Des Genéchois dans la guerre d’Algérie, 1954-1962 · Des Genéchois dans la guerre...

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Des Genéchois dans la guerre d’Algérie, 1954-1962 Mémoire de Genech - Cercle des souvenirs Février 2014 - Feuillet n° 45 A la fin de la IV° République, le gouvernement Guy Mollet envoie le conngent en Algérie. Les conscrits de Genech, comme ceux du reste de la France, parront donc à la guerre, en Algérie. Conseil de révision de la Classe 1960 (la plupart sont allés en Algérie). Debouts : Lucien Menet, Lucien Debosschère, X, Gilbert Debarge, Charles Dhellemmes, Régis Le- couffe, Raymond Ennique. Accroupis : Bernard Cuisinier, Claude Lefebvre, Jean-Claude Coget, Albert Masquelier, Francis Speleers Soldats du 7 ème Régiment de Tirailleurs algériens en 1962, unité où fut incorporé Gilbert Debarge

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Des Genéchois dans la guerre d’Algérie,

1954-1962

Mémoire de Genech - Cercle des souvenirs Février 2014 - Feuillet n° 45

A la fin de la IV° République, le gouvernement Guy Mollet envoie le contingent en Algérie. Les conscrits de Genech, comme ceux du reste de la France, partiront donc à la guerre, en Algérie.

Conseil de révision de la Classe 1960 (la plupart sont allés en Algérie). Debouts : Lucien Menet, Lucien Debosschère, X, Gilbert Debarge, Charles Dhellemmes, Régis Le-

couffe, Raymond Ennique. Accroupis : Bernard Cuisinier, Claude Lefebvre, Jean-Claude Coget, Albert

Masquelier, Francis Speleers

Soldats du 7ème Régiment de Tirailleurs algériens en 1962, unité où fut incorporé Gilbert Debarge

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Le récit qui suit est construit à partir des témoignages directs de trois Genéchois parmi plusieurs dizaines d’autres

qui ont fait leur service militaire en Algérie, Charly Renou, Gilbert Debarge et Noël Deffontaines.

Bernard Delcour

A partir de 1956 le contingent est envoyé en Algérie. Une règle est appliquée: on n’y envoie jamais deux frères en même temps. Il n’y a donc jamais eu l’équivalent du «soldat Ryan » en Algérie. L’un des premiers Genéchois envoyés en Algérie est le soldat Bernard Delcour. Il effectue la traversée sur le Pas-teur en septembre 1956. Conducteur d’un camion GMC, il est tué au cours d’un combat avec un groupe de rebelles le samedi 15 décembre 1956.

« L’après midi du 15 décembre il partait en opérations au sud de Bossuet (en Oranie) avec des fantassins. C’est à la fin de cette opération qu’il tombait avec cinq de ceux – ci sous les balles des fellaghas. Au cours du bref combat qui suivit, quatre rebelles furent abattus… Son corps fut ramené à l’hôpital militaire de Sidi Bel Abbès… Je partage votre douleur… Se dire qu’il est mort en bon Français, pour ramener la paix dans un pays terrorisé par des bandits qui assassinent, égorgent et torturent même des enfants, c’est, certes, un motif de fierté, mais une bien modeste con-solation.»

Lettre de son chef d’escadron à son père, Joseph Delcour.

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Le GMC que conduisait Bernard Delcour

Novembre 1954: Premiers attentats du FLN (Front de Libération Nationale) contre des civils en Algérie. Février 1956 : Gouvernement Guy Mollet (socialiste, SFIO) ; il envoie le contingent en Algérie, le service militaire est porté à 27 mois (Mitterrand est ministre de la Justice). 1956 : «Bataille d’Alger». Pour répondre aux attentats du FLN commis contre des civils, Guy Mollet confie à l’ar-mée des pouvoirs de police à Alger. Les réseaux du FLN sont totalement démantelés à Alger. Mai 1958 Effondrement de la IV° République. Retour au pouvoir de de Gaulle; début de la V° République. Après avoir proclamé «Je vous ai compris» et «Vive l’Algérie française», de Gaulle, se rendant compte qu’une so-lution militaire serait insuffisante, cherche, en vain, à négocier avec le FLN une «paix des braves». 1959 – 1961 : Offensives, nettoyage, ratissage ; les maquis du FLN sont quasiment tous éliminés. L’armée du FLN est confinée à l’extérieur du territoire algérien, au Maroc et en Tunisie, derrière la Ligne Morice. Janvier 1961 : Référendum sur l’autodétermination de l’Algérie (75 % de oui). 18 mars 1962 : Les négociations à Evian avec les représentants du FLN aboutissent aux « Accords d’Evian». 3 juillet 1962 : Indépendance de l’Algérie et fin de la guerre d’Algérie; le 5 juillet 700 européens sont massacrés à Oran par des soldats du FLN et des civils algériens en armes. Durant l’année 1962 un million de Pieds Noirs quittent l’Algérie pour la France, choisissant «la valise» plutôt que «le cercueil».

Guerre d’Algérie, chronologie sommaire

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« Votre fils a été touché en pleine poitrine et il est mort presqu’aussitôt. Sur son cercueil, son chef a épinglé la Croix de la Valeur Militaire (…) Le Bon Dieu nous éprouve mais ne perdons pas courage. Oui la foi, seule, nous fait vivre dans l’espoir de nous retrouver au Ciel. »

Lettre de l’aumônier de la Légion Etrangère à Sidi Bel Abbès (il fit la cérémonie religieuse car il n’y avait pas d’aumônier militaire à l’Hôpital).

Le service militaire de Gilbert Debarge a duré 27 mois, dont 24 en Algérie, de mars 1960 (il a alors 20 ans) au 19 mars 1962, à quelques jours du cessez-le-feu. Il quitta Genech pour Marseille, traversa la Méditerranée et arriva à Bône où il fit 2 mois de classes. Il fut incorpo-ré au 7ème Régiment de Tirailleurs algériens. L’unité à laquelle appartenait Gilbert Debarge était un bataillon disci-plinaire comprenant 20 % d’Européens (la moitié y était affectée pour raison disciplinaire) et 80 % d’Algériens, des «Français musulmans » selon la terminologie de l’époque. Il fallait s’en méfier car certains désertaient avec armes pour rejoindre les rangs du FLN. La première permission pour la France (21 jours) était accordée après 11 mois de service, puis retour pour 16 mois.

Gilbert Debarge : « Avoir 20 ans dans les Arès »

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Fréquemment en opération dans les Aurès, l’intervention du bataillon de Tirailleurs algériens se faisait en

général après un assaut mené par les paras ou la Légion.

« Avant l’intervention au sol, l’aviation avait nettoyé la zone au napalm. On était héliportés vers le dje-

bel par des hélicoptères d’assaut appelés communément « bananes volantes » ; ils pouvaient contenir

une vingtaine de bonhommes, saut à 3 ou 4 m du sol. Une fois l’intervention au sol commencée, la cha-

leur du napalm faisait encore fondre les semelles de nos pataugas.

Il fallait parfois crapahuter dans la neige dans les Aurès ou dans le Constantinois ; les affrontements

étaient fréquents.

Nous avons été pris dans une embuscade le 5 septembre 1961. Les fellaghas nous avaient repérés à nos

antennes radios…

On arrivait aussi à les suivre à la trace. On a découvert une infirmerie cachée. »

Gilbert Debarge en 1960

en tenue d’apparat

Hélicoptère H 21 C Shawnee, de fabrication américaine, de l’Aviation

Légère de l’Armée de Terre, fréquemment utilisé en Algérie pour les opé-

rations d’assaut contre les maquis FLN

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Ouverture de piste à Bakhada, fin 1959, 15ème Régiment de Dragons, Détachement commandé par le Sous – lieutenant

Noël Deffontaines

Attaque de fermes

« Je servais de bouclage, avec les blindés sur les pitons, je ne faisais pas de ratissage, c’était pour la Légion et les paras. Des fermes étaient mises en autodéfense ; on leur avait bâti un mirador ; si les habitants se sentaient en danger, ils tiraient des fusées rouges. Une nuit, on part au secours d’une ferme attaquée ; on arrive trop tard: un enfant égorgé, deux femmes égorgées et éventrées. Sous un lit on découvre une survivante de 7 / 8 ans. On la prend avec nous. Je me demande souvent « où est-elle aujourd’hui ? ». On boucle le patelin voisin, on se saisit de l’ouvrier de la ferme; c’est un ballester, un descendant d’Espagnol. C’est lui qui a ouvert la porte ; il nous dit: « les fellaghas sont venus chez moi, et m’ont dit : si tu n’ouvres pas la porte, on égorge tes cinq enfants».

Etudiant en droit, Noël Deffontaines suit une formation militaire à Saumur d’où il sort sous- lieutenant. Il est en-voyé en Allemagne puis passe 15 mois en Algérie, en 1958/1959, dans une unité de blindés.

« En partant on était gonflés à bloc. «Votre rôle c’est la pacification» nous avait-on dit. En arrivant à Oran, on voyait écrit sur les murs : « Ici c’est la France». Au bout de 4 ou 5 mois on se rendait compte qu’on ne pourrait pas rester, puis c’était le désarroi, on se disait : «Qu’est-ce qu’on fait là ?».

Mon seul objectif était de ramener tous mes hommes, vivants, en France. On menait des opérations de pacification ; on avait des relations très positives avec tous les chefs indigènes locaux, même les chefs religieux. On quittait un secteur en se disant qu’il était pacifié. Avant de partir, les chefs locaux nous disaient : «Si tu pars, c’est notre con-damnation à mort ». Quinze jours plus tard ils étaient tous égorgés. Le FLN ne voulait pas de la pacification »

« Le vrai risque, c’est lorsqu’on partait en embuscade, de nuit ; on était moins doués que les fels pour marcher de nuit et on n’avait pas les avions et les hélicos. Une nuit on est tombé sur une « sonnette » (une sentinelle), à l’ap-proche d’un gué. Le fellagha a armé son FM ; je l’ai entendu, j’ai échappé à la rafale et à la mort en plongeant de côté.

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Noël Deffontaines

Mort d’un médecin

« Un aspirant médecin allait soigner les indigènes dans les douars avec sa 2 CV et une protection militaire. Un jour, alors que nous sommes en mission, nous ne pouvons assurer sa protection ; il veut partir quand même; il nous dit : «j’y vais, je ne risque rien, je ne suis même pas armé». Quelques heures plus tard, on est prévenus: ils l’ont pris, ils l’ont massacré. On y va, on voit sa voiture en feu. Les soldats étaient prêts à tirer dans les mechtas».

C’était sans aucun doute, (comme dans le cas du massacre par des fellaghas de 17 appelés, le corps mutilé et émasculé, dans les gorges de Palestro en 1956), ce qu’escomptaient les égorgeurs du FLN : provoquer des mas-sacres afin de creuser le fossé entre les deux communautés.