Dermatite allergique de contact -...

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Dermatite allergique de contact MC Jacobs D Tennstedt JM Lachapelle Résumé. La dermatite allergique de contact, encore appelée eczéma de contact, est une réaction retardée de type IV selon la classification de Gell et Coombs. Les réactions de type immédiat ne seront pas abordées dans ce chapitre. Le bilan d’une dermatite allergique de contact nécessite la réalisation de tests épicutanés. Ceux-ci permettent de reproduire la lésion primitive (eczéma) au contact des substances auxquelles le patient s’est allergisé. Les substances utilisées dans la batterie standard européenne sont détaillées, de même que les principales séries additionnelles. La dermatite de contact est également considérée sous l’angle purement topographique. Quelques cas particuliers sont détaillés, comme l’allergie aux chaussures ou aux gants. Enfin, l’attitude thérapeutique et les conseils à prodiguer sont proposés en fin de chapitre. © 1999, Elsevier, Paris. Définition La dermatite allergique de contact se caractérise par des lésions d’eczéma (en principe sous forme d’érythème, d’œdème et de vésicules intraépidermiques) apparaissant au contact de certaines substances. Schématiquement, cet eczéma survient 72 heures environ après le contact, sauf s’il s’agit d’une primosensibilisation. Dans ce cas, le temps d’apparition de l’eczéma avoisine les 10 jours. Il s’agit donc d’une réaction retardée, à médiation cellulaire (type IV) selon la classification de Gell et Coombs. La réaction allergique ne survient pas nécessairement lors du premier contact. Celle-ci peut apparaître après plusieurs mois ou années de tolérance. Physiopathogénie PÉNÉTRATION DE LA SUBSTANCE Un prérequis au déclenchement de la réaction allergique de contact est la pénétration de la substance à travers l’épiderme. Cela implique entre autres une petite taille (en général inférieure à 500 ou 1 000 kDa), une liposolubilité suffisante pour traverser l’épiderme... On sait cependant depuis peu que même de volumineuses molécules protéiques pourraient pénétrer à travers la peau [23] . CARACTÉRISTIQUES DE L’ALLERGÈNE La substance allergisante est généralement un haptène, c’est-à-dire une molécule qui n’est pas intrinsèquement allergisante mais qui le devient en se fixant sur des protéines. Celles-ci ne manquent pas dans l’organisme et se caractérisent par des sites nucléophiles qui attirent les haptènes électrophiles. Marie-Claude Jacobs : Docteur en médecine, consultante externe en dermato-allergologie. Dominique Tennstedt : Docteur en médecine, chef de clinique associé. Jean-Marie Lachapelle : Professeur, chef de service. Service de dermatologie, cliniques universitaires Saint-Luc, 10, avenue Hippocrate, 1200 Bruxelles, Belgique. Plus l’haptène est réactif, c’est-à-dire électrophile, plus le risque est grand de voir apparaître une réaction allergique. D’autres éléments interviennent cependant. La configuration spatiale (stéréochimique) peut être telle que le site électrophile n’accède pas au site nucléophile protéique. La taille de la molécule peut entraver sa pénétration cutanée. PHASE AFFÉRENTE : PHASE DE SENSIBILISATION L’haptène ayant pénétré l’épiderme est internalisé par des cellules dendritiques appelées cellules de Langerhans. Celles-ci associent alors l’haptène en surface à des molécules du complexe majeur d’histocompatibilité de classe I et II. Certaines cytokines sont produites. Ces cellules migrent alors vers les ganglions régionaux et entrent en contact avec les lymphocytes T des régions paracorticales. Sous l’action de l’interleukine 1 (IL1) et de diverses lymphokines, les lymphocytes T spécifiques de l’haptène lié à la molécule de classe II prolifèrent et se dispersent dans l’organisme, plus spécialement dans la peau [23, 28] . PHASE EFFÉRENTE : PHASE DE RÉVÉLATION C’est le déclenchement de l’eczéma de contact. Lors d’un nouveau contact avec l’haptène, celui-ci sera de nouveau présenté par les cellules de Langerhans aux lymphocytes T mais, cette fois, cette rencontre pourra se faire dans le derme, c’est-à-dire sur place. De plus en plus de cellules seront attirées par les médiateurs cellulaires et amplifieront la réaction inflammatoire qui se traduira alors par l’eczéma. Chez un sujet sensibilisé, cette réaction s’opère environ en 48 heures. PROHAPTÈNE Parfois, la substance suspectée n’est pas allergisante comme telle mais uniquement après métabolisation ou autre transformation. PERTE DE TOLÉRANCE On a longtemps estimé que l’élément déterminant pour déclencher une réaction allergique de type eczémateux était la pénétration cutanée mettant en contact l’haptène, la protéine et la cellule de Encyclopédie Médico-Chirurgicale 98-145-A-10 © Elsevier, Paris 98-145-A-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Jacobs MC, Tennstedt D et Lachapelle JM. Dermatite allergique de contact. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Dermatologie, 98-145-A-10, 1999, 14 p.

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Dermatite allergique de contactMC JacobsD TennstedtJM Lachapelle

Résumé. – La dermatite allergique de contact, encore appelée eczéma de contact, est une réaction retardéede type IV selon la classification de Gell et Coombs. Les réactions de type immédiat ne seront pas abordéesdans ce chapitre.Le bilan d’une dermatite allergique de contact nécessite la réalisation de tests épicutanés. Ceux-ci permettentde reproduire la lésion primitive (eczéma) au contact des substances auxquelles le patient s’est allergisé. Lessubstances utilisées dans la batterie standard européenne sont détaillées, de même que les principales sériesadditionnelles. La dermatite de contact est également considérée sous l’angle purement topographique.Quelques cas particuliers sont détaillés, comme l’allergie aux chaussures ou aux gants. Enfin, l’attitudethérapeutique et les conseils à prodiguer sont proposés en fin de chapitre.© 1999, Elsevier, Paris.

Définition

La dermatite allergique de contact se caractérise par des lésionsd’eczéma (en principe sous forme d’érythème, d’œdème et devésicules intraépidermiques) apparaissant au contact de certainessubstances. Schématiquement, cet eczéma survient 72 heures environaprès le contact, sauf s’il s’agit d’une primosensibilisation. Dans cecas, le temps d’apparition de l’eczéma avoisine les 10 jours. Il s’agitdonc d’une réaction retardée, à médiation cellulaire (type IV) selonla classification de Gell et Coombs. La réaction allergique ne survientpas nécessairement lors du premier contact. Celle-ci peut apparaîtreaprès plusieurs mois ou années de tolérance.

Physiopathogénie

PÉNÉTRATION DE LA SUBSTANCE

Un prérequis au déclenchement de la réaction allergique de contactest la pénétration de la substance à travers l’épiderme. Cela impliqueentre autres une petite taille (en général inférieure à 500 ou1 000 kDa), une liposolubilité suffisante pour traverser l’épiderme...On sait cependant depuis peu que même de volumineusesmolécules protéiques pourraient pénétrer à travers la peau [23].

CARACTÉRISTIQUES DE L’ALLERGÈNE

La substance allergisante est généralement un haptène, c’est-à-direune molécule qui n’est pas intrinsèquement allergisante mais qui ledevient en se fixant sur des protéines. Celles-ci ne manquent pasdans l’organisme et se caractérisent par des sites nucléophiles quiattirent les haptènes électrophiles.

Marie-Claude Jacobs : Docteur en médecine, consultante externe en dermato-allergologie.Dominique Tennstedt : Docteur en médecine, chef de clinique associé.Jean-Marie Lachapelle : Professeur, chef de service.Service de dermatologie, cliniques universitaires Saint-Luc, 10, avenue Hippocrate, 1200 Bruxelles, Belgique.

Plus l’haptène est réactif, c’est-à-dire électrophile, plus le risque estgrand de voir apparaître une réaction allergique. D’autres élémentsinterviennent cependant. La configuration spatiale (stéréochimique)peut être telle que le site électrophile n’accède pas au sitenucléophile protéique. La taille de la molécule peut entraver sapénétration cutanée.

PHASE AFFÉRENTE : PHASE DE SENSIBILISATION

L’haptène ayant pénétré l’épiderme est internalisé par des cellulesdendritiques appelées cellules de Langerhans. Celles-ci associentalors l’haptène en surface à des molécules du complexe majeurd’histocompatibilité de classe I et II. Certaines cytokines sontproduites. Ces cellules migrent alors vers les ganglions régionaux etentrent en contact avec les lymphocytes T des régions paracorticales.Sous l’action de l’interleukine 1 (IL1) et de diverses lymphokines,les lymphocytes T spécifiques de l’haptène lié à la molécule de classeII prolifèrent et se dispersent dans l’organisme, plus spécialementdans la peau [23, 28].

PHASE EFFÉRENTE : PHASE DE RÉVÉLATION

C’est le déclenchement de l’eczéma de contact. Lors d’un nouveaucontact avec l’haptène, celui-ci sera de nouveau présenté par lescellules de Langerhans aux lymphocytes T mais, cette fois, cetterencontre pourra se faire dans le derme, c’est-à-dire sur place. Deplus en plus de cellules seront attirées par les médiateurs cellulaireset amplifieront la réaction inflammatoire qui se traduira alors parl’eczéma. Chez un sujet sensibilisé, cette réaction s’opère environ en48 heures.

PROHAPTÈNE

Parfois, la substance suspectée n’est pas allergisante comme tellemais uniquement après métabolisation ou autre transformation.

PERTE DE TOLÉRANCE

On a longtemps estimé que l’élément déterminant pour déclencherune réaction allergique de type eczémateux était la pénétrationcutanée mettant en contact l’haptène, la protéine et la cellule de

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Toute référence à cet article doit porter la mention : Jacobs MC, Tennstedt D et Lachapelle JM. Dermatite allergique de contact. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Dermatologie, 98-145-A-10, 1999, 14 p.

Langerhans. Depuis peu, il a été démontré que même les plusgrosses molécules comme les protéines étaient en mesure detraverser la peau. L’élément déterminant semble donc être une pertede tolérance vis-à-vis de la molécule qui a traversé la peau. Laquestion reste posée en ce qui concerne le pourquoi de la rupture detolérance [23].

RÉACTIONS CROISÉES, RÉACTIONS CONCOMITANTES

Les réactions croisées [19] sont intéressantes à connaître parce qu’ellespermettent, dans une certaine mesure, de prédire des réactionsallergiques vis-à-vis de substances apparemment différentes. Ellespeuvent être subdivisées en différents sous-groupes.

– Deux molécules peuvent avoir un groupement chimique identiqueou voisin avec une conformation stéréochimique relativementsemblable, de telle sorte que les cellules de Langerhans ne lesdistinguent pas l’une de l’autre (analogie de fonction et destructure).

– Deux molécules (prohaptènes) très différentes, au départ, peuventêtre métabolisées et aboutir à la formation d’un même haptène. Ausens strict du terme, il ne s’agit pas d’une vraie réaction croisée.

– On parle parfois d’allergies de groupe. En effet, plusieursmolécules différentes donnent parfois lieu à des réactions croiséesen raison de la présence d’une fonction chimique commune.L’exemple le plus classique est celui des amines substituées en parasur un noyau benzénique.

– Certaines molécules, souvent associées dans l’environnement,peuvent donner lieu à une sensibilisation simultanée(cosensibilisation cobalt-nickel avec les bijoux de fantaisie),impliquant des clones lymphocytaires différents.

Épidémiologie

Connaître la prévalence de l’allergie de contact est difficile car cetteconnaissance implique la détection de tous les cas d’allergie ; or onpeut supposer une sous-détection massive. Un bon nombre depersonnes se savent allergiques aux bijoux, au sparadrap sans avoirjamais fait de tests épicutanés. Selon les études envisagées, laprévalence de l’allergie de contact varierait entre 2 et 10 % de lapopulation [3].

Facteurs prédisposants

Il n’y a pas si longtemps, on pensait que tout le monde était égalface à l’allergie de contact. On sait actuellement qu’il peut y avoircertaines prédispositions, quoique celles-ci ne soient pasobjectivables de façon routinière. Certains patients cumulent unnombre impressionnant de sensibilisations différentes laissantsupposer l’existence d’un terrain particulièrement propice audéveloppement d’allergies. Les patients atopiques ne semblent pasfaire nettement plus d’allergies que les autres hormis le fait qu’ilssont plus exposés aux allergènes médicamenteux etdermocosmétiques topiques. Là encore, les études se sont succédéeset souvent contredites.

Méthodes d’investigation

TESTS ÉPICUTANÉS

Pour identifier la substance à l’origine d’un eczéma de contact, laméthode la plus simple consiste à reproduire une telle lésion à l’aidede la substance suspectée. Les tests épicutanés sont généralementréalisés sur le haut du dos parce que la surface y est suffisammentgrande pour y appliquer de nombreuses substances. On considèreque la réactivité de la peau du dos est comparable à la réactivitéd’autres zones du corps.

Les substances testées sont appliquées sur la peau et maintenuessous occlusion pendant 48 heures. Au bout de ce laps de temps, lesréactions ne sont pas encore terminées et la lecture proprement diteinterviendra plus tard.

Différents types de sparadraps peuvent être utilisés. Les pluscourants sont les Finn Chamberst constitués de cupules discoïdesde 8 mm, en aluminium, fixées sur un sparadrap hypoallergénique.Il existe aussi des supports de tests avec chambres en plastique(polyéthylène ou polypropylène) de forme carrée comme leschambres de Hayest ou les IQ Chamberst.

LECTURE DES TESTS

La réaction allergique se développant en 2 à 3 jours, la lecture dutest se fait généralement vers la 72e ou la 96e heure. Pour certainessubstances, il peut être utile de relire le test vers le septième jour(corticostéroïdes par exemple). La réaction d’eczéma est évaluéeselon les critères proposés par l’International Contact DermatitisResearch Group (ICDRG) (tableau I) (fig 1, 2, 3).

En plus de la lecture proprement dite, une interprétation des testsest nécessaire. En effet, selon la nature des allergènes testés, unefaible réaction peut avoir plus ou moins de signification. Certainesréactions d’irritation sont parfois difficiles à distinguer de réactionsallergiques mais surviennent préférentiellement avec certainessubstances qui doivent être connues. Ces réactions d’irritation n’ontaucune signification et proviennent uniquement de l’occlusionprolongée nécessaire à la réalisation des tests.

Tableau I. – Critères de lecture selon l’ICDRG.

- Test négatif

+? Réaction douteuse ; léger érythème

+ Réaction légère ; érythème, œdème, infiltration légère

++ Réaction forte ; érythème, œdème, infiltration et vésicules

+++ Réaction très forte ; érythème, œdème, infiltration, vésiculesconfluentes, bulles

IR Test irritatif

NT Non testé

ICDRG : International Contact Dermatitis Research Group

1 Test positif + : œdèmeet érythème.

2 Test positif ++ : œdè-me, érythème et vésicula-tion.

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RECHERCHE DE PERTINENCE

La lecture des tests n’est que la première étape du diagnostic. Larecherche de pertinence des tests, actuelle ou ancienne, en est laseconde et la plus importante. Il s’agit en fait d’établir un lien entrele test et les manifestations présentées par le patient. Unecodification basée sur le degré de pertinence actuelle et ancienned’une réaction a été proposée [15].

PHOTOPATCHTESTS

Certaines substances ne deviennent allergisantes qu’après avoir étémodifiées par une exposition aux rayons ultraviolets. Ce sontprincipalement les UVA qui sont en cause mais les UVB peuventégalement intervenir.Pour réaliser des photopatchtests, les substances à tester sontd’abord appliquées en double exemplaire sur le dos du patient.Après 48 heures, l’un des exemplaires est ôté et le dos est exposé à5 ou 10 J d’UVA, selon les écoles. La lecture proprement dites’effectue 48 heures plus tard. Une positivité sur la zone exposéeaux UVA avec négativité sur la zone non exposée signe unephotoallergie pure.

FAUX POSITIFS

Comme mentionné plus haut, certaines substances donnentfacilement des réactions d’irritation dans les conditions d’utilisationdu test. Elles doivent être différenciées d’une réelle réactionallergique. Cette observation survient très souvent avec leformaldéhyde ou la cocamidopropylbétaïne mais aussi avec lechrome, le fragrance mix, la lanoline, le chlorométhylisothia-zolinone/méthylisothiazolinone, les parabens et le propylène glycol.Il peut être utile de retester ces substances et, éventuellement, de lesdiluer pour mieux interpréter la réaction.Certains tests peuvent donner une vasodilatation pure à ne pasqualifier de réaction faible. Cette vasodilatation survientfréquemment avec les corticostéroïdes.Le support du patchtest peut exceptionnellement donner uneréaction allergique, surtout avec les Finn Chamberst en aluminium.

FAUX NÉGATIFS

– Les rayons ultraviolets diminuent le nombre de cellules deLangerhans et donc la réactivité de la peau. Il faut en tenir comptelors de la réalisation des tests.

– Certaines substances sont parfois testées à des concentrations tropfaibles. C’est un problème fréquent lorsqu’on teste des produits dits« finis » (généralement constitués de plusieurs ingrédients en faibleconcentration). D’autres molécules passent parfois difficilement labarrière épidermique et il peut être utile d’éliminer quelquescouches cellulaires de la couche cornée. Ceci peut se réaliser encollant et décollant quelques fois sur l’emplacement des tests unsparadrap ou un papier collant (stripping). Cette méthode estrecommandée, entre autres, pour tester les collyres médicamenteux.

– La lecture a peut-être été trop précoce. Certaines substancesnécessitent au moins 96 heures pour apparaître (la néomycine,parfois la paraphénylènediamine) d’autres 5, 6, voire 7 jours (lescorticostéroïdes).

– Un test antérieurement positif peut apparaître faussement négatiflorsque l’éviction de l’allergène a été complète. La petite quantitédu test et la lecture après 4 jours n’ont peut-être pas permis unrecrutement suffisant de lymphocytes-mémoire pour exprimer laréaction. La dermatite allergique se remanifestera cependantrapidement si le patient s’expose à nouveau à l’allergène.

– L’allergène testé n’est pas adéquat. Cela peut-être le cas d’uneallergie due à une impureté plutôt qu’au produit fini (une tellesuspicion existe dans l’allergie à l’alcool cétylstéarylique).

– Deux allergènes contenus dans la même préparation pourraient« s’éteindre » mutuellement (phénomène d’extinction ou dequenching). Ceci s’observe avec les parfums, en particulier.

– Certaines médications influencent la réactivité de la peau commeles immunosuppresseurs tels les corticostéroïdes ou la cyclosporine.D’autres médicaments ont également été épinglés [18].

TEST OUVERT ET TEST SEMI-OUVERT

Ils sont parfois utilisés lorsque l’on craint des réactions d’irritation,en particulier avec les produits industriels. Dans le test ouvert, lasubstance est appliquée sur la peau et laissée à l’air ; dans le testsemi-ouvert, on ne recouvre la peau enduite de produit qu’aprèsl’avoir laissé sécher.

TEST D’APLICATION OUVERT RÉPÉTÉ

Lorsqu’on suspecte la présence d’une réaction faussement négative,il est possible de demander au patient de réaliser un test ouvertrépétitif (repeated open application test [ROAT]). Ce test consiste àappliquer sur une petite surface de l’avant-bras le produit suspect,sans le couvrir, à raison de deux fois par jour pendant 7 à 14 jours.Les substances classiquement testées de cette manière sont lesproduits cosmétiques (crèmes hydratantes, fond de teint, ...). Cetteméthode ne convient pas aux savons, aux démaquillants ou auxshampooings qui donnent souvent des réactions d’irritationlorsqu’ils sont testés sans être rincés. Ce test a l’inconvénient denécessiter la participation active du patient et donc d’êtredifficilement contrôlé.

TEST D’USAGE

Il est parfois nécessaire de demander au patient de réappliquercertains produits sur le site de la dermatite afin de vérifier le rôlejoué par ceux-ci.

QUELLES SUBSTANCES TESTER ?

L’European Environmental and Contact Dermatitis Research Group(EECDRG) a créé la batterie standard européenne (tableau II),régulièrement mise à jour, qui regroupe 22 substances courammentimpliquées dans les eczémas de contact. Une 23e substance estlaissée en option pour les pays qui le souhaitent. Il s’agit de laprimine, l’allergène principal de la primevère. Dans certains pays,les dermatologistes y ajoutent encore quelques substances qu’ilsjugent utiles. Cette série de tests est utilisée systématiquement lorsd’un bilan d’allergie de contact. Elle a l’avantage de déceler certainesallergies qu’un interrogatoire ne permet pas toujours de suspecter.Il ne faut cependant pas perdre de vue que cette série de testsn’intervient que dans un bilan général mais s’avère souventinsuffisante pour examiner une dermatite dans un contexte plusspécifique, par exemple professionnel. On y adjoint doncfréquemment d’autres séries de tests qui sont choisies en fonctiondes données anamnestiques : séries de tests de coiffure, d’huilesindustrielles, de caoutchoucs, de colles et plastiques, de substancespharmaceutiques (tableau III).Même si elles sont très utiles, il ne faut pas se reposer totalementsur l’existence de séries toutes prêtes. Elles doivent êtrerégulièrement évaluées et éventuellement complétées en fonction del’anamnèse et de l’évolution des techniques ou du domained’investigations.

3 Test positif +++ : œdè-me, érythème et vésiculesconfluentes.

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Cela nécessite, entre autres, de tester les produits utilisés par lespatients. Selon sa nature, le produit est testé après dilution etvérification du pH. Il n’est pas appliqué sur la peau si le pH estsupérieur à 9 ou inférieur à 4.Des tests peuvent aussi être réalisés avec des matériaux solides quel’on râpe en poudre ou en copeaux. Ceux-ci ne doivent cependantpas être trop durs sous peine de blesser ou d’irriter le sited’application. Cette méthodologie est utilisée avec des morceaux detissus, de chaussures, des montures de lunettes, etc. De véritablesextractions physicochimiques sont parfois réalisées, surtout avec lesvégétaux.

BATTERIE STANDARD EUROPÉENNE (tableau II) [29]

¶ Bichromate de potassium (0,5 % vaseline)

C’est l’allergène le plus fréquent chez l’homme de par sa présencedans le ciment. Il est aussi présent dans l’eau de Javel jaune, nonpas en France mais en Belgique, en Italie, en Espagne et dans lespays du Maghreb. Il est également responsable des allergies au cuiroù il est utilisé comme agent de tannage. De très nombreuses autressources rencontrées essentiellement en milieu professionnel sontrecensées.Le chrome hexavalent et le chrome trivalent sont tous deuxsensibilisants, le deuxième beaucoup plus que le premier mais lechrome hexavalent pénètre plus facilement à travers la peau. Enrevanche, le chrome métal n’est pas sensibilisant [9].Pour une raison mal expliquée, la dermatite allergique due aux selsde chrome se caractérise par une importante chronicité (nombreusesannées, surtout en ce qui concerne l’atteinte des mains) malgrél’arrêt du contact.

¶ Sulfate de néomycine (20 % vaseline)

Cet antibiotique local qui devrait tomber en désuétude est à l’originede nombreuses sensibilisations de par son utilisation prolongée surdes ulcères de jambe par exemple. Il est également très courammentutilisé dans la sphère ORL. On peut s’attendre à certaines réactionscroisées avec d’autres antibiotiques du groupe des aminosides ayantdes structures proches comme la gentamycine, la kanamycine,l’amikacine, la paromomycine et la tobramycine [13, 26]. Ce test sepositive bien souvent après le troisième jour et une lecture tardives’impose donc.

¶ Thiuram mix (1 % vaseline)

Il s’agit d’un mélange de quatre accélérateurs de la vulcanisation ducaoutchouc naturel : les tétraméthylthiurame disulfure etmonosulfure, le tétraéthylthiurame disulfure et le dipen-taméthylènethiuram disulfure (chacun à 0,25 %). Ce sont les additifsle plus fréquemment en cause dans les allergies de type retardé aucaoutchouc. Certains d’entre eux sont encore utilisés commepesticides ou scabicides. Le disulfure de tétraéthylthiurame, mieuxconnu sous le nom de disulfirame, est utilisé dans la désintoxicationalcoolique.

¶ Paraphénylènediamine (base libre) (PPD)(1 % vaseline)

Également connue sous le nom de diaminobenzène, cette substanceest utilisée pour les teintures capillaires. Selon son degréd’oxydation, différentes colorations peuvent être obtenues. Elle estutilisée dans les teintures dites permanentes. La PPD est unallergène fort et peut être à l’origine d’un bon nombre de réactionscroisées. C’est le représentant des amines substituées en para sur unnoyau benzénique (tableau IV).

¶ Chlorure de cobalt (1 % vaseline)

Le métal et ses sels sont allergisants. Ils donnent généralement lieuà une sensibilisation concomitante avec les sels de chrome, dans leciment et avec le nickel. Une sensibilisation isolée est plus rare. Il estutilisé comme pigment bleu ainsi que comme catalyseur dansl’industrie du caoutchouc et du plastique.

¶ Benzocaïne (5 % vaseline)

Il s’agit d’un anesthésique local faisant partie du groupe des estersde l’acide para-aminobenzoïque au même titre que la procaïne, latétracaïne et la cocaïne. Des réactions croisées sont donc fréquentesau sein de ce groupe. On observe également un certain nombre deréactions croisées avec la PPD. En revanche, l’utilisation desanesthésiques locaux du groupe des amides (lidocaïne, bupivacaïne,prilocaïne) peut se faire sans crainte. Il faut se souvenir de sesutilisations cutanée et muqueuse : dans les sphères ORL,dermatologique, stomatologique, gynécologique et anale.

¶ Formaldéhyde (1 % eau)

Le formaldéhyde ou formol est largement répandu dans notreenvironnement. En cosmétique et en dermopharmacie il peut êtreutilisé comme conservateur mais est généralement remplacé par desmolécules dites libératrices de formol (tableau V). La quantité de

Tableau II. – Batterie standard européenne selon l’EECDRG (version1993).

1. Bichromate de potassium 0,5 % (vaseline)2. Sulfate de néomycine 20 % (vaseline)3. Thiuram mix 1 % (vaseline)4. Paraphénylènediamine (base libre) 1 % (vaseline)5. Chlorure de cobalt 1 % (vaseline)6. Benzocaïne 5 % (vaseline)7. Formaldéhyde 1 % (eau)8. Colophane 20 % (vaseline)9. Clioquinol 5 % (vaseline)10. Baume du Pérou 25 % (vaseline)11. N-isopropyl-N’-phényl-paraphénylènediamine 0,1 % (vaseline)12. Alcools de laine 30 % (vaseline)13. Mercapto mix 2 % (vaseline)14. Résines époxy 1 % (vaseline)15. Parabens mix 12 % (vaseline)16. Résine paratertiaire butylphénolformaldéhyde 1 % (vaseline)17. Fragrance mix 8 % (vaseline)18. Lactones sesquiterpéniques 0,1 % (vaseline)19. Quaternium 15 1 % (vaseline)20. Sulfate de nickel 5 % (vaseline)21. Chlorométhylisothiazolinone / méthylisothiazolinone 0,01 % (eau)22. Mercaptobenzothiazole 2 % (vaseline)23. Primine 0,01 % (vaseline)

EECDRG : European Environmental and Contact Dermatitis Research Group.

Tableau III. – Exemple de séries additionnelles.

Acrylates Fragrance mix : déclinaison des huit substancesAdditifs du caoutchouc Filtres solairesArômes et épices Huiles industriellesBoulangerie MédicamentsCoiffure MercurielsColles et plastiques PesticidesColorants vestimentaires PhotoallergènesConservateurs PhotographieCorticostéroïdesCosmétiques

Tableau IV. – Noyau benzénique avec amine substituée en para : réac-tions croisées possibles.

Acide para-aminobenzoïque (PABA) (filtre solaire)Paratoluènediamine, para-aminodiphénylamine (coiffure)Para-aminophénol, para-amino-azobenzène et dérivés azoïques (colorants)Diaminodiphénylméthane (intermédiaire pour la synthèse de colorants et de caout-choucs)Anesthésiques locaux du groupe des esters comme la procaïne, la benzocaïne, latétracaïne et la butacaïneSulfamidés antibactériens ou antidiabétiques

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formol libérée peut dépendre du pH ou de la température. Denombreux produits d’entretien ménagers ou industriels encontiennent également, de même que bon nombre de produitsmédicamenteux et paramédicaux. Il ne faut pas oublier sonutilisation large dans l’industrie du papier et du textile. Leformaldéhyde peut être à l’origine de sensibilisations aux résinesphénol-formaldéhyde, mélamine-formaldéhyde ou urée-formaldéhyde, utilisées entre autres dans l’industrie des colles et desmatières plastiques.

¶ Colophane (20 % vaseline)

La colophane est une résine d’origine naturelle provenant dedifférentes variétés de pins. Comme tout produit naturel, sacomposition exacte varie donc au gré des provenances. Les différentsacides résiniques constitutifs de la colophane sont allergisants demême que certains produits d’oxydation. L’allergène principal estl’acide abiétique. Un allergène secondaire est l’alcool hydroabiétique(Abitolt). La colophane a une utilisation extrêmement répandue.Elle est utilisée comme colle dans beaucoup de sparadraps parfoismême dits hypoallergéniques. Elle peut être présente dans leschaussures, les bottes de caoutchouc, sur certains papiers, dans lacolle des timbres. Elle est encore utilisée dans certains produitsd’entretien, encaustiques, etc.Une allergie à la colophane traduit occasionnellement unesensibilisation aux parfums.

¶ Clioquinol (Chinoform) (5 % vaseline)

Il est également connu sous le nom de Vioformet(iodochlorhydroxyquinoléine). Le clioquinol est un antiseptiqueantibactérien local et général, également utilisé en médecinevétérinaire. Il sert encore en agriculture et peut être présent dans lescolles et le papier. Il peut exister des réactions croisées entre leclioquinol et le chlorquinaldol, la nivaquine et la quinine. Uneréaction généralisée lors de la prise de ces molécules par voiegénérale est possible.

¶ Baume du Pérou (25 % vaseline)

Il s’agit d’une oléorésine provenant d’un arbre d’Amérique centrale,le Myroxylon pereirae. Selon les années et son origine, sacomposition peut fortement varier. À l’heure actuelle, sacomposition n’est pas encore bien connue, surtout en ce quiconcerne la fraction résineuse. Un test positif pour le baume duPérou traduit généralement une sensibilisation aux parfumsquoiqu’il soit également utilisé tel quel dans de nombreux topiquesà visée cicatrisante. C’est sous le nom de Myroxylon pereirae que saprésence est dorénavant mentionnée sur les produits dedermopharmacie.L’utilisation du baume du Pérou est beaucoup plus large que lacosmétologie. On le trouve dans les produits d’entretien ou lesproduits industriels divers. Certaines personnes sensibilisées aubaume du Pérou présentent une dysidrose lorsqu’elles consommentdes aliments contenant certaines fractions de baume du Pérou(tableau VI).

¶ N-isopropyl-N’-phénylparaphénylènediamine (IPPD)(0,1 % vaseline)

L’IPPD est une amine utilisée comme antioxydant et inhibiteur dela polymérisation dans l’industrie du caoutchouc et des huiles

minérales. Il est principalement présent dans les caoutchoucs noirsà haute résistance, surtout à leur surface et un contact minime peutsuffire à provoquer ou entretenir un eczéma de contact. Des cas dedermatite eczémateuse et purpurique [7] ont été décrits, de même quedes cas de dermatite lichénoïde [1].

¶ Alcools de laine (30 % vaseline)

Ils proviennent de la graisse de laine produite à partir de la sécrétionsébacée du mouton. La composition exacte de la graisse n’est pascomplètement connue et dépend du lot. Elle intervient dans lafabrication de la lanoline qui est un mélange d’alcools gras et destérols. La lanoline est fortement hydrophile mais insoluble dansl’eau. Les alcools de laine plus ou moins modifiés sont encoreprésents dans l’eucérine, l’onguent aqueux, l’Amerchol L101. Lalanoline et ses dérivés sont très répandus en cosmétologie et dansl’industrie pharmaceutique (fig 4) . La lanoline est parfoismentionnée sous son nom latin d’adeps lanae. La sensibilisation auxalcools de laine provient de son utilisation en cosmétologie, endermopharmacie, en pharmacie, surtout dans les préparationscicatrisantes. En milieu professionnel, les alcools de laine sontprésents dans certaines crèmes barrières, dans le suif, les produitspour isolation de câbles électriques, etc.

L’importance à accorder à la lanoline dans l’allergie de contact nefait pas l’unanimité [14]. Il s’agit en tout cas d’un allergène nonnégligeable lorsqu’il est appliqué sur une peau déjà fragilisée(jambes variqueuses, par exemple).

¶ Mercapto mix (2 % vaseline)

2-mercaptobenzothiazole (MBT) 0,5 %, N-cyclohexyl-2-benzothiazolesulphénamide (CBS) 0,5 %, 2,2’-dibenzothiazyl disulfure (MBTS)0,5 %, morpholinyl mercaptobenzothiazole (MBS) 0,5 %. C’est unmélange d’accélérateurs et d’antioxydants de nombreuxcaoutchoucs.

Tableau V. – Libérateurs de formol.

Utilisation en cosmétique et dermopharmacie Utilisation industrielle

Quaternium 15 Grotan BKDMDM hydantoïne OxazolidineBromo-nitropropane-diol (Bronopolt) ...Diazolidinyl uréeImidazolidinyl uréeHexaméthylènetétramine

Tableau VI. – Sources alimentaires des allergènes du baume du Pérou.

Agrumes (pelures) : orange, citron, man-darine, pamplemousse, bergamote...qu’elles soient utilisées en pâtisserie,dans des jus, des apéritifs ou tellesquelles

Arômes divers utilisés pour parfumer lespâtisseries, le thé, le tabac, des pastillespour la gorge, ...

Limonades (constituants provenantd’agrumes, arômes)

Clous de girofle

Marmelades, confitures, cakes CannelleVanilleCurryEugénolChocolat

4 Allergie de contact à la lanoline d’une crème de massage chez un kinésithérapeute.La lanoline peut donner une réaction intense.

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¶ Résines époxy (1 % vaseline)

Ces résines sont utilisées dans l’industrie plastique. Ce sont desmacromolécules linéaires synthétisées à partir de la condensationd’épichlorhydrine et d’un diol. Les oligomères de poids moléculairefaible (340 kDa) sont les plus allergisants. À côté de ces résinesépoxy, une multitude d’additifs différents peuvent aussi êtresensibilisants. Les époxy sont sensibilisantes dans les plastiques,surtout au moment de leur fabrication. Elles sont égalementrépandues dans les peintures, les vernis, les colles (en particulier,celles à deux composants). Les époxy peuvent être responsablesd’allergies aéroportées.

¶ Parabens mix (12 % vaseline)

Ce test est un mélange de quatre parabens différents utilisés commeconservateurs : les parahydroxybenzoates de propyle de butyle, deméthyle et d’éthyle (chacun à 3 %). On y recourt non seulement encosmétologie, en dermopharmacie et dans les médicaments maisaussi dans l’alimentation et en milieu industriel. Parmi lesconservateurs, ce sont les moins sensibilisants. Ils deviennentsensibilisants principalement s’ils sont utilisés sur une peau abîmée.Même une fois sensibilisés, beaucoup de patients continuent à lestolérer sur une peau saine. Ceci a été appelé par divers auteurs le« paraben paradox ». Étant donné leur très large utilisation, uneéviction complète est difficile. Heureusement, l’éviction alimentairen’est pas souvent requise.Bien qu’il s’agisse d’un noyau benzénique avec substitution en para,il faut noter que le substituant n’est pas une amine mais unhydroxyle. Les réactions croisées avec la PPD sont rares [26].

¶ Résine paratertiaire butylphénolformaldéhyde(1 % vaseline)

Il s’agit d’une colle utilisée couramment pour les caoutchoucs, lescuirs (bracelet de montre, ceintures, chaussures), les plastiques, etc.Les réactions croisées avec le formol sont possibles mais peufréquentes.

¶ Fragrance mix (8 % vaseline)

Ce test est un mélange de huit parfums (tableau VII) émulsionnésavec du sorbitan sesquioléate. Ce test permet de détecter jusqu’à80 % d’allergies aux parfums. Les patients allergiques aux parfumsne sont pas nécessairement sensibilisés à une seule molécule. Aucontraire, ils sont assez souvent polysensibilisés, entre autres à desmolécules absentes du mix. C’est pourquoi ce test est égalementconsidéré comme un marqueur pour les allergies aux parfums. Cetteremarque est également valable pour le baume du Pérou. Ce sontd’ailleurs des tests assez souvent simultanément positifs.L’association avec la positivité pour la colophane, autre substancenaturelle, n’est pas rare non plus. La recommandation qui découlede l’allergie au fragrance mix est l’éviction des produits parfumés. Ilne faut cependant pas oublier que ce sont des allergènes aéroportéspar excellence. Les parfums hypoallergéniques ne sont pasnécessairement inoffensifs pour les personnes allergisées. Un testouvert répété peut s’avérer utile.

¶ Lactones sesquiterpéniques (mix) (0,1 % vaseline)

Le mélange de lactones sesquiterpéniques de la batterie standardcomprend l’alantolactone (Érémophilanolide), le costunolide

(Germacranolide) et le déhydrocostuslactone (Guaïanolide). Leslactones sesquiterpéniques sont essentiellement présentes dansdifférentes plantes de la très grande famille des composées(Compositae). Elles ne sont cependant pas l’apanage exclusif descomposées. Elles se rencontrent également dans la famille deslauracées, dont fait partie le laurier noble et dans le Frullania(Frullaniacée).L’alantolactone se trouve dans l’Inula helenium (grande aunée), lecostunolide et le déhydrocostuslactone sont présents dans l’huile decostus utilisée en parfumerie et proviennent du Sanssurea lapa. Ilexiste six grandes familles de lactones sesquiterpéniques selon lastructure de leur squelette carboné (tableau VIII). Les réactionscroisées s’observent de manière préférentielle entre lactones d’unemême famille sans que cela soit systématique [16, 20].Bien que très utile, le mélange proposé dans la batterie standard nepeut cependant pas être considéré comme un marqueur pour toutesles allergies aux lactones sesquiterpéniques puisqu’il lui manque desreprésentants des trois autres familles et plus particulièrement, lefrullanolide (Eudesmanolide). Ce dernier est l’agent allergisant duFrullania (qui ne fait pas partie de la famille des composées mais dela famille des hépatiques) qui pousse sur le tronc de certains arbreset est à l’origine de certaines dermatites actiniques chroniques.L’allergie aux lactones peut être aéroportée, surtout lorsqu’il s’agitd’une allergie au Frullania ou à d’autres plantes composées. Lesfleuristes peuvent également présenter des lésions d’eczéma decontact simple (chrysanthèmes, marguerites, gerbera, camomille,dahlia, asters, ...). Certaines pommades à l’arnica, à la camomille, aucalendula ou au laurier sont allergisantes de par la présence delactones. Celles-ci ne sont toutefois pas détectées par ce mix. Lalaitue, l’endive, le chicon font également partie de la famille descomposées et peuvent provoquer une chéilite de contact.Les lactones peuvent être à l’origine de photosensibilisations et bonnombre de patients atteints de dermatite actinique chronique y sontallergiques [22].

¶ Quaternium 15 (1 % vaseline)

C’est un conservateur libérateur de formol utilisé en cosmétologie etdermopharmacie. Il peut être allergisant par lui-même ou par leformol qu’il libère.

¶ Sulfate de nickel (5 % vaseline)

C’est le premier allergène chez la femme (fig 5). Il est principalementprésent dans les bijoux de fantaisie et dans le métal d’utilisationcourante [21] (boutons métalliques, fermetures éclair, pinces, agrafes,pièces de monnaie, outils, etc). Une grande cause d’allergie au nickelprovient du perçage des oreilles dans l’enfance. Non seulement lesboucles d’oreilles mais également les « perceuses » et l’appareil pourpercer les oreilles doivent être constitués de métal ne larguant pasde nickel. Il semblerait que le port d’un appareil dentaire avant leperçage des oreilles joue un rôle préventif dans le développementd’allergies de contact. Les patients allergiques au nickel ont assezsouvent une sensibilisation concomitante avec le cobalt. Unesensibilisation simultanée au palladium est encore bien plusfréquente. Des études ont montré qu’il s’agissait trèsvraisemblablement d’une réaction croisée, les deux métauxappartenant à la même famille, dans le tableau de Mendeléeff. Cedernier métal donne souvent une réaction positive s’il estsystématiquement testé mais la pertinence de ce test ne semble pastrès grande. Il est utilisé avec d’autres métaux, souvent l’or, en

Tableau VII. – Fragrance mix.

Alcool cinnamiqueAldéhyde cinnamiqueEugénolGéraniolHydroxycitronellalIsoeugénolMousse de chêneSorbitan sesquioléate (émulsifiant augmentant la biodisponibilité du test)

Tableau VIII. – Représentants des principales familles de lactones.

GuaïanolidePseudoguaïanolideXanthanolideÉrémophilanolideEudesmanolideGermacranolide

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bijouterie, et il n’est pas certain qu’il soit fort largué [8]. On l’utiliseégalement en dentisterie où il cause parfois des stomatites ou desgingivites en regard de l’appareillage dentaire.Le nickel est encore présent dans l’alimentation et de nombreuxauteurs se sont penchés sur la question de savoir si l’ingestion denickel joue ou non un rôle dans l’eczéma. Il semble certain qu’ilpuisse participer à l’entretien d’un eczéma mais les auteurs ne sontpas unanimes quant à la forme clinique présentée. C’est dans ladysidrose que son rôle est le plus incontesté, quoiqu’il ne soit pasautomatique. Moyennant surveillance, un test de provocation oralepeut être proposé. Il consiste à administrer au patient 25 mg desulfate de nickel dans une gélule (5,6 mg de nickel) et à observerson effet sur la dermatite dans les heures et les jours qui suivent. Unrégime d’éviction du nickel peut alors s’avérer utile bien que fortdifficile à réaliser. Il est parfois plus facile de prescrire dudisulfirame, quoique celui-ci nécessite une abstinence complèted’alcool. L’effet bénéfique du disulfirame se fait très rapidementsentir lorsque le nickel est responsable d’une dysidrose.L’allergie au nickel peut encore se présenter sous d’autres formescomme une vasculite.

¶ Chlorométhylisothiazolinone/méthylisothiazolinone(0,01 % eau)C’est sous ce nom que ce conservateur doit apparaître sur lesproduits cosmétiques auxquels il est ajouté bien qu’il soit mieuxconnu sous le nom de Kathon CGt. Il est caractérisé par un largespectre et a l’avantage de pouvoir être utilisé en très faibleconcentration. Malheureusement il s’est aussi révélé être un bonallergène. Actuellement, son usage est principalement réservé auxproduits de rinçage (rinse off) comme les shampooings, les savonsliquides, plutôt qu’aux produits destinés à rester sur la peau (leaveon). Les isothiazolinones sont également utilisées en milieuindustriel dans les produits aqueux (liquides de refroidissementdivers, émulsions aqueuses diverses). Le test épicutané peut êtreirritant mais, inversement, les réactions peuvent aussi apparaîtrefaussement irritantes et la biopsie permet parfois de confirmer laréelle allergie. Toutes les isothiazolinones ne donnent pasnécessairement des réactions croisées.

¶ Mercaptobenzothiazole (2 % vaseline)ll s’agit encore d’un additif du caoutchouc également présent, maisà concentration moindre, dans le mercapto mix.

¶ Primine (0,01 % vaseline)Il s’agit de l’allergène principal de la primevère (primula obconica).Le test n’a pas une sensibilité excellente mais il est très spécifique etsa présence dans une batterie standard est très utile même si cetteallergie n’est pas d’une grande fréquence dans nos pays. En effet,cette allergie est généralement découverte par hasard.

Eczémas particuliers

ECZÉMA AÉROPORTÉIl se caractérise par une distribution topographique particulière. Lesmolécules ou particules aéroportées s’accumulent préférentiellementdans les plis cutanés : les rides du front, les sillons nasogéniens,

l’espace sous-mentonnier, les paupières et en débordent plus oumoins fortement. Les zones rétroauriculaires peuvent êtretypiquement atteintes. On note parfois une accumulation despoussières à l’encolure et aux emmanchures.De nombreux allergènes peuvent donner lieu à une allergieaéroportée. Il peut s’agir de parfums, de vapeurs diverses. On peutciter les sels de chrome du ciment, les résines époxydiques (fig 6), lasciure de bois, les médicaments comme le propacétamol(Pro-Dafalgant).

ECZÉMA PHOTOALLERGIQUE

La disposition de l’eczéma peut être très suggestive d’un eczémaphotoallergique. Les zones exposées sont prioritairement atteintesbien qu’à la longue les lésions puissent déborder en zones couvertes.Lorsque le visage est atteint, les plis du visage sont plutôt épargnésde même que, de manière très caractéristique, la zone sous-mentonnière, le haut du cou et la zone rétroauriculaire. Lespaupières sont également peu atteintes.Les molécules en jeu ne donnent pas de réactions lorsqu’elles n’ontpas été exposées à la lumière. Ce sont le plus souvent les UVA quimodifient l’allergénicité d’une molécule mais les UVB en seraientégalement capables. La molécule peut avoir été posée sur la peauou peut y aboutir après administration par voie générale(fénofibrate, anti-inflammatoires non stéroïdiens [AINS],...).À l’heure actuelle, il n’existe pas encore de batterie européenne dephotoallergie. Cela tient au fait que l’importance à accorder auxdifférents photoallergènes ne fait pas encore l’unanimité(tableau IX) [24]. Certaines molécules ne donnent lieu qu’à desréactions de photoallergie tandis que d’autres ne sontqu’accessoirement à l’origine de telles réactions. Un certain nombrede photoallergènes sont tombés en désuétude.On pourrait ajouter à cette liste de nombreuses substances commele kétoprofène (Kétumt , Fastumt), la chlorproéthazine(Neuriplèget), l’olaquindox,... [24]

De nombreux médicaments administrés par voie générale (tableau X)peuvent donner lieu à des photosensibilisations, soit par mécanismephototoxique, soit par mécanisme photoallergique [30]. Lesphotopatchtests ne sont cependant pas nécessairement positifs. Desinvestigations photobiologiques plus approfondies doivent alors êtreréalisées.

ECZÉMA MANUPORTÉ

Il se rencontre principalement au visage et plus spécifiquement auxpaupières mais peut, a priori, se localiser n’importe où. Un exempleclassique est l’allergie à la résine tosylamide/formaldéhyde(anciennement connue sous le nom de résine toluène sulfonamide

5 Allergie de contat au nickel d’une bou-cle d’oreille. L’eczéma déborde de la zone encontact avec le nickel.

6 Dermatite de contact aéroportée dueaux résines époxy chez un ouvrier dubâtiment.

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formaldéhyde) des vernis à ongles. Elle ne se manifeste quetardivement sur le pourtour des ongles alors que l’eczéma despaupières, du visage et du cou prédomine.

ECZÉMA PAR PROCURATION

Une localisation asymétrique d’un eczéma doit faire envisager lapossibilité d’un contact avec un produit véhiculé par quelqu’und’autre. Une personne peut, par exemple, s’allergiser au produit dela permanente de son conjoint par contact avec ses cheveux.

ECZÉMA PAR VOIE INTERNE

Aucun terme satisfaisant n’a été retenu à l’heure actuelle. Les Anglo-Saxons parlent de systemic contact dermatitis. Il s’agit d’un eczémadéclenché par la prise d’un médicament par voie générale alors quele sujet avait été sensibilisé au préalable par la même molécule oupar une molécule semblable par voie topique. Le contraire peutégalement se concevoir. Le patient déclenche un eczéma de contactaprès application d’un topique alors qu’il avait été exposé aupréalable, par voie générale, à une molécule identique ou voisine.Cela peut se produire avec les aminosides (gentamycine etnéomycine), avec les corticostéroïdes ou les AINS par exemple. Defaçon caractéristique, l’eczéma se développe de manière trèssymétrique sur le corps.

DERMATITE DE CONTACT AUX PROTÉINES

La dermatite de contact aux protéines peut donner le change pourune dermatite atopique. Il s’agit très généralement d’une atteinted’allure chronique. Cet eczéma est provoqué par des molécules depoids moléculaire élevé : les protéines. Ces protéines donnentd’abord une sensation de prurit avec éventuellement une papuleurticarienne et ce n’est que par la suite qu’une réaction eczémateuseapparaît.Il s’agit d’un problème rencontré plus particulièrement en boucherieou en poissonnerie mais aussi chez les vétérinaires. On l’observeégalement avec des protéines végétales, comme le latex par exemple.En boulangerie, c’est plus particulièrement l’alpha-amylase, unaméliorant de la farine, qui peut donner ce type de manifestations.Le pourtour périunguéal est le plus souvent atteint, avec uneextension éventuelle au dos des mains (fig 7).À la différence des eczémas de contact classiques, la détection de ladermatite de contact aux protéines ne se fait pas par des testsépicutanés mais bien par des prick tests ou des tests de scarificationavec, éventuellement, occlusion subséquente (scratch chamber test).C’est ce même mécanisme qui est responsable de l’apparition d’uneczéma aux poussières domestiques dans un certain nombred’eczémas atopiques.

Approche de l’eczéma en fonctionde sa topographie

ECZÉMA DES PAUPIÈRES

Les produits appliqués à même la peau sont les premiers suspects.Il peut s’agir de cosmétiques pour le contour des yeux, de mascaras,d’ombres à paupières, de démaquillants, de produitsophtalmologiques (collyres bêtabloquants, cholinergiques, etc).L’eczéma de contact peut se manifester principalement auxpaupières parce que l’allergène y a été transporté (manuporté). C’esttypiquement le cas de l’allergie au vernis à ongle dont l’allergèneprincipal est la résine tosylamide/formaldéhyde.Les paupières peuvent être atteintes lors de l’utilisation de produitsophtalmiques. Le thiomersal est souvent cité mais il faut peut-êtredavantage retenir les collyres de bêtabloquants (timolol, cartéolol,lévobunolol,...), de phényléphrine, de pilocarpine. Le chlorure debenzalkonium, bien qu’il occasionne souvent une sensationdésagréable de picotements des yeux, ne donne que très rarementune réelle allergie. Les tests avec cette substance (ammoniumquaternaire) sont volontiers irritants.C’est sur les paupières qu’apparaissent souvent en premier lieu lesallergies aéroportées, que ce soit en milieu professionnel ou non.Les photoallergies, en revanche, épargnent généralement lespaupières.Les paupières peuvent encore être le siège de dermatite atopique oude dermatite d’irritation dont il faudra tenir compte lors dudiagnostic différentiel.

ECZÉMA DU COU

La peau du cou réagit facilement, comme celle des paupières. Uncertain nombre d’allergènes sont d’ailleurs communs. On peutretenir l’allergie manuportée au vernis à ongle, l’allergie de contact

Tableau IX. – Substances testées dans la batterie standard françaisedes photopatchtests.

Triclosan ProméthazineTribromosalicylanide ChlorpromazineTétrachlorosalicylanide ChlorhexidineBithionol Mousse de chêneFentichlor FrullaniaHexachlorophène Goudrons de bois mixÉcrans solaires : Lactones mixMexoryl sx Musk ambretteOxybenzone ou benzophénone 3 Fragrance mix2-Ethylhexyl diméthylaminobenzoate ouoctyl diméthyl PABA (INCI)

6-Méthylcoumarine

2-Ethylhexyl paraméthoxycinnamate ou octylméthoxycinnamate

Baume du Pérou

Isoamyl-p-méthoxycinnamate FormaldéhydeIsopropyldibenzoylméthane Dichromate de potassium2-Hydroxy-méthoxyméthyl benzophénone Chlorure de cobaltBenzophénone-4 Sulfate de nickel3-4 Méthylbenzylidène camphre Sulfate de quinineAcide 5 phényl benzimidazol sulfoniquePABA

Tableau X. – Substances photosensibilisantes par voie interne.

Mécanisme habituel Phototoxicité Photoallergie

AINS + +

Carbamazépine - +

Fibrates - +

Imipramine et dérivés + +

Inhibiteurs de l’enzyme de conversion - +

Phénothiazines + +

Quinidiniques + +

Quinolones +

Sulfamidés diurétiques + +Sulfamidés hypoglycémiants - +Sulfamidés antimicrobiens + +

Tétracycline + -

Thiazides + +

AINS : Anti-inflammatoire non stéroïdiens.

7 Dermatite de contactaux protéines. Noter lepérionyxis.

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ou l’allergie aéroportée aux parfums et autres vaporisateurs. C’estun site classique pour une allergie de contact au nickel.Un eczéma localisé sur le pourtour du cuir chevelu est évocateurd’une allergie au shampooing.

ECZÉMA DES MAINS

L’eczéma des mains est, par excellence, professionnel (fig 8). Uneczéma aéroporté peut aussi s’envisager, de même qu’unephotoallergie. Une analyse précise de la localisation de l’atteinte esttrès utile : la face dorsale, la face palmaire, les faces latérales desdoigts ou des mains sont-elles atteintes ? La face palmaire estgénéralement atteinte plus tardivement que la face dorsale étantdonné sa relative résistance à la pénétration des allergènes. L’atteintepalmaire fait souvent suspecter une atopie ou une dermatited’irritation de type orthoergique. L’atteinte du bord des mains esten faveur d’une dysidrose. La main dominante est-elle atteinte de lamême manière que l’autre ? Tous les doigts sont-ils atteints ? Uneatteinte du poignet et de la face dorsale de la main doitautomatiquement faire penser à une allergie aux gants. Unehyperkératose des mains peut correspondre à un eczéma chroniquemais aussi à une forme de psoriasis, voire à une mycose.

PULPITE

Une pulpite de la main gauche, chez un droitier, permet d’évoquerune allergie à l’ail. Ce sont les trois premiers doigts de la main quitient la gousse qui sont le plus souvent atteints. L’ail peut êtrefacilement testé avec une décoction aqueuse pour autant que lapréparation soit suffisamment diluée. Pour être sûr de l’absenced’irritation, il est recommandé de réaliser systématiquement descontrôles sur des sujets sains.Un diagnostic de pulpite doit encore faire penser à une allergie auxacrylates. Ceux-ci peuvent se rencontrer dans des professions trèsdiverses : en dentisterie et chez les laborantins travaillant enlaboratoire dentaire, dans diverses activités de manutention(utilisations de rubans adhésifs divers), en imprimerie (livres,magazines, étiquettes diverses).L’eczéma atopique peut se localiser préférentiellement aux pulpes.

ECZÉMA DES JAMBES

Les traitements d’ulcères de jambe occupent une place nonnégligeable (lanoline, néomycine, peroxyde de benzoyle,parabens,...). Il ne faut cependant pas perdre de vue le rôle joué parun éventuel eczéma de stase.On peut encore suspecter le matériel métallique orthopédique. Ence qui concerne les prothèses, la libération d’ions métalliquesallergisants est pratiquement impossible. Ceci ne se vérifie pastoujours pour le matériel à type de plaques et de clous. Une allergieau nickel du matériel est parfois possible. La preuve du rôle jouépar la prothèse dans l’eczéma est impossible à fournir sauf si l’onôte le matériel et qu’on observe la guérison. Cet eczéma apparaît enregard de la prothèse et, une fois installé, ne disparaît pas

spontanément. Bien plus souvent qu’une réelle allergie, on note uneczéma que l’on peut qualifier de stase et qui est dû à lamodification du drainage des tissus, consécutivement à la fractureet à l’intervention. Cet eczéma peut être plus fluctuant et persistemême après ablation du matériel suspect.L’atteinte du creux des genoux fait d’abord penser à unemanifestation d’atopie mais doit aussi faire évoquer une allergievestimentaire.Lorsque le haut des cuisses est atteint, les objets contenus dans lespoches ou les vêtements de travail souillés peuvent être suspectés.

ECZÉMA DU VISAGE

Le visage est fort exposé aux allergènes les plus divers, que ce soitpar contact direct (cosmétiques au sens large) ou par l’intermédiairedes mains (allergène manuporté). L’allergène peut encore êtreaéroporté ou il peut s’agir de photoallergie. C’est aussi unelocalisation typique pour l’eczéma par procuration (cf supra). Biensûr, il peut aussi s’agir d’irritation ou d’eczéma constitutionnel.

ECZÉMA GÉNÉRALISÉ

Cela peut être un eczéma de contact étendu ou un eczéma d’origineinterne, pouvant être déclenché par un médicament suite à unesensibilisation par voie externe. L’eczéma atopique reste unepossibilité qui peut d’ailleurs s’associer à une allergie de contactvraie.

ECZÉMA DES FESSES

Outre un contact direct, la localisation au niveau des fesses doit faireévoquer ce que l’on appelle le « syndrome babouin ». Il s’agittypiquement d’une allergie causée par une substance administréepar voie générale, donc, généralement, un médicament.Le syndrome « Lucky Luke » [27] est un eczéma de type aigu ousubaigu localisé à la face externe de la partie supérieure des cuissesd’un nourrisson ou d’un jeune enfant, comme s’il portait des étuis àpistolets. Il s’agit d’une allergie à un constituant de change complet.Le rôle du caoutchouc (additifs) a pu être démontré dans un certainnombre de cas. Ces cas ont surtout été observés chez des enfantsatopiques.

ECZÉMA PÉRIANAL ET ECZÉMA GÉNITAL

Outre la dermatite atopique et le psoriasis inversé, une atteintegénitale ou anale peut être provoquée par un contactmédicamenteux (contexte de prurit, d’hémorroïdes). Les coupablessont souvent les anesthésiques locaux, les corticostéroïdes, lalanoline, les dérivés de l’huile de ricin (fig 9).

8 Eczéma des mains chezune coiffeuse allergique auformaldéhyde utilisé commeconservateur dans de nom-breux shampooings. La dis-tribution de l’eczéma per-met d’évoquer une sensi-bilisation à un produitliquide.

9 Allergie de contact au bufexamac(Parfenact).

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Les épices peuvent donner par voie digestive une irritation, voireune réelle allergie au niveau anal. Le baume du Pérou ou lefragrance mix peuvent en être des marqueurs. Parfois, ce sont lepapier toilette humide (conservateurs, parfums) ou les additifs ducaoutchouc qui sont en cause.

ECZÉMA DES PIEDS

À côté de l’eczéma atopique et de la dysidrose, il faut songer àl’allergie de contact aux chaussures (fig 10). Cette allergie n’est pasl’apanage des adultes. Elle peut survenir de novo mais peut aussi sesurajouter à un eczéma dysidrosique préexistant. Bien souvent,l’anamnèse révèle que les patients ont porté des chaussureshumides. Cette humidité a alors solubilisé un ou plusieurs allergèneset a favorisé la sensibilisation. Des sensibilisations multiples ne sontpas rares. Les allergènes sont classiquement les sels de chromeutilisés pour tanner le cuir, les colles phénoliques [31] (résine para-tertiaire-butylphénolformaldéhyde), la colophane, les colorants outeintures, les additifs du caoutchouc. D’autres allergènes plus rarespeuvent jouer un rôle. En plus des séries de tests classiques, ilconvient de tester des échantillons provenant des chaussures elles-mêmes. On découpe dans l’épaisseur de la chaussure, en regard deszones cutanées atteintes, un fragment qui sera testé, de préférencerecto et verso.En cas d’allergie isolée au cuir, il faudra recommander le port dechaussures synthétiques. Il existe des cuirs tannés aux végétauxmais, en pratique, ceux-ci pourraient être contaminés par deschromates.En cas d’allergie aux colles des chaussures, on peut recommanderdes chaussures cousues. Bien que différents types de colles existentsur le marché, comme celles-ci ne sont pas mentionnées par lefabricant, il est impossible de connaître à l’avance quelles chaussurespourraient convenir.Les topiques médicamenteux et d’autres allergènes peuvent aussiêtre suspectés (fig 11).

ECZÉMA DES PLIS

L’atteinte des plis est fréquente dans l’eczéma atopique mais peutaussi caractériser une allergie vestimentaire (colorants, apprêts). Leseczémas par voie interne peuvent aussi avoir cette localisation.

Commentaires sur les séries de testscomplémentaires

Au contraire de la batterie standard européenne, les sériesadditionnelles sont sujettes à de grandes variations selon les centresqui les utilisent.

SÉRIE DES ACRYLATES

Ces dernières années, l’utilisation des résines acryliques s’estdéveloppée et étendue à de multiples domaines très différents.

Un certain nombre d’acrylates sont utilisés dans le domainedentaire. Ils servent à la réalisation de prothèses ou à la réparationde dents. Les dentistes et les prothésistes dentaires ont un grandrisque de développer de telles allergies. Les allergies chez lespatients sont en revanche très rares parce que la polymérisation adéjà eu lieu. Ces mêmes acrylates peuvent être utilisés pour fixer oupour fabriquer les ongles artificiels. Le personnel des salonsd’esthétique peut être concerné mais les clients également. Certainsde ces acrylates sont photopolymérisables.

Les acrylates sont aussi utilisés dans le domaine de l’impression(surtout l’offset). Un bon nombre de ces molécules sontphotopolymérisables (encres, plaques d’impression, etc). Cesacrylates sont encore utilisés pour l’impression sur les bouteilles etautres contenants.

Un troisième domaine important est celui des vernis et des peinturesacryliques (dites « au latex ») (fig 12).

Quant aux colles cyanoacrylates (type « super glue »), ellespolymérisent extrêmement vite au contact de l’eau ou de protéines.Des allergies aux cyanoacrylates sont cependant possibles et cescolles peuvent être testées à 10 % dans la vaseline. Ce sont les collesmanipulées par le patient qui sont testées.

SÉRIE DES ADDITIFS DU CAOUTCHOUC

En plus des dérivés thiurame et mercaptobenzothiazole, il existe denombreux autres additifs utilisés non seulement dans lescaoutchoucs naturels mais également dans les caoutchoucssynthétiques. C’est ainsi que les thiourées peuvent indiquer unesensibilisation à une combinaison de plongée en néoprène parexemple.

Lorsqu’une allergie aux gants de caoutchouc est suspectée, il est

10 Dermatite de contactaux sels de chrome du cuirdes chaussures.

11 Allergie de contact àun produit d’entretien chezun maître-nageur.

12 Allergie de contactaux acrylates de la peinturechez un peintre profession-nel. Atteinte importante dudos des doigts avec épargnerelative de la face palmaireplus résistante. Les acryla-tes donnent souvent des al-lergies intenses.

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utile de tester plus spécialement l’ancien carba mix (1,3-diphénylguanidine, bis[diéthyldithiocarbamato]zinc, bis[dibu-tyldithiocarbamato]zinc) qui a fait partie de la batterie standardpendant de nombreuses années. On peut aussi en tester les différentsingrédients séparément.L’utilisation de certaines de ces substances n’a parfois aucun rapportavec le caoutchouc. On peut citer les papiers pour photocopies, lestextiles, etc.Certains thiurames et certains carbamates sont aussi utilisés commepesticides ou fongicides.

SÉRIE DE BOULANGERIE

Certaines substances comme les gallates sont testées dans cette sériemais elles interviennent aussi comme antioxydants dans les produitsde dermopharmacie et de cosmétologie et plus particulièrementdans les rouges à lèvres.Les arômes susceptibles d’être utilisés en boulangerie se rencontrentaussi en cosmétologie. Il ne faut pas oublier leur utilisation dans lesdentifrices (menthol par exemple), dans les produits d’entretien(limonène, etc). Parfois les utilisations sont plus surprenantes commedans certains jouets, pâtes à modeler, etc.

SÉRIE DE COIFFURE

Les coiffeurs sont particulièrement exposés à différents allergènespuissants dont le chef de file est sûrement la paraphénylènediamineet ses dérivés utilisés pour les colorations (paratoluène diamine, etc).Le persulfate d’ammonium utilisé pour décolorer le cheveu avantde le colorer est non seulement à l’origine d’eczéma mais peut aussiprovoquer de l’urticaire et de l’asthme. Les produits utilisés pourles permanentes et surtout pour les permanentes « acides » (glycérylmonothioglycolate) sont aussi incriminés. De plus, les dermatitesd’irritation entretenues par l’utilisation continuelle de shampooingsfont le lit de nouvelles sensibilisations. Classiquement, on peutencore s’attendre à des allergies au nickel favorisées par le largagede celui-ci au contact des produits de permanentes. Bien entendu,les allergies aux parfums ou à la cocamidopropylbétaïne utiliséecomme base lavante ne sont pas rares. La prévention passe par uneconnaissance minimale des produits utilisés et de leurs risques.Celle-ci fait malheureusement défaut. Les gants sont très peu utiliséset, lorsqu’ils le sont, c’est de manière empirique, sans notion de lacontamination des objets de travail par les produits allergisants.Nous avons vu de nombreux coiffeurs utiliser la même paire degants tout au long de la journée, voire de la semaine ! La plupartdes coiffeurs ignorent que les produits de permanentes acidestraversent les gants en quelques secondes ! Les gants ne sont doncque très brièvement protecteurs s’ils sont en vinyle ou mieux, ennitrile. Une amélioration pourrait déjà être obtenue en apprenant àtravailler proprement et méticuleusement. La présence d’une allergiede contact à un produit de coloration ou de permanente poussesouvent le coiffeur ou l’apprenti coiffeur à abandonner son activité.Son allergie risque en effet de s’aggraver inexorablement et pourraitfaciliter des allergisations ultérieures.Lorsque des tests sont réalisés chez un coiffeur, il faut toujourssuspecter une allergie aux gants de caoutchouc. La réalisation deprick tests au latex n’est pas superflue.

SÉRIE DES COLLES ET PLASTIQUES

Les allergènes des colles et les plastiques peuvent se répartir enquelques grandes classes. On peut citer les époxy, les isocyanates,les phtalates, les résines phénoliques (formaldéhyde), les acrylates(cf supra).Les phtalates sont classiques dans les plastiques cellulosiques(lunettes, etc). En plus des produits de base pour les colles etplastiques, il ne faut pas oublier les nombreux additifs nécessaires àleur synthèse (catalyseurs, absorbeurs d’ultraviolets, etc).Les résines époxy sont souvent basées sur le bisphénol A etl’épichlorhydrine. Les oligomères de petit poids moléculaire sont

plus sensibilisants que les oligomères plus volumineux. Leurutilisation est très diversifiée puisqu’elles sont utilisées commecolles, comme isolant électrique, ou encore comme stabilisant. Onles trouve aussi dans les laminés, les peintures, les encres, lesproduits de finition, les produits de PVC, la construction, lamicroscopie électronique, etc. Le test époxy de la batterie standardne suffit pas à détecter toutes les allergies aux différentes résinesépoxy. Il est toujours utile de tester avec les produits du patient.Les isocyanates servent à la synthèse du polyuréthane, que ce soiten mousse ou dans les peintures et les laques.Les résines phénoliques (à base de formaldéhyde) ne donnent pasnécessairement des réactions croisées entre elles et il faut donc testercelles qui sont manipulées par le patient en plus de celles qui sonthabituellement proposées.

SÉRIE DE CONSERVATEURS

Les conservateurs sont très nombreux bien qu’on ne considère pasles conservateurs alimentaires. Il s’agit de conservateurs decosmétiques, de médicaments topiques, de produits d’entretien maisaussi de produits industriels. Il peut s’agir d’huiles industrielles, depeintures, de produits de nettoyage, etc. Les différents conservateursse trouvent donc parfois regroupés avec d’autres séries de tests.Les conservateurs habituellement en jeu, en dehors de la batteriestandard, sont, entre autres, l’imidazolidinyl urée et le diazolidinylurée, tous deux libérateurs de formol, pouvant donner lieu à desréactions allergiques par le formol qu’ils libèrent ou par leurmolécule propre. Des réactions croisées semblent possibles entre cesdeux molécules. Le bromonitropropane diol (Bronopolt) et leDMDM hydantoïne sont deux autres libérateurs de formol. On peutaussi citer le méthyldibromoglutaronitrile, utilisé avec lephénoxyéthanol dans l’Euxyl K 400y. Celui-ci tend à remplacer leméthylchloro-isothiazolinone/ méthylisothiazolinone. Lechloracétamide est aussi utilisé.On peut encore citer la chlorhexidine (digluconate et diacétate) quipeut être à l’origine de réactions retardées mais aussi de réactionsimmédiates. L’hexamidine (iséthionate) est également utilisée. Lesréactions allergiques se caractérisent souvent par des réactionsfolliculaires qui nécessitent un temps particulièrement long pourdisparaître.Le chlorure de benzalkonium appartient à la classe des ammoniumsquaternaires. Il ne donne que rarement de réelles réactions d’allergiede contact et, lorsqu’il en donne, il existe souvent des réactionscroisées avec d’autres ammoniums quaternaires comme le bromurede cetrimonium, par exemple. En revanche, il occasionne facilementune sensation de picotement des yeux lorsqu’il est utilisé dans lescollyres.Citons encore l’alcool benzylique, l’acide sorbique, le chlorocrésol,le chloroxylénol, le triclosan.

SÉRIE COSMÉTIQUE

Bien souvent les séries cosmétiques intègrent des conservateurs, desémulsifiants et les véhicules eux-mêmes.Les cosmétiques renferment souvent des antioxydants comme lesgallates (propyl, octyl dodécyl [lauryl]), la vitamine E (tocophérylacétate) ou le butylhydroxyanisole (BHA) ou le butylhydroxytoluène(BHT)Les émulsifiants et les surfactants le plus souvent en cause sontprobablement la cocamidopropylbétaïne, le sorbitan sesquioléate quise trouve aussi dans certains médicaments topiques (dans leDermovalt onguent par exemple) et le nonoxynol 9 (ainsi que lesautres nonoxynols et octoxynols). Ce dernier se trouve aussi danscertaines formes de Bétadinet et d’autres désinfectants.La cocamidopropylbétaïne est un surfactant considéré comme trèsdoux et donc largement utilisé dans les produits lavants pour bébéset enfants. Les démaquillants pour les yeux, les savons liquides douxet même les produits de vaisselle y font facilement appel.

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Malheureusement, les réactions allergiques ne sont pas rares. Lalecture de ce test est souvent rendue très difficile par une irritationdonnant souvent lieu à un œdème et un érythème.Les véhicules sont, entre autres, l’Amerchol L101 (dérivé de lalanoline), l’alcool cétylique et l’alcool stéarylique (le mélange de cesdeux alcools était connu sous le nom d’alcool cétylstéarylique maisce nom est abandonné depuis l’adoption de la nomenclature INCIen 1997), le polyéthylène glycol, le propylène glycol.Retenons encore ces autres allergènes de cosmétologie : l’isopropylmyristate, la triéthanolamine, le polysorbate 80 (Tween 80), lesorbitan oléate (Span 80), l’hydroquinone, le salicylate de benzyle.

SÉRIE DE CORTICOSTÉROÏDES

Depuis quelques années, l’allergie aux corticostéroïdes se rencontrede plus en plus. La voie cutanée semble permettre relativementfacilement une sensibilisation de par sa richesse en cellules deLangerhans. On répartit les corticostéroïdes en quatre groupes, enfonction de leur structure tridimensionnelle [4, 5]. Le premier groupe(A) est celui de l’hydrocortisone, de la cortisone et de ses sels, de laprednisone, de la prednisolone et de la méthylprednisolone. Lepivalate de tixocortol qui s’hydrolyse extrêmement rapidement enhydrocortisone sert de détecteur pour cette allergie.Le second groupe (B) est celui du budésonide. Il comporte encore ledésonide, l’amcinonide, la triamcinolone et ses sels. Utilisé par voiemuqueuse (nasale ou pulmonaire), ce médicament ne semble pasdonner lieu à des réactions fréquentes alors que sur le plan cutané,les réactions sont plus courantes. Dans certains cas, une allergie aubudésonide lui-même peut donner lieu à une réaction croisée avecdes molécules du groupe D. En effet, la molécule de budésonidepeut se présenter sous deux formes différentes. L’une de celles-cil’apparente aux molécules du groupe D.Le troisième groupe (C) rassemble les molécules qui ne font paspartie des trois autres groupes et, à l’heure actuelle, ces moléculespeuvent être considérées comme plus sûres. Font partie de ce groupela bêtaméthasone non substituée, la dexaméthasone, la flucortoloneet encore d’autres.Le quatrième groupe (D) est représenté par l’hydrocortisone-17-butyrate. Il comporte d’autres molécules comme, entre autres, leclobétasol dipropionate, la bêtaméthasone valérate et labêtaméthasone dipropionate.Certains testent systématiquement les représentants des troispremières classes pour ne pas passer à côté d’un tel diagnostic. Ilfaut savoir que ce sont des tests qui donnent un érythèmeréactionnel sans signification à 48-72 heures et qu’ils ne se positiventque tardivement, vers le quatrième jusqu’au septième jour, étantdonné le caractère anti-inflammatoire intrinsèque descorticostéroïdes ! Des lectures tardives s’imposent donc. Lasensibilisation par voie topique entraîne dans un certain nombre decas une sensibilisation locale et/ou systémique à la classe dont lamolécule fait partie.

SÉRIE DU FRAGRANCE MIX

Le fragrance mix comporte huit substances différentes très présentesdans l’industrie du parfum (cf supra). Pour faciliter labiodisponibilité de ces substances, on y a adjoint du sorbitansesquioléate. En cas de positivité du fragrance mix, il convient des’assurer de la négativité de ce test. L’identification des autrescomposants peut paraître inutile puisque les parfumeurs ne sont pastenus de mentionner la composition de leurs parfums mais, danscertains cas, cela peut s’avérer utile. Par exemple, l’eugénol est plusspécifiquement utilisé en dentisterie et peut donner lieu à desréactions croisées avec l’isoeugénol également utilisé en dentisterie ;la mousse de chêne s’utilise comme fixateur de parfums, presqueexclusivement dans les gammes de produits pour hommes.

SÉRIE DES FILTRES SOLAIRES

Les filtres solaires protègent du rayonnement ultraviolet enabsorbant l’énergie lumineuse qui modifie alors la molécule. Ceciles différencie donc des pigments minéraux dont le mécanisme

photoprotecteur principal est basé sur la réfraction du rayonnement.Les séries d’écrans proposées actuellement comportent lessubstances admises lorsque leur rôle est de protéger la peau(tableau XI). Les écrans peuvent cependant aussi être utilisés pourprotéger le produit fini d’une photodégradation. C’est ainsi que l’onpeut trouver des filtres solaires dans des parfums [12], desdéodorants, des plastiques et autres produits industriels. Il y aquelques années, l’oxybenzone (benzophénone-3) a beaucoup faitparler d’elle non seulement dans les crèmes solaires, mais aussi dansles crèmes antirides, par exemple.L’acide para-aminobenzoïque, fort utilisé aux États-Unis, l’estbeaucoup plus rarement chez nous. Une allergie croisée est possibleavec la paraphénylènediamine.

SÉRIE DES HUILES INDUSTRIELLES

On distingue essentiellement deux types d’huiles, les huilesminérales (neat oil) et les huiles solubles (eaux blanches). Ces huilespeuvent servir de lubrifiants, de liquides de coupe ou de liquides derefroidissement. Le principal reproche fait aux huiles minérales étaitqu’elles provoquaient de l’acné là où elles imprégnaient la peau. Leshuiles solubles, en revanche, sont plus facilement irritantes. Étantdonné leur phase aqueuse, des conservateurs sont nécessaires etpeuvent être à l’origine de réactions allergiques. Les huiles peuventêtre testées elles-mêmes. Pour les eaux blanches (huiles solublesdiluées), la concentration en conservateur risque d’être très faible etil vaudrait mieux les tester telles quelles pour autant que le pH lepermette.

SÉRIE MÉDICAMENTEUSE

Elles sont assez rarement utiles telles quelles et doivent être adaptéesselon l’anamnèse. Ce sont principalement les topiques qui sontretenus ici. On peut citer par exemple la gentamycine, laframycétine, la virginiamycine, l’érythromycine, le minoxidil (fig 13),l’iode, le chloramphénicol, la chloramine, l’hexamidine, laméphénésine, les anesthésiques locaux, les anti-inflammatoireslocaux, etc (fig 14). Lorsque des tests sont réalisés chez desinfirmières, par exemple, les substances sont choisies d’après ce quela patiente manipule réellement. Ces toutes dernières années, lepropacétamol (Prodafalgant) a provoqué un certain nombred’allergies professionnelles chez les infirmières qui en manipulaientles flacons [2] (fig 15). Les antibiotiques doivent aussi retenir notreattention. Lorsque de nouvelles allergies sont détectées, il est utiled’en faire la déclaration au Centre de pharmacovigilance afin depermettre la prise de mesures adéquates. Celles-ci ne consistent pas

Tableau XI. – Série de filtres solaires.

Ancienne(s) nomenclature(s) Nomenclature INCI (InternationalNomenclature of Cosmetic Ingredients)

Acide 2-phényl-5-benzimidazolsulfonique

Acide phényl-5-benzimidazolsulfonique

4-Tert-butyl-4’-méthoxydibenzoylméthane

Butyl méthoxydibenzoylméthane

Acide p-aminobenzoïque PABA

2-Ethylhexyl-p-diméthylaminobenzoate Octyl diméthyl PABA

2-Ethylhexyl-p-méthoxycinnamate Octyl méthoxycinnamate

3-4 Méthylbenzylidène camphre Méthylbenzylidène camphre

Oxybenzone Benzophénone-3

Isoamyl-p-méthoxycinnamate Isoamyl-p-méthoxycinnamate

Acide 2-hydroxy-4-méthoxybenzophénone-5-sulfonique,sulisobenzone

Benzophénone-4

4-Isopropyl-dibenzoylméthane Isopropyldibenzoyleméthane

Mexénone Benzophénone-10

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nécessairement à supprimer la molécule. Une meilleure utilisationou une transformation de celle-ci suffit parfois.

SÉRIE DE PESTICIDES

Cette série peut être utile chez les agriculteurs, les viticulteurs, lesjardiniers professionnels ou amateurs. Certaines substances sont descarbamates, des dérivés thiurame ou mercaptobenzothiazole etpeuvent donner lieu à des réactions croisées dans la batteriestandard ou la batterie des caoutchoucs. Les dérivés du pyrèthrepeuvent donner lieu à des réactions croisées avec certaines lactonessesquiterpéniques.

SÉRIE DE PHOTOGRAPHIE

Un certain nombre de substances, plus particulièrement dans laphotographie couleur, peuvent donner des réactionseczématiformes, voire lichénoïdes.

AUTRES SÉRIES

On peut varier à l’infini des séries comme des séries de plantes, dechaussures, de colorants et d’apprêts textiles.

Allergie de contact se présentantautrement que par un eczéma

LÉSIONS ÉVOCATRICES D’ÉRYTHÈME POLYMORPHE [10, 17]

Certaines substances peuvent déclencher une réaction de contactapparentée à l’érythème polymorphe. Les lésions en « cocarde » sontcependant généralement incomplètes avec une nécrose centralesouvent absente. Ceci a été décrit pour certaines plantes(Toxicodendron radicans ou poison ivy), pour des médicaments(sulfonamides, prométhazine, méphénésine), pour le formaldéhyde,l’oxybenzone, etc.

DERMATITE LICHÉNOÏDE DE CONTACT [4]

Des produits de développement photographique pour films couleurde même que la paraphénylènediamine ont été incriminés dans cegenre de lésions. Celles-ci se développent dans la zone du contactavec le produit. L’histologie peut, soit être celle d’un eczéma decontact (spongiose), soit être plutôt celle d’un lichen plan ou encoreêtre mixte. D’autres substances ont aussi été à l’origine de tellesmanifestations.

ECZÉMA DE CONTACT LYMPHOMATOÏDE

Les lésions sont, dans ce cas, fort infiltrées et évoquent unlymphome et même l’histologie confirme cette impression.Cependant, on note un test épicutané positif pertinent et son évictionavec administration de corticoïdes permet la guérison. Ceci a étédécrit pour les colorants azoïques, les lactones sesquiterpéniques, lemercaptobenzothiazole et quelques autres allergènes.

Traitement des eczémas allergiques

Il est évident que la connaissance de l’allergène en cause estprimordiale puisqu’une éviction aussi complète que possible decelui-ci est, en règle générale, indispensable.

ECZÉMA AIGU

Il convient avant tout d’éliminer la substance allergisante de la peaupar rinçage. Il faut cependant garder à l’esprit que le contact a eulieu 2 ou 3 jours plus tôt, voire plus lors d’une primosensibilisation.Au stade suintant de l’eczéma, ce sont les bains ou les compresseshumides qui soulagent le mieux le patient. Classiquement, onprescrit des solutions diluées d’eau de Dalibour. L’eau boriquée estparfois utilisée. Lorsque la réaction est très intense, il est classiqued’avoir recours aux corticostéroïdes par voie générale.L’administration orale est toujours préférée puisqu’elle permet unmeilleur contrôle de la durée du traitement. Une dose oralemoyenne serait de 20 mg de prednisolone ou équivalent parexemple.Lorsque l’eczéma s’assèche quelque peu, on prescrit une crèmecorticoïde. Selon l’intensité de la réaction, un corticoïde de classemoyenne, forte ou très forte sera prescrit pour une durée d’environ1 semaine. Parfois le traitement devra être beaucoup plus long.

ECZÉMA CHRONIQUE

Lorsqu’un eczéma chronique subsiste, les onguents cortisonésremplacent avantageusement les crèmes.

IDENTIFICATION DE L’ALLERGÈNE

La réalisation de tests épicutanés s’impose avec, non seulement, labatterie standard mais également des séries de tests plus précises,orientées selon l’anamnèse.Il peut être nécessaire d’y associer des prick tests lors d’unesuspicion de dermatite de contact aux protéines.

13 Allergie de contact au minoxidil appli-qué sur le cuir chevelu. Les coulées du pro-duit expliquent la localisation rétro-auriculaire.

14 Dermatite de contact au Kétumt (ké-toprofène gel) appliqué pour une épi-condylite.

15 Dermatite de contactaéroportée au Prodafalgant(propacétamol).

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L’anamnèse doit surtout porter sur les activités récentes,professionnelles, occasionnelles, récréatives, sur les produitsd’hygiène et de cosmétologie.Il faut aussi tester les produits suspects utilisés par le patient en lesdiluant de façon appropriée pour éviter des réactions d’irritationintempestives.

CONSEILS

Une fois la recherche de pertinence effectuée, il s’agit d’expliquer aupatient les sources possibles des différents allergènes. Selon leurnature, leur éviction est plus ou moins drastique. Des feuilletsreprenant les sources principales peuvent s’avérer utiles pour autantqu’ils soient accompagnés d’explications adaptées au patient et aumode de présentation de son eczéma de contact.

ÉVICTION

Selon l’allergène, l’éviction est parfois très facile ou, au contraire trèsdifficile. La difficulté peut provenir de l’ubiquité de la substance oude la spécificité de la tâche professionnelle accomplie, par exemple.Dans certains cas, une protection peut être envisagée. Il peut s’agirde gants, de vêtements de protection, de hottes aspirantes.En ce qui concerne les gants, ceux-ci doivent être adaptés à la tâche,tant quant à leur résistance mécanique que chimique. Le glycéryl

monothioglycolate utilisé par les coiffeurs traverse aisément les gantsde PVC (vinyle) ou de latex. Ils peuvent donner un faux sentiment deprotection. Il en va de même pour les acrylates manipulés, entreautres, par les dentistes. Pour ces substances, les gants de nitrile (sanslatex ni thiurames ni cabamates) peuvent être utiles pour autant qu’ilssoient rapidement changés, surtout s’il y a une contamination.En ce qui concerne les cosmétiques, une directive européennerécente [6] oblige les fabricants à noter la composition des produits surles emballages depuis le premier janvier 1997. Cela facilite doncgrandement les conseils de prévention et leur application par lespatients.

Prévention

La prévention est évidemment essentielle dans tous les domainesmais elle s’inscrit tout particulièrement dans le milieu professionnel.Elle peut faire appel à des protections de type vestimentaire (gantsadaptés aux types de produits manipulés et aux types de tâchesaccomplies, vêtements, lunettes, masques, bottes, etc). Il peut s’agirde crèmes barrières, d’agents de chélation [11], de ventilationadéquate, de hottes d’aspiration.Il peut aussi s’agir d’automatisation de manipulation, deremplacement de substances allergéniques par d’autres moinsallergisantes.

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