DEMONT La Psychologie

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Ce document est la propriété exclusive de virginie lacan ([email protected]) - 09-02-2012 Elisabeth Demont La PSYCHOLOGIE P e t i t e b i b l i o t q u e d e S c i e n c e s H u m a i n e s Histoire Concepts Méthodes Expériences

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Histoire, concepts, méthodes et expériences

Transcript of DEMONT La Psychologie

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    Maquette couverture et intrieur : Isabelle Mouton.

    Diffusion : SeuilDistribution : Volumen

    En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de

    reproduire intgralement ou partiellement, par photocopie ou tout autre moyen,

    le prsent ouvrage sans autorisation de

    lditeur ou du Centre franais du droit de copie.

    Sciences Humaines ditions, 200938, rue Rantheaume

    BP 256, 89004 Auxerre CedexTl. : 03 86 72 07 00/Fax : 03 86 52 53 26

    ISBN = 978-2-912601-76-6

    Retrouvez nos ouvrages sur

    www.scienceshumaines.comwww.editions.scienceshumaines.com

    9782361061722

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    LA PSYCHOLOGIEHistoire, Concepts, Mthodes, Expriences

    Elisabeth DemontProfesseur de psychologie du dveloppement

    l'Universit de Strasbourg

    La Petite Bibliothque de Sciences HumainesUne collection dirige par Vronique Bedin

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    Les mots-cls de la psychologie sont expliqus la in de cet ouvrage.

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    Introduction

    QUEST-CE QUE LA PSYCHOLOGIE ?

    Chacun dentre nous peut avoir limpression, un moment ou un autre, dtre psychologue. Quel in psychologue tu es ! ou au contraire Quest-ce que tu peux manquer de psychologie ! sont des expressions que nous avons tous entendues ou employes un jour ou lautre. tre psychologue signiie, dans cette acception commune, possder certaines qualits personnelles telles que lempathie et la comprhension des autres ; a contrario, un individu ne prsentant pas de telles capacits manquerait de psychologie . Cette impression de familiarit avec la psychologie est renforce par le fait quaujourdhui les psychologues sont de plus en plus sollicits par la socit que ce soit pour aider un enfant en diicult, intervenir dans le cadre de cellules daide psychologique lors dvnements dramatiques ou encore pour coacher des chefs dentreprise . Pourtant la psychologie, en tant que discipline scientiique, reste encore largement mconnue. Ceux qui lexercent doivent acqurir une formation universitaire solide sanctionne par des diplmes prcis et respecter des rgles dinies par un code de dontologie. Le but de cet ouvrage est de dinir les contours thoriques et scientiiques dune discipline trs diversiie et en constante volution.

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    Une psychologie ou des psychologies ?

    tymologiquement, psychologie signiie science de lme : du grec psych (me) et logos (discours, science). Classiquement, la psychologie est donc dinie comme la science des faits psychiques (Dictionnaire usuel de psychologie, Bordas). Des approches plus prcises la dinissent comme ltude scientiique des faits psychiques, la connaissance empirique ou intuitive des sentiments, des ides, des comportements dautrui et des siens, lensemble des manires de penser, de sentir, dagir qui caractrisent une personne, un animal, un groupe, un personnage 1. La Socit franaise de psychologie2 insiste, quant elle, sur laspect exprimental et scientiique la fois, dune science qui a pour but de comprendre la structure et le fonctionnement de lactivit mentale et des comportements associs. Comme dans toute science, les connaissances psychologiques sont tablies au moyen dobservations et dexprimentations . De faon gnrale, la psychologie peut donc tre dinie comme ltude scientiique du comportement des individus et de leurs processus mentaux. La psychologie est plus diicile que la physique ! aurait dit Einstein Jean Piaget : boutade ou ralit ? linstar des autres disciplines scientiiques, la psychologie ncessite non seulement des connaissances thoriques prcises mais galement une grande rigueur mthodologique. Cependant, contrairement dautres sciences, la psychologie exige galement certaines qualits personnelles. En efet, comment sintresser au fonctionnement des tres humains et comprendre leur comportement si on nprouve ni empathie ni respect pour autrui et si lon ne possde pas soi-mme un quilibre psychique et une ouverture desprit certaine ? Devenir psychologue, au sens professionnel du terme, suppose donc la fois des dispositions personnelles mais aussi une formation spciique complexe.

    1- Wikipedia.2- Site de la Socit franaise de psychologie : http://www.sfpsy.org

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    Introduction

    Quest-ce quun psychologue ?

    Un psychologue est susceptible dexercer dans des secteurs professionnels trs varis (sant, ducation, travail, recherche). Cependant, quel que soit le secteur o il volue, il doit avoir suivi un cursus universitaire (de niveau bac + 5) organis dsormais3 en deux grandes tapes : la premire, dune dure de trois ans, correspond la licence ; la deuxime est sanctionne par lobtention dun master dlivrant un titre professionnel protg par la loi4. LAEPU (Association des enseignants-chercheurs en psychologie des universits) recense sur son site5 lensemble des masters nationaux habilits par le ministre de lEnseignement suprieur et de la Recherche. Le suivi dun cursus complet6 (licence et master) est obligatoire pour obtenir le titre de psychologue. En France, il nexiste quun seul titre de psychologue quel que soit le secteur dactivit. En raison des importantes responsabilits endosses par les psychologues auprs des individus et de la socit un simple entretien entre un enfant ou un adulte et un psychologue nest jamais neutre ou anodin ! la profession est depuis 19617 rgie par un code dontologique8. La inalit de ce code est de protger le public et les psychologues contre les msusages de la psychologie et contre lusage des mthodes et techniques se rclamant abusivement de la psychologie (prambule du code).

    Les grands domaines de la psychologie

    La psychologie, loin de constituer une discipline unique, se caractrise par une extrme diversit psychologie de lenfant, psychologie du dveloppement, psychologie sociale, psychologie

    3- Depuis la rforme LMD (Licence, master, doctorat).4- Loi n 85-772 du 25 juillet 1985.5- http://www.aepu.org6- Voir la in de cette introduction un exemple complet de cursus.7- Le premier code dontologique a t rdig en 1961 par la Socit franaise de psychologie et a depuis t remani (notamment en 1996).8- Voir en annexe le texte complet du code dontologique.

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    du sport, de la sant, neuropsychologie, etc. Elle est clate en diverses sous-disciplines : Alain Lieury propose de reprsenter les difrents domaines de la psychologie en les situant dans un schma organis autour de deux axes dont lun va du normal au pathologique et lautre du social au biologique :

    Panorama des grands secteurs de la psychologie(daprs A. Lieury, La Psychologie cognitive, Dunod, 2005)

    Normal

    Social Biologique

    Pathologique

    ExprimentaleCognitiveGnrale

    DifrentielleDveloppementalede l'enfantdu sportAnimalethologie

    Psychobiologie

    NeuropsychologiePsychopharmacologiePsychiatrie

    de l'ducationdu travail

    Ergonomie

    Socialede la sant

    Criminologie

    PsychopathologieClinique

    Psychanalyse

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    Introduction

    Axe 1 : du normal au pathologique La psychopathologie sintresse ltude des troubles psychologiques. Ce champ de la psychologie, sans aucun doute le plus connu du grand public, est souvent confondu avec la psychanalyse. La psychanalyse (voir encadr pages 35-37) nest cependant pas la seule sintresser aux questions souleves par la psychopathologie. Il existe galement une psychologie clinique plus quantitative. De faon gnrale, il peut tre retenu que la psychopathologie sintresse lindividu prsentant des troubles psychologiques particuliers (troubles schizophrniques par exemple) mais galement lindividu confront, un moment donn de sa vie, une situation de grande soufrance exigeant une aide psychologique adapte plus ou moins longue (aprs le dcs brutal de son conjoint ou dun de ses enfants). La psychologie cognitive, qui sattache comprendre les phnomnes lis la cognition, se situe loppos sur laxe 1. Le terme gnrique de cognition dsigne lensemble des processus cognitifs contribuant la formation de nos connaissances (la mmoire, le raisonnement, le langage). La psychologie difrentielle constitue une branche de la psychologie qui sintresse ltude des difrences entre les individus (difrences intellectuelles, difrences de personnalit, difrences observes au cours du dveloppement). La psychologie du dveloppement tudie, quant elle, les changements dveloppementaux observs dans les difrents aspects du fonctionnement psychologique (cognitif, afectif ou social) de lindividu au cours de sa vie. Mme si laccent est souvent mis sur ltude du dveloppement de lenfant, la discipline se proccupe galement de connatre lensemble des changements qui se produisent jusqu la in de la vie (perspective dite vie entire ou life-span), cest--dire quelle prend en compte non seulement les changements importants qui se produisent durant lenfance mais aussi lvolution au cours de lge adulte puis lors du vieillissement. Cette nouvelle perspective life-span explique la distinction faite sur le graphique entre psychologie du dveloppement et psychologie de lenfant.

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    Axe 2 : du social au biologique La psychologie sociale sintresse ltude des interactions des individus en groupe, en socit et dans les organisations, en les considrant dans leur double dimension psychologique et sociale. La psychologie sociale se trouve ainsi linterface de la psychologie et de la sociologie. Cest surtout lemprise invisible de la socit sur les individus qui a retenu lattention des chercheurs (et moins linverse, cest--dire laction de lindividu sur la socit). De fait, la discipline sest constitue autour de quelques thmes cls : les attitudes et les normes sociales, lidentit et les rles sociaux, les mcanismes de linluence, la formation des reprsentations sociales. Dans les annes 1930, la psychologie sociale est devenue une vritable science exprimentale9 consacre lanalyse des interactions entre les individus et les groupes auxquels ils appartiennent. Le champ de la psychologie du travail se restreint pour sa part ltude des relations de lindividu dans son environnement de travail, lergonomie sintressant plus particulirement ladaptation des conditions de travail. La psychologie de la sant situe sur la igure lintersection du social et du pathologique, se penche sur les causes et consquences psychologiques de lapparition de certains troubles psychosociaux (comme par exemple le stress). En intgrant les dimensions psychologiques et sociales, elle vise une meilleure comprhension de la sant et de la maladie. loppos, sur laxe 2, du ct du biologique, sont mentionnes la psychobiologie, la neuropsychologie ou encore la psychologie animale et lthologie. La psychobiologie se situe linterface des neurosciences, de lthologie et de la psychologie. Elle sintresse la comprhension des besoins et des comportements humains en se rfrant principalement la biologie et la neurobiologie. La neuropsychologie tudie auprs de patients prsentant des lsions crbrales (accidentelles ou congnitales) les relations entre les fonctions mentales suprieures et le fonctionnement crbral. La neuropsychologie se trouve, en ce sens, linterface

    9- Voir, au chapitre II, lencadr sur les grandes expriences de psychologie sociale.

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    de la psychologie et de la neurologie. Enin, place lintersection entre le biologique et le pathologique, la psychopharmacologie peut tre dinie comme ltude des agents chimiques agissant sur le psychisme, lhumeur ou le comportement. Enin, la psychologie animale (encore appele psychologie compare dans les pays anglo-saxons) a pour objectif de dterminer les difrences et les ressemblances entre les difrentes espces animales ainsi quentre lanimal et lhomme. Lthologie est une branche de la psychologie animale sintressant ltude du comportement des animaux dans leur environnement naturel ou dans un environnement proche de celui-ci.

    Des mthodes et des pratiques diversiies, des cueils viter

    Tout comme il nexiste pas une psychologie mais des psychologies en fonction des domaines tudis, il ny a pas une et une seule pratique de la psychologie ! Ainsi, la psychologie se caractrise galement par la diversit des mthodes utilises (voir chapitre II), des lieux dexercice (en libral ou au sein dinstitutions comme les services hospitaliers, les services de griatrie, les centres de rducation et radaptation) et des pratiques du mtier (notamment au niveau des techniques dintervention ou de prise en charge). La formation universitaire ainsi que le rfrentiel thorique dterminent dans ses grandes lignes la pratique professionnelle dun psychologue (un psychologue clinicien dveloppementaliste et un psychanalyste ne ragiront pas forcment de la mme manire face aux diicults de langage dun enfant par exemple). La psychologie a comme objet dtude les comportements ou conduites de lhomme (parfois de lanimal) plac dans un environnement, dans un milieu, en interaction avec des objets. Lambition de la psychologie, on la vu, est de dcrire, dexpliquer et de conceptualiser le fonctionnement humain. Un tel projet nest pas sans diicults ni sans risques. Une diicult spciique sans aucun doute la psychologie est le fait que les grands concepts sont issus du langage quotidien

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    et bnicient de la polysmie des termes (lintelligence, par exemple, est une notion ayant un double sens. Si pour le grand public, elle renvoie une qualit personnelle, elle rfre en revanche pour les scientiiques un ensemble de processus quil convient de dcrire prcisment). La psychologie doit bien entendu dpasser la signiication courante des termes pour en proposer des dinitions prcises et rigoureuses permettant une conceptualisation thorique et mthodologique. Nous sommes tous en mesure de raliser un certain nombre dobservations de notre vie quotidienne et de nous en servir pour expliquer voire prdire notre propre comportement (ou celui des autres). Les connaissances issues de nos propres observations de nous-mmes (ou des autres) forment ce qui est classiquement appel la psychologie du sens commun . Cependant, ces connaissances se rvlent souvent incompltes, insuisantes, voire contradictoires. Elles risquent par ailleurs dtre biaises par notre subjectivit, par nos attentes ou encore nos croyances. Nous sommes souvent plus enclins observer ce qui est conforme nos attentes ou nos croyances ! Il est indispensable de dcrire, dobserver de manire prcise les faits tudis. Mais ces observations doivent tre imprativement indpendantes de celui qui observe de manire en garantir lobjectivit. Il nest pas possible dtre en mme temps juge et partie ! Tout comme un mdecin peut diicilement soigner sa propre famille, il parat diicilement concevable que lobservateur soit partie prenante de la situation observer. Lobjectivit de son observation pourrait tre lgitimement mise en doute. Par ailleurs, il faut aller au-del de la simple description et remonter aux causes du comportement pour expliquer ce qui est observ. La diicult provient du fait quil ny a pas une seule explication aux faits observs. Bien au contraire ! Enin, il faut veiller ne pas tomber dans le psychologisme qui consisterait privilgier lexplication psychologique des faits humains au dtriment de toute autre explication. Il serait trop rducteur de ne pas tenir compte dautres facteurs susceptibles dintervenir des degrs divers dans lexplication (facteur conomique, sociologique, biologique). De la mme faon, il faut tre attentif ne pas tomber dans le travers inverse et vouloir

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    Introduction

    tout expliquer par des facteurs biologiques ou sociologiques ! Le psychologisme comme le biologisme ou le sociologisme reviendrait rduire une seule dimension la comprhension dun phnomne aussi complexe que le comportement humain. Expliquer le comportement ncessite imprativement de prendre en considration une multitude de facteurs, dont certains sont individuels (par exemple, le patrimoine gntique de lindividu) et dautres proviennent de lextrieur (facteurs environnementaux).

    Les thories en psychologie

    Toute discipline scientiique vise laborer des modles thoriques en vue dexpliquer et de comprendre un ou plusieurs phnomnes donns. La psychologie en tant que discipline scientiique labore des thories visant rendre compte du fonctionnement humain. Par ailleurs, la psychologie est centre sur un objet dtude complexe (ltre humain) et pouvant tre abord de manire trs difrente. Il nexiste pas aujourdhui une et une seule thorie du fonctionnement humain Et heureusement ! Le mot thorie a une tymologie grecque signiiant vision dun spectacle , vue intellectuelle ou spculation . Il est souvent employ dans le langage courant dans une acception pjorative qui renvoie soit une vue de lesprit simpliie lextrme, soit une conception individuelle lie au parti pris de lindividu. Dans son acception scientiique, le terme thorie dsigne les synthses des connaissances scientiiques tablies un moment donn et permettant danalyser un ensemble de faits. Un modle thorique correspond donc un systme explicatif permettant de rendre compte dun grand nombre de faits laide dun petit nombre de principes et qui est admis titre dhypothse vraisemblable par la plupart des chercheurs un moment donn. linstar des autres disciplines scientiiques, la recherche en psychologie sarticule autour de thories que les chercheurs cherchent vriier empiriquement et qui servent organiser les connaissances de faon cohrente et intgre.

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    Il faut toujours garder lesprit quil nexiste pas une thorie gnrale universelle ! Une thorie scientiique ne prtend pas LA vrit absolue ! Elle propose un modle dinterprtation considr par la communaut scientiique comme tant le plus vraisemblable un moment donn. Une thorie doit non seulement permettre dexpliquer et interprter ce qui est observ mais elle doit galement permettre daller au-del en gnrant de nouvelles hypothses qui devront tre leur tour soumises lpreuve des faits. Comprendre le fonctionnement humain ncessite de possder des thories, des modles tout en restant cependant conscient de leur incertitude. En efet, par dinition, tout modle thorique risque dtre invalid un moment ou un autre et tre progressivement remplac par une autre construction thorique. En dautres termes, une thorie se caractrise par sa rfutabilit. Sinon elle nest pas scientiique. En ce sens, les thories se distinguent des certitudes, croyances ou encore des dogmes !

    La thorie est lhypothse vriie aprs quelle a t soumise au contrle du raisonnement et de la critique. Une thorie pour rester bonne doit toujours se modiier avec le progrs de la science et demeurer constamment soumise la vriication et la critique des faits nouveaux qui apparaissent. Si lon considrait une thorie comme parfaite, et si lon cessait de la vriier par lexprience scientiique, elle deviendrait une doctrine. (C. Bernard) Toute thorie est incertaine, non seulement parce quelle ne peut exclure la possibilit de rfutation par une nouvelle thorie, mais aussi parce quelle repose sur des postulats indmontrables et des principes invriiables qui concernent la nature profonde du rel et la relation entre lesprit et le rel. (E. Morin, La Mthode, 1986)

    Les thories doivent toujours voluer, rester vivantes, mme aprs la disparition de leurs auteurs. Elles voluent une vitesse variable selon le contexte scientiique, soit en ainant ou en ajustant leurs concepts, soit en sintgrant dans une thorie nouvelle plus explicative. Lexistence de modles thoriques et le fait de les remettre continuellement en question constituent le moteur de lavancement des connaissances scientiiques en psychologie comme dans tout autre domaine scientiique.

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    Introduction

    Lorganisation des tudes universitaires en psychologie

    Tout lycen titulaire dun baccalaurat (quel quil soit) peut sinscrire en premire anne du cursus de psychologie. Si beaucoup de lycens sy enga-gent, ce nest cependant quune petite proportion qui obtiendra le titre de psychologue car le cursus est long et exigeant. Le systme LMD (licence, master, doctorat) prvoit un dispositif de for-mation articul en semestres, chacun tant organis en units denseigne-ment (UE). Chaque UE donne lieu loctroi de crdits ECTS (European Credit Transfer System) capitalisables.

    Licence de Psychologie (3 ans) La licence est valide par lobtention de 180 ECTS (60 ECTS par an-ne). Le tableau ci-dessous prsente lorganisation adopte la Facult de psychologie de luniversit de Strasbourg :

    Licence 1e anne

    Licence 2e anne

    Licence 3e anne

    UE Disciplinaires 42 51 54

    UE Langues 6 3 3

    UE Accompagnement du projet de ltudiant 3 3

    UE Mthodologie du travail universitaire 3

    UE Dcouverte 6

    UE Sciences et technologies en socit 3

    UE Libre 3

    Total ECTS 60 60 60

    Les UE disciplinaires comprennent difrents types denseignements :t%FTFOTFJHOFNFOUTGPOEBNFOUBVYFOQTZDIPMPHJFQTZDIPMPHJFDMJOJRVFet pathologique, psychologie cognitive, psychologie du dveloppement, psychologie sociale, neuropsychologie.t%FTFOTFJHOFNFOUTEFTNUIPEFTVUJMJTFTFOQTZDIPMPHJFOPUBNNFOUMBpsychomtrie et les mthodes de la recherche scientiique en psychologie : observation, enqute, entretien, exprimentation).t%FTFOTFJHOFNFOUTQPSUBOUTVSEFTEJTDJQMJOFTDPOOFYFTMBQTZDIPMPHJF(anatomie, physiologie, neurosciences).t6OFOTFJHOFNFOUEFTUBUJTUJRVFT

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    Du fait de la forte proportion de disciplines scientiiques, les titulaires dun baccalaurat Sciences obtiennent souvent de meilleurs rsultats. La matrise de langlais est fortement souhaitable dans la mesure o la plupart des articles publis en psychologie le sont en anglais.

    Master de psychologie (2 ans) la rentre universitaire 2005-2006, 31 universits publiques dlivraient des masters de psychologie. Le master, dont lenseignement est rparti sur deux ans, a pour vocation de spcialiser ltudiant dans lun des champs de la psychologie quil choisit. Les spcialits de master correspondent aux grandes spcialits de la psychologie. Pour reprendre lexemple de Stras-bourg, quatre spcialits de master sont proposes : master spcialit Psy-chopathologie et psychologie clinique, master spcialit Psychologie du d-veloppement : volution, Involution & Handicap, master spcialit Neu-ropsychologie cognitive clinique, master spcialit Organisation et Travail. Les deux annes de master sont divises chacune en deux semestres. lheure actuelle, tout tudiant ayant obtenu une licence de psychologie (dans une universit franaise) peut sinscrire de droit en master 1re anne. La validation des deux semestres de M1 ne donne cependant pas accs de plein droit la 2e anne. Laccs la 2e anne du master est rgi par un numerus clausus et est donc sou-mis une slection (sur dossier, voire entretiens ou examens supplmentaires dans certaines universits). Lobtention du titre de psychologue est condition-ne par la validation de cette 5e anne dtude et par la ralisation dun stage professionnel contrl par un rfrent psychologue (de 500 heures).

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    Introduction

    Les mtiers de la psychologie

    Du fait des conditions dexercice trs varies des psychologues, il savre plus pertinent de parler non pas du mtier de psychologue mais bien plutt des mtiers de la psychologie. Ces derniers peuvent tre regroups en quatre catgories principales (selon la nomenclature PCS10).

    1. Les psychologues cliniciens Les psychologues cliniciens sont tourns vers la sant des patients. Ils peuvent exercer en libral ou dans la fonction publique hospitalire (service de pdiatrie, service de psychiatrie, service de pdopsychiatrie, service de neurologie), dans la fonction territoriale (protection maternelle infantile par exemple), dans la fonction dtat (Protection judiciaire de la jeunesse, milieu carcral) et bien sr dans de nombreux services des secteurs priv et conventionn. Ils travaillent en troite collaboration avec lquipe mdi-cale, paramdicale, socio-ducative (ducateurs spcialiss, enseignants) et les quipes de travailleurs sociaux. Le rle des psychologues cliniciens consiste essentiellement aider les patients en situation de soufrance, les aider surmonter leurs diicults. la difrence du psychiatre, il ne peut pas prescrire de mdicaments. En fonction de leur formation et spcialisation, ils peuvent utiliser difrents types de mthodes daide, danalyse et dvaluation.

    Par exemple :

    Le psychologue-psychothrapeute peut mettre en uvre difrentes th-rapies en utilisant un mdiateur de type verbal ou corporel (psychodrame), de type matriel (art-thrapie, musicothrapie) ou en investiguant les pro-cessus psychiques inconscients (psychanalyse). Le psychologue-psychoth-rapeute a suivi une formation complmentaire, il a galement suivi une thrapie personnelle approfondie et participe un systme de contrle et de suivi.

    Le neuropsychologue est charg de raliser des examens neuropsycholo-giques en profondeur de patients soufrant de lsions crbrales et ven-tuellement de proposer une rducation neuropsychologique des fonctions dicitaires.

    Le psychologue dveloppementaliste sappuie sur les modles du dvelop-pement normal et pathologique et peut prendre en charge et accompagner des patients difrents moments de leur vie (enfant, adolescent, adulte ou encore personne ge).

    10- La nomenclature des Professions et catgories socioprofessionnelles (PCS) est le rsultat dune refonte complte du systme des nomenclatures demplois. Elle est utilise par lInstitut national de la statistique et des tudes conomiques (INSEE).

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    2. Les psychologues du travail Les psychologues du travail exercent dans des domaines varis, tels les ressources humaines, linsertion professionnelle, le conseil, la prvention et la scurit. Leur rle consiste apprhender les problmes inhrents la gestion des ressources humaines, lorganisation du travail et au manage-ment des changements organisationnels. Dans ce cadre, ils peuvent partici-per llaboration des programmes et plans de formations, animer les qui-pes pdagogiques qui assurent les formations. Ils peuvent galement raliser les bilans de comptences, efectuer le suivi de parcours professionnel ou encore accompagner lindividu dans ses dmarches de changements.

    3. Les psychologues de lducation et de la formation Ils jouent un rle dorientation, de conseil, le cas chant de dpistage dinadaptation, en milieu scolaire et professionnel.

    4. Les enseignants-chercheurs et chercheurs Le titre de docteur en psychologie permet daccder, sur concours, aux fonctions denseignants-chercheurs ( matre de confrences puis pro-fesseur des Universits ). Ces fonctions consistent enseigner luniver-sit tout en ralisant des recherches au sein dun laboratoire universitaire (dont le inancement provient soit du ministre, soit dinstitutions comme le CNRS, soit encore de contrats scientiiques provenant de fonds privs ou publics).Un docteur en psychologie peut galement obtenir toujours sur concours un poste de chercheur dans des institutions publiques (par exemple, CNRS, Inserm) mais galement travailler au sein dentreprises prives.

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    Chapitre I

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    Toutes les sciences particulires qui existent aujourdhui sont sorties dune double source : de la philosophie et de lart. (hodule Ribot, 1870) La Science et la Philosophie sont restes longtemps confondues. Ce qui caractrise la Science, cest lappel la vriication, la subordination de la thorie aux faits, lesprit exprimental, tandis que la Philosophie se satisfait dans une cohrence logique interne et se limite progressivement aux problmes qui ne peuvent pas tre soumis au contrle de lexprience. (Henri Piron, 1942)

    LES PRCURSEURS : LES PHILOSOPHES

    Une tradition ancienne

    Lintrt pour ltude de lme et des faits humains nest pas rcent : les philosophes grecs, comme Platon, dans ses Dialogues ou Aristote et son Trait de lme pour ne citer queux, se sont intresss la nature de lme humaine (la psych). Aristote, notamment, tablit une tripartition de lme qui reproduit la rpartition du vivant entre vgtaux, animaux et tres humains. Il pose la question de lautonomie de la pense par rapport au corps et cherche dinir les facults de lme (le jugement, la mmoire). Les mdecins grecs se sont galement intresss la psychologie : Hippocrate (vers 460-370 av. J.-C.) a tent de faire une classiication des troubles mentaux (mlancolie,

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    paranoa, pilepsie) en les reliant sa thorie des humeurs, expose dans La Nature de lhomme. Selon Hippocrate, la nature humaine est constitue de quatre lments : le sang, le phlegme, la bile jaune et la bile noire, qui sont en quilibre lorsque lhomme est en bonne sant, et en dsquilibre lorsquil est malade. Galien (131-201) sappuiera sur la classiication hippocratique pour proposer une analyse des comportements humains en associant, par analogie, les tempraments aux quatre lments. Il posa ainsi les premiers jalons dune mthode exprimentale : par exemple, lexcs de sang donne un temprament sanguin, lexcs de bile noire, un temprament mlancolique. Cette mdecine des humeurs connatra une grande fortune au Moyen ge. Quant au vocabulaire qui en est issu, on sait quil irrigua longtemps toute une littrature, des traits sur le bien-tre aux manuels de dittique, en passant par certains ouvrages de morphopsychologie. Ce type danalyse des tempraments se retrouvera plus tard dans les tudes de caractrologie de Le Senne (1882-1954).

    Lempirisme des Temps modernes

    Les philosophes des Temps modernes ont inluenc notablement lavnement dune nouvelle faon de sintresser aux questions psychologiques. En Italie, Galile (1564-1642), en fondant ses recherches sur lobservation et lexprimentation, posa les bases de la dmarche scientiique. Il sopposa aux mthodes dtude en vigueur jusqualors et qui reposaient essentiellement sur la lecture dAristote. Selon lui, seule une dmarche scientiique assure lobjectivit en permettant de considrer les choses de lextrieur. La conception galilenne sest progressivement impose toutes les sciences : sciences (dites) exactes comme la physique, lastronomie, puis les sciences naturelles comme la biologie, la botanique et bien plus tard la psychologie telle que nous la connaissons. En France, un contemporain de Galile, Ren Descartes (1596-1650), a galement laiss une empreinte forte. Descartes

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    airme la dualit entre lme et le corps. Il restreint lexplication scientiique des phnomnes qui consiste dcrire les mcanismes de leur apparition et de leur droulement au fonctionnement du corps humain et celui des animaux. Selon lui, lme, source de la pense et de la raison, chappe toute conception mcaniste. En revanche les animaux, nayant pas dme, ne seraient que des machines quil serait possible dtudier de la mme faon que les autres engins mcaniques ! Dans son Discours de la mthode en 1637, Descartes nadmet en sciences que la raison. Les ides sont le fruit de la raison. Elles sont innes puisque dorigine divine (lhomme qui draisonne ne peut qutre un possd). Le moi , cest--dire lme par laquelle je suis ce que je suis, est entirement distinct du corps. La raison est la seule chose qui nous distingue des btes. Une tape dcisive est franchie au xviiie sicle : la philosophie empiriste associationniste substitue ltude de lme celle des faits de conscience considrs comme en tant le versant observable. Par conscience, il faut entendre ltude de lensemble des sensations, des perceptions, des sentiments, des motions et des ides que chaque individu peut prouver. Ltude des faits de conscience est ralise laide de lintrospection, mthode subjective pouvant tre dinie comme une observation de soi par soi (voir chapitre II). Mettant en exergue le rle premier des sensations dans la formation de lesprit, lcole empiriste associationniste postule que lexprience sensorielle est la seule permettre des connaissances sur lunivers. Cette cole philosophique est essentiellement reprsente par des philosophes anglais tels John Locke (1632-1704) et David Hume (1711-1776). John Locke, rejetant linnisme des ides de Platon comme de Descartes, considre que lesprit est au dpart une table rase (tabula rasa) : ce sont les inluences extrieures qui compltent et modlent petit petit un organisme-rcepteur passif. En dfendant lempirisme des connaissances, Locke fait igure de prcurseur parmi ceux qui mettent en avant le rle primordial de lapprentissage et du conditionnement. Il est lun des premiers souligner limportance des renforcements. Lapprentissage se fait, selon lui, par lobservation en faisant de nouvelles expriences. Selon lui, les sanctions positives accroissent la probabilit

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    dapparition des comportements et les sanctions ngatives rduisent la probabilit dapparition des comportements (voir chapitre III). Cest la varit des expriences qui dterminera lvolution de lindividu. Les difrences entre les ides des gens ne viennent pas de difrences entre leurs capacits percevoir ou librer leurs ides innes, mais de difrences dexprience. Cependant, les expriences sensorielles ne suisent pas pour acqurir un savoir, lesprit doit galement agir activement sur celles-ci. Les ides se combinent entre elles pour donner des ides plus gnrales et plus complexes laide dun seul mcanisme : lassociation. Les informations parvenant par les sens vont ensuite sassocier entre elles selon des principes et des lois que les philosophes vont chercher expliciter. David Hume explicita trois lois des associations : 1. Les associations par contigut spatiale et temporelle : la perception ou lvocation mentale dun objet entrane lvocation dun (ou plusieurs) autre(s) objet(s), ces derniers ayant t antrieurement frquemment prsents proches lun de lautre. 2. Les associations par ressemblance selon ladage qui se ressemble sassemble se trouvent la base de la cration de concepts, de classes abstraites dobjets. 3. Les associations par causalit permettant dtablir des relations de cause efet entre difrents vnements. La mise en uvre des principes dfendus par les philosophes empiristes associationnistes ne se fera quau cours de la seconde moiti du xixe sicle, notamment sous linluence des progrs de la physiologie lorigine des tudes sur les sensations, par lemploi dune dmarche exprimentale et doutils dobservation objective, propres la science. Si lassociationnisme a mis laccent sur lenvironnement comme facteur dterminant du comportement, une deuxime thorie, galement dveloppe au xixe sicle sous le nom de psychologie des facults, postulait quant elle le caractre inn des facults mentales distinctes et indpendantes (penser, sentir, vouloir). Cette thorie a aliment la phrnologie, dont le corps de doctrine fut propos par le mdecin Franz Joseph Gall (1758-1828), qui scrutait les crnes et tentait de situer les facults particulires de chacun dans difrentes rgions du

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    cerveau. Cette opposition entre ces deux thories se retrouvera ultrieurement dans les dbats sur les rles respectifs de lhrdit et de lenvironnement, de linn et de lacquis.

    LAVNEMENT DE LA PSYCHOLOGIE SCIENTIFIQUE

    Vers la in du xixe sicle, la psychologie se dtache de la philosophie et se constitue en tant que discipline autonome. Elle ne le deviendra cependant vritablement qu partir du moment o elle utilisera, pour aborder les questions traites jusque-l par les philosophes, la mme mthode que celle utilise par les sciences (telles la physiologie ou la physique) : la mthode exprimentale. Do le nom de psychologie exprimentale. En appliquant ltude du psychisme humain les mthodes des sciences exactes, la psychologie souhaite chapper lintrospection considre comme trop subjective, voue linobservable et au non quantiiable.

    Naissance de la psychologie exprimentale en Allemagne

    La naissance de la psychologie scientiique est gnralement date avec la cration du premier laboratoire de psychologie en 1879 par Wilhelm Wundt (1832-1920) Leipzig en Allemagne. Wundt, philosophe converti la physique et la physiologie, est lorigine des premires tentatives pour rendre scientiique ltude du comportement humain. Dans le cadre de ses recherches directement inspires par la philosophie empiriste associationniste, il sest intress ltude des processus lmentaires de la sensation et de la perception ainsi qu la vitesse des processus mentaux simples. Il ralisa cette in des tudes sur les difrents sens (audition, vision, toucher) et sur les temps de raction laide de difrents appareils de mesure. En 1881, il dita la premire revue (Philosophische Studien) destine au dveloppement de la pense philosophique par la psychologie et dans laquelle il publiera les

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    Les premiers psychologues : le XIXe sicle La psychologie se constitue de faon autonome la in du xixe sicle. Elle nat lintersection des tudes mdicales sur les troubles psychiatriques et les premires tudes scientiiques de laboratoires sur les fonctions psychiques . t-BQTZDIPQIZTJRVF Dans le prolongement des travaux de Ernst We-ber (1795-1878), Gustav Fechner (1801-1887) a fond la psychophysique, qui tudie les liens entre des stimulations et les ractions de lorganisme. t8JMIFMN8VOEUDSFMFpremier laboratoire de psycho-logie exprimentale en 1879 Leipzig, en Allemagne. W. Wundt est gale-ment un des prcurseurs de la psychologie sociale. Il cherche notamment dcomposer les phnomnes conscients pour en isoler des lments simples comme les sensations, les sentiments, les images. t8JMMJBN+BNFT

    BVUFVSEFTPrincipes de psychologie (1890), est le pionnier de la psychologie anglo-saxonne. Il est tout la fois m-decin, philosophe et psychologue. Frre de lcrivain Henry James (1843-1916), il envisage, comme lui, dexplorer la subjectivit des individus. t La mesure de lintelligence. Francis Galton (1822-1911) fut un pionnier dans ltude des difrences individuelles et dans la mise au point des questionnaires psychologiques. Cest Alfred Binet (1857-1911) que lon doit le premier test dintelligence.

    Des annes 1920 aux annes 1960 t Le bhaviorisme envisage les comportements humains comme le pro-duit de conditionnements que lon peut tudier de faon purement objec-tive partir des ractions extrieures du sujet. Ses deux grands thoriciens furent John B. Watson (1878-1958) et Burrhus F. Skinner (1904-1990). Ce courant a t si puissant que la psychologie a longtemps t assimile la science du comportement ou Behavioral Science . tLa psychologie de la forme ( Gestalttheorie ) est ne en Allemagne dans les annes 1920 sous limpulsion de Max Wertheimer (1880-1943), Kurt Kofka (1886-1941) et Wolfgang Klher (1887-1967). Les for-mes , ce sont les reprsentations organises que le psychisme projette sur la ralit pour lui donner sens. La perception ne procde pas par agrgation dlments isols mais se compose dabord de formes et de conigura-tions globales. t La psychanalyse, fonde par Sigmund Freud ds 1896, prend son essor partir de 1910. Elle se veut une psychologie dynamique qui explore la personnalit profonde et les phnomnes inconscients par ses mthodes propres. La psychanalyse connat une audience considrable dans le monde partir des annes 1920 et 1930.

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    travaux exprimentaux raliss dans son laboratoire dont certains portaient galement sur lattention, lmotion ou encore la mmoire. La mthode dveloppe par Wundt sappuie sur lintrospection, mthode subjective dveloppe par les philosophes pour ltude des phnomnes psychologiques mais elle sen difrencie cependant par le caractre systmatique et contrl des variations des stimulations introduites en laboratoire dans la situation exprimentale permettant de recueillir les faits introspectifs. Cest pour ces raisons que la mthode de Wundt peut tre qualiie dapproche exprimentale introspective. Sappuyant sur les travaux du physicien Gustav heodor Fechner (1801-1887) ayant montr que les phnomnes mentaux peuvent tre systmatiquement manipuls par lexprimentation, Wundt proposa de faire varier de faon systmatique certaines dimensions physiques dun stimulus

    tLa psychologie du dveloppement. Grande poque pour les psycho-logues qui sintressent au dveloppement intellectuel, moral, afectif, de la personnalit, de lenfance ladolescence : Jean Piaget (1896-1980), Erik Erikson (1902-1994), Lev S. Vygotski (1896-1934). t Lcole humaniste est domine par la personnalit de Carl Rogers (1902-1987). Ce psychologue clinicien amricain envisage la personne comme un tre la recherche de la ralisation de soi. tLinsertion sociale de la psychologie se ralise avec son tablissement dans luniversit. Elle se difuse dans le public (vulgarisation de la disci-pline). Elle devient aussi une mthode thrapeutique et de conseil.

    Depuis les annes 1980 tLa psychologie cognitive connat un essor considrable. Elle envisage les faits psychiques comme des dispositifs de traitement de linformation qui laborent des stratgies mentales et rsolvent des problmes. Le para-digme cognitif a vinc le bhaviorisme. Le dveloppement de la psycholo-gie cognitive est li aux avances de linformatique et des neurosciences. t"V TFVJMEVxxie sicle, la psychologie est une discipline trs diver-siie : des neurosciences la psychologie clinique, de la psychologie du dveloppement lergonomie. Elle sest enrichie de nouvelles approches (comme la psychologie volutionniste), a rinvesti de nouveaux domaines (les motions, la conscience). Sur le plan des psychothrapies, lheure est aussi la diversit et lclectisme.

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    tout en ayant recours simultanment lintrospection pour dterminer la faon dont les changements modiiaient la conscience. Voici un exemple dexprience subjective associe lcoute dun mtronome1 : Wundt rapporte quaprs avoir cout plusieurs squences de sons au mtronome, certaines lui ont paru plus agrables que dautres. Il en conclut quun sentiment de plaisir-dplaisir accompagne toute audition et que toute suite de battements peut tre situe sur cette dimension. En outre, il dtecte que, selon la cadence du mtronome, il prouve des sentiments de tension ou de relchement qui constituent une deuxime dimension de son exprience subjective, ainsi que des impressions dexcitation ou de calme (troisime dimension). Suite cette analyse, limpression globale lie lcoute du mtronome rsulte de la combinaison de trois sentiments lmentaires conscients ayant chacun une valeur propre sur le continuum des dimensions.

    La psychologie scientiique en Angleterre

    Dautres inluences ont galement marqu lavnement de la psychologie scientiique, notamment celle, majeure, de la thorie de lvolution de Darwin. Sopposant la conception de Descartes pour qui il existe une discontinuit entre lhomme et lanimal, Darwin (1809-1882) introduit lide dvolution et de continuit phylogntique entre les difrentes espces, notamment entre les animaux et les tres humains. Partant du constat de lexistence de ressemblances morphologiques entre lhomme et les autres mammifres, il postule une ressemblance au niveau des facults mentales qui serait le relet dune gradation de lintelligence entre les espces. Darwin dfend lide que les animaux font preuve de comportements intelligents (comme illustration, nous pourrions donner lexemple de lutilisation doutils par les chimpanzs). Les difrences entre les facults mentales des animaux et des tres humains seraient des difrences de degr mais pas de nature.

    1- Synthse dune tude de Wundt, cite par Marin et Escribe, in Histoire de la psychologie gnrale. Du behaviorisme au cognitivisme, In Press ditions, 1998.

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    Le modle est dit gradualiste, puisque les changements se sont raliss de faon progressive au cours de lvolution des espces. La thorie de lvolution de Darwin est lorigine des tudes compares en psychologie favorisant ainsi lessor de la psychologie compare, galement appele psychologie animale. Le terme de compare traduit bien lambition de la psychologie dtablir lexistence ou non dune continuit psychologique de lanimal jusqu lhomme. Sur le plan phylogntique, il semble bien exister une continuit partielle entre lanimal (surtout les primates) et les humains avec notamment une continuit au niveau des capacits de traitements lis la perception, la mmoire ou la rsolution de problme. Cependant, il existe galement des discontinuits (par exemple au niveau du langage ou des connaissances) qui iraient pour leur part plus dans le sens dune thorie des quilibres ponctuels. Les travaux de Sir Francis Galton (1822-1911), cousin de Darwin, vont galement avoir une inluence notable dans le dveloppement de la psychologie scientiique en Angleterre double titre : Dune part, Galton instaura lusage des statistiques en psycholo-gie. Charles Spearman (1863-1945) utilisa galement les mthodes statistiques et inventa la technique statistique des corrlations et en concevant lindice connu sous le nom de coeicient de corrlation (voir chapitre VII). Dautre part, Galton sintressa lhrdit de lintelligence : il est lorigine des tudes sur les difrences indivi-duelles et sur le dveloppement des tests dintelligence. Sappuyant sur la thorie de lvolution, il chercha corrler divers indices an-thropomtriques (taille du cerveau) avec lintelligence. Il dfend un point de vue inniste et prne leugnisme.

    La psychologie scientiique en France

    la in du xixe sicle, les chercheurs en France dont Charcot (1825-1893) taient intresss avant tout par la psychiatrie et la psychopathologie. Le pre de la psychologie scientiique en France est le philosophe hodule Ribot (1839-1916). En 1889, le Collge de France cra

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    pour lui une chaire de psychologie exprimentale et compare. Ribot prconisa de mettre en place une dmarche spciiquement exprimentale et de dlaisser ltude des phnomnes invisibles : La psychologie dont il sagit ici sera purement exprimentale : elle naura pour objet que les phnomnes, leurs lois et leurs causes immdiates ; elle ne soccupera ni de lme, ni de son essence car cette question tant en dehors de la vriication appartient la mtaphysique2. (1870). Ribot dita en 1876 une revue (La Revue philosophique de la France et de ltranger) mais en revanche il ne cra pas de laboratoire. Le premier laboratoire franais de psychologie fut fond en 1889 par Henry Beaunis (1830-1921) dont les successeurs furent Alfred Binet (1857-1911), Henri Piron (1881-1964) de 1912 jusquen 1952 puis Paul Fraisse. La premire revue franaise de psychologie, LAnne psychologique, fut cre en 1894 par Binet. Alors que le premier laboratoire de psychologie fut fond en France en 1889, on comptait dj dix-sept laboratoires de psychologie aux tats-Unis en 1892. Force est donc de constater que la psychologie exprimentale a connu un essor beaucoup plus rapide dans les pays anglo-saxons. Une des raisons permettant dexpliquer cet essor moins important en France est peut-tre une tradition philosophique beaucoup plus marque dans notre pays.

    LES GRANDS COURANTS THORIQUES EN PSYCHOLOGIE

    Le bhaviorisme et le conditionnement des comportements

    Courant n aux tats-Unis, le bhaviorisme a inluenc de manire importante la psychologie scientiique durant la premire moiti du xxe sicle. Son pre fondateur, John Broadus Watson (1878-1958), soucieux de situer la psychologie en tant que science, prconise que les travaux des psychologues doivent tre consacrs ltude scientiique du comportement. Dans son

    2- Propos cit par P. Fraisse, Lvolution de la psychologie exprimentale , in P. Fraisse et J. Piaget (ds), Trait de psychologie exprimentale. I. Histoire et mthode, Puf, 1981.

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    texte fondateur de 19133, il crit ce sujet : La psychologie telle que le bhavioriste la voit est une branche exprimentale purement objective des sciences naturelles. Son but thorique est la prdiction et le contrle du comportement. La psychologie devient ainsi science du comportement (animal et humain). Do le nom de bhaviorisme (de lamricain behavior : comportement). Le bhaviorisme a lambition danalyser le comportement humain tous les niveaux depuis celui du rlexe organique partiel jusquau niveau de la rponse professionnelle et sociale 4. Selon lui, pour devenir une science, la psychologie doit safranchir de lintrospection et fournir des donnes accessibles une analyse extrieure comme le sont les donnes de toute autre science. Dans ces conditions, ltude du comportement ne peut se faire qu partir des seuls faits observables. Lobservation objective ne peut sappliquer que sur deux sortes de donnes vriiables : les vnements (appels stimuli) et le comportement (cest--dire les ractions ou les rponses, seul mode daccs objectif la comprhension de lindividu) en vue dtablir une relation de cause efet. Le courant bhavioriste met ainsi laccent sur les interactions entre lorganisme et lenvironnement : lorganisme modiie son comportement en fonction de lenvironnement avec lequel il interagit. Lobjectif premier des behavioristes est lanalyse fonctionnelle du comportement : les comportements sont des fonctions des stimuli prsents ou passs (le terme fonction devant tre compris dans son sens mathmatique). Ce qui peut tre symbolis de la manire suivante :

    Comportement = f (Stimuli) En consquence, si on connat les stimuli, il devient possible de prdire les comportements et inversement. La reprsentation schmatique S > R modlise la relation causale entre stimuli et comportements. La psychologie a pour objectif premier dtablir, de connatre et de prdire de telles relations de cause efet en vue de les faciliter (si elles paraissent positives) ou au contraire de les inhiber (si elles sont perues comme ngatives).

    3- Psychology as a behaviorist views it , Psychological Review, vol. XX, 1913, cit par Marin et Escribe, op.cit.4- Naville, 1963, cit par Marin et Escribe, op.cit.

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    Dans la perspective bhavioriste, presque tous nos comportements sont le rsultat dun conditionnement et lenvironnement faonne notre comportement en renforant les habitudes particulires. Deux types de conditionnements sont distingus : le conditionnement classique, pavlovien, encore appel conditionnement rpondant et le conditionnement oprant, instrumental, de type II (voir chapitre III). Le bhaviorisme tudie lassociation entre une rponse comportementale (sortie) et un stimulus (entre) sans se soucier du fonctionnement interne de lindividu. Le sujet est considr comme une bote noire laquelle il est impossible daccder, ce qui revient dire que lon ne peut accder aux tats mentaux des individus (telles leurs croyances, leurs aspirations, leurs intentions ou encore leurs motivations).

    La thorie de la Gestalt ou psychologie de la forme

    La Gestalttheorie ou psychologie de la forme (du mot allemand Gestalt : forme, coniguration) fait son apparition en Allemagne galement au dbut du xxe sicle. Elle est propose en 1912 par M. Wertheimer (1880-1943) en opposition la tradition empiriste associationniste hrite des philosophes et de Wundt puis elle se dveloppe en raction au bhaviorisme. Considrant que des phnomnes psychologiques ne peuvent pas tre dcomposs en lments mentaux simples (les sensations), ni en simples relations associatives stimuli-rponses, la Gestalt sintresse leur organisation. Les tenants de cette thorie postulent que les phnomnes psychologiques constituent des entits organises (des Gestalts) difrentes de laddition des sensations lmentaires. Le tout est suprieur la somme des parties , lensemble prime sur les lments qui le composent Plusieurs formules rsument ainsi lesprit de la thorie de la forme. Lide centrale est que la perception dun objet passe dabord par une vue densemble, et non par la somme des dtails. Les gestaltistes cherchent tablir exprimentalement quelles organisations correspondent des totalits psychologiques et sintressent plus particulirement aux phnomnes perceptifs.

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    Les premires tudes portrent sur la perception du mouvement, notamment le phnomne phi, une illusion de mouvement produite par deux objets (ou igures) ixes, de forme semblable : lorsquun se prsente peu de temps aprs lautre (qui a disparu) et en un autre lieu, on peroit (si les conditions de temps de distance et dintensit permettent cette assimilation) un seul objet passant rapidement dun lieu lautre . Lapplication la plus connue du phnomne phi est celle du cinma et ses 24 images/seconde perues comme un mouvement continu. Les psychologues de la Gestalt ont montr que le tout est souvent difrent de la somme des parties et ont formul un ensemble de lois dont la loi de la proximit ou encore la loi de la similarit. Les phnomnes psychologiques, selon eux, ne peuvent tre dcomposs en units de base sous peine de perdre leur signiication.

    Exemple de loi de la proximit nous conduisant percevoir les lments les plus proches les uns des autres. Dans lexemple ci-dessous, cela explique pourquoi nous voyons cinq colonnes de points plutt que quatre lignes de points.

    y y y y y y y y y y y y y y y y y y y yExemple de la similarit nous conduisant regrouper les lments les plus semblables. Dans lexemple ci-dessous, cela explique pourquoi nous voyons un carr de O entour de X plutt que des colonnes de X et de O mlangs.

    X X X X X X O O O X X O O O X X O O O X X X X X X

    Mme si, linstar des bhavioristes, les gestaltistes rejetaient la psychologie introspective, ils rintroduisirent une sorte dintrospection libre, sinspirant de la phnomnologie, courant

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    philosophique fond par le philosophe Edmund Husserl. Pour ce dernier, la phnomnologie est ltude des essences . Toute conscience se tourne vers les choses et en extrait des essences. Lessence dun arbre, par exemple, nest pas une reprsentation prcise de tel ou tel arbre concret avec ses dtails. Lide de larbre, sa forme gnrale telle que lesprit la conoit, est dpouille des attributs de tel ou tel arbre en particulier. Ce qui oppose galement les gestaltistes et les bhavioristes concerne les modalits de dcouverte de la solution. Cette dcouverte se fait par essais-erreurs, par slection progressive selon les bhavioristes alors que pour les gestaltistes elle se fait par restructuration des donnes et apparat dun seul coup (une telle dcouverte brusque est appele Einsicht en allemand ou insight en anglais). Paradigme alternatif au bhaviorisme, la psychologie de la forme aurait pu connatre un tout autre destin, si un vnement, qui a peu voir avec lhistoire stricte des ides, nallait changer son cours. Quand Hitler prend le pouvoir en 1933, les intellectuels juifs, destitus de leur poste, doivent migrer en masse. LAmrique va en accueillir de nombreux. Mais la grefe thorique prend mal sur le sol amricain, o le bhaviorisme rgne alors en matre. Les psychologues de la Gestalt vont se trouver disperss et isols. Seules quelques individualits comme Kurt Lewin, fondateur de la dynamique des groupes, ou Frederick Perls (1893-1970), fondateur de la Gestalt-therapy, vont russir imposer leur doctrine. Mais les pionniers du groupe de Berlin resteront marginaliss, et la psychologie de la Gestalt avec eux5.

    La rvolution de la psychologie cognitive : ouvrir la bote noire

    On peut situer la naissance de la psychologie cognitive dans les annes 1955-1960 avec, notamment, la fondation lUniversit de Harvard dun Centre dtudes cognitives par J. Bruner et G. Miller. Leur projet est alors de critiquer les conceptions bhavioristes concernant lexplication du comportement humain.

    5- J.-F. Dortier, La Gestalt. Quand la psychologie dcouvrait les formes , La grande histoire de la psychologie, numro spcial du magazine Sciences Humaines (7, sept-oct. 2008).

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    Ils veulent montrer que la seule connaissance du comportement observ est insuisante mais quil est indispensable de connatre les modalits par lesquelles les comportements slaborent. Ils vont donc proposer de sintresser aux processus de traitement des informations, la planiication des comportements ou encore aux reprsentations mentales. Dans cette perspective, la psychologie cognitive (du latin cognitio : connaissance, action dapprendre) est une rponse alternative aux thories bhavioristes. Selon la thorie bhavioriste, lesprit humain (et animal) tait considr comme une bote noire dont les rponses (le comportement) devaient tre analysables comme une fonction des stimulations sans quil soit ncessaire de faire des hypothses supplmentaires sur les mcanismes impliqus. La psychologie cognitive prend le contrepied de cette attitude en tudiant ce quil y a entre le stimulus et le comportement. Elle cherche mettre laccent sur la pense humaine en tudiant tous les phnomnes de cognition. Le terme de cognition est gnralement utilis pour dsigner toute forme de connaissance. Il englobe aussi bien les contenus que les processus. Les contenus correspondent ce que lon sait (les concepts, les faits, les rgles, les souvenirs) et les processus cognitifs recouvrent tout un ensemble dactivits mentales (telles que le langage, lintelligence, lattention, la mmoire, la perception ou encore la reprsentation et rsolution de problme) permettant la constitution de nos connaissances. Centre sur les activits mentales de lindividu et les structures qui les sous-tendent et non plus seulement sur les variations de lenvironnement, la psychologie cognitive se veut avant tout une psychologie de la connaissance. La mtaphore du cerveau-ordinateur est souvent utilise par analogie avec le fonctionnement de lordinateur. Selon le courant cognitiviste, les informations feraient lobjet dun traitement squentiel ou parallle qui pourrait tre schmatis de la manire suivante :

    Entres (perception) > Traitement cognitif > Sorties (comportement).

    La psychologie cognitive tente de rpondre des questions aussi diverses que : Comment les informations sont-elles issues

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    de lenvironnement ? Comment les informations sensorielles sont-elles traites ? Comment sont-elles stockes, organises en mmoire et modiies par apprentissage ? Comment les utilisons-nous (langage, raisonnement, prise de dcision, rsolution de problme, calcul) ? Comment sont-elles abstraites (conscience) ? partir des annes 1970, la psychologie cognitive voluera fortement sous linluence des neurosciences et des nouvelles techniques de neuro-imagerie permettant ltude du cerveau en action selon la formule de Stanislas Dehaene (1997). Dans les annes 1980, de nouvelles mthodes dimagerie crbrale feront leur apparition avec la tomographie par mission de positons (PET), puis limagerie par rsonance magntique fonctionnelle (IRMf) dans les annes 1990 permettant dtudier les difrentes rgions impliques dans une tche exprimentale donne (voir chapitre II). Lobjectif premier ici est didentiier les bases neurobiologiques des modules postuls par la psychologie cognitive. Les neurosciences cognitives sont nes de lutilisation des mthodes des neurosciences dans le cadre exprimental de la psychologie cognitive. De telles inventions constituent une vritable rvolution dont on na pas ini de mesurer les consquences sur ltude du comportement humain.

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    Les bases de la psychanalyse

    la fois thorie des processus mentaux et thrapie, la psychanalyse est un courant part entire qui a connu des fortunes diverses depuis sa cra-tion. Il nen reste pas moins que les concepts quelle a labors, quils soient accepts ou critiqus, font partie du patrimoine des sciences humaines et sont souvent passs dans le langage courant.

    t6OFQTZDIPMPHJFEFTQSPGPOEFVST Dans un article publi en 1922 pour une encyclopdie, Sigmund Freud (1856-1939) proposait cette dinition : La psychanalyse est le nom : 1. dun procd pour linvestigation de processus mentaux peu prs inacces-sibles autrement ; 2. dune mthode fonde sur cette investigation pour le traitement de dsordres nvrotiques ; 3. dune srie de conceptions psycho-logiques acquises par ce moyen et qui saccroissent ensemble pour former progressivement une nouvelle discipline scientiique. ( Psychanalyse, thorie de la libido , Encyclopdia Britannica, 1922.) Ce texte montre pr-cisment quel champ dinvestigations Freud attribue la psychanalyse. Elle comporte selon lui trois facettes : une mthode danalyse des productions mentales rves, actes manqus, mots desprits mais qui stend plus gnralement toute production culturelle (art, religion) ainsi qu lanalyse de la plupart des troubles men-taux (nvroses et psychoses) ; une thrapie destine soigner certaines nvroses. Freud parle bien ici de traitement de dsordres nvrotiques ; enin, Freud considre quil sagit de former progressivement une nouvelle discipline scientiique . Discipline scientiique dont lobjet est bien sr de four-nir une thorie du psychisme que Freud appellera parfois mtapsychologie . La thorie freudienne sarticule autour de quelques ides-forces : les pulsions dorigine sexuelle (Eros ou pulsion de vie) sont le ressort dune vie psychique qui reste, pour une large part, dans lombre de linconscient ; ces pulsions ne connaissent quune loi : le principe de plaisir (le a ) ; mais la qute de plaisir se heurte au principe de ralit dont le moi et le surmoi sont les garants ; ds lors, les pulsions psychologiquement et socialement inacceptables font lobjet dun refoulement ; mais le barrage oppos par les instances psychiques aux forces pulsion-nelles provoque des conlits. Si ces conlits sont trop perturbants, surgissent alors les nvroses ; la cure est destine dbloquer ce conlit psychique entre les exigences du a et celles du moi . Ce noyau dur de la thorie forme le corpus commun des psychanalystes orthodoxes . Autour de ce noyau, Freud a forg un immense diice thorique.

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    t-BUIPSJFEFTQVMTJPOT Lide centrale de Freud est que notre vie psychique ne se rduit pas aux phnomnes conscients. La conscience nest que la partie immerge et visi-ble dun iceberg. La psychanalyse se proccupe dexplorer la psychologie des profondeurs , cette partie immerge de liceberg. Selon Freud, la vie psychique sorganise autour de pulsions inconscien-tes dont la pulsion sexuelle ou libido est le cur. Freud ne rduit pas la pulsion sexuelle au seul dsir daccouplement ralis par les voies gnitales. Il dfend plutt une vision tendue de la sexualit. Elle se manifesterait ds la plus petite enfance travers la recherche de plaisirs corporels comme la succion du sein de la mre (stade oral de la sexualit), puis la matrise de ses sphincters (stade anal). Pour Freud, il y a une dimension rotique dans chacun de ces actes. Vers six ans, le dveloppement psycho-sexuel entre, selon Freud, dans une nouvelle phase. Lenfant dcouvre les difrences et sintresse son propre sexe. Cest le stade phallique. la mme poque, survient le complexe ddipe. Il dsigne les pulsions amoureuses quun enfant prouve lgard dun de ses parents. La petite ille est attire par son pre, et considre sa mre comme une rivale quelle voudrait liminer. De la mme faon, le petit garon dsire sa mre au point de vouloir supprimer son pre. Cest le scnario du drame ddipe, ce personnage de la mythologie grecque qui pousa sa mre Jocaste et tua son pre Laos

    tPrincipes de plaisir et de ralit Ces pulsions sexuelles, instinctives et archaques, sont tournes vers un seul but : leur satisfaction. La sexualit polymorphe ne peut pas toujours sexprimer librement. Elle se heurte des interdits moraux, reprsents au sein du psy-chisme par le surmoi et par les forces de contrle du moi qui cherchent rguler ces pulsions en prservant lintgrit de la personne. Pour Freud, ces pulsions rotiques (celles lgard du pre par exem-ple) sont refoules du champ de la conscience. Le refoulement ne fait pas disparatre ces dsirs. Ils vont se manifester de deux manires : soit sous les formes dtournes que sont les actes manqus de la vie quotidienne, les rves ; soit sous forme de nvroses dues aux conlits psychiques.

    tLes rves et leur interprtation Pour Freud, les dsirs et pulsions refouls vont faire leur rapparition de faon dtourne dans la vie quotidienne : les rves, les actes manqus et les symptmes nvrotiques en sont les tmoins. Le mcanisme est donc le suivant : le sens profond du rve est transform, traduit en un contenu manifeste. La transposition se fait par lintermdiaire dun symbole qui dis-simule, sous lapparence dun signe, dun objet, dune activit ou dune personne, un sens cach.

    Encadr tabli partir de louvrage de Jean-Franois Dortier, Les Sciences humaines, panorama des connaissances, ditions Sciences Humaines, 2009.

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    Sigmund Freud, le conquistador

    Je ne suis ni un vritable homme de science, ni un exprimentateur, ni un penseur, je suis un conquistador, un explorateur () avec la curiosit, laudace et la tnacit qui caractrisent ce genre dhomme. (Lettre Wil-helm Fliess, 1er fvrier 1890) 1856 : Sigmund Freud nat Freiberg (Moravie) ; puis, quatre ans plus tard, installation de la famille Freud Vienne.

    1873 1895 : des tudes de mdecine la dcouverte de linconscientEntre luniversit o Freud entreprend des tudes de mdecine et de neu-ropsychiatrie. En 1876, il rencontre Josef Breuer. En 1885 : sjour Paris o Freud travaille lhpital de La Salptrire auprs de Jean Charcot. Ce dernier pratique alors lhypnose sur des cas dhystrie.En 1886, il rentre Vienne o il se marie avec Martha Bernay et ouvre un cabinet de mdecine. En 1889, au cours dun voyage de perfectionnement Nancy, il commence concevoir une nouvelle thorie du psychisme : Cest l que je reus les plus fortes impressions relatives la possibilit de puissants processus psychiques, demeurs pourtant cachs la conscience des hommes.

    1896 1900 : naissance de la psychanalyseEn 1896, Freud emploie pour la premire fois le mot psychanalyse (psycho-analyse). Il entreprend son auto-analyse . Il rejette lhypnose et commence analyser ses patients en utilisant les associations libres. En 1900, Freud publie LInterprtation des rves, qui sera un chec de librairie. Cependant, la pense de lauteur est trace dans ses grandes lignes.

    De 1900 1939 : le rayonnement de la psychanalysePendant les quatre dcennies qui restent vivre Freud, il se consacre pro-duire une uvre imposante (livres, articles et confrences) o il dveloppe, reformule, vulgarise les concepts de la psychanalyse et crer un mouve-ment psychanalytique travers une association internationale.Lorsque Freud meurt Londres le 23 septembre 1939, lge de 83 ans, la psychanalyse nest plus cette thorie trange et scandaleuse soutenue par un original. Freud a atteint une grande renomme. Il a reu le prix Goethe en 1930. loccasion de son 80e anniversaire, homas Mann lui rend un hommage. Il est nomm la Royal Society de Londres. La psychanalyse sest constitue comme un mouvement international fort de centaines de membres. Il existe des socits psychanalytiques aux tats-Unis, en Angle-terre, Paris.

    Encadr tir de louvrage de Jean-Franois Dortier, Les Sciences humaines, panorama des connaissances, ditions Sciences Humaines, 2009.

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    Chapitre II

    LES MTHODES EN PSYCHOLOGIE

    la question : que fait un psychologue ? , certains rpondront : il coute , dautres diront : il ana-lyse , dautres encore : il teste . Est-ce quun psychologue ne fait qucouter, analyser ou tester ? Bien sr que non ! La prolifration dans les magazines ou sur internet de tests en tout genre peut lais-ser penser que la pratique des tests est la porte de tous. Il nen est rien. Comme nous lavons vu prcdemment, le psychologue transmet des connaissances sur le fonctionnement humain soit dautres professionnels (en gnral des mdecins), soit la com-munaut scientiique laquelle il appartient. Il doit sattacher recueillir des informations pertinentes en respectant une grande rigueur mthodologique garantissant la iabilit et lobjectivit des informations transmises. La mthode peut tre dinie comme lensemble de dmar-ches que suit lesprit pour dcouvrir et dmontrer la vrit dans les sciences , comme lensemble des dmarches labores et habi-tuellement suivies au sein dune discipline donne 1. Ce chapitre se propose de prsenter les spciicits des deux grandes mthodes en psychologie : la mthode clinique et la mthode exprimentale.

    LA MTHODE CLINIQUE

    Le psychologue est un clinicien. Dans son acception initiale, lactivit clinique est celle dun mdecin qui examine au chevet2

    1- Andr Rey, 1990 cit par P. Sockeel et F. Anceaux, La Dmarche exprimentale en psychologie, In Press, 2002.2- Le mot clinique a une origine tymologique grecque : klin qui signiie le lit.

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    du patient les manifestations de la maladie en vue de poser un diagnostic, un pronostic et de prescrire un traitement. La m-thode clinique permet au psychologue dtudier de faon appro-fondie les individus laide des difrentes techniques dinvesti-gation dont certaines peuvent tre normalises (par exemple les tests). Lobjectif est de poser un diagnostic, proposer une prise en charge, conseiller ou encore orienter.

    Les entretiens cliniques

    Lentretien clinique est sans doute loutil fondamental du psy-chologue clinicien. Il sagit dune mthode scientiique rpon-dant des critres de mise en place rigoureux et des objectifs bien dinis. Il existe difrents types dentretiens, en fonction de lobjectif poursuivi : lentretien thrapeutique (lorsque le psy-chologue reoit en entretien un patient dans le cadre par exem-ple dun suivi thrapeutique), lentretien de conseil ou encore lentretien dorientation. La manire de conduire lentretien peut galement varier. Classiquement, on distingue : Les entretiens directifs : le psychologue a prpar ses ques-tions lavance et les pose dans un ordre quil a lui-mme prd-ini, il pose des questions assez prcises tout en laissant une zone dexpression libre au patient. Ce type dentretiens sapparente aux questionnaires denqutes sociologiques ou de satisfaction administrs par des instituts spcialiss concernant tel ou tel pro-duit ou fait de socit. Les entretiens semi-directifs : le psychologue a dini des questions centrales quil prsentera selon lordre qui lui paratra le plus adapt lors de lentretien. Il a dini les sous-thmes de lentretien mais laisse le patient libre pour chacun des sous-th-mes. Les entretiens non directifs : le psychologue na dini ni lordre, ni la formulation, ni mme la nature des questions. Cela signiie quil laisse le patient libre du contenu de son discours par rapport au thme de lentretien. Le psychologue pourra tre amen faire des relances, inciter le patient approfondir un

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    propos, lui demander de prciser certaines choses. Lobjectif est damener la personne sexprimer au maximum tout en la res-pectant, sans aucune manifestation de jugement, dautorit ou dinterprtation. Mener correctement des entretiens non direc-tifs ncessite non seulement une bonne formation mais gale-ment une grande exprience de ce type dentretiens. Les entretiens non directifs sont utiliss de faon prfrentielle par les psychologues cliniciens, alors que les psychologues du tra-vail privilgieront, dans le cadre de leurs activits dorientation, de recrutement ou encore dtudes de motivation, les entretiens directifs ou semi-directifs (ce qui ne les empche pas cependant dutiliser galement parfois les entretiens non directifs). Une des diicults des entretiens, et notamment de lentre-tien non directif, repose sur le recueil des informations. Dans certains cas de igures, il est prfrable que le psychologue puisse enregistrer lintgralit de lentretien. Il devra alors rassurer la personne interroge sur le rle de lenregistrement et rendre le systme denregistrement le plus discret possible. La pratique de lentretien ncessite non seulement une for-mation thorique approfondie mais galement une longue pra-tique. En ce sens, thorie et pratique sont indissociables dans la manire de raliser un entretien clinique. En efet, le rfrentiel thorique qui sert de base au psychologue clinicien pour com-prendre le fonctionnement humain dterminera sa manire de conduire lentretien clinique avec ses patients. Lors des entretiens psychologiques, le psychologue doit adop-ter une attitude neutre et bienveillante tout en veillant adopter une empathie la plus ine possible. Il doit veiller mettre en coniance le patient. Il doit couter sans a priori, et sans porter de jugement sur ce qui est relat par le patient. Il doit matriser les aspects techniques de lentretien (et notamment les techni-ques de formulation et reformulation ou encore les demandes dexplicitation). Simultanment, il doit tre capable danalyser le discours du patient en le situant dans le cadre thorique qui est le sien tout en restant attentif la singularit du patient. En-in, il doit tre en mesure dorienter, de rorienter lentretien en fonction des informations recherches pour la comprhension du fonctionnement psychologique du patient et/ou en fonction

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    de ltat du patient au moment de lentretien (plus particulire-ment en tant attentif aux mcanismes de dfense prsents par le patient ce moment-l).

    Les tests psychologiques

    Le terme quelque peu droutant ! de mthode clinique arme est frquemment utilis pour dsigner lutilisation par les psychologues de tests psychologiques. Un test3 est une mesure psychomtrique. En ce sens, il constitue une des techniques de mesures pratiques en psychologie et dsignes sous le terme g-nrique de psychomtrie. Lobjectif des tests est dobtenir dans un temps relativement court des informations prcises (quantiiables) et objectives (indpendantes de la subjectivit de lexaminateur) sur certains aspects du fonctionnement mental de lindividu. Un test est : une preuve standardise, cest--dire strictement dinie dans ses conditions dapplication et de notation (par exemple, la consi-gne doit tre claire, sans ambigut, identique pour tous, la cotation se fait laide de tables de rfrences normalises ain dviter toute valuation subjective des rponses de la part du psychologue) ; une preuve talonne permettant de situer par la suite la (les) rponse(s) de lindividu test par rapport celle(s) des individus de son groupe dappartenance. Ltalonnage consiste obtenir auprs dune population elle-mme strictement di-nie (appele population dtalonnage) les valeurs de rfrence auxquelles seront compares les rponses de lindividu test. Lchantillon doit tre reprsentatif de la population dans son ensemble, cest--dire avoir les caractristiques les plus proches possible de celles de la population prise dans son ensemble. Les tests sont des instruments dont la pratique demande ex-prience et technicit4. Lanalyse et linterprtation des rsultats

    3- Le mot test dans lancien franais signiiait pot de terre servant lessai de lor en alchimie. 4- Cette exigence dexprience et de technicit explique pourquoi les tests psychologiques ne peuvent tre achets que par des professionnels et/ou des institutions. La principale maison ddition des tests en France est les ECPA (ditions du Centre de psychologie applique http://www.ecpa.fr)

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    obtenus aux tests exigent une formation spciique, non seu-lement thorique mais galement mthodologique. Ainsi, les connaissances thoriques du psychologue sur le fonctionnement humain lui permettent dinterprter de manire pertinente les rsultats obtenus aux tests choisis en fonction de lobjectif vis, de la pathologie ou encore du temps imparti pour lexamen du patient. La passation des tests exige une comprhension des prin-cipes qui ont guid leur laboration, une matrise des chelles de rsultats qui serviront de rfrence pour situer la performance du patient. Deux types dchelles peuvent tre distingus : des chelles en quantiles et des chelles sigmatiques :

    Les chelles en quantiles permettent de situer la performance de lindividu valu dans un des niveaux dinis lors de lta-lonnage du test. Plus prcisment, il sagit dordonner dans un premier temps les performances recueillies auprs de la popu-lation dtalonnage selon un ordre croissant puis de les regrou-per en classes, de manire ce que chaque classe comporte le mme pourcentage de performances. Le dcilage est lexemple dune chelle en quantiles courante : dix classes sont dinies regroupant chacune 10 % des performances de la population dtalonnage avec la classe I regroupant 10 % des notes brutes les plus faibles de lchantillon, la classe II regroupant les 10 % qui suivent et ainsi de suite jusqu la classe X qui regroupera pour sa part les meilleures notes. Il sera par la suite possible de dterminer dans quelle classe se situe la performance de lindividu valu.Les chelles sigmatiques, encore appeles chelles normali-ses, reposent sur lhypothse dune distribution normale des performances dont la moyenne et lcart-type pourront tre calculs. Contrairement aux chelles en quantiles, les classes dinies ne comportent cette fois-ci plus le mme pourcentage de performances mais sont dinies de manire ce que les efectifs de chaque classe soient conformes aux frquences de la distribution normale. Il sera par la suite possible de situer la performance de lindividu test dans la distribution des per-formances de sa population de rfrence.(Voir difrents exemples dans le chapitre consacr lintel-ligence.)

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    Les familles de tests Trois grandes familles de tests peuvent tre distingues, cha-cune centre sur lvaluation dun aspect particulier du fonction-nement psychologique de lindividu. Les tests cognitifs permettent dvaluer lintelligence gn-rale, les aptitudes ou les connaissances. Certains de ces tests per-mettront dobtenir des indices tels le quotient de dveloppement et/ou le quotient intellectuel (voir chapitre VII). Les tests conatifs permettent dvaluer les composantes motivationnelles (par exemple le b