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DES JUMELAGES À LA COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE NOVEMBRE 2014 www.archives.rennes.fr HISTOIRE DE RENNES DOSSIER

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DES JUMELAGES À LA COOPÉRATION DÉCENTRALISÉENOVEMBRE 2014

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HISTOIRE DE RENNESDOSSIER

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DES JUMELAGES À LA COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE

INTRODUCTION

Si l’on vous dit jumelage, à quoi pensez-vous ? L’accueil d’un correspondant anglais, un voyage scolaire en car à l’étranger, une soirée folklorique aux couleurs chatoyantes, une rencontre sportive, le nom d’une rue de Rennes, une fête de la bière, un stand étranger sur la foire internationale ou une association de quartier ? Le mot jumelage évoque l’échange, le rapprochement de deux villes et la découverte mutuelle de leurs habitants. Mais depuis quand existent les jumelages à Rennes ? Quels en sont les fondements politiques et idéolo-giques ? Quelle est leur réalité contemporaine ?Il est intéressant, à l’heure de la mondialisation, de réinterroger ces formes de coopérations privilégiées et de revenir sur leurs origines. Ce dossier ne cherche pas à en dresser une histoire exhaustive mais à en présenter les ressorts et les grandes étapes historiques, afin de garder en mémoire l’esprit initial de ces liens internatio-naux et de comprendre les actions menées dans ce domaine par la Ville depuis plus de soixante ans.Les premiers jumelages naissent au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, avec pour objectif de resserrer les liens entre les nations européennes et de les réconcilier. Très vite, ils se multiplient et sont utilisés pour favoriser la réconciliation franco-allemande, comme instruments de paix et de compréhension entre les peuples.Concrétisés par une convention ou une charte, les jumelages rapprochent le plus souvent deux villes et permettent de favoriser la connaissance entre leurs habitants respectifs au travers d’échanges scolaires, industriels, d’informations, de visites officielles ou de rencontres sportives, professionnelles, associatives ou culturelles.

Entamée dès 1954, la politique internationale de Rennes se développe progressivement jusqu’à mener à un foisonnement d’actions. Seize partenariats internationaux sont aujourd’hui officiellement signés, répondant, chacun, à des contextes historiques et locaux particuliers. Les villes choisies présentent par exemple des similitudes avec Rennes (villes universitaires, pôles d’activités) ou des liens historiques ou géographiques avec la ville ou la région.

Planisphère, 2013. SRIPE

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I- LA SORTIE DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE

À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, dans le contexte de la réconciliation et de la construction euro-péenne, maires et citoyens étaient déterminés à ce que plus jamais l’Europe ne soit déchirée par la guerre. Il apparaît alors que le seul moyen de progresser sur le plan des relations internationales et d’apaiser les rancœurs, est de tisser des liens au niveau de la commune, d’établir des relations de fraternité entre les hommes par l’échange de connaissances, d’expériences ou de savoir-faire dans tous les domaines de la vie locale.

Si la France est pionnière dans l’action internationale des collectivités territoriales, Rennes fut, elle aussi, précoce pour s’engager sur la voie des jumelages. Le choix de faire de Vouziers, commune sinistrée des Ardennes en 1919, la filleule de la ville de Rennes, engage le maire, Jean Janvier, dans une action de solidarité qui est un jumelage avant l’heure !35 ans plus tard, Henri Fréville, issu d’une génération qui a vécu la Seconde Guerre mondiale, lance la politique internationale de Rennes à l’occasion de la séance du conseil municipal du 20 décembre 1954. Il propose que Rennes « se joigne à un mouvement qui porte nombre de villes de France à prendre contact avec des villes étrangères d’importance équivalente en vue de multiplier les liens qui doivent permettre aux hommes de bonne volonté de mieux se connaître, de se tendre finalement la main par-dessus les frontières, d’instaurer progressivement une paix qui soit réelle et durable parce que fondée sur la compréhension mutuelle ». Il s’agit « d’agir au mieux des intérêts moraux et matériels de la ville et de faire de Rennes une cité gaie et accueillante, dont la jeunesse soit active, entreprenante et ouverte aux plus fructueux contacts avec l’étranger ».Tout un programme de jumelages est alors exposé, en liaison avec les autorités diplomatiques et consu-laires et en accord avec le conseil de l’université de Rennes.

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LA RECONNAISSANCE DES ALLIÉS

Le mouvement de coopération internationale s’amorce avec des villes des pays alliés  : c’est ainsi que naît le premier jumelage de Rennes avec la ville d’Exeter (Royaume-Uni) en 1956. Rennes est ensuite la première ville française à se jumeler avec une ville américaine : le jumelage avec Rochester (États-Unis) en 1958 est engagé sous le signe de la reconnaissance envers les libérateurs américains de Rennes et d’un attachement commun aux idéaux démocratiques.

Porte-nom de table à l’occasion de la visite d’une délégation rennaise à Exeter, 5 octobre 1962. 1342 W 25.

Programme de l’exposition des artistes d’Exeter à l’occasion des 30 ans du jumelage, mars 1987. 930 W 127.

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Délégation de Rochester à Rennes, [1958]. 1559 W 19.

Ces jumelages, toujours actifs grâce au dynamisme d’acteurs locaux investis et au renouvellement de leurs chartes plus en adéquation avec les réalités contemporaines, sont à l’origine de très nombreuses manifestations : voyages de délégations, rencontres sportives, expositions, semaines franco-britanniques ou franco-américaines. La création de l’Institut franco-américain à Rennes en 1961 grâce au concours de la municipalité rennaise, de celle de Rochester et des services culturels de l’ambassade des États-Unis à Paris, est le fruit de ce jumelage et se présente comme un centre culturel international. Depuis 1962, c’est en moyenne 75 à 100 jeunes américains et Bretons qui séjournent chaque année dans les deux villes !

Programme de la manifestation «Optics days» à Rennes, juin 1999. 1559 W 20.

Quinzaine américaine à l’occasion des 30 ans du jumelage avec Rochester, juin 1988. 1660 W 69.

Photo du défilé de la délégation rennaise dans les rues de Rochester, 2003. 1705 W 94.

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LE JUMELAGE DE LA RÉCONCILIATION

Dans le premier programme de jumelages présenté par Henri Fréville en 1954, il n’est pas question de l’Alle-magne, qui représente encore la figure d’un pays ennemi et dont l’éventuel réarmement fait peur. Pourtant, comme le déclare Robert Schuman, ministre français des Affaires étrangères le 9 mai 1950, « le rassemble-ment des nations européennes exige que l’opposition séculaire de la France et de l’Allemagne soit éliminée. » Il s’agit là d’un enjeu fondamental dans une Europe en construction. C’est en 1961, à l’occasion du voyage en Bretagne d’une délégation bavaroise qu’Henri Fréville évoque l’idée d’un jumelage Rennes-Erlangen (Allemagne). Il se concrétise trois ans plus tard, avec la ratification du Traité de l’Élysée le 22 janvier 1963 qui scelle, symboliquement, la réconciliation franco-allemande.La charte fixe comme objectif essentiel à ce jumelage, une meilleure compréhension mutuelle à travers plusieurs axes : « promouvoir les échanges culturels, encourager et mener à bien des compétitions sportives, conférer une place particulière au tourisme, placer au centre de leurs efforts communs les échanges de jeunes, apporter leur contribution à une Europe unie dans la liberté et la paix ».

À partir de là, les échanges entre les deux villes ne font que s’enrichir. Les relations de toute nature, aussi bien officielles qu’associatives ou individuelles se multiplient. Des années 1970, où les échanges amicaux se transforment en de véritables échanges institutionnels, en particulier par le jumelage des universités des deux villes, à 2014 qui voit le comité de jumelage se mobiliser pour fêter le jubilé de ce jumelage dynamique, le chemin parcouru est riche et varié ! > http://www.archives.rennes.fr/minisites/erlangen/

Article du journal d’Erlangen annonçant la signature du jumelage, 4 juin 1964. 1342 W 7.

Festivités organisées à Erlangen à l’occasion des 30 ans du jumelage avec Rennes, 1994. 2020 W 54.

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Télégramme d’Erlangen souhaitant de bonnes fêtes de fin d’année à sa ville jumelle, 20 décembre 1967. 1353 W 3.

Rencontre des professeurs dans le cadre du jumelage Rennes-Erlangen autour de l’étude de « l’image de la France données par les manuels allemands », novembre 1976, 1378 W 36.

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UN GESTE DE RÉPARATION

Dès 1954, Henri Fréville souhaite un jumelage avec Brno (République tchèque) pour « réparer symbolique-ment » l’erreur historique des Accords de Munich de 1938. C’est un pari audacieux, avec une ville sous influence soviétique, de l’autre côté du rideau de fer. « Il est très utile, dit-il au conseil municipal, que nous entretenions des relations avec ce pays, parce qu’au fond, il y a lieu de ne pas laisser s’établir de méfiance accrue entre des nations qui pourraient s’entendre et qui, peut-être, ne s’entendent pas parce qu’elles se connaissent de moins en moins ». Concrétisé en 1965 par la signature d’une charte, ce jumelage a entretenu des échanges continus malgré les difficultés politiques du pays. Avant 1990, ce jumelage se concrétise surtout par des échanges culturels et sportifs. Après la « Révolution de velours », la nouvelle équipe, confrontée aux respon-sabilités entraînées par la démocratisation, la décentralisation et le retour à une économie de marché, solli-cite Rennes pour des coopérations techniques municipales, notamment autour des questions d’éducation. Ce jumelage est exemplaire par la diversité et la qualité des relations tissées entre les deux villes tant en ce qui concerne les échanges entre citoyens qu’en matière de coopération municipale.

Henri Fréville lors de l’officialisation du jumelage avec Brno, mai 1965. 1342 W 2.

Carton d’invitation à la réception organisée à l’occasion du 40e anniversaire du jumelage avec Brno, octobre 2005. 1964 W 79.

Carton d’invitation au dîner servi à l’occasion du 20e anniversaire du jumelage avec Brno, novembre 1985. 930 W 127.

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RENFORCER L’ENTENTE CORDIALE

Le jumelage avec la ville de Sendai (Japon) naît quant à lui en 1967, trois ans après que le Japon, en plein redressement, a accueilli les Jeux Olympiques. La charte de jumelage signée le 6 septembre 1967 à Rennes se fixe pour objectif « de resserrer les liens d’amitié et également de promouvoir la paix et la prospérité mon-diale ». Il s’agit alors de s’ouvrir au monde et d’en comprendre les enjeux économiques et sociaux. Un comité de jumelage est soutenu activement par la Ville et les échanges sont réguliers malgré la distance et la barrière de la langue.

Tous ces jumelages répondent au contexte de l’Après-guerre et soulignent les grandes orientations poli-tiques et économiques que prend l’Europe dans la deuxième partie du XXe siècle. Les actions menées par la municipalité dans le cadre des jumelages sont surtout un encouragement aux échanges et manifestations socio-culturelles. La célébration de moments forts (anniversaires de jumelages) passant généralement par l’accueil de délégations, permet souvent de leur redonner du souffle. Mais ils ne peuvent se borner à cela, au risque de se vider de leur substance. Au-delà des raisons initiales de leur création, ils sont amenés à évoluer pour répondre aux attentes des citoyens et des collectivités dans un nouveau contexte de coopéra-tion décentralisée. Il s’agit alors, pour les élus, de faire de ces coopérations le point de départ de nouveaux comportements chez les citoyens des villes concernées et un outil de citoyenneté, qui incite les habitants à une confrontation d’idées sur les problèmes contemporains et les moyens de les résoudre.

Délégation rennaise à Sendaï, 1987. 1705 W 45.

Plaquette touristique japonaise de Rennes, 1969. 1342 W 41.

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Charte du jumelage Rennes-Sendaï, 6 septembre 1967. 1342 W 40.

Le cardinal de Rennes en discussion avec une représentante de Sendai, 1967. 1705 W 45.

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II. LA DÉCENTRALISATION ET SES RÉPERCUSSIONS

La décentralisation a permis le développement des jumelages et leur évolution. Les lois Defferre de décen-tralisation de 1982-1983 confèrent aux exécutifs locaux un pouvoir accru. C’est à cette période que l’enga-gement des collectivités territoriales dans des partenariats internationaux s’est largement installé et que les zones d’intervention se sont diversifiées.Par la loi relative à l’organisation territoriale du 8 février 1992, puis la loi Thiollière de 2007, les collectivités territoriales sont autorisées à « conclure des conventions avec des autorités locales étrangères pour mener des actions de coopération ou d’aide au développement. Ces conventions précisent l’objet des actions envisagées et le montant prévisionnel des engagements financiers… En outre, si l’urgence le justifie, les collectivités ter-ritoriales et leurs regroupements peuvent mettre en œuvre ou financer des actions à caractère humanitaire ».

Dans les années 1980, le rôle de la ville de Rennes évolue également. Elle cherche à soutenir et encourager l’initiative citoyenne et individuelle. Pour cela, elle joue un rôle de coordinateur, plus que de porteur de pro-jet. D’autre part, elle multiplie les partenariats en direction des pays de l’Est, d’Afrique ou d’Asie. Ce foison-nement de relations internationales est dû à une vision polycentrique du monde où les villes sont amenées à jouer un rôle croissant. Cette multiplicité des actions externes est accompagnée d’une multiplication des acteurs que le Maire entend encourager : les citoyens, les comités de jumelages, la Maison internationale de Rennes, l’Institut franco-américain, le Centre franco-allemand…

LA MIRCréée en 1984, la Maison inter-nationale de Rennes, (MIR) est la première initiative de ce type en France. Interface entre la munici-palité et les associations agissant à l’international, elle se présente comme un lieu d’accueil et d’infor-mation des citoyens et des associa-tions sur tous les sujets en lien avec l’international. Par ses actions, elle contribue à l’éveil d’une conscience internationale dans la population, la connaissance des pays étrangers, le développement des relations entre Rennes et ses villes jumelles, et la coopération avec les insti-tutions rennaises tournées vers la vie internationale. Elle a un rôle important d’accompagnement du

grand public et des associations dans la définition et la mise en œuvre de projets à l’international, tant à l’étranger que sur le territoire rennais.Cette maison a contribué à popula-riser les jumelages et à dynamiser la vie internationale de Rennes, en devenant le siège social des comités de jumelage (constitués en associations) et en jouant auprès d’eux un rôle d’accompagnement de projets et de conseils, ainsi qu’en organisant régulièrement des événements dans la ville (colloques, manifestations culturelles), ouverts au grand public.

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En réponse à ce mouvement d’ouverture à Rennes et conformément à une évolution également à l’œuvre dans d’autres collectivités de France, un service en charge des questions internationales est créé en 1991. La direction des Relations internationales (DRI) – devenue le Service des relations internationales et des partenariats européens (SRIPE) en 2010 avec la mutualisation de certains services de la Ville et de la com-munauté d’agglomération – met en œuvre la politique internationale de Rennes.

Bien que très nombreux, les partenariats internationaux se déclinent à Rennes selon trois principes com-plémentaires : le principe de solidarité, le principe culturel et le principe économique. Ils correspondent aux objectifs prioritaires fixés par la ville depuis les années 1990 : œuvrer à la construction d’un monde plus solidaire, favoriser l’ouverture internationale de Rennes et contribuer à l’affirmation de la métropole rennaise en Europe et dans le monde. Avec le temps et le changement des époques, ce mode de coopération décentralisée voit ses missions premières évoluer.

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LE SOUTIEN AU DÉVELOPPEMENT D’UNE ANCIENNE COLONIE

Les relations très profondes entre la France et l’Algérie, les échanges commerciaux, industriels et écono-miques dus en particulier aux entreprises bretonnes, enfin le rôle actif de l’association « Solidarité France – Arabe », conduisent naturellement la municipalité à chercher un jumelage avec une ville algérienne. Le choix se porte sur Sétif, capitale des hauts plateaux au cœur d’une région agricole et ville universitaire de première importance. Signée à l’occasion de la Foire internationale de Rennes en 1982, la charte de jumelage indique comme priorité les échanges tournés vers les jeunes. La maison de quartier de Villejean a joué et joue encore un rôle déterminant dans le développement de ces relations entre habitants. Ce jume-lage a su maintenir des relations régulières malgré la conjoncture politique grâce, en particulier, à l’action de l’association Rennes-Sétif : échanges de collégiens (2000, 2011), de sportifs (basketteuses en 2012), citoyens sétifiens (2008), rencontre scientifique entre Rennes 1 et l’Université Ferhat Abbas de Sétif (2007), création d’un master sur l’imagerie médicale, etc.

Vœux adressés par le président de l’Assemblée Populaire Communale (APC) de Sétif au maire de Rennes à l’occasion du bicentenaire de la Révolution française, juillet 1989. 1870 W 61.

Programme de la «semaine de Sétif» à Rennes, octobre 1988. 1660 W 67.

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VERS LES PAYS DE L’EST

La chute des régimes communistes en Europe centrale avec la chute du mur de Berlin et la fin de la guerre froide en 1989 ont engendré une nouvelle vague de jumelages. Ceux-ci ont fortement contribué au rappro-chement des peuples du continent longtemps divisé. C’est le cas des jumelages contractés avec Almaty (République du Kazakhstan) en 1991, Poznań (Pologne) en 1998 et Sibiu (Roumanie) en 1999 et de celui de Brno évoqué plus haut, aux origines plus anciennes. Ainsi, les mouvements de jumelage ont certainement contribué pendant plus de 50 ans, au développement pacifique de l’Europe et ont également favorisé l’intégration de nouveaux pays au sein de l’Union.

Inauguration du parc Sibiu à Rennes, 2 octobre 1998. 1705 W 15.

Signature du jumelage Rennes-Poznan, 4 avril 1998. 1705 W 70.

Plaquette touristique réalisée par la ville de Rennes sur la ville de Poznan, 1997-1998, 1559 W 15.

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À la fin des années 1980, la municipalité inscrit dans son programme sa volonté de lier Rennes avec les grands « pays-continents ». L’URSS apparaît alors sur la voie de la démocratisation et de la décentralisation et la recherche d’un partenaire y est entreprise. C’est Alma-Ata (aujourd’hui appelée Almaty), une ville jeune et dynamique de 1,2 million habitants, dotée d’équipements universitaires et de recherche de renom-mée internationale, au rayonnement culturel et sportif prestigieux, et s’appuyant sur un tissu économique diversifié qui est choisie. Lors des premiers contacts, le Kazakhstan est encore une des quinze républiques de l’URSS mais la charte de jumelage est signée en 1991, juste après son indépendance ! Cet accord repose sur le dialogue et les échanges entre les services, les relations économiques et la coo-pération universitaire. Quand son président vient à Rennes début 1992, il est ému de voir flotter pour la première fois son drapeau à l’étranger !Bien impulsé début des années 1990, ce jumelage connaît des à-coups. Cette jeune république doit trouver ses repères et la ville de Rennes s’engage, en particulier, à l’accompagner au travers d’une coopération technique axée sur la gestion municipale dès 1993. Rennes présente alors à Almaty son expérience en matière d’organisation administrative, de finances locales et dans divers domaines techniques pour aider ses dirigeants à s’adapter aux exigences de la démocratisation et de l’économie de marché. En parallèle, le comité de jumelage Rennes-Almaty créé en 1990 favorise les échanges entre les habitants des deux villes. Il organise régulièrement des manifestations pour faire connaître le Kazakhstan et pour les 10 ans du jumelage en 2001, le Kazakhstan est l’invité d’honneur de la Foire Internationale de Rennes.

Les jumelages avec Poznań et Sibiu sont basés sur des principes similaires et sur des relations franco-polonaises ou franco-roumaines très anciennes. Au début des années 1990, des déclarations d’intention relatives à la coopération de Rennes avec ces deux villes insistent sur l’adhésion de la Pologne et de la Roumanie aux principes démocratiques, au respect des droits de l’Homme et posent les bases d’un mouvement de coopération sur les modes de gestion municipale de nature à favoriser la transition de ces pays. En parallèle, les chartes de jumelage intègrent une coopération scolaire, universitaire, économique et citoyenne, qui se traduit par de multiples échanges et manifestations, largement portés par les comités de jumelage et qui se concrétisent par exemple par des jumelages de quartiers.

Ces jumelages sont caractéristiques de l’évolution des actions décentralisées vers les pays d’Europe cen-trale qui se focalise sur l’ingénierie démocratique. Rennes exporte alors une méthodologie et des savoir-faire qui sont considérés comme des bonnes pratiques très utiles dans des pays en pleine reconstruction.

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LA COOPÉRATION NORD-SUD

Une nouvelle forme de jumelage apparaît dans les années 1970 avec l’accès à l’indépendance des pays africains et l’émergence du Tiers-Monde sur la scène internationale.Expression d’une solidarité Nord-Sud, ces jumelages de coopération unissent des collectivités locales du Nord, principalement d’Europe, et du Sud, principalement d’Afrique et d’Amérique latine. Ce mouvement ne se limite pas à forger des liens d’amitié et de compréhension : il s’engage fermement sur la produc-tion de résultats concrets et sur un développement local à long terme. Ces jumelages contemporains se concentrent sur des projets très spécifiques tels que la gestion de l’eau, le développement économique ou l’amélioration des services publics locaux. Ils visent à améliorer les conditions de vie dans les pays les plus pauvres et surtout la qualité des services publics de manière pérenne.

La coopération de Rennes avec le Cercle de Bandiagara (Mali), entamée en 1985, est renforcée par la création, en 1999, de la collectivité décentralisée « Conseil de Cercle ». Elle s’inscrit en cohérence avec le jumelage établi dix ans plus tôt entre l’Ille-et-Vilaine et la région de Mopti, principalement axé sur l’aide à la santé, la scolarisation et l’approvisionnement en eau des villages de la région. Dans les années 1980, la Ville de Rennes monte et finance l’opération « 12 puits pour Mopti » qui mobilise et sollicite des Rennais et des villageois autour d’un même projet enthousiasmant ! Un gros travail est accompli par les associations parte-naires de la Ville réunies au sein du comité Rennes-Plateau Dogon en direction de cette région très pauvre et c’est en 1995 qu’une charte de jumelage-coopération officialise ces relations. Depuis, cette coopération dynamique et variée a évolué et ses champs d’intervention se sont élargis pour apporter une aide technique concrète à cette région mais aussi pour faire découvrir aux Rennais les valeurs traditionnelles dogons et les sensibiliser aux problèmes du développement.

Signature de la convention de jumelage-coopération avec le Cercle de Bandiagara, octobre 2001. 1705 W 42.

Invitation à l’inauguration de l’exposition «Les Dogons vus par les Rennais», octobre 2001. 1476 W 12.

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Plaquette d’information sur la coopération décentralisée Rennes-Plateau Dogon, [1995]. 1132 W 6.

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VERS LES PAYS DE L’ASIE

Le Vietnam est, pour la France, un partenaire important en Asie. Les deux pays ont des liens anciens. La France a été l’un des premiers pays occidentaux à soutenir la politique de rénovation du Vietnam, accom-pagnant le développement et l’ouverture de ce pays depuis plus de vingt ans. Rennes est, quant à elle, la première ville française à accueillir officiellement une délégation municipale vietnamienne en 1992 : c’est le début de la coopération entre Rennes et Hué. Initié par des Rennais originaires de cette ville asiatique, ce partenariat prend tout d’abord la forme d’échanges hospitaliers et universitaires, de stages de jeunes professionnels, de conseils techniques dans les domaines de l’assainissement, la circulation ou l’habitat social, ou d’aides exceptionnelles suite à des catastrophes naturelles (inondations, cyclone).« Considérant que la coopération décentralisée est un outil contribuant à donner un sens à la mondialisation et permettant le développement de la solidarité pour faire face aux défis globaux (alimentaires, climatiques, sociaux, financiers), les deux villes réaffirment leur volonté de partenariat » à l’occasion de la signature en 2013 d’une convention-cadre de coopération décentralisée d’une durée de 5 ans. Face aux transformations que connaît le Vietnam aujourd’hui, les objectifs de cette coopération évoluent pour passer d’une logique d’aide au développement à une logique de partenariat, dans une perspective de développement humain durable, de réciprocité et de démocratie participative.

Nous conservons peu de documents relatifs au jumelage de Rennes avec Sendai (Japon) né dès 1967, si ce n’est à partir de la signature d’un protocole d’accord en 1987 qui marque, semble-t-il, un nouvel élan dans les échanges grâce à la volonté conjointe des deux maires. Dans les années 1990, c’est dans le domaine de l’économie, de la recherche, et de la gestion municipale, en particulier autour des musées, que cette coopération se manifeste. De nombreux échanges scolaires et sportifs, dont le semi-marathon de Sendai, ponctuent également l’année. Ils se concrétisent même par la signature d’un protocole de coopération en 1997 sur la base de visites officielles tous les trois ans, une coopération technique municipale et universi-taire et le soutien aux initiatives citoyennes. Depuis la catastrophe du tsunami du 11 mars 2011, les actions de solidarité se sont évidemment multipliées. Les associations franco-japonaises de Rennes, notamment celle du jumelage Shimaï Toshi Sendai, ainsi que des donateurs de toute la Bretagne ont participé à ces actions caritatives : associations sportives et culturelles, écoles, entreprises et particuliers.

Quant au jumelage avec Jinan (Chine), il intervient en 2002, après 17 années de relations dans le cadre d’un accord de jumelage signé entre la Région Bretagne et la province de Shandong. Rennes entend alors développer avec cette ville industrielle, universitaire et touristique, des relations dans les domaines scolaires, économiques et de la recherche ainsi qu’en matière de gestion municipale. La Chine est alors en pleine croissance et Jinan participe à ce mouvement mais beaucoup d’inégalités demeurent, comme l’exprime Edmond Hervé dans un article du Rennais en septembre 2002 : « On peut s’interroger sur le futur d’une société nourrie par l’enfant unique, secrétant de profonds déséquilibres entre la ville et la campagne. La démocratie, la liberté, ont encore de larges espaces à conquérir. Il n’en demeure pas moins que nous sommes en face d’un pays qui comptera de plus en plus […] Le jumelage, source continue d’échange, doit permettre cette connaissance, compléter et approfondir les relations d’État à État ».

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Il s’agit bien, dans ces jumelages d’un nouveau genre, de poursuivre des opérations de développement et de s’orienter de plus en plus vers une logique de collaboration pour un bénéfice réciproque. C’est le sens de la charte de jumelage signée avec Jinan en 2002 qui prévoit, tous les trois ans, un bilan du jumelage et la mise en place de perspectives nouvelles. Ce jumelage dynamique grâce à l’implication de nombreux acteurs des deux villes, s’est concrétisé par de nombreuses actions dans le domaine économique, touris-tique et de l’enseignement. Ces actions ont valu à Rennes de recevoir en 2010 le « prix de la coopération entre villes partenaires » décerné par l’Association du peuple chinois pour l’amitié entre les peuples.

Page de garde de la charte de coopération et de partenariat signée avec Saint-Jacques de Compostelle, 18 juin 2010. SRIPE.

Signature de la charte de jumelage Rennes-Jinan, 17 juillet 2002 en Chine. 2020 W 50.

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Programme des semaines culturelles des femmes chinoises aux années Chine-France, mars 2004. 2020 W 96.

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CONCLUSION

Nés dans des contextes particuliers, fruits d’une volonté politique ou d’une initiative citoyenne, tous les jumelages s’ancrent dans des valeurs symboliques, encore à l’œuvre aujourd’hui. Très récemment encore, l’accord de coopération technique signé par le Maire avec Diyarbakir (Turquie) en 2010 traduit une position politique en faveur des droits de l’Homme en Turquie et reconnaît l’identité kurde.

La ville de Rennes, très dynamique, a engagé seize partenariats internationaux. Tous ne sont pas très actifs comme celui contracté avec Louvain (Belgique), mais ils sont enracinés dans l’histoire et peuvent se réveiller à tout moment. Leur dynamisme dépend de la capacité des acteurs et des collectivités à les faire évoluer pour rejoindre des motivations et des enjeux contemporains ainsi que du soutien déterminant d’un comité de jumelage.

Aujourd’hui, on ne parle donc plus vraiment de jumelages, mais plutôt de partenariats de coopérations décentralisées, plus de charte mais de convention. Considérés comme de véritables outils de développe-ment local, ces partenariats internationaux plus formalisés se fixent des objectifs concrets d’efficacité, de durée, de budget et d’évaluation et s’orientent vers des relations de collaboration basées sur la notion de projet.

En outre, la relation bilatérale a tendance à laisser de nos jours une place grandissante aux relations mul-tilatérales. C’est le sens de la création de la Conférence des Villes de l’Arc Atlantique, un réseau urbain constitué en 2000, à l’initiative d’Edmond Hervé, alors maire de Rennes. Il compte 20 membres qui repré-sentent actuellement plus de 200 entités locales dont les villes d’Exeter (Grande-Bretagne), de Cork (Irlande) et Saint-Jacques de Compostelle (Espagne) jumelées avec Rennes. Ce réseau travaille avec différentes institutions afin de promouvoir le rôle des villes en Europe et de mettre en avant la spécificité de l’Arc Atlantique.

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Page de garde de la charte de coopération et de partenariat signée avec Saint-Jacques de Compostelle, 18 juin 2010. SRIPE.

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