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DÉNATIONALISATIONS : MODE D'EMPLOI

Jean-Maxime Lévêque

DÉNATIONALISATIONS : MODE D'EMPLOI

Albin Michel

(Ç) Éditions Albin Michel S.A., 1985 22, rue Huyghens, 75014 Paris

ISBN 2-226-02451-4

Préface

Il y a longtemps que j'appelle les Français à une réflexion sur la question des nationalisations. Mes nom- breuses prises de position avant 1981 et m o n action publi- que de ces dernières années en témoignent.

Jusqu 'à une époque récente, j'étais écouté avec agace- ment par les uns, avec sympathie par les autres, mais le plus souvent avec u n é tonnement teinté de scepticisme. La question était-elle si importante pour qu 'on en débatte avec une telle obstination? De toute façon, l'affaire n'était-elle pas en tendue? Le mouvement en faveur des nationalisations n'était-il pas irréversible ?

Aujourd'hui, c'est la dénationalisation qui est en train de devenir une affaire entendue.

Tous les Français savent que, lorsque la majorité chan- gera, en 1986, le nouveau gouvernement sera amené à dénationaliser plus ou moins largement. A l 'étranger, en Grande-Bretagne, au Japon, au Canada, en Allemagne fédérale, en Italie et même dans les pays de l'Est, comme en Hongrie, le mouvement dénationalisateur s 'étend de semaine en semaine et prouve qu'il est possible de faire reculer l 'État tout en enrichissant les citoyens.

Cette désétatisation — dont l 'étendue varie, il est vrai, d ' un parti à l 'autre, d ' un leader à l 'autre et même d ' u n discours à l 'autre ! — est maintenant présente dans toutes

les déclarations d'intention de l'opposition. Les socialistes eux-mêmes, doutant subitement de l'utilité des nationali- sations menées en 1982, tentent d'enfourcher ce nouveau thème « porteur » du débat politique. Dénationaliser ? « Si l'État estime que, cas par cas, il peut le faire, éven- tuellement parce qu'il aurait besoin d'argent pour investir ailleurs, pourquoi pas ? » se demande Édith Cresson, ministre socialiste du Redéploiement industriel et du Commerce extérieur, dont on sait qu'elle dit souvent tout haut ce que le président de la République pense tout bas. « Ce n'est plus un problème tabou », laissent filtrer dans la presse les conseillers du Premier ministre, qui autori- sent certains grands groupes nationalisés à céder une par- tie du capital de leurs filiales à des actionnaires privés. Dans les milieux socialistes et dans l'administration, on appelle cela la « respiration du secteur public ». Ceux qui ont étouffé l'économie française lui tendent aujourd'hui un masque à oxygène.

La cause paraît maintenant presque acquise. C'est pré- cisément ce qui commence à devenir inquiétant. La classe politique n'est-elle pas en train, une fois de plus, de se livrer à son jeu favori : se jeter des grands mots et des grands principes à la figure, sans trop se demander ce qu'ils recouvrent, l'essentiel étant qu'ils plaisent au public? L'idée de dénationalisation grimpe vite au hit- parade des valeurs politiques. Du moment que le mot a le vent en poupe, l'important est de le chiper à l'adversaire ou au concurrent, de peur qu'il ne se l'approprie et qu'il en profite pour accroître sa popularité.

Passons sur l'inconséquence et l'irresponsabilité des dirigeants socialistes, prêts à tout pour prolonger leur sur- vie politique. Voyons plutôt du côté de ceux qui prépa- rent le redressement français. Malheureusement, dès que les responsables des partis politiques de l'opposition ont à donner des précisions sur leurs intentions en matière de dénationalisation, ils ont pour première réaction de dire qu'il ne faudra pas trop se presser : « Comme ce sera très

difficile, dénationaliser prendra beaucoup de temps. » Pour les uns, il faudra compter cinq ans (le temps d'une législature). Pour d'autres, plus longtemps encore. Pour certains autres, il faudra même limiter ces dénationalisa- tions à la privatisation de quelques banques, comme, par exemple, le Crédit commercial de France...

Si je suis personnellement flatté par cette option, qui résonne comme un écho du combat que je mène depuis toujours, j'estime pourtant que c'est une ambition bien courte quand on entend arracher la France à l'ornière socialiste dans laquelle elle s'est enlisée.

On me disait autrefois (ce n'est d'ailleurs pas si vieux !) : « Les nationalisations ? Ce n'est pas grave. En plus, les Français sont pour : il est donc inutile de se battre contre. »

J'entends dire aujourd'hui : « Les dénationalisations ? Plus personne n'est vraiment contre, et il est donc inutile d'en trop parler. En plus, on ne voit pas qui pourra ache- ter les entreprises à dénationaliser. De toute manière, dénationalisation ou non, qu'est-ce que ça changera ? » Ces propos désabusés montrent qu'il y a encore beaucoup à faire pour dessiller les yeux des milieux que l'on dit pourtant « éclairés ».

La question de la dénationalisation est au cœur du débat pour l'après-1986. C'est la dénationalisation qui permettra de rompre avec le mouvement d'étatisation qui, depuis un demi-siècle, s'étend progressivement à presque tous les secteurs de la société française. C'est la dénationalisation qui provoquera, chez les Français, l'élan de confiance et la mobilisation des énergies nécessaires à tout effort de redressement. C'est la dénationalisation qui fera découvrir aux Français le rôle essentiel du capital dans l'économie d'un pays libre et qui leur fera saisir la possibilité qu'ils ont de participer eux-mêmes au capital et au contrôle des entreprises.

Ce qui est surprenant et profondément inquiétant, dans le cas de la France, c'est qu'elle se soit engagée

depuis si longtemps dans ce mouvement continuel d'étati- sation, comme s'il était par nature irréversible. Toutes les activités du pays sont, d'étape en étape, placées sous la dépendance directe de l'État. La véritable richesse du pays, c'est-à-dire le capital des entreprises, est progressi- vement confisquée par l'État. Les Français deviennent pauvres face à un État qui, lui, accumule les richesses et qui leur prend tout sans jamais rien leur rendre. Ils deviennent de plus en plus dépendants d'une énorme organisation anonyme, irresponsable, impuissante et dis- pendieuse qui, finalement, se sert d'eux plus qu'elle ne les sert : ils sont devenus les esclaves de ce « monstre froid » qu'est devenu l'État, selon le mot de Nietzsche que rap- pelait un jour François Mitterrand, lui-même un connais- seur.

Les gouvernements dits « modérés » ou « libéraux » ont une lourde responsabilité dans cette évolution : depuis longtemps, ils n'ont jamais fait autre chose que de conso- lider ou de prolonger les « avancées » socialistes et com- munistes.

Au cours des cinquante dernières années, notre pays a connu trois vagues de fièvre socialiste: 1936, 1945 et 1981. Chacune de ces poussées a été marquée par une série de nationalisations. Les gouvernements non socia- listes qui ont succédé aux deux premières expériences n'ont jamais osé remettre en cause ces nationalisations, et ils se sont parfaitement accommodés de cet héritage, chaussant avec une certaine délectation les bottes laissées par leurs prédécesseurs, intervenant allégrement dans la gestion des entreprises publiques, y plaçant leurs hommes et les favorisant systématiquement au détriment des entreprises privées. Mieux encore ! Ces gouvernements, pourtant élus au nom du libéralisme, ont mené une politi- que de nationalisations rampantes, élargissant subreptice- ment le champ de l'étatisation par la création de nouvelles sociétés d'État ou par la prolifération des filiales de socié- tés déjà nationalisées...

Quand des responsables politiques s'affirmant libéraux ne mettent pas en œuvre une politique libérale et qu'ils se contentent de gérer les « acquis » de leurs prédécesseurs socialistes ou sociaux-démocrates, ils créent une spirale étatisante dont ils ne peuvent être que les premières vic- times. Les règles de la compétition politique obligent alors leurs adversaires socialistes à en rajouter dans le domaine des nationalisations comme dans les autres domaines. Pire : une gestion socialisante menée par une équipe libérale conduit à accréditer le principe même de la nationalisation et à le rendre presque banal. Les psy- chologues ont parfaitement analysé cette évolution : c'est le consensus d'entraînement mutuel. Il se crée ainsi un sentiment artificiel d'adhésion générale à un mirage. C'est l'autoroute politique, à quatre voies mais à sens unique : le droit de péage, lui, reste toujours à la charge du citoyen.

Ainsi, aujourd'hui, plus personne ne s'indigne que la Régie Renault ait finalement coûté, pour la seule année 1984, plus de 12 milliards de francs à l'ensemble des Français. Chaque famille française aura pourtant à sup- porter une charge de 700 F pour permettre à Renault de survivre, d'une manière ou d'une autre. Tout le monde trouve en même temps normal que Peugeot, qui est une entreprise privée, ait été, au contraire, condamnée à se débrouiller par ses propres moyens pour sortir de la crise, ce qu'elle parvient d'ailleurs à faire. Ainsi payons-nous (et continuerons-nous à payer en 1985, car aucune entreprise ne peut rétablir en un an une situation aussi obérée que celle-là) trente années de consensus d'entraînement mutuel sur le cas de la « Régie ». Ce ne sont pas les hommes de Renault qui sont en cause : c'est un système, celui que, précisément, aucun homme politique, sous la IVe ou la Ve République, n'a encore osé remettre en cause.

Sur la base de ce faux consensus, l'art de gouverner se réduit vite à l'art de gérer l'État au jour le jour, sans se sou- cier de l'avenir qui guette le pays.

A ce jeu, les libéraux sont toujours perdants. Les socia- listes, eux, sont au moins logiques avec leurs propres principes : à trop laisser croire que la nationalisation était l'horizon obligatoire de l'économie française, les libéraux ont fini par rendre crédible, voire attrayante, l'alternance socialiste. Tant qu'à déguster un plat politique dont tout le monde se met à vanter les mérites, on préfère qu'il soit confectionné par le chef plutôt que par ses gâte-sauce. Une fois l'alternance réalisée, comme ce fut le cas en 1981, les socialistes sont bien obligés de justifier leur « différence ». Ils en rajoutent encore sur les nationalisa- tions précédentes et ils franchissent une nouvelle étape dans l'extension des pouvoirs de l'État. Le système politi- que a fonctionné à sens unique : la passivité des uns a nourri les prétentions des autres. Les Français, eux, sont toujours perdants.

Entre la peur du qu'en-dira-t-on socialiste, qui paralysait les « libéraux » et la surenchère étatisante qui agitait les socialistes, la France n'a cessé de glisser sur la pente d'une intervention toujours plus poussée — et en apparence inexorable — de l'État dans les affaires économiques, et d'une « déresponsabilisation » de plus en plus accentuée des Français eux-mêmes.

Cette logique fait que le secteur étatisé français est aujourd'hui le plus important parmi ceux des pays du monde libre. Nous sommes le seul de ces pays dans lequel la quasi-totalité du système bancaire et financier, les plus importantes compagnies d'assurances et plus du tiers de l'industrie sont placés sous la coupe directe de l'État. Sans parler du verrouillage étatique presque total de notre sys- tème de communication et d'information. Directement ou indirectement, près d'un Français sur deux travaille aujourd'hui pour l'État et pour son réseau de filiales. Parmi les économies d'un niveau comparable au nôtre, on ne voit guère que l'Union soviétique pour nous disputer la palme de l'étatisation. Il n'y a pas de quoi se glorifier de ce rang, qui n'est certes pas une place d'honneur...

Après des décennies de socialisme rampant, quatre années de socialisme triomphant ont remis quelques idées en place dans le domaine économique et politique. Pour ce qui est du tout-État, les Français en sont au stade de l'overdose. Pour ce qui est du socialisme, qui les a fait « planer » pendant des années, ils ont cessé de rêver. L'atterrissage a été pénible : on ne les y reprendra plus de sitôt.

1986 est ainsi une échéance capitale, qui doit permettre à la France d'entamer une cure de désintoxication écono- mique et politique. L'effondrement des valeurs socialistes offre une occasion de rompre définitivement avec le cer- cle vicieux de l'étatisation. La redécouverte par les Fran- çais des valeurs de liberté, d'initiative et de responsabilité constitue une chance historique qu'il faut saisir. Menons donc à bien, hardiment et fermement, la libération du plus grand nombre possible d'entreprises aujourd'hui contrôlées par l'État.

Il ne s'agit pas ici de phraséologie politique, de lyrisme oppositionnel ou d'envolées préélectorales. La politique de dénationalisations n'est pas une question subsidiaire dans le débat sur l'alternance au socialisme. Ce n'est pas non plus un gadget de marketing politique. C'est un des pivots essentiels du sursaut et du redressement néces- saires à notre pays. C'est un problème qui doit faire l'objet d'un examen approfondi à l'intérieur de l'opposition et de prises de positions tranchées entre opposition et majorité. Il faut que les enjeux soient clairs pour que les Français soient convaincus et qu'ils puissent se déterminer en pleine connaissance de cause.

Une réflexion attentive sur les exemples étrangers et différentes études menées en France à mon initiative par plusieurs groupes de travail m'ont amené à conclure que les dénationalisations pouvaient être conduites rapide- ment, massivement et profitablement pour tous les Français.

La politique de restitution au secteur privé d'activités qui n'auraient jamais dû se retrouver sous la dépendance

de l'État n'est pas une simple opération d'assainissement financier et de bonne gestion. Ce serait déjà bien si, grâce aux dénationalisations, les finances du pays étaient en meilleur état et si la gestion des grandes entreprises fran- çaises devenait plus saine et plus dynamique. Mais l'enjeu véritable est d'une tout autre dimension.

Les dénationalisations doivent être considérées comme le principe fondateur d'une véritable révolution sociale: elles sont l'occasion d'engager les Français sur la voie nouvelle d'un capitalisme beaucoup plus dynamique que ce que nous avons jamais connu. D'un capitalisme enfin soucieux de les associer, quels que soient leur niveau de fortune ou leur situation sociale, à son développement et à sa réussite. C'est l'occasion de fonder enfin une société de responsabilité, de liberté et de prospérité.

La sous-information économique des Français, que vient renforcer la désinformation organisée par un ensei- gnement largement influencé par le marxisme, s'avère ici dramatique. Les Français ne se rendent plus clairement compte qu'il existe, à travers le monde, deux grands modèles d'organisation des activités économiques et des rapports sociaux: d'un côté, le modèle américain, de l'autre, le modèle soviétique.

Aux États-Unis, le capitalisme est le principe sur lequel se fonde l'organisation de l'économie et de la société. L'État n'est jamais, ou presque jamais, propriétaire de cette richesse moderne qu'est le capital engagé dans les activités de production : ce capital appartient à tous les citoyens. Il leur appartient directement ou il leur appar- tient indirectement, à travers les organismes financiers, toujours privés, qui se chargent du placement de l'épargne ou de la constitution des retraites : ces orga- nismes sont tous placés sous le contrôle des bénéficiaires et ils sont toujours soumis à une concurrence perma- nente, tout en restant totalement indépendants de l'État et du pouvoir politique. Chaque citoyen et chaque citoyenne des États-Unis détient de la sorte une part de la

richesse économique nationale et un droit de regard sur son évolution. Les entreprises américaines sont ainsi condamnées à la réussite, car elles sont assujetties en per- manence au contrôle de leurs actionnaires, à qui elles doi- vent rendre compte, à tout moment. Les citoyens améri- cains sont directement intéressés à leur réussite et ils s'organisent librement pour exercer leur droit de regard.

L'État américain, évitant de confondre action politique et gestion économique, peut ainsi se consacrer à ses res- ponsabilités souveraines. C'est la clé du succès des entre- prises américaines et de l'État américain depuis les ori- gines de cette nation, qui est parvenue à conjuguer harmo- nieusement liberté individuelle, prospérité économique et respect de l'Etat.

A l'opposé, dans le modèle soviétique, l'État est pro- priétaire de toutes les entreprises du pays, dont il assure la gestion. Le citoyen soviétique n'a aucun droit de pro- priété, ni aucun moyen de contrôle sur le capital engagé dans la production. Pour cette raison, il se trouve privé à la fois de toute initiative, de toute responsabilité et de toute liberté. On l'a rendu étranger à son propre destin. L'État a ainsi sur chaque citoyen un véritable droit de vie et de mort. C'est particulièrement vrai sur le plan écono- mique, puisqu'il distribue le travail à chacun, en fonction de ses critères, auxquels la politique est loin d'être étran- gère. C'est aussi vrai sur le plan financier, puisqu'il est impossible, pour chaque citoyen, de se constituer légale- ment un patrimoine, tant pour lui-même que pour ses enfants. Quant aux entreprises soviétiques, elles ne connaissent pas la compétition et elles ne subissent d'autres contrôles que ceux qu'exerce sur elles une admi- nistration politisée, incompétente et le plus souvent vénale.

Cette organisation contraignante et, naturellement, décourageante explique que l'Union soviétique n'ait jamais assuré à ses citoyens ni la prospérité économique ni les libertés considérées comme élémentaires dans le reste

du monde développé. L'État soviétique, lui, est redouté, mais il n'est pas respecté, car il n'est pas respectable.

L'étatisation progressive de la France nous éloigne, année après année, du modèle américain pour nous rappro- cher toujours un peu plus de l'exemple soviétique. Cette évolution, imperceptible tout d'abord, est de plus en plus sensible au fur et à mesure qu'elle apparaît comme irréversi- ble. Au-delà d'une certaine limite, la logique du tout-État est implacable. La « société mixte » mi-étatique, mi-capita- liste, devenue soudainement si chère aux conseillers du pré- sident de la République parce qu'elle leur paraît une porte de sortie honorable après l'échec du « socialisme à la fran- çaise », constitue un leurre : c'est, en réalité, un état instable et par conséquent transitoire, dans lequel le secteur public pèse déjà d'un poids si lourd que le secteur privé, qui doit finalement en supporter le coût, est à la longue condamné.

Le spectaculaire raidissement antisocialiste des Fran- çais est à considérer sous son double aspect. C'est le réflexe d'autodéfense d'un peuple épris de liberté, qui sent se dérober sous lui le sol familier d'une société res- pectueuse de ses citoyens. C'est aussi un indicateur de la santé profonde d'une nation, dont les créateurs et les entrepreneurs cherchent à se dégager de l'anesthésie dans laquelle les avait plongés un demi-siècle d'interventions étatiques et de règlements étouffants.

C'est dans cette double perspective qu'il convient d'engager une dénationalisation aussi complète que possi- ble de notre économie. Il ne s'agit pas seulement de gérer mieux les principales entreprises de notre pays. Il s'agit essentiellement de réformer en profondeur les rapports qu'entretiennent les Français avec les entreprises qui créent et développent les richesses, et, du même coup, les rapports qu'ils entretiennent entre eux, et avec l'État. Les Français ne doivent plus être écartés de cette responsabi- lité essentielle du monde moderne : la responsabilité éco- nomique. Ils ne doivent plus être dépouillés de leur patri- moine économique.

Jusqu'à ces dernières années, une cloison étanche — née des conditions particulières de notre décollage écono- mique, au siècle dernier — séparait le monde de la pro- duction entre employeurs détenteurs du capital et employés prolétaires. D'un côté, l'argent (le « gros » capi- taliste à cigare, huit-reflets enfoncé sur le crâne). De l'autre, le travail (le « petit » ouvrier en salopette, cas- quette vissée sur le front). Même si elle est largement mythique et si elle date historiquement, la caricature était commode. Elle a fait les choux gras de la propagande communiste et socialiste, car elle maintenait les « travail- leurs » dans un état d'irresponsabilité chronique : il était ainsi plus facile de se proposer pour assurer leur défense...

Aujourd'hui, les Français sont devenus adultes : ils ne se laissent plus aussi facilement circonvenir par ce terro- risme intellectuel, qui ne peut plus dissimuler, malgré tous ses efforts, l'incroyable échec du socialisme à travers le monde. Quelques exemples opposés, notamment amé- ricains ou allemands, ont amené les Français à réfléchir. On ne peut plus leur cacher que la « lutte des classes », dogme fondamental du Parti socialiste — le président de la République la glorifiait encore en 1983 — et du Parti communiste, « paye » finalement moins qu'une coopéra- tion intelligente entre direction et employés, partenaires et non adversaires, pareillement concernés par la bonne marche et par la réussite de leur entreprise. Après deux siècles de progrès économique, l'histoire a tranché : le modèle capitaliste est le seul qui demeure capable de pro- curer et de garantir aux hommes à la fois la liberté et la prospérité. Les Français ne s'y trompent pas et, à la bourse des valeurs intellectuelles, les mots « capita- lisme », « profit », « entreprise » ou « libéralisme » sont joués tous les jours à la hausse par l'opinion. Ce que les citoyens souhaitent, c'est que le capitalisme ne soit pas limité à quelques-uns, mais soit largement ouvert à tous.

Un capitalisme moderne doit aujourd'hui impliquer tous les acteurs de la chaîne économique dans la réussite

l ' introduction des actions de nouvelles entreprises sur le marché boursier peut se faire selon le mécanisme des offres publiques de vente.

Portefeuilles « Monory » : la loi « Monory », du nom de M. René Monory, ancien ministre de l 'Économie et des Finances, a été la première loi à prévoir des incitations fis- cales à l 'acquisition d'actions par les particuliers ; les porte- feuilles « Monory » sont les portefeuilles d'actions déte- nues par ces particuliers dans le cadre de cette loi.

Provisions : une banque, et, plus généralement, une entreprise, qui craignent de ne pas être remboursées par un débiteur doivent en tenir compte dans leur bilan ; elles doivent donc diminuer la valeur de leur créance sur ce débi teur en fai-

sant une provision, en la prélevant sur leur bénéfice, qui s'en trouve diminué d 'autant ; si le bénéfice est insuffisant, le solde de la provision à faire doit être prélevé sur les fonds propres ; pour les banques, l 'évaluation des provi- sions à faire chaque année constitue une décision très importante ; une banque dont les provisions sont insuffi- santes est dans une situation très dangereuse.

Rapport prix-bénéfices (PER) : c'est le rapport entre le cours d 'une action en bourse et le bénéfice par action (« price earning ratio »).

Rentabilité du capital d 'une entreprise : rapport entre le montan t du capital d 'une entreprise et le bénéfice.

S ICOVAM : société dont les actionnaires sont les banques et qui assure la compensation entre les banques et les inter- médiaires financiers des achats et des ventes de titres au

porteur que ceux-ci font pour le compte de leurs clients ; elle centralise tous les jours la position de chaque intermé- diaire et assure les transferts de titres entre les intermé- diaires.

Société holding / société dont le seul rôle consiste à posséder des actions d 'autres sociétés pour les contrôler.

Taux de retour (ROI) : c'est le rapport entre le montan t du capi- tal d 'une entreprise et le profit que ses propriétaires ou ses actionnaires en tirent, soit sous forme de dividendes, soit sous forme de plus-values. (Return on investment.)

Titres participatifs et certificats d'investissement : les entreprises nationalisées ne pouvant obtenir d 'augmentat ions de capi-

tal de l 'État actionnaire ont ob tenu l 'autorisation d 'émettre

auprès d u public des titres qui donnen t droit à une partici- pat ion aux bénéfices (titres participatifs) ou même à une sorte de droit de propriété sur les actifs de l 'entreprise (cer- tificats d'investissement).