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juillet-septembre 1999 fiction littéraire et apprentissage des langues coordonné par Jean-François Bourdet revue de didactologie des langues-cultures

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juillet-septembre 1999

fiction litteacuteraire et apprentissage des langues

coordonneacute par Jean-Franccedilois Bourdet

revue de didactologiedes langues-cultures

LECTURE ET CROYANCE POUR UNE SEacuteMIOTIQUE

DE LA LECTURE LITTEacuteRAIRE

1 (Iumeacute En situant agrave grands traits les eacutevolutions reacutecentes de la recherche liIIliotique et notamment le renouvellement dune reacuteflexion sur les rapports 111111 seacutemiotique et rheacutetorique on se propose dexaminer les diffeacuterents modes l croyance et dadheacutesion du lecteur induits par les formes de leacutecriture litteacuteshyliire Oll distingue ainsi des contrats eacutenonciatifs caracteacuteriseacutes par le croire tIIIlmeacute le croire reacutecuseacute le croire critique et le croire en crise Chacune de ( formes de croyance illustreacutee par des exemples caracteacuteristiques du corpus lillugraveaire suggegravere des orientations didactiques speacutecifiques dans le cadre du Imllccedilais langue eacutetrangegravere

La contribution de la seacutemiotique agrave la reacuteflexion sur la didactique de la litt eacuterature dans le cadre du franccedilais langue eacutetrangegravere doit neacutecessairement prendre en compte la communication cest-agrave-dire non seulement le texte ( ~ structures et ses formes mais la lecture ses attentes ses interrogations 1 1 ses surprises Or la seacutenugraveotique est souvent comprise comme une Iheacuteorie descriptive et explicative centreacutee en vertu de son principe dimshyIllanence sur les seules relations internes au texte ignorant par conseacuteshyIllIcnt la preacutesence et le rocircle du lecteur Mecircme si lon dit de la seacutemiotique qllelle cherche agrave laquo comprendre comment on comprend en lisant ou en Ic rivant raquo on maintient le plus souvent son exercice dans une viseacutee pureshyIllcnt cognitive Il consiste agrave rapporter leacuteveacutenement chaque fois singulier Ihl contact avec un texte agrave des agencements ou des proceacutedures qui inscrishylont ce texte dans un ensemble plus geacuteneacuteral de reacutegulariteacutes fonctionnelles

seacutemantiques nan-atives passionnelles ou culturelles Il nous semble que Its eacutevolutions reacutecentes de la discipline ont quelque peu modifieacute cette tppreacuteciation On cherche moins aujourdhui agrave analyser et agrave rationaliser les dWeacuterents niveaux darticulation de la signification textuelle dont certains 1ilodegraveles sont consideacutereacutes comme des acquis qu agrave serrer leffectuation du sens au plus pregraves de leacutenonciation vivante dans linteraction eacutetroite entre Ic lecteur et le texte bref agrave saisir la parole en acte

Signe de cette perspective nouvelle la seacutemiotique a fait reacutecemment Idour vers la rheacutetorique Cette discipline avait eacuteteacute agrave lorigine eacutecarteacutee

1 Je

Il ulalllille ill p1I 1 (ill illl ~ 111111 - 1111 d( Il li 111 l III 1IHl lt Tlilliqll l loul d bord (la dilllellsi()n juridique de 1 lrgulIllIlIIlIIlIl) 11 dl ( li 1 illlUllIshypatibiliteacute ensuite avec legraves princ ipes dune th60rie Sl I(IIIIIIIIII dl Li signiliumlshycation Ce mouvement de retour vers la rheacutetorique ls I l vrai dire aujourdhui geacuteneacuteral dans les sciences du langage et va jusqu agrave Il ourrir les nouveau x programmes d enseignement du franccedilais au collegravege et au lyceacutee qui sen font clairement l eacutecho dun cocircteacute on fi xe comme objectif au collegravege d assurer la laquo maicirctrise des di scours au service de la formation du citoyen raquo et de lautre on parie pour le lyceacutee de laquo rheacutetorique moderneraquo en liquidant la seacuteparation res tricti ve entre une rheacutetorique des tropes - partie de l elocutio restreinte au x fi gures agrave linventaire de leurs espegraveces et agrave leurs emplois pris en charge par la stylistique - et une rheacutetorique geacuteneacuterale - theacuteorie de largumentation et du discours efficace Cest eacutevidemment dans cette perspective inteacutegreacutee que la seacutemiotique a repris le travail sur la rheacutetorique Il sag it bien en effet aujourd hui den reconsideacuterer les persshypectives et les enjeux avec l eacuteclairage que peuvent lui apporter les di sc ishyplines actuelles du langage la pragmatique lanalyse du discours et la seacutemiotique notamment Cette reacuteflexion renouveleacutee s eacutetablit sur le socle commun ougrave agrave l origine les laquo deuxraquo rheacutetoriques ont eacuteteacute fondeacutees ensemble

Exercice du discours persuasif - ou du fa ire persuasif comme disent les seacutemi oticiens - la rheacutetorique est dabord laquo le lieu de rencontre de lhomme et du di scoursraquo 1 Dun cocircteacute elle est deacutefini e comme laquo le traitement du probleacutematique dans le discours raquo2 s occupant de ce qui nest que probable incertain di scutable de ce qui marque la contingence essentielle de la parole en attente d accord pour se consolider en veacuteriteacute bref de ce qui soumis aux aleacuteas de linterpreacutetation pourrait toujours ecirctre autre Son domaine es t celui de la veacuteriteacute instable et preacutecaire de la parole fragile agrave lopposeacute de celui de la logique qui deacutefinit les conditions de la veacuteriteacute neacutecess ai re et incontestable Et d un autre cocircteacute prolongeant cet espace du discours elle se deacutefinit comme laquo la neacutegociation de la distance entre les sujets raquo3 appelant la prise en compte des eacutenonciateurs monnayant leur adheacutesion et marquant mecircme leur implication sensible et passionnelle dans l interac tion chargeacutee d enjeux que reacutealise toute activiteacute de parol e On le sait agrave paltir dun simple eacutenonceacute descriptif purement deacutenotatif on peut infeacuterer menace ou bien veillance jalousie ou geacuteneacuteros iteacute autant deffets passionnels qui modalisent laquo la mise en ques tion de l autre raquo activant ainsi entre les interlocuteurs te lle ou telle pass ion Lagrave se situe le point de rencontre entre seacutemiotique et rheacutetorique Jaimerais tenter den saisir quelques aspects agrave travers cette interacti on particuliegravere qu est la lec tu re en m interrogeant particuliegraverement sur les modes d adheacutes ion de croyance ou de participation qu induit la lecture des textes litteacuteraires

1 M Meyer laquo lnuod uction raquo agrave la Rheacutetorique dAri stole Paris Le Li vre de poche 4607 1991 p 6 2 Ibid p 38 J Ibid p 52

1

l 1 1111111111 ( dl 11 11111 11111( dIIIS k l (llll lX IL de )1 did ICliqllC d une I II l lit ( 11 J Il) ( SI lIHl c a VIIl( l(lut SIII IJ position cruciale qu elle 1(

il lIi lllllt 1 11l II ~ 1( lt uIi me (eue position es t caracteacuteriseacutee par une Ji ld d( (liumllSioll (lIl~ i () 11 entre litl~ rat ure et mateacuterialiteacute de la langue dune I lil l l 1 I lmiddot IJ~ ioll entre litteacuterature ct formes culturelles de l autre

1 l propre de l eacutecrivain disait R Balthes es t laquo de voir la langue raquo c estshy-l III dl sa isir ensemble le son et le sens la prosodie la syntaxe et les 1(1 )1 voix ct les concepts la convention qui eacuterode la langue dan s la iii gtltll l llIIcteacute de son usage et l innovation qui la rend dans chaque œuvre 111 11 11 lillSi dire naissante presque eacutetrangegravere agrave elle-mecircme C est en ce sens jl l ltn ivain comme le notait G Deleuze agrave la suite de M Proust est celui l 1 rail eacutetranger agrave sa propre langue Du cocircteacute de la culture la litteacuteratu re l f L f eacutenorme reacuteservoir de la meacutemoire collective laboratoire ougrave cette 1Jl I II Il i rl~ seacutelabore agrave travers les mateacuteriau x langagiers dont elle dispose il III VI ougrave elle se fixe et s institue peu agrave peu en reacutefeacuterent culturel tapissant

1 il liumlgures de ses types et de ses configurations sensibles limaginaire 1 11 IlI sibiliteacute collectives Elle est ainsi reconnue comme moyen de transshyi II 1I 11I des contenus mythiques et axiologiques des maniegraveres decirctre et des i llltlegraveS de faire dune communauteacute linguistique en pattie fondatrice de l II knliteacute S y deacuteposent et sy transforment aussi bien les modegraveles de l ili lil) 1I (le reacutecit) que les liturgies pass ionnelles (comme le laquo fin amour raquo Il tli cvlt1 l) ou les codifications estheacutetiques Elle propose - ou prise en 1 ILllr L par l institution eacuteducative impose malgreacute e lle - des formes d orgashy111 1(11 )11 discursive du sens et des valeurs qui foncti onnent comme des illies de lecture (en codifiant par exemple les laquo genres raquo) filtrent nos 1 1 t( pti ons (comme le laquo reacutealisme raquo) deacutefinissent des hieacuterarchies et des 1 llI sions (comme le laquo bon goucirct raquo et le laquo mauvai s raquo )

( d horizon qui justifie une approche inteacutegreacutee de la litteacuterature est 1l lll roi s si large qu il ne manque pas de poser dembarrassants problegravemes l IIld hode Placeacutee dans un environnement aussi eacutetendu d interrogations 1 dc probleacutematiques l introduction de la litteacuterature dans l apprentissage l II ll e langue eacutetrangegravere ex ige par-del agrave les difficulteacutes proprement lingui sshyIIIJl ICS des reacuteductions draconiennes Il est frappant de constater par l Illple combien sa preacutesence dans les propositions did actiques reacutecentes I i egrave ll marquent la leacutegitimiteacute renouveleacutee est pour ainsi dire lateacuterale et 1 lI lirccte on s attache au paratexte - les seuils romanesques les cou vershyIlIl lS et laquo qu atriegraveme de couverture raquo les titres et la mise en scegravene du l middot xI e - aux incipit et aux desinit agrave des exercices de litteacuterarisation du t1 icours ordinaire ou agrave l inverse de laquo deacutelitteacuterari sation raquo du texte (agrave partir I II gacircteau de noces de Madame Bovary par exemple reconstituer la fi che I l cui sine la recette la quecircte des ingreacutedients la reacutealisation la conso mshymlli on etc) Bref on se tient prudemment sur le bord de la litteacuterature t1 IIIS une chaicircne de propositions qui restent pour lessentiel initiatiques4

middot1 Cf louvrage de J-P Goldenstein Entreacutees en litteacuterl LU re Paris Hachette co ll I (l lo [orm~ tio n raquo 1990

lx 1111 alltre Illode de pnScIlCl dll lilllrairc phl~ Illdll( ( 1 l lit IIlt PII( ( llIil

est implicite est celui que propose ln peacutedagogie dl 11 nllllvil cl ses prolongements actuels dans les simulations globales lJlali()1 dun univers fictif invention de rocircles et production de discours croiseacutes attashychement agrave la poeacuteticiteacute du mot et agrave ses potentialiteacutes narratives au seacuterieux de limaginaire et agrave la dimension de gratuiteacute de la langue La peacutedagogie deacute la creacuteativiteacute se preacutesente ainsi dans une perspective de production langagiegravere comme une propeacutedeutique agrave lusage litteacuteraire du langage Sa source dinspiration essentielle lOulipo latteste suffisamment

Agrave leacutecart de ces diffeacuterentes propositions meacutethodologiques la seacutemioshytique sinteacuteressant aux conditions de saisie de la signification a mi s le texte et ses structures organisatrices au centre de ses investigations En opeacuterant une sorte de laquo nettoyage de la situation verbale raquo pour reprendre une expression de Paul Valeacutery5 les seacutemioticiens de la litteacuterature ont accueilli avec reacuteserve et mecircme suspicion tous les termes leacutegueacutes par la tradition litteacuteraire solidifieacutes par lusage et les opinions qui les avaie nt faccedilonneacutes filtrant impeacuterativement notre accegraves agrave la tex tualiteacute personnages atmosphegravere sentiment description et reacutecit genres et styles deacutecriture En rejetant au moins provisoirement ces notions de la pratique descriptive il s ont ainsi voulu faire place nette pour sassurer sinon dune certaine naiumlveteacute du regard du moins dune suspension meacutethodique du jugement Les concepts analytiques quils ont alors proposeacute senracinaient en amont de la laquo litteacuterature raquo dans une theacuteorie geacuteneacuterale du langage Non sans diffishyculteacutes ces nouveaux instruments de description devaient s interdeacutefinir shomologuer entrer dans une hieacuterarchie rai sonneacutee et eacuteventuellement retrouver sous un eacuteclairage renouveleacute des probleacutematiques anciennes auxquelles elles garantissaient dans un champ de pertinence clairement eacute tabli un minimum de fiabiliteacute descriptive

On peut reacutesumer succinctement sa deacutemarche en disant que la semioshytique a privileacutegieacute trois dimensions qui pour necirctre pas propres au texte litteacuteraire s y articulent cependant de maniegravere speacutecifique Dans leur composition se deacutefinit pour une part lusage litteacute raire de la langue la dimension narrative la dime nsion passionnelle et la dimension figurative On peut aiseacutement reconnaicirctre ces trois dimensions conjugueacutees dans le texte de M Proust que n~)Us citons ici relatant l expeacuterience vive de la lecture par le narrateur dA la recherche du temps perdu

Apregraves cette croyance centrale qui pendant ma lecture exeacutecutait dincessan ts mouvements du dedans au dehors vers la deacutecouverte de la veacuteriteacute venaient les eacutemotions que me donnait laction agrave laquelle je prenais part car ces apregraves-midi-lagrave eacutetaient plus remplis d eacuteveacutenements dramatiques que ne lest souvent toute une vie Ceacutetaient les eacuteveacutenements qui survenaient dans le livre que je lisais il est vrai que les personnages quils affectaient neacutetaient pas

5 P Valeacutery Œuvres l Paris Gallimard coll laquo La Pleacuteiaderaquo (eacuted 1957) il laquo Poeacutesie et penseacutee abstra ile raquo p 1316

liI 111111111 tll 1- 1I 11 h ll llI St Mlis lous les sClllillH IlIS quc IIOUS rOll l IIH IVII 11 il llt (III lilirolllllll d lill pnsollllagt r6cl nc st produiscllt en 1111 1111 111 lIlltlTlllldiain d unt illlagc dc ce LLe joie ou de teLLe inforshy11111( IIII )lmiddotlliosileacute du premier IOmantin consista agrave comprendre que dans l ljlp lr t i 1 dt Il US eacutemotions l image eacutetant le seu l eacuteleacutement essentiel la simplishy111 llillll qui cO ll sisterai t 1 supprimer purement et simplement les personshyIl lglS reacutecls scrait Ull perfectionnement deacutecisif Un ecirctre reacuteel si profondeacutement qlll Il()US sympathisions avec lui pour une grande part est perccedilu par nos -1 li S ce~ t -agrave -dire nous reste opaque offre un poids mort que notre sensibishy111 6 Ile peut soulever Qu un malheur le frappe ce nest quen une petite Il Il 1ie de la notion totale que nous avons de lui que nous pourrons en ecirctre (1IIIIS bien plus ce nest qu en une partie de la notion totale quil a de soi Iuil pourra jecirctre lui-mecircme La trouvaille du romancier a eacuteteacute davoir l ideacutee 1il- remplacer ces parties impeacuteneacutetrables agrave lacircme par une quan titeacute eacutegale de plIlies immateacuterielles cest-agrave-dire que notre acircme peut sassimiler (luimporte degraves lors que les actions les eacutemotions de ces ecirctres dun nouveau 1cme nous apparaissent comme vraies puisque nous les avons faites nocirctres Iliii sque cest en nous quelles se produisent quelles tiennent sous leur d0pcndance tandis que nous tournons fieacutevreusement les pages du li vre la rapiditeacute de notre respiration et l intensiteacute de notre regard Et une fois que k romancier nous a mis dans cet eacutetat ougrave comme dans tous les eacutetats pureshyIlll nt inteacuterieurs toute eacutemotion est deacutecupleacutee ougrave son livre va nous troubler il LI faccedilon dun recircve mais dun recircve plus clair que ceux que nous avons en limant ct dont le souvenir durera davantage alors voici quil deacutechaicircne en 110lS pendant une heure tous les bonheurs et tous les malheurs possibles d()nt ll OLIS meLLrions dans la vie des anneacutees agrave connaicirctre quelques-uns e t do nt les plus intenses ne nous seraient jamais reacuteveacuteleacutes parce que la lenteur avec Idquelle ils sc produisen t nous en ocircte la perception (ainsi notre cccur lbange dans la vie et c est la pire douleur mais nous ne la connaissons quc dans la lecture en imaginati on dans la reacutealiteacute il change comme cerl ains pheacutenomegravenes de la nature se produisent assez lentement pour que si nous pouvons constater successivement chacun de ses eacutetats diffeacuterents en revanche la sensation mecircme du changement nous soit eacutepargneacutee)6

1 ( lexte deacuteploie de m aniegravere extrecircmement fine les conditions de la paltishy1 111 li ol1 eacute motionnelle du lecteur agrave lunivers du reacutecit On ne saurait bien 1 Iltll d u en proposer ici une analyse deacutetailleacutee Disons seulement quil 1I h lil plusieurs seacuteries de correacutelations correacutelation tout dabord entre la 111 ifiuml cation sensible de lexpeacuterience perceptive et la signification eacutegaleshy

11 11 11 1 sens ible de lexpeacuterience di scursive agrave travers la lecture (que marquent l Llppos itions entre le dehors et le dedans les personnages reacutee ls e t les Ill sOlmages de roman la veacuteriteacute reacutefeacuterentie lle e t la veacuteriteacute de la lecture ltliii sion o nirique et l illusion romanesque le tempo de la reacutealiteacute et le l IllpO romanesque) Correacutelation ensuite entre une theacuteorie de la creacuteation 1III ITaire (ltlt lingeacuteniositeacute du premier romancier raquo) e t une theacuteorie de la 1I IIIIC toutes deux deacutefinies par le rocircle central des images les simulacres

( M Proust Agrave la recherche du temps perdu COlILbray Paris Gallimard coll laquo La Pleacuteiade raquo

1 pp 84-86

I(I

1111I1I1I ( IIcirc l b qUI Ilt11 CUIIillll1CIII pas IlIOill h Il 1 lll r dj ~ li l lll ~ Iv LI fcprCshysllIlatioll selliblc COT(laliun enliumlll enlre deux IInivI l d tl1 yIIIIT cl de veacuteriteacute celle de la quecircte de veacuteriteacute qui est lobjet 1l12tlll Iv LI (tlnmiddotte et celle de la veacuteriteacute que fait eacuteprou ver au corps propre dalls l acle de lecture le mouvement irreacutepressible des eacutemotions (ltlt rapiditeacute de la respiration raquo laquo intensiteacute du regard raquo)

Sous-jacentes agrave ces diffeacuterents parcours de la signification les trois dimensions - narrative passionnelle figurative - de lanalyse seacutemiotique sassocient dans lexpeacuterience mecircme de la lecture et la conditionnent On en retrouve aiseacutement les marques laquo laction agrave laquelle je prenais part raquo laquo les eacuteveacutenements dramatiques raquo laquo les personnages raquo les changements deacutetats etc eacutetablissent le socle narratif de lexpeacuterience laquo les eacutemotions raquo laquo les sentiments que nous font eacuteprouver la joie ou linfortune raquo laquo leacutemoshytion deacutecupleacutee raquo laquo les bonheurs et les malheurs raquo etc deacutecrivent les variashytions deacutetats du lecteur et expriment la dimension passionnelle la meacutediation des laquo images raquo la seacutelection des traits que sont les laquo parties immateacuterielles raquo impeacuteneacutetrables agrave lexpeacuterience totale le temps et le tempo des expeacuteriences confronteacutees signalent lessentielle preacutesence figurative des repreacutesentations

Afin de preacuteciser le statut de ces dimensions on peut en quelques mots les situer les unes par rapport aux autres dans lapproche seacutemiotique La dimension narrative en premier lieu est de loin la plus solidement eacutetablie Elle consiste agrave mettre agrave nu les structures organisatrices de notre intuition narrative transformeacutee en ces laquo ecirctres de papier raquo que sont les personnages sujets de deacutesir ou de crainte acqueacuterant des compeacutetences agissant luttant eacutechouant ou remportant des victoires Des organisations preacutedicatives dun type palticulier sous-tendent leurs parcours les stlllctures actantielles se deacutefinissent par une composition modale (vouloir devoir savoir pouvoir ecirctre ou faire) qui commande la transformation de la relation entre les sujets et les objets de valeurs (acquisition eacutechange privation etc) Les structures se deacuteploient en seacutequences que lhistoire culturelle celle des reacutecits a figeacutees dans notre imaginaire narratif sous des formes canoniques (du contrat initial agrave la sanction finale reacutecompense du heacuteros et punition du traicirctre dans les contes populaires) Le premier grand roman de la litteacuterashyture franccedilaise Perceval ou le conte du Graal illustre de maniegravere exemshyplaire une telle trame Cette dimension narrative enrichie et complexifieacutee a donneacute lieu depuis longtemps agrave de nombreuses applications didactiques efficaces mais parfois exageacutereacutement simplificatrices (le scheacutema narratif de la quecircte par exemple)

Car les structures de laction neacutepuisent pas loin de lagrave lorganisation discurs ive du sens Et la litteacuterature ne se contente pas de mettre en discours des faits et des gestes Le reacutecit montre de maniegravere robuste parce que systeacutematisable comment se transforment les laquo eacutetats de choses raquo passage de la pauvreteacute agrave la richesse de la jouissance agrave la privation les objets circulent seacutechangent se perdent Mais quen est-il du sujet qui continue agrave ecirctre qui persiste et module ses eacutetats propres ses laquo eacutetats

~ 1

1 1111 n IlI V( I LI e ll II hll1 dvi vakllrs deacutesiLlhles lli redoulables 1111 1 jlIlSI n S IIlIl Il v()llIl lai ssL dls (lslcs SOII S (ormc de laquo regret raquo ou de

Ill Il g il liIlIIHISiihil 1LlISillioll d un objet de deacutesir renforce au fil I I Ilh iIICk s nllcolllreacutes le vouloir du sujet et cest laquo lobstinationraquo les 0111 virluels grandi ssent au fil des acquisitions partielles dilatant lecirctre )lllid du sujet cest laquo lambition raquo Cette profusion de simulacres que lll plll IL sujet passionneacute en avant de lui-mecircme analysables dans la 111IIIl ougrave il s forment des objets dans le discours que la langue nomme 1 f III)illlise a conduit la seacutemiotique agrave leacutetude de cette dimension relatishy 1 1111111 autonome qui est celle des passions Or la litteacuterature est de toutes Il lonllcs du discours social celle qui dans nos cultures fixe isole et dlllis t des identiteacutes des types et des parcours passionnels Il y a lagrave un

lll domaine de recherches pour la didactique des langues - maternelle 1 tI I lllgegraveres - notamment en ce qui concerne la comparaison intercultushy Il dcs figures et configurations du sensible

1( sensible nous conduit agrave la troisiegraveme dimension la figurativiteacute La Illl liumllllIre est au deacutepart un discours figuratif il repreacutesente il eacutetablit lors dl 11 lecture un rapport immeacutediat une ressemblance une correspondance JlI( les rigures seacutemantiques qui deacutefilent sous les yeux du lecteur et celles IIlonde quil eacuteprouve sans relacircche dans son expeacuterience sensible au 1 1111 d entrer en concurrence avec elles (ce que deacuteveloppe le texte de 1 I1SI) Cest la mIcircmesis Cette dimension sinteacuteresse agrave la maniegravere dont

IIl scrit le sensible dans le langage et le discours cest-agrave-dire agrave la vision 1 11 pnception agrave toutes les formes de la sensorialiteacute Cette dimension 111 lllative de la signification la plus superficielle celle de limmeacutediat 1 lS au sens est tisseacutee dans le texte en isotopies et recouvre de toute sa oIll l- l ~ miroitante dimages les autres dimensions plus abstraites et plus 1 il Irlllldes Elle donne au lecteur comme au spectateur dun tableau ou 1 1111 liumllm le monde agrave voir agrave sentir agrave eacuteprouver La praxis culturelle qui 111111( forme agrave lusage fixe alors lordre de veacuteriteacute toute relative du figushyr il ii r dans des laquo poeacutetiquesraquo particuliegraveres et conventionnelles ce sont par r ( Illple lalleacutegorisme le reacutealisme le symbolisme le surreacutealisme etc l voies figuratives du sens sont agrave explorer particuliegraverement dans la 1111 111 c ougrave elles reacutegissent les grandes codifications estheacutetiques du texte Itlil lire et plus preacuteciseacutement les diffeacuterents modes de participation et dadshyl io 1 dans la lecture

()n peut se repreacutesenter la figurativiteacute comme lavant-scegravene du sens ll1me la faccedilade la plus concregravete du discours lorsque agrave lopposeacute du 1 r Iuurs abstrait et de ses formes de rationaliteacute surgissent dans la langue l images de lexpeacuterience sensible du monde Dans une premiegravere accepshy111111 linguistique de ce terme strictement structuraliste on consideacuterait que 11 1igurativiteacute dun texte se deacutegageait de la reacutecurrence de traits seacutemanshyIlPICS qui fileacutes et noueacutes dans le tissu textuel provoquent limpression 1( leacutequation du sens agrave la reacutealiteacute veacutecue Cette deacutefinition postule donc une cspondance entre les figures du plan de lexpression du monde Il illircl lexpeacuterience sensible en elle-mecircme signifiante et les figures du

l U 1

I hlll tlii 1111111 111 11111 1111111 (vLlhtI VI~Il1 1111 lllll l Il)IIII S S0l11

1t jlll yI 111 Il111( dl sigllifiLalio)l slable k 11[1111lt splliaks kllll(IIclleS persollllelle) cl autres Dans lexeJllpk 111(11 1()1l111l de la gr 1III Ilaire geacuteneacuterati vc laquo Les ideacutees vertes inc()lor~s dOJJlI(lll furieuse - ment raquo cest bien cette correspondance qui ne se reacutealise pas 1

Or si nous pouvons spontaneacutement nous accorder pour dire quon ne se figure rien de coheacuterent agrave la lecture dun tel eacutenonceacute du fait de lincompashytibiliteacute entre ses diffeacuterents traits figuratifs et de limpossibiliteacute de stabiliser une isotopie de lecture en revanche il est tout agrave fait possible de deacutecoushyvrir en sollicitant un liant theacutematique agrave un niveau plus abstrait une signishyfication acceptable et partageable Si les laquo ideacutees raquo sont la meacutetonymie dune fOlmation politique (comme on dit laquo les ideacutees de gauche raquo) alors le mot laquo ideacutees raquo entraicircne avec lui une isotopie theacutematique quon peut qualifier de laquo politique raquo et tout senchaicircne vertes (eacutecologiques) incoshylores (ni de droite ni de gauche) dorment (sont exclues de la communishycation publique) furieusement (motif dune intense colegravere) Voici que par le deacutetour dune lecture theacutematique nous avons redonneacute agrave cet eacutenonceacute laquo absurderaquo une coheacuterence figurative creacutedible Bien sucircr on peut accepter ou non croire ou ne pas croire

Mais cet exemple a le meacuterite dattirer lattention sur le problegraveme que pose dans la deacutefinition structurale de la figurativiteacute le terme laquo corresshypondance raquo Il laisse entendre proche en cela dune conception lexicale du langage lexistence dun lien de repreacutesentation univoque meacutecanique et neacutecessaire entre des formes fixes entre le mot et le monde Or on doit bien reconnaicirctre quentre les figures du langage et celles de la perception il y a comme un flou un bougeacute que semble gommer le structuralisme statique La correspondance varie tout se passe comme sil y avait plutocirct deux instabiliteacutes deux imperfections qui vont agrave la rencontre lune de lautre chargeacutees denjeux et de potentialiteacutes divergentes qui tentent dans la communication leur chance dune reacuteunion En y regardant de plus pregraves on peut donc consideacuterer que la correspondance reacutepond agrave la grille cultushyrelle qui lui est appliqueacutee rendant possible au prix de conventions contraishygnantes mais provisoires consistantes mais preacutecaires la lisibiliteacute figurative

Sous le figuratif il y a donc le croire il Y a comme on dit en seacutemioshytique un laquo contrat de veacuteridiction raquo une relation fiduciaire de confiance et de croyance implicite entre les partenaires de la communication qui speacutecifie les conditions de la correspondance un croire partageable et partageacute au sein des communauteacutes linguistiques et culturelles qui fixe l hashybilitation des valeurs figuratives et eacutenonce leur mode de circulation et de validiteacute Cest ce contrat qui theacutematise la figurativiteacute du discours et engendre diffeacuterents reacutegimes de persuasion et dadheacutesion le vraisemblable et la fiction le reacuteel et le fantastique le repreacutesentable et labsurde les effets de laquo reacutealiteacute raquo de laquo sur-reacutealiteacuteraquo ou laquo dir-reacutealiteacute raquo Ainsi seacutetablit le lien avec les preacuteoccupations intersubjectives de la rheacutetorique On peut dire que la litteacuterature est par excellence le domaine du discours ougrave sex-

H

111 11111111 I ~ VII jlttl illll lilt 1111middot (11 1Ip(llldlIlltI 01 11Ilinlcllalll de Cl 1 gt1111 11 (1111111 lIIIIII d IIII 1tlilllli1ill qui repoe sur le deacuteroulement 111111 PII(It- 1I1I1lliVl (dl pamle confirme interroge ou deacutenonce sans 11II II Il~ Cl1I1Vllltions qudie a eacutetahlies Comme un film tendu entre la 11 11111 l lt1 l lX peacutericllcc scnsible la figurativiteacute devient selon la deacutefinition lj ll Il 1 proposeacute A J Greimas dans De [Imperfection laquo cet eacutecran du lIII III( dont la vertu consiste agrave entrouvrir agrave laisser entrevoir gracircce ou agrave III d( 0 11 impcrfection comme une possibiliteacute doutre-sens raquo7

1 1111 Slns et outre-sens dans le jeu des croyances stabiliseacutees illusoires II I 11 l lllai nes depuis la certitude reacutefeacuterentielle jusquagrave leacuteblouissement 1 111l11IIIC dune laquo vision raquo inattendue une des proprieacuteteacutes de la litteacuterature 1 1 ri reacutev iser sans cesse le contrat de veacuteridiction figurative remettant

111 1 l(lIIOL1fS en question les fOffiles du laquo comprendre raquo8 On peut alors 1 1ltIl l base tenter desquisser une petite typologie des voies contrac-

IIJI Il de la signification figurative telles que nous les suggegraverent quelques 1 Il111 litteacuteraires ouvrant ainsi des perspectives meacutethodologiques agrave la jl l Il it III dcs textes

l II prcnant donc appui sur cette modaliteacute implicite mais centrale du 1 li II l cie ses variations qui fonde le reacutegime dadheacutesion du lecteur agrave ce 1IIi d 1il on peut distinguer quatre grandes voies pour la lecture des textes lill IIIILS Opposables lune agrave lautre ces quatre positions se deacutefinissent 111 Il slatut diffeacuterencieacute du sujet lecteur et interpregravete quimpliquent et que 1 IIillIlicnt les classes de textes figuratifs ainsi constitueacutees On les 1 lllll(ra ces positions le laquo croire assumeacute raquo le laquo croire reacutecuseacute raquo le

( )tIl l critiqueraquo et le laquo croire en crise raquo

1 01 prcmiegravere voie la plus scolariseacutee en lecture litteacuteraire peut donc ecirctre Ij 1 JI Ilt- l laquo le croire assumeacute raquo Les effets figuratifs sont responsables de nos

111 11 Il ions reacutefeacuterentielles et nous nous y abandonnons volontiers en Il 1111 lecture naiumlve Le lecteur du roman sabsorbe dans une sorte de 1 11 II seconde il se laisse conduire en confiance il agit et il pacirctit avec 11 ltlsonnages il veut la suite et se hacircte vers la fin il consent agrave adheacuterer l hallucination momentaneacutee et en y croyant il sy croit Il traverse

Ill lIIllll leacutecrit Paul Valeacutery laquo une sorte de crise de la creacuteduliteacute raquo9 Cette l IIIIlliviteacute iconique commande les protocoles douverture des romans dits

1 t istes raquo laquo En 1829 par une jolie matineacutee de printemps un homme

l Greimas De [llIlpefeeion Peacuterigueux Fanlac 1987 p 78 1l eacuteludiants eacutetrangers bons francisants engageacutes dans la leclure du Panagruel de Rabelais

l )) ))(111 dc ne pas comprendre ce li vre Absorbeacutes par le devo ir de compreacutehension qulis l 111))1 ccedilomme une eacutevidence du contrat de lecture il s n aperccediloivent pas que ce sont les deacuterashyl tI Ics eacutechecs de la communication que le roman dans lexplosion des langages met en

li 1lccedilouvrant enfin que Panlagruel ne comprend pas plus queux -mecircmes les discours de l 1 limou sin de Bai secul et Humevesne ou de Panurge le laquo conlrat Fiduciaire se trouve d 1 egraveI ils repre nnent plus confiants leur lecture 1 l Va leacutery laquo Propos sur la poeacutesie raquo in laquo Varieacuteteacutes raquo Œuvres 1 Paris Gallimard coll laquo La 1 1111 p 1374

r1

1 gl d lilvimii l illljll lllll all ~ sillvaii llI v 1I 1111 1Il 111111 II III ll lU gll l II X qUI megravene ~ lIll g ro~ ho urg dll e prls de la (ralldc ( h lilll ll l ( ILdlc 1_( Meacutedecin de campagne) ou encore laquo Dans la pllill l 11 ( ~ ()lI S la Iluit sans eacutetoiles d une obscuriteacute et dune eacutepaisseur d encre un IHlIlllllC sui vait seul la grande route de Marchiennes agrave Montsou di x kilomegravetres de paveacute coupant tout droit agrave travers les champs de betteraves ~) (Zola Germinal) Codes figuratifs aujourd hui useacutes mais non pas deacutecreacutedibi liseacutes espace temps personne le cadre protocolaire est fi xeacute donnant naissance agrave sa suite agrave dinfinies reproduction s litteacuteraires joumalistiques et peacutedagogiques Lorsque le Nouveau Roman brise ce cadre clos et modifie radicalement les formes de l eacutecriture il ne transforme pas pour autant le contrat fidushyciaire de base qui le fonde Claude Simon inaugure ainsi son roman Histoire sans majusc ule par une seacuterie d anaphoriques laquo l une d e lles touchait presque la maison et qu and je travaillais tard dans la nui t ou devant la fenecirctre ouverte je pouvais la vo ir ou du moins ses demiers rameaux raquo En proceacutedant ains i il retarde la croyance attendue espeacutereacutee du lecteur il n en mod ifie pas la structu re

Cette laquo creacuteduliteacute raquo est au cœur de l expeacuterience proustienne de la lecture qui comme on vi ent de le vo ir agrave travers l ex trait de Combray installe la co-preacutesence tendue et presque conflictue ll e entre la reacutealiteacute intensive de la lecture et celle extensive e t relacirccheacutee du monde reacuteel Proust lecteur assume donc cette croyance eacutemotionnelle de maniegravere exemplaire dramati sant mecircme le lien entre la fi gurativiteacute du texte qu il lit et la vi sibiliteacute du monde qu il regarde soudain lorsquil legraveve le yeux de son livre et explicite alors la concurrence des visions laquo qu and je voyais un objet exteacute rieur la conscience que je le voyais restait entre moi et lui le bordait dun mince li sereacute spirituel qui m empecircchait de toucher direc tement sa matiegravere raquo10 Voici donc un premier lec teur ce lui qui assume sa croyance et se fond momentaneacutement en elle

Le second lecteur es t conduit par le tex te agrave ce que j appelle un laquo croire reacutecuseacute raquo La litteacuterature cest Ull des critegraveres qui la deacutefinissent incorpore son code seacutemantique ces t-agrave-dire lensemble des eacuteleacutements situationnels et contextuels qui rendent possible laccomplissement de la lec ture Ainsi le tex te litteacuteraire agrave travers ses mises en scegravenes narratives e t figurati ves peut non seulement donner le monde agrave voir mais eacutegalement les usages litteacuteshyraires de la langue qui en ont codif ieacute la perception Il en est ainsi par exemple des scheacutemas discursifs agrave travers lesquels la repreacutesentation litteacuteshyraire sest figeacutee et qu un renversement iro nique vient perturber ou reacutecuser Le texte fa it a lors surgir un autre ordre de croyance fond eacute sur la deacutenonciation des croyances acquises et partant une nouvelle deacutefini tion de lacte de lecture Le type mecircme en serait la ceacutelegravebre ouverture provocatrice de Jacques le Fataliste de Diderot laquo Comment s eacutetaient-ils renconlreacutes

10 M Proust Du cocircteacute de chez Swanl l laquo Combray Paris Ga llimard coll laquo La Pleacuteiade n T l p 84

X

1 11 Il 1 1111 ll IIIJIIL I(lUI k Illonde COlllllle lll s appelaicIlt- ii s ) Que vous IlliI II II 1) () l vC ll a i v Jlt - il ~ ) Du lieu le plus prochain Ougrave allaient-ils 1 (( [ lJ( 1 011 sa it Oll lon va raquo Ou encore exemple plus proche de l i I HI~ l inc ipit dcs Flturs bleues de Raymond Queneau laquo Le vingt-c inq 11(t lllbrc douze cent soixante-quatre au petit jour le duc d Auge se

11 11 11 sur le som met de son donjon pour y consideacuterer un tantinet soit lI Il la s ituation historique raquo Ces deux exemples ont en commun de IIII C I le langage lui-mecircme et ses protocoles fi guratifs au centre du l II)IIS Ils condui sent le lecteur agrave se deacutetacher de la viseacutee reacutefeacuterentielle lli 111 ln deacutecouvrir une autre ce lle des formes litteacuteraires engendreacutees par 1 Il lgl Ils imposent au lecteur un reacutefeacuterent interne convoqueacute par ironisashy111111 O n pourrait dans cette perspective eacutetudie r les variations de l ironie 01 01 11 la litteacuterature moyen d exhibition et de renversement des codes 1Il lIll iques et discursifs que la praxis eacutenonciative a stabiliseacutes configushy

1 1111 Iinsi les seacutedimentations qui deacutefini ssent l usage et les habitudes y 1 1I 1111 )J is celles de la lectu re

fVCC la troisiegraveme positi on celle du laquo croire crttIque raquo tout change 1 1 IGstatut de la f igurativiteacute e lle-mecircme qui se trouve alors modifieacute Elle _i I lslnte ici avec un double fond les impress ions de veacuteriteacute premiegraveres lii iiient iconiques se deacuterobent et un autre ordre de veacuteriteacute - ou de IY lIlegravee - sy superpose apparaissant agrave travers leurs manifes tations iil l llllS Lagrave se silue ce qu on appelle parfois le laquo raisonnement fi guratif raquo

iI dl d une efficaciteacute veacuteridictoire ou persuasive qui lui est propre Agrave la Iltll llcnce de la rati onaliteacute cognitive class ique qui procegravede par deacutedu ctions ~ Il li ivant des combin aisons log iques (comme les laquo cause conseacuteshyIpll llce raquo) cette forme de rationaliteacute procegravede par analogie Les assoc iashyIl S de fi gures et d images n eacutepuisent pas leur significati on dans la seule Il) IIiOIt ion e lles engendrent des laquo ideacutees raquo La preacutesence figurati ve qui l l ll l it les images du monde sous les sens laquo eacutecran du paraicirctre raquo se 1 l ve alors porteuse d effets de sens et de repreacutesentations d un autre Ii Il l theacutematique ou abstrait

( - t le cas de l alleacutegorie qui habille les abstracti ons de repreacutesentations 111lI rati ves c t les integravegre ains i conformeacutement agrave une codi fication preacutec ise 11 11 l usage a reacutegleacutee agrave luni vers sensible On peut songer ainsi agrave l uniteacute Hili ante du monde qui associe lintelligible et le sensible notamment

1 1 1 le moyen de lalleacutegorie dans la penseacutee du Moyen Acircge E t cest IlI vt nt un parcours seacutemantique inverse le cas du sy mbole qui tra verse

111 11 liuml gurati on premiegravere pour eacuteriger la signification sensible en signifieashyI III II~ d un autre ordre le lec teur nest plus seulement inviteacute agrave voir la 11 1c il es t conduit agrave linterp reacuteter et agrave la transcender (ltlt La nature es t un l IlI pk ougrave de vivants pili erslaissent parfois sortir de confu ses paroles raquo) l lt encore la situation particuliegravere agravee la parabole qui en deacuteroulant le Il 1It figurati f d actions de la vie quotidienne (semailles etc) transforme 1ltveacute llement raconteacute en interrogati on suspendue agrave la reacuteponse du lecteur III responsabilise ai nsi leacutenonciataire devenu source du sens Il est en 1k t inviteacute agrave construire par lui-mecircme une signi fication autre sur une

middot H

iSOlopil laquo spirillltllt- par CXIllIph laquoIll ccllt middot JIll h dlllI ul 11 11 111 11)lIrllil agrave lui seul la issait pelccvoir

L analy se litteacuteraire et les laquo lectures raquo que la cri li que propose Ill procegraveshydent pas autrement par une sorte de reacuteduction du figuratif le lecleurshyinterpregravete deacutecouvre des repreacutesentations seacutemantiques d un autre degreacute plus laquo profondes raquo ou plus laquo abstraites raquo Le lieu dadheacutesion de la lecture s est deacuteplaceacute il est passeacute de lillusion reacutefeacuterentielle agrave lillusion interpreacutetative On pourrait en donner pour exemple cette architecture si particuliegravere du gacircteau de noces d Emma Bovary la piegravece monteacutee laquo qui fit pousser des cris raquo aux convives laquo Agrave la base d abord ceacutetait un carreacute de carton bleu figurant un temple avec portiques colonnades et statuettes de stuc tout autour dans des niches constelleacutees deacutetoiles en papier doreacute puis se tenait au second eacutetage un donjon en gacircteau de Savoie entoureacute de menues fortishyfications en angeacutelique amandes raisins secs quartiers doranges et enfin sur la plate-forme supeacuterieure qui eacutetait une prairie verte ougrave il y avait des rochers avec des lacs de confiture et des bateaux en eacutecales de noisettes on voyait un petit Amour se balanccedilant agrave une escarpolette de chocolat [ ) raquo La piegravece monteacutee est sous les yeux et pourtant son archishylecture et les motifs figuratifs quelle dispose suggegraverent une autre deacutefinishytion quon pourrait dire laquo civilisationnelle raquo non pas seulement celle socio-historique dune repreacutesentation des noces bourgeoises au XIxe siegravecle mais plus abstraitement (symboliquement) celle dune condensation culturelle Envisageacutes dans leur dimension diachronique conformeacutement au deacuteroulement du texte lui-mecircme les diffeacuterents espaces de la piegravece monteacutee constitueraient un motif fonneacute agrave l eacutepoque romantique qui fait ainsi se succeacuteder trois grands acircges de la culture lAntiquiteacute greacuteco-romaine (le temple) le Moyen Acircge (le donjon) et le Romantlsme lui-mecircme (lAmour sur son escarpolette en chocolat) appelant ainsi la deacuterision ironique du steacutereacuteotype Mais ce motif peut eacutegaleme nt ecirctre compris comme une structure synchronique qui reproduirait dan s les figures que montre le gacircteau les trois grandes fonctions de souveraineteacute que G Dumeacutezil a reconnues bien plus tard comme structure permanente speacutecifique aux relig ions et aux cultures indo-europeacuteennes la fonction magique et religieuse (le temple) la fonction guerriegravere (le donjon) la fon ction de reproduction et de feacuteconditeacute (lAmour) La piegravece monteacutee d Emma devient alors un condenseacute dideacuteologie un gacircteau laquo indo-euroshypeacuteen raquo une sorte de parabole On peut y croire cela relegraveve de la responsabiliteacute critique du lecteur

Nous arrivons au quatriegraveme mode de saisie figurative enfin le laquo croire en crise raquo Voici que le texte interroge au cœur de la langue les figures elles-mecircmes eacuteprouve leur reacutesistance met en doute la croyance qui fonde le partage seacutemantique La figurativiteacute deacutesonnais incertaine du langage rejoint et questionne la vision qui la fonde ou plus largement la communauteacute des perceptions qui motive preacuteciseacutement lefficaciteacute figurative Ainsi commence LInnommable de Samuel Beckett laquo Ougrave maintenant Quand maintenant Qui maintenant Sans me le demander Dire je Sans le penser Appeler ccedila

Ir

dr middotbull qlllt ~ IIIII d IIYI(lillli I middot 1111 dc l Il VIIII i llI)(II ( 1 tllt l 111( ici ( 1

ho 1 lvIIII N l illS ~ (l IIIIII( I(li 1 pl (~(1I1 Iv Li vlsihililt cOllliumlall[c de la Il11 111 il Iq1I1al iVl 01 IllllIll til l dlieacit( illterpr( tali ve lous ces modes d l Ii vlridiltio ll SOli d6sonnai s mis en question Quand Henri Michaux I l Id d1I1S laquo Intervention raquo un des textes de La nuit remue laquo Autrefois 1 ilV lis Irop le respect de la nature Je me mettais devant les choses et les 11 Y lgcs ct je es laissais faire raquo il exprime cette confiance consentante III IIIS deacutejagrave suspecte du croire assumeacute charriant avec les figures des

IIlISCS raquo et des laquo paysages raquo les acteurs les actions et les valeurs quenshy1 1111 Icur programmation narrative Il poursuit laquo Fini maintenant jintershy Il 1lltlra i Jeacutetais donc agrave Honfleur et je my ennuyais Alors reacutesolument jy 1111 du chameau raquo Cette figure nouvelle et incompatible avec le contexte I II II Lllif et axiologique (la grille culturelle) va se disseacuteminer dans la ville 11 Il ansfonner l ordre des valeurs laquo lintervenant raquo force le passage des 1il IIns et du mecircme coup en force le partage imposant un nouvel ordre de llllllunication inquiegravete laquo On commenccedilait agrave voir les Honfleurais loucher ilque instant avec ce regard soupccedilonneux si speacutecial aux chameliers raquo

Iles exemples comme ceux-ci abondent et non seulement dans les l Is contemporains Mais la scolarisation de la litteacuterature qui se fonde III k croire assumeacute tend agrave les occulter On peut penser agrave tel ou tel conte l Maupassant comme laquo La Nuit raquo qui repose ainsi sur une deacutegrada tion d LI figurativiteacute Le narrateur laquo aime la nuit avec passion raquo Un soir il 1 lII court Paris mais voici que peu agrave peu les lumiegraveres organisatrices de la 1lliliumlcation noctl1me (clarteacute vs obscuriteacute) sestompent et disparaissent 1Il sant la place agrave un monde noir et indiffeacuterencieacute cauchemar qui sachegraveve LIIS les eaux boueuses du fleuve Or et cest cela qui est remarquable d III S ce reacutecit agrave lextinction figurative du sensible sur le plan du contenu ll Il[ correspondre sur le plan de lexpression un effondrement figuratif ( Ill sens rheacutetorique du tenne cette fois) du discours tous les proceacutedeacutes 111 loriques images comparaisons meacutetaphores antithegraveses qui eacutetaient IIIltlbondantes au deacutebut du reacutecit disparaissent progressivement de leacutecri shy

11IIC On assiste ainsi parallegravelement agrave celle de lillusion figurative agrave une 11 location du langage qui en promouvait les impressions cest la fiabishy1ll sensible de la langue elle-mecircme qui est deacutegradeacutee

Au terme de ces modulations du croire saisies agrave grands traits agrave travers 11 ligurativiteacute du discours je voudrais en concluant en venir aux ou vershyI lli e s didactiques quune telle typologie peut suggeacuterer

On peut souligner tout dabord le lien avec la perspective rheacutetorique l Il ouveeacutee initialement introduite Le texte est envisageacute dans la perspecshyli ve du lecteur appreacutehendeacute du point de vue de laquo lauditoire raquo et lanalyse 1 centreacutee sur l action quil exerce la varieacuteteacute des formes de ladheacutesion 1 l modaliteacutes de la croyance dans la lecture Cest donc bien une fonne 1 efficaciteacute persuasive qui commande la deacutemarche proposeacutee On peut ()Ilsideacuterer ensuite que ces diffeacuterents croire peuvent nous orienter vers une hi sloire culturelle des formes de la lecture (dans lunivers au moins des lx tes romanesques franccedilais) Elle montre par exemple que lillusion

~ H

r(ilisL ou illu-ioll n knlltilllc Ilest qllUIII dC i VII i l I lII I III dillltllS dl la lecture efficace ct invite il eacutelargir lillterr()gati~lIl 111 l f 1111 1 ~ II IllIvre culturelles du croire critique ou du croire en crise 1 )11111 llItll Illaniegravere les attitudes de lecture proposeacutees peuvent correspondre i des laquo iIcircges raquo de la lecture Aussi approfondie et argumenteacutee quelle soit l expeacuterience de la lecture deacutecrite par Proust est celle dun adolescent comme abandonneacute agrave lefficaciteacute figurative du texte substituant agrave lexpeacuterience reacuteelle ou agrave lexshypeacuterience critique une expeacuterience imaginaire veacutecue Attitude assez compashyrable au fond agrave celle dEmma Bovary grande lectrice de romans La confrontation avec le langage quimpose la lecture de H Michaux par exemple est de nature bien diffeacuterente Enfin ces attitudes eacutemotionnelles et cognitives du lecteur induites par les textes eux-mecircmes peuvent suggeacuterer des pratiques peacutedagogiques speacutecifiques Le laquo plaisir du texteraquo peut ecirctre assimileacute au croire assumeacute et suggeacuterer des pratiques peacutedagogiques qui visent agrave le faire partager Cest ce que proposent entre autres les nouveaux programmes du collegravege lorsquils promeuvent la lecture cursive forme la plus ordinaire de la lecture agrave la fois libre creacuteative et communishycable En revanche le croire reacutecuseacute conduirait plutocirct agrave une lecture reacuteflexive centreacutee sur la reacutealiteacute geacuteneacuterique des textes leur appartenance agrave des genres dont ils eacutebranlent les codes et transgressent les normes implishycites Le croire critique quant agrave lui conduirait davantage vers une lecture analytique fille de la lecture hermeacuteneutique et de lanalyse textuelle chershychant agrave deacutegager sous Je paraicirctre figuratif du sens des trames theacutematiques plus profondes Le croire en crise enfin caracteacuteristique entre autres manishyfestations de formes modernes de notre culture litteacuteraire prend en compte le mateacuteriau langagier lui-mecircme leacutepaisseur de son expression et sa preacutecashyriteacute essentielle Il invite agrave ce quon pourrait appeler une lecture poeacutetique faisant retour sur la fabrique du langage lui-mecircme

Cette derniegravere lecture illustre bien la complexiteacute de la relation entre le texte et son lecteur Relation eacutetroitement reacuteciproque le lecteur en lisant actualise le texte et son sens conformeacutement ou non agrave ses attentes et aux preacutevisions que lui donne sa compeacutetence linguistique et culturelle Mais le texte aussi cherche et creacutee son lecteur il linvente au plus pregraves du langage dans sa substance et dans ses fornles suscitant le doute linshyquieacutetude et la surprise Agrave travers la diversiteacute des modes de croyances quappelle la lecture voici que se rencontrent in verseacutees lexpeacuterience sensible de la langue et lexpeacuterience culturelle du monde

Denis BERTRAND Universiteacute de la Sorbonne Nouvelle-Paris III

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IHII

Il lI l It middot 1I1 1l111111l 11 1111 Lllll e j 1 ) i lll~ MII ( )1 1 (1 1 l(lY ((d ~ ) iI

111(1111 1 pp 1lt 1 n I 1nlhYllllIIIC c l Itx lllalisalilill raquo Dans ll()gJ)I~()N I 1 el 1 l()NJNILLI (I middotds) f lIWI llris 1 lIl1USSl)

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de lUniversiteacute Laval

Page 2: des langues-culturesdenisbertrand.e.d.f.unblog.fr/files/2010/02/lectureetcroyance2ela199… · atmosphère, sentiment, description et récit, genres et styles d'écriture. En rejetant,

LECTURE ET CROYANCE POUR UNE SEacuteMIOTIQUE

DE LA LECTURE LITTEacuteRAIRE

1 (Iumeacute En situant agrave grands traits les eacutevolutions reacutecentes de la recherche liIIliotique et notamment le renouvellement dune reacuteflexion sur les rapports 111111 seacutemiotique et rheacutetorique on se propose dexaminer les diffeacuterents modes l croyance et dadheacutesion du lecteur induits par les formes de leacutecriture litteacuteshyliire Oll distingue ainsi des contrats eacutenonciatifs caracteacuteriseacutes par le croire tIIIlmeacute le croire reacutecuseacute le croire critique et le croire en crise Chacune de ( formes de croyance illustreacutee par des exemples caracteacuteristiques du corpus lillugraveaire suggegravere des orientations didactiques speacutecifiques dans le cadre du Imllccedilais langue eacutetrangegravere

La contribution de la seacutemiotique agrave la reacuteflexion sur la didactique de la litt eacuterature dans le cadre du franccedilais langue eacutetrangegravere doit neacutecessairement prendre en compte la communication cest-agrave-dire non seulement le texte ( ~ structures et ses formes mais la lecture ses attentes ses interrogations 1 1 ses surprises Or la seacutenugraveotique est souvent comprise comme une Iheacuteorie descriptive et explicative centreacutee en vertu de son principe dimshyIllanence sur les seules relations internes au texte ignorant par conseacuteshyIllIcnt la preacutesence et le rocircle du lecteur Mecircme si lon dit de la seacutemiotique qllelle cherche agrave laquo comprendre comment on comprend en lisant ou en Ic rivant raquo on maintient le plus souvent son exercice dans une viseacutee pureshyIllcnt cognitive Il consiste agrave rapporter leacuteveacutenement chaque fois singulier Ihl contact avec un texte agrave des agencements ou des proceacutedures qui inscrishylont ce texte dans un ensemble plus geacuteneacuteral de reacutegulariteacutes fonctionnelles

seacutemantiques nan-atives passionnelles ou culturelles Il nous semble que Its eacutevolutions reacutecentes de la discipline ont quelque peu modifieacute cette tppreacuteciation On cherche moins aujourdhui agrave analyser et agrave rationaliser les dWeacuterents niveaux darticulation de la signification textuelle dont certains 1ilodegraveles sont consideacutereacutes comme des acquis qu agrave serrer leffectuation du sens au plus pregraves de leacutenonciation vivante dans linteraction eacutetroite entre Ic lecteur et le texte bref agrave saisir la parole en acte

Signe de cette perspective nouvelle la seacutemiotique a fait reacutecemment Idour vers la rheacutetorique Cette discipline avait eacuteteacute agrave lorigine eacutecarteacutee

1 Je

Il ulalllille ill p1I 1 (ill illl ~ 111111 - 1111 d( Il li 111 l III 1IHl lt Tlilliqll l loul d bord (la dilllellsi()n juridique de 1 lrgulIllIlIIlIIlIl) 11 dl ( li 1 illlUllIshypatibiliteacute ensuite avec legraves princ ipes dune th60rie Sl I(IIIIIIIIII dl Li signiliumlshycation Ce mouvement de retour vers la rheacutetorique ls I l vrai dire aujourdhui geacuteneacuteral dans les sciences du langage et va jusqu agrave Il ourrir les nouveau x programmes d enseignement du franccedilais au collegravege et au lyceacutee qui sen font clairement l eacutecho dun cocircteacute on fi xe comme objectif au collegravege d assurer la laquo maicirctrise des di scours au service de la formation du citoyen raquo et de lautre on parie pour le lyceacutee de laquo rheacutetorique moderneraquo en liquidant la seacuteparation res tricti ve entre une rheacutetorique des tropes - partie de l elocutio restreinte au x fi gures agrave linventaire de leurs espegraveces et agrave leurs emplois pris en charge par la stylistique - et une rheacutetorique geacuteneacuterale - theacuteorie de largumentation et du discours efficace Cest eacutevidemment dans cette perspective inteacutegreacutee que la seacutemiotique a repris le travail sur la rheacutetorique Il sag it bien en effet aujourd hui den reconsideacuterer les persshypectives et les enjeux avec l eacuteclairage que peuvent lui apporter les di sc ishyplines actuelles du langage la pragmatique lanalyse du discours et la seacutemiotique notamment Cette reacuteflexion renouveleacutee s eacutetablit sur le socle commun ougrave agrave l origine les laquo deuxraquo rheacutetoriques ont eacuteteacute fondeacutees ensemble

Exercice du discours persuasif - ou du fa ire persuasif comme disent les seacutemi oticiens - la rheacutetorique est dabord laquo le lieu de rencontre de lhomme et du di scoursraquo 1 Dun cocircteacute elle est deacutefini e comme laquo le traitement du probleacutematique dans le discours raquo2 s occupant de ce qui nest que probable incertain di scutable de ce qui marque la contingence essentielle de la parole en attente d accord pour se consolider en veacuteriteacute bref de ce qui soumis aux aleacuteas de linterpreacutetation pourrait toujours ecirctre autre Son domaine es t celui de la veacuteriteacute instable et preacutecaire de la parole fragile agrave lopposeacute de celui de la logique qui deacutefinit les conditions de la veacuteriteacute neacutecess ai re et incontestable Et d un autre cocircteacute prolongeant cet espace du discours elle se deacutefinit comme laquo la neacutegociation de la distance entre les sujets raquo3 appelant la prise en compte des eacutenonciateurs monnayant leur adheacutesion et marquant mecircme leur implication sensible et passionnelle dans l interac tion chargeacutee d enjeux que reacutealise toute activiteacute de parol e On le sait agrave paltir dun simple eacutenonceacute descriptif purement deacutenotatif on peut infeacuterer menace ou bien veillance jalousie ou geacuteneacuteros iteacute autant deffets passionnels qui modalisent laquo la mise en ques tion de l autre raquo activant ainsi entre les interlocuteurs te lle ou telle pass ion Lagrave se situe le point de rencontre entre seacutemiotique et rheacutetorique Jaimerais tenter den saisir quelques aspects agrave travers cette interacti on particuliegravere qu est la lec tu re en m interrogeant particuliegraverement sur les modes d adheacutes ion de croyance ou de participation qu induit la lecture des textes litteacuteraires

1 M Meyer laquo lnuod uction raquo agrave la Rheacutetorique dAri stole Paris Le Li vre de poche 4607 1991 p 6 2 Ibid p 38 J Ibid p 52

1

l 1 1111111111 ( dl 11 11111 11111( dIIIS k l (llll lX IL de )1 did ICliqllC d une I II l lit ( 11 J Il) ( SI lIHl c a VIIl( l(lut SIII IJ position cruciale qu elle 1(

il lIi lllllt 1 11l II ~ 1( lt uIi me (eue position es t caracteacuteriseacutee par une Ji ld d( (liumllSioll (lIl~ i () 11 entre litl~ rat ure et mateacuterialiteacute de la langue dune I lil l l 1 I lmiddot IJ~ ioll entre litteacuterature ct formes culturelles de l autre

1 l propre de l eacutecrivain disait R Balthes es t laquo de voir la langue raquo c estshy-l III dl sa isir ensemble le son et le sens la prosodie la syntaxe et les 1(1 )1 voix ct les concepts la convention qui eacuterode la langue dan s la iii gtltll l llIIcteacute de son usage et l innovation qui la rend dans chaque œuvre 111 11 11 lillSi dire naissante presque eacutetrangegravere agrave elle-mecircme C est en ce sens jl l ltn ivain comme le notait G Deleuze agrave la suite de M Proust est celui l 1 rail eacutetranger agrave sa propre langue Du cocircteacute de la culture la litteacuteratu re l f L f eacutenorme reacuteservoir de la meacutemoire collective laboratoire ougrave cette 1Jl I II Il i rl~ seacutelabore agrave travers les mateacuteriau x langagiers dont elle dispose il III VI ougrave elle se fixe et s institue peu agrave peu en reacutefeacuterent culturel tapissant

1 il liumlgures de ses types et de ses configurations sensibles limaginaire 1 11 IlI sibiliteacute collectives Elle est ainsi reconnue comme moyen de transshyi II 1I 11I des contenus mythiques et axiologiques des maniegraveres decirctre et des i llltlegraveS de faire dune communauteacute linguistique en pattie fondatrice de l II knliteacute S y deacuteposent et sy transforment aussi bien les modegraveles de l ili lil) 1I (le reacutecit) que les liturgies pass ionnelles (comme le laquo fin amour raquo Il tli cvlt1 l) ou les codifications estheacutetiques Elle propose - ou prise en 1 ILllr L par l institution eacuteducative impose malgreacute e lle - des formes d orgashy111 1(11 )11 discursive du sens et des valeurs qui foncti onnent comme des illies de lecture (en codifiant par exemple les laquo genres raquo) filtrent nos 1 1 t( pti ons (comme le laquo reacutealisme raquo) deacutefinissent des hieacuterarchies et des 1 llI sions (comme le laquo bon goucirct raquo et le laquo mauvai s raquo )

( d horizon qui justifie une approche inteacutegreacutee de la litteacuterature est 1l lll roi s si large qu il ne manque pas de poser dembarrassants problegravemes l IIld hode Placeacutee dans un environnement aussi eacutetendu d interrogations 1 dc probleacutematiques l introduction de la litteacuterature dans l apprentissage l II ll e langue eacutetrangegravere ex ige par-del agrave les difficulteacutes proprement lingui sshyIIIJl ICS des reacuteductions draconiennes Il est frappant de constater par l Illple combien sa preacutesence dans les propositions did actiques reacutecentes I i egrave ll marquent la leacutegitimiteacute renouveleacutee est pour ainsi dire lateacuterale et 1 lI lirccte on s attache au paratexte - les seuils romanesques les cou vershyIlIl lS et laquo qu atriegraveme de couverture raquo les titres et la mise en scegravene du l middot xI e - aux incipit et aux desinit agrave des exercices de litteacuterarisation du t1 icours ordinaire ou agrave l inverse de laquo deacutelitteacuterari sation raquo du texte (agrave partir I II gacircteau de noces de Madame Bovary par exemple reconstituer la fi che I l cui sine la recette la quecircte des ingreacutedients la reacutealisation la conso mshymlli on etc) Bref on se tient prudemment sur le bord de la litteacuterature t1 IIIS une chaicircne de propositions qui restent pour lessentiel initiatiques4

middot1 Cf louvrage de J-P Goldenstein Entreacutees en litteacuterl LU re Paris Hachette co ll I (l lo [orm~ tio n raquo 1990

lx 1111 alltre Illode de pnScIlCl dll lilllrairc phl~ Illdll( ( 1 l lit IIlt PII( ( llIil

est implicite est celui que propose ln peacutedagogie dl 11 nllllvil cl ses prolongements actuels dans les simulations globales lJlali()1 dun univers fictif invention de rocircles et production de discours croiseacutes attashychement agrave la poeacuteticiteacute du mot et agrave ses potentialiteacutes narratives au seacuterieux de limaginaire et agrave la dimension de gratuiteacute de la langue La peacutedagogie deacute la creacuteativiteacute se preacutesente ainsi dans une perspective de production langagiegravere comme une propeacutedeutique agrave lusage litteacuteraire du langage Sa source dinspiration essentielle lOulipo latteste suffisamment

Agrave leacutecart de ces diffeacuterentes propositions meacutethodologiques la seacutemioshytique sinteacuteressant aux conditions de saisie de la signification a mi s le texte et ses structures organisatrices au centre de ses investigations En opeacuterant une sorte de laquo nettoyage de la situation verbale raquo pour reprendre une expression de Paul Valeacutery5 les seacutemioticiens de la litteacuterature ont accueilli avec reacuteserve et mecircme suspicion tous les termes leacutegueacutes par la tradition litteacuteraire solidifieacutes par lusage et les opinions qui les avaie nt faccedilonneacutes filtrant impeacuterativement notre accegraves agrave la tex tualiteacute personnages atmosphegravere sentiment description et reacutecit genres et styles deacutecriture En rejetant au moins provisoirement ces notions de la pratique descriptive il s ont ainsi voulu faire place nette pour sassurer sinon dune certaine naiumlveteacute du regard du moins dune suspension meacutethodique du jugement Les concepts analytiques quils ont alors proposeacute senracinaient en amont de la laquo litteacuterature raquo dans une theacuteorie geacuteneacuterale du langage Non sans diffishyculteacutes ces nouveaux instruments de description devaient s interdeacutefinir shomologuer entrer dans une hieacuterarchie rai sonneacutee et eacuteventuellement retrouver sous un eacuteclairage renouveleacute des probleacutematiques anciennes auxquelles elles garantissaient dans un champ de pertinence clairement eacute tabli un minimum de fiabiliteacute descriptive

On peut reacutesumer succinctement sa deacutemarche en disant que la semioshytique a privileacutegieacute trois dimensions qui pour necirctre pas propres au texte litteacuteraire s y articulent cependant de maniegravere speacutecifique Dans leur composition se deacutefinit pour une part lusage litteacute raire de la langue la dimension narrative la dime nsion passionnelle et la dimension figurative On peut aiseacutement reconnaicirctre ces trois dimensions conjugueacutees dans le texte de M Proust que n~)Us citons ici relatant l expeacuterience vive de la lecture par le narrateur dA la recherche du temps perdu

Apregraves cette croyance centrale qui pendant ma lecture exeacutecutait dincessan ts mouvements du dedans au dehors vers la deacutecouverte de la veacuteriteacute venaient les eacutemotions que me donnait laction agrave laquelle je prenais part car ces apregraves-midi-lagrave eacutetaient plus remplis d eacuteveacutenements dramatiques que ne lest souvent toute une vie Ceacutetaient les eacuteveacutenements qui survenaient dans le livre que je lisais il est vrai que les personnages quils affectaient neacutetaient pas

5 P Valeacutery Œuvres l Paris Gallimard coll laquo La Pleacuteiaderaquo (eacuted 1957) il laquo Poeacutesie et penseacutee abstra ile raquo p 1316

liI 111111111 tll 1- 1I 11 h ll llI St Mlis lous les sClllillH IlIS quc IIOUS rOll l IIH IVII 11 il llt (III lilirolllllll d lill pnsollllagt r6cl nc st produiscllt en 1111 1111 111 lIlltlTlllldiain d unt illlagc dc ce LLe joie ou de teLLe inforshy11111( IIII )lmiddotlliosileacute du premier IOmantin consista agrave comprendre que dans l ljlp lr t i 1 dt Il US eacutemotions l image eacutetant le seu l eacuteleacutement essentiel la simplishy111 llillll qui cO ll sisterai t 1 supprimer purement et simplement les personshyIl lglS reacutecls scrait Ull perfectionnement deacutecisif Un ecirctre reacuteel si profondeacutement qlll Il()US sympathisions avec lui pour une grande part est perccedilu par nos -1 li S ce~ t -agrave -dire nous reste opaque offre un poids mort que notre sensibishy111 6 Ile peut soulever Qu un malheur le frappe ce nest quen une petite Il Il 1ie de la notion totale que nous avons de lui que nous pourrons en ecirctre (1IIIIS bien plus ce nest qu en une partie de la notion totale quil a de soi Iuil pourra jecirctre lui-mecircme La trouvaille du romancier a eacuteteacute davoir l ideacutee 1il- remplacer ces parties impeacuteneacutetrables agrave lacircme par une quan titeacute eacutegale de plIlies immateacuterielles cest-agrave-dire que notre acircme peut sassimiler (luimporte degraves lors que les actions les eacutemotions de ces ecirctres dun nouveau 1cme nous apparaissent comme vraies puisque nous les avons faites nocirctres Iliii sque cest en nous quelles se produisent quelles tiennent sous leur d0pcndance tandis que nous tournons fieacutevreusement les pages du li vre la rapiditeacute de notre respiration et l intensiteacute de notre regard Et une fois que k romancier nous a mis dans cet eacutetat ougrave comme dans tous les eacutetats pureshyIlll nt inteacuterieurs toute eacutemotion est deacutecupleacutee ougrave son livre va nous troubler il LI faccedilon dun recircve mais dun recircve plus clair que ceux que nous avons en limant ct dont le souvenir durera davantage alors voici quil deacutechaicircne en 110lS pendant une heure tous les bonheurs et tous les malheurs possibles d()nt ll OLIS meLLrions dans la vie des anneacutees agrave connaicirctre quelques-uns e t do nt les plus intenses ne nous seraient jamais reacuteveacuteleacutes parce que la lenteur avec Idquelle ils sc produisen t nous en ocircte la perception (ainsi notre cccur lbange dans la vie et c est la pire douleur mais nous ne la connaissons quc dans la lecture en imaginati on dans la reacutealiteacute il change comme cerl ains pheacutenomegravenes de la nature se produisent assez lentement pour que si nous pouvons constater successivement chacun de ses eacutetats diffeacuterents en revanche la sensation mecircme du changement nous soit eacutepargneacutee)6

1 ( lexte deacuteploie de m aniegravere extrecircmement fine les conditions de la paltishy1 111 li ol1 eacute motionnelle du lecteur agrave lunivers du reacutecit On ne saurait bien 1 Iltll d u en proposer ici une analyse deacutetailleacutee Disons seulement quil 1I h lil plusieurs seacuteries de correacutelations correacutelation tout dabord entre la 111 ifiuml cation sensible de lexpeacuterience perceptive et la signification eacutegaleshy

11 11 11 1 sens ible de lexpeacuterience di scursive agrave travers la lecture (que marquent l Llppos itions entre le dehors et le dedans les personnages reacutee ls e t les Ill sOlmages de roman la veacuteriteacute reacutefeacuterentie lle e t la veacuteriteacute de la lecture ltliii sion o nirique et l illusion romanesque le tempo de la reacutealiteacute et le l IllpO romanesque) Correacutelation ensuite entre une theacuteorie de la creacuteation 1III ITaire (ltlt lingeacuteniositeacute du premier romancier raquo) e t une theacuteorie de la 1I IIIIC toutes deux deacutefinies par le rocircle central des images les simulacres

( M Proust Agrave la recherche du temps perdu COlILbray Paris Gallimard coll laquo La Pleacuteiade raquo

1 pp 84-86

I(I

1111I1I1I ( IIcirc l b qUI Ilt11 CUIIillll1CIII pas IlIOill h Il 1 lll r dj ~ li l lll ~ Iv LI fcprCshysllIlatioll selliblc COT(laliun enliumlll enlre deux IInivI l d tl1 yIIIIT cl de veacuteriteacute celle de la quecircte de veacuteriteacute qui est lobjet 1l12tlll Iv LI (tlnmiddotte et celle de la veacuteriteacute que fait eacuteprou ver au corps propre dalls l acle de lecture le mouvement irreacutepressible des eacutemotions (ltlt rapiditeacute de la respiration raquo laquo intensiteacute du regard raquo)

Sous-jacentes agrave ces diffeacuterents parcours de la signification les trois dimensions - narrative passionnelle figurative - de lanalyse seacutemiotique sassocient dans lexpeacuterience mecircme de la lecture et la conditionnent On en retrouve aiseacutement les marques laquo laction agrave laquelle je prenais part raquo laquo les eacuteveacutenements dramatiques raquo laquo les personnages raquo les changements deacutetats etc eacutetablissent le socle narratif de lexpeacuterience laquo les eacutemotions raquo laquo les sentiments que nous font eacuteprouver la joie ou linfortune raquo laquo leacutemoshytion deacutecupleacutee raquo laquo les bonheurs et les malheurs raquo etc deacutecrivent les variashytions deacutetats du lecteur et expriment la dimension passionnelle la meacutediation des laquo images raquo la seacutelection des traits que sont les laquo parties immateacuterielles raquo impeacuteneacutetrables agrave lexpeacuterience totale le temps et le tempo des expeacuteriences confronteacutees signalent lessentielle preacutesence figurative des repreacutesentations

Afin de preacuteciser le statut de ces dimensions on peut en quelques mots les situer les unes par rapport aux autres dans lapproche seacutemiotique La dimension narrative en premier lieu est de loin la plus solidement eacutetablie Elle consiste agrave mettre agrave nu les structures organisatrices de notre intuition narrative transformeacutee en ces laquo ecirctres de papier raquo que sont les personnages sujets de deacutesir ou de crainte acqueacuterant des compeacutetences agissant luttant eacutechouant ou remportant des victoires Des organisations preacutedicatives dun type palticulier sous-tendent leurs parcours les stlllctures actantielles se deacutefinissent par une composition modale (vouloir devoir savoir pouvoir ecirctre ou faire) qui commande la transformation de la relation entre les sujets et les objets de valeurs (acquisition eacutechange privation etc) Les structures se deacuteploient en seacutequences que lhistoire culturelle celle des reacutecits a figeacutees dans notre imaginaire narratif sous des formes canoniques (du contrat initial agrave la sanction finale reacutecompense du heacuteros et punition du traicirctre dans les contes populaires) Le premier grand roman de la litteacuterashyture franccedilaise Perceval ou le conte du Graal illustre de maniegravere exemshyplaire une telle trame Cette dimension narrative enrichie et complexifieacutee a donneacute lieu depuis longtemps agrave de nombreuses applications didactiques efficaces mais parfois exageacutereacutement simplificatrices (le scheacutema narratif de la quecircte par exemple)

Car les structures de laction neacutepuisent pas loin de lagrave lorganisation discurs ive du sens Et la litteacuterature ne se contente pas de mettre en discours des faits et des gestes Le reacutecit montre de maniegravere robuste parce que systeacutematisable comment se transforment les laquo eacutetats de choses raquo passage de la pauvreteacute agrave la richesse de la jouissance agrave la privation les objets circulent seacutechangent se perdent Mais quen est-il du sujet qui continue agrave ecirctre qui persiste et module ses eacutetats propres ses laquo eacutetats

~ 1

1 1111 n IlI V( I LI e ll II hll1 dvi vakllrs deacutesiLlhles lli redoulables 1111 1 jlIlSI n S IIlIl Il v()llIl lai ssL dls (lslcs SOII S (ormc de laquo regret raquo ou de

Ill Il g il liIlIIHISiihil 1LlISillioll d un objet de deacutesir renforce au fil I I Ilh iIICk s nllcolllreacutes le vouloir du sujet et cest laquo lobstinationraquo les 0111 virluels grandi ssent au fil des acquisitions partielles dilatant lecirctre )lllid du sujet cest laquo lambition raquo Cette profusion de simulacres que lll plll IL sujet passionneacute en avant de lui-mecircme analysables dans la 111IIIl ougrave il s forment des objets dans le discours que la langue nomme 1 f III)illlise a conduit la seacutemiotique agrave leacutetude de cette dimension relatishy 1 1111111 autonome qui est celle des passions Or la litteacuterature est de toutes Il lonllcs du discours social celle qui dans nos cultures fixe isole et dlllis t des identiteacutes des types et des parcours passionnels Il y a lagrave un

lll domaine de recherches pour la didactique des langues - maternelle 1 tI I lllgegraveres - notamment en ce qui concerne la comparaison intercultushy Il dcs figures et configurations du sensible

1( sensible nous conduit agrave la troisiegraveme dimension la figurativiteacute La Illl liumllllIre est au deacutepart un discours figuratif il repreacutesente il eacutetablit lors dl 11 lecture un rapport immeacutediat une ressemblance une correspondance JlI( les rigures seacutemantiques qui deacutefilent sous les yeux du lecteur et celles IIlonde quil eacuteprouve sans relacircche dans son expeacuterience sensible au 1 1111 d entrer en concurrence avec elles (ce que deacuteveloppe le texte de 1 I1SI) Cest la mIcircmesis Cette dimension sinteacuteresse agrave la maniegravere dont

IIl scrit le sensible dans le langage et le discours cest-agrave-dire agrave la vision 1 11 pnception agrave toutes les formes de la sensorialiteacute Cette dimension 111 lllative de la signification la plus superficielle celle de limmeacutediat 1 lS au sens est tisseacutee dans le texte en isotopies et recouvre de toute sa oIll l- l ~ miroitante dimages les autres dimensions plus abstraites et plus 1 il Irlllldes Elle donne au lecteur comme au spectateur dun tableau ou 1 1111 liumllm le monde agrave voir agrave sentir agrave eacuteprouver La praxis culturelle qui 111111( forme agrave lusage fixe alors lordre de veacuteriteacute toute relative du figushyr il ii r dans des laquo poeacutetiquesraquo particuliegraveres et conventionnelles ce sont par r ( Illple lalleacutegorisme le reacutealisme le symbolisme le surreacutealisme etc l voies figuratives du sens sont agrave explorer particuliegraverement dans la 1111 111 c ougrave elles reacutegissent les grandes codifications estheacutetiques du texte Itlil lire et plus preacuteciseacutement les diffeacuterents modes de participation et dadshyl io 1 dans la lecture

()n peut se repreacutesenter la figurativiteacute comme lavant-scegravene du sens ll1me la faccedilade la plus concregravete du discours lorsque agrave lopposeacute du 1 r Iuurs abstrait et de ses formes de rationaliteacute surgissent dans la langue l images de lexpeacuterience sensible du monde Dans une premiegravere accepshy111111 linguistique de ce terme strictement structuraliste on consideacuterait que 11 1igurativiteacute dun texte se deacutegageait de la reacutecurrence de traits seacutemanshyIlPICS qui fileacutes et noueacutes dans le tissu textuel provoquent limpression 1( leacutequation du sens agrave la reacutealiteacute veacutecue Cette deacutefinition postule donc une cspondance entre les figures du plan de lexpression du monde Il illircl lexpeacuterience sensible en elle-mecircme signifiante et les figures du

l U 1

I hlll tlii 1111111 111 11111 1111111 (vLlhtI VI~Il1 1111 lllll l Il)IIII S S0l11

1t jlll yI 111 Il111( dl sigllifiLalio)l slable k 11[1111lt splliaks kllll(IIclleS persollllelle) cl autres Dans lexeJllpk 111(11 1()1l111l de la gr 1III Ilaire geacuteneacuterati vc laquo Les ideacutees vertes inc()lor~s dOJJlI(lll furieuse - ment raquo cest bien cette correspondance qui ne se reacutealise pas 1

Or si nous pouvons spontaneacutement nous accorder pour dire quon ne se figure rien de coheacuterent agrave la lecture dun tel eacutenonceacute du fait de lincompashytibiliteacute entre ses diffeacuterents traits figuratifs et de limpossibiliteacute de stabiliser une isotopie de lecture en revanche il est tout agrave fait possible de deacutecoushyvrir en sollicitant un liant theacutematique agrave un niveau plus abstrait une signishyfication acceptable et partageable Si les laquo ideacutees raquo sont la meacutetonymie dune fOlmation politique (comme on dit laquo les ideacutees de gauche raquo) alors le mot laquo ideacutees raquo entraicircne avec lui une isotopie theacutematique quon peut qualifier de laquo politique raquo et tout senchaicircne vertes (eacutecologiques) incoshylores (ni de droite ni de gauche) dorment (sont exclues de la communishycation publique) furieusement (motif dune intense colegravere) Voici que par le deacutetour dune lecture theacutematique nous avons redonneacute agrave cet eacutenonceacute laquo absurderaquo une coheacuterence figurative creacutedible Bien sucircr on peut accepter ou non croire ou ne pas croire

Mais cet exemple a le meacuterite dattirer lattention sur le problegraveme que pose dans la deacutefinition structurale de la figurativiteacute le terme laquo corresshypondance raquo Il laisse entendre proche en cela dune conception lexicale du langage lexistence dun lien de repreacutesentation univoque meacutecanique et neacutecessaire entre des formes fixes entre le mot et le monde Or on doit bien reconnaicirctre quentre les figures du langage et celles de la perception il y a comme un flou un bougeacute que semble gommer le structuralisme statique La correspondance varie tout se passe comme sil y avait plutocirct deux instabiliteacutes deux imperfections qui vont agrave la rencontre lune de lautre chargeacutees denjeux et de potentialiteacutes divergentes qui tentent dans la communication leur chance dune reacuteunion En y regardant de plus pregraves on peut donc consideacuterer que la correspondance reacutepond agrave la grille cultushyrelle qui lui est appliqueacutee rendant possible au prix de conventions contraishygnantes mais provisoires consistantes mais preacutecaires la lisibiliteacute figurative

Sous le figuratif il y a donc le croire il Y a comme on dit en seacutemioshytique un laquo contrat de veacuteridiction raquo une relation fiduciaire de confiance et de croyance implicite entre les partenaires de la communication qui speacutecifie les conditions de la correspondance un croire partageable et partageacute au sein des communauteacutes linguistiques et culturelles qui fixe l hashybilitation des valeurs figuratives et eacutenonce leur mode de circulation et de validiteacute Cest ce contrat qui theacutematise la figurativiteacute du discours et engendre diffeacuterents reacutegimes de persuasion et dadheacutesion le vraisemblable et la fiction le reacuteel et le fantastique le repreacutesentable et labsurde les effets de laquo reacutealiteacute raquo de laquo sur-reacutealiteacuteraquo ou laquo dir-reacutealiteacute raquo Ainsi seacutetablit le lien avec les preacuteoccupations intersubjectives de la rheacutetorique On peut dire que la litteacuterature est par excellence le domaine du discours ougrave sex-

H

111 11111111 I ~ VII jlttl illll lilt 1111middot (11 1Ip(llldlIlltI 01 11Ilinlcllalll de Cl 1 gt1111 11 (1111111 lIIIIII d IIII 1tlilllli1ill qui repoe sur le deacuteroulement 111111 PII(It- 1I1I1lliVl (dl pamle confirme interroge ou deacutenonce sans 11II II Il~ Cl1I1Vllltions qudie a eacutetahlies Comme un film tendu entre la 11 11111 l lt1 l lX peacutericllcc scnsible la figurativiteacute devient selon la deacutefinition lj ll Il 1 proposeacute A J Greimas dans De [Imperfection laquo cet eacutecran du lIII III( dont la vertu consiste agrave entrouvrir agrave laisser entrevoir gracircce ou agrave III d( 0 11 impcrfection comme une possibiliteacute doutre-sens raquo7

1 1111 Slns et outre-sens dans le jeu des croyances stabiliseacutees illusoires II I 11 l lllai nes depuis la certitude reacutefeacuterentielle jusquagrave leacuteblouissement 1 111l11IIIC dune laquo vision raquo inattendue une des proprieacuteteacutes de la litteacuterature 1 1 ri reacutev iser sans cesse le contrat de veacuteridiction figurative remettant

111 1 l(lIIOL1fS en question les fOffiles du laquo comprendre raquo8 On peut alors 1 1ltIl l base tenter desquisser une petite typologie des voies contrac-

IIJI Il de la signification figurative telles que nous les suggegraverent quelques 1 Il111 litteacuteraires ouvrant ainsi des perspectives meacutethodologiques agrave la jl l Il it III dcs textes

l II prcnant donc appui sur cette modaliteacute implicite mais centrale du 1 li II l cie ses variations qui fonde le reacutegime dadheacutesion du lecteur agrave ce 1IIi d 1il on peut distinguer quatre grandes voies pour la lecture des textes lill IIIILS Opposables lune agrave lautre ces quatre positions se deacutefinissent 111 Il slatut diffeacuterencieacute du sujet lecteur et interpregravete quimpliquent et que 1 IIillIlicnt les classes de textes figuratifs ainsi constitueacutees On les 1 lllll(ra ces positions le laquo croire assumeacute raquo le laquo croire reacutecuseacute raquo le

( )tIl l critiqueraquo et le laquo croire en crise raquo

1 01 prcmiegravere voie la plus scolariseacutee en lecture litteacuteraire peut donc ecirctre Ij 1 JI Ilt- l laquo le croire assumeacute raquo Les effets figuratifs sont responsables de nos

111 11 Il ions reacutefeacuterentielles et nous nous y abandonnons volontiers en Il 1111 lecture naiumlve Le lecteur du roman sabsorbe dans une sorte de 1 11 II seconde il se laisse conduire en confiance il agit et il pacirctit avec 11 ltlsonnages il veut la suite et se hacircte vers la fin il consent agrave adheacuterer l hallucination momentaneacutee et en y croyant il sy croit Il traverse

Ill lIIllll leacutecrit Paul Valeacutery laquo une sorte de crise de la creacuteduliteacute raquo9 Cette l IIIIlliviteacute iconique commande les protocoles douverture des romans dits

1 t istes raquo laquo En 1829 par une jolie matineacutee de printemps un homme

l Greimas De [llIlpefeeion Peacuterigueux Fanlac 1987 p 78 1l eacuteludiants eacutetrangers bons francisants engageacutes dans la leclure du Panagruel de Rabelais

l )) ))(111 dc ne pas comprendre ce li vre Absorbeacutes par le devo ir de compreacutehension qulis l 111))1 ccedilomme une eacutevidence du contrat de lecture il s n aperccediloivent pas que ce sont les deacuterashyl tI Ics eacutechecs de la communication que le roman dans lexplosion des langages met en

li 1lccedilouvrant enfin que Panlagruel ne comprend pas plus queux -mecircmes les discours de l 1 limou sin de Bai secul et Humevesne ou de Panurge le laquo conlrat Fiduciaire se trouve d 1 egraveI ils repre nnent plus confiants leur lecture 1 l Va leacutery laquo Propos sur la poeacutesie raquo in laquo Varieacuteteacutes raquo Œuvres 1 Paris Gallimard coll laquo La 1 1111 p 1374

r1

1 gl d lilvimii l illljll lllll all ~ sillvaii llI v 1I 1111 1Il 111111 II III ll lU gll l II X qUI megravene ~ lIll g ro~ ho urg dll e prls de la (ralldc ( h lilll ll l ( ILdlc 1_( Meacutedecin de campagne) ou encore laquo Dans la pllill l 11 ( ~ ()lI S la Iluit sans eacutetoiles d une obscuriteacute et dune eacutepaisseur d encre un IHlIlllllC sui vait seul la grande route de Marchiennes agrave Montsou di x kilomegravetres de paveacute coupant tout droit agrave travers les champs de betteraves ~) (Zola Germinal) Codes figuratifs aujourd hui useacutes mais non pas deacutecreacutedibi liseacutes espace temps personne le cadre protocolaire est fi xeacute donnant naissance agrave sa suite agrave dinfinies reproduction s litteacuteraires joumalistiques et peacutedagogiques Lorsque le Nouveau Roman brise ce cadre clos et modifie radicalement les formes de l eacutecriture il ne transforme pas pour autant le contrat fidushyciaire de base qui le fonde Claude Simon inaugure ainsi son roman Histoire sans majusc ule par une seacuterie d anaphoriques laquo l une d e lles touchait presque la maison et qu and je travaillais tard dans la nui t ou devant la fenecirctre ouverte je pouvais la vo ir ou du moins ses demiers rameaux raquo En proceacutedant ains i il retarde la croyance attendue espeacutereacutee du lecteur il n en mod ifie pas la structu re

Cette laquo creacuteduliteacute raquo est au cœur de l expeacuterience proustienne de la lecture qui comme on vi ent de le vo ir agrave travers l ex trait de Combray installe la co-preacutesence tendue et presque conflictue ll e entre la reacutealiteacute intensive de la lecture et celle extensive e t relacirccheacutee du monde reacuteel Proust lecteur assume donc cette croyance eacutemotionnelle de maniegravere exemplaire dramati sant mecircme le lien entre la fi gurativiteacute du texte qu il lit et la vi sibiliteacute du monde qu il regarde soudain lorsquil legraveve le yeux de son livre et explicite alors la concurrence des visions laquo qu and je voyais un objet exteacute rieur la conscience que je le voyais restait entre moi et lui le bordait dun mince li sereacute spirituel qui m empecircchait de toucher direc tement sa matiegravere raquo10 Voici donc un premier lec teur ce lui qui assume sa croyance et se fond momentaneacutement en elle

Le second lecteur es t conduit par le tex te agrave ce que j appelle un laquo croire reacutecuseacute raquo La litteacuterature cest Ull des critegraveres qui la deacutefinissent incorpore son code seacutemantique ces t-agrave-dire lensemble des eacuteleacutements situationnels et contextuels qui rendent possible laccomplissement de la lec ture Ainsi le tex te litteacuteraire agrave travers ses mises en scegravenes narratives e t figurati ves peut non seulement donner le monde agrave voir mais eacutegalement les usages litteacuteshyraires de la langue qui en ont codif ieacute la perception Il en est ainsi par exemple des scheacutemas discursifs agrave travers lesquels la repreacutesentation litteacuteshyraire sest figeacutee et qu un renversement iro nique vient perturber ou reacutecuser Le texte fa it a lors surgir un autre ordre de croyance fond eacute sur la deacutenonciation des croyances acquises et partant une nouvelle deacutefini tion de lacte de lecture Le type mecircme en serait la ceacutelegravebre ouverture provocatrice de Jacques le Fataliste de Diderot laquo Comment s eacutetaient-ils renconlreacutes

10 M Proust Du cocircteacute de chez Swanl l laquo Combray Paris Ga llimard coll laquo La Pleacuteiade n T l p 84

X

1 11 Il 1 1111 ll IIIJIIL I(lUI k Illonde COlllllle lll s appelaicIlt- ii s ) Que vous IlliI II II 1) () l vC ll a i v Jlt - il ~ ) Du lieu le plus prochain Ougrave allaient-ils 1 (( [ lJ( 1 011 sa it Oll lon va raquo Ou encore exemple plus proche de l i I HI~ l inc ipit dcs Flturs bleues de Raymond Queneau laquo Le vingt-c inq 11(t lllbrc douze cent soixante-quatre au petit jour le duc d Auge se

11 11 11 sur le som met de son donjon pour y consideacuterer un tantinet soit lI Il la s ituation historique raquo Ces deux exemples ont en commun de IIII C I le langage lui-mecircme et ses protocoles fi guratifs au centre du l II)IIS Ils condui sent le lecteur agrave se deacutetacher de la viseacutee reacutefeacuterentielle lli 111 ln deacutecouvrir une autre ce lle des formes litteacuteraires engendreacutees par 1 Il lgl Ils imposent au lecteur un reacutefeacuterent interne convoqueacute par ironisashy111111 O n pourrait dans cette perspective eacutetudie r les variations de l ironie 01 01 11 la litteacuterature moyen d exhibition et de renversement des codes 1Il lIll iques et discursifs que la praxis eacutenonciative a stabiliseacutes configushy

1 1111 Iinsi les seacutedimentations qui deacutefini ssent l usage et les habitudes y 1 1I 1111 )J is celles de la lectu re

fVCC la troisiegraveme positi on celle du laquo croire crttIque raquo tout change 1 1 IGstatut de la f igurativiteacute e lle-mecircme qui se trouve alors modifieacute Elle _i I lslnte ici avec un double fond les impress ions de veacuteriteacute premiegraveres lii iiient iconiques se deacuterobent et un autre ordre de veacuteriteacute - ou de IY lIlegravee - sy superpose apparaissant agrave travers leurs manifes tations iil l llllS Lagrave se silue ce qu on appelle parfois le laquo raisonnement fi guratif raquo

iI dl d une efficaciteacute veacuteridictoire ou persuasive qui lui est propre Agrave la Iltll llcnce de la rati onaliteacute cognitive class ique qui procegravede par deacutedu ctions ~ Il li ivant des combin aisons log iques (comme les laquo cause conseacuteshyIpll llce raquo) cette forme de rationaliteacute procegravede par analogie Les assoc iashyIl S de fi gures et d images n eacutepuisent pas leur significati on dans la seule Il) IIiOIt ion e lles engendrent des laquo ideacutees raquo La preacutesence figurati ve qui l l ll l it les images du monde sous les sens laquo eacutecran du paraicirctre raquo se 1 l ve alors porteuse d effets de sens et de repreacutesentations d un autre Ii Il l theacutematique ou abstrait

( - t le cas de l alleacutegorie qui habille les abstracti ons de repreacutesentations 111lI rati ves c t les integravegre ains i conformeacutement agrave une codi fication preacutec ise 11 11 l usage a reacutegleacutee agrave luni vers sensible On peut songer ainsi agrave l uniteacute Hili ante du monde qui associe lintelligible et le sensible notamment

1 1 1 le moyen de lalleacutegorie dans la penseacutee du Moyen Acircge E t cest IlI vt nt un parcours seacutemantique inverse le cas du sy mbole qui tra verse

111 11 liuml gurati on premiegravere pour eacuteriger la signification sensible en signifieashyI III II~ d un autre ordre le lec teur nest plus seulement inviteacute agrave voir la 11 1c il es t conduit agrave linterp reacuteter et agrave la transcender (ltlt La nature es t un l IlI pk ougrave de vivants pili erslaissent parfois sortir de confu ses paroles raquo) l lt encore la situation particuliegravere agravee la parabole qui en deacuteroulant le Il 1It figurati f d actions de la vie quotidienne (semailles etc) transforme 1ltveacute llement raconteacute en interrogati on suspendue agrave la reacuteponse du lecteur III responsabilise ai nsi leacutenonciataire devenu source du sens Il est en 1k t inviteacute agrave construire par lui-mecircme une signi fication autre sur une

middot H

iSOlopil laquo spirillltllt- par CXIllIph laquoIll ccllt middot JIll h dlllI ul 11 11 111 11)lIrllil agrave lui seul la issait pelccvoir

L analy se litteacuteraire et les laquo lectures raquo que la cri li que propose Ill procegraveshydent pas autrement par une sorte de reacuteduction du figuratif le lecleurshyinterpregravete deacutecouvre des repreacutesentations seacutemantiques d un autre degreacute plus laquo profondes raquo ou plus laquo abstraites raquo Le lieu dadheacutesion de la lecture s est deacuteplaceacute il est passeacute de lillusion reacutefeacuterentielle agrave lillusion interpreacutetative On pourrait en donner pour exemple cette architecture si particuliegravere du gacircteau de noces d Emma Bovary la piegravece monteacutee laquo qui fit pousser des cris raquo aux convives laquo Agrave la base d abord ceacutetait un carreacute de carton bleu figurant un temple avec portiques colonnades et statuettes de stuc tout autour dans des niches constelleacutees deacutetoiles en papier doreacute puis se tenait au second eacutetage un donjon en gacircteau de Savoie entoureacute de menues fortishyfications en angeacutelique amandes raisins secs quartiers doranges et enfin sur la plate-forme supeacuterieure qui eacutetait une prairie verte ougrave il y avait des rochers avec des lacs de confiture et des bateaux en eacutecales de noisettes on voyait un petit Amour se balanccedilant agrave une escarpolette de chocolat [ ) raquo La piegravece monteacutee est sous les yeux et pourtant son archishylecture et les motifs figuratifs quelle dispose suggegraverent une autre deacutefinishytion quon pourrait dire laquo civilisationnelle raquo non pas seulement celle socio-historique dune repreacutesentation des noces bourgeoises au XIxe siegravecle mais plus abstraitement (symboliquement) celle dune condensation culturelle Envisageacutes dans leur dimension diachronique conformeacutement au deacuteroulement du texte lui-mecircme les diffeacuterents espaces de la piegravece monteacutee constitueraient un motif fonneacute agrave l eacutepoque romantique qui fait ainsi se succeacuteder trois grands acircges de la culture lAntiquiteacute greacuteco-romaine (le temple) le Moyen Acircge (le donjon) et le Romantlsme lui-mecircme (lAmour sur son escarpolette en chocolat) appelant ainsi la deacuterision ironique du steacutereacuteotype Mais ce motif peut eacutegaleme nt ecirctre compris comme une structure synchronique qui reproduirait dan s les figures que montre le gacircteau les trois grandes fonctions de souveraineteacute que G Dumeacutezil a reconnues bien plus tard comme structure permanente speacutecifique aux relig ions et aux cultures indo-europeacuteennes la fonction magique et religieuse (le temple) la fonction guerriegravere (le donjon) la fon ction de reproduction et de feacuteconditeacute (lAmour) La piegravece monteacutee d Emma devient alors un condenseacute dideacuteologie un gacircteau laquo indo-euroshypeacuteen raquo une sorte de parabole On peut y croire cela relegraveve de la responsabiliteacute critique du lecteur

Nous arrivons au quatriegraveme mode de saisie figurative enfin le laquo croire en crise raquo Voici que le texte interroge au cœur de la langue les figures elles-mecircmes eacuteprouve leur reacutesistance met en doute la croyance qui fonde le partage seacutemantique La figurativiteacute deacutesonnais incertaine du langage rejoint et questionne la vision qui la fonde ou plus largement la communauteacute des perceptions qui motive preacuteciseacutement lefficaciteacute figurative Ainsi commence LInnommable de Samuel Beckett laquo Ougrave maintenant Quand maintenant Qui maintenant Sans me le demander Dire je Sans le penser Appeler ccedila

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dr middotbull qlllt ~ IIIII d IIYI(lillli I middot 1111 dc l Il VIIII i llI)(II ( 1 tllt l 111( ici ( 1

ho 1 lvIIII N l illS ~ (l IIIIII( I(li 1 pl (~(1I1 Iv Li vlsihililt cOllliumlall[c de la Il11 111 il Iq1I1al iVl 01 IllllIll til l dlieacit( illterpr( tali ve lous ces modes d l Ii vlridiltio ll SOli d6sonnai s mis en question Quand Henri Michaux I l Id d1I1S laquo Intervention raquo un des textes de La nuit remue laquo Autrefois 1 ilV lis Irop le respect de la nature Je me mettais devant les choses et les 11 Y lgcs ct je es laissais faire raquo il exprime cette confiance consentante III IIIS deacutejagrave suspecte du croire assumeacute charriant avec les figures des

IIlISCS raquo et des laquo paysages raquo les acteurs les actions et les valeurs quenshy1 1111 Icur programmation narrative Il poursuit laquo Fini maintenant jintershy Il 1lltlra i Jeacutetais donc agrave Honfleur et je my ennuyais Alors reacutesolument jy 1111 du chameau raquo Cette figure nouvelle et incompatible avec le contexte I II II Lllif et axiologique (la grille culturelle) va se disseacuteminer dans la ville 11 Il ansfonner l ordre des valeurs laquo lintervenant raquo force le passage des 1il IIns et du mecircme coup en force le partage imposant un nouvel ordre de llllllunication inquiegravete laquo On commenccedilait agrave voir les Honfleurais loucher ilque instant avec ce regard soupccedilonneux si speacutecial aux chameliers raquo

Iles exemples comme ceux-ci abondent et non seulement dans les l Is contemporains Mais la scolarisation de la litteacuterature qui se fonde III k croire assumeacute tend agrave les occulter On peut penser agrave tel ou tel conte l Maupassant comme laquo La Nuit raquo qui repose ainsi sur une deacutegrada tion d LI figurativiteacute Le narrateur laquo aime la nuit avec passion raquo Un soir il 1 lII court Paris mais voici que peu agrave peu les lumiegraveres organisatrices de la 1lliliumlcation noctl1me (clarteacute vs obscuriteacute) sestompent et disparaissent 1Il sant la place agrave un monde noir et indiffeacuterencieacute cauchemar qui sachegraveve LIIS les eaux boueuses du fleuve Or et cest cela qui est remarquable d III S ce reacutecit agrave lextinction figurative du sensible sur le plan du contenu ll Il[ correspondre sur le plan de lexpression un effondrement figuratif ( Ill sens rheacutetorique du tenne cette fois) du discours tous les proceacutedeacutes 111 loriques images comparaisons meacutetaphores antithegraveses qui eacutetaient IIIltlbondantes au deacutebut du reacutecit disparaissent progressivement de leacutecri shy

11IIC On assiste ainsi parallegravelement agrave celle de lillusion figurative agrave une 11 location du langage qui en promouvait les impressions cest la fiabishy1ll sensible de la langue elle-mecircme qui est deacutegradeacutee

Au terme de ces modulations du croire saisies agrave grands traits agrave travers 11 ligurativiteacute du discours je voudrais en concluant en venir aux ou vershyI lli e s didactiques quune telle typologie peut suggeacuterer

On peut souligner tout dabord le lien avec la perspective rheacutetorique l Il ouveeacutee initialement introduite Le texte est envisageacute dans la perspecshyli ve du lecteur appreacutehendeacute du point de vue de laquo lauditoire raquo et lanalyse 1 centreacutee sur l action quil exerce la varieacuteteacute des formes de ladheacutesion 1 l modaliteacutes de la croyance dans la lecture Cest donc bien une fonne 1 efficaciteacute persuasive qui commande la deacutemarche proposeacutee On peut ()Ilsideacuterer ensuite que ces diffeacuterents croire peuvent nous orienter vers une hi sloire culturelle des formes de la lecture (dans lunivers au moins des lx tes romanesques franccedilais) Elle montre par exemple que lillusion

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r(ilisL ou illu-ioll n knlltilllc Ilest qllUIII dC i VII i l I lII I III dillltllS dl la lecture efficace ct invite il eacutelargir lillterr()gati~lIl 111 l f 1111 1 ~ II IllIvre culturelles du croire critique ou du croire en crise 1 )11111 llItll Illaniegravere les attitudes de lecture proposeacutees peuvent correspondre i des laquo iIcircges raquo de la lecture Aussi approfondie et argumenteacutee quelle soit l expeacuterience de la lecture deacutecrite par Proust est celle dun adolescent comme abandonneacute agrave lefficaciteacute figurative du texte substituant agrave lexpeacuterience reacuteelle ou agrave lexshypeacuterience critique une expeacuterience imaginaire veacutecue Attitude assez compashyrable au fond agrave celle dEmma Bovary grande lectrice de romans La confrontation avec le langage quimpose la lecture de H Michaux par exemple est de nature bien diffeacuterente Enfin ces attitudes eacutemotionnelles et cognitives du lecteur induites par les textes eux-mecircmes peuvent suggeacuterer des pratiques peacutedagogiques speacutecifiques Le laquo plaisir du texteraquo peut ecirctre assimileacute au croire assumeacute et suggeacuterer des pratiques peacutedagogiques qui visent agrave le faire partager Cest ce que proposent entre autres les nouveaux programmes du collegravege lorsquils promeuvent la lecture cursive forme la plus ordinaire de la lecture agrave la fois libre creacuteative et communishycable En revanche le croire reacutecuseacute conduirait plutocirct agrave une lecture reacuteflexive centreacutee sur la reacutealiteacute geacuteneacuterique des textes leur appartenance agrave des genres dont ils eacutebranlent les codes et transgressent les normes implishycites Le croire critique quant agrave lui conduirait davantage vers une lecture analytique fille de la lecture hermeacuteneutique et de lanalyse textuelle chershychant agrave deacutegager sous Je paraicirctre figuratif du sens des trames theacutematiques plus profondes Le croire en crise enfin caracteacuteristique entre autres manishyfestations de formes modernes de notre culture litteacuteraire prend en compte le mateacuteriau langagier lui-mecircme leacutepaisseur de son expression et sa preacutecashyriteacute essentielle Il invite agrave ce quon pourrait appeler une lecture poeacutetique faisant retour sur la fabrique du langage lui-mecircme

Cette derniegravere lecture illustre bien la complexiteacute de la relation entre le texte et son lecteur Relation eacutetroitement reacuteciproque le lecteur en lisant actualise le texte et son sens conformeacutement ou non agrave ses attentes et aux preacutevisions que lui donne sa compeacutetence linguistique et culturelle Mais le texte aussi cherche et creacutee son lecteur il linvente au plus pregraves du langage dans sa substance et dans ses fornles suscitant le doute linshyquieacutetude et la surprise Agrave travers la diversiteacute des modes de croyances quappelle la lecture voici que se rencontrent in verseacutees lexpeacuterience sensible de la langue et lexpeacuterience culturelle du monde

Denis BERTRAND Universiteacute de la Sorbonne Nouvelle-Paris III

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IHII

Il lI l It middot 1I1 1l111111l 11 1111 Lllll e j 1 ) i lll~ MII ( )1 1 (1 1 l(lY ((d ~ ) iI

111(1111 1 pp 1lt 1 n I 1nlhYllllIIIC c l Itx lllalisalilill raquo Dans ll()gJ)I~()N I 1 el 1 l()NJNILLI (I middotds) f lIWI llris 1 lIl1USSl)

1 1 ) () lJl ~J kallmiddotmiddotC1aude IlJl)7 La QuecirclC du lCilS Lc IWlgage en question Paris 1( Il c()11 laquo P()lInes seacutemi()tiques raquo

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de lUniversiteacute Laval

Page 3: des langues-culturesdenisbertrand.e.d.f.unblog.fr/files/2010/02/lectureetcroyance2ela199… · atmosphère, sentiment, description et récit, genres et styles d'écriture. En rejetant,

1 Je

Il ulalllille ill p1I 1 (ill illl ~ 111111 - 1111 d( Il li 111 l III 1IHl lt Tlilliqll l loul d bord (la dilllellsi()n juridique de 1 lrgulIllIlIIlIIlIl) 11 dl ( li 1 illlUllIshypatibiliteacute ensuite avec legraves princ ipes dune th60rie Sl I(IIIIIIIIII dl Li signiliumlshycation Ce mouvement de retour vers la rheacutetorique ls I l vrai dire aujourdhui geacuteneacuteral dans les sciences du langage et va jusqu agrave Il ourrir les nouveau x programmes d enseignement du franccedilais au collegravege et au lyceacutee qui sen font clairement l eacutecho dun cocircteacute on fi xe comme objectif au collegravege d assurer la laquo maicirctrise des di scours au service de la formation du citoyen raquo et de lautre on parie pour le lyceacutee de laquo rheacutetorique moderneraquo en liquidant la seacuteparation res tricti ve entre une rheacutetorique des tropes - partie de l elocutio restreinte au x fi gures agrave linventaire de leurs espegraveces et agrave leurs emplois pris en charge par la stylistique - et une rheacutetorique geacuteneacuterale - theacuteorie de largumentation et du discours efficace Cest eacutevidemment dans cette perspective inteacutegreacutee que la seacutemiotique a repris le travail sur la rheacutetorique Il sag it bien en effet aujourd hui den reconsideacuterer les persshypectives et les enjeux avec l eacuteclairage que peuvent lui apporter les di sc ishyplines actuelles du langage la pragmatique lanalyse du discours et la seacutemiotique notamment Cette reacuteflexion renouveleacutee s eacutetablit sur le socle commun ougrave agrave l origine les laquo deuxraquo rheacutetoriques ont eacuteteacute fondeacutees ensemble

Exercice du discours persuasif - ou du fa ire persuasif comme disent les seacutemi oticiens - la rheacutetorique est dabord laquo le lieu de rencontre de lhomme et du di scoursraquo 1 Dun cocircteacute elle est deacutefini e comme laquo le traitement du probleacutematique dans le discours raquo2 s occupant de ce qui nest que probable incertain di scutable de ce qui marque la contingence essentielle de la parole en attente d accord pour se consolider en veacuteriteacute bref de ce qui soumis aux aleacuteas de linterpreacutetation pourrait toujours ecirctre autre Son domaine es t celui de la veacuteriteacute instable et preacutecaire de la parole fragile agrave lopposeacute de celui de la logique qui deacutefinit les conditions de la veacuteriteacute neacutecess ai re et incontestable Et d un autre cocircteacute prolongeant cet espace du discours elle se deacutefinit comme laquo la neacutegociation de la distance entre les sujets raquo3 appelant la prise en compte des eacutenonciateurs monnayant leur adheacutesion et marquant mecircme leur implication sensible et passionnelle dans l interac tion chargeacutee d enjeux que reacutealise toute activiteacute de parol e On le sait agrave paltir dun simple eacutenonceacute descriptif purement deacutenotatif on peut infeacuterer menace ou bien veillance jalousie ou geacuteneacuteros iteacute autant deffets passionnels qui modalisent laquo la mise en ques tion de l autre raquo activant ainsi entre les interlocuteurs te lle ou telle pass ion Lagrave se situe le point de rencontre entre seacutemiotique et rheacutetorique Jaimerais tenter den saisir quelques aspects agrave travers cette interacti on particuliegravere qu est la lec tu re en m interrogeant particuliegraverement sur les modes d adheacutes ion de croyance ou de participation qu induit la lecture des textes litteacuteraires

1 M Meyer laquo lnuod uction raquo agrave la Rheacutetorique dAri stole Paris Le Li vre de poche 4607 1991 p 6 2 Ibid p 38 J Ibid p 52

1

l 1 1111111111 ( dl 11 11111 11111( dIIIS k l (llll lX IL de )1 did ICliqllC d une I II l lit ( 11 J Il) ( SI lIHl c a VIIl( l(lut SIII IJ position cruciale qu elle 1(

il lIi lllllt 1 11l II ~ 1( lt uIi me (eue position es t caracteacuteriseacutee par une Ji ld d( (liumllSioll (lIl~ i () 11 entre litl~ rat ure et mateacuterialiteacute de la langue dune I lil l l 1 I lmiddot IJ~ ioll entre litteacuterature ct formes culturelles de l autre

1 l propre de l eacutecrivain disait R Balthes es t laquo de voir la langue raquo c estshy-l III dl sa isir ensemble le son et le sens la prosodie la syntaxe et les 1(1 )1 voix ct les concepts la convention qui eacuterode la langue dan s la iii gtltll l llIIcteacute de son usage et l innovation qui la rend dans chaque œuvre 111 11 11 lillSi dire naissante presque eacutetrangegravere agrave elle-mecircme C est en ce sens jl l ltn ivain comme le notait G Deleuze agrave la suite de M Proust est celui l 1 rail eacutetranger agrave sa propre langue Du cocircteacute de la culture la litteacuteratu re l f L f eacutenorme reacuteservoir de la meacutemoire collective laboratoire ougrave cette 1Jl I II Il i rl~ seacutelabore agrave travers les mateacuteriau x langagiers dont elle dispose il III VI ougrave elle se fixe et s institue peu agrave peu en reacutefeacuterent culturel tapissant

1 il liumlgures de ses types et de ses configurations sensibles limaginaire 1 11 IlI sibiliteacute collectives Elle est ainsi reconnue comme moyen de transshyi II 1I 11I des contenus mythiques et axiologiques des maniegraveres decirctre et des i llltlegraveS de faire dune communauteacute linguistique en pattie fondatrice de l II knliteacute S y deacuteposent et sy transforment aussi bien les modegraveles de l ili lil) 1I (le reacutecit) que les liturgies pass ionnelles (comme le laquo fin amour raquo Il tli cvlt1 l) ou les codifications estheacutetiques Elle propose - ou prise en 1 ILllr L par l institution eacuteducative impose malgreacute e lle - des formes d orgashy111 1(11 )11 discursive du sens et des valeurs qui foncti onnent comme des illies de lecture (en codifiant par exemple les laquo genres raquo) filtrent nos 1 1 t( pti ons (comme le laquo reacutealisme raquo) deacutefinissent des hieacuterarchies et des 1 llI sions (comme le laquo bon goucirct raquo et le laquo mauvai s raquo )

( d horizon qui justifie une approche inteacutegreacutee de la litteacuterature est 1l lll roi s si large qu il ne manque pas de poser dembarrassants problegravemes l IIld hode Placeacutee dans un environnement aussi eacutetendu d interrogations 1 dc probleacutematiques l introduction de la litteacuterature dans l apprentissage l II ll e langue eacutetrangegravere ex ige par-del agrave les difficulteacutes proprement lingui sshyIIIJl ICS des reacuteductions draconiennes Il est frappant de constater par l Illple combien sa preacutesence dans les propositions did actiques reacutecentes I i egrave ll marquent la leacutegitimiteacute renouveleacutee est pour ainsi dire lateacuterale et 1 lI lirccte on s attache au paratexte - les seuils romanesques les cou vershyIlIl lS et laquo qu atriegraveme de couverture raquo les titres et la mise en scegravene du l middot xI e - aux incipit et aux desinit agrave des exercices de litteacuterarisation du t1 icours ordinaire ou agrave l inverse de laquo deacutelitteacuterari sation raquo du texte (agrave partir I II gacircteau de noces de Madame Bovary par exemple reconstituer la fi che I l cui sine la recette la quecircte des ingreacutedients la reacutealisation la conso mshymlli on etc) Bref on se tient prudemment sur le bord de la litteacuterature t1 IIIS une chaicircne de propositions qui restent pour lessentiel initiatiques4

middot1 Cf louvrage de J-P Goldenstein Entreacutees en litteacuterl LU re Paris Hachette co ll I (l lo [orm~ tio n raquo 1990

lx 1111 alltre Illode de pnScIlCl dll lilllrairc phl~ Illdll( ( 1 l lit IIlt PII( ( llIil

est implicite est celui que propose ln peacutedagogie dl 11 nllllvil cl ses prolongements actuels dans les simulations globales lJlali()1 dun univers fictif invention de rocircles et production de discours croiseacutes attashychement agrave la poeacuteticiteacute du mot et agrave ses potentialiteacutes narratives au seacuterieux de limaginaire et agrave la dimension de gratuiteacute de la langue La peacutedagogie deacute la creacuteativiteacute se preacutesente ainsi dans une perspective de production langagiegravere comme une propeacutedeutique agrave lusage litteacuteraire du langage Sa source dinspiration essentielle lOulipo latteste suffisamment

Agrave leacutecart de ces diffeacuterentes propositions meacutethodologiques la seacutemioshytique sinteacuteressant aux conditions de saisie de la signification a mi s le texte et ses structures organisatrices au centre de ses investigations En opeacuterant une sorte de laquo nettoyage de la situation verbale raquo pour reprendre une expression de Paul Valeacutery5 les seacutemioticiens de la litteacuterature ont accueilli avec reacuteserve et mecircme suspicion tous les termes leacutegueacutes par la tradition litteacuteraire solidifieacutes par lusage et les opinions qui les avaie nt faccedilonneacutes filtrant impeacuterativement notre accegraves agrave la tex tualiteacute personnages atmosphegravere sentiment description et reacutecit genres et styles deacutecriture En rejetant au moins provisoirement ces notions de la pratique descriptive il s ont ainsi voulu faire place nette pour sassurer sinon dune certaine naiumlveteacute du regard du moins dune suspension meacutethodique du jugement Les concepts analytiques quils ont alors proposeacute senracinaient en amont de la laquo litteacuterature raquo dans une theacuteorie geacuteneacuterale du langage Non sans diffishyculteacutes ces nouveaux instruments de description devaient s interdeacutefinir shomologuer entrer dans une hieacuterarchie rai sonneacutee et eacuteventuellement retrouver sous un eacuteclairage renouveleacute des probleacutematiques anciennes auxquelles elles garantissaient dans un champ de pertinence clairement eacute tabli un minimum de fiabiliteacute descriptive

On peut reacutesumer succinctement sa deacutemarche en disant que la semioshytique a privileacutegieacute trois dimensions qui pour necirctre pas propres au texte litteacuteraire s y articulent cependant de maniegravere speacutecifique Dans leur composition se deacutefinit pour une part lusage litteacute raire de la langue la dimension narrative la dime nsion passionnelle et la dimension figurative On peut aiseacutement reconnaicirctre ces trois dimensions conjugueacutees dans le texte de M Proust que n~)Us citons ici relatant l expeacuterience vive de la lecture par le narrateur dA la recherche du temps perdu

Apregraves cette croyance centrale qui pendant ma lecture exeacutecutait dincessan ts mouvements du dedans au dehors vers la deacutecouverte de la veacuteriteacute venaient les eacutemotions que me donnait laction agrave laquelle je prenais part car ces apregraves-midi-lagrave eacutetaient plus remplis d eacuteveacutenements dramatiques que ne lest souvent toute une vie Ceacutetaient les eacuteveacutenements qui survenaient dans le livre que je lisais il est vrai que les personnages quils affectaient neacutetaient pas

5 P Valeacutery Œuvres l Paris Gallimard coll laquo La Pleacuteiaderaquo (eacuted 1957) il laquo Poeacutesie et penseacutee abstra ile raquo p 1316

liI 111111111 tll 1- 1I 11 h ll llI St Mlis lous les sClllillH IlIS quc IIOUS rOll l IIH IVII 11 il llt (III lilirolllllll d lill pnsollllagt r6cl nc st produiscllt en 1111 1111 111 lIlltlTlllldiain d unt illlagc dc ce LLe joie ou de teLLe inforshy11111( IIII )lmiddotlliosileacute du premier IOmantin consista agrave comprendre que dans l ljlp lr t i 1 dt Il US eacutemotions l image eacutetant le seu l eacuteleacutement essentiel la simplishy111 llillll qui cO ll sisterai t 1 supprimer purement et simplement les personshyIl lglS reacutecls scrait Ull perfectionnement deacutecisif Un ecirctre reacuteel si profondeacutement qlll Il()US sympathisions avec lui pour une grande part est perccedilu par nos -1 li S ce~ t -agrave -dire nous reste opaque offre un poids mort que notre sensibishy111 6 Ile peut soulever Qu un malheur le frappe ce nest quen une petite Il Il 1ie de la notion totale que nous avons de lui que nous pourrons en ecirctre (1IIIIS bien plus ce nest qu en une partie de la notion totale quil a de soi Iuil pourra jecirctre lui-mecircme La trouvaille du romancier a eacuteteacute davoir l ideacutee 1il- remplacer ces parties impeacuteneacutetrables agrave lacircme par une quan titeacute eacutegale de plIlies immateacuterielles cest-agrave-dire que notre acircme peut sassimiler (luimporte degraves lors que les actions les eacutemotions de ces ecirctres dun nouveau 1cme nous apparaissent comme vraies puisque nous les avons faites nocirctres Iliii sque cest en nous quelles se produisent quelles tiennent sous leur d0pcndance tandis que nous tournons fieacutevreusement les pages du li vre la rapiditeacute de notre respiration et l intensiteacute de notre regard Et une fois que k romancier nous a mis dans cet eacutetat ougrave comme dans tous les eacutetats pureshyIlll nt inteacuterieurs toute eacutemotion est deacutecupleacutee ougrave son livre va nous troubler il LI faccedilon dun recircve mais dun recircve plus clair que ceux que nous avons en limant ct dont le souvenir durera davantage alors voici quil deacutechaicircne en 110lS pendant une heure tous les bonheurs et tous les malheurs possibles d()nt ll OLIS meLLrions dans la vie des anneacutees agrave connaicirctre quelques-uns e t do nt les plus intenses ne nous seraient jamais reacuteveacuteleacutes parce que la lenteur avec Idquelle ils sc produisen t nous en ocircte la perception (ainsi notre cccur lbange dans la vie et c est la pire douleur mais nous ne la connaissons quc dans la lecture en imaginati on dans la reacutealiteacute il change comme cerl ains pheacutenomegravenes de la nature se produisent assez lentement pour que si nous pouvons constater successivement chacun de ses eacutetats diffeacuterents en revanche la sensation mecircme du changement nous soit eacutepargneacutee)6

1 ( lexte deacuteploie de m aniegravere extrecircmement fine les conditions de la paltishy1 111 li ol1 eacute motionnelle du lecteur agrave lunivers du reacutecit On ne saurait bien 1 Iltll d u en proposer ici une analyse deacutetailleacutee Disons seulement quil 1I h lil plusieurs seacuteries de correacutelations correacutelation tout dabord entre la 111 ifiuml cation sensible de lexpeacuterience perceptive et la signification eacutegaleshy

11 11 11 1 sens ible de lexpeacuterience di scursive agrave travers la lecture (que marquent l Llppos itions entre le dehors et le dedans les personnages reacutee ls e t les Ill sOlmages de roman la veacuteriteacute reacutefeacuterentie lle e t la veacuteriteacute de la lecture ltliii sion o nirique et l illusion romanesque le tempo de la reacutealiteacute et le l IllpO romanesque) Correacutelation ensuite entre une theacuteorie de la creacuteation 1III ITaire (ltlt lingeacuteniositeacute du premier romancier raquo) e t une theacuteorie de la 1I IIIIC toutes deux deacutefinies par le rocircle central des images les simulacres

( M Proust Agrave la recherche du temps perdu COlILbray Paris Gallimard coll laquo La Pleacuteiade raquo

1 pp 84-86

I(I

1111I1I1I ( IIcirc l b qUI Ilt11 CUIIillll1CIII pas IlIOill h Il 1 lll r dj ~ li l lll ~ Iv LI fcprCshysllIlatioll selliblc COT(laliun enliumlll enlre deux IInivI l d tl1 yIIIIT cl de veacuteriteacute celle de la quecircte de veacuteriteacute qui est lobjet 1l12tlll Iv LI (tlnmiddotte et celle de la veacuteriteacute que fait eacuteprou ver au corps propre dalls l acle de lecture le mouvement irreacutepressible des eacutemotions (ltlt rapiditeacute de la respiration raquo laquo intensiteacute du regard raquo)

Sous-jacentes agrave ces diffeacuterents parcours de la signification les trois dimensions - narrative passionnelle figurative - de lanalyse seacutemiotique sassocient dans lexpeacuterience mecircme de la lecture et la conditionnent On en retrouve aiseacutement les marques laquo laction agrave laquelle je prenais part raquo laquo les eacuteveacutenements dramatiques raquo laquo les personnages raquo les changements deacutetats etc eacutetablissent le socle narratif de lexpeacuterience laquo les eacutemotions raquo laquo les sentiments que nous font eacuteprouver la joie ou linfortune raquo laquo leacutemoshytion deacutecupleacutee raquo laquo les bonheurs et les malheurs raquo etc deacutecrivent les variashytions deacutetats du lecteur et expriment la dimension passionnelle la meacutediation des laquo images raquo la seacutelection des traits que sont les laquo parties immateacuterielles raquo impeacuteneacutetrables agrave lexpeacuterience totale le temps et le tempo des expeacuteriences confronteacutees signalent lessentielle preacutesence figurative des repreacutesentations

Afin de preacuteciser le statut de ces dimensions on peut en quelques mots les situer les unes par rapport aux autres dans lapproche seacutemiotique La dimension narrative en premier lieu est de loin la plus solidement eacutetablie Elle consiste agrave mettre agrave nu les structures organisatrices de notre intuition narrative transformeacutee en ces laquo ecirctres de papier raquo que sont les personnages sujets de deacutesir ou de crainte acqueacuterant des compeacutetences agissant luttant eacutechouant ou remportant des victoires Des organisations preacutedicatives dun type palticulier sous-tendent leurs parcours les stlllctures actantielles se deacutefinissent par une composition modale (vouloir devoir savoir pouvoir ecirctre ou faire) qui commande la transformation de la relation entre les sujets et les objets de valeurs (acquisition eacutechange privation etc) Les structures se deacuteploient en seacutequences que lhistoire culturelle celle des reacutecits a figeacutees dans notre imaginaire narratif sous des formes canoniques (du contrat initial agrave la sanction finale reacutecompense du heacuteros et punition du traicirctre dans les contes populaires) Le premier grand roman de la litteacuterashyture franccedilaise Perceval ou le conte du Graal illustre de maniegravere exemshyplaire une telle trame Cette dimension narrative enrichie et complexifieacutee a donneacute lieu depuis longtemps agrave de nombreuses applications didactiques efficaces mais parfois exageacutereacutement simplificatrices (le scheacutema narratif de la quecircte par exemple)

Car les structures de laction neacutepuisent pas loin de lagrave lorganisation discurs ive du sens Et la litteacuterature ne se contente pas de mettre en discours des faits et des gestes Le reacutecit montre de maniegravere robuste parce que systeacutematisable comment se transforment les laquo eacutetats de choses raquo passage de la pauvreteacute agrave la richesse de la jouissance agrave la privation les objets circulent seacutechangent se perdent Mais quen est-il du sujet qui continue agrave ecirctre qui persiste et module ses eacutetats propres ses laquo eacutetats

~ 1

1 1111 n IlI V( I LI e ll II hll1 dvi vakllrs deacutesiLlhles lli redoulables 1111 1 jlIlSI n S IIlIl Il v()llIl lai ssL dls (lslcs SOII S (ormc de laquo regret raquo ou de

Ill Il g il liIlIIHISiihil 1LlISillioll d un objet de deacutesir renforce au fil I I Ilh iIICk s nllcolllreacutes le vouloir du sujet et cest laquo lobstinationraquo les 0111 virluels grandi ssent au fil des acquisitions partielles dilatant lecirctre )lllid du sujet cest laquo lambition raquo Cette profusion de simulacres que lll plll IL sujet passionneacute en avant de lui-mecircme analysables dans la 111IIIl ougrave il s forment des objets dans le discours que la langue nomme 1 f III)illlise a conduit la seacutemiotique agrave leacutetude de cette dimension relatishy 1 1111111 autonome qui est celle des passions Or la litteacuterature est de toutes Il lonllcs du discours social celle qui dans nos cultures fixe isole et dlllis t des identiteacutes des types et des parcours passionnels Il y a lagrave un

lll domaine de recherches pour la didactique des langues - maternelle 1 tI I lllgegraveres - notamment en ce qui concerne la comparaison intercultushy Il dcs figures et configurations du sensible

1( sensible nous conduit agrave la troisiegraveme dimension la figurativiteacute La Illl liumllllIre est au deacutepart un discours figuratif il repreacutesente il eacutetablit lors dl 11 lecture un rapport immeacutediat une ressemblance une correspondance JlI( les rigures seacutemantiques qui deacutefilent sous les yeux du lecteur et celles IIlonde quil eacuteprouve sans relacircche dans son expeacuterience sensible au 1 1111 d entrer en concurrence avec elles (ce que deacuteveloppe le texte de 1 I1SI) Cest la mIcircmesis Cette dimension sinteacuteresse agrave la maniegravere dont

IIl scrit le sensible dans le langage et le discours cest-agrave-dire agrave la vision 1 11 pnception agrave toutes les formes de la sensorialiteacute Cette dimension 111 lllative de la signification la plus superficielle celle de limmeacutediat 1 lS au sens est tisseacutee dans le texte en isotopies et recouvre de toute sa oIll l- l ~ miroitante dimages les autres dimensions plus abstraites et plus 1 il Irlllldes Elle donne au lecteur comme au spectateur dun tableau ou 1 1111 liumllm le monde agrave voir agrave sentir agrave eacuteprouver La praxis culturelle qui 111111( forme agrave lusage fixe alors lordre de veacuteriteacute toute relative du figushyr il ii r dans des laquo poeacutetiquesraquo particuliegraveres et conventionnelles ce sont par r ( Illple lalleacutegorisme le reacutealisme le symbolisme le surreacutealisme etc l voies figuratives du sens sont agrave explorer particuliegraverement dans la 1111 111 c ougrave elles reacutegissent les grandes codifications estheacutetiques du texte Itlil lire et plus preacuteciseacutement les diffeacuterents modes de participation et dadshyl io 1 dans la lecture

()n peut se repreacutesenter la figurativiteacute comme lavant-scegravene du sens ll1me la faccedilade la plus concregravete du discours lorsque agrave lopposeacute du 1 r Iuurs abstrait et de ses formes de rationaliteacute surgissent dans la langue l images de lexpeacuterience sensible du monde Dans une premiegravere accepshy111111 linguistique de ce terme strictement structuraliste on consideacuterait que 11 1igurativiteacute dun texte se deacutegageait de la reacutecurrence de traits seacutemanshyIlPICS qui fileacutes et noueacutes dans le tissu textuel provoquent limpression 1( leacutequation du sens agrave la reacutealiteacute veacutecue Cette deacutefinition postule donc une cspondance entre les figures du plan de lexpression du monde Il illircl lexpeacuterience sensible en elle-mecircme signifiante et les figures du

l U 1

I hlll tlii 1111111 111 11111 1111111 (vLlhtI VI~Il1 1111 lllll l Il)IIII S S0l11

1t jlll yI 111 Il111( dl sigllifiLalio)l slable k 11[1111lt splliaks kllll(IIclleS persollllelle) cl autres Dans lexeJllpk 111(11 1()1l111l de la gr 1III Ilaire geacuteneacuterati vc laquo Les ideacutees vertes inc()lor~s dOJJlI(lll furieuse - ment raquo cest bien cette correspondance qui ne se reacutealise pas 1

Or si nous pouvons spontaneacutement nous accorder pour dire quon ne se figure rien de coheacuterent agrave la lecture dun tel eacutenonceacute du fait de lincompashytibiliteacute entre ses diffeacuterents traits figuratifs et de limpossibiliteacute de stabiliser une isotopie de lecture en revanche il est tout agrave fait possible de deacutecoushyvrir en sollicitant un liant theacutematique agrave un niveau plus abstrait une signishyfication acceptable et partageable Si les laquo ideacutees raquo sont la meacutetonymie dune fOlmation politique (comme on dit laquo les ideacutees de gauche raquo) alors le mot laquo ideacutees raquo entraicircne avec lui une isotopie theacutematique quon peut qualifier de laquo politique raquo et tout senchaicircne vertes (eacutecologiques) incoshylores (ni de droite ni de gauche) dorment (sont exclues de la communishycation publique) furieusement (motif dune intense colegravere) Voici que par le deacutetour dune lecture theacutematique nous avons redonneacute agrave cet eacutenonceacute laquo absurderaquo une coheacuterence figurative creacutedible Bien sucircr on peut accepter ou non croire ou ne pas croire

Mais cet exemple a le meacuterite dattirer lattention sur le problegraveme que pose dans la deacutefinition structurale de la figurativiteacute le terme laquo corresshypondance raquo Il laisse entendre proche en cela dune conception lexicale du langage lexistence dun lien de repreacutesentation univoque meacutecanique et neacutecessaire entre des formes fixes entre le mot et le monde Or on doit bien reconnaicirctre quentre les figures du langage et celles de la perception il y a comme un flou un bougeacute que semble gommer le structuralisme statique La correspondance varie tout se passe comme sil y avait plutocirct deux instabiliteacutes deux imperfections qui vont agrave la rencontre lune de lautre chargeacutees denjeux et de potentialiteacutes divergentes qui tentent dans la communication leur chance dune reacuteunion En y regardant de plus pregraves on peut donc consideacuterer que la correspondance reacutepond agrave la grille cultushyrelle qui lui est appliqueacutee rendant possible au prix de conventions contraishygnantes mais provisoires consistantes mais preacutecaires la lisibiliteacute figurative

Sous le figuratif il y a donc le croire il Y a comme on dit en seacutemioshytique un laquo contrat de veacuteridiction raquo une relation fiduciaire de confiance et de croyance implicite entre les partenaires de la communication qui speacutecifie les conditions de la correspondance un croire partageable et partageacute au sein des communauteacutes linguistiques et culturelles qui fixe l hashybilitation des valeurs figuratives et eacutenonce leur mode de circulation et de validiteacute Cest ce contrat qui theacutematise la figurativiteacute du discours et engendre diffeacuterents reacutegimes de persuasion et dadheacutesion le vraisemblable et la fiction le reacuteel et le fantastique le repreacutesentable et labsurde les effets de laquo reacutealiteacute raquo de laquo sur-reacutealiteacuteraquo ou laquo dir-reacutealiteacute raquo Ainsi seacutetablit le lien avec les preacuteoccupations intersubjectives de la rheacutetorique On peut dire que la litteacuterature est par excellence le domaine du discours ougrave sex-

H

111 11111111 I ~ VII jlttl illll lilt 1111middot (11 1Ip(llldlIlltI 01 11Ilinlcllalll de Cl 1 gt1111 11 (1111111 lIIIIII d IIII 1tlilllli1ill qui repoe sur le deacuteroulement 111111 PII(It- 1I1I1lliVl (dl pamle confirme interroge ou deacutenonce sans 11II II Il~ Cl1I1Vllltions qudie a eacutetahlies Comme un film tendu entre la 11 11111 l lt1 l lX peacutericllcc scnsible la figurativiteacute devient selon la deacutefinition lj ll Il 1 proposeacute A J Greimas dans De [Imperfection laquo cet eacutecran du lIII III( dont la vertu consiste agrave entrouvrir agrave laisser entrevoir gracircce ou agrave III d( 0 11 impcrfection comme une possibiliteacute doutre-sens raquo7

1 1111 Slns et outre-sens dans le jeu des croyances stabiliseacutees illusoires II I 11 l lllai nes depuis la certitude reacutefeacuterentielle jusquagrave leacuteblouissement 1 111l11IIIC dune laquo vision raquo inattendue une des proprieacuteteacutes de la litteacuterature 1 1 ri reacutev iser sans cesse le contrat de veacuteridiction figurative remettant

111 1 l(lIIOL1fS en question les fOffiles du laquo comprendre raquo8 On peut alors 1 1ltIl l base tenter desquisser une petite typologie des voies contrac-

IIJI Il de la signification figurative telles que nous les suggegraverent quelques 1 Il111 litteacuteraires ouvrant ainsi des perspectives meacutethodologiques agrave la jl l Il it III dcs textes

l II prcnant donc appui sur cette modaliteacute implicite mais centrale du 1 li II l cie ses variations qui fonde le reacutegime dadheacutesion du lecteur agrave ce 1IIi d 1il on peut distinguer quatre grandes voies pour la lecture des textes lill IIIILS Opposables lune agrave lautre ces quatre positions se deacutefinissent 111 Il slatut diffeacuterencieacute du sujet lecteur et interpregravete quimpliquent et que 1 IIillIlicnt les classes de textes figuratifs ainsi constitueacutees On les 1 lllll(ra ces positions le laquo croire assumeacute raquo le laquo croire reacutecuseacute raquo le

( )tIl l critiqueraquo et le laquo croire en crise raquo

1 01 prcmiegravere voie la plus scolariseacutee en lecture litteacuteraire peut donc ecirctre Ij 1 JI Ilt- l laquo le croire assumeacute raquo Les effets figuratifs sont responsables de nos

111 11 Il ions reacutefeacuterentielles et nous nous y abandonnons volontiers en Il 1111 lecture naiumlve Le lecteur du roman sabsorbe dans une sorte de 1 11 II seconde il se laisse conduire en confiance il agit et il pacirctit avec 11 ltlsonnages il veut la suite et se hacircte vers la fin il consent agrave adheacuterer l hallucination momentaneacutee et en y croyant il sy croit Il traverse

Ill lIIllll leacutecrit Paul Valeacutery laquo une sorte de crise de la creacuteduliteacute raquo9 Cette l IIIIlliviteacute iconique commande les protocoles douverture des romans dits

1 t istes raquo laquo En 1829 par une jolie matineacutee de printemps un homme

l Greimas De [llIlpefeeion Peacuterigueux Fanlac 1987 p 78 1l eacuteludiants eacutetrangers bons francisants engageacutes dans la leclure du Panagruel de Rabelais

l )) ))(111 dc ne pas comprendre ce li vre Absorbeacutes par le devo ir de compreacutehension qulis l 111))1 ccedilomme une eacutevidence du contrat de lecture il s n aperccediloivent pas que ce sont les deacuterashyl tI Ics eacutechecs de la communication que le roman dans lexplosion des langages met en

li 1lccedilouvrant enfin que Panlagruel ne comprend pas plus queux -mecircmes les discours de l 1 limou sin de Bai secul et Humevesne ou de Panurge le laquo conlrat Fiduciaire se trouve d 1 egraveI ils repre nnent plus confiants leur lecture 1 l Va leacutery laquo Propos sur la poeacutesie raquo in laquo Varieacuteteacutes raquo Œuvres 1 Paris Gallimard coll laquo La 1 1111 p 1374

r1

1 gl d lilvimii l illljll lllll all ~ sillvaii llI v 1I 1111 1Il 111111 II III ll lU gll l II X qUI megravene ~ lIll g ro~ ho urg dll e prls de la (ralldc ( h lilll ll l ( ILdlc 1_( Meacutedecin de campagne) ou encore laquo Dans la pllill l 11 ( ~ ()lI S la Iluit sans eacutetoiles d une obscuriteacute et dune eacutepaisseur d encre un IHlIlllllC sui vait seul la grande route de Marchiennes agrave Montsou di x kilomegravetres de paveacute coupant tout droit agrave travers les champs de betteraves ~) (Zola Germinal) Codes figuratifs aujourd hui useacutes mais non pas deacutecreacutedibi liseacutes espace temps personne le cadre protocolaire est fi xeacute donnant naissance agrave sa suite agrave dinfinies reproduction s litteacuteraires joumalistiques et peacutedagogiques Lorsque le Nouveau Roman brise ce cadre clos et modifie radicalement les formes de l eacutecriture il ne transforme pas pour autant le contrat fidushyciaire de base qui le fonde Claude Simon inaugure ainsi son roman Histoire sans majusc ule par une seacuterie d anaphoriques laquo l une d e lles touchait presque la maison et qu and je travaillais tard dans la nui t ou devant la fenecirctre ouverte je pouvais la vo ir ou du moins ses demiers rameaux raquo En proceacutedant ains i il retarde la croyance attendue espeacutereacutee du lecteur il n en mod ifie pas la structu re

Cette laquo creacuteduliteacute raquo est au cœur de l expeacuterience proustienne de la lecture qui comme on vi ent de le vo ir agrave travers l ex trait de Combray installe la co-preacutesence tendue et presque conflictue ll e entre la reacutealiteacute intensive de la lecture et celle extensive e t relacirccheacutee du monde reacuteel Proust lecteur assume donc cette croyance eacutemotionnelle de maniegravere exemplaire dramati sant mecircme le lien entre la fi gurativiteacute du texte qu il lit et la vi sibiliteacute du monde qu il regarde soudain lorsquil legraveve le yeux de son livre et explicite alors la concurrence des visions laquo qu and je voyais un objet exteacute rieur la conscience que je le voyais restait entre moi et lui le bordait dun mince li sereacute spirituel qui m empecircchait de toucher direc tement sa matiegravere raquo10 Voici donc un premier lec teur ce lui qui assume sa croyance et se fond momentaneacutement en elle

Le second lecteur es t conduit par le tex te agrave ce que j appelle un laquo croire reacutecuseacute raquo La litteacuterature cest Ull des critegraveres qui la deacutefinissent incorpore son code seacutemantique ces t-agrave-dire lensemble des eacuteleacutements situationnels et contextuels qui rendent possible laccomplissement de la lec ture Ainsi le tex te litteacuteraire agrave travers ses mises en scegravenes narratives e t figurati ves peut non seulement donner le monde agrave voir mais eacutegalement les usages litteacuteshyraires de la langue qui en ont codif ieacute la perception Il en est ainsi par exemple des scheacutemas discursifs agrave travers lesquels la repreacutesentation litteacuteshyraire sest figeacutee et qu un renversement iro nique vient perturber ou reacutecuser Le texte fa it a lors surgir un autre ordre de croyance fond eacute sur la deacutenonciation des croyances acquises et partant une nouvelle deacutefini tion de lacte de lecture Le type mecircme en serait la ceacutelegravebre ouverture provocatrice de Jacques le Fataliste de Diderot laquo Comment s eacutetaient-ils renconlreacutes

10 M Proust Du cocircteacute de chez Swanl l laquo Combray Paris Ga llimard coll laquo La Pleacuteiade n T l p 84

X

1 11 Il 1 1111 ll IIIJIIL I(lUI k Illonde COlllllle lll s appelaicIlt- ii s ) Que vous IlliI II II 1) () l vC ll a i v Jlt - il ~ ) Du lieu le plus prochain Ougrave allaient-ils 1 (( [ lJ( 1 011 sa it Oll lon va raquo Ou encore exemple plus proche de l i I HI~ l inc ipit dcs Flturs bleues de Raymond Queneau laquo Le vingt-c inq 11(t lllbrc douze cent soixante-quatre au petit jour le duc d Auge se

11 11 11 sur le som met de son donjon pour y consideacuterer un tantinet soit lI Il la s ituation historique raquo Ces deux exemples ont en commun de IIII C I le langage lui-mecircme et ses protocoles fi guratifs au centre du l II)IIS Ils condui sent le lecteur agrave se deacutetacher de la viseacutee reacutefeacuterentielle lli 111 ln deacutecouvrir une autre ce lle des formes litteacuteraires engendreacutees par 1 Il lgl Ils imposent au lecteur un reacutefeacuterent interne convoqueacute par ironisashy111111 O n pourrait dans cette perspective eacutetudie r les variations de l ironie 01 01 11 la litteacuterature moyen d exhibition et de renversement des codes 1Il lIll iques et discursifs que la praxis eacutenonciative a stabiliseacutes configushy

1 1111 Iinsi les seacutedimentations qui deacutefini ssent l usage et les habitudes y 1 1I 1111 )J is celles de la lectu re

fVCC la troisiegraveme positi on celle du laquo croire crttIque raquo tout change 1 1 IGstatut de la f igurativiteacute e lle-mecircme qui se trouve alors modifieacute Elle _i I lslnte ici avec un double fond les impress ions de veacuteriteacute premiegraveres lii iiient iconiques se deacuterobent et un autre ordre de veacuteriteacute - ou de IY lIlegravee - sy superpose apparaissant agrave travers leurs manifes tations iil l llllS Lagrave se silue ce qu on appelle parfois le laquo raisonnement fi guratif raquo

iI dl d une efficaciteacute veacuteridictoire ou persuasive qui lui est propre Agrave la Iltll llcnce de la rati onaliteacute cognitive class ique qui procegravede par deacutedu ctions ~ Il li ivant des combin aisons log iques (comme les laquo cause conseacuteshyIpll llce raquo) cette forme de rationaliteacute procegravede par analogie Les assoc iashyIl S de fi gures et d images n eacutepuisent pas leur significati on dans la seule Il) IIiOIt ion e lles engendrent des laquo ideacutees raquo La preacutesence figurati ve qui l l ll l it les images du monde sous les sens laquo eacutecran du paraicirctre raquo se 1 l ve alors porteuse d effets de sens et de repreacutesentations d un autre Ii Il l theacutematique ou abstrait

( - t le cas de l alleacutegorie qui habille les abstracti ons de repreacutesentations 111lI rati ves c t les integravegre ains i conformeacutement agrave une codi fication preacutec ise 11 11 l usage a reacutegleacutee agrave luni vers sensible On peut songer ainsi agrave l uniteacute Hili ante du monde qui associe lintelligible et le sensible notamment

1 1 1 le moyen de lalleacutegorie dans la penseacutee du Moyen Acircge E t cest IlI vt nt un parcours seacutemantique inverse le cas du sy mbole qui tra verse

111 11 liuml gurati on premiegravere pour eacuteriger la signification sensible en signifieashyI III II~ d un autre ordre le lec teur nest plus seulement inviteacute agrave voir la 11 1c il es t conduit agrave linterp reacuteter et agrave la transcender (ltlt La nature es t un l IlI pk ougrave de vivants pili erslaissent parfois sortir de confu ses paroles raquo) l lt encore la situation particuliegravere agravee la parabole qui en deacuteroulant le Il 1It figurati f d actions de la vie quotidienne (semailles etc) transforme 1ltveacute llement raconteacute en interrogati on suspendue agrave la reacuteponse du lecteur III responsabilise ai nsi leacutenonciataire devenu source du sens Il est en 1k t inviteacute agrave construire par lui-mecircme une signi fication autre sur une

middot H

iSOlopil laquo spirillltllt- par CXIllIph laquoIll ccllt middot JIll h dlllI ul 11 11 111 11)lIrllil agrave lui seul la issait pelccvoir

L analy se litteacuteraire et les laquo lectures raquo que la cri li que propose Ill procegraveshydent pas autrement par une sorte de reacuteduction du figuratif le lecleurshyinterpregravete deacutecouvre des repreacutesentations seacutemantiques d un autre degreacute plus laquo profondes raquo ou plus laquo abstraites raquo Le lieu dadheacutesion de la lecture s est deacuteplaceacute il est passeacute de lillusion reacutefeacuterentielle agrave lillusion interpreacutetative On pourrait en donner pour exemple cette architecture si particuliegravere du gacircteau de noces d Emma Bovary la piegravece monteacutee laquo qui fit pousser des cris raquo aux convives laquo Agrave la base d abord ceacutetait un carreacute de carton bleu figurant un temple avec portiques colonnades et statuettes de stuc tout autour dans des niches constelleacutees deacutetoiles en papier doreacute puis se tenait au second eacutetage un donjon en gacircteau de Savoie entoureacute de menues fortishyfications en angeacutelique amandes raisins secs quartiers doranges et enfin sur la plate-forme supeacuterieure qui eacutetait une prairie verte ougrave il y avait des rochers avec des lacs de confiture et des bateaux en eacutecales de noisettes on voyait un petit Amour se balanccedilant agrave une escarpolette de chocolat [ ) raquo La piegravece monteacutee est sous les yeux et pourtant son archishylecture et les motifs figuratifs quelle dispose suggegraverent une autre deacutefinishytion quon pourrait dire laquo civilisationnelle raquo non pas seulement celle socio-historique dune repreacutesentation des noces bourgeoises au XIxe siegravecle mais plus abstraitement (symboliquement) celle dune condensation culturelle Envisageacutes dans leur dimension diachronique conformeacutement au deacuteroulement du texte lui-mecircme les diffeacuterents espaces de la piegravece monteacutee constitueraient un motif fonneacute agrave l eacutepoque romantique qui fait ainsi se succeacuteder trois grands acircges de la culture lAntiquiteacute greacuteco-romaine (le temple) le Moyen Acircge (le donjon) et le Romantlsme lui-mecircme (lAmour sur son escarpolette en chocolat) appelant ainsi la deacuterision ironique du steacutereacuteotype Mais ce motif peut eacutegaleme nt ecirctre compris comme une structure synchronique qui reproduirait dan s les figures que montre le gacircteau les trois grandes fonctions de souveraineteacute que G Dumeacutezil a reconnues bien plus tard comme structure permanente speacutecifique aux relig ions et aux cultures indo-europeacuteennes la fonction magique et religieuse (le temple) la fonction guerriegravere (le donjon) la fon ction de reproduction et de feacuteconditeacute (lAmour) La piegravece monteacutee d Emma devient alors un condenseacute dideacuteologie un gacircteau laquo indo-euroshypeacuteen raquo une sorte de parabole On peut y croire cela relegraveve de la responsabiliteacute critique du lecteur

Nous arrivons au quatriegraveme mode de saisie figurative enfin le laquo croire en crise raquo Voici que le texte interroge au cœur de la langue les figures elles-mecircmes eacuteprouve leur reacutesistance met en doute la croyance qui fonde le partage seacutemantique La figurativiteacute deacutesonnais incertaine du langage rejoint et questionne la vision qui la fonde ou plus largement la communauteacute des perceptions qui motive preacuteciseacutement lefficaciteacute figurative Ainsi commence LInnommable de Samuel Beckett laquo Ougrave maintenant Quand maintenant Qui maintenant Sans me le demander Dire je Sans le penser Appeler ccedila

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dr middotbull qlllt ~ IIIII d IIYI(lillli I middot 1111 dc l Il VIIII i llI)(II ( 1 tllt l 111( ici ( 1

ho 1 lvIIII N l illS ~ (l IIIIII( I(li 1 pl (~(1I1 Iv Li vlsihililt cOllliumlall[c de la Il11 111 il Iq1I1al iVl 01 IllllIll til l dlieacit( illterpr( tali ve lous ces modes d l Ii vlridiltio ll SOli d6sonnai s mis en question Quand Henri Michaux I l Id d1I1S laquo Intervention raquo un des textes de La nuit remue laquo Autrefois 1 ilV lis Irop le respect de la nature Je me mettais devant les choses et les 11 Y lgcs ct je es laissais faire raquo il exprime cette confiance consentante III IIIS deacutejagrave suspecte du croire assumeacute charriant avec les figures des

IIlISCS raquo et des laquo paysages raquo les acteurs les actions et les valeurs quenshy1 1111 Icur programmation narrative Il poursuit laquo Fini maintenant jintershy Il 1lltlra i Jeacutetais donc agrave Honfleur et je my ennuyais Alors reacutesolument jy 1111 du chameau raquo Cette figure nouvelle et incompatible avec le contexte I II II Lllif et axiologique (la grille culturelle) va se disseacuteminer dans la ville 11 Il ansfonner l ordre des valeurs laquo lintervenant raquo force le passage des 1il IIns et du mecircme coup en force le partage imposant un nouvel ordre de llllllunication inquiegravete laquo On commenccedilait agrave voir les Honfleurais loucher ilque instant avec ce regard soupccedilonneux si speacutecial aux chameliers raquo

Iles exemples comme ceux-ci abondent et non seulement dans les l Is contemporains Mais la scolarisation de la litteacuterature qui se fonde III k croire assumeacute tend agrave les occulter On peut penser agrave tel ou tel conte l Maupassant comme laquo La Nuit raquo qui repose ainsi sur une deacutegrada tion d LI figurativiteacute Le narrateur laquo aime la nuit avec passion raquo Un soir il 1 lII court Paris mais voici que peu agrave peu les lumiegraveres organisatrices de la 1lliliumlcation noctl1me (clarteacute vs obscuriteacute) sestompent et disparaissent 1Il sant la place agrave un monde noir et indiffeacuterencieacute cauchemar qui sachegraveve LIIS les eaux boueuses du fleuve Or et cest cela qui est remarquable d III S ce reacutecit agrave lextinction figurative du sensible sur le plan du contenu ll Il[ correspondre sur le plan de lexpression un effondrement figuratif ( Ill sens rheacutetorique du tenne cette fois) du discours tous les proceacutedeacutes 111 loriques images comparaisons meacutetaphores antithegraveses qui eacutetaient IIIltlbondantes au deacutebut du reacutecit disparaissent progressivement de leacutecri shy

11IIC On assiste ainsi parallegravelement agrave celle de lillusion figurative agrave une 11 location du langage qui en promouvait les impressions cest la fiabishy1ll sensible de la langue elle-mecircme qui est deacutegradeacutee

Au terme de ces modulations du croire saisies agrave grands traits agrave travers 11 ligurativiteacute du discours je voudrais en concluant en venir aux ou vershyI lli e s didactiques quune telle typologie peut suggeacuterer

On peut souligner tout dabord le lien avec la perspective rheacutetorique l Il ouveeacutee initialement introduite Le texte est envisageacute dans la perspecshyli ve du lecteur appreacutehendeacute du point de vue de laquo lauditoire raquo et lanalyse 1 centreacutee sur l action quil exerce la varieacuteteacute des formes de ladheacutesion 1 l modaliteacutes de la croyance dans la lecture Cest donc bien une fonne 1 efficaciteacute persuasive qui commande la deacutemarche proposeacutee On peut ()Ilsideacuterer ensuite que ces diffeacuterents croire peuvent nous orienter vers une hi sloire culturelle des formes de la lecture (dans lunivers au moins des lx tes romanesques franccedilais) Elle montre par exemple que lillusion

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r(ilisL ou illu-ioll n knlltilllc Ilest qllUIII dC i VII i l I lII I III dillltllS dl la lecture efficace ct invite il eacutelargir lillterr()gati~lIl 111 l f 1111 1 ~ II IllIvre culturelles du croire critique ou du croire en crise 1 )11111 llItll Illaniegravere les attitudes de lecture proposeacutees peuvent correspondre i des laquo iIcircges raquo de la lecture Aussi approfondie et argumenteacutee quelle soit l expeacuterience de la lecture deacutecrite par Proust est celle dun adolescent comme abandonneacute agrave lefficaciteacute figurative du texte substituant agrave lexpeacuterience reacuteelle ou agrave lexshypeacuterience critique une expeacuterience imaginaire veacutecue Attitude assez compashyrable au fond agrave celle dEmma Bovary grande lectrice de romans La confrontation avec le langage quimpose la lecture de H Michaux par exemple est de nature bien diffeacuterente Enfin ces attitudes eacutemotionnelles et cognitives du lecteur induites par les textes eux-mecircmes peuvent suggeacuterer des pratiques peacutedagogiques speacutecifiques Le laquo plaisir du texteraquo peut ecirctre assimileacute au croire assumeacute et suggeacuterer des pratiques peacutedagogiques qui visent agrave le faire partager Cest ce que proposent entre autres les nouveaux programmes du collegravege lorsquils promeuvent la lecture cursive forme la plus ordinaire de la lecture agrave la fois libre creacuteative et communishycable En revanche le croire reacutecuseacute conduirait plutocirct agrave une lecture reacuteflexive centreacutee sur la reacutealiteacute geacuteneacuterique des textes leur appartenance agrave des genres dont ils eacutebranlent les codes et transgressent les normes implishycites Le croire critique quant agrave lui conduirait davantage vers une lecture analytique fille de la lecture hermeacuteneutique et de lanalyse textuelle chershychant agrave deacutegager sous Je paraicirctre figuratif du sens des trames theacutematiques plus profondes Le croire en crise enfin caracteacuteristique entre autres manishyfestations de formes modernes de notre culture litteacuteraire prend en compte le mateacuteriau langagier lui-mecircme leacutepaisseur de son expression et sa preacutecashyriteacute essentielle Il invite agrave ce quon pourrait appeler une lecture poeacutetique faisant retour sur la fabrique du langage lui-mecircme

Cette derniegravere lecture illustre bien la complexiteacute de la relation entre le texte et son lecteur Relation eacutetroitement reacuteciproque le lecteur en lisant actualise le texte et son sens conformeacutement ou non agrave ses attentes et aux preacutevisions que lui donne sa compeacutetence linguistique et culturelle Mais le texte aussi cherche et creacutee son lecteur il linvente au plus pregraves du langage dans sa substance et dans ses fornles suscitant le doute linshyquieacutetude et la surprise Agrave travers la diversiteacute des modes de croyances quappelle la lecture voici que se rencontrent in verseacutees lexpeacuterience sensible de la langue et lexpeacuterience culturelle du monde

Denis BERTRAND Universiteacute de la Sorbonne Nouvelle-Paris III

BIBLIOGRAPHIE

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Il lI l It middot 1I1 1l111111l 11 1111 Lllll e j 1 ) i lll~ MII ( )1 1 (1 1 l(lY ((d ~ ) iI

111(1111 1 pp 1lt 1 n I 1nlhYllllIIIC c l Itx lllalisalilill raquo Dans ll()gJ)I~()N I 1 el 1 l()NJNILLI (I middotds) f lIWI llris 1 lIl1USSl)

1 1 ) () lJl ~J kallmiddotmiddotC1aude IlJl)7 La QuecirclC du lCilS Lc IWlgage en question Paris 1( Il c()11 laquo P()lInes seacutemi()tiques raquo

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de lUniversiteacute Laval

Page 4: des langues-culturesdenisbertrand.e.d.f.unblog.fr/files/2010/02/lectureetcroyance2ela199… · atmosphère, sentiment, description et récit, genres et styles d'écriture. En rejetant,

lx 1111 alltre Illode de pnScIlCl dll lilllrairc phl~ Illdll( ( 1 l lit IIlt PII( ( llIil

est implicite est celui que propose ln peacutedagogie dl 11 nllllvil cl ses prolongements actuels dans les simulations globales lJlali()1 dun univers fictif invention de rocircles et production de discours croiseacutes attashychement agrave la poeacuteticiteacute du mot et agrave ses potentialiteacutes narratives au seacuterieux de limaginaire et agrave la dimension de gratuiteacute de la langue La peacutedagogie deacute la creacuteativiteacute se preacutesente ainsi dans une perspective de production langagiegravere comme une propeacutedeutique agrave lusage litteacuteraire du langage Sa source dinspiration essentielle lOulipo latteste suffisamment

Agrave leacutecart de ces diffeacuterentes propositions meacutethodologiques la seacutemioshytique sinteacuteressant aux conditions de saisie de la signification a mi s le texte et ses structures organisatrices au centre de ses investigations En opeacuterant une sorte de laquo nettoyage de la situation verbale raquo pour reprendre une expression de Paul Valeacutery5 les seacutemioticiens de la litteacuterature ont accueilli avec reacuteserve et mecircme suspicion tous les termes leacutegueacutes par la tradition litteacuteraire solidifieacutes par lusage et les opinions qui les avaie nt faccedilonneacutes filtrant impeacuterativement notre accegraves agrave la tex tualiteacute personnages atmosphegravere sentiment description et reacutecit genres et styles deacutecriture En rejetant au moins provisoirement ces notions de la pratique descriptive il s ont ainsi voulu faire place nette pour sassurer sinon dune certaine naiumlveteacute du regard du moins dune suspension meacutethodique du jugement Les concepts analytiques quils ont alors proposeacute senracinaient en amont de la laquo litteacuterature raquo dans une theacuteorie geacuteneacuterale du langage Non sans diffishyculteacutes ces nouveaux instruments de description devaient s interdeacutefinir shomologuer entrer dans une hieacuterarchie rai sonneacutee et eacuteventuellement retrouver sous un eacuteclairage renouveleacute des probleacutematiques anciennes auxquelles elles garantissaient dans un champ de pertinence clairement eacute tabli un minimum de fiabiliteacute descriptive

On peut reacutesumer succinctement sa deacutemarche en disant que la semioshytique a privileacutegieacute trois dimensions qui pour necirctre pas propres au texte litteacuteraire s y articulent cependant de maniegravere speacutecifique Dans leur composition se deacutefinit pour une part lusage litteacute raire de la langue la dimension narrative la dime nsion passionnelle et la dimension figurative On peut aiseacutement reconnaicirctre ces trois dimensions conjugueacutees dans le texte de M Proust que n~)Us citons ici relatant l expeacuterience vive de la lecture par le narrateur dA la recherche du temps perdu

Apregraves cette croyance centrale qui pendant ma lecture exeacutecutait dincessan ts mouvements du dedans au dehors vers la deacutecouverte de la veacuteriteacute venaient les eacutemotions que me donnait laction agrave laquelle je prenais part car ces apregraves-midi-lagrave eacutetaient plus remplis d eacuteveacutenements dramatiques que ne lest souvent toute une vie Ceacutetaient les eacuteveacutenements qui survenaient dans le livre que je lisais il est vrai que les personnages quils affectaient neacutetaient pas

5 P Valeacutery Œuvres l Paris Gallimard coll laquo La Pleacuteiaderaquo (eacuted 1957) il laquo Poeacutesie et penseacutee abstra ile raquo p 1316

liI 111111111 tll 1- 1I 11 h ll llI St Mlis lous les sClllillH IlIS quc IIOUS rOll l IIH IVII 11 il llt (III lilirolllllll d lill pnsollllagt r6cl nc st produiscllt en 1111 1111 111 lIlltlTlllldiain d unt illlagc dc ce LLe joie ou de teLLe inforshy11111( IIII )lmiddotlliosileacute du premier IOmantin consista agrave comprendre que dans l ljlp lr t i 1 dt Il US eacutemotions l image eacutetant le seu l eacuteleacutement essentiel la simplishy111 llillll qui cO ll sisterai t 1 supprimer purement et simplement les personshyIl lglS reacutecls scrait Ull perfectionnement deacutecisif Un ecirctre reacuteel si profondeacutement qlll Il()US sympathisions avec lui pour une grande part est perccedilu par nos -1 li S ce~ t -agrave -dire nous reste opaque offre un poids mort que notre sensibishy111 6 Ile peut soulever Qu un malheur le frappe ce nest quen une petite Il Il 1ie de la notion totale que nous avons de lui que nous pourrons en ecirctre (1IIIIS bien plus ce nest qu en une partie de la notion totale quil a de soi Iuil pourra jecirctre lui-mecircme La trouvaille du romancier a eacuteteacute davoir l ideacutee 1il- remplacer ces parties impeacuteneacutetrables agrave lacircme par une quan titeacute eacutegale de plIlies immateacuterielles cest-agrave-dire que notre acircme peut sassimiler (luimporte degraves lors que les actions les eacutemotions de ces ecirctres dun nouveau 1cme nous apparaissent comme vraies puisque nous les avons faites nocirctres Iliii sque cest en nous quelles se produisent quelles tiennent sous leur d0pcndance tandis que nous tournons fieacutevreusement les pages du li vre la rapiditeacute de notre respiration et l intensiteacute de notre regard Et une fois que k romancier nous a mis dans cet eacutetat ougrave comme dans tous les eacutetats pureshyIlll nt inteacuterieurs toute eacutemotion est deacutecupleacutee ougrave son livre va nous troubler il LI faccedilon dun recircve mais dun recircve plus clair que ceux que nous avons en limant ct dont le souvenir durera davantage alors voici quil deacutechaicircne en 110lS pendant une heure tous les bonheurs et tous les malheurs possibles d()nt ll OLIS meLLrions dans la vie des anneacutees agrave connaicirctre quelques-uns e t do nt les plus intenses ne nous seraient jamais reacuteveacuteleacutes parce que la lenteur avec Idquelle ils sc produisen t nous en ocircte la perception (ainsi notre cccur lbange dans la vie et c est la pire douleur mais nous ne la connaissons quc dans la lecture en imaginati on dans la reacutealiteacute il change comme cerl ains pheacutenomegravenes de la nature se produisent assez lentement pour que si nous pouvons constater successivement chacun de ses eacutetats diffeacuterents en revanche la sensation mecircme du changement nous soit eacutepargneacutee)6

1 ( lexte deacuteploie de m aniegravere extrecircmement fine les conditions de la paltishy1 111 li ol1 eacute motionnelle du lecteur agrave lunivers du reacutecit On ne saurait bien 1 Iltll d u en proposer ici une analyse deacutetailleacutee Disons seulement quil 1I h lil plusieurs seacuteries de correacutelations correacutelation tout dabord entre la 111 ifiuml cation sensible de lexpeacuterience perceptive et la signification eacutegaleshy

11 11 11 1 sens ible de lexpeacuterience di scursive agrave travers la lecture (que marquent l Llppos itions entre le dehors et le dedans les personnages reacutee ls e t les Ill sOlmages de roman la veacuteriteacute reacutefeacuterentie lle e t la veacuteriteacute de la lecture ltliii sion o nirique et l illusion romanesque le tempo de la reacutealiteacute et le l IllpO romanesque) Correacutelation ensuite entre une theacuteorie de la creacuteation 1III ITaire (ltlt lingeacuteniositeacute du premier romancier raquo) e t une theacuteorie de la 1I IIIIC toutes deux deacutefinies par le rocircle central des images les simulacres

( M Proust Agrave la recherche du temps perdu COlILbray Paris Gallimard coll laquo La Pleacuteiade raquo

1 pp 84-86

I(I

1111I1I1I ( IIcirc l b qUI Ilt11 CUIIillll1CIII pas IlIOill h Il 1 lll r dj ~ li l lll ~ Iv LI fcprCshysllIlatioll selliblc COT(laliun enliumlll enlre deux IInivI l d tl1 yIIIIT cl de veacuteriteacute celle de la quecircte de veacuteriteacute qui est lobjet 1l12tlll Iv LI (tlnmiddotte et celle de la veacuteriteacute que fait eacuteprou ver au corps propre dalls l acle de lecture le mouvement irreacutepressible des eacutemotions (ltlt rapiditeacute de la respiration raquo laquo intensiteacute du regard raquo)

Sous-jacentes agrave ces diffeacuterents parcours de la signification les trois dimensions - narrative passionnelle figurative - de lanalyse seacutemiotique sassocient dans lexpeacuterience mecircme de la lecture et la conditionnent On en retrouve aiseacutement les marques laquo laction agrave laquelle je prenais part raquo laquo les eacuteveacutenements dramatiques raquo laquo les personnages raquo les changements deacutetats etc eacutetablissent le socle narratif de lexpeacuterience laquo les eacutemotions raquo laquo les sentiments que nous font eacuteprouver la joie ou linfortune raquo laquo leacutemoshytion deacutecupleacutee raquo laquo les bonheurs et les malheurs raquo etc deacutecrivent les variashytions deacutetats du lecteur et expriment la dimension passionnelle la meacutediation des laquo images raquo la seacutelection des traits que sont les laquo parties immateacuterielles raquo impeacuteneacutetrables agrave lexpeacuterience totale le temps et le tempo des expeacuteriences confronteacutees signalent lessentielle preacutesence figurative des repreacutesentations

Afin de preacuteciser le statut de ces dimensions on peut en quelques mots les situer les unes par rapport aux autres dans lapproche seacutemiotique La dimension narrative en premier lieu est de loin la plus solidement eacutetablie Elle consiste agrave mettre agrave nu les structures organisatrices de notre intuition narrative transformeacutee en ces laquo ecirctres de papier raquo que sont les personnages sujets de deacutesir ou de crainte acqueacuterant des compeacutetences agissant luttant eacutechouant ou remportant des victoires Des organisations preacutedicatives dun type palticulier sous-tendent leurs parcours les stlllctures actantielles se deacutefinissent par une composition modale (vouloir devoir savoir pouvoir ecirctre ou faire) qui commande la transformation de la relation entre les sujets et les objets de valeurs (acquisition eacutechange privation etc) Les structures se deacuteploient en seacutequences que lhistoire culturelle celle des reacutecits a figeacutees dans notre imaginaire narratif sous des formes canoniques (du contrat initial agrave la sanction finale reacutecompense du heacuteros et punition du traicirctre dans les contes populaires) Le premier grand roman de la litteacuterashyture franccedilaise Perceval ou le conte du Graal illustre de maniegravere exemshyplaire une telle trame Cette dimension narrative enrichie et complexifieacutee a donneacute lieu depuis longtemps agrave de nombreuses applications didactiques efficaces mais parfois exageacutereacutement simplificatrices (le scheacutema narratif de la quecircte par exemple)

Car les structures de laction neacutepuisent pas loin de lagrave lorganisation discurs ive du sens Et la litteacuterature ne se contente pas de mettre en discours des faits et des gestes Le reacutecit montre de maniegravere robuste parce que systeacutematisable comment se transforment les laquo eacutetats de choses raquo passage de la pauvreteacute agrave la richesse de la jouissance agrave la privation les objets circulent seacutechangent se perdent Mais quen est-il du sujet qui continue agrave ecirctre qui persiste et module ses eacutetats propres ses laquo eacutetats

~ 1

1 1111 n IlI V( I LI e ll II hll1 dvi vakllrs deacutesiLlhles lli redoulables 1111 1 jlIlSI n S IIlIl Il v()llIl lai ssL dls (lslcs SOII S (ormc de laquo regret raquo ou de

Ill Il g il liIlIIHISiihil 1LlISillioll d un objet de deacutesir renforce au fil I I Ilh iIICk s nllcolllreacutes le vouloir du sujet et cest laquo lobstinationraquo les 0111 virluels grandi ssent au fil des acquisitions partielles dilatant lecirctre )lllid du sujet cest laquo lambition raquo Cette profusion de simulacres que lll plll IL sujet passionneacute en avant de lui-mecircme analysables dans la 111IIIl ougrave il s forment des objets dans le discours que la langue nomme 1 f III)illlise a conduit la seacutemiotique agrave leacutetude de cette dimension relatishy 1 1111111 autonome qui est celle des passions Or la litteacuterature est de toutes Il lonllcs du discours social celle qui dans nos cultures fixe isole et dlllis t des identiteacutes des types et des parcours passionnels Il y a lagrave un

lll domaine de recherches pour la didactique des langues - maternelle 1 tI I lllgegraveres - notamment en ce qui concerne la comparaison intercultushy Il dcs figures et configurations du sensible

1( sensible nous conduit agrave la troisiegraveme dimension la figurativiteacute La Illl liumllllIre est au deacutepart un discours figuratif il repreacutesente il eacutetablit lors dl 11 lecture un rapport immeacutediat une ressemblance une correspondance JlI( les rigures seacutemantiques qui deacutefilent sous les yeux du lecteur et celles IIlonde quil eacuteprouve sans relacircche dans son expeacuterience sensible au 1 1111 d entrer en concurrence avec elles (ce que deacuteveloppe le texte de 1 I1SI) Cest la mIcircmesis Cette dimension sinteacuteresse agrave la maniegravere dont

IIl scrit le sensible dans le langage et le discours cest-agrave-dire agrave la vision 1 11 pnception agrave toutes les formes de la sensorialiteacute Cette dimension 111 lllative de la signification la plus superficielle celle de limmeacutediat 1 lS au sens est tisseacutee dans le texte en isotopies et recouvre de toute sa oIll l- l ~ miroitante dimages les autres dimensions plus abstraites et plus 1 il Irlllldes Elle donne au lecteur comme au spectateur dun tableau ou 1 1111 liumllm le monde agrave voir agrave sentir agrave eacuteprouver La praxis culturelle qui 111111( forme agrave lusage fixe alors lordre de veacuteriteacute toute relative du figushyr il ii r dans des laquo poeacutetiquesraquo particuliegraveres et conventionnelles ce sont par r ( Illple lalleacutegorisme le reacutealisme le symbolisme le surreacutealisme etc l voies figuratives du sens sont agrave explorer particuliegraverement dans la 1111 111 c ougrave elles reacutegissent les grandes codifications estheacutetiques du texte Itlil lire et plus preacuteciseacutement les diffeacuterents modes de participation et dadshyl io 1 dans la lecture

()n peut se repreacutesenter la figurativiteacute comme lavant-scegravene du sens ll1me la faccedilade la plus concregravete du discours lorsque agrave lopposeacute du 1 r Iuurs abstrait et de ses formes de rationaliteacute surgissent dans la langue l images de lexpeacuterience sensible du monde Dans une premiegravere accepshy111111 linguistique de ce terme strictement structuraliste on consideacuterait que 11 1igurativiteacute dun texte se deacutegageait de la reacutecurrence de traits seacutemanshyIlPICS qui fileacutes et noueacutes dans le tissu textuel provoquent limpression 1( leacutequation du sens agrave la reacutealiteacute veacutecue Cette deacutefinition postule donc une cspondance entre les figures du plan de lexpression du monde Il illircl lexpeacuterience sensible en elle-mecircme signifiante et les figures du

l U 1

I hlll tlii 1111111 111 11111 1111111 (vLlhtI VI~Il1 1111 lllll l Il)IIII S S0l11

1t jlll yI 111 Il111( dl sigllifiLalio)l slable k 11[1111lt splliaks kllll(IIclleS persollllelle) cl autres Dans lexeJllpk 111(11 1()1l111l de la gr 1III Ilaire geacuteneacuterati vc laquo Les ideacutees vertes inc()lor~s dOJJlI(lll furieuse - ment raquo cest bien cette correspondance qui ne se reacutealise pas 1

Or si nous pouvons spontaneacutement nous accorder pour dire quon ne se figure rien de coheacuterent agrave la lecture dun tel eacutenonceacute du fait de lincompashytibiliteacute entre ses diffeacuterents traits figuratifs et de limpossibiliteacute de stabiliser une isotopie de lecture en revanche il est tout agrave fait possible de deacutecoushyvrir en sollicitant un liant theacutematique agrave un niveau plus abstrait une signishyfication acceptable et partageable Si les laquo ideacutees raquo sont la meacutetonymie dune fOlmation politique (comme on dit laquo les ideacutees de gauche raquo) alors le mot laquo ideacutees raquo entraicircne avec lui une isotopie theacutematique quon peut qualifier de laquo politique raquo et tout senchaicircne vertes (eacutecologiques) incoshylores (ni de droite ni de gauche) dorment (sont exclues de la communishycation publique) furieusement (motif dune intense colegravere) Voici que par le deacutetour dune lecture theacutematique nous avons redonneacute agrave cet eacutenonceacute laquo absurderaquo une coheacuterence figurative creacutedible Bien sucircr on peut accepter ou non croire ou ne pas croire

Mais cet exemple a le meacuterite dattirer lattention sur le problegraveme que pose dans la deacutefinition structurale de la figurativiteacute le terme laquo corresshypondance raquo Il laisse entendre proche en cela dune conception lexicale du langage lexistence dun lien de repreacutesentation univoque meacutecanique et neacutecessaire entre des formes fixes entre le mot et le monde Or on doit bien reconnaicirctre quentre les figures du langage et celles de la perception il y a comme un flou un bougeacute que semble gommer le structuralisme statique La correspondance varie tout se passe comme sil y avait plutocirct deux instabiliteacutes deux imperfections qui vont agrave la rencontre lune de lautre chargeacutees denjeux et de potentialiteacutes divergentes qui tentent dans la communication leur chance dune reacuteunion En y regardant de plus pregraves on peut donc consideacuterer que la correspondance reacutepond agrave la grille cultushyrelle qui lui est appliqueacutee rendant possible au prix de conventions contraishygnantes mais provisoires consistantes mais preacutecaires la lisibiliteacute figurative

Sous le figuratif il y a donc le croire il Y a comme on dit en seacutemioshytique un laquo contrat de veacuteridiction raquo une relation fiduciaire de confiance et de croyance implicite entre les partenaires de la communication qui speacutecifie les conditions de la correspondance un croire partageable et partageacute au sein des communauteacutes linguistiques et culturelles qui fixe l hashybilitation des valeurs figuratives et eacutenonce leur mode de circulation et de validiteacute Cest ce contrat qui theacutematise la figurativiteacute du discours et engendre diffeacuterents reacutegimes de persuasion et dadheacutesion le vraisemblable et la fiction le reacuteel et le fantastique le repreacutesentable et labsurde les effets de laquo reacutealiteacute raquo de laquo sur-reacutealiteacuteraquo ou laquo dir-reacutealiteacute raquo Ainsi seacutetablit le lien avec les preacuteoccupations intersubjectives de la rheacutetorique On peut dire que la litteacuterature est par excellence le domaine du discours ougrave sex-

H

111 11111111 I ~ VII jlttl illll lilt 1111middot (11 1Ip(llldlIlltI 01 11Ilinlcllalll de Cl 1 gt1111 11 (1111111 lIIIIII d IIII 1tlilllli1ill qui repoe sur le deacuteroulement 111111 PII(It- 1I1I1lliVl (dl pamle confirme interroge ou deacutenonce sans 11II II Il~ Cl1I1Vllltions qudie a eacutetahlies Comme un film tendu entre la 11 11111 l lt1 l lX peacutericllcc scnsible la figurativiteacute devient selon la deacutefinition lj ll Il 1 proposeacute A J Greimas dans De [Imperfection laquo cet eacutecran du lIII III( dont la vertu consiste agrave entrouvrir agrave laisser entrevoir gracircce ou agrave III d( 0 11 impcrfection comme une possibiliteacute doutre-sens raquo7

1 1111 Slns et outre-sens dans le jeu des croyances stabiliseacutees illusoires II I 11 l lllai nes depuis la certitude reacutefeacuterentielle jusquagrave leacuteblouissement 1 111l11IIIC dune laquo vision raquo inattendue une des proprieacuteteacutes de la litteacuterature 1 1 ri reacutev iser sans cesse le contrat de veacuteridiction figurative remettant

111 1 l(lIIOL1fS en question les fOffiles du laquo comprendre raquo8 On peut alors 1 1ltIl l base tenter desquisser une petite typologie des voies contrac-

IIJI Il de la signification figurative telles que nous les suggegraverent quelques 1 Il111 litteacuteraires ouvrant ainsi des perspectives meacutethodologiques agrave la jl l Il it III dcs textes

l II prcnant donc appui sur cette modaliteacute implicite mais centrale du 1 li II l cie ses variations qui fonde le reacutegime dadheacutesion du lecteur agrave ce 1IIi d 1il on peut distinguer quatre grandes voies pour la lecture des textes lill IIIILS Opposables lune agrave lautre ces quatre positions se deacutefinissent 111 Il slatut diffeacuterencieacute du sujet lecteur et interpregravete quimpliquent et que 1 IIillIlicnt les classes de textes figuratifs ainsi constitueacutees On les 1 lllll(ra ces positions le laquo croire assumeacute raquo le laquo croire reacutecuseacute raquo le

( )tIl l critiqueraquo et le laquo croire en crise raquo

1 01 prcmiegravere voie la plus scolariseacutee en lecture litteacuteraire peut donc ecirctre Ij 1 JI Ilt- l laquo le croire assumeacute raquo Les effets figuratifs sont responsables de nos

111 11 Il ions reacutefeacuterentielles et nous nous y abandonnons volontiers en Il 1111 lecture naiumlve Le lecteur du roman sabsorbe dans une sorte de 1 11 II seconde il se laisse conduire en confiance il agit et il pacirctit avec 11 ltlsonnages il veut la suite et se hacircte vers la fin il consent agrave adheacuterer l hallucination momentaneacutee et en y croyant il sy croit Il traverse

Ill lIIllll leacutecrit Paul Valeacutery laquo une sorte de crise de la creacuteduliteacute raquo9 Cette l IIIIlliviteacute iconique commande les protocoles douverture des romans dits

1 t istes raquo laquo En 1829 par une jolie matineacutee de printemps un homme

l Greimas De [llIlpefeeion Peacuterigueux Fanlac 1987 p 78 1l eacuteludiants eacutetrangers bons francisants engageacutes dans la leclure du Panagruel de Rabelais

l )) ))(111 dc ne pas comprendre ce li vre Absorbeacutes par le devo ir de compreacutehension qulis l 111))1 ccedilomme une eacutevidence du contrat de lecture il s n aperccediloivent pas que ce sont les deacuterashyl tI Ics eacutechecs de la communication que le roman dans lexplosion des langages met en

li 1lccedilouvrant enfin que Panlagruel ne comprend pas plus queux -mecircmes les discours de l 1 limou sin de Bai secul et Humevesne ou de Panurge le laquo conlrat Fiduciaire se trouve d 1 egraveI ils repre nnent plus confiants leur lecture 1 l Va leacutery laquo Propos sur la poeacutesie raquo in laquo Varieacuteteacutes raquo Œuvres 1 Paris Gallimard coll laquo La 1 1111 p 1374

r1

1 gl d lilvimii l illljll lllll all ~ sillvaii llI v 1I 1111 1Il 111111 II III ll lU gll l II X qUI megravene ~ lIll g ro~ ho urg dll e prls de la (ralldc ( h lilll ll l ( ILdlc 1_( Meacutedecin de campagne) ou encore laquo Dans la pllill l 11 ( ~ ()lI S la Iluit sans eacutetoiles d une obscuriteacute et dune eacutepaisseur d encre un IHlIlllllC sui vait seul la grande route de Marchiennes agrave Montsou di x kilomegravetres de paveacute coupant tout droit agrave travers les champs de betteraves ~) (Zola Germinal) Codes figuratifs aujourd hui useacutes mais non pas deacutecreacutedibi liseacutes espace temps personne le cadre protocolaire est fi xeacute donnant naissance agrave sa suite agrave dinfinies reproduction s litteacuteraires joumalistiques et peacutedagogiques Lorsque le Nouveau Roman brise ce cadre clos et modifie radicalement les formes de l eacutecriture il ne transforme pas pour autant le contrat fidushyciaire de base qui le fonde Claude Simon inaugure ainsi son roman Histoire sans majusc ule par une seacuterie d anaphoriques laquo l une d e lles touchait presque la maison et qu and je travaillais tard dans la nui t ou devant la fenecirctre ouverte je pouvais la vo ir ou du moins ses demiers rameaux raquo En proceacutedant ains i il retarde la croyance attendue espeacutereacutee du lecteur il n en mod ifie pas la structu re

Cette laquo creacuteduliteacute raquo est au cœur de l expeacuterience proustienne de la lecture qui comme on vi ent de le vo ir agrave travers l ex trait de Combray installe la co-preacutesence tendue et presque conflictue ll e entre la reacutealiteacute intensive de la lecture et celle extensive e t relacirccheacutee du monde reacuteel Proust lecteur assume donc cette croyance eacutemotionnelle de maniegravere exemplaire dramati sant mecircme le lien entre la fi gurativiteacute du texte qu il lit et la vi sibiliteacute du monde qu il regarde soudain lorsquil legraveve le yeux de son livre et explicite alors la concurrence des visions laquo qu and je voyais un objet exteacute rieur la conscience que je le voyais restait entre moi et lui le bordait dun mince li sereacute spirituel qui m empecircchait de toucher direc tement sa matiegravere raquo10 Voici donc un premier lec teur ce lui qui assume sa croyance et se fond momentaneacutement en elle

Le second lecteur es t conduit par le tex te agrave ce que j appelle un laquo croire reacutecuseacute raquo La litteacuterature cest Ull des critegraveres qui la deacutefinissent incorpore son code seacutemantique ces t-agrave-dire lensemble des eacuteleacutements situationnels et contextuels qui rendent possible laccomplissement de la lec ture Ainsi le tex te litteacuteraire agrave travers ses mises en scegravenes narratives e t figurati ves peut non seulement donner le monde agrave voir mais eacutegalement les usages litteacuteshyraires de la langue qui en ont codif ieacute la perception Il en est ainsi par exemple des scheacutemas discursifs agrave travers lesquels la repreacutesentation litteacuteshyraire sest figeacutee et qu un renversement iro nique vient perturber ou reacutecuser Le texte fa it a lors surgir un autre ordre de croyance fond eacute sur la deacutenonciation des croyances acquises et partant une nouvelle deacutefini tion de lacte de lecture Le type mecircme en serait la ceacutelegravebre ouverture provocatrice de Jacques le Fataliste de Diderot laquo Comment s eacutetaient-ils renconlreacutes

10 M Proust Du cocircteacute de chez Swanl l laquo Combray Paris Ga llimard coll laquo La Pleacuteiade n T l p 84

X

1 11 Il 1 1111 ll IIIJIIL I(lUI k Illonde COlllllle lll s appelaicIlt- ii s ) Que vous IlliI II II 1) () l vC ll a i v Jlt - il ~ ) Du lieu le plus prochain Ougrave allaient-ils 1 (( [ lJ( 1 011 sa it Oll lon va raquo Ou encore exemple plus proche de l i I HI~ l inc ipit dcs Flturs bleues de Raymond Queneau laquo Le vingt-c inq 11(t lllbrc douze cent soixante-quatre au petit jour le duc d Auge se

11 11 11 sur le som met de son donjon pour y consideacuterer un tantinet soit lI Il la s ituation historique raquo Ces deux exemples ont en commun de IIII C I le langage lui-mecircme et ses protocoles fi guratifs au centre du l II)IIS Ils condui sent le lecteur agrave se deacutetacher de la viseacutee reacutefeacuterentielle lli 111 ln deacutecouvrir une autre ce lle des formes litteacuteraires engendreacutees par 1 Il lgl Ils imposent au lecteur un reacutefeacuterent interne convoqueacute par ironisashy111111 O n pourrait dans cette perspective eacutetudie r les variations de l ironie 01 01 11 la litteacuterature moyen d exhibition et de renversement des codes 1Il lIll iques et discursifs que la praxis eacutenonciative a stabiliseacutes configushy

1 1111 Iinsi les seacutedimentations qui deacutefini ssent l usage et les habitudes y 1 1I 1111 )J is celles de la lectu re

fVCC la troisiegraveme positi on celle du laquo croire crttIque raquo tout change 1 1 IGstatut de la f igurativiteacute e lle-mecircme qui se trouve alors modifieacute Elle _i I lslnte ici avec un double fond les impress ions de veacuteriteacute premiegraveres lii iiient iconiques se deacuterobent et un autre ordre de veacuteriteacute - ou de IY lIlegravee - sy superpose apparaissant agrave travers leurs manifes tations iil l llllS Lagrave se silue ce qu on appelle parfois le laquo raisonnement fi guratif raquo

iI dl d une efficaciteacute veacuteridictoire ou persuasive qui lui est propre Agrave la Iltll llcnce de la rati onaliteacute cognitive class ique qui procegravede par deacutedu ctions ~ Il li ivant des combin aisons log iques (comme les laquo cause conseacuteshyIpll llce raquo) cette forme de rationaliteacute procegravede par analogie Les assoc iashyIl S de fi gures et d images n eacutepuisent pas leur significati on dans la seule Il) IIiOIt ion e lles engendrent des laquo ideacutees raquo La preacutesence figurati ve qui l l ll l it les images du monde sous les sens laquo eacutecran du paraicirctre raquo se 1 l ve alors porteuse d effets de sens et de repreacutesentations d un autre Ii Il l theacutematique ou abstrait

( - t le cas de l alleacutegorie qui habille les abstracti ons de repreacutesentations 111lI rati ves c t les integravegre ains i conformeacutement agrave une codi fication preacutec ise 11 11 l usage a reacutegleacutee agrave luni vers sensible On peut songer ainsi agrave l uniteacute Hili ante du monde qui associe lintelligible et le sensible notamment

1 1 1 le moyen de lalleacutegorie dans la penseacutee du Moyen Acircge E t cest IlI vt nt un parcours seacutemantique inverse le cas du sy mbole qui tra verse

111 11 liuml gurati on premiegravere pour eacuteriger la signification sensible en signifieashyI III II~ d un autre ordre le lec teur nest plus seulement inviteacute agrave voir la 11 1c il es t conduit agrave linterp reacuteter et agrave la transcender (ltlt La nature es t un l IlI pk ougrave de vivants pili erslaissent parfois sortir de confu ses paroles raquo) l lt encore la situation particuliegravere agravee la parabole qui en deacuteroulant le Il 1It figurati f d actions de la vie quotidienne (semailles etc) transforme 1ltveacute llement raconteacute en interrogati on suspendue agrave la reacuteponse du lecteur III responsabilise ai nsi leacutenonciataire devenu source du sens Il est en 1k t inviteacute agrave construire par lui-mecircme une signi fication autre sur une

middot H

iSOlopil laquo spirillltllt- par CXIllIph laquoIll ccllt middot JIll h dlllI ul 11 11 111 11)lIrllil agrave lui seul la issait pelccvoir

L analy se litteacuteraire et les laquo lectures raquo que la cri li que propose Ill procegraveshydent pas autrement par une sorte de reacuteduction du figuratif le lecleurshyinterpregravete deacutecouvre des repreacutesentations seacutemantiques d un autre degreacute plus laquo profondes raquo ou plus laquo abstraites raquo Le lieu dadheacutesion de la lecture s est deacuteplaceacute il est passeacute de lillusion reacutefeacuterentielle agrave lillusion interpreacutetative On pourrait en donner pour exemple cette architecture si particuliegravere du gacircteau de noces d Emma Bovary la piegravece monteacutee laquo qui fit pousser des cris raquo aux convives laquo Agrave la base d abord ceacutetait un carreacute de carton bleu figurant un temple avec portiques colonnades et statuettes de stuc tout autour dans des niches constelleacutees deacutetoiles en papier doreacute puis se tenait au second eacutetage un donjon en gacircteau de Savoie entoureacute de menues fortishyfications en angeacutelique amandes raisins secs quartiers doranges et enfin sur la plate-forme supeacuterieure qui eacutetait une prairie verte ougrave il y avait des rochers avec des lacs de confiture et des bateaux en eacutecales de noisettes on voyait un petit Amour se balanccedilant agrave une escarpolette de chocolat [ ) raquo La piegravece monteacutee est sous les yeux et pourtant son archishylecture et les motifs figuratifs quelle dispose suggegraverent une autre deacutefinishytion quon pourrait dire laquo civilisationnelle raquo non pas seulement celle socio-historique dune repreacutesentation des noces bourgeoises au XIxe siegravecle mais plus abstraitement (symboliquement) celle dune condensation culturelle Envisageacutes dans leur dimension diachronique conformeacutement au deacuteroulement du texte lui-mecircme les diffeacuterents espaces de la piegravece monteacutee constitueraient un motif fonneacute agrave l eacutepoque romantique qui fait ainsi se succeacuteder trois grands acircges de la culture lAntiquiteacute greacuteco-romaine (le temple) le Moyen Acircge (le donjon) et le Romantlsme lui-mecircme (lAmour sur son escarpolette en chocolat) appelant ainsi la deacuterision ironique du steacutereacuteotype Mais ce motif peut eacutegaleme nt ecirctre compris comme une structure synchronique qui reproduirait dan s les figures que montre le gacircteau les trois grandes fonctions de souveraineteacute que G Dumeacutezil a reconnues bien plus tard comme structure permanente speacutecifique aux relig ions et aux cultures indo-europeacuteennes la fonction magique et religieuse (le temple) la fonction guerriegravere (le donjon) la fon ction de reproduction et de feacuteconditeacute (lAmour) La piegravece monteacutee d Emma devient alors un condenseacute dideacuteologie un gacircteau laquo indo-euroshypeacuteen raquo une sorte de parabole On peut y croire cela relegraveve de la responsabiliteacute critique du lecteur

Nous arrivons au quatriegraveme mode de saisie figurative enfin le laquo croire en crise raquo Voici que le texte interroge au cœur de la langue les figures elles-mecircmes eacuteprouve leur reacutesistance met en doute la croyance qui fonde le partage seacutemantique La figurativiteacute deacutesonnais incertaine du langage rejoint et questionne la vision qui la fonde ou plus largement la communauteacute des perceptions qui motive preacuteciseacutement lefficaciteacute figurative Ainsi commence LInnommable de Samuel Beckett laquo Ougrave maintenant Quand maintenant Qui maintenant Sans me le demander Dire je Sans le penser Appeler ccedila

Ir

dr middotbull qlllt ~ IIIII d IIYI(lillli I middot 1111 dc l Il VIIII i llI)(II ( 1 tllt l 111( ici ( 1

ho 1 lvIIII N l illS ~ (l IIIIII( I(li 1 pl (~(1I1 Iv Li vlsihililt cOllliumlall[c de la Il11 111 il Iq1I1al iVl 01 IllllIll til l dlieacit( illterpr( tali ve lous ces modes d l Ii vlridiltio ll SOli d6sonnai s mis en question Quand Henri Michaux I l Id d1I1S laquo Intervention raquo un des textes de La nuit remue laquo Autrefois 1 ilV lis Irop le respect de la nature Je me mettais devant les choses et les 11 Y lgcs ct je es laissais faire raquo il exprime cette confiance consentante III IIIS deacutejagrave suspecte du croire assumeacute charriant avec les figures des

IIlISCS raquo et des laquo paysages raquo les acteurs les actions et les valeurs quenshy1 1111 Icur programmation narrative Il poursuit laquo Fini maintenant jintershy Il 1lltlra i Jeacutetais donc agrave Honfleur et je my ennuyais Alors reacutesolument jy 1111 du chameau raquo Cette figure nouvelle et incompatible avec le contexte I II II Lllif et axiologique (la grille culturelle) va se disseacuteminer dans la ville 11 Il ansfonner l ordre des valeurs laquo lintervenant raquo force le passage des 1il IIns et du mecircme coup en force le partage imposant un nouvel ordre de llllllunication inquiegravete laquo On commenccedilait agrave voir les Honfleurais loucher ilque instant avec ce regard soupccedilonneux si speacutecial aux chameliers raquo

Iles exemples comme ceux-ci abondent et non seulement dans les l Is contemporains Mais la scolarisation de la litteacuterature qui se fonde III k croire assumeacute tend agrave les occulter On peut penser agrave tel ou tel conte l Maupassant comme laquo La Nuit raquo qui repose ainsi sur une deacutegrada tion d LI figurativiteacute Le narrateur laquo aime la nuit avec passion raquo Un soir il 1 lII court Paris mais voici que peu agrave peu les lumiegraveres organisatrices de la 1lliliumlcation noctl1me (clarteacute vs obscuriteacute) sestompent et disparaissent 1Il sant la place agrave un monde noir et indiffeacuterencieacute cauchemar qui sachegraveve LIIS les eaux boueuses du fleuve Or et cest cela qui est remarquable d III S ce reacutecit agrave lextinction figurative du sensible sur le plan du contenu ll Il[ correspondre sur le plan de lexpression un effondrement figuratif ( Ill sens rheacutetorique du tenne cette fois) du discours tous les proceacutedeacutes 111 loriques images comparaisons meacutetaphores antithegraveses qui eacutetaient IIIltlbondantes au deacutebut du reacutecit disparaissent progressivement de leacutecri shy

11IIC On assiste ainsi parallegravelement agrave celle de lillusion figurative agrave une 11 location du langage qui en promouvait les impressions cest la fiabishy1ll sensible de la langue elle-mecircme qui est deacutegradeacutee

Au terme de ces modulations du croire saisies agrave grands traits agrave travers 11 ligurativiteacute du discours je voudrais en concluant en venir aux ou vershyI lli e s didactiques quune telle typologie peut suggeacuterer

On peut souligner tout dabord le lien avec la perspective rheacutetorique l Il ouveeacutee initialement introduite Le texte est envisageacute dans la perspecshyli ve du lecteur appreacutehendeacute du point de vue de laquo lauditoire raquo et lanalyse 1 centreacutee sur l action quil exerce la varieacuteteacute des formes de ladheacutesion 1 l modaliteacutes de la croyance dans la lecture Cest donc bien une fonne 1 efficaciteacute persuasive qui commande la deacutemarche proposeacutee On peut ()Ilsideacuterer ensuite que ces diffeacuterents croire peuvent nous orienter vers une hi sloire culturelle des formes de la lecture (dans lunivers au moins des lx tes romanesques franccedilais) Elle montre par exemple que lillusion

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r(ilisL ou illu-ioll n knlltilllc Ilest qllUIII dC i VII i l I lII I III dillltllS dl la lecture efficace ct invite il eacutelargir lillterr()gati~lIl 111 l f 1111 1 ~ II IllIvre culturelles du croire critique ou du croire en crise 1 )11111 llItll Illaniegravere les attitudes de lecture proposeacutees peuvent correspondre i des laquo iIcircges raquo de la lecture Aussi approfondie et argumenteacutee quelle soit l expeacuterience de la lecture deacutecrite par Proust est celle dun adolescent comme abandonneacute agrave lefficaciteacute figurative du texte substituant agrave lexpeacuterience reacuteelle ou agrave lexshypeacuterience critique une expeacuterience imaginaire veacutecue Attitude assez compashyrable au fond agrave celle dEmma Bovary grande lectrice de romans La confrontation avec le langage quimpose la lecture de H Michaux par exemple est de nature bien diffeacuterente Enfin ces attitudes eacutemotionnelles et cognitives du lecteur induites par les textes eux-mecircmes peuvent suggeacuterer des pratiques peacutedagogiques speacutecifiques Le laquo plaisir du texteraquo peut ecirctre assimileacute au croire assumeacute et suggeacuterer des pratiques peacutedagogiques qui visent agrave le faire partager Cest ce que proposent entre autres les nouveaux programmes du collegravege lorsquils promeuvent la lecture cursive forme la plus ordinaire de la lecture agrave la fois libre creacuteative et communishycable En revanche le croire reacutecuseacute conduirait plutocirct agrave une lecture reacuteflexive centreacutee sur la reacutealiteacute geacuteneacuterique des textes leur appartenance agrave des genres dont ils eacutebranlent les codes et transgressent les normes implishycites Le croire critique quant agrave lui conduirait davantage vers une lecture analytique fille de la lecture hermeacuteneutique et de lanalyse textuelle chershychant agrave deacutegager sous Je paraicirctre figuratif du sens des trames theacutematiques plus profondes Le croire en crise enfin caracteacuteristique entre autres manishyfestations de formes modernes de notre culture litteacuteraire prend en compte le mateacuteriau langagier lui-mecircme leacutepaisseur de son expression et sa preacutecashyriteacute essentielle Il invite agrave ce quon pourrait appeler une lecture poeacutetique faisant retour sur la fabrique du langage lui-mecircme

Cette derniegravere lecture illustre bien la complexiteacute de la relation entre le texte et son lecteur Relation eacutetroitement reacuteciproque le lecteur en lisant actualise le texte et son sens conformeacutement ou non agrave ses attentes et aux preacutevisions que lui donne sa compeacutetence linguistique et culturelle Mais le texte aussi cherche et creacutee son lecteur il linvente au plus pregraves du langage dans sa substance et dans ses fornles suscitant le doute linshyquieacutetude et la surprise Agrave travers la diversiteacute des modes de croyances quappelle la lecture voici que se rencontrent in verseacutees lexpeacuterience sensible de la langue et lexpeacuterience culturelle du monde

Denis BERTRAND Universiteacute de la Sorbonne Nouvelle-Paris III

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111(1111 1 pp 1lt 1 n I 1nlhYllllIIIC c l Itx lllalisalilill raquo Dans ll()gJ)I~()N I 1 el 1 l()NJNILLI (I middotds) f lIWI llris 1 lIl1USSl)

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Page 5: des langues-culturesdenisbertrand.e.d.f.unblog.fr/files/2010/02/lectureetcroyance2ela199… · atmosphère, sentiment, description et récit, genres et styles d'écriture. En rejetant,

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1111I1I1I ( IIcirc l b qUI Ilt11 CUIIillll1CIII pas IlIOill h Il 1 lll r dj ~ li l lll ~ Iv LI fcprCshysllIlatioll selliblc COT(laliun enliumlll enlre deux IInivI l d tl1 yIIIIT cl de veacuteriteacute celle de la quecircte de veacuteriteacute qui est lobjet 1l12tlll Iv LI (tlnmiddotte et celle de la veacuteriteacute que fait eacuteprou ver au corps propre dalls l acle de lecture le mouvement irreacutepressible des eacutemotions (ltlt rapiditeacute de la respiration raquo laquo intensiteacute du regard raquo)

Sous-jacentes agrave ces diffeacuterents parcours de la signification les trois dimensions - narrative passionnelle figurative - de lanalyse seacutemiotique sassocient dans lexpeacuterience mecircme de la lecture et la conditionnent On en retrouve aiseacutement les marques laquo laction agrave laquelle je prenais part raquo laquo les eacuteveacutenements dramatiques raquo laquo les personnages raquo les changements deacutetats etc eacutetablissent le socle narratif de lexpeacuterience laquo les eacutemotions raquo laquo les sentiments que nous font eacuteprouver la joie ou linfortune raquo laquo leacutemoshytion deacutecupleacutee raquo laquo les bonheurs et les malheurs raquo etc deacutecrivent les variashytions deacutetats du lecteur et expriment la dimension passionnelle la meacutediation des laquo images raquo la seacutelection des traits que sont les laquo parties immateacuterielles raquo impeacuteneacutetrables agrave lexpeacuterience totale le temps et le tempo des expeacuteriences confronteacutees signalent lessentielle preacutesence figurative des repreacutesentations

Afin de preacuteciser le statut de ces dimensions on peut en quelques mots les situer les unes par rapport aux autres dans lapproche seacutemiotique La dimension narrative en premier lieu est de loin la plus solidement eacutetablie Elle consiste agrave mettre agrave nu les structures organisatrices de notre intuition narrative transformeacutee en ces laquo ecirctres de papier raquo que sont les personnages sujets de deacutesir ou de crainte acqueacuterant des compeacutetences agissant luttant eacutechouant ou remportant des victoires Des organisations preacutedicatives dun type palticulier sous-tendent leurs parcours les stlllctures actantielles se deacutefinissent par une composition modale (vouloir devoir savoir pouvoir ecirctre ou faire) qui commande la transformation de la relation entre les sujets et les objets de valeurs (acquisition eacutechange privation etc) Les structures se deacuteploient en seacutequences que lhistoire culturelle celle des reacutecits a figeacutees dans notre imaginaire narratif sous des formes canoniques (du contrat initial agrave la sanction finale reacutecompense du heacuteros et punition du traicirctre dans les contes populaires) Le premier grand roman de la litteacuterashyture franccedilaise Perceval ou le conte du Graal illustre de maniegravere exemshyplaire une telle trame Cette dimension narrative enrichie et complexifieacutee a donneacute lieu depuis longtemps agrave de nombreuses applications didactiques efficaces mais parfois exageacutereacutement simplificatrices (le scheacutema narratif de la quecircte par exemple)

Car les structures de laction neacutepuisent pas loin de lagrave lorganisation discurs ive du sens Et la litteacuterature ne se contente pas de mettre en discours des faits et des gestes Le reacutecit montre de maniegravere robuste parce que systeacutematisable comment se transforment les laquo eacutetats de choses raquo passage de la pauvreteacute agrave la richesse de la jouissance agrave la privation les objets circulent seacutechangent se perdent Mais quen est-il du sujet qui continue agrave ecirctre qui persiste et module ses eacutetats propres ses laquo eacutetats

~ 1

1 1111 n IlI V( I LI e ll II hll1 dvi vakllrs deacutesiLlhles lli redoulables 1111 1 jlIlSI n S IIlIl Il v()llIl lai ssL dls (lslcs SOII S (ormc de laquo regret raquo ou de

Ill Il g il liIlIIHISiihil 1LlISillioll d un objet de deacutesir renforce au fil I I Ilh iIICk s nllcolllreacutes le vouloir du sujet et cest laquo lobstinationraquo les 0111 virluels grandi ssent au fil des acquisitions partielles dilatant lecirctre )lllid du sujet cest laquo lambition raquo Cette profusion de simulacres que lll plll IL sujet passionneacute en avant de lui-mecircme analysables dans la 111IIIl ougrave il s forment des objets dans le discours que la langue nomme 1 f III)illlise a conduit la seacutemiotique agrave leacutetude de cette dimension relatishy 1 1111111 autonome qui est celle des passions Or la litteacuterature est de toutes Il lonllcs du discours social celle qui dans nos cultures fixe isole et dlllis t des identiteacutes des types et des parcours passionnels Il y a lagrave un

lll domaine de recherches pour la didactique des langues - maternelle 1 tI I lllgegraveres - notamment en ce qui concerne la comparaison intercultushy Il dcs figures et configurations du sensible

1( sensible nous conduit agrave la troisiegraveme dimension la figurativiteacute La Illl liumllllIre est au deacutepart un discours figuratif il repreacutesente il eacutetablit lors dl 11 lecture un rapport immeacutediat une ressemblance une correspondance JlI( les rigures seacutemantiques qui deacutefilent sous les yeux du lecteur et celles IIlonde quil eacuteprouve sans relacircche dans son expeacuterience sensible au 1 1111 d entrer en concurrence avec elles (ce que deacuteveloppe le texte de 1 I1SI) Cest la mIcircmesis Cette dimension sinteacuteresse agrave la maniegravere dont

IIl scrit le sensible dans le langage et le discours cest-agrave-dire agrave la vision 1 11 pnception agrave toutes les formes de la sensorialiteacute Cette dimension 111 lllative de la signification la plus superficielle celle de limmeacutediat 1 lS au sens est tisseacutee dans le texte en isotopies et recouvre de toute sa oIll l- l ~ miroitante dimages les autres dimensions plus abstraites et plus 1 il Irlllldes Elle donne au lecteur comme au spectateur dun tableau ou 1 1111 liumllm le monde agrave voir agrave sentir agrave eacuteprouver La praxis culturelle qui 111111( forme agrave lusage fixe alors lordre de veacuteriteacute toute relative du figushyr il ii r dans des laquo poeacutetiquesraquo particuliegraveres et conventionnelles ce sont par r ( Illple lalleacutegorisme le reacutealisme le symbolisme le surreacutealisme etc l voies figuratives du sens sont agrave explorer particuliegraverement dans la 1111 111 c ougrave elles reacutegissent les grandes codifications estheacutetiques du texte Itlil lire et plus preacuteciseacutement les diffeacuterents modes de participation et dadshyl io 1 dans la lecture

()n peut se repreacutesenter la figurativiteacute comme lavant-scegravene du sens ll1me la faccedilade la plus concregravete du discours lorsque agrave lopposeacute du 1 r Iuurs abstrait et de ses formes de rationaliteacute surgissent dans la langue l images de lexpeacuterience sensible du monde Dans une premiegravere accepshy111111 linguistique de ce terme strictement structuraliste on consideacuterait que 11 1igurativiteacute dun texte se deacutegageait de la reacutecurrence de traits seacutemanshyIlPICS qui fileacutes et noueacutes dans le tissu textuel provoquent limpression 1( leacutequation du sens agrave la reacutealiteacute veacutecue Cette deacutefinition postule donc une cspondance entre les figures du plan de lexpression du monde Il illircl lexpeacuterience sensible en elle-mecircme signifiante et les figures du

l U 1

I hlll tlii 1111111 111 11111 1111111 (vLlhtI VI~Il1 1111 lllll l Il)IIII S S0l11

1t jlll yI 111 Il111( dl sigllifiLalio)l slable k 11[1111lt splliaks kllll(IIclleS persollllelle) cl autres Dans lexeJllpk 111(11 1()1l111l de la gr 1III Ilaire geacuteneacuterati vc laquo Les ideacutees vertes inc()lor~s dOJJlI(lll furieuse - ment raquo cest bien cette correspondance qui ne se reacutealise pas 1

Or si nous pouvons spontaneacutement nous accorder pour dire quon ne se figure rien de coheacuterent agrave la lecture dun tel eacutenonceacute du fait de lincompashytibiliteacute entre ses diffeacuterents traits figuratifs et de limpossibiliteacute de stabiliser une isotopie de lecture en revanche il est tout agrave fait possible de deacutecoushyvrir en sollicitant un liant theacutematique agrave un niveau plus abstrait une signishyfication acceptable et partageable Si les laquo ideacutees raquo sont la meacutetonymie dune fOlmation politique (comme on dit laquo les ideacutees de gauche raquo) alors le mot laquo ideacutees raquo entraicircne avec lui une isotopie theacutematique quon peut qualifier de laquo politique raquo et tout senchaicircne vertes (eacutecologiques) incoshylores (ni de droite ni de gauche) dorment (sont exclues de la communishycation publique) furieusement (motif dune intense colegravere) Voici que par le deacutetour dune lecture theacutematique nous avons redonneacute agrave cet eacutenonceacute laquo absurderaquo une coheacuterence figurative creacutedible Bien sucircr on peut accepter ou non croire ou ne pas croire

Mais cet exemple a le meacuterite dattirer lattention sur le problegraveme que pose dans la deacutefinition structurale de la figurativiteacute le terme laquo corresshypondance raquo Il laisse entendre proche en cela dune conception lexicale du langage lexistence dun lien de repreacutesentation univoque meacutecanique et neacutecessaire entre des formes fixes entre le mot et le monde Or on doit bien reconnaicirctre quentre les figures du langage et celles de la perception il y a comme un flou un bougeacute que semble gommer le structuralisme statique La correspondance varie tout se passe comme sil y avait plutocirct deux instabiliteacutes deux imperfections qui vont agrave la rencontre lune de lautre chargeacutees denjeux et de potentialiteacutes divergentes qui tentent dans la communication leur chance dune reacuteunion En y regardant de plus pregraves on peut donc consideacuterer que la correspondance reacutepond agrave la grille cultushyrelle qui lui est appliqueacutee rendant possible au prix de conventions contraishygnantes mais provisoires consistantes mais preacutecaires la lisibiliteacute figurative

Sous le figuratif il y a donc le croire il Y a comme on dit en seacutemioshytique un laquo contrat de veacuteridiction raquo une relation fiduciaire de confiance et de croyance implicite entre les partenaires de la communication qui speacutecifie les conditions de la correspondance un croire partageable et partageacute au sein des communauteacutes linguistiques et culturelles qui fixe l hashybilitation des valeurs figuratives et eacutenonce leur mode de circulation et de validiteacute Cest ce contrat qui theacutematise la figurativiteacute du discours et engendre diffeacuterents reacutegimes de persuasion et dadheacutesion le vraisemblable et la fiction le reacuteel et le fantastique le repreacutesentable et labsurde les effets de laquo reacutealiteacute raquo de laquo sur-reacutealiteacuteraquo ou laquo dir-reacutealiteacute raquo Ainsi seacutetablit le lien avec les preacuteoccupations intersubjectives de la rheacutetorique On peut dire que la litteacuterature est par excellence le domaine du discours ougrave sex-

H

111 11111111 I ~ VII jlttl illll lilt 1111middot (11 1Ip(llldlIlltI 01 11Ilinlcllalll de Cl 1 gt1111 11 (1111111 lIIIIII d IIII 1tlilllli1ill qui repoe sur le deacuteroulement 111111 PII(It- 1I1I1lliVl (dl pamle confirme interroge ou deacutenonce sans 11II II Il~ Cl1I1Vllltions qudie a eacutetahlies Comme un film tendu entre la 11 11111 l lt1 l lX peacutericllcc scnsible la figurativiteacute devient selon la deacutefinition lj ll Il 1 proposeacute A J Greimas dans De [Imperfection laquo cet eacutecran du lIII III( dont la vertu consiste agrave entrouvrir agrave laisser entrevoir gracircce ou agrave III d( 0 11 impcrfection comme une possibiliteacute doutre-sens raquo7

1 1111 Slns et outre-sens dans le jeu des croyances stabiliseacutees illusoires II I 11 l lllai nes depuis la certitude reacutefeacuterentielle jusquagrave leacuteblouissement 1 111l11IIIC dune laquo vision raquo inattendue une des proprieacuteteacutes de la litteacuterature 1 1 ri reacutev iser sans cesse le contrat de veacuteridiction figurative remettant

111 1 l(lIIOL1fS en question les fOffiles du laquo comprendre raquo8 On peut alors 1 1ltIl l base tenter desquisser une petite typologie des voies contrac-

IIJI Il de la signification figurative telles que nous les suggegraverent quelques 1 Il111 litteacuteraires ouvrant ainsi des perspectives meacutethodologiques agrave la jl l Il it III dcs textes

l II prcnant donc appui sur cette modaliteacute implicite mais centrale du 1 li II l cie ses variations qui fonde le reacutegime dadheacutesion du lecteur agrave ce 1IIi d 1il on peut distinguer quatre grandes voies pour la lecture des textes lill IIIILS Opposables lune agrave lautre ces quatre positions se deacutefinissent 111 Il slatut diffeacuterencieacute du sujet lecteur et interpregravete quimpliquent et que 1 IIillIlicnt les classes de textes figuratifs ainsi constitueacutees On les 1 lllll(ra ces positions le laquo croire assumeacute raquo le laquo croire reacutecuseacute raquo le

( )tIl l critiqueraquo et le laquo croire en crise raquo

1 01 prcmiegravere voie la plus scolariseacutee en lecture litteacuteraire peut donc ecirctre Ij 1 JI Ilt- l laquo le croire assumeacute raquo Les effets figuratifs sont responsables de nos

111 11 Il ions reacutefeacuterentielles et nous nous y abandonnons volontiers en Il 1111 lecture naiumlve Le lecteur du roman sabsorbe dans une sorte de 1 11 II seconde il se laisse conduire en confiance il agit et il pacirctit avec 11 ltlsonnages il veut la suite et se hacircte vers la fin il consent agrave adheacuterer l hallucination momentaneacutee et en y croyant il sy croit Il traverse

Ill lIIllll leacutecrit Paul Valeacutery laquo une sorte de crise de la creacuteduliteacute raquo9 Cette l IIIIlliviteacute iconique commande les protocoles douverture des romans dits

1 t istes raquo laquo En 1829 par une jolie matineacutee de printemps un homme

l Greimas De [llIlpefeeion Peacuterigueux Fanlac 1987 p 78 1l eacuteludiants eacutetrangers bons francisants engageacutes dans la leclure du Panagruel de Rabelais

l )) ))(111 dc ne pas comprendre ce li vre Absorbeacutes par le devo ir de compreacutehension qulis l 111))1 ccedilomme une eacutevidence du contrat de lecture il s n aperccediloivent pas que ce sont les deacuterashyl tI Ics eacutechecs de la communication que le roman dans lexplosion des langages met en

li 1lccedilouvrant enfin que Panlagruel ne comprend pas plus queux -mecircmes les discours de l 1 limou sin de Bai secul et Humevesne ou de Panurge le laquo conlrat Fiduciaire se trouve d 1 egraveI ils repre nnent plus confiants leur lecture 1 l Va leacutery laquo Propos sur la poeacutesie raquo in laquo Varieacuteteacutes raquo Œuvres 1 Paris Gallimard coll laquo La 1 1111 p 1374

r1

1 gl d lilvimii l illljll lllll all ~ sillvaii llI v 1I 1111 1Il 111111 II III ll lU gll l II X qUI megravene ~ lIll g ro~ ho urg dll e prls de la (ralldc ( h lilll ll l ( ILdlc 1_( Meacutedecin de campagne) ou encore laquo Dans la pllill l 11 ( ~ ()lI S la Iluit sans eacutetoiles d une obscuriteacute et dune eacutepaisseur d encre un IHlIlllllC sui vait seul la grande route de Marchiennes agrave Montsou di x kilomegravetres de paveacute coupant tout droit agrave travers les champs de betteraves ~) (Zola Germinal) Codes figuratifs aujourd hui useacutes mais non pas deacutecreacutedibi liseacutes espace temps personne le cadre protocolaire est fi xeacute donnant naissance agrave sa suite agrave dinfinies reproduction s litteacuteraires joumalistiques et peacutedagogiques Lorsque le Nouveau Roman brise ce cadre clos et modifie radicalement les formes de l eacutecriture il ne transforme pas pour autant le contrat fidushyciaire de base qui le fonde Claude Simon inaugure ainsi son roman Histoire sans majusc ule par une seacuterie d anaphoriques laquo l une d e lles touchait presque la maison et qu and je travaillais tard dans la nui t ou devant la fenecirctre ouverte je pouvais la vo ir ou du moins ses demiers rameaux raquo En proceacutedant ains i il retarde la croyance attendue espeacutereacutee du lecteur il n en mod ifie pas la structu re

Cette laquo creacuteduliteacute raquo est au cœur de l expeacuterience proustienne de la lecture qui comme on vi ent de le vo ir agrave travers l ex trait de Combray installe la co-preacutesence tendue et presque conflictue ll e entre la reacutealiteacute intensive de la lecture et celle extensive e t relacirccheacutee du monde reacuteel Proust lecteur assume donc cette croyance eacutemotionnelle de maniegravere exemplaire dramati sant mecircme le lien entre la fi gurativiteacute du texte qu il lit et la vi sibiliteacute du monde qu il regarde soudain lorsquil legraveve le yeux de son livre et explicite alors la concurrence des visions laquo qu and je voyais un objet exteacute rieur la conscience que je le voyais restait entre moi et lui le bordait dun mince li sereacute spirituel qui m empecircchait de toucher direc tement sa matiegravere raquo10 Voici donc un premier lec teur ce lui qui assume sa croyance et se fond momentaneacutement en elle

Le second lecteur es t conduit par le tex te agrave ce que j appelle un laquo croire reacutecuseacute raquo La litteacuterature cest Ull des critegraveres qui la deacutefinissent incorpore son code seacutemantique ces t-agrave-dire lensemble des eacuteleacutements situationnels et contextuels qui rendent possible laccomplissement de la lec ture Ainsi le tex te litteacuteraire agrave travers ses mises en scegravenes narratives e t figurati ves peut non seulement donner le monde agrave voir mais eacutegalement les usages litteacuteshyraires de la langue qui en ont codif ieacute la perception Il en est ainsi par exemple des scheacutemas discursifs agrave travers lesquels la repreacutesentation litteacuteshyraire sest figeacutee et qu un renversement iro nique vient perturber ou reacutecuser Le texte fa it a lors surgir un autre ordre de croyance fond eacute sur la deacutenonciation des croyances acquises et partant une nouvelle deacutefini tion de lacte de lecture Le type mecircme en serait la ceacutelegravebre ouverture provocatrice de Jacques le Fataliste de Diderot laquo Comment s eacutetaient-ils renconlreacutes

10 M Proust Du cocircteacute de chez Swanl l laquo Combray Paris Ga llimard coll laquo La Pleacuteiade n T l p 84

X

1 11 Il 1 1111 ll IIIJIIL I(lUI k Illonde COlllllle lll s appelaicIlt- ii s ) Que vous IlliI II II 1) () l vC ll a i v Jlt - il ~ ) Du lieu le plus prochain Ougrave allaient-ils 1 (( [ lJ( 1 011 sa it Oll lon va raquo Ou encore exemple plus proche de l i I HI~ l inc ipit dcs Flturs bleues de Raymond Queneau laquo Le vingt-c inq 11(t lllbrc douze cent soixante-quatre au petit jour le duc d Auge se

11 11 11 sur le som met de son donjon pour y consideacuterer un tantinet soit lI Il la s ituation historique raquo Ces deux exemples ont en commun de IIII C I le langage lui-mecircme et ses protocoles fi guratifs au centre du l II)IIS Ils condui sent le lecteur agrave se deacutetacher de la viseacutee reacutefeacuterentielle lli 111 ln deacutecouvrir une autre ce lle des formes litteacuteraires engendreacutees par 1 Il lgl Ils imposent au lecteur un reacutefeacuterent interne convoqueacute par ironisashy111111 O n pourrait dans cette perspective eacutetudie r les variations de l ironie 01 01 11 la litteacuterature moyen d exhibition et de renversement des codes 1Il lIll iques et discursifs que la praxis eacutenonciative a stabiliseacutes configushy

1 1111 Iinsi les seacutedimentations qui deacutefini ssent l usage et les habitudes y 1 1I 1111 )J is celles de la lectu re

fVCC la troisiegraveme positi on celle du laquo croire crttIque raquo tout change 1 1 IGstatut de la f igurativiteacute e lle-mecircme qui se trouve alors modifieacute Elle _i I lslnte ici avec un double fond les impress ions de veacuteriteacute premiegraveres lii iiient iconiques se deacuterobent et un autre ordre de veacuteriteacute - ou de IY lIlegravee - sy superpose apparaissant agrave travers leurs manifes tations iil l llllS Lagrave se silue ce qu on appelle parfois le laquo raisonnement fi guratif raquo

iI dl d une efficaciteacute veacuteridictoire ou persuasive qui lui est propre Agrave la Iltll llcnce de la rati onaliteacute cognitive class ique qui procegravede par deacutedu ctions ~ Il li ivant des combin aisons log iques (comme les laquo cause conseacuteshyIpll llce raquo) cette forme de rationaliteacute procegravede par analogie Les assoc iashyIl S de fi gures et d images n eacutepuisent pas leur significati on dans la seule Il) IIiOIt ion e lles engendrent des laquo ideacutees raquo La preacutesence figurati ve qui l l ll l it les images du monde sous les sens laquo eacutecran du paraicirctre raquo se 1 l ve alors porteuse d effets de sens et de repreacutesentations d un autre Ii Il l theacutematique ou abstrait

( - t le cas de l alleacutegorie qui habille les abstracti ons de repreacutesentations 111lI rati ves c t les integravegre ains i conformeacutement agrave une codi fication preacutec ise 11 11 l usage a reacutegleacutee agrave luni vers sensible On peut songer ainsi agrave l uniteacute Hili ante du monde qui associe lintelligible et le sensible notamment

1 1 1 le moyen de lalleacutegorie dans la penseacutee du Moyen Acircge E t cest IlI vt nt un parcours seacutemantique inverse le cas du sy mbole qui tra verse

111 11 liuml gurati on premiegravere pour eacuteriger la signification sensible en signifieashyI III II~ d un autre ordre le lec teur nest plus seulement inviteacute agrave voir la 11 1c il es t conduit agrave linterp reacuteter et agrave la transcender (ltlt La nature es t un l IlI pk ougrave de vivants pili erslaissent parfois sortir de confu ses paroles raquo) l lt encore la situation particuliegravere agravee la parabole qui en deacuteroulant le Il 1It figurati f d actions de la vie quotidienne (semailles etc) transforme 1ltveacute llement raconteacute en interrogati on suspendue agrave la reacuteponse du lecteur III responsabilise ai nsi leacutenonciataire devenu source du sens Il est en 1k t inviteacute agrave construire par lui-mecircme une signi fication autre sur une

middot H

iSOlopil laquo spirillltllt- par CXIllIph laquoIll ccllt middot JIll h dlllI ul 11 11 111 11)lIrllil agrave lui seul la issait pelccvoir

L analy se litteacuteraire et les laquo lectures raquo que la cri li que propose Ill procegraveshydent pas autrement par une sorte de reacuteduction du figuratif le lecleurshyinterpregravete deacutecouvre des repreacutesentations seacutemantiques d un autre degreacute plus laquo profondes raquo ou plus laquo abstraites raquo Le lieu dadheacutesion de la lecture s est deacuteplaceacute il est passeacute de lillusion reacutefeacuterentielle agrave lillusion interpreacutetative On pourrait en donner pour exemple cette architecture si particuliegravere du gacircteau de noces d Emma Bovary la piegravece monteacutee laquo qui fit pousser des cris raquo aux convives laquo Agrave la base d abord ceacutetait un carreacute de carton bleu figurant un temple avec portiques colonnades et statuettes de stuc tout autour dans des niches constelleacutees deacutetoiles en papier doreacute puis se tenait au second eacutetage un donjon en gacircteau de Savoie entoureacute de menues fortishyfications en angeacutelique amandes raisins secs quartiers doranges et enfin sur la plate-forme supeacuterieure qui eacutetait une prairie verte ougrave il y avait des rochers avec des lacs de confiture et des bateaux en eacutecales de noisettes on voyait un petit Amour se balanccedilant agrave une escarpolette de chocolat [ ) raquo La piegravece monteacutee est sous les yeux et pourtant son archishylecture et les motifs figuratifs quelle dispose suggegraverent une autre deacutefinishytion quon pourrait dire laquo civilisationnelle raquo non pas seulement celle socio-historique dune repreacutesentation des noces bourgeoises au XIxe siegravecle mais plus abstraitement (symboliquement) celle dune condensation culturelle Envisageacutes dans leur dimension diachronique conformeacutement au deacuteroulement du texte lui-mecircme les diffeacuterents espaces de la piegravece monteacutee constitueraient un motif fonneacute agrave l eacutepoque romantique qui fait ainsi se succeacuteder trois grands acircges de la culture lAntiquiteacute greacuteco-romaine (le temple) le Moyen Acircge (le donjon) et le Romantlsme lui-mecircme (lAmour sur son escarpolette en chocolat) appelant ainsi la deacuterision ironique du steacutereacuteotype Mais ce motif peut eacutegaleme nt ecirctre compris comme une structure synchronique qui reproduirait dan s les figures que montre le gacircteau les trois grandes fonctions de souveraineteacute que G Dumeacutezil a reconnues bien plus tard comme structure permanente speacutecifique aux relig ions et aux cultures indo-europeacuteennes la fonction magique et religieuse (le temple) la fonction guerriegravere (le donjon) la fon ction de reproduction et de feacuteconditeacute (lAmour) La piegravece monteacutee d Emma devient alors un condenseacute dideacuteologie un gacircteau laquo indo-euroshypeacuteen raquo une sorte de parabole On peut y croire cela relegraveve de la responsabiliteacute critique du lecteur

Nous arrivons au quatriegraveme mode de saisie figurative enfin le laquo croire en crise raquo Voici que le texte interroge au cœur de la langue les figures elles-mecircmes eacuteprouve leur reacutesistance met en doute la croyance qui fonde le partage seacutemantique La figurativiteacute deacutesonnais incertaine du langage rejoint et questionne la vision qui la fonde ou plus largement la communauteacute des perceptions qui motive preacuteciseacutement lefficaciteacute figurative Ainsi commence LInnommable de Samuel Beckett laquo Ougrave maintenant Quand maintenant Qui maintenant Sans me le demander Dire je Sans le penser Appeler ccedila

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dr middotbull qlllt ~ IIIII d IIYI(lillli I middot 1111 dc l Il VIIII i llI)(II ( 1 tllt l 111( ici ( 1

ho 1 lvIIII N l illS ~ (l IIIIII( I(li 1 pl (~(1I1 Iv Li vlsihililt cOllliumlall[c de la Il11 111 il Iq1I1al iVl 01 IllllIll til l dlieacit( illterpr( tali ve lous ces modes d l Ii vlridiltio ll SOli d6sonnai s mis en question Quand Henri Michaux I l Id d1I1S laquo Intervention raquo un des textes de La nuit remue laquo Autrefois 1 ilV lis Irop le respect de la nature Je me mettais devant les choses et les 11 Y lgcs ct je es laissais faire raquo il exprime cette confiance consentante III IIIS deacutejagrave suspecte du croire assumeacute charriant avec les figures des

IIlISCS raquo et des laquo paysages raquo les acteurs les actions et les valeurs quenshy1 1111 Icur programmation narrative Il poursuit laquo Fini maintenant jintershy Il 1lltlra i Jeacutetais donc agrave Honfleur et je my ennuyais Alors reacutesolument jy 1111 du chameau raquo Cette figure nouvelle et incompatible avec le contexte I II II Lllif et axiologique (la grille culturelle) va se disseacuteminer dans la ville 11 Il ansfonner l ordre des valeurs laquo lintervenant raquo force le passage des 1il IIns et du mecircme coup en force le partage imposant un nouvel ordre de llllllunication inquiegravete laquo On commenccedilait agrave voir les Honfleurais loucher ilque instant avec ce regard soupccedilonneux si speacutecial aux chameliers raquo

Iles exemples comme ceux-ci abondent et non seulement dans les l Is contemporains Mais la scolarisation de la litteacuterature qui se fonde III k croire assumeacute tend agrave les occulter On peut penser agrave tel ou tel conte l Maupassant comme laquo La Nuit raquo qui repose ainsi sur une deacutegrada tion d LI figurativiteacute Le narrateur laquo aime la nuit avec passion raquo Un soir il 1 lII court Paris mais voici que peu agrave peu les lumiegraveres organisatrices de la 1lliliumlcation noctl1me (clarteacute vs obscuriteacute) sestompent et disparaissent 1Il sant la place agrave un monde noir et indiffeacuterencieacute cauchemar qui sachegraveve LIIS les eaux boueuses du fleuve Or et cest cela qui est remarquable d III S ce reacutecit agrave lextinction figurative du sensible sur le plan du contenu ll Il[ correspondre sur le plan de lexpression un effondrement figuratif ( Ill sens rheacutetorique du tenne cette fois) du discours tous les proceacutedeacutes 111 loriques images comparaisons meacutetaphores antithegraveses qui eacutetaient IIIltlbondantes au deacutebut du reacutecit disparaissent progressivement de leacutecri shy

11IIC On assiste ainsi parallegravelement agrave celle de lillusion figurative agrave une 11 location du langage qui en promouvait les impressions cest la fiabishy1ll sensible de la langue elle-mecircme qui est deacutegradeacutee

Au terme de ces modulations du croire saisies agrave grands traits agrave travers 11 ligurativiteacute du discours je voudrais en concluant en venir aux ou vershyI lli e s didactiques quune telle typologie peut suggeacuterer

On peut souligner tout dabord le lien avec la perspective rheacutetorique l Il ouveeacutee initialement introduite Le texte est envisageacute dans la perspecshyli ve du lecteur appreacutehendeacute du point de vue de laquo lauditoire raquo et lanalyse 1 centreacutee sur l action quil exerce la varieacuteteacute des formes de ladheacutesion 1 l modaliteacutes de la croyance dans la lecture Cest donc bien une fonne 1 efficaciteacute persuasive qui commande la deacutemarche proposeacutee On peut ()Ilsideacuterer ensuite que ces diffeacuterents croire peuvent nous orienter vers une hi sloire culturelle des formes de la lecture (dans lunivers au moins des lx tes romanesques franccedilais) Elle montre par exemple que lillusion

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r(ilisL ou illu-ioll n knlltilllc Ilest qllUIII dC i VII i l I lII I III dillltllS dl la lecture efficace ct invite il eacutelargir lillterr()gati~lIl 111 l f 1111 1 ~ II IllIvre culturelles du croire critique ou du croire en crise 1 )11111 llItll Illaniegravere les attitudes de lecture proposeacutees peuvent correspondre i des laquo iIcircges raquo de la lecture Aussi approfondie et argumenteacutee quelle soit l expeacuterience de la lecture deacutecrite par Proust est celle dun adolescent comme abandonneacute agrave lefficaciteacute figurative du texte substituant agrave lexpeacuterience reacuteelle ou agrave lexshypeacuterience critique une expeacuterience imaginaire veacutecue Attitude assez compashyrable au fond agrave celle dEmma Bovary grande lectrice de romans La confrontation avec le langage quimpose la lecture de H Michaux par exemple est de nature bien diffeacuterente Enfin ces attitudes eacutemotionnelles et cognitives du lecteur induites par les textes eux-mecircmes peuvent suggeacuterer des pratiques peacutedagogiques speacutecifiques Le laquo plaisir du texteraquo peut ecirctre assimileacute au croire assumeacute et suggeacuterer des pratiques peacutedagogiques qui visent agrave le faire partager Cest ce que proposent entre autres les nouveaux programmes du collegravege lorsquils promeuvent la lecture cursive forme la plus ordinaire de la lecture agrave la fois libre creacuteative et communishycable En revanche le croire reacutecuseacute conduirait plutocirct agrave une lecture reacuteflexive centreacutee sur la reacutealiteacute geacuteneacuterique des textes leur appartenance agrave des genres dont ils eacutebranlent les codes et transgressent les normes implishycites Le croire critique quant agrave lui conduirait davantage vers une lecture analytique fille de la lecture hermeacuteneutique et de lanalyse textuelle chershychant agrave deacutegager sous Je paraicirctre figuratif du sens des trames theacutematiques plus profondes Le croire en crise enfin caracteacuteristique entre autres manishyfestations de formes modernes de notre culture litteacuteraire prend en compte le mateacuteriau langagier lui-mecircme leacutepaisseur de son expression et sa preacutecashyriteacute essentielle Il invite agrave ce quon pourrait appeler une lecture poeacutetique faisant retour sur la fabrique du langage lui-mecircme

Cette derniegravere lecture illustre bien la complexiteacute de la relation entre le texte et son lecteur Relation eacutetroitement reacuteciproque le lecteur en lisant actualise le texte et son sens conformeacutement ou non agrave ses attentes et aux preacutevisions que lui donne sa compeacutetence linguistique et culturelle Mais le texte aussi cherche et creacutee son lecteur il linvente au plus pregraves du langage dans sa substance et dans ses fornles suscitant le doute linshyquieacutetude et la surprise Agrave travers la diversiteacute des modes de croyances quappelle la lecture voici que se rencontrent in verseacutees lexpeacuterience sensible de la langue et lexpeacuterience culturelle du monde

Denis BERTRAND Universiteacute de la Sorbonne Nouvelle-Paris III

BIBLIOGRAPHIE

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IHII

Il lI l It middot 1I1 1l111111l 11 1111 Lllll e j 1 ) i lll~ MII ( )1 1 (1 1 l(lY ((d ~ ) iI

111(1111 1 pp 1lt 1 n I 1nlhYllllIIIC c l Itx lllalisalilill raquo Dans ll()gJ)I~()N I 1 el 1 l()NJNILLI (I middotds) f lIWI llris 1 lIl1USSl)

1 1 ) () lJl ~J kallmiddotmiddotC1aude IlJl)7 La QuecirclC du lCilS Lc IWlgage en question Paris 1( Il c()11 laquo P()lInes seacutemi()tiques raquo

II INTNILLE Jacques 1999 Seacutemiotique et lilleacuterature Essais de meacutethodes 1Iris PUF coll laquo Formes seacutemiotiques raquo

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de lUniversiteacute Laval

Page 6: des langues-culturesdenisbertrand.e.d.f.unblog.fr/files/2010/02/lectureetcroyance2ela199… · atmosphère, sentiment, description et récit, genres et styles d'écriture. En rejetant,

l U 1

I hlll tlii 1111111 111 11111 1111111 (vLlhtI VI~Il1 1111 lllll l Il)IIII S S0l11

1t jlll yI 111 Il111( dl sigllifiLalio)l slable k 11[1111lt splliaks kllll(IIclleS persollllelle) cl autres Dans lexeJllpk 111(11 1()1l111l de la gr 1III Ilaire geacuteneacuterati vc laquo Les ideacutees vertes inc()lor~s dOJJlI(lll furieuse - ment raquo cest bien cette correspondance qui ne se reacutealise pas 1

Or si nous pouvons spontaneacutement nous accorder pour dire quon ne se figure rien de coheacuterent agrave la lecture dun tel eacutenonceacute du fait de lincompashytibiliteacute entre ses diffeacuterents traits figuratifs et de limpossibiliteacute de stabiliser une isotopie de lecture en revanche il est tout agrave fait possible de deacutecoushyvrir en sollicitant un liant theacutematique agrave un niveau plus abstrait une signishyfication acceptable et partageable Si les laquo ideacutees raquo sont la meacutetonymie dune fOlmation politique (comme on dit laquo les ideacutees de gauche raquo) alors le mot laquo ideacutees raquo entraicircne avec lui une isotopie theacutematique quon peut qualifier de laquo politique raquo et tout senchaicircne vertes (eacutecologiques) incoshylores (ni de droite ni de gauche) dorment (sont exclues de la communishycation publique) furieusement (motif dune intense colegravere) Voici que par le deacutetour dune lecture theacutematique nous avons redonneacute agrave cet eacutenonceacute laquo absurderaquo une coheacuterence figurative creacutedible Bien sucircr on peut accepter ou non croire ou ne pas croire

Mais cet exemple a le meacuterite dattirer lattention sur le problegraveme que pose dans la deacutefinition structurale de la figurativiteacute le terme laquo corresshypondance raquo Il laisse entendre proche en cela dune conception lexicale du langage lexistence dun lien de repreacutesentation univoque meacutecanique et neacutecessaire entre des formes fixes entre le mot et le monde Or on doit bien reconnaicirctre quentre les figures du langage et celles de la perception il y a comme un flou un bougeacute que semble gommer le structuralisme statique La correspondance varie tout se passe comme sil y avait plutocirct deux instabiliteacutes deux imperfections qui vont agrave la rencontre lune de lautre chargeacutees denjeux et de potentialiteacutes divergentes qui tentent dans la communication leur chance dune reacuteunion En y regardant de plus pregraves on peut donc consideacuterer que la correspondance reacutepond agrave la grille cultushyrelle qui lui est appliqueacutee rendant possible au prix de conventions contraishygnantes mais provisoires consistantes mais preacutecaires la lisibiliteacute figurative

Sous le figuratif il y a donc le croire il Y a comme on dit en seacutemioshytique un laquo contrat de veacuteridiction raquo une relation fiduciaire de confiance et de croyance implicite entre les partenaires de la communication qui speacutecifie les conditions de la correspondance un croire partageable et partageacute au sein des communauteacutes linguistiques et culturelles qui fixe l hashybilitation des valeurs figuratives et eacutenonce leur mode de circulation et de validiteacute Cest ce contrat qui theacutematise la figurativiteacute du discours et engendre diffeacuterents reacutegimes de persuasion et dadheacutesion le vraisemblable et la fiction le reacuteel et le fantastique le repreacutesentable et labsurde les effets de laquo reacutealiteacute raquo de laquo sur-reacutealiteacuteraquo ou laquo dir-reacutealiteacute raquo Ainsi seacutetablit le lien avec les preacuteoccupations intersubjectives de la rheacutetorique On peut dire que la litteacuterature est par excellence le domaine du discours ougrave sex-

H

111 11111111 I ~ VII jlttl illll lilt 1111middot (11 1Ip(llldlIlltI 01 11Ilinlcllalll de Cl 1 gt1111 11 (1111111 lIIIIII d IIII 1tlilllli1ill qui repoe sur le deacuteroulement 111111 PII(It- 1I1I1lliVl (dl pamle confirme interroge ou deacutenonce sans 11II II Il~ Cl1I1Vllltions qudie a eacutetahlies Comme un film tendu entre la 11 11111 l lt1 l lX peacutericllcc scnsible la figurativiteacute devient selon la deacutefinition lj ll Il 1 proposeacute A J Greimas dans De [Imperfection laquo cet eacutecran du lIII III( dont la vertu consiste agrave entrouvrir agrave laisser entrevoir gracircce ou agrave III d( 0 11 impcrfection comme une possibiliteacute doutre-sens raquo7

1 1111 Slns et outre-sens dans le jeu des croyances stabiliseacutees illusoires II I 11 l lllai nes depuis la certitude reacutefeacuterentielle jusquagrave leacuteblouissement 1 111l11IIIC dune laquo vision raquo inattendue une des proprieacuteteacutes de la litteacuterature 1 1 ri reacutev iser sans cesse le contrat de veacuteridiction figurative remettant

111 1 l(lIIOL1fS en question les fOffiles du laquo comprendre raquo8 On peut alors 1 1ltIl l base tenter desquisser une petite typologie des voies contrac-

IIJI Il de la signification figurative telles que nous les suggegraverent quelques 1 Il111 litteacuteraires ouvrant ainsi des perspectives meacutethodologiques agrave la jl l Il it III dcs textes

l II prcnant donc appui sur cette modaliteacute implicite mais centrale du 1 li II l cie ses variations qui fonde le reacutegime dadheacutesion du lecteur agrave ce 1IIi d 1il on peut distinguer quatre grandes voies pour la lecture des textes lill IIIILS Opposables lune agrave lautre ces quatre positions se deacutefinissent 111 Il slatut diffeacuterencieacute du sujet lecteur et interpregravete quimpliquent et que 1 IIillIlicnt les classes de textes figuratifs ainsi constitueacutees On les 1 lllll(ra ces positions le laquo croire assumeacute raquo le laquo croire reacutecuseacute raquo le

( )tIl l critiqueraquo et le laquo croire en crise raquo

1 01 prcmiegravere voie la plus scolariseacutee en lecture litteacuteraire peut donc ecirctre Ij 1 JI Ilt- l laquo le croire assumeacute raquo Les effets figuratifs sont responsables de nos

111 11 Il ions reacutefeacuterentielles et nous nous y abandonnons volontiers en Il 1111 lecture naiumlve Le lecteur du roman sabsorbe dans une sorte de 1 11 II seconde il se laisse conduire en confiance il agit et il pacirctit avec 11 ltlsonnages il veut la suite et se hacircte vers la fin il consent agrave adheacuterer l hallucination momentaneacutee et en y croyant il sy croit Il traverse

Ill lIIllll leacutecrit Paul Valeacutery laquo une sorte de crise de la creacuteduliteacute raquo9 Cette l IIIIlliviteacute iconique commande les protocoles douverture des romans dits

1 t istes raquo laquo En 1829 par une jolie matineacutee de printemps un homme

l Greimas De [llIlpefeeion Peacuterigueux Fanlac 1987 p 78 1l eacuteludiants eacutetrangers bons francisants engageacutes dans la leclure du Panagruel de Rabelais

l )) ))(111 dc ne pas comprendre ce li vre Absorbeacutes par le devo ir de compreacutehension qulis l 111))1 ccedilomme une eacutevidence du contrat de lecture il s n aperccediloivent pas que ce sont les deacuterashyl tI Ics eacutechecs de la communication que le roman dans lexplosion des langages met en

li 1lccedilouvrant enfin que Panlagruel ne comprend pas plus queux -mecircmes les discours de l 1 limou sin de Bai secul et Humevesne ou de Panurge le laquo conlrat Fiduciaire se trouve d 1 egraveI ils repre nnent plus confiants leur lecture 1 l Va leacutery laquo Propos sur la poeacutesie raquo in laquo Varieacuteteacutes raquo Œuvres 1 Paris Gallimard coll laquo La 1 1111 p 1374

r1

1 gl d lilvimii l illljll lllll all ~ sillvaii llI v 1I 1111 1Il 111111 II III ll lU gll l II X qUI megravene ~ lIll g ro~ ho urg dll e prls de la (ralldc ( h lilll ll l ( ILdlc 1_( Meacutedecin de campagne) ou encore laquo Dans la pllill l 11 ( ~ ()lI S la Iluit sans eacutetoiles d une obscuriteacute et dune eacutepaisseur d encre un IHlIlllllC sui vait seul la grande route de Marchiennes agrave Montsou di x kilomegravetres de paveacute coupant tout droit agrave travers les champs de betteraves ~) (Zola Germinal) Codes figuratifs aujourd hui useacutes mais non pas deacutecreacutedibi liseacutes espace temps personne le cadre protocolaire est fi xeacute donnant naissance agrave sa suite agrave dinfinies reproduction s litteacuteraires joumalistiques et peacutedagogiques Lorsque le Nouveau Roman brise ce cadre clos et modifie radicalement les formes de l eacutecriture il ne transforme pas pour autant le contrat fidushyciaire de base qui le fonde Claude Simon inaugure ainsi son roman Histoire sans majusc ule par une seacuterie d anaphoriques laquo l une d e lles touchait presque la maison et qu and je travaillais tard dans la nui t ou devant la fenecirctre ouverte je pouvais la vo ir ou du moins ses demiers rameaux raquo En proceacutedant ains i il retarde la croyance attendue espeacutereacutee du lecteur il n en mod ifie pas la structu re

Cette laquo creacuteduliteacute raquo est au cœur de l expeacuterience proustienne de la lecture qui comme on vi ent de le vo ir agrave travers l ex trait de Combray installe la co-preacutesence tendue et presque conflictue ll e entre la reacutealiteacute intensive de la lecture et celle extensive e t relacirccheacutee du monde reacuteel Proust lecteur assume donc cette croyance eacutemotionnelle de maniegravere exemplaire dramati sant mecircme le lien entre la fi gurativiteacute du texte qu il lit et la vi sibiliteacute du monde qu il regarde soudain lorsquil legraveve le yeux de son livre et explicite alors la concurrence des visions laquo qu and je voyais un objet exteacute rieur la conscience que je le voyais restait entre moi et lui le bordait dun mince li sereacute spirituel qui m empecircchait de toucher direc tement sa matiegravere raquo10 Voici donc un premier lec teur ce lui qui assume sa croyance et se fond momentaneacutement en elle

Le second lecteur es t conduit par le tex te agrave ce que j appelle un laquo croire reacutecuseacute raquo La litteacuterature cest Ull des critegraveres qui la deacutefinissent incorpore son code seacutemantique ces t-agrave-dire lensemble des eacuteleacutements situationnels et contextuels qui rendent possible laccomplissement de la lec ture Ainsi le tex te litteacuteraire agrave travers ses mises en scegravenes narratives e t figurati ves peut non seulement donner le monde agrave voir mais eacutegalement les usages litteacuteshyraires de la langue qui en ont codif ieacute la perception Il en est ainsi par exemple des scheacutemas discursifs agrave travers lesquels la repreacutesentation litteacuteshyraire sest figeacutee et qu un renversement iro nique vient perturber ou reacutecuser Le texte fa it a lors surgir un autre ordre de croyance fond eacute sur la deacutenonciation des croyances acquises et partant une nouvelle deacutefini tion de lacte de lecture Le type mecircme en serait la ceacutelegravebre ouverture provocatrice de Jacques le Fataliste de Diderot laquo Comment s eacutetaient-ils renconlreacutes

10 M Proust Du cocircteacute de chez Swanl l laquo Combray Paris Ga llimard coll laquo La Pleacuteiade n T l p 84

X

1 11 Il 1 1111 ll IIIJIIL I(lUI k Illonde COlllllle lll s appelaicIlt- ii s ) Que vous IlliI II II 1) () l vC ll a i v Jlt - il ~ ) Du lieu le plus prochain Ougrave allaient-ils 1 (( [ lJ( 1 011 sa it Oll lon va raquo Ou encore exemple plus proche de l i I HI~ l inc ipit dcs Flturs bleues de Raymond Queneau laquo Le vingt-c inq 11(t lllbrc douze cent soixante-quatre au petit jour le duc d Auge se

11 11 11 sur le som met de son donjon pour y consideacuterer un tantinet soit lI Il la s ituation historique raquo Ces deux exemples ont en commun de IIII C I le langage lui-mecircme et ses protocoles fi guratifs au centre du l II)IIS Ils condui sent le lecteur agrave se deacutetacher de la viseacutee reacutefeacuterentielle lli 111 ln deacutecouvrir une autre ce lle des formes litteacuteraires engendreacutees par 1 Il lgl Ils imposent au lecteur un reacutefeacuterent interne convoqueacute par ironisashy111111 O n pourrait dans cette perspective eacutetudie r les variations de l ironie 01 01 11 la litteacuterature moyen d exhibition et de renversement des codes 1Il lIll iques et discursifs que la praxis eacutenonciative a stabiliseacutes configushy

1 1111 Iinsi les seacutedimentations qui deacutefini ssent l usage et les habitudes y 1 1I 1111 )J is celles de la lectu re

fVCC la troisiegraveme positi on celle du laquo croire crttIque raquo tout change 1 1 IGstatut de la f igurativiteacute e lle-mecircme qui se trouve alors modifieacute Elle _i I lslnte ici avec un double fond les impress ions de veacuteriteacute premiegraveres lii iiient iconiques se deacuterobent et un autre ordre de veacuteriteacute - ou de IY lIlegravee - sy superpose apparaissant agrave travers leurs manifes tations iil l llllS Lagrave se silue ce qu on appelle parfois le laquo raisonnement fi guratif raquo

iI dl d une efficaciteacute veacuteridictoire ou persuasive qui lui est propre Agrave la Iltll llcnce de la rati onaliteacute cognitive class ique qui procegravede par deacutedu ctions ~ Il li ivant des combin aisons log iques (comme les laquo cause conseacuteshyIpll llce raquo) cette forme de rationaliteacute procegravede par analogie Les assoc iashyIl S de fi gures et d images n eacutepuisent pas leur significati on dans la seule Il) IIiOIt ion e lles engendrent des laquo ideacutees raquo La preacutesence figurati ve qui l l ll l it les images du monde sous les sens laquo eacutecran du paraicirctre raquo se 1 l ve alors porteuse d effets de sens et de repreacutesentations d un autre Ii Il l theacutematique ou abstrait

( - t le cas de l alleacutegorie qui habille les abstracti ons de repreacutesentations 111lI rati ves c t les integravegre ains i conformeacutement agrave une codi fication preacutec ise 11 11 l usage a reacutegleacutee agrave luni vers sensible On peut songer ainsi agrave l uniteacute Hili ante du monde qui associe lintelligible et le sensible notamment

1 1 1 le moyen de lalleacutegorie dans la penseacutee du Moyen Acircge E t cest IlI vt nt un parcours seacutemantique inverse le cas du sy mbole qui tra verse

111 11 liuml gurati on premiegravere pour eacuteriger la signification sensible en signifieashyI III II~ d un autre ordre le lec teur nest plus seulement inviteacute agrave voir la 11 1c il es t conduit agrave linterp reacuteter et agrave la transcender (ltlt La nature es t un l IlI pk ougrave de vivants pili erslaissent parfois sortir de confu ses paroles raquo) l lt encore la situation particuliegravere agravee la parabole qui en deacuteroulant le Il 1It figurati f d actions de la vie quotidienne (semailles etc) transforme 1ltveacute llement raconteacute en interrogati on suspendue agrave la reacuteponse du lecteur III responsabilise ai nsi leacutenonciataire devenu source du sens Il est en 1k t inviteacute agrave construire par lui-mecircme une signi fication autre sur une

middot H

iSOlopil laquo spirillltllt- par CXIllIph laquoIll ccllt middot JIll h dlllI ul 11 11 111 11)lIrllil agrave lui seul la issait pelccvoir

L analy se litteacuteraire et les laquo lectures raquo que la cri li que propose Ill procegraveshydent pas autrement par une sorte de reacuteduction du figuratif le lecleurshyinterpregravete deacutecouvre des repreacutesentations seacutemantiques d un autre degreacute plus laquo profondes raquo ou plus laquo abstraites raquo Le lieu dadheacutesion de la lecture s est deacuteplaceacute il est passeacute de lillusion reacutefeacuterentielle agrave lillusion interpreacutetative On pourrait en donner pour exemple cette architecture si particuliegravere du gacircteau de noces d Emma Bovary la piegravece monteacutee laquo qui fit pousser des cris raquo aux convives laquo Agrave la base d abord ceacutetait un carreacute de carton bleu figurant un temple avec portiques colonnades et statuettes de stuc tout autour dans des niches constelleacutees deacutetoiles en papier doreacute puis se tenait au second eacutetage un donjon en gacircteau de Savoie entoureacute de menues fortishyfications en angeacutelique amandes raisins secs quartiers doranges et enfin sur la plate-forme supeacuterieure qui eacutetait une prairie verte ougrave il y avait des rochers avec des lacs de confiture et des bateaux en eacutecales de noisettes on voyait un petit Amour se balanccedilant agrave une escarpolette de chocolat [ ) raquo La piegravece monteacutee est sous les yeux et pourtant son archishylecture et les motifs figuratifs quelle dispose suggegraverent une autre deacutefinishytion quon pourrait dire laquo civilisationnelle raquo non pas seulement celle socio-historique dune repreacutesentation des noces bourgeoises au XIxe siegravecle mais plus abstraitement (symboliquement) celle dune condensation culturelle Envisageacutes dans leur dimension diachronique conformeacutement au deacuteroulement du texte lui-mecircme les diffeacuterents espaces de la piegravece monteacutee constitueraient un motif fonneacute agrave l eacutepoque romantique qui fait ainsi se succeacuteder trois grands acircges de la culture lAntiquiteacute greacuteco-romaine (le temple) le Moyen Acircge (le donjon) et le Romantlsme lui-mecircme (lAmour sur son escarpolette en chocolat) appelant ainsi la deacuterision ironique du steacutereacuteotype Mais ce motif peut eacutegaleme nt ecirctre compris comme une structure synchronique qui reproduirait dan s les figures que montre le gacircteau les trois grandes fonctions de souveraineteacute que G Dumeacutezil a reconnues bien plus tard comme structure permanente speacutecifique aux relig ions et aux cultures indo-europeacuteennes la fonction magique et religieuse (le temple) la fonction guerriegravere (le donjon) la fon ction de reproduction et de feacuteconditeacute (lAmour) La piegravece monteacutee d Emma devient alors un condenseacute dideacuteologie un gacircteau laquo indo-euroshypeacuteen raquo une sorte de parabole On peut y croire cela relegraveve de la responsabiliteacute critique du lecteur

Nous arrivons au quatriegraveme mode de saisie figurative enfin le laquo croire en crise raquo Voici que le texte interroge au cœur de la langue les figures elles-mecircmes eacuteprouve leur reacutesistance met en doute la croyance qui fonde le partage seacutemantique La figurativiteacute deacutesonnais incertaine du langage rejoint et questionne la vision qui la fonde ou plus largement la communauteacute des perceptions qui motive preacuteciseacutement lefficaciteacute figurative Ainsi commence LInnommable de Samuel Beckett laquo Ougrave maintenant Quand maintenant Qui maintenant Sans me le demander Dire je Sans le penser Appeler ccedila

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dr middotbull qlllt ~ IIIII d IIYI(lillli I middot 1111 dc l Il VIIII i llI)(II ( 1 tllt l 111( ici ( 1

ho 1 lvIIII N l illS ~ (l IIIIII( I(li 1 pl (~(1I1 Iv Li vlsihililt cOllliumlall[c de la Il11 111 il Iq1I1al iVl 01 IllllIll til l dlieacit( illterpr( tali ve lous ces modes d l Ii vlridiltio ll SOli d6sonnai s mis en question Quand Henri Michaux I l Id d1I1S laquo Intervention raquo un des textes de La nuit remue laquo Autrefois 1 ilV lis Irop le respect de la nature Je me mettais devant les choses et les 11 Y lgcs ct je es laissais faire raquo il exprime cette confiance consentante III IIIS deacutejagrave suspecte du croire assumeacute charriant avec les figures des

IIlISCS raquo et des laquo paysages raquo les acteurs les actions et les valeurs quenshy1 1111 Icur programmation narrative Il poursuit laquo Fini maintenant jintershy Il 1lltlra i Jeacutetais donc agrave Honfleur et je my ennuyais Alors reacutesolument jy 1111 du chameau raquo Cette figure nouvelle et incompatible avec le contexte I II II Lllif et axiologique (la grille culturelle) va se disseacuteminer dans la ville 11 Il ansfonner l ordre des valeurs laquo lintervenant raquo force le passage des 1il IIns et du mecircme coup en force le partage imposant un nouvel ordre de llllllunication inquiegravete laquo On commenccedilait agrave voir les Honfleurais loucher ilque instant avec ce regard soupccedilonneux si speacutecial aux chameliers raquo

Iles exemples comme ceux-ci abondent et non seulement dans les l Is contemporains Mais la scolarisation de la litteacuterature qui se fonde III k croire assumeacute tend agrave les occulter On peut penser agrave tel ou tel conte l Maupassant comme laquo La Nuit raquo qui repose ainsi sur une deacutegrada tion d LI figurativiteacute Le narrateur laquo aime la nuit avec passion raquo Un soir il 1 lII court Paris mais voici que peu agrave peu les lumiegraveres organisatrices de la 1lliliumlcation noctl1me (clarteacute vs obscuriteacute) sestompent et disparaissent 1Il sant la place agrave un monde noir et indiffeacuterencieacute cauchemar qui sachegraveve LIIS les eaux boueuses du fleuve Or et cest cela qui est remarquable d III S ce reacutecit agrave lextinction figurative du sensible sur le plan du contenu ll Il[ correspondre sur le plan de lexpression un effondrement figuratif ( Ill sens rheacutetorique du tenne cette fois) du discours tous les proceacutedeacutes 111 loriques images comparaisons meacutetaphores antithegraveses qui eacutetaient IIIltlbondantes au deacutebut du reacutecit disparaissent progressivement de leacutecri shy

11IIC On assiste ainsi parallegravelement agrave celle de lillusion figurative agrave une 11 location du langage qui en promouvait les impressions cest la fiabishy1ll sensible de la langue elle-mecircme qui est deacutegradeacutee

Au terme de ces modulations du croire saisies agrave grands traits agrave travers 11 ligurativiteacute du discours je voudrais en concluant en venir aux ou vershyI lli e s didactiques quune telle typologie peut suggeacuterer

On peut souligner tout dabord le lien avec la perspective rheacutetorique l Il ouveeacutee initialement introduite Le texte est envisageacute dans la perspecshyli ve du lecteur appreacutehendeacute du point de vue de laquo lauditoire raquo et lanalyse 1 centreacutee sur l action quil exerce la varieacuteteacute des formes de ladheacutesion 1 l modaliteacutes de la croyance dans la lecture Cest donc bien une fonne 1 efficaciteacute persuasive qui commande la deacutemarche proposeacutee On peut ()Ilsideacuterer ensuite que ces diffeacuterents croire peuvent nous orienter vers une hi sloire culturelle des formes de la lecture (dans lunivers au moins des lx tes romanesques franccedilais) Elle montre par exemple que lillusion

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Cette derniegravere lecture illustre bien la complexiteacute de la relation entre le texte et son lecteur Relation eacutetroitement reacuteciproque le lecteur en lisant actualise le texte et son sens conformeacutement ou non agrave ses attentes et aux preacutevisions que lui donne sa compeacutetence linguistique et culturelle Mais le texte aussi cherche et creacutee son lecteur il linvente au plus pregraves du langage dans sa substance et dans ses fornles suscitant le doute linshyquieacutetude et la surprise Agrave travers la diversiteacute des modes de croyances quappelle la lecture voici que se rencontrent in verseacutees lexpeacuterience sensible de la langue et lexpeacuterience culturelle du monde

Denis BERTRAND Universiteacute de la Sorbonne Nouvelle-Paris III

BIBLIOGRAPHIE

BERTRAND Denis 1996 laquo Figurativiteacute lavant-scegravene du sens raquo Dans CA VICCHIOLI (eacuted) laquo La spazialita valori slrulture testi raquo Vs Versus 73shy74 Milano Bompiani pp 45-60

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II INTNILLE Jacques 1999 Seacutemiotique et lilleacuterature Essais de meacutethodes 1Iris PUF coll laquo Formes seacutemiotiques raquo

1 1lt1 li ICHER Peler GUumlNTHERT Georges THUumlRLEMANN Feacutelix (eacuteds ) l JJO Espaces du texte Neuchacirctel La Baconniegravere

ImiddotN 1 NASCA Jacques 1997 La Parole lilleacuteraire Paris PUF coll laquo FOllUes l llliotiques raquo

1 11 -t MAS Algirdas Julien 1987 De lImpeifection Peacuterigueux Pierre Fanlac IIAMON Philippe LEDUC-ADINE Jean-Pierre (eacuteds) 1992 Mimesis et

lrniosis Lilleacuterature et repreacutesentation Paris Nathan IOT Louise ROY Fernand (eacuteds) 1991 La Lilleacuterariteacute Sainte-Foy Presses

de lUniversiteacute Laval

Page 7: des langues-culturesdenisbertrand.e.d.f.unblog.fr/files/2010/02/lectureetcroyance2ela199… · atmosphère, sentiment, description et récit, genres et styles d'écriture. En rejetant,

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1 gl d lilvimii l illljll lllll all ~ sillvaii llI v 1I 1111 1Il 111111 II III ll lU gll l II X qUI megravene ~ lIll g ro~ ho urg dll e prls de la (ralldc ( h lilll ll l ( ILdlc 1_( Meacutedecin de campagne) ou encore laquo Dans la pllill l 11 ( ~ ()lI S la Iluit sans eacutetoiles d une obscuriteacute et dune eacutepaisseur d encre un IHlIlllllC sui vait seul la grande route de Marchiennes agrave Montsou di x kilomegravetres de paveacute coupant tout droit agrave travers les champs de betteraves ~) (Zola Germinal) Codes figuratifs aujourd hui useacutes mais non pas deacutecreacutedibi liseacutes espace temps personne le cadre protocolaire est fi xeacute donnant naissance agrave sa suite agrave dinfinies reproduction s litteacuteraires joumalistiques et peacutedagogiques Lorsque le Nouveau Roman brise ce cadre clos et modifie radicalement les formes de l eacutecriture il ne transforme pas pour autant le contrat fidushyciaire de base qui le fonde Claude Simon inaugure ainsi son roman Histoire sans majusc ule par une seacuterie d anaphoriques laquo l une d e lles touchait presque la maison et qu and je travaillais tard dans la nui t ou devant la fenecirctre ouverte je pouvais la vo ir ou du moins ses demiers rameaux raquo En proceacutedant ains i il retarde la croyance attendue espeacutereacutee du lecteur il n en mod ifie pas la structu re

Cette laquo creacuteduliteacute raquo est au cœur de l expeacuterience proustienne de la lecture qui comme on vi ent de le vo ir agrave travers l ex trait de Combray installe la co-preacutesence tendue et presque conflictue ll e entre la reacutealiteacute intensive de la lecture et celle extensive e t relacirccheacutee du monde reacuteel Proust lecteur assume donc cette croyance eacutemotionnelle de maniegravere exemplaire dramati sant mecircme le lien entre la fi gurativiteacute du texte qu il lit et la vi sibiliteacute du monde qu il regarde soudain lorsquil legraveve le yeux de son livre et explicite alors la concurrence des visions laquo qu and je voyais un objet exteacute rieur la conscience que je le voyais restait entre moi et lui le bordait dun mince li sereacute spirituel qui m empecircchait de toucher direc tement sa matiegravere raquo10 Voici donc un premier lec teur ce lui qui assume sa croyance et se fond momentaneacutement en elle

Le second lecteur es t conduit par le tex te agrave ce que j appelle un laquo croire reacutecuseacute raquo La litteacuterature cest Ull des critegraveres qui la deacutefinissent incorpore son code seacutemantique ces t-agrave-dire lensemble des eacuteleacutements situationnels et contextuels qui rendent possible laccomplissement de la lec ture Ainsi le tex te litteacuteraire agrave travers ses mises en scegravenes narratives e t figurati ves peut non seulement donner le monde agrave voir mais eacutegalement les usages litteacuteshyraires de la langue qui en ont codif ieacute la perception Il en est ainsi par exemple des scheacutemas discursifs agrave travers lesquels la repreacutesentation litteacuteshyraire sest figeacutee et qu un renversement iro nique vient perturber ou reacutecuser Le texte fa it a lors surgir un autre ordre de croyance fond eacute sur la deacutenonciation des croyances acquises et partant une nouvelle deacutefini tion de lacte de lecture Le type mecircme en serait la ceacutelegravebre ouverture provocatrice de Jacques le Fataliste de Diderot laquo Comment s eacutetaient-ils renconlreacutes

10 M Proust Du cocircteacute de chez Swanl l laquo Combray Paris Ga llimard coll laquo La Pleacuteiade n T l p 84

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1 11 Il 1 1111 ll IIIJIIL I(lUI k Illonde COlllllle lll s appelaicIlt- ii s ) Que vous IlliI II II 1) () l vC ll a i v Jlt - il ~ ) Du lieu le plus prochain Ougrave allaient-ils 1 (( [ lJ( 1 011 sa it Oll lon va raquo Ou encore exemple plus proche de l i I HI~ l inc ipit dcs Flturs bleues de Raymond Queneau laquo Le vingt-c inq 11(t lllbrc douze cent soixante-quatre au petit jour le duc d Auge se

11 11 11 sur le som met de son donjon pour y consideacuterer un tantinet soit lI Il la s ituation historique raquo Ces deux exemples ont en commun de IIII C I le langage lui-mecircme et ses protocoles fi guratifs au centre du l II)IIS Ils condui sent le lecteur agrave se deacutetacher de la viseacutee reacutefeacuterentielle lli 111 ln deacutecouvrir une autre ce lle des formes litteacuteraires engendreacutees par 1 Il lgl Ils imposent au lecteur un reacutefeacuterent interne convoqueacute par ironisashy111111 O n pourrait dans cette perspective eacutetudie r les variations de l ironie 01 01 11 la litteacuterature moyen d exhibition et de renversement des codes 1Il lIll iques et discursifs que la praxis eacutenonciative a stabiliseacutes configushy

1 1111 Iinsi les seacutedimentations qui deacutefini ssent l usage et les habitudes y 1 1I 1111 )J is celles de la lectu re

fVCC la troisiegraveme positi on celle du laquo croire crttIque raquo tout change 1 1 IGstatut de la f igurativiteacute e lle-mecircme qui se trouve alors modifieacute Elle _i I lslnte ici avec un double fond les impress ions de veacuteriteacute premiegraveres lii iiient iconiques se deacuterobent et un autre ordre de veacuteriteacute - ou de IY lIlegravee - sy superpose apparaissant agrave travers leurs manifes tations iil l llllS Lagrave se silue ce qu on appelle parfois le laquo raisonnement fi guratif raquo

iI dl d une efficaciteacute veacuteridictoire ou persuasive qui lui est propre Agrave la Iltll llcnce de la rati onaliteacute cognitive class ique qui procegravede par deacutedu ctions ~ Il li ivant des combin aisons log iques (comme les laquo cause conseacuteshyIpll llce raquo) cette forme de rationaliteacute procegravede par analogie Les assoc iashyIl S de fi gures et d images n eacutepuisent pas leur significati on dans la seule Il) IIiOIt ion e lles engendrent des laquo ideacutees raquo La preacutesence figurati ve qui l l ll l it les images du monde sous les sens laquo eacutecran du paraicirctre raquo se 1 l ve alors porteuse d effets de sens et de repreacutesentations d un autre Ii Il l theacutematique ou abstrait

( - t le cas de l alleacutegorie qui habille les abstracti ons de repreacutesentations 111lI rati ves c t les integravegre ains i conformeacutement agrave une codi fication preacutec ise 11 11 l usage a reacutegleacutee agrave luni vers sensible On peut songer ainsi agrave l uniteacute Hili ante du monde qui associe lintelligible et le sensible notamment

1 1 1 le moyen de lalleacutegorie dans la penseacutee du Moyen Acircge E t cest IlI vt nt un parcours seacutemantique inverse le cas du sy mbole qui tra verse

111 11 liuml gurati on premiegravere pour eacuteriger la signification sensible en signifieashyI III II~ d un autre ordre le lec teur nest plus seulement inviteacute agrave voir la 11 1c il es t conduit agrave linterp reacuteter et agrave la transcender (ltlt La nature es t un l IlI pk ougrave de vivants pili erslaissent parfois sortir de confu ses paroles raquo) l lt encore la situation particuliegravere agravee la parabole qui en deacuteroulant le Il 1It figurati f d actions de la vie quotidienne (semailles etc) transforme 1ltveacute llement raconteacute en interrogati on suspendue agrave la reacuteponse du lecteur III responsabilise ai nsi leacutenonciataire devenu source du sens Il est en 1k t inviteacute agrave construire par lui-mecircme une signi fication autre sur une

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iSOlopil laquo spirillltllt- par CXIllIph laquoIll ccllt middot JIll h dlllI ul 11 11 111 11)lIrllil agrave lui seul la issait pelccvoir

L analy se litteacuteraire et les laquo lectures raquo que la cri li que propose Ill procegraveshydent pas autrement par une sorte de reacuteduction du figuratif le lecleurshyinterpregravete deacutecouvre des repreacutesentations seacutemantiques d un autre degreacute plus laquo profondes raquo ou plus laquo abstraites raquo Le lieu dadheacutesion de la lecture s est deacuteplaceacute il est passeacute de lillusion reacutefeacuterentielle agrave lillusion interpreacutetative On pourrait en donner pour exemple cette architecture si particuliegravere du gacircteau de noces d Emma Bovary la piegravece monteacutee laquo qui fit pousser des cris raquo aux convives laquo Agrave la base d abord ceacutetait un carreacute de carton bleu figurant un temple avec portiques colonnades et statuettes de stuc tout autour dans des niches constelleacutees deacutetoiles en papier doreacute puis se tenait au second eacutetage un donjon en gacircteau de Savoie entoureacute de menues fortishyfications en angeacutelique amandes raisins secs quartiers doranges et enfin sur la plate-forme supeacuterieure qui eacutetait une prairie verte ougrave il y avait des rochers avec des lacs de confiture et des bateaux en eacutecales de noisettes on voyait un petit Amour se balanccedilant agrave une escarpolette de chocolat [ ) raquo La piegravece monteacutee est sous les yeux et pourtant son archishylecture et les motifs figuratifs quelle dispose suggegraverent une autre deacutefinishytion quon pourrait dire laquo civilisationnelle raquo non pas seulement celle socio-historique dune repreacutesentation des noces bourgeoises au XIxe siegravecle mais plus abstraitement (symboliquement) celle dune condensation culturelle Envisageacutes dans leur dimension diachronique conformeacutement au deacuteroulement du texte lui-mecircme les diffeacuterents espaces de la piegravece monteacutee constitueraient un motif fonneacute agrave l eacutepoque romantique qui fait ainsi se succeacuteder trois grands acircges de la culture lAntiquiteacute greacuteco-romaine (le temple) le Moyen Acircge (le donjon) et le Romantlsme lui-mecircme (lAmour sur son escarpolette en chocolat) appelant ainsi la deacuterision ironique du steacutereacuteotype Mais ce motif peut eacutegaleme nt ecirctre compris comme une structure synchronique qui reproduirait dan s les figures que montre le gacircteau les trois grandes fonctions de souveraineteacute que G Dumeacutezil a reconnues bien plus tard comme structure permanente speacutecifique aux relig ions et aux cultures indo-europeacuteennes la fonction magique et religieuse (le temple) la fonction guerriegravere (le donjon) la fon ction de reproduction et de feacuteconditeacute (lAmour) La piegravece monteacutee d Emma devient alors un condenseacute dideacuteologie un gacircteau laquo indo-euroshypeacuteen raquo une sorte de parabole On peut y croire cela relegraveve de la responsabiliteacute critique du lecteur

Nous arrivons au quatriegraveme mode de saisie figurative enfin le laquo croire en crise raquo Voici que le texte interroge au cœur de la langue les figures elles-mecircmes eacuteprouve leur reacutesistance met en doute la croyance qui fonde le partage seacutemantique La figurativiteacute deacutesonnais incertaine du langage rejoint et questionne la vision qui la fonde ou plus largement la communauteacute des perceptions qui motive preacuteciseacutement lefficaciteacute figurative Ainsi commence LInnommable de Samuel Beckett laquo Ougrave maintenant Quand maintenant Qui maintenant Sans me le demander Dire je Sans le penser Appeler ccedila

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IIlISCS raquo et des laquo paysages raquo les acteurs les actions et les valeurs quenshy1 1111 Icur programmation narrative Il poursuit laquo Fini maintenant jintershy Il 1lltlra i Jeacutetais donc agrave Honfleur et je my ennuyais Alors reacutesolument jy 1111 du chameau raquo Cette figure nouvelle et incompatible avec le contexte I II II Lllif et axiologique (la grille culturelle) va se disseacuteminer dans la ville 11 Il ansfonner l ordre des valeurs laquo lintervenant raquo force le passage des 1il IIns et du mecircme coup en force le partage imposant un nouvel ordre de llllllunication inquiegravete laquo On commenccedilait agrave voir les Honfleurais loucher ilque instant avec ce regard soupccedilonneux si speacutecial aux chameliers raquo

Iles exemples comme ceux-ci abondent et non seulement dans les l Is contemporains Mais la scolarisation de la litteacuterature qui se fonde III k croire assumeacute tend agrave les occulter On peut penser agrave tel ou tel conte l Maupassant comme laquo La Nuit raquo qui repose ainsi sur une deacutegrada tion d LI figurativiteacute Le narrateur laquo aime la nuit avec passion raquo Un soir il 1 lII court Paris mais voici que peu agrave peu les lumiegraveres organisatrices de la 1lliliumlcation noctl1me (clarteacute vs obscuriteacute) sestompent et disparaissent 1Il sant la place agrave un monde noir et indiffeacuterencieacute cauchemar qui sachegraveve LIIS les eaux boueuses du fleuve Or et cest cela qui est remarquable d III S ce reacutecit agrave lextinction figurative du sensible sur le plan du contenu ll Il[ correspondre sur le plan de lexpression un effondrement figuratif ( Ill sens rheacutetorique du tenne cette fois) du discours tous les proceacutedeacutes 111 loriques images comparaisons meacutetaphores antithegraveses qui eacutetaient IIIltlbondantes au deacutebut du reacutecit disparaissent progressivement de leacutecri shy

11IIC On assiste ainsi parallegravelement agrave celle de lillusion figurative agrave une 11 location du langage qui en promouvait les impressions cest la fiabishy1ll sensible de la langue elle-mecircme qui est deacutegradeacutee

Au terme de ces modulations du croire saisies agrave grands traits agrave travers 11 ligurativiteacute du discours je voudrais en concluant en venir aux ou vershyI lli e s didactiques quune telle typologie peut suggeacuterer

On peut souligner tout dabord le lien avec la perspective rheacutetorique l Il ouveeacutee initialement introduite Le texte est envisageacute dans la perspecshyli ve du lecteur appreacutehendeacute du point de vue de laquo lauditoire raquo et lanalyse 1 centreacutee sur l action quil exerce la varieacuteteacute des formes de ladheacutesion 1 l modaliteacutes de la croyance dans la lecture Cest donc bien une fonne 1 efficaciteacute persuasive qui commande la deacutemarche proposeacutee On peut ()Ilsideacuterer ensuite que ces diffeacuterents croire peuvent nous orienter vers une hi sloire culturelle des formes de la lecture (dans lunivers au moins des lx tes romanesques franccedilais) Elle montre par exemple que lillusion

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Cette derniegravere lecture illustre bien la complexiteacute de la relation entre le texte et son lecteur Relation eacutetroitement reacuteciproque le lecteur en lisant actualise le texte et son sens conformeacutement ou non agrave ses attentes et aux preacutevisions que lui donne sa compeacutetence linguistique et culturelle Mais le texte aussi cherche et creacutee son lecteur il linvente au plus pregraves du langage dans sa substance et dans ses fornles suscitant le doute linshyquieacutetude et la surprise Agrave travers la diversiteacute des modes de croyances quappelle la lecture voici que se rencontrent in verseacutees lexpeacuterience sensible de la langue et lexpeacuterience culturelle du monde

Denis BERTRAND Universiteacute de la Sorbonne Nouvelle-Paris III

BIBLIOGRAPHIE

BERTRAND Denis 1996 laquo Figurativiteacute lavant-scegravene du sens raquo Dans CA VICCHIOLI (eacuted) laquo La spazialita valori slrulture testi raquo Vs Versus 73shy74 Milano Bompiani pp 45-60

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1 1 ) () lJl ~J kallmiddotmiddotC1aude IlJl)7 La QuecirclC du lCilS Lc IWlgage en question Paris 1( Il c()11 laquo P()lInes seacutemi()tiques raquo

II INTNILLE Jacques 1999 Seacutemiotique et lilleacuterature Essais de meacutethodes 1Iris PUF coll laquo Formes seacutemiotiques raquo

1 1lt1 li ICHER Peler GUumlNTHERT Georges THUumlRLEMANN Feacutelix (eacuteds ) l JJO Espaces du texte Neuchacirctel La Baconniegravere

ImiddotN 1 NASCA Jacques 1997 La Parole lilleacuteraire Paris PUF coll laquo FOllUes l llliotiques raquo

1 11 -t MAS Algirdas Julien 1987 De lImpeifection Peacuterigueux Pierre Fanlac IIAMON Philippe LEDUC-ADINE Jean-Pierre (eacuteds) 1992 Mimesis et

lrniosis Lilleacuterature et repreacutesentation Paris Nathan IOT Louise ROY Fernand (eacuteds) 1991 La Lilleacuterariteacute Sainte-Foy Presses

de lUniversiteacute Laval

Page 8: des langues-culturesdenisbertrand.e.d.f.unblog.fr/files/2010/02/lectureetcroyance2ela199… · atmosphère, sentiment, description et récit, genres et styles d'écriture. En rejetant,

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L analy se litteacuteraire et les laquo lectures raquo que la cri li que propose Ill procegraveshydent pas autrement par une sorte de reacuteduction du figuratif le lecleurshyinterpregravete deacutecouvre des repreacutesentations seacutemantiques d un autre degreacute plus laquo profondes raquo ou plus laquo abstraites raquo Le lieu dadheacutesion de la lecture s est deacuteplaceacute il est passeacute de lillusion reacutefeacuterentielle agrave lillusion interpreacutetative On pourrait en donner pour exemple cette architecture si particuliegravere du gacircteau de noces d Emma Bovary la piegravece monteacutee laquo qui fit pousser des cris raquo aux convives laquo Agrave la base d abord ceacutetait un carreacute de carton bleu figurant un temple avec portiques colonnades et statuettes de stuc tout autour dans des niches constelleacutees deacutetoiles en papier doreacute puis se tenait au second eacutetage un donjon en gacircteau de Savoie entoureacute de menues fortishyfications en angeacutelique amandes raisins secs quartiers doranges et enfin sur la plate-forme supeacuterieure qui eacutetait une prairie verte ougrave il y avait des rochers avec des lacs de confiture et des bateaux en eacutecales de noisettes on voyait un petit Amour se balanccedilant agrave une escarpolette de chocolat [ ) raquo La piegravece monteacutee est sous les yeux et pourtant son archishylecture et les motifs figuratifs quelle dispose suggegraverent une autre deacutefinishytion quon pourrait dire laquo civilisationnelle raquo non pas seulement celle socio-historique dune repreacutesentation des noces bourgeoises au XIxe siegravecle mais plus abstraitement (symboliquement) celle dune condensation culturelle Envisageacutes dans leur dimension diachronique conformeacutement au deacuteroulement du texte lui-mecircme les diffeacuterents espaces de la piegravece monteacutee constitueraient un motif fonneacute agrave l eacutepoque romantique qui fait ainsi se succeacuteder trois grands acircges de la culture lAntiquiteacute greacuteco-romaine (le temple) le Moyen Acircge (le donjon) et le Romantlsme lui-mecircme (lAmour sur son escarpolette en chocolat) appelant ainsi la deacuterision ironique du steacutereacuteotype Mais ce motif peut eacutegaleme nt ecirctre compris comme une structure synchronique qui reproduirait dan s les figures que montre le gacircteau les trois grandes fonctions de souveraineteacute que G Dumeacutezil a reconnues bien plus tard comme structure permanente speacutecifique aux relig ions et aux cultures indo-europeacuteennes la fonction magique et religieuse (le temple) la fonction guerriegravere (le donjon) la fon ction de reproduction et de feacuteconditeacute (lAmour) La piegravece monteacutee d Emma devient alors un condenseacute dideacuteologie un gacircteau laquo indo-euroshypeacuteen raquo une sorte de parabole On peut y croire cela relegraveve de la responsabiliteacute critique du lecteur

Nous arrivons au quatriegraveme mode de saisie figurative enfin le laquo croire en crise raquo Voici que le texte interroge au cœur de la langue les figures elles-mecircmes eacuteprouve leur reacutesistance met en doute la croyance qui fonde le partage seacutemantique La figurativiteacute deacutesonnais incertaine du langage rejoint et questionne la vision qui la fonde ou plus largement la communauteacute des perceptions qui motive preacuteciseacutement lefficaciteacute figurative Ainsi commence LInnommable de Samuel Beckett laquo Ougrave maintenant Quand maintenant Qui maintenant Sans me le demander Dire je Sans le penser Appeler ccedila

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IIlISCS raquo et des laquo paysages raquo les acteurs les actions et les valeurs quenshy1 1111 Icur programmation narrative Il poursuit laquo Fini maintenant jintershy Il 1lltlra i Jeacutetais donc agrave Honfleur et je my ennuyais Alors reacutesolument jy 1111 du chameau raquo Cette figure nouvelle et incompatible avec le contexte I II II Lllif et axiologique (la grille culturelle) va se disseacuteminer dans la ville 11 Il ansfonner l ordre des valeurs laquo lintervenant raquo force le passage des 1il IIns et du mecircme coup en force le partage imposant un nouvel ordre de llllllunication inquiegravete laquo On commenccedilait agrave voir les Honfleurais loucher ilque instant avec ce regard soupccedilonneux si speacutecial aux chameliers raquo

Iles exemples comme ceux-ci abondent et non seulement dans les l Is contemporains Mais la scolarisation de la litteacuterature qui se fonde III k croire assumeacute tend agrave les occulter On peut penser agrave tel ou tel conte l Maupassant comme laquo La Nuit raquo qui repose ainsi sur une deacutegrada tion d LI figurativiteacute Le narrateur laquo aime la nuit avec passion raquo Un soir il 1 lII court Paris mais voici que peu agrave peu les lumiegraveres organisatrices de la 1lliliumlcation noctl1me (clarteacute vs obscuriteacute) sestompent et disparaissent 1Il sant la place agrave un monde noir et indiffeacuterencieacute cauchemar qui sachegraveve LIIS les eaux boueuses du fleuve Or et cest cela qui est remarquable d III S ce reacutecit agrave lextinction figurative du sensible sur le plan du contenu ll Il[ correspondre sur le plan de lexpression un effondrement figuratif ( Ill sens rheacutetorique du tenne cette fois) du discours tous les proceacutedeacutes 111 loriques images comparaisons meacutetaphores antithegraveses qui eacutetaient IIIltlbondantes au deacutebut du reacutecit disparaissent progressivement de leacutecri shy

11IIC On assiste ainsi parallegravelement agrave celle de lillusion figurative agrave une 11 location du langage qui en promouvait les impressions cest la fiabishy1ll sensible de la langue elle-mecircme qui est deacutegradeacutee

Au terme de ces modulations du croire saisies agrave grands traits agrave travers 11 ligurativiteacute du discours je voudrais en concluant en venir aux ou vershyI lli e s didactiques quune telle typologie peut suggeacuterer

On peut souligner tout dabord le lien avec la perspective rheacutetorique l Il ouveeacutee initialement introduite Le texte est envisageacute dans la perspecshyli ve du lecteur appreacutehendeacute du point de vue de laquo lauditoire raquo et lanalyse 1 centreacutee sur l action quil exerce la varieacuteteacute des formes de ladheacutesion 1 l modaliteacutes de la croyance dans la lecture Cest donc bien une fonne 1 efficaciteacute persuasive qui commande la deacutemarche proposeacutee On peut ()Ilsideacuterer ensuite que ces diffeacuterents croire peuvent nous orienter vers une hi sloire culturelle des formes de la lecture (dans lunivers au moins des lx tes romanesques franccedilais) Elle montre par exemple que lillusion

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r(ilisL ou illu-ioll n knlltilllc Ilest qllUIII dC i VII i l I lII I III dillltllS dl la lecture efficace ct invite il eacutelargir lillterr()gati~lIl 111 l f 1111 1 ~ II IllIvre culturelles du croire critique ou du croire en crise 1 )11111 llItll Illaniegravere les attitudes de lecture proposeacutees peuvent correspondre i des laquo iIcircges raquo de la lecture Aussi approfondie et argumenteacutee quelle soit l expeacuterience de la lecture deacutecrite par Proust est celle dun adolescent comme abandonneacute agrave lefficaciteacute figurative du texte substituant agrave lexpeacuterience reacuteelle ou agrave lexshypeacuterience critique une expeacuterience imaginaire veacutecue Attitude assez compashyrable au fond agrave celle dEmma Bovary grande lectrice de romans La confrontation avec le langage quimpose la lecture de H Michaux par exemple est de nature bien diffeacuterente Enfin ces attitudes eacutemotionnelles et cognitives du lecteur induites par les textes eux-mecircmes peuvent suggeacuterer des pratiques peacutedagogiques speacutecifiques Le laquo plaisir du texteraquo peut ecirctre assimileacute au croire assumeacute et suggeacuterer des pratiques peacutedagogiques qui visent agrave le faire partager Cest ce que proposent entre autres les nouveaux programmes du collegravege lorsquils promeuvent la lecture cursive forme la plus ordinaire de la lecture agrave la fois libre creacuteative et communishycable En revanche le croire reacutecuseacute conduirait plutocirct agrave une lecture reacuteflexive centreacutee sur la reacutealiteacute geacuteneacuterique des textes leur appartenance agrave des genres dont ils eacutebranlent les codes et transgressent les normes implishycites Le croire critique quant agrave lui conduirait davantage vers une lecture analytique fille de la lecture hermeacuteneutique et de lanalyse textuelle chershychant agrave deacutegager sous Je paraicirctre figuratif du sens des trames theacutematiques plus profondes Le croire en crise enfin caracteacuteristique entre autres manishyfestations de formes modernes de notre culture litteacuteraire prend en compte le mateacuteriau langagier lui-mecircme leacutepaisseur de son expression et sa preacutecashyriteacute essentielle Il invite agrave ce quon pourrait appeler une lecture poeacutetique faisant retour sur la fabrique du langage lui-mecircme

Cette derniegravere lecture illustre bien la complexiteacute de la relation entre le texte et son lecteur Relation eacutetroitement reacuteciproque le lecteur en lisant actualise le texte et son sens conformeacutement ou non agrave ses attentes et aux preacutevisions que lui donne sa compeacutetence linguistique et culturelle Mais le texte aussi cherche et creacutee son lecteur il linvente au plus pregraves du langage dans sa substance et dans ses fornles suscitant le doute linshyquieacutetude et la surprise Agrave travers la diversiteacute des modes de croyances quappelle la lecture voici que se rencontrent in verseacutees lexpeacuterience sensible de la langue et lexpeacuterience culturelle du monde

Denis BERTRAND Universiteacute de la Sorbonne Nouvelle-Paris III

BIBLIOGRAPHIE

BERTRAND Denis 1996 laquo Figurativiteacute lavant-scegravene du sens raquo Dans CA VICCHIOLI (eacuted) laquo La spazialita valori slrulture testi raquo Vs Versus 73shy74 Milano Bompiani pp 45-60

IHII

Il lI l It middot 1I1 1l111111l 11 1111 Lllll e j 1 ) i lll~ MII ( )1 1 (1 1 l(lY ((d ~ ) iI

111(1111 1 pp 1lt 1 n I 1nlhYllllIIIC c l Itx lllalisalilill raquo Dans ll()gJ)I~()N I 1 el 1 l()NJNILLI (I middotds) f lIWI llris 1 lIl1USSl)

1 1 ) () lJl ~J kallmiddotmiddotC1aude IlJl)7 La QuecirclC du lCilS Lc IWlgage en question Paris 1( Il c()11 laquo P()lInes seacutemi()tiques raquo

II INTNILLE Jacques 1999 Seacutemiotique et lilleacuterature Essais de meacutethodes 1Iris PUF coll laquo Formes seacutemiotiques raquo

1 1lt1 li ICHER Peler GUumlNTHERT Georges THUumlRLEMANN Feacutelix (eacuteds ) l JJO Espaces du texte Neuchacirctel La Baconniegravere

ImiddotN 1 NASCA Jacques 1997 La Parole lilleacuteraire Paris PUF coll laquo FOllUes l llliotiques raquo

1 11 -t MAS Algirdas Julien 1987 De lImpeifection Peacuterigueux Pierre Fanlac IIAMON Philippe LEDUC-ADINE Jean-Pierre (eacuteds) 1992 Mimesis et

lrniosis Lilleacuterature et repreacutesentation Paris Nathan IOT Louise ROY Fernand (eacuteds) 1991 La Lilleacuterariteacute Sainte-Foy Presses

de lUniversiteacute Laval

Page 9: des langues-culturesdenisbertrand.e.d.f.unblog.fr/files/2010/02/lectureetcroyance2ela199… · atmosphère, sentiment, description et récit, genres et styles d'écriture. En rejetant,

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Cette derniegravere lecture illustre bien la complexiteacute de la relation entre le texte et son lecteur Relation eacutetroitement reacuteciproque le lecteur en lisant actualise le texte et son sens conformeacutement ou non agrave ses attentes et aux preacutevisions que lui donne sa compeacutetence linguistique et culturelle Mais le texte aussi cherche et creacutee son lecteur il linvente au plus pregraves du langage dans sa substance et dans ses fornles suscitant le doute linshyquieacutetude et la surprise Agrave travers la diversiteacute des modes de croyances quappelle la lecture voici que se rencontrent in verseacutees lexpeacuterience sensible de la langue et lexpeacuterience culturelle du monde

Denis BERTRAND Universiteacute de la Sorbonne Nouvelle-Paris III

BIBLIOGRAPHIE

BERTRAND Denis 1996 laquo Figurativiteacute lavant-scegravene du sens raquo Dans CA VICCHIOLI (eacuted) laquo La spazialita valori slrulture testi raquo Vs Versus 73shy74 Milano Bompiani pp 45-60

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II INTNILLE Jacques 1999 Seacutemiotique et lilleacuterature Essais de meacutethodes 1Iris PUF coll laquo Formes seacutemiotiques raquo

1 1lt1 li ICHER Peler GUumlNTHERT Georges THUumlRLEMANN Feacutelix (eacuteds ) l JJO Espaces du texte Neuchacirctel La Baconniegravere

ImiddotN 1 NASCA Jacques 1997 La Parole lilleacuteraire Paris PUF coll laquo FOllUes l llliotiques raquo

1 11 -t MAS Algirdas Julien 1987 De lImpeifection Peacuterigueux Pierre Fanlac IIAMON Philippe LEDUC-ADINE Jean-Pierre (eacuteds) 1992 Mimesis et

lrniosis Lilleacuterature et repreacutesentation Paris Nathan IOT Louise ROY Fernand (eacuteds) 1991 La Lilleacuterariteacute Sainte-Foy Presses

de lUniversiteacute Laval