Des chefs de bande les officiers ffi dans la 1ère armée française (1943 1945)

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Des « chefs de bande »? Les officiers FFI dans la 1ère Armée

française (1944-1945)

Claire Miot

Communication proposée au séminaire doctoral « Nations en armes », Centre d’Histoire

de Sciences-po, le 15 février 2012. Séance sur la figure de l’officier.

Article disponible sen ligne à l’adresse :

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http://guerrealautre.hypotheses.org/175

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Pour citer cet article :

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Miot Claire, « Des « chefs de bande »? Les officiers FFI dans la 1ère Armée française (1944-

1945) », In : D’une guerre à l’autre, 2012, http://guerrealautre.hypotheses.org/175

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Des « chefs de bande »? Les officiers FFI dans la 1ère Armée

française (1944-1945)

Un des aspects essentiels de ma recherche de doctorat est la question de l’amalgame

des combattants FFI à l’armée régulière française incarnée – essentiellement - par la 1ère

Armée du général de Lattre de Tassigny. Cet amalgame permet de comprendre les luttes

autour de la définition d’une nouvelle armée française au sortir de la guerre – appelée de leurs

vœux par tous les organismes résistants, à un moment où l’armée de 1940 a été largement

discréditée. La question est bien de savoir de quelle « Armée nouvelle » - référence claire au

livre publié par Jaurès en 1911 - on parle. En tout cas, pour tous, l’officier doit constituer la

clef de voute d’une telle rénovation.

Or, R. O. Paxton1, dans son ouvrage pionnier sur le corps des officiers français, insiste

sur la continuité entre l’armée de 1940, celle de Vichy et celle de la libération. Pourquoi les

FFI, bardés d’une forte légitimité à la Libération, n’ont-ils pas constitué le noyau de l’armée

d’après-guerre ?

La Première Armée française du général de Lattre de Tassigny, reconstituée en Afrique du

Nord à partir des troupes de la France libre et des divisions de l’Armée d’Afrique, débarque

en Provence à partir du 15 août 1944. Au fur et à mesure de sa progression, elle amalgame

quelques 130 000 combattants issus des Forces Françaises de l’Intérieur.

Ces deux types d’armées, que le recrutement, le fonctionnement interne, l’expérience

combattante, les techniques de combat, l’identité et l’engagement politique de ses soldats

opposent le plus souvent radicalement, doivent cependant combattre côte à côte, et fusionner

au moment de la Libération. Les tensions se cristallisent sur la question des officiers FFI,

nombreux, trop nombreux même, au goût des officiers de l’armée régulière. En effet,

l’inflation –réelle - des grades FFI pendant les derniers mois de l’Occupation, a eu pour

conséquence l’augmentation considérable du nombre de jeunes hommes peu formés à la tête

de groupes armés réduits, et qui arborent pourtant des galons d’officiers. Or, une telle

inflation heurte les officiers réguliers, attachés aux normes militaires traditionnelles, autant

qu’elle pose des problèmes réels de commandement et d’encadrement.

Les officiers FFI sont en effet considérés par la hiérarchie militaire comme des chefs

de bande incapables d’imposer une discipline sévère à leurs hommes dont ils sont considérés

1 Paxton, Robert, L'Armée de Vichy - Le corps des officiers français 1940-1944, éd. en anglais 1966 ; édition française, Paris, Tallandier, 2004.

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comme trop proches. De même, on leur reproche leur incapacité à manier les techniques de la

guerre moderne, n’ayant pas suivi le cursus honorum d’un officier. Mais surtout, la « Grande

Muette », constituée d’officiers ayant pour beaucoup servi Vichy, redoute ces « militants » en

armes, souvent fortement politisés. Les officiers FFI, quant à eux, s’estiment bardés d’une

légitimité politique, supérieure à la légitimité de la compétence, et avancent contre des

officiers « vichystes » ou « naphtalinards » la précocité et la pureté de leur engagement contre

l’ennemi. Enfin, ils s’estiment porteurs d’un projet de « régénération » de l’armée dont ils

seraient l’avant-garde.

L’intégration de ces officiers FFI au sein de l’armée régulière passe cependant par une

imposition des normes militaires. Ils sont en effet contraints de passer devant des

commissions d’incorporation susceptibles de les rétrograder, et faire leurs preuves dans des

écoles de cadres FFI qui fleurissent à la Libération. Il s’agit donc de montrer dans cette

communication comment la représentation de l’officier a été bouleversée par l’expérience de

la Résistance et comment s’affrontent, lors de la Libération, deux conceptions de l’institution

militaire. Plus largement, la question des officiers FFI illustre le projet gaullien restauration de

l’unité et de l’ordre républicain au sein de l’institution militaire, avec des logiques de

compromis et de coercition.

I – Méfiances réciproques

« Je constatais aussi que l’amalgame des troupes venues d’Afrique et des forces de

l’intérieur pourrait être mené à bien. Non point que les préventions réciproques eussent

disparu entre éléments d’origines diverses. Les « Français libres » conservaient, vis-à-vis de

quiconque, une fierté assez exclusive. Les hommes de la clandestinité, longtemps traqués,

fiévreux, miséreux, auraient volontiers prétendu au monopole de la résistance. Les régiments

d’Algérie, du Maroc et de Tunisie (…) se montraient unanimement ombrageux de leur esprit

de corps. Mais quels que fussent les détours où le destin avait mené les uns et les autres, la

satisfaction de se retrouver côte à côte, engagés dans le même combat, l’emportait sur tout le

reste dans l’âme des soldats, des officiers, des généraux »2 écrit le général de Gaulle dans ses

Mémoires de guerre. S’il ne nie pas la diversité des origines des cadres de l’armée de

Libération – FFI, armée d’Armistice, combattants de la France libre -, c’est avant tout pour

insister sur son œuvre de rassemblement. Selon un tel récit, l’objectif commun, la libération

2De Gaulle, Charles, Mémoires de guerre, Le Salut : 1944-1946, Paris, Plon, 1959, p. 34-35.

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du territoire métropolitain et l’union nationale via l’union de l’armée, l’aurait emporté sur les

tensions politiques et militaires.

Les recherches que j’ai entamées m’obligent à esquisser un tableau beaucoup plus

nuancé. Certes, dès les premières heures du débarquement en Provence, les FFI combattent –

souvent avec succès - aux côtés des troupes venues d’Afrique et d’Italie. Mais passés les

premiers moments de communion patriotique, les tensions apparaissent. En particulier, les

officiers et sous-officiers FFI sont la cible privilégiée des attaques de la part des soldats de

l’armée régulière.

Ces attaques sont de plusieurs ordres. Les officiers FFI – et surtout parmi eux les

FTPF – sont moins perçus comme des combattants que comme des militants en armes, du fait

d’une forte porosité entre fonction politique et fonction militaire. Ils sont donc bien souvent

qualifiés de chefs – terme qui renvoie au vocable politique - plutôt que de cadres, terme utilisé

dans la nomenclature militaire. Par opposition, les cadres de la 1ère Armée mettent en exergue

ce qu’on pourrait appeler leur apolitisme. En apparence seulement, car nombre d’entre eux

ont une représentation très précise de ce que doit être l’ordre politique de l’après-guerre. Les

FFI – et parmi eux les FTP, sont alors accusés de semer le désordre dans les rangs de l’armée.

Ainsi, dans une note adressée à la mi-septembre 1944 au général de Lattre, le général Molle

chargé du bureau FFI, déplore la mise en place d’une campagne de calomnie contre ses

soldats : « Les cadres FFI rattachés à ma division ont reçu un tract anonyme, intitulé « Alerte

aux FFI » dans lequel nous sommes traités d’Armée de 50 000 coloniaux encadrés d’officiers

vichystes » ! Pas moins ! »3 .

Les officiers de l’armée régulière reprochent également aux officiers FFI d’être moins

des militaires que des civils en armes – ce qui est justement revendiqué par ces derniers qui se

mettent volontiers en scène comme des citoyens en armes, des nouveaux soldats de l’An II. A

la légitimité politique de l’engagement, les officiers de l’armée régulière mettent en évidence

la valeur de la compétence, en soulignant l’inadéquation des officiers FFI, chefs de guérilla, à

la guerre dite « moderne ». Cette inadéquation s’expliquerait par un manque d’instruction

technique des cadres FFI autant que par leur incapacité ou leur refus à imposer la qualité

première d’un soldat – la discipline. « Tout en reconnaissant le mérite et les services

magnifiques rendus au pays par ces différents groupements (FFI-FTP), chacun s’étonne de les

voir subsister après la libération. Si le manque d’instruction militaire élémentaire,

conséquence de l’indiscipline constatée parmi les cadres et les hommes, la liberté d’action

sans contrôle apparent et l’emploi de l’armement dont ils disposent librement est compris des

3Note du général Molle au général de Lattre, sans date, cité dans Jean de Lattre de Tassigny, Reconquérir : 1944-1945, Paris, Plon, 1985, p.62-63.

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Officiers, il ne l’est pas de la troupe dont l’étonnement est manifeste »4, rapporte un officier

de la 1ère D.B. L’indiscipline présumée des cadres FFI devient un véritable topos du discours

militaire au sein de la 1ère Armée française. Le général Monsabert, chef de corps d’armée,

connu pour son anticommunisme virulent, raille des « chefs FFI (…) qui reconnaissent leur

désordre et le flou de leur organisation »5. Il semble que certains cadres de l’armée régulière

aient fantasmé sur des maquis dominés par des communistes aux idéaux égalitaristes, mettant

en cause le respect de la hiérarchie.

C’est la conception même de l’encadrement et du rôle de l’officier au sein des FFI qui

est mal admise. Les rapports de l’armée régulière déplorent un encadrement FFI pléthorique,

conséquence de l’inflation des grades dans les maquis. Selon un rapport sur la valeur des

cadres et de la troupe des unités FFI de l’état-major de la 2e DIM, il y a au 2e régiment de

Bourgogne mis à la disposition de la division 106 officiers et 242 sous-officiers pour 1800

hommes. Le commando Lhermine « possède un encadrement pléthorique, 11 officiers (dont 1

Lt-Colonel) pour 50 hommes, qui est plus nuisible qu’utile »6 . Le 1er régiment du Morvan

mis à la disposition de la 3e Division d’infanterie algérienne comporte 80 officiers pour 1800

hommes, sous-officiers compris7. Derrière la dénonciation du nombre de cadres, se dissimule

mal une suspicion d’usurpation de grades, souvent par de jeunes combattants. Cette inflation

des grades indigne nombre d’officiers de l’armée régulière : « Les Officiers ont toujours un

excellent état d’esprit. Cependant (…) le maintien dans l’armée des cadres des groupements

FFI dont la majorité détient des grades ne répondant ni à la valeur militaire ni à l’âge des

détenteurs (…) a produit chez eux une grande déception», avertit le colonel Mazoyer dans son

rapport sur le moral des officiers à la 1ère DB8. Le 9 octobre 1944, le général Malleret-

Joinville écrit « aujourd’hui nous nous trouvons en présence d’un certain nombre de cas

d’inflation de galons qui s’est surtout produite d’ailleurs depuis la libération. »9

Si la hiérarchie militaire a tendance à discréditer en bloc tous les cadres FFI, force est

de constater l’extrême diversité de ces derniers. En effet, rappelons d’emblée que pour la zone

sud, où la 1ère Armée recrute essentiellement, les FTP sont minoritaires. Ils fourniraient 10%

des effectifs, tandis que les formations originaires de l’Armée secrète près de 30%. Parmi eux,

4 Rapport sur le moral du mois d’octobre de la 1ère DB, 10 octobre 1944, SHD DAT, 11P206. 5Joseph Goislard de Monsabert, Notes de guerre, Hélette, Jean Curutchet, 2000, p. 284. 6 Rapport sur la valeur des cadres et de la troupe des unités F.F.I. mises à la disposition de la 2e DIM, 22 octobre 1944, SHD DIMI, 13P83. 7Compte-rendu de la liaison effectuée le 25 novembre 1944 auprès du Régiment du Morvan par la 3e DIA, SHD DIMI, 13P83. 8 Rapport sur le moral du mois d’octobre 1944, 1ère DB, colonel Mazoyer, 10 octobre 1944, SHD DAT, 11P206. 9Note du général Malleret Joinville, 9 octobre 1944, citée par Michalon, Roger, « L’amalgame F.F.I. – 1ère Armée et 2e D.B. », in Comité d’Histoire de la Seconde Guerre mondiale, La libération de la France. Actes du colloque international tenu à Paris du 28 au 31 octobre 1974, Paris, CNRS, 1976, p. 616.

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de nombreux cadres de l’active, démobilisés, qui ont rejoint les rangs de la Résistance, et qui

ont donc une instruction militaire et sont aptes à commander des hommes. Nombreux sont

également les officiers de réserve, comme au régiment du Morvan, où ils forment 2/3 des

effectifs officiers10. Au corps franc Pommiès, on dénombre 159 officiers d’active11. Mais,

chose intéressante, même les officiers d’active ou de réserve sont considérés comme inadaptés

à la guerre moderne : ils ont deux ans de retard sur les cadres de l’Armée d’Afrique qui ont

bénéficié de la technologie américaine12.

Si l’indignation est bien réelle chez des officiers ayant gagné leurs galons lentement,

force est de constater, pour les officiers généraux, que la dénégation des cadres FFI est une

manière de mettre en avant leur légitimité – légitimité largement écornée par la défaite de

1940 et l’adhésion pour nombre d’entre eux au régime de Pétain.

Ce regard change-t-il à mesure des combats menés ensemble et de la mise en œuvre de

l’amalgame ? Autrement dit, l’impôt du sang payé au front par les officiers FFI remet-elle en

cause les reproches d’incompétence et d’usurpation ?

Au début du mois de janvier 1945, le général de Gaulle semble particulièrement sévère quant

à la capacité de commandement des officiers FFI. Il ordonne ainsi au général de Lattre de

« liquider tous ceux des officiers supérieurs venant des F.F.I. qui se révèlent incapables et cela

fait beaucoup. »13

L’examen du contrôle postal effectué au sein des unités de la 1ère armée au mois de

janvier 1945 révèle une évolution ambigüe. Certes, le capitaine Touze, officier issu des FFI

engagé dans les rangs de la 1ère Armée, écrit ainsi le 31 janvier 1945 : « Je crois que mon

affaire d’avant-hier (mes 250 prisonniers et le reste) qui m’a fait appeler : « le massacreur »

par le meilleur des capitaines du Régiment m’a fait ma place, espérons que je serai digne de la

tenir jusqu’au bout. Vois-tu, (…) moi d’autres nous avons des galons F.F.I. et pour des

officiers de la nouvelle armée d’Afrique nous étions des parents pauvres, peu intéressants et

surtout sans aucune connaissance militaire, ils sont en train de s’apercevoir du contraire et

j’en suis heureux (…) »14. Mais le sondage effectué le 3 février 1945 au 3e groupement de

tabors marocains montre que la troupe (essentiellement des goumiers) se plaint de

l’incompétence des officiers FFI15. Un rapport du 17 février 1945 de la 4e Division marocaine

10 Compte-rendu de la liaison effectuée le 25 novembre 1944 auprès du régiment du Morvan par la 3e DIA, SHD DIMI, 13P83. 11 Roger, Michalon, op.cit., p.617. 12 Ibid., p.617. 13 Lettre du général de Gaulle au général de Lattre de Tassigny, 7 janvier 1945, AN 3AG4/74. 14Lettre du capitaine Touze à Mademoiselle de Trincaud la Tour, le 31 janvier 1945, SHD DAT, 10P223. 15Contrôle postal effectué au 3e GTM le 3 février 1945, SHD DAT, 10P223.

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de montagne déplore que certains officiers FFI du 5e BCP se soient révélés inaptes à un

commandement de leur grade actuel pendant la bataille d’Alsace.16

Certains s’accommodent pourtant assez bien de l’influence des pratiques de

commandement FFI. Le sous-lieutenant Chambaud, issu vraisemblablement de l’armée

d’armistice métropolitaine, à la tête de recrues FFI, écrit ainsi : « Il y a une énorme différence

entre l’armée actuelle et celle que nous avons connu en 40. Cette différence est bien entendu

tout à l’honneur de la nouvelle armée française. L’influence du maquis, de l’armée américaine

peut-être aussi, a très sensiblement modifié les bases de la discipline, les rapports entre gradés

et troupe. Il semble qu’au principe de l’obéissance à l’ordre parce que c’est un ordre, que

l’ordre soit judicieux ou idiot, commence à se substituer une espèce d’entente tacite

d’inférieur au supérieur, faite d’initiative et de bonne volonté. C’est sans doute assez

dangereux mais dans l’ensemble ça marche pas mal… »17

Les critiques se portent finalement moins sur les officiers FFI au combat que sur ceux

qui, galons en poche, ont rejoint leur domicile à l’issue de la période du maquis. Un sous-

lieutenant issu de l’armée d’Afrique écrit son écœurement à l’issue de son retour de

permission : « Une véritable floraison de gradés se pavane à ne rien fiche de leurs 10 doigts :

pauvres crétins qui sont tout juste bon à vendre des cravates sur les foires et qui se baptisent

du soir au lendemain capitaines ou commandants. Nous paraissons minus avec de pauvres

petits galons de sous lieutenants acquis péniblement au bout de 7 années de services. Le

simple garçon-boucher est maintenant officier supérieur ! (…) Je reviens de permission

vraiment écœuré d’y avoir trouvé ce que j’ai vu. Il est temps que la trique et la botte

s’imposent »18. Les tensions, au moins de janvier 1945, portent moins sur les relations

internes à l’armée qu’entre celle-ci et l’arrière.

II –Que faire des officiers FFI ? Entre contrôle et compromis.

Leur sort est envisagé au sein des instances du GPRF après le débarquement de

Normandie. Dans une note secrète, le lieutenant-colonel Lassalle propose que les « chefs

F.F.I. puissent pouvoir être nommés Officiers de réserve, par décret particulier concernant

16 Michalon, Roger, op.cit., p. 617. 17Lettre du sous-lieutenant Chambaud, 2e Cie, 3e DIA, Régiment d’Alsace, au sous-lieutenant Bertrand de Montalembert, le 31 janvier 1945, SHD DAT, 10P223.

18Lettre du Sous-Lieutenant Grimper R., 4e D.M.M., 3e G.T.M., à Melle Colette Formeaux, Meknès, Maroc, le 27 janvier 1945, SHD DAT, 10P223.

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chaque intéressé »19. Une note du Commissariat à la Guerre du 3 août 1944 précise « qu’il ne

parait pas possible d’incorporer dans l’armée française, les combattants F.F.I.

automatiquement avec le grade qu’ils prétendent avoir eu dans leurs formations », mais

reporte à plus tard toute décision définitive. Il est alors prévu que le combattant FFI soit

incorporé avec le grade dont il bénéficiait dans l’active ou dans la réserve20. Etonnamment, le

cas des FFI qui n’auraient aucun grade dans l’active ou dans la réserve et aurait obtenu des

galons dans la Résistance n’est pas évoqué. Le flou des projets mis en œuvre par le

Commissariat à la guerre se heurte à des oppositions de la part de la Résistance. Le colonel

Zeller, chef national de l’ORA (Organisation de la Résistance de l’Armée), juge en effet

« humiliante, inadmissible et inquiétante sur le plan moral » la possibilité de suppression des

grades jugés trop élevées par décret du Commissaire à la Guerre21.

La question est relancée après le débarquement en Provence. Une note du

Commissariat à la guerre, datée du 28 août 1944 prévoit la régularisation des grades obtenus à

« titre fictif » dans les FFI. Celle-ci doit se faire en deux temps : des commissions

départementales sont chargées de contrôler la régularité de ces grades. Ceux-ci seront

transformés en grades temporaires avec passage, pour les officiers s’engageant dans l’armée

pour la durée de la guerre, dans des écoles de cadres22. Le même jour, le commissaire à la

guerre André Diethelm envoie une lettre au général de Lattre de Tassigny dans laquelle il

précise que les grades FFI ne sont pas liés à la possession d’un grade antérieur dans l’armée.

Il ajoute que « le droit au port de l’uniforme et des insignes de grade est reconnu aux FFI dans

les mêmes conditions que les cadres de réserve ». Enfin, ces grades d’assimilation vont

jusqu’à celui de lieutenant-colonel.23 Mais c’est aussi le même jour que de Gaulle dissout les

états-majors FFI, et interdit tout nouveau recrutement au sein des FFI, provoquant une vague

d’indignation au sein de la Résistance24. Désormais, ces derniers dépendent directement du

Commissariat à la guerre, et il ne doit plus exister de commandement militaire concurrent à

celui sous le contrôle du GPRF.

Mais comme le souligne Philippe Buton, l’instruction d’application du 29 août est

émaillée de phrases laudatives en vue de ménager les FFI. Une décoration spéciale pour les

officiers FFI est même envisagée « pour leur permettre de conserver le souvenir de ce grade

19Note secrète du lieutenant-colonel Lassalle concernant l’utilisation des F.F.I. après la libération du territoire, 24 juin 1944, SHD DAT 4Q57*. 20Note sur les grades des militaires F.F.I. incorporés dans l’Armée Régulière, Commissariat à la Guerre, 3 août 1944, SHD DAT, 4Q57*. 21Note concernant le projet de décret relatif à l’organisation des cadres FFI, Commissariat à la Guerre, 7 août 1944, SHD DAT 7P59. 22 Note pour le général chef d’état-major de la Guerre et les généraux commandant les régions militaires, Gouvernement provisoire de la République française, 28 août 1944, SHD DAT 7P59. 23Lettre du Commissaire à la Guerre au général commandant l’armée B, le 28 août 1944, SHD DAT 10P225. 24Décision du général de Gaulle du 28 août 1944, SHD DAT 7P59.

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dans l’estime de leurs concitoyens »25. Cela n’empêche pas des résistances de la part des FFI

– surtout dans la zone nord, où le parti communiste pèse. Ainsi, à Rennes, les commandants

de quatre régions FFI protestent contre des « mesures inacceptables et injustifiées », et que

« les F.F.I. devaient constituer « l’ossature » de l’Armée Française, par l’intégration de nos

troupes avec nos cadres dans l’armée régulière »26.

Nombre de commissions ne peuvent fonctionner, et les FFI continuent à recruter. Mais

cette position radicale semble s’estomper à la fin du mois de septembre 1944. D’ailleurs, le

décret du 19 septembre 1944 relatif aux Forces Françaises de l’Intérieur entérine le fait que

« les grades d’assimilation dans les forces françaises de l’intérieur sont homologués par arrêté

du Ministre de la Guerre. »27. Le COMAC (Comité d’action militaire, qui n’a alors plus,

théoriquement, qu’un rôle consultatif) réagit le lendemain par un document envoyé aux FFI et

intitulé « comment contribuer à créer une grande armée française» et qui dénonce des

« officiers dont certains furent traîtres et qui voient avec rage se former au combat de jeunes

officiers patriotiques, des imbéciles que la peur du Peuple anime davantage que l’amour sacré

de la Patrie, voudraient voir disparaître les FFI »28 . Le document invite explicitement à

continuer le recrutement des F.F.I.

Mais le pouvoir gaullien reprend indéniablement le contrôle sur l’armée en supprimant

tout commandement militaire concurrent. En revanche, cela ne va pas sans un minimum de

négociations ou du moins de doigté. Il valide ainsi, au moins provisoirement, les grades

obtenus dans la Résistance. Les seules limites posées sont celles des officiers amenés à

combattre au sein de l’armée française qui doivent passer par une école de cadres, nous y

reviendrons. Pour ceux qui ne souscrivent pas un engagement pour la durée de la guerre et

rentrent dans leurs foyers, le grade fictif obtenu dans les FFI devient automatiquement un

grade provisoire. Des commissions d’homologations, sous le commandement des régions

militaires sont mises en place, dans lesquelles sont souvent présentes un officier FFI, mais

presque souvent sous le contrôle d’un officier d’active.

D’un point de vue plus pratique, la solution trouvée pour l’amalgame des FFI à la 1ère

Armée doit préserver l’identité FFI centrée autour de la relation entre le chef et la troupe29.

Les FFI sont ainsi intégrées par bataillon de 300 hommes et leur chef, respectant la structure

25 Cité par Buton, Philippe, Des lendemains qui déchantent. Le parti communiste à la Libération, Paris, Presses de la Fondation de Sciences politiques, 1993, p.109. 26 Déclaration de l’état-major national des F.F.I., Rennes, 5 septembre 1944, SHD DIMI 13P1. 27Décret relatif aux Forces Françaises de l’Intérieur, 19 septembre 1944, SHD DAT 7P59. 28 Note du COMAC, 20 septembre 1944, SHD DIMI, 13P1. 29 Décision prise à la séance du Comité de la Défense nationale, 13 septembre 1944, AN 3AG1/275.

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du maquis.30 Ainsi, le sous-officier Cautho-Lapeyre, issu du groupement Thollon et

amalgamé à la 1ère Armée, passe toute la campagne sous le commandement du même chef de

section31. Mais bien souvent également, ces officiers FFI sont renforcés de cadres de l’armée

régulière.

Le contrôle sur les officiers FFI s’exerce via l’instruction. On l’a vu, l’ordonnance de

septembre 1944, confirmée par une note du ministre de la Guerre du 28 octobre 194432,

prévoit le passage des cadres FFI par des écoles spécifiques, qui doivent fonctionner à la fois

comme lieu d’instruction et lieu de sélection, comme le rappelle une note du Ministère de la

Guerre du 14 février 194533. Cette ordonnance est complétée par une note du Ministère de la

Guerre du 15 octobre 1944 qui insiste pour que les écoles commencent à fonctionner dès la

première quinzaine de novembre34.

Elles doivent être le lieu où les normes quant à ce que doit connaitre et faire un officier

sont imposées. De façon significative, le commandant de la 3e région militaire déplore « qu’au

point de vue moral, les instructeurs ont eu quelques peines à plier leurs élèves, habitués à

l’indépendance, aux règles strictes de la discipline militaire. (…) »35. Un contrôle très étroit

des cadres FFI se met en place également à la 14e région qui « procède systématiquement à un

criblage de tous les officiers en vue de l’envoi aux écoles comme de la recherche de ceux

devant faire l’objet de sanction, mutation pour des questions d’indiscipline, moralité, etc. ou

en tant que « rois nègres »36.

Les officiers FFI considérés comme inaptes sont exclus à l’issue d’un premier stage, à l’issue

d’une Commission dont la composition reste assez floue. Dans la XIIe région militaire, « le

déchet est d’environ un tiers. »37 L’école du château de Lespinet, dans la 17e région, est

clairement conçue comme une « école de triage et de brassage ». A l’issue d’un stage

obligatoire de 28 jours, les 300 officiers subalternes sont classés en 4 catégories :

-officiers aptes à commander dans des unités

-officiers devant aller dans une école de formation

-officiers devant rétrograder

-officiers inaptes38.

30Télégramme du Lieutenant-colonel Lassalle, le 19 septembre 1944, SHD DAT 10P225 ; 31Entretien avec le colonel Cautho-Lapeyre, 14 décembre 2011 32Note du ministre de la guerre, 28 octobre 1944, SHD DAT 7P194 33Note pour la direction du contrôle du budget et du contentieux, Ministère de la Guerre, SHD DAT 6P7. 34 Note au sujet de l’organisation de l’instruction des cadres, 15 octobre 1944, SHD DAT 10P225. 35 Lettre du général commandant la 3e région militaire au ministre de la guerre, sans date, SHD DAT 7P191. 36 Rapport de mission dans la 14e région, sans date, SHD DIMI, 13P47. 37Bulletin de renseignements de la 12e région militaire, 29 janvier 1945, SHD DAT 6P7. 38 Projet de sélection et de formation des cadres F.F.I. pour la 17e région, sans date, SHD DAT 7P192.

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A l’école des sous-officiers FFI des Andélys, sur 146 stagiaires, 26 ont été déclarés inaptes à

remplir les fonctions de chefs de groupe et ont été rétrogradés au rang de caporal39. A l’école

départementale de Sceaux, à l’issu du stage se terminant le 12 février 1945, seuls 63 stagiaires

sur 141 sont considérés comme pouvant être maintenus comme officiers40. A l’issue du 1e

stage de l’école de Chatel-Guyon, seuls 42 officiers sur 83 stagiaires sont déclarés aptes à

devenir de bons chefs de section, un ratio qui s’améliore toutefois aux stages suivants41.

Le but est donc autant d’instruire que de sélectionner – et d’exclure du corps des

officiers ceux qui ne répondraient pas aux critères. Il faut réduire un effectif d’officiers

considéré comme trop nombreux, en même temps qu’il faut former ceux qui sont acceptés.

Dans cette sélection, les innovations ne sont d’ailleurs pas absentes. Certaines écoles utilisent

des méthodes de psychotechnique, directement empruntées aux méthodes de sélection des

cadres de l’armée américaine. A l’école des cadres de Toulouse est ainsi instituée une série

d’examens psychologiques destinés à dépister les hommes qui sont à la fois doués de

certaines aptitudes intellectuelles et possédant une tournure d’esprit et de caractère propre aux

entraîneurs d’hommes »42.

Pourtant, ces écoles de cadres FFI sont au départ des initiatives de la Résistance. C’est

par exemple le chef régional des FFI de la région de Toulouse, Serge Ravanel, qui annonce le

3 septembre 1944 la création d’une école de cadres43. Le colonel Decours, chef de la région

R1, créé une école de cadres destinée aux « officiers issus du Maquis qui désireront devenir

des cadres de l’armée nouvelle » où « en dehors de la technique militaire », ils auront « des

conférences sur le rôle de la résistance et même sur certains aspects sociaux de la

reconstruction Française. »44 Il est vrai que ce dernier est ensuite nommé par de Gaulle à la

tête de la 6e région militaire, et l’école en question passe sous le contrôle de cette dernière.

Certaines bénéficient d’une certaine marge de manœuvre dans l’élaboration de leurs

programmes. Elles peuvent donc être aussi le lieu d’innovation, où l’expérience du maquis et

des velléités de rénovation de l’armée française se font jour. Un rapport de l’école des cadres

de Lespinet souligne que « l’armée ne devait plus être mise à l’écart de la vie du pays, l’Ecole

s’est proposée de donner une formation générale sociale et politique et parallèlement une

39 Lettre du général commandant la 3e région militaire au ministre de la guerre, sans date, SHD DAT 7P191. 40Tableau des résultats obtenus au 1er stage de l’école départementale de Sceaux, 12 février 1945, SHD DAT 7P194. 41 Rapport du chef de bataillon Lac, commandant l’école de cadres de Chatel-Guyon, 28 février 1945, SHD DAT 7P191. 42 Rapport sur la sélection psychotechnique des cadres et des spécialistes militaires, Ecole des cadres de Toulouse, 2 novembre 1944, SHD DAT 9P141. 43 Ravanel, Serge, L’esprit de Résistance, Paris, Le Seuil, 1995. 44 Directives générales sur la réorganisation des F.F.I., colonel Descours, sans date, SHD DIMI, 13P47.

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formation militaire », précise que « l’isolement du corps des Officiers dans la Nation a

provoqué (s’il n’en est pas la cause première) un désintéressement des cadres militaires pour

les problèmes sociaux français » et préconise un cours de « psychologie sociale ».

Le cas de l’école de cadres d’Uriage est intéressant : fondée au moment de la

libération par Xavier du Virieu et une équipe issue de l’école nationale des cadres de la

jeunesse dissoute par Laval en 1942, elle semble née de la volonté de la résistance régionale

de perpétuer son esprit après la libération. L’objectif de l’école est d’instruire les cadres FFI

mais aussi de mettre en place une nouvelle pédagogie au sein de « l’armée nouvelle ». De

septembre à décembre 1944, Uriage est sous la seule autorité du chef FFI de l’Isère. Ce n’est

que le 1er décembre que l’école, considérée comme une école régionale des cadres FFI, passe

sous le commandement du gouverneur militaire de Lyon. Il s’agit alors de proposer une

formation innovante, au-delà de toute sélection : « L’officier que l’on veut créer au centre-

école n’est pas un guerrier abstrait mais un citoyen armé capable d’adhérer à son pays et à son

siècle. »45 Le projet de l’école insiste sur la formation « personnelle et sociale »46 de l’officier

FFI.Pour Xavier du Virieu, l’école doit clairement servir à faire vivre l’esprit F.F.I. dont il

redoute qu’il soit détruit par l’absorption de ces derniers dans « l’armée de débarquement »47 .

Il est à ce titre intéressant de noter que l’école bénéficie alors du soutien du Parti communiste,

qui fait alors de la défense des FFI un des axes de son discours sur la constitution d’une armée

nouvelle.

Tout se passe donc comme si nombre d’écoles de cadres FFI avaient d’abord été des

initiatives des Forces de l’Intérieur pour former les élites de « leur » Nouvelle Armée, et

qu’elles étaient ensuite passées sous le contrôle des régions militaires et devenues des

instruments de sélection – et d’exclusion, au service du nouveau pouvoir. D’ailleurs, elles

sont peu à peu supplantées par la création d’une grande école, sous l’égide de la 1ère Armée,

chargée de former les officiers FFI.

En effet, au mois de février 1945 est créée par le général de Lattre lui-même l’école de

Rouffach qui doit former 5000 officiers FFI « qui s’y verront ou non confirmés dans leur

grade »48 . Constituée dans la continuité des écoles de cadres du général de Lattre, créées dès

l’occupation à Opme ou à Salammbô, elle voit passer de nombreux officiers FFI. Sa filiation

s’inscrit donc dans ces écoles de cadres créées sous Vichy. Elle ne semble donc en rien

45Cité par David Colon, « Une expérience d’humanisme militaire à la Libération. L’école militaire d’Uriage (1944-1946), Mémoire de DEA soutenu à l’Institut d’Etudes politiques de Paris, décembre 1994, p. 81. 46 Projet pour l’école départementale des cadres F.F.I., Uriage, 6 septembre 1944, SHD DAT 7P194 47 Rapport sur la Première session de l’Ecole des cadres de Lespinet, sans date, SHD DAT 7P192. 48 Note du général de Lattre au colonel Lecoq, 12 février 1945.

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s’inspirer des innovations de la Résistance, bien que le général de Lattre y voit le creuset d’un

renouveau de l’armée. Pourtant, d’abord parce qu’elle est dotée de moyens incomparables à

ceux des écoles de cadres que j’ai mentionnées, qui souffrent de manière chronique d’un

déficit de ravitaillement et d’équipement, et parce qu’elle est une création du chef de la

Première Armée, elle finit par gagner le monopole de l’innovation dans le domaine de

l’instruction militaire au sortir de la guerre. Certains de ses instructeurs, comme Robert

Taurand, passés par les écoles d’Opme, Rouffach, enseignent après la guerre à Coëtquidan49.

Cet exemple des écoles de cadres montre bien, me semble-t-il, que malgré que les initiatives

de la Résistance en matière de formation d’une nouvelle élite de l’armée issue de ses rangs ne

parvient pas à s’imposer. L’amalgame se fait donc sous l’égide du pouvoir gaullien, et selon

ses prescriptions.

Conclusion

La question des grades FFI est relancée à la fin de la guerre. L’instruction ministérielle du 23

avril 1945 précise que les officiers homologués FFI qui avaient avant la guerre appartenu à

l’armée d’active ou de réserve se voient rétrogradés à leur grade antérieur, tandis que ceux qui

ont été nommés officiers dans la Résistance ne peuvent être promus dans l’armée d’active ou

de réserve « qu’en cas de services éclatants rendus au front et à titre tout à fait exceptionnel. »

La création d’une armée nouvelle dont les officiers FFI formeraient l’ossature n’a donc pas eu

lieu. Pour reprendre Robert Paxton, il n’y a effectivement pas eu de bouleversement du corps

des officier, même si 3585 nouveaux officiers issus des FFI sont néanmoins intégrés dans

l’armée entre 1945 et 194850. Pourtant, l’épuration du corps des officiers a bien eu lieu : dès le

27 août 1944, une circulaire du ministre de la Guerre précise en effet que tout officier resté en

métropole doit demander sa réintégration en justifiant de son activité pendant l’Occupation et

des commissions d’épuration déterminent qui sont les officiers résistants, qui sont les

collaborateurs devant être exclus, et enfin établissent des listes de classement pour les

officiers attentistes ou ralliés de la première heure51. Il s’agit clairement d’exclure du corps

des officiers les non-résistants. Mais, si les textes sont sévères, dans la réalité, l’application est

clémente, car la France a besoin de ces cadres instruits pour continuer le combat en métropole

puis immédiatement après en Indochine. Les lois de novembre 1945 aboutissent à un

49 Entretien avec l’auteur, 7 décembre 2011. 50 Débats, Assemblée nationale, 20 mai 1949, cité par Robert O. Paxton, L’armée de Vichy. Le corps des officiers français 1940-1945, Paris, Le Seuil, 2008, p. 441. 51 Cité par Claude d’Abzac-Epezy, « Epuration, dégagements, exclusions. Les réductions d’effectifs dans l’armée française (1940-1947) », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, n°59, 1998, p.69.

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dégagement d’officiers plus important, sans aboutir à une promotion plus importante

d’officiers issus des FFI.