entreprise dans un modèle de croissance rentable. En ce sens, la trésorerie générée par l’activité sert prioritairement à financer le développement de l’entreprise, contrairement aux opérations de LBO dans lesquelles les cash-flows sont affectés au remboursement de la dette contractée pour financer ces opérations.

Comme la performance financière de l’investisseur trouve sa source dans l’amélioration des résultats opérationnels de l’entreprise, l’investisseur s’implique pleinement dans la vie de l’entreprise et, outre son engagement financier, il apporte ses conseils (définition des orientations stratégiques, conseils d’ingénierie financière, recrutements…) et, éventuellement, ses réseaux de contacts pour soutenir la stratégie de l’entreprise et aider le chef d’entreprise à saisir les opportunités de croissance qui peuvent se présenter.

Le capital-développement se fonde ainsi sur un partenariat stratégique entre l’investisseur et l’actionnaire entrepreneur dont le succès repose sur une relation de confiance qui les lie autour d’un projet commun. Le cadre de ce partenariat ainsi que ses objectifs doivent être définis clairement avant l’entrée de l’investisseur au capital de l’entreprise. Celle-ci se fait essentiellement via une augmentation du capital, le pourcentage de détention du capital par l’investisseur financier étant fonction d’une part, de la valorisation de l’entreprise et, d’autre part, du montant de l’apport en numéraire réalisé par l’investisseur.

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L’entrée d’un nouvel investisseur au capital d’une entreprise suppose son adhésion au projet de développement défini par le chef d’entreprise. L’objectif commun des actionnaires est alors d’augmenter significativement les résultats de l’entreprise, sur une période assez longue, que ce soit par des opérations de croissance externe ou par un plan de croissance organique.

Par ailleurs, l’apport de fonds propres supplémentaires permet d’optimiser la structure financière de l’entreprise afin d’en sécuriser le développement :

- en limitant l’endettement financier à des niveaux compatibles avec les cash-flows générés par l’entreprise ;

- en maintenant le ratio endettement financier sur fonds propres à un niveau raisonnable, ce qui peut, par exemple, être nécessaire à l’entreprise pour bénéficier de financements bancaires complémentaires.

Cependant, l’investissement du capital-développeur dans une entreprise non cotée se caractérise essentiellement par son illiquidité. Il requiert en effet une longue période d’immobilisation des capitaux investis. Se pose alors la question de la sortie de l’investisseur et des conditions dans lesquelles elle peut s’opérer sans déstabiliser le capital de l’entreprise. La durée de l’investissement, la date et les conditions de sortie doivent être définies en amont dans le cadre du pacte d’actionnaires qui décrit le fonctionnement de la « clause de sortie ».

Pour encourager l’investisseur à « sauter le pas » et entrer dans le capital d’une entreprise non cotée, il faut lui faciliter la sortie à terme en rendant plus aisée la cession de ses parts à l’entrepreneur par exemple. Compte-tenu du coût que représenterait le financement de cette acquisition pour l’entrepreneur actionnaire, ce dernier devrait bénéficier d’une incitation fiscale qui rendrait ce coût supportable.

Proposition 8 :

Autoriser l’entrepreneur à déduire les intérêts d’emprunt contracté pour le rachat des parts détenues depuis plus de cinq ans par un investisseur en capital.

1.2. Le capital-développement : état des lieux en France et en Europe

Si la crise financière a marqué la fin de l’âge d’or des opérations à effet de levier (LBO), segment jusqu’ici prépondérant du capital-investissement (trois quarts des investissements en valeur, graphique 23), le capital-développement a bien résisté à la conjoncture dégradée et demeure un des segments les plus dynamiques de ce marché en 2008. Contrairement à la crise née de l’éclatement de la bulle Internet en 2001 durant laquelle les investissements en capital-développement ont chuté de près de 62 %, ces opérations ont enregistré une hausse de plus de 22 % en 2008 (graphique 24).

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Graphique 23 : Structure du marché français du capital-investissement en 2008 (% des investissements en valeur)

Capital-développement

16,0%

Capital-risque 7,6%

Autre 2,4%

Capital transmission / LBO 74,0%

Source : AFIC

Graphique 24 : Évolution des investissements en capital-développement en France

(% des variations annuelles des investissements en valeur)

-61,8%

4,9% 4,0%

-11,5%

37,3%

10,8%

23,9% 22,1%

-80%

-60%

-40%

-20%

0%

20%

40%

2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

Source : AFIC

Sur les cinq dernières années, les montants investis en capital-développement et le nombre d’entreprises financées ont quasiment doublé pour atteindre en 2008 près de 1,7 milliards d’euros et plus de 700 entreprises accompagnées (graphique 25).

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Graphique 25 : Évolution des investissements et du nombre d’entreprises financées par le capital-développement

0

100

200

300

400

500

600

700

800

2003 2004 2005 2006 2007 20080

200

400

600

800

1000

1200

1400

1600

1800

Nombre d'entreprises financées (échelle de gauche)

Montant des investissements (M€) (échelle de droite)

Source : AFIC Le dynamisme du capital-développement est lié, entre autres, aux dispositifs ISF mis en place dans le cadre de la loi TEPA. La crise des LBO a également incité les investisseurs à arbitrer davantage leurs choix d’investissement en faveur du capital-développement.

Si l’on considère l’activité de capital-investissement dans son ensemble, on constate qu’en termes de nombre d’opérations, les principales entreprises financées par ces fonds sont les PME qui concentrent plus de 80 % du nombre d’entreprises financées en 2008, dont 67,1 % pour les entreprises de moins de 100 salariés (graphique 26).

Graphique 26 : Répartition des investissements en volume par taille d'entreprise en 2008 (en % du nombre d'investissements de l’ensemble des segments du capital-investissement)

7,3%

11,7%

13,9%

36,0%

31,1%

0% 10% 20% 30% 40%

De 1000 et +

De 250 à 999

De 100 à 249

De 20 à 99

De 0 à 19

Source : AFIC

En revanche, en termes de valeur des investissements, ce sont les grandes entreprises qui représentent la part la plus importante du marché compte tenu du niveau des montants moyens investis dans ces entreprises.

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Au niveau européen, l’activité du capital-investissement reste dominée par les opérations de LBO malgré les difficultés rencontrées en 2008 (graphique 27).

Graphique 27 : Part des opérations LBO dans l’activité du capital-investissement (en valeur)

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

France Allemagne Italie Espagne Royaume-Uni

2007 2008

Source : AFIC

En revanche, le capital-développement constitue le segment le plus dynamique de l’activité en termes de nombre d’entreprises financées (graphique 28).

Graphique 28 : Part du capital-développement dans l'activité du capital-investissement

(en nombre d'entreprises financées)

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

France Allemagne Italie Espagne Royaume-Uni

2007 2008

Source : AFIC

Au total, les comparaisons européennes montrent que le marché français du capital-investissement connaît une progression continue malgré les soubresauts de la crise financière qui affectent principalement les opérations de LBO. En termes de poids de cette activité dans le PIB, la France se situe désormais au 3e rang européen derrière le Royaume-Uni et la Suède (graphique 29).

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Graphique 29 : Poids du capital-investissement dans le PIB en 2008 (en %)

1,24

1,02

0,45 0,42 0,390,30 0,28 0,26 0,24

0,0

0,2

0,4

0,6

0,8

1,0

1,2

1,4

Royaum

e-Uni

Suède

France

Europe

Suisse

Pays-B

as

Allemag

ne

Finlan

de

Norvèg

e

Source : EVCA

En France, l’activité des capitaux-investisseurs dans le financement en fonds propres des entreprises non cotées bénéficie d’un environnement réglementaire et fiscal très favorable. Une étude comparative de l’EVCA (European Venture Capital Association) a même décerné en 2008 la meilleure note à notre pays en matière d’incitations mises en place pour favoriser l’essor de ce secteur.

1.3. L’investissement de long terme dans les PME : un cadre fiscal incitatif à consolider

En France, l’incitation fiscale est un des leviers utilisés pour favoriser l’investissement de long terme dans le capital des PME. Notons au préalable que les incitations fiscales existantes qu’elles prennent la forme de réduction de l’impôt sur le revenu ou de l’ISF ne concernent que l’investissement dans le capital de PME au sens communautaire9. Pour favoriser l’émergence d’un tissu dense d’ETI solides et viables, véritable vecteur de compétitivité de l’économie, il conviendrait d’étendre le champ d’application de ces incitations, ou du moins certaines d’entre elles, à cette catégorie d’entreprises.

Les investissements donnant ainsi lieu à réduction d’impôt peuvent prendre la forme de souscriptions directes ou indirectes par l’intermédiaire de véhicules spécialisés que sont les fonds et sociétés de capital-investissement.

L’investissement direct dans le capital des PME est ainsi encouragé par l’avantage fiscal que procure le dispositif « Madelin », jusqu’au 31 décembre 2010, sous la forme d’une réduction de l’impôt sur le revenu qui s’élève à 25% du montant de la souscription dans la limite de 20 000 euros pour un contribuable célibataire et de 40 000 euros pour les couples, sous condition de conservation des actions ou des parts pendant cinq ans. Ce dispositif s’avère particulièrement incitatif, puisqu’il est prévu que la fraction excédentaire des versements peut être reportée au titre des quatre années suivantes. Le dispositif tel qu’il existe aujourd’hui permet d’ores et déjà à près de 400 millions d’euros d’être investis dans des PME chaque année. À la sortie, les plus-values de cession de parts ou actions de jeunes entreprises innovantes (JEI) souscrites à compter du 1er janvier 2004, peuvent également être exonérées d’impôt sur le revenu sous condition de conservation de ces titres pendant trois ans et d’une

9 PME au sens communautaire : moins de 250 employés, chiffre d’affaires annuel inférieur à 50 millions d’euros ou total bilan annuel inférieur à 43 millions d’euros.

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détention inférieure à 25% des droits dans les bénéfices ainsi que des droits de vote de ces sociétés.

Outre la souscription directe au capital des entreprises, quatre principaux véhicules de l’investissement intermédié dans les PME sont distingués (tableau 8) :

- les sociétés de capital-risque (SCR), dont l’actif doit être représenté à plus de 50% de parts d’entreprises non cotées et au maximum à 20% de titres cotés émis par des sociétés de faible capitalisation boursière. Ces véhicules sont exonérées d’impôt sur les sociétés sur l’ensemble des revenus et des plus-values de leur portefeuille de titres ;

- les fonds communs de placement à risques (FCPR), dont 50% au moins de l’actif doit être représentatif de titres de sociétés non cotées, les titres de sociétés dont la capitalisation boursière est inférieure à 150 millions d’euros étant éligibles au quota de 50% dans la limite de 20% ;

- les fonds communs de placement dans l’innovation (FCPI) qui sont des FCPR devant investir au moins 60% de leur actif dans des PME non cotées et considérées comme « innovantes » ;

- les fonds d’investissement de proximité (FIP), autre catégorie de FCPR, dont 60% au moins de l’actif doit être investi dans des PME non cotées situées dans une même zone géographique. En outre, 10% au minimum de ces 60% doivent être consacrés à des sociétés nouvelles de moins de cinq ans.

Tableau 8 : Les véhicules du capital-investissement

Fiscalité (revenus et plus-values) Contraintes d’éligibilité des émetteurs

SCR Société de capital-risque

FCPR Fonds communs de placement à risque

Exonération des plus-values de long terme et des revenus réinvestis*

50% de l’actif net détenu en actions et obligations convertibles non cotées ou cotées sur un marché non réglementé français ou européen (Alternext par exemple)

FCPI Fonds communs de placement dans l’innovation

60% de l’actif en titres de sociétés non cotées innovantes (label OSEO) de moins de 2 000 salariés

FIP Fonds d’investissement de proximité

Réduction d’impôt de 25% des sommes investies dans la limite d’un plafond de 12 000 € (célibataires) et 24 000 € (couples) Exonération des plus-values*

60% de l’actif en PME de trois régions limitrophes, dont 10% au moins constituées depuis moins de 5 ans

* Si les titres sont détenus plus de 5 ans. En 2008, ces véhicules ont levé 12 730 millions d’euros de capitaux dont 85% au travers de FCPR. Avec plus du quart des capitaux apportés, les personnes physiques sont la première catégorie de souscripteurs.

Par ailleurs, au-delà des réductions d’impôt sur le revenu pour les investissements dans le capital des PME, un dispositif incitatif en matière d’ISF a été mis en place à partir de 2003 pour favoriser ces investissements.

Ainsi, la loi du 1er août 2003 pour l’initiative économique a prévu l’exonération de l’assiette de l’ISF à concurrence de la valeur des titres reçus en contrepartie d’une souscription directe au capital des PME. Cette exonération a été élargie par la loi TEPA du 21 août 2007 pour inclure

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les investissements éligibles à la nouvelle réduction d’ISF qu’elle instituait : investissements intermédiés, effectués par le biais d’une société holding ou de FIP, de FCPI et de FCPR.

Les versements effectués au titre des souscriptions directes ou indirectes (par le biais d’une société holding sous certaines conditions) au capital de PME ouvrent droit à une réduction d’impôt égale à 75% du montant investi, dans la limite annuelle de 50 000 euros. En cas d’investissement via des fonds (FIP, FCPI, FCPR)10, la réduction est égale à 50% des versements, avec un plafond de 20 000 euros, dans la limite de l’actif du fonds investi en titres de sociétés éligibles à la réduction « en direct ».

La réduction est accordée si la société bénéficiaire des versements est une PME au sens communautaire, si elle exerce exclusivement une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale, a son siège de direction effective dans un État membre de la Communauté européenne, en Islande ou en Norvège, n’a pas ses titres en négociation sur un marché réglementé et est soumise à l’impôt sur les bénéfices dans les conditions de droit commun.

Sur le plan fiscal, les avantages pour le contribuable sont très différents selon le mode d’investissement choisi. Ainsi, les investisseurs directs et ceux optant pour les holdings peuvent bénéficier d’une réduction de leur ISF à hauteur de 75% de l’investissement et limitée à 50 000 euros. En revanche ceux qui optent pour des véhicules réglementés par l’AMF (FIP, FCPI, FCPR) bénéficient d’une réduction d’ISF de 50% et limitée à 20 000 euros.

Proposition 9 :

Aligner la fiscalité des fonds ISF (FIP, FCPI, FCPR) sur celle des holdings ISF en relevant le taux de réduction ISF à 75% et le plafond à 50 000 euros pour homogénéiser les avantages fiscaux des investisseurs.

Par ailleurs, pour renforcer l’efficacité du dispositif ISF en faveur de la consolidation du capital des PME, le Sénat a adopté le 29 juin dernier une proposition de loi qui réduit de 30 à 12 mois le délai accordé aux fonds pour investir dans le capital des entreprises (avec un objectif intermédiaire d’investissement de la moitié des sommes au bout de six mois). En effet, sur les 1,1 milliards d’euros collectés en 2008, seuls 800 millions d’euros ont été investis dans les PME. Cette accélération du délai de déblocage apparaît indispensable dans une période de crise du financement des entreprises.

En outre, l’utilisation des fonds ISF manque de flexibilité dans la mesure où seules les actions des entreprises peuvent être souscrites actuellement. Il serait souhaitable d’étendre les titres éligibles à ce dispositif à d’autres instruments comme les obligations convertibles, les obligations remboursables en actions…

Proposition 10 :

Permettre l’utilisation des fonds collectés au titre de la réduction ISF à destination des PME sous forme d’obligations convertibles ou d’obligations remboursables en actions.

En définitive, le cadre opérationnel du capital-investissement a connu une évolution favorable au cours des dernières années et le rôle économique de ce secteur dans le processus de financement des PME et des ETI est appelé à se renforcer dans le monde du crédit rare de l’après-crise. Toutefois, les acteurs du capital-investissement ne sont pas exempts de critiques qui portent à la fois sur leur mode de gestion et de gouvernance, leurs stratégies et leur horizon d’investissement. 10 Pour bénéficier de cette réduction, l’actif du FIP doit être composé d’au moins 20% de titres d’entreprises éligibles de moins de 5 ans. Pour les FCPI et les FCPR, cette proportion doit être d’au moins 40%.

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En effet, l’acceptabilité sociale du capital-investissement est conditionnée par l’amélioration de la transparence sur la collecte des fonds et le partage des plus-values entre gestionnaires et investisseurs. Cette exigence d’une plus grande transparence implique par exemple la publication d’informations supplémentaires sur les principaux partenaires, sur les performances brutes et nettes du fonds, sur les commissions et sur les investisseurs dans le fonds.

En outre, la logique court-termiste qui caractérise certaines opérations, notamment dans le cas des LBO successifs, s’accommode très mal avec les besoins de financement des PME et des ETI qui recherchent un engagement stable à long terme.

Malgré la volonté affichée des acteurs et de leur association professionnelle de promouvoir la déontologie et les bonnes pratiques au sein du secteur, l’absence d’un cadre réglementaire harmonisé au niveau européen ne favorise pas un meilleur fonctionnement du capital-investissement au profit du financement en fonds propres des PME et des ETI. À cet égard, le projet de directive relative aux gérants de fonds dits « alternatifs » («Alternative Investment Fund Managers » ou « AIFMs»)11 pourrait apporter des progrès significatifs pour améliorer la transparence du secteur.

Au-delà des acteurs privés du capital-investissement, la construction d’une stratégie cohérente pour consolider les fonds propres des entreprises en croissance et leur assurer les moyens financiers de leur développement suppose également une implication plus forte des acteurs financiers publics qui, par définition, contribuent au financement de l’économie nationale et participent à la réalisation des objectifs de l’intérêt général. La Caisse des dépôts a développé, par le biais de ses filiales, des partenariats avec les acteurs privés pour dynamiser le marché du capital-investissement et apporter aux PME et aux ETI les ressources en capital nécessaires à leur développement.

Par ailleurs, la création du Fonds stratégique d’investissement traduit la prise de conscience de la part des décideurs publics de la fragilité des structures actionnariales d’un certain nombre de grandes entreprises dont le destin n’est pas sans incidence sur la santé de l’économie nationale dans son ensemble. Il n’en reste pas moins que les missions assignées à ce « fonds souverain à la française » souffrent encore d’un manque de lisibilité et de cohérence. En tant qu’investisseur de long terme, il peut jouer un rôle catalyseur et exercer un effet d’entraînement sur d’autres investisseurs institutionnels pour renforcer leur présence dans le capital de PME et d’ETI dont le modèle de développement s’accommode fort peu avec les logiques court-termistes de certains investisseurs financiers en quête de rendement quasi-immédiat.

2. RENFORCER LE ROLE DES INVESTISSEURS PUBLICS DANS LE CAPITAL DES PME ET DES ETI

Les acteurs financiers publics et notamment la Caisse des dépôts et ses filiales jouent de longue date un rôle majeur dans le financement en fonds propres des PME et des ETI et apportent un soutien stratégique à leur développement.

Au sein du système public de soutien au financement des PME et des ETI qui articule les missions d’OSEO (financement et garantie des prêts et apports en fonds propres, soutien à l’innovation) et celles de la Caisse des dépôts, l’efficacité des interventions peut être amoindrie par la multiplication des dispositifs et leur enchevêtrement, ce qui réduit leur lisibilité et leur accessibilité pour les PME et les ETI en quête de fonds propres. Repenser les rôles des différents acteurs ainsi que leur mode d’articulation doit donc être privilégié dans le cadre d’une politique publique de soutien aux PME et aux ETI en sortie de crise. 11 Les fonds alternatifs englobent, entre autres, les hedge funds, les fonds de capital-investissement, les fonds de matières premières et les fonds immobiliers.

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2.1. Le rôle de CDC Entreprises et du dispositif France Investissement

Le financement en fonds propres des PME constitue l’une des quatre priorités stratégiques du plan « Élan 2020 » adopté par la Caisse des dépôts fin 2007. L’action du groupe public s’opère par l’intermédiaire de sa filiale, CDC Entreprises, une société de gestion qui est en charge des activités de capital-investissement et constitue l’un des principaux acteurs de ce marché.

CDC Entreprises intervient sur tous les segments du capital-investissement, sauf des moyens et grands LBO (définis comme des interventions supérieures à 15 millions d’euros par ticket unitaire et par entreprise).

L’engagement de l’institution publique dans le financement des PME et des ETI s’est renforcé avec la mise en place, fin 2006, du dispositif France Investissement à travers un partenariat public-privé qui associe CDC Entreprises et des investisseurs institutionnels privés. Dans le cadre de cet engagement, la Caisse des dépôts apporte deux milliards d’euros sur six ans au capital des PME. Cet apport doit être complété par un milliard d’euros engagé par les partenaires privés. Le financement total est toutefois assorti de règles : 10% au moins du financement doit aller à l’amorçage et 20% au plus doit concerner le LBO. En tant qu’investisseur de long terme, CDC Entreprises prend des positions plus risquées que les investisseurs privés. L’objectif visé est d’exercer un effet d’entraînement sur ces acteurs et les amener vers l’amont de la chaîne de financement des entreprises, pour lequel ils manifestent de la frilosité.

Il existe deux principaux modes d’intervention de CDC Entreprises pour investir dans les PME non cotées :

- une intervention indirecte à travers une activité de fonds de fonds et des prises de participations minoritaires aux côtés d’acteurs publics et privés. La filiale du groupe public investit ainsi de façon minoritaire dans des fonds de fonds gérés par les partenaires privés de France Investissement (AGF, Axa, Société générale, Natixis, Caisse d’épargne et Groupama). Elle apporte également son soutien aux autres acteurs de la chaîne de financement, notamment les réseaux de business angels et les fonds mezzanine dédiés aux petites opérations ;

- une intervention directe soit en co-investissement dans des opérations de capital-risque (supérieures à 1,5 M€) et de capital-développement et transmission (supérieures à 2 M€) quel que soit le secteur d’activité, soit en investissement direct via le fonds Patrimoine et Création dédié aux entreprises « culturelles et patrimoniales » ou via Avenir Entreprises, la filiale en partenariat avec Oséo, dans des opérations de croissance et de transmission (inférieures à 2 M€).

CDC Entreprises investit dans des fonds français, à la fois au niveau national et régional. Elle représente en moyenne 35% des fonds d’amorçage et 20% des fonds de capital-risque en France. En 2008, 360 nouvelles entreprises ont été financées dont 63 entreprises financées directement. Au total, 2 500 entreprises ont été soutenues depuis dix ans.

2.2. Consolider le Fonds stratégique d’investissement comme investisseur de long terme pour les PME et les ETI

Dernier né dans la sphère financière publique, le Fonds stratégique d’investissement (FSI) a été créé fin 2008 pour soutenir les entreprises françaises dans la tourmente de la crise. Doté au démarrage de 20 milliards d’euros (6 milliards de liquidités immédiatement disponibles et 14 milliards apportés dans le courant de l’année 2009 sous forme de participations par la Caisse des dépôts et l’État qui en détiennent respectivement 51% et 49%), le FSI se veut un investisseur de long terme dans des entreprises françaises porteuses de projets industriels

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créateurs de valeur et de compétitivité pour l’économie. Il prend des participations minoritaires et peut intervenir seul ou en co-investissement.

Sur le plan de ses orientations stratégiques, le FSI a pour objectif d’accompagner :

- le développement des PME en phase de croissance via le dispositif France Investissement ;

- des entreprises de taille moyenne (valeur entre 100 millions et 2 milliards d’euros) disposant d’un potentiel de création de valeur ;

- des entreprises moyennes dans des secteurs en mutation ;

- des grandes et moyennes entreprises dont la structure capitalistique n’est pas stabilisée.

La stratégie d’investissement est fondée sur un certain nombre de principes :

- investissement dans des projets rentables dont le rendement est conforme aux exigences des investisseurs de marché ;

- l’horizon d’investissement n’est pas figé au niveau de chaque participation. Tout en ayant une vision de long terme, le FSI réévalue à intervalles réguliers ses participations et fait évoluer son portefeuille en conséquence ;

- le FSI prend des participations minoritaires et, afin d’exercer un effet d’entraînement, il recourt au co-investissement avec d’autres partenaires, privés ou publics, français ou étrangers (le FSI a ainsi conclu en mai 2009 un partenariat avec le fonds Mubadala d’Abu Dhabi) ;

- le FSI privilégie l’investissement dans des entreprises stratégiques pour la compétitivité de l’économie.

Présenté souvent et abusivement comme un fonds souverain, le FSI ne joue pas dans la cour des grands et « vrais » fonds souverains étrangers. D’une part, ses moyens (à peine 20 milliards d’euros) sont beaucoup plus modestes que ceux des fonds du Golfe par exemple qui sont alimentées par les recettes pétrolières (ou par les excédents commerciaux pour la Chine) et qui se chiffrent en centaines de milliards d’euros même si la crise les a sérieusement réduits. D’autre part, ces fonds souverains investissent l’essentiel de leurs ressources hors de leur pays d’origine et ciblent souvent des entreprises qui sont susceptibles de jouer un rôle stratégique dans l’éventuelle recomposition de leur secteur.

Dans ce contexte, la doctrine d’investissement du FSI apparaît assez floue : à la fois offensive (soutenir des entreprises stratégiques) et défensive (protéger des sociétés françaises d’OPA étrangères hostiles). Ce manque de lisibilité de la stratégie d’investissement du FSI peut nuire à l’efficacité de ses interventions et nourrir les critiques sur ses objectifs. Il faut donc clarifier la ligne de conduite stratégique du FSI et garantir l’indépendance des décisions d’investissement afin d’éviter qu’il devienne le financeur d’entreprises non viables ou la structure de défaisance pour des banques désireuses de se défaire de participations ou crédits accordés à l’industrie.

Au-delà de la sécurisation du capital des entreprises stratégiques, l’ambition du FSI doit être davantage orientée vers le soutien des PME et des ETI des secteurs innovants (nouvelles technologies, biotechnologies, nouvelles énergies…) qui constituent les véritables gisements de croissance et d’emplois de demain. Renforcer ses moyens et conforter son rôle d’investisseur de long terme dans le capital des PME et des ETI est d’autant plus prioritaire si le FSI devient le « guichet unique » de l’intervention publique en fonds propres dans les PME et les ETI12.

12 Cf. les déclarations du Premier ministre, F. Fillon, reprises dans Les Echos du 18 septembre 2009 : « Les trois axes du plan de financement des PME ».

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En définitive, l’efficacité du rôle des acteurs financiers publics souffre de la complexité du système et de l’empilement des différents dispositifs de soutien financier aux PME et aux ETI (CDC, OSEO, FSI…) qui nuisent à la lisibilité de ce système et à son accessibilité pour les PME et les ETI.

En conséquence, la création prochaine d’un fonds de consolidation et de développement des fonds propres des PME et des ETI, annoncée par les pouvoirs publics, devrait être l’occasion de procéder à une rationalisation complète du système public de soutien au financement des PME et des ETI, en définissant une stratégie claire en matière de secteurs, de tailles d’entreprises et de durée. Ce système devrait, par ailleurs, être évalué périodiquement pour améliorer continument son efficacité.

Proposition 11:

Rationaliser l’organisation du système public de soutien au financement des PME et des ETI : - en réduisant le nombre de structures et en améliorant leur accessibilité pour les PME et les ETI ; - en renforçant l’indépendance des comités d’investissement et en les ouvrant à des représentants des PME et des ETI ; - en mettant en place des outils d’évaluation périodique de l’efficacité du système (définition et suivi d’objectifs)

Proposition 12 :

Renforcer les moyens financiers des investisseurs publics et leur capacité d’intervention auprès des PME et des ETI : - en dédiant 5% des fonds du FSI aux PME et aux ETI des secteurs innovants ; - en réservant une part du Grand Emprunt pour accroître les moyens du futur Fonds de consolidation des fonds propres des PME et des ETI.

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LISTES DES EXPERTS AUDITIONNÉS

Patrice AGUESSE, Chef de mission, Thierry SESSIN-CARACCI, chargé de mission, Régulation de l’information et des opérations financières, AMF

Jean-François BIRY, PDG de DBV Technologies

Dominique CAIGNART, Directeur du réseau OSEO Île-de-France

Martine CHARBONNIER, Directeur exécutif des cotations européennes, NYSE Euronext

Diaa ELYAACOUBI, PDG de Streamcore

Marie-Florence ESTIME, Directrice adjointe du Centre pour l’entrepreneuriat, les PME et le développement local de l’OCDE, chef de la division PME et entrepreneuriat

Eddie MISRAHI, Président d’Apax Partners, ancien président de l’AFIC

Fabrice PANSARD, Responsable des études, AMF

Jean SALWA, Président fondateur, Didier SALWA, Cofondateur – Secrétaire, Association Love Money

Jean-Bernard SCHMIDT, Président de Sofinnova Partners

Caroline WEBER, Directrice Générale, MiddleNext

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